La lettre juridique n°418 du 25 novembre 2010 : Rel. collectives de travail

[Jurisprudence] Détermination de la représentativité dans les entreprises divisées en établissements distincts

Réf. : Cass. soc., 10 novembre 2010, n° 09-72.856, FS-P+B (N° Lexbase : A9085GGL)

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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV

le 04 Janvier 2011

Depuis l'adoption de la loi du 20 août 2008 (loi n° 2008-789 N° Lexbase : L7392IAZ), sont représentatives au niveau de l'entreprise ou de l'établissement, les organisations syndicales qui, entre autres critères, ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des élections des titulaires au comité d'entreprise ou de la délégation du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel. Ce faisant, le texte a introduit une hiérarchie entre ces différentes élections, les résultats obtenus aux dernières ne pouvant être pris en considération que si les premières n'ont pas été organisées. Pour être d'une mise en oeuvre relativement aisée dans l'entreprise à structure unique, cette règle est d'une application beaucoup plus complexe dans l'entreprise divisée en établissements distincts. L'arrêt rendu le 10 novembre 2010 par la Cour de cassation apporte à cet égard quelques éléments de réponse, dont il est cependant difficile d'inférer une règle d'application générale, compte tenu des particularités de l'espèce. Ainsi que l'affirme la Chambre sociale, il résulte de la loi que le score électoral participant à la détermination de la représentativité d'un syndicat est celui obtenu aux élections au comité d'entreprise ou au comité d'établissement quand bien même, en application d'un accord collectif, le périmètre au sein duquel le syndicat désigne un délégué serait plus restreint que celui du comité et correspondrait à un établissement au sein duquel sont élus les délégués du personnel.
Résumé

Selon l'article L. 2122-1 du Code du travail (N° Lexbase : L3823IB9), sont représentatives dans l'entreprise ou l'établissement, les organisations syndicales qui satisfont aux critères de l'article L. 2121-1 (N° Lexbase : L3727IBN) et qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants. Il en résulte que le score électoral participant à la détermination de la représentativité d'un syndicat est celui obtenu aux élections au comité d'entreprise ou au comité d'établissement quand bien même, en application d'un accord collectif, le périmètre au sein duquel le syndicat désigne un délégué serait plus restreint que celui du comité et correspondrait à un établissement au sein duquel sont élus les délégués du personnel.

Observations

I - Présentation du problème

La hiérarchie des élections

Parmi les différents critères permettant de déterminer la représentativité des organisations syndicales, figure en bonne place l'audience électorale, dont l'article L. 2121-1, 5° du Code du travail (N° Lexbase : L3727IBN) précise qu'elle est "établie selon les niveaux de négociation conformément aux articles L. 2122-1 (N° Lexbase : L3823IB9), L. 2122-5 (N° Lexbase : L1857IN4), L. 2122-6 (N° Lexbase : L1858IN7) et L. 2122-9 (N° Lexbase : L1859IN8)".

S'agissant du niveau de l'entreprise ou de l'établissement, qui seul nous intéresse ici, l'article L. 2122-1 du Code du travail dispose qu'y sont représentatives "les organisations syndicales qui satisfont aux critères de l'article L. 2121-1 et qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants".

Au regard de l'utilisation de la locution "à défaut" par le législateur, on pouvait raisonnablement penser que celui-ci avait souhaité instituer une hiérarchie entre les élections professionnelles, s'agissant de la détermination de l'audience électorale. C'est l'interprétation qu'a retenue la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 13 juillet 2010, en affirmant que "l'audience recueillie par les organisations syndicales aux élections des délégués du personnel ne peut être prise en compte, pour apprécier leur représentativité, que s'il ne s'est pas tenu dans l'entreprise d'élections au comité d'entreprise ou à la délégation unique du personnel permettant de mesurer cette audience" (1).

Cette solution, au demeurant parfaitement justifiée, n'a, cependant, résolu qu'une partie des ambiguïtés posées par la rédaction de l'article L. 2121-1 du Code du travail. Plus précisément, si cette disposition, telle qu'interprétée par la Chambre sociale, est d'une mise en oeuvre aisée lorsque l'entreprise est dotée d'une structure unitaire, il n'en va pas de même lorsqu'elle est divisée en établissements distincts. Dans cette hypothèse, on pouvait, néanmoins, penser que la résolution de la difficulté passait par l'application de ce que l'on appelle le "principe de concordance".

