La lettre juridique n°418 du 25 novembre 2010 : Droit pénal fiscal

[Chronique] Chronique de droit pénal fiscal - Novembre 2010

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par Christian Lopez, Maître de conférences à l'Université de Cergy-Pontoise

le 04 Janvier 2011

Alors que les premiers agents spécialement habilités à exercer des fonctions de police judiciaire prennent leurs fonctions dans le cadre du service judiciaire fiscal (SEJUFI), une nouvelle chronique consacrée au droit pénal fiscal permettra d'analyser la procédure spécifique et les éléments constitutifs relatifs l'infraction de fraude fiscale. La mise en oeuvre de pouvoirs de police judiciaire pour prouver la fraude entraînera une exploitation fiscale par la Direction générale des finances publiques (DGFiP). Cette relation particulière entre le ministère de l'Intérieur et le ministère des Finances apparaît comme complémentaire à des services de recherche de fraude déjà existants (DNEF, GIR, BNEE). En effet, les agents du SEJUFI exercent pleinement les fonctions d'officier de police judiciaire dans un encadrement procédural initié par la Commission des infractions fiscales (CIF) amenée à jouer un nouveau rôle. Créés dans une loi de finances rectificative au sein d'un ensemble de mesures destinées à lutter contre la fraude fiscale internationale, l'état de la coopération fiscale et celui de la coopération judiciaire, nationale et internationale devraient se révéler un élément majeur de la lutte contre la fraude fiscale internationale. I - Procédure fiscale

A - Instauration d'une "police fiscale" en France

Le renforcement de la lutte contre les paradis fiscaux a été l'occasion en France d'instaurer une police fiscale dotée de moyens d'investigations similaires à ceux de la police judiciaire. La troisième loi de finances rectificative pour 2009 (1) a mis en place un dispositif conférant des pouvoirs de police judiciaire à des agents de l'administration fiscale. Elle crée, ainsi, une police thématique à vocation essentiellement fiscale pour rechercher et constater les infractions prévues par les articles 1741 (N° Lexbase : L2352IET) et 1743 (N° Lexbase : L1735HNL) du CGI. De nombreux pays ont octroyé à leur administration fiscale une compétence de police judiciaire dont la mise en oeuvre varie en fonction de l'organisation du système pénal et fiscal. La police fiscale peut prendre la forme soit d'une administration autonome aux moyens puissants et aux missions extrêmement variées comme en Italie avec la Guardia di Finanza, soit de services dédiés au sein de l'administration fiscale comme en Allemagne, aux Etats-Unis ou aux Pays-Bas, ou encore d'agents placés auprès de structures spécialisées comme en Belgique. Avec l'attribution de certains pouvoirs de police judiciaire à des fonctionnaires de la DGFiP, la France vient de mettre en place des agents du fisc, ni officier, ni agent de police judiciaire, mais spécialement habilités à être judiciairement commis (2). Loin de constituer un modèle de clarté au regard des risques de confusion des actes menés par des agents du fisc et susceptibles d'être exploités dans le cadre des procédures fiscales, ce texte tend à accroître les moyens humains des magistrats pour mener à bien leurs investigations dans des domaines nécessitant des compétences techniques dans les méandres souvent ardus du droit comptable et du droit fiscal.

La question est de savoir si ces nouvelles attributions confiées à des agents de l'administration fiscale, dont l'une des taches essentielles est de contrôler l'exactitude des bases sur lesquelles reposent l'impôt dû, n'auront pas, in fine, à entraîner des détournements de la procédure de contrôle fiscal indépendamment des précautions rédactionnelles du texte ? Les fonctionnaires des impôts sont-ils adaptés à recevoir des missions de police judiciaire ?

Une procédure d'enquête judiciaire menée par des agents des services fiscaux habilités et dirigés par le Parquet, pour les cas de fraude fiscale recourant à l'utilisation de faux ou de comptes détenus directement ou indirectement dans des Etats non coopératifs ("paradis fiscaux"), a donc finalement été mise en place. Il s'agit d'une police thématique relative à des enquêtes essentiellement dédiée à la fraude fiscale dont le dispositif peut paraître limité dans sa portée pratique. En revanche, ce nouveau dispositif adapte corrélativement les règles du contrôle fiscal, notamment le régime de prescription du droit de reprise de l'administration fiscale, faisant ainsi de cette nouvelle procédure une arme redoutable du contrôle fiscal. L'article 23 de la loi du 30 décembre 2009 crée une procédure d'enquête judiciaire menée par des agents des services fiscaux habilités et dirigés par le Parquet, pour les cas de fraude fiscale recourant à l'utilisation de faux ou de comptes détenus directement ou indirectement dans des Etats non coopératifs ("paradis fiscaux"), tout en élargissant les pouvoirs spécifiques des agents chargés du contrôle fiscal.

