Jurisprudence : CJCE, 22-02-2001, aff. C-408/98, Abbey National plc c/ Commissioners of Customs & Excise

CJCE, 22-02-2001, aff. C-408/98, Abbey National plc c/ Commissioners of Customs & Excise

A1648AWX

Référence

CJCE, 22-02-2001, aff. C-408/98, Abbey National plc c/ Commissioners of Customs & Excise. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/990084-cjce-22022001-aff-c40898-abbey-national-plc-c-commissioners-of-customs-excise
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Cour de justice des Communautés européennes

22 février 2001

Affaire n°C-408/98

Abbey National