Le "principe de concordance"

Dans la mesure où, antérieurement à l'adoption de la loi du 20 août 2008, un syndicat pouvait prouver sa représentativité, la Cour de cassation avait dû régler la question de son appréciation dans les entreprises à structures complexes. Elle avait, à cette fin, établi ce qu'il est convenu d'appeler un "principe de concordance", selon lequel la représentativité ne peut être appréciée indépendamment de la prérogative syndicale invoquée (2). En d'autres termes, lorsqu'un syndicat entendait exercer une prérogative subordonnée à sa représentativité au niveau d'un établissement, celle-ci devait être démontrée à ce niveau, sans qu'il puisse être tiré effet du fait que cette représentativité ait pu par ailleurs être établie au niveau de l'entreprise toute entière.

A l'évidence, la loi du 20 août 2008 a donné une nouvelle ampleur à ce "principe de concordance" (3). Mais, elle en a, en même temps, complexifié la mise en oeuvre, d'une part, en faisant de l'audience électorale un critère à part entière de la représentativité syndicale et, d'autre part, en instituant, ainsi qu'il a été vu, une hiérarchie entre les élections.

Compte tenu de cette règle, et ainsi que l'affirme la circulaire DGT n° 2008/20 du 13 novembre 2008 (N° Lexbase : L8532IBM), "dans une entreprise avec un seul comité d'entreprise, mais composée de plusieurs établissements distincts dans lesquels se déroulent des élections des délégués du personnel, ce sont les élections au comité d'entreprise qui sont prises en compte pour déterminer les syndicats représentatifs dans l'entreprise et l'ensemble des établissements". Il faut se demander, à la lecture de l'arrêt sous examen, si la Cour de cassation n'a pas fait, au moins, en partie sienne cette interprétation.

II - Eléments de solution

L'affaire

En l'espèce, par lettre du 24 juin 2009, le syndicat des cheminots Force ouvrière de la Loire avait, par application d'un accord collectif du 11 janvier 1996 fixant le cadre de désignation des délégués syndicaux, désigné M. X en qualité de délégué syndical pour l'établissement de traction (ET) SNCF Rhône-et-Loire, compris dans le périmètre plus large au sein duquel est instauré un comité d'établissement.

Le syndicat mandant, la fédération FO des cheminots et M. X faisaient grief au jugement attaqué d'avoir annulé la désignation de ce délégué. Ils soutenaient, notamment, à l'appui de leur pourvoi, que le juge saisi d'une contestation d'une désignation d'un délégué syndical doit apprécier la représentativité du syndicat auteur de la désignation dans le périmètre de l'exercice de son droit à négocier attaché à sa représentativité. Or, dans la mesure, où il n'était pas contesté que des élections de délégués du personnel avaient été organisées au sein de l'établissement Rhône-et-Loire, périmètre dans lequel avait été désigné M. X, en reprochant au syndicat FO de ne pas avoir démontré sa représentativité aux élections du comité régional d'établissement Rhône-Alpes, le tribunal d'instance aurait violé la loi.

Les parties demanderesses soutenaient, par ailleurs, que les articles 5 et 6 de la partie II de la Charte sociale européenne révisée de 1996 garantissent la liberté syndicale et la liberté de négocier et que l'exercice du droit syndical est reconnu dans toutes les entreprises dans le respect des droits et libertés garantis par la Constitution de la République (N° Lexbase : L7403HHN). Par ailleurs, l'article 2 du statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel prévoit, en son § 1, alinéa 2, qu'au niveau de chaque établissement, sont représentatives les organisations syndicales qui, notamment, ont recueilli au moins 10 % des voix aux élections du comité d'établissement, tandis que l'article 3 de ce même statut prévoit, en son alinéa 1er, que chaque organisation syndicale représentative au niveau d'un comité d'établissement peut désigner des délégués syndicaux parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages aux élections de ce comité d'établissement ou des délégués du personnel du périmètre correspondant. En son alinéa 3, cet article 3 prévoit, également, que ces délégués syndicaux peuvent être positionnés, non seulement, au niveau du comité d'établissement, mais aussi, en particulier, au niveau de chaque établissement au sens de l'accord relatif au droit syndical et à la représentation du personnel dans les établissements du 11 janvier 1996, autrement dit au niveau du périmètre de l'élection des délégués du personnel et de la désignation des délégués syndicaux. Par voie de conséquence, ces dispositions n'excluent pas que des organisations syndicales puissent se voir reconnaître leur représentativité dans un autre cadre que celui du comité d'établissement de région, et en particulier, celui des élections de délégués du personnel, dès lors qu'elles entendent y exercer les prérogatives qui y sont attachées.

