La lettre juridique n°325 du 6 novembre 2008 : Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Jurisprudence] Un lien qui ne prend pas racine dans l'activité propre d'une holding ne constitue pas un lien direct et immédiat et ne saurait ouvrir droit à déduction de la TVA

Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 6 octobre 2008, n° 299265, SA AXA (N° Lexbase : A7089EAS)

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par Guy Quillévéré, Commissaire du Gouvernement près le tribunal administratif de Nantes

le 07 Octobre 2010


Le Conseil d'Etat, dans un arrêt du 6 octobre 2008, vient de juger que si les dépenses exposées par une société holding pour les différents services qu'elle acquiert dans le cadre d'une prise de participation dans une filiale, peuvent être regardés comme faisant partie de ses frais généraux, il n'en va pas de même des dépenses exposées dans le cadre d'une opération, même assujettie à la TVA, qui a été réalisée non par la société holding dans le cadre de son exploitation propre, mais par une filiale. Les faits dans cette affaire sommairement résumés sont les suivants : la société UAP International a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause le caractère déductible de la TVA ayant grevé les honoraires versés au cabinet Clearly, Gottlieb, Steen et Hamilton le 27 avril 1989 pour un montant total de 286 616 francs (43 694 euros), et à la maison Lazard et compagnie le 8 mars 1989, pour un montant total de 12 035 000 francs (1 834 723 euros), au titre des prestations facturées au cours de l'année 1989 à la société UAP International pour l'acquisition de participations dans la société italienne Allsecures Spa, alors filiale du groupe italien d'assurances Toro réalisée non par la société UAP International mais par l'une de ses filiales, la société UAP Italiana.

Le Conseil d'Etat confirme la décision de la cour administrative d'appel de Paris du 2 octobre 2006 (CAA Paris, 5ème ch., 2 octobre 2006, n° 04PA03401 N° Lexbase : A2507DSN) et précise que l'acquisition de titres ayant été réalisée par la filiale italienne UAP Italiana, et non pas directement par la société mère, selon le protocole en date du 15 février 1989 signé entre le groupe Toro et la société holding française, les frais d'honoraires litigieux facturés à cette dernière ne peuvent être regardés comme ayant été exposés dans le cadre de sa propre exploitation, ces dépenses n'ayant été engagées que pour les besoins de l'activité de la filiale italienne. En l'espèce, les frais d'assistance et de conseil exposés par la filiale ne se rattachent pas directement à une opération d'aval de la holding et n'ont pas, non plus, le caractère de frais généraux ayant un lien avec l'ensemble de l'activité économique de l'assujetti. Le Conseil d'Etat, après avoir tiré toutes les conséquences de la décision de la CJCE "Cibo Participations" (CJCE, 27 septembre 2001, aff. C-16/00, Cibo Participations SA c/ Directeur régional des impôts du Nord-Pas-de-Calais N° Lexbase : A5734AWB) pour des activités inclues exhaustivement dans les frais généraux de la holding, puis appliqué la décision "Abbey National" (CJCE, 22 février 2001, aff. C-408/98, Abbey National plc c/ Commissioners of Customs & Excise N° Lexbase : A1648AWX) pour des activités partiellement inclues dans les frais généraux, tire toutes les conséquences de la décision de la CJCE "Investrand" (CJCE, 8 février 2007, aff. C-435/05, Investrand BV c/ Staatssecretaris van Financiën N° Lexbase : A9405DTI).

1. Les dépenses exposées par une holding pour les différents services qu'elle acquiert, dans le cadre d'une prise de participation dans une filiale, font partie des frais généraux

D'origine communautaire les règles applicables à la déductibilité des frais généraux des holdings ont fait l'objet de nombreuses applications dans l'ordre juridique interne et s'appuient pour leur mise en oeuvre sur des critères progressivement précisés par le juge national.