Depuis le 1er janvier 2010, une procédure d'enquête judiciaire peut être diligentée lorsqu'il existe un risque de dépérissement des preuves de fraude fiscale recourant à l'utilisation de faux ou de comptes détenus directement ou indirectement dans des Etats non coopératifs ("paradis fiscaux"). Cette nouvelle procédure est codifiée aux articles L. 228 (N° Lexbase : L3362IGM) et L. 188 B (N° Lexbase : L3305IGI) du LPF et à l'article 28-2 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3331IGH).

B - Le nouveau dispositif d'enquête judiciaire du fisc

Dans certain cas de fraude, le nouveau dispositif organise le secret des travaux de la Commission des infractions fiscales dans l'hypothèse où les preuves de la fraude risqueraient d'être altérées. Enfin, il adapte corrélativement les règles du contrôle fiscal, notamment le régime de prescription du droit de reprise de l'administration fiscale.

1 - Des prérogatives judiciaires strictement encadrées

L'article 23 de la loi de finances rectificatives pour 2009 définit les conditions de mise en oeuvre de cette procédure et organise les modalités de la nouvelle procédure d'enquête afin de permettre aux agents de l'administration d'utiliser des pouvoirs de police judiciaire.

  • Les conditions de mise en oeuvre de la procédure d'enquête

Les nouveaux alinéas 3 à 6 de l'article L. 228 du LPF subordonnent la mise en oeuvre de la procédure à trois conditions cumulatives : l'existence de présomptions caractérisées de fraude, certaines fraudes fiscales très graves, liées notamment à l'évasion fiscale et à l'usage de faux, et un risque de dépérissement des preuves. Bien que non définie par l'article L. 228 du LPF, la notion de dépérissement des preuves est juridiquement connue (3). Elle renvoie aux situations dans lesquelles il y a un risque d'altération ou de perte au détriment de l'administration, de ce qui permettrait de constater un fait, en l'occurrence la fraude fiscale.

Cette procédure permet à l'administration de saisir la Commission des infractions fiscales lorsqu'elle n'a pas réuni des preuves suffisantes pour mettre en oeuvre des poursuites pour fraude fiscale mais qu'elle dispose de présomptions caractérisées de l'existence d'une telle fraude. Des présomptions simples de fraude fiscale ne sont pas suffisantes. En pratique, l'administration ne devrait soumettre à l'avis de la Commission des infractions fiscales que des dossiers suffisamment étayés, pour lesquels elle détient des indices suffisants, obtenus dans le cadre des procédures administratives (droit de communication, droit d'enquête, vérification de comptabilité, droit de visite et de saisie, assistance administrative internationale).

  • Mise oeuvre de la procédure d'enquête

Dans les cas de présomptions caractérisées de fraude visés aux 1° à 3° de l'article L. 228 du LPF, l'administration ne peut déposer une plainte qu'après avis conforme de la Commission des infractions fiscales. En effet, la nécessité de l'avis conforme de la Commission, préalable à la saisine du Parquet par le dépôt de plainte de l'administration, est maintenue. Toutefois, ce déclenchement des enquêtes est organisé dans le secret des travaux de la Commission. Une fois la plainte déposée, l'enquête judiciaire pourra être, sous le contrôle de l'autorité judiciaire, confiée à des agents de l'administration fiscale qui se voient dotés de prérogatives judiciaires. Ainsi, la nouvelle procédure permet de saisir la Commission des infractions fiscales non sur la base d'un dossier constitué, mais sur la base de présomptions caractérisées de fraude dans les cas visés par le texte. En revanche, les règles applicables à cette procédure diffèrent sur deux points des règles traditionnelles des poursuites pour fraude fiscale puisque, d'une part, le contribuable ne sera pas informé de la saisine de la Commission des infractions fiscales par le ministre chargé du Budget et, d'autre part, l'avis rendu par la Commission ne sera pas porté à la connaissance du contribuable. Cette absence d'information du contribuable a précisément pour objet d'éviter tout dépérissement des preuves avant que l'enquête judiciaire ne soit ouverte.