La solution

Aucun des arguments évoqués par les auteurs du pourvoi n'aura convaincu la Cour de cassation qui rejette celui-ci au terme d'une motivation pour le moins développée, qu'il importe de reproduire in extenso :

"Mais attendu, d'abord, d'une part, que si le droit de mener des négociations collectives est, en principe, devenu l'un des éléments essentiels du droit de fonder des syndicats et de s'affilier à des syndicats, les Etats demeurent libres de réserver ce droit aux syndicats représentatifs selon des critères qu'ils fixent, ce que ne prohibent pas les articles 5 et 6 de la Charte sociale européenne, d'autre part, que par décision du 7 octobre 2010, le Conseil constitutionnel à jugé que les critères retenus par la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 et contestés par le moyen n'étaient contraires à aucun droit ou liberté que la Constitution garantit ;

Attendu, ensuite, que selon l'article L. 2122-1 du Code du travail, sont représentatives dans l'entreprise ou l'établissement, les organisations syndicales qui satisfont aux critères de l'article L. 2121-1 et qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants ; qu'il en résulte que le score électoral participant à la détermination de la représentativité d'un syndicat est celui obtenu aux élections au comité d'entreprise ou au comité d'établissement quand bien même, en application d'un accord collectif, le périmètre au sein duquel le syndicat désigne un délégué serait plus restreint que celui du comité et correspondrait à un établissement au sein duquel sont élus les délégués du personnel ;

Attendu, encore, que selon le statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel, "sont représentatives au niveau de l'entreprise les organisations syndicales qui satisfont aux critères définis à l'article L. 2121-1 du Code du travail et qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires aux comités d'établissements, quel que soit le nombre de votants", et que "sont représentatives au niveau de chaque comité d'établissement, les organisations syndicales qui satisfont aux critères définis à l'article L. 2121-1 du Code du travail et qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des élections des titulaires au comité d'établissement, quel que soit le nombre de votants" ;

Et attendu, enfin, qu'après avoir constaté que le syndicat ayant procédé à la désignation litigieuse n'avait pas obtenu un score d'au moins 10 % lors des élections au comité d'établissement Rhône-Alpes de la SNCF le 26 mars 2009, c'est à bon droit, et sans encourir les griefs du moyen, que le tribunal a annulé la désignation de M. C. en qualité de délégué syndical au sein de l'établissement traction ET Rhône Loire peu important que des élections de délégués du personnel aient été organisées dans le cadre de cet établissement compris dans le périmètre du comité d'établissement Rhône-Alpes et que le syndicat y ait obtenu un score d'au moins 10 %".

On passera rapidement sur le premier attendu car il ne fait que reprendre la solution retenue antérieurement par la Cour de cassation saisie de la conventionnalité de la réforme de la représentativité syndicale (4), et la position du Conseil constitutionnel adoptée consécutivement à l'une des questions prioritaires de constitutionnalité qui lui a été soumise (5).

Les autres attendus exigent en revanche de plus amples développements afin de tenter d'établir la portée qu'il convient de donner à la solution retenue par la Cour de cassation.

Portée de la solution

L'enseignement majeur de l'arrêt sous examen nous paraît résider dans l'affirmation selon laquelle il résulte de l'article L. 2122-1 du Code du travail que "le score électoral participant à la détermination de la représentativité d'un syndicat est celui obtenu aux élections aux comité d'entreprise ou au comité d'établissement quand bien même, en application d'un accord collectif, le périmètre au sein duquel le syndicat désigne un délégué serait plus restreint que celui du comité et correspondrait à un établissement au sein duquel sont élus les délégués du personnel".

Cette solution paraît pouvoir être située dans le prolongement de l'arrêt du 13 juillet 2010 dont on a vu qu'il a affirmé la hiérarchie des élections pour la détermination de l'audience électorale et, par voie de conséquence, de la représentativité. Dès lors que, dans un établissement, est mis en place un comité d'établissement, l'audience ne peut être mesurée qu'à l'aune des résultats obtenus à cette élection et non à celle des délégués du personnel. Mais, en y regardant de plus près, on peut se demander si la solution retenue n'est pas en contradiction avec le "principe de concordance".En l'espèce, en effet, la prérogative syndicale litigieuse, en l'occurrence la désignation d'un délégué syndical, avait été exercée non pas au niveau de l'établissement tel que défini pour la mise en place du comité, mais au niveau d'un démembrement de cet établissement au sein duquel sont élus des délégués du personnel (6). Par voie de conséquence, et en vertu du principe précité, la représentativité du syndicat aurait dû être appréciée à ce niveau. Or, dans la mesure, où les seules élections professionnelles qui y avaient été organisées étaient celles des délégués du personnel, n'auraient-ils pas fallu les prendre en considération ? Les parties requérantes ne soutenaient pas autre chose dans le pourvoi, qui est pourtant écarté par la Cour de cassation.