1.1. L'existence nécessaire d'un lien direct et immédiat avec l'ensemble de l'activité économique

Le juge communautaire retient la déductibilité de la TVA afférente à des frais engagés par une holding pour l'acquisition de services auprès de ses filiales. La qualification de frais généraux exposés par la société holding emporte presque mécaniquement le constat de l'existence d'un lien direct permettant d'ouvrir un droit à déduction en matière de TVA. Ce point a été précisé par la CJCE dans un arrêt en date du 27 septembre 2001 "Cibo Participations" précité, dans lequel la Cour a jugé que la TVA ayant grevé des frais exposés par une société holding pour des prises de participation dans des sociétés filiales, peut être récupérée sur la base du prorata, car "les coûts desdits services font partie des frais généraux de l'assujetti et sont, en tant que tels, des éléments constitutifs du prix des produits d'une entreprise". La Cour a retenu, pour fonder sa solution, l'existence d'un lien direct et immédiat entre les services et l'ensemble de l'activité économique de l'assujetti. Dès lors, l'inclusion des dépenses dans les frais généraux de la holding permet a priori, d'inférer l'existence d'un lien direct et immédiat (TA Lille, 4ème ch., 3 novembre 2005, n° 03-4607, SA Chloride Batteries Industrielles). Une décision de la cour administrative d'appel de Nantes du 28 mai 2003 (CAA Nantes, 1ère ch., 28 mai 2003, n° 00NT00836, Société Galapagos N° Lexbase : A1796DAR) illustre le rapprochement mécanique opéré par le juge entre lien direct et immédiat et frais généraux : les dépenses exposées par une holding pour les différents services acquis pour sa constitution et à l'occasion de sa prise de participation dans une filiale font partie de ses frais généraux et entretiennent donc en principe un lien direct et immédiat avec l'ensemble de son activité économique, de nature à permettre la déduction de la TVA qui a grevé ces dépenses.

La ligne jurisprudentielle initiée par la décision "Cibo Participations" a été prolongée par le juge communautaire (CJCE, 26 mai 2005, aff. C-465/03, Kretztechnik AG c/ Finanzamt Linz N° Lexbase : A3969DIT et CJCE, 8 février 2007, aff. C-435/05, Investrand BV c/ Staatssecretaris van Financiën N° Lexbase : A9405DTI : Dr. fisc, 2007, n° 9, comm. 216). Ces décisions rendues en matière de TVA mettent en oeuvre, lorsque les dépenses supportées font partie des frais généraux d'une holding, une notion de lien direct non pas avec une opération particulière, mais au regard de l'ensemble de l'activité de l'assujetti. Par ailleurs, la nécessité de ce lien direct, dans le cadre d'opérations en capital, a été rappelée par le juge communautaire dans une décision du 13 mars 2008 (CJCE, aff. C-437/06, Securamenta Göttinger Immobilienanlagen und Vermögensmanagement AG c/ Finanzamt Göttingen N° Lexbase : A9405DTI), la CJCE, sur question préjudicielle au titre de l'article 234 CE ([L5251BCH]), introduite par le Niedersächsisches Finanzgericht (Allemangne), précisant les conditions de déduction de la TVA d'amont ayant grevé des dépenses liées à l'acquisition de capitaux d'un assujetti qui exerce à la fois une activité professionnelle et une activité privée.

1.2. En l'absence de lien direct, le juge regarde si le coût des services fait partie des frais généraux

Les frais généraux sont regardés comme tels dès lors qu'ils entretiennent un lien direct et immédiat avec l'activité d'une holding et concourent à développer son activité. Ils ont pour effet d'accroître le volume des prestations de services que la holding assure pour le compte de l'ensemble de ses filiales : autrement dit, les frais engagés ont alors un lien direct avec l'activité économique exercée par la holding. Reste que ce lien direct entre une opération d'amont et d'aval peut être altéré ou ne pas exister. Le juge, en l'absence de lien direct visible de prime abord, peut alors s'appuyer sur la notion de coûts des services rendus.

L'inclusion dans les frais a été appréciée de manière large. En effet, la déduction en matière de TVA est admise lorsque la taxe grève le coût de biens ou de services faisant partie des frais généraux de l'assujetti, ces frais entretiennent, par suite, un lien direct et immédiat avec l'ensemble de l'activité économique de la holding (CAA Paris, 5ème ch., 21 mai 2007 n° 05PA03817 Minefi c/ SCA Pfizer Holding France N° Lexbase : A1733DXH). Le droit à déduction est donc admis lorsque les coûts des services sont, en tant que tels, des éléments constitutifs du prix des biens ou des services que la holding fournit. Le juge semble quitter la notion de lien direct pour mieux la retrouver : le coût des services qui font partie des frais généraux est regardé comme  impliquant un lien direct et immédiat avec l'ensemble de l'activité de l'assujetti (CJCE, 22 février 2001, Abbey National, précité : RJF, 6/01 n° 894, concl. F.-G. Jacobs ; CJCE, 27 septembre 2001, Cibo Participations, précité).

La cour administrative d'appel de Versailles (CAA Versailles, 5ème ch., 14 mai 2008, n° 06VE01989, Minefi c/ SA Aventis animal nutrition N° Lexbase : A3250D9A), après la cour administrative d'appel de Nantes (CAA Nantes, 1ère ch., 30 décembre 2005, n° 03NT00076, SA SIVA N° Lexbase : A8718DN9) et la cour administrative d'appel de Paris (CAA Paris, 5ème ch., 21 mai 2007, n° 05PA03817, Minefi N° Lexbase : A1733DXH : RJF, 10/07 n° 1035), ont fait application de ces règles et sont venues dire, notamment, que lorsque les dépenses sont imputables concurremment aux activités économiques et aux activités non économiques de l'entreprise, les dépenses ne peuvent pas être regardées en totalité comme des "frais généraux" et doivent, donc, être ventilées entre ces deux catégories d'activités.