Le nouvel article 28-2 du Code de procédure pénale définit les règles de compétence et les pouvoirs des agents de l'administration fiscale pouvant être chargés, par le procureur ou par le juge d'instruction, de rechercher et de constater la fraude fiscale complexe. L'octroi de ces prérogatives, qui s'ajoutent à une saisine plus précoce de l'autorité judiciaire, doit permettre d'apporter une réponse aux situations de fraude fiscale dans lesquelles le recours aux seules procédures administratives (droit de visite et de saisie de l'article L. 16 B du LPF (N° Lexbase : L0549IHS), vérification de comptabilité ou examen contradictoire de situation fiscale personnelle notamment) s'avère insuffisant.

L'habilitation à effectuer des enquêtes judiciaires est réservée aux fonctionnaires de catégories A et B des services fiscaux, spécialement désignés par arrêté des ministres chargés de la Justice et du Budget, pris après avis conforme d'une commission (C. proc. pén., art. 28-2, I et III). Les agents des services fiscaux désignés devront, pour mener des enquêtes judiciaires et recevoir des commissions rogatoires, y être habilités personnellement en vertu d'une décision du procureur général. Ces agents sont placés au sein du ministère de l'intérieur.

L'article 28-2, I, du Code de procédure pénale encadre strictement la compétence des agents habilités. En effet, ils ont compétence, sur l'ensemble du territoire, pour rechercher et constater les infractions prévues par les articles 1741 et 1743 du CGI. La compétence est donc limitée au délit général de fraude fiscale de l'article 1741 du CGI, qui vise quiconque s'est frauduleusement soustrait ou a tenté de se soustraire frauduleusement à l'établissement ou au paiement total ou partiel de l'impôt, et aux délits assimilés au délit général de fraude fiscale visés à l'article 1743 du CGI. Par ailleurs, en ces matières, ils ne pourront intervenir que dans les seules hypothèses de fraude fiscale complexe, puisque l'article 28-2 du Code de procédure pénale conditionne leur compétence à l'existence "de présomptions caractérisées que les infractions prévues par ces articles du CGI résultent d'une des conditions prévues aux 1° à 3° de l'article L. 228 du LPF". L'article 28-2 du Code de procédure pénale énonce expressément et limitativement les prérogatives de nature judiciaire dont les agents de l'administration fiscale sont investis dans le cadre de ces enquêtes : ce sont les actes visés aux deuxième et troisième alinéas de l'article 54 (N° Lexbase : L7227IMM) et aux articles 55-I (N° Lexbase : L7100A4Q), 56 (N° Lexbase : L7226IML), 57 (N° Lexbase : L5957IED) à 62, 63 (N° Lexbase : L7288A4P) à 67 et 75 (N° Lexbase : L7176IMQ) à 78 du même code. Lorsqu'ils interviennent sur réquisition du procureur de la République, ils pourront notamment procéder au constat de l'infraction (C. proc. pén., art. 54), aux mesures d'identification des personnes tels les relevés signalétiques (C. proc. pén., art. 55-1), à des perquisitions, -et dans ce cadre à des saisies de papiers, documents et données informatiques C. proc. pén., art. 56), à la réquisition de personnes qualifiées (C. proc. pén., art. 60 N° Lexbase : L7114A4A) ou de personnes susceptibles de détenir des informations utiles à l'enquête (C. proc. pén., art. 60-1 N° Lexbase : L3499IGP et art. 60-2 N° Lexbase : L2442IE8), à des auditions (C. proc. pén., art. 62 N° Lexbase : L0958DY7) ou à des gardes à vue (C. proc. pén., art. 63)-. Par ailleurs, lorsqu'ils agissent sur commission rogatoire d'un juge d'instruction, ils pourront également procéder à des écoutes (C. proc. pén., art. 100 N° Lexbase : L4316AZU à 100-7) ou exercer, dans les limites de cette commission, tous les pouvoirs du juge d'instruction (C. proc. pén., art. 152 N° Lexbase : L5551DYA à 155).

2 - Les nouveaux pouvoirs au regard de la procédure fiscale

Le nouveau dispositif souligne, dans un premier temps, une stricte étanchéité des procédures d'enquête pénale et de contrôle fiscal, pour, dans un second temps, octroyer des pouvoirs exorbitants de droit commun dans le cadre du droit de vérification.