La Chambre sociale considère que la représentativité dans un établissement de "second rang" ne peut dépendre que des élections organisées dans l'établissement de "premier rang", dès lors qu'il s'agit des élections d'un comité d'établissement. Une telle interprétation n'est alors guère éloignée de celle retenue par l'Administration et présente à notre sens le défaut majeur de faire peu de cas du principe de concordance. On pourra rétorquer que l'article L. 2122-1, en instituant une hiérarchie entre les élections, conduit de manière inéluctable à cette solution. Il nous semble, cependant, qu'il n'en va pas ainsi et un exemple permet de s'en convaincre. Imaginons une entreprise divisée en établissements distincts mais ne comportant qu'un comité d'entreprise, faute par exemple pour ces derniers d'atteindre le seuil de 50 salariés. Un syndicat prétendant exercer dans un établissement une prérogative liée à la représentativité devra, en vertu du principe de concordance, l'établir à ce niveau. Or, faute de comité d'établissement, seules peuvent être prises en compte les élections des délégués du personnel (7). Admettre le contraire reviendrait à admettre que la représentativité dans un établissement n'est plus assise sur le choix des salariés de cet établissement mais dépend de l'opinion de salariés qui travaillent dans des établissements autres (8).

Nonobstant la solution retenue dans l'arrêt rapporté, on peut penser que cette thèse n'a pas été nécessairement écartée par la Cour de cassation. Cette assertion se fonde sur le particularisme très net de l'affaire en cause. Celui-ci découle du fait que l'établissement dans lequel avait été désigné le délégué syndical n'était pas le même que celui dans lequel le comité d'établissement avait été mis en place mais constituait un démembrement de celui-ci. Cela n'est pas pour surprendre dès lors que les critères jurisprudentiels, permettant de déterminer la qualité d'établissement distincts, ne sont pas les mêmes selon l'institution représentative du personnel concerné. En l'espèce, toutefois, la distinction entre établissement de "premier rang" et établissement de "second rang" procède d'un accord collectif. Plus précisément, un accord de 1996 prévoit que les délégués syndicaux peuvent être positionnés, non seulement au niveau de l'établissement, mais aussi au niveau de chaque établissement au sens de cet accord, c'est-à-dire au niveau du périmètre de l'élection des délégués du personnel. Pour autant, et la Cour de cassation prend soin de le relever, le statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel précise, dans le droit fil des dispositions légales, que sont représentatives au niveau de chaque comité d'établissement, les organisations syndicales qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des élections des titulaires au comité d'établissement. Or, c'est bien cette représentativité établie en fonction des résultats obtenus aux élections du comité d'établissement qui permet, ensuite, de désigner des délégués syndicaux, seraient-ils "positionnés", en application de l'accord au niveau d'un établissement de "second rang" où sont élus les délégués du personnel.

En d'autres termes, l'accord ne change rien à l'appréciation de la représentativité telle que définie par la loi, mais aménage seulement le niveau de désignation des délégués syndicaux. Il reste que l'on peut se demander si un accord collectif serait en mesure d'écarter la hiérarchie instaurée par la loi entre les élections professionnelles ; ce qui revient à se demander si ces dispositions ne sont pas d'ordre public absolu.

Au final, il nous semble délicat de tirer des conséquences définitives de l'arrêt sous examen quant au fait de savoir quelles sont les élections à prendre en compte dans les entreprises divisées en établissements distincts. Nous pensons pour notre part que le "principe de concordance" commande de prendre en compte les résultats aux élections organisées au niveau où le syndicat entend exercer la prérogative soumise à l'exigence de représentativité. S'il s'agit d'un établissement distinct, il s'agira, compte tenu de la prééminence qui leur est conférée par la loi, des élections au comité d'établissement. Mais, à défaut de telles élections, ce sont celles des délégués du personnel qu'il conviendra de prendre en compte et non celles du comité d'entreprise commun, sauf à ce que ces dernières fassent l'objet d'un dépouillement particulier dans chacun des établissements.