L'arrêt "SA AXA" apporte alors des précisions en l'absence de rattachement même partiel de l'opération réalisée par la filiale à l'activité de la holding.

2. Les dépenses exposées dans le cadre d'une opération même assujettie à la TVA réalisée par une filiale d'une holding peuvent être exclues du droit à déduction

Dans la décision "SA AXA", le Conseil d'Etat vient nuancer l'analyse selon laquelle les dépenses exposées par les entreprises assujetties à la TVA pour la réalisation de leurs opérations en capital, en dehors de celles liées aux cessions de titres, font partie des "frais généraux" de l'entreprise et ouvrent donc droit à déduction, le cas échéant en fonction du prorata ou du coefficient de taxation forfaitaire, la circonstance que l'entreprise perçoive par ailleurs des recettes non imposables étant sans incidence.

2.1. En l'absence de lien prenant racine dans l'activité propre d'une holding, le droit à déduction est exclu

Lorsque les dépenses sont imputables exclusivement aux activités non économiques, les dépenses n'ouvrent, dans ce cas, aucun droit à déduction (CJCE, 8 février 2007, aff. C-435/05, Investrand, précité). Dans l'arrêt "SA AXA" le Conseil d'Etat semble tirer toutes les conséquences de la jurisprudence de la CJCE "Investrand" et abandonner sa doctrine administrative (BOI 3 D-4-01 du 15 octobre 2001 N° Lexbase : X7429AAE). Pour inférer de l'inclusion dans les frais généraux, l'existence d'un lien direct ou d'une dépense constitutive du prix de revient des services rendus, encore faut-il que les dépenses en litige aient bien la nature de frais généraux pour la holding. Il faut donc qu'ils se rattachent à son exploitation commerciale. Dans sa décision "SA AXA", le Conseil d'Etat vient affirmer que la taxe afférente aux honoraires d'assistance et de conseil ne peut faire partie des frais généraux de la société holding UAP International dès lors que les dépenses n'ont été engagées que pour les besoins de l'activité de la filiale italienne. La Haute juridiction ne retient pas l'intérêt que peut présenter à terme le développement de la filiale sur un marché étranger. Pourtant, l'opération conduite par la filiale n'est pas dissociable de celui de son partenaire. On a pu souligner que le libéralisme dont fait preuve la jurisprudence lorsqu'il s'agit de reconnaître l'intérêt individuel des sociétés, notamment dans le cadre des groupes, contraste avec l'intransigeance qu'elle manifeste à l'endroit de l'intérêt du groupe pris en tant que tel. C'est une analyse relevant du même esprit que propose ici le Conseil d'Etat. En dépit des liens entre la filiale et la holding il n'y a pas de co-intérêt, ou d'intérêt conjugué qui puisse faire regarder l'opération comme concourant à l'activité commerciale de la holding.

2.2. Une qualification circonscrite de l'existence d'un lien direct et immédiat

L'arrêt du Conseil d'Etat "SA AXA" complète utilement la jurisprudence en matière de frais exposés pour des opérations en capital et inclus dans les frais généraux de la holding. On aurait pu penser, en l'espèce, que les frais engagés allaient avoir, tôt ou tard, une retombée sur le volume de l'activité de la holding. Mais, le Conseil d'Etat n'emprunte pas ce chemin que le tribunal administratif de Paris s'était déjà refusé à suivre dans une affaire (TA Paris, 2ème ch., 2ème sect., 8 juillet 2005 n° 17939, Société Parke-Davis SCA). Pour qu'il y ait frais généraux déductible par la holding ils doivent être rattachables à son activité propre. Ce faisant, la Haute juridiction borde la conception du lien direct et immédiat dégagé par la CJCE et précise les conditions d'inclusion des dépenses en capital dans les frais généraux. Notons que le Conseil d'Etat avait déjà fait valoir une première restriction à une conception trop extensive de la notion de frais déductibles et n'avait pas entendu retenir que peuvent être regardées comme imputables exclusivement aux activités économiques d'une holding les dépenses liées à des opérations en capital effectuées dans le cadre d'une stratégie de groupe (CE, 13 juillet 2007, n° 290711 et CAA Douai, 2ème ch., 29 décembre 2005, n° 04DA00069, SARL Financière de Lesseps N° Lexbase : A5728DM4 et TA Cergy-Pontoise, 29 novembre 2007 n° 03-6138 et 05-4575).

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