  • Les liens entre les procédures pénale et fiscale

Le texte présente une indépendance entre les procédures d'enquête pénale et de contrôle fiscal. Pendant la durée de leur habilitation, il est précisé que les agents des services fiscaux habilités ne peuvent participer à aucune procédure de contrôle de l'impôt prévue par le LPF et ce, quel que soit le contribuable vérifié. Par ailleurs, ils ne peuvent pas effectuer des enquêtes judiciaires dans le cadre de faits pour lesquels ils ont participé à une procédure de contrôle de l'impôt avant d'être habilités à effectuer des enquêtes. Après la fin de leur habilitation, ils ne pourront pas participer à une procédure de contrôle de l'impôt dans le cadre de faits dont ils avaient été saisis par le procureur de la République ou toute autre autorité judiciaire au titre de leur habilitation.

  • Des pouvoirs exorbitants de droit commun sur la procédure de contrôle fiscal

Afin de tenir compte de l'interaction entre les enquêtes pénales menées dans le cadre de l'article L. 228 du LPF, diverses dispositions de la procédure fiscale relatives aux délais de reprise de l'administration et aux modalités de son contrôle ont été modifiées. Il convient de rappeler que le droit de reprise de l'administration fiscale, en vertu duquel elle peut réparer les omissions, insuffisances ou erreurs commises dans l'établissement de l'impôt, ne peut s'exercer, en principe, que jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due (4). En cas de dépôt d'une plainte pour fraude fiscale "simple", le délai de reprise est prolongé de deux années (5), à la condition que les personnes poursuivies ne bénéficient ni d'une relaxe, ni d'un non-lieu (6).

Le nouvel article L. 188 B du LPF prévoit une prorogation du délai de reprise lorsque l'administration a, dans ce délai, déposé une plainte ayant abouti à l'ouverture d'une enquête judiciaire pour fraude fiscale dans les cas visés aux 1° à 3° de l'article L. 228.

Ce dispositif a seulement pour effet de proroger le délai de reprise. Il ne s'agit donc pas d'un mécanisme d'extension du délai de reprise, tels ceux visés à l'article L. 169, alinéa 2, du LPF (N° Lexbase : L5717IMP) en matière d'activité occulte ou à l'article L. 187 du même livre (N° Lexbase : L8361AEE) en cas de fraude fiscale "simple" par exemple. La prorogation du délai de reprise est subordonnée au respect de trois conditions cumulatives :

- une plainte doit avoir été introduite par l'administration pour les cas de fraude fiscale complexes définis. Sont donc exclus du dispositif de prorogation du délai de reprise de l'article L. 188 B du LPF les autres cas de saisine de l'autorité judiciaire pour fraude fiscale ;

- le dépôt de plainte doit être intervenu dans le délai de reprise ;

- la plainte déposée doit avoir donné lieu à l'ouverture d'une enquête judiciaire. Il en ira, ainsi, lorsque, à la suite du dépôt de plainte, une enquête préliminaire aura été initiée ou une information judiciaire ouverte. A l'inverse, lorsque le procureur de la République décidera de classer sans suite la plainte, les dispositions de l'article L. 188 B du LPF ne trouveront pas à s'appliquer.

Lorsque ces conditions seront réunies, l'administration dispose d'un délai spécifique pour réparer les omissions ou insuffisances d'imposition afférentes aux éléments faisant l'objet de la demande. La proposition de rectification destinée à réparer les omissions ou insuffisances concernées par l'enquête judiciaire ouverte pour fraude fiscale pourra être adressée jusqu'à la fin de l'année qui suit la décision qui met fin à la procédure et au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due. Une double limitation est ainsi instaurée : un délai butoir de dix ans et un délai d'un an lié à la fin de la procédure judiciaire.

Par ailleurs, l'article L. 50 du LPF (N° Lexbase : L3296IG8) interdit à l'administration fiscale, lorsqu'elle a procédé à un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'un contribuable au regard de l'impôt sur le revenu, de procéder à des rectifications pour la même période et pour le même impôt. De même, l'article L. 51 du même livre (N° Lexbase : L3310IGP) interdit à l'administration de procéder à une vérification de comptabilité sur une période et pour des impôts, taxes ou groupes d'impôts qui ont déjà été contrôlés. Le présent article autorise l'administration à procéder à des rectifications de l'impôt sur le revenu au titre d'une période ayant déjà fait l'objet d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle, ou à renouveler une vérification de comptabilité pour des impôts et périodes déjà vérifiés lorsqu'une plainte ayant abouti à l'ouverture d'une enquête judiciaire pour fraude fiscale a été déposée

Enfin, l'article L. 52 du LPF (N° Lexbase : L3356IGE) limite à trois mois, sauf exceptions, la durée de la vérification sur place des livres ou documents comptables des petites entreprises à peine de nullité de l'imposition (7). Une nouvelle exception à cette règle est prévue en présence d'une procédure judiciaire d'enquête. En effet, lorsqu'à la date d'expiration de ce délai, une enquête judiciaire ou une information ouverte par l'autorité judiciaire dans le cas mentionné à l'article L. 188 B sera en cours, le délai de trois mois ne sera pas opposable à l'administration.