Une dernière remarque nous paraît devoir être faite. L'arrêt commenté semble s'inscrire dans une jurisprudence qui semble vouloir aligner, désormais, le périmètre d'implantation des délégués syndicaux sur celui des comités d'établissement (9). Une décision rendue le même jour renforce cette assertion, la Cour de cassation y affirmant que "la reconnaissance d'un établissement distinct pour la mise en place d'un comité d'établissement permet nécessairement la désignation d'un délégué syndical dans le même périmètre" (10). Cela étant, et ainsi qu'il a été pertinemment relevé, cet arrêt "n'interdit pas à un accord de retenir un périmètre de désignation des délégués syndicaux différents de celui retenu pour les comités d'établissement" (11). Mais, en ce cas, et à suivre la solution retenue dans l'arrêt sous examen, la représentativité du syndicat ne peut dépendre que des résultats obtenus aux élections au comité d'établissement et non à celles des délégués du personnel qui seraient organisées dans le périmètre où sont désignés les délégués syndicaux. Pour autant, et sous réserve de cette hypothèse, nous persistons à penser que les élections des délégués du personnel doivent, conformément au "principe de concordance", être prises en compte pour déterminer la représentativité du syndicat qui prétend exercer, au niveau d'un établissement où aucun comité n'aurait été mise en place, une prérogative qui lui serait soumise (12).


(1) Cass. soc., 13 juillet 2010, n° 10-60.148, (N° Lexbase : A6917E4X) et nos obs., Audience électorale et représentativité syndicale : la hiérarchie entre les élections professionnelles dans l'entreprise confirmée, Lexbase Hebdo n° 405 du 29 juillet 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N6920BPY).
(2) V. par ex. en ce sens, Cass. soc., 7 décembre 1995, n° 94-10.882 (N° Lexbase : A9603AAW).
(3) V. en ce sens, Ph. Masson, Entreprise et établissements : quelle mesure de la représentativité ?, Sem. soc. Lamy, n° 1455, p. 7.
(4) Cass. soc., 14 avril 2010, n° 09-60.423 (N° Lexbase : A9981EU9) et nos obs., La réforme du droit de la représentativité déclarée conforme au droit international, Lexbase Hebdo n° 393 du 6 mai 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N0570BPS). Il faut, néanmoins, relever la référence faite à la décision du Conseil constitutionnel en date du 7 octobre 2010.
(5) Cons. const., 7 octobre 2010, n° 2010-42 QPC (N° Lexbase : A2099GBD). V. les obs. de Ch. Radé, Le Conseil constitutionnel, les syndicats catégoriels et la réforme de la démocratie sociale, Lexbase Hebdo n° 413 du 21 octobre 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N2856BQT).
(6) Etablissements que, par commodité, on qualifiera de "premier rang" et de "second rang".
(7) Ainsi que le relève M. Masson, il devrait, toutefois, en aller différemment lorsque le scrutin relatif au comité d'entreprise fait l'objet d'un dépouillement particulier dans chacun des établissements qui en dépendent (art. préc., p. 8).
(8) V. en ce sens Ph. Masson, ibid. Ce même auteur souligne, à très juste titre, que la représentativité dans l'établissement devient alors une simple conséquence de la représentativité établie à un niveau supérieur ; ce qui conduit à revenir à une forme de représentativité descendante qu'a pourtant voulu écarter la loi du 20 août 2008.
(9) V. déjà en ce sens les obs. anonymes ss. l'arrêt précité du 13 juillet 2010, RJS, novembre 2010, n° 860.
(10) Cass. soc., 10 novembre 2010, n° 09-60.451, FS-P+B (N° Lexbase : A9030GGK).
(11) V. les obs. ss. l'arrêt en cause, LSQ, Bref soc., n° 15732.
(12) On songe, notamment, à la faculté reconnue à un syndicat représentatif de désigner un délégué du personnel en qualité de délégué syndical (C. trav., art. L. 2143-6 N° Lexbase : L3785IBS). Ce dernier texte soumet expressément l'exercice de cette prérogative à la démonstration de la représentativité "dans l'établissement".

Décision

Cass. soc., 10 novembre 2010, n° 09-72.856, FS-P+B (N° Lexbase : A9085GGL)

Rejet, TI Saint-Etienne (contentieux des élections professionnelles), 17 décembre 2009

Textes concernés : C. trav., art. L. 2121-1 (N° Lexbase : L3727IBN) et L. 2122-1 (N° Lexbase : L3823IB9)

Mots-clefs : représentativité syndicale, audience électorale, entreprise à structure complexe, établissement distinct, élections professionnelles à prendre en compte

Liens base : (N° Lexbase : E1798ETR)

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