II - Les infractions et sanctions

A - Infractions visées par le SEJUFI

Le champ de la procédure judiciaire d'enquêtes fiscales est limité à trois types de fraude, qui ont en commun leur complexité. Si les deux premiers visent les hypothèses de fraudes réalisées via des paradis fiscaux, le dernier n'introduit en revanche aucun critère d'extranéité.

Le premier cas de mise en oeuvre de la nouvelle procédure vise "l'utilisation, aux fins de se soustraire à l'impôt, de comptes ou de contrats souscrits auprès d'organismes établis dans un Etat ou territoire qui n'a pas conclu avec la France de convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale entrée en vigueur au moment des faits et dont la mise en oeuvre permet l'accès effectif à tout renseignement, y compris bancaire, nécessaire à l'application de la législation fiscale française" (8). La fraude visée est celle réalisée directement par les contribuables en recourant notamment à des comptes bancaires ouverts ou des contrats d'assurance-vie souscrits auprès d'organismes situés dans des Etats ou territoires non coopératifs, c'est-à-dire des Etats ou territoires ne permettant pas à l'administration fiscale française d'obtenir effectivement des renseignements à des fins fiscales. L'accès à ces renseignements devant être effectif, devraient être considérés comme non coopératifs, les Etats et territoires qui, bien qu'ayant conclu avec la France des conventions fiscales d'assistance administrative, n'en appliquent pas dans les faits les dispositions, pour quelque motif que ce soit. A titre d'illustration, il est précisé que, pour l'OCDE, l'échange de renseignements en matière fiscale est effectif lorsque des renseignements fiables, susceptibles d'être pertinents et respectant les obligations fiscales d'une juridiction requérante, sont disponibles ou peuvent être rendus disponibles dans les délais impartis, et lorsqu'il existe des dispositifs juridiques permettant l'obtention et l'échange de renseignements. Enfin, le caractère coopératif de ces Etats ou territoires est apprécié au moment de la réalisation des faits susceptibles d'être constitutifs de fraude fiscale.

Le deuxième cas de mise en oeuvre de la procédure vise "l'interposition, dans ces mêmes Etats ou territoires, de personnes physiques ou morales ou de tout organisme, fiducie ou institution comparable" (9). Il s'agit de la fraude réalisée indirectement en recourant à des personnes interposées dans des Etats ou territoires non coopératifs tels que définis ci-dessus, quelle qu'en soit la forme (personne physique ou morale, fiducie, fondation, trust, etc.).

Le troisième cas vise "l'usage d'une fausse identité ou de faux documents au sens de l'article 441-1 du Code pénal (N° Lexbase : L2006AMA), ou de toute autre falsification" (10). Sont concernées toutes les fraudes réalisées en recourant au faux ou à la falsification. Il est précisé à cet égard qu'aux termes de l'article 441-1 du Code pénal, constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d'expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques. Selon la jurisprudence, la fausse écriture commerciale, tout comme l'absence frauduleuse d'écriture commerciale, est constitutive de faux. Il en va de même de la fausse facture lorsqu'elle est utilisée comme justificatif. Devraient ainsi être concernées les fraudes dans lesquelles sont utilisés de faux noms ou des identités usurpées, de fausses adresses, de fausses factures ou faisant intervenir des officines de facturation ou des trafics de documents.

B - Sanctions

Il est intéressant de noter que statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité transmise par un jugement du tribunal correctionnel de Vienne en date du 29 juin 2010, dans la procédure suivie du chef de fraude fiscale, la Cour de cassation a renvoyé au Conseil constitutionnel la question suivante (Cass. crim., 5 octobre 2010, n° 10-90.097, F-D N° Lexbase : A3909GBE) : "Les dispositions de l'article 1741, alinéa 4, du CGI portent-elles atteinte aux principes de la nécessité et de l'individualisation des peines garantis par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 (N° Lexbase : L1371A9N) en ce qu'elles imposent, de manière automatique, la publication et l'affichage aux frais du condamné, d'un éventuel jugement de condamnation, sans que le juge ait expressément prononcé une telle peine complémentaire au regard des circonstances propres à l'espèce ?".

Dans l'attente de la décision du Conseil constitutionnel, précisons qu'il ressort du quatrième alinéa de l'article 1741 du CGI, que le tribunal ordonne dans tous les cas la publication intégrale ou par extraits des jugements dans le Journal officiel de la République française ainsi que dans les journaux désignés par lui et leur affichage intégral ou par extraits pendant trois mois sur les panneaux réservés à l'affichage des publications officielles de la commune où les contribuables ont leur domicile ainsi que sur la porte extérieure de l'immeuble du ou des établissements professionnels de ces contribuables. Les frais de la publication et de l'affichage dont il s'agit sont intégralement à la charge du condamné. Il s'agit d'une peine complémentaire obligatoire n'ayant pas le caractère d'une réparation civile en rapport à un préjudice déterminé. Selon une jurisprudence constante, le juge est tenu d'ordonner la publication et l'affichage sans en fixer la durée prévue par le texte (Cass. crim., 23 février 1972, Bull. crim., 1972, p. 173, n° 73 ; Cass. crim., 17 novembre 1976, Bull. crim.,. 1976, p. 838 n° 329). La Chambre criminelle a eu l'occasion de préciser qu'une cour d'appel qui a prononcé contre un contribuable déclaré coupable de fraude fiscale et de passation d'écritures comptables inexactes, les peines complémentaires d'affichage et de publication du jugement de condamnation prévues par l'article 1741, alinéa 4, du CGI n'a méconnu ni l'article 8 §1 de la DDHC, ni l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L4764AQI). Ces peines constituent, en effet, des sanctions légales étrangères aux prévisions de ces textes (Cass. crim., 26 mars 1990, n° 89-82.637 N° Lexbase : A7829BSR, Bull. crim., 1990, p. 352, n° 131 ; Cass. crim., 2 mars 1992, n° 90-84.272 N° Lexbase : A7830BSS). Il a été également jugé que les peines complémentaires de l'affichage et de la publication du jugement de condamnation, édictées par l'article 1741 du CGI, ne méconnaissent pas l'article 6 § 1 de la Convention (N° Lexbase : L7558AIR) dans la mesure où ces mesures s'appliquent de plein droit. L'appréciation des juridictions répressives n'est pas requise, le prononcé n'étant subordonné qu'à la reconnaissance de la culpabilité de l'auteur d'une fraude fiscale par le juge pénal, après examen préalable de la cause par un tribunal indépendant et impartial (Cass. crim., 7 mars 2001, n° 00-82.538 N° Lexbase : A0834AYK).

Soulignons également qu'en vertu des articles 132-21 du Code pénal (N° Lexbase : L3759HGC) et 702-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9382IE9), les juges ont la faculté de relever en tout ou partie les condamnés des interdictions, déchéances, incapacités ou mesures de publication résultant de leur condamnation sans être tenus de motiver par des motifs spéciaux (Cass. crim., 13 janvier 1992, n° 91-83.219 N° Lexbase : A3180CSL). Seul l'article 702-1 du Code de procédure pénale prévoit que les mesures de publication et d'affichage sont susceptibles d'être relevées. Le contribuable doit donc présenter sa demande sur ce dernier fondement.


(1) Loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 (N° Lexbase : L1817IGE), JO du 31 décembre 2009, p. 22940.
(2) Réforme copiée sur celle des agents des douanes habilité à être judiciairement commis, Loi n° 99-515 du 23 juin 1999, renforçant l'efficacité de la procédure pénale (N° Lexbase : L2004ATE), JO du 24 juin 1999.
(3) Voir par exemple l'article 208 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1663H4D).
(4) Pour un contrôle déclenché en 2010, la vérification portera sur les années 2007 à 2009.
(5) Pour une plainte déposée en 2010 le contrôle pourra être étendu aux années 2005 et 2006.
(6) LPF, art. L. 187.
(7) Les petites entreprises concernées sont les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues à l'article 302 septies A, I du CGI (N° Lexbase : L0123IKR), ainsi que les contribuables se livrant à une activité agricole, lorsque le montant annuel des recettes brutes n'excède pas la limite prévue à l'article 69, II-b du CGI (N° Lexbase : L3060HNN).
(8) LPF, art. L. 228, 1°.
(9) LPF, art. L. 228, 2°.
(10) LPF, art. L. 228, 3°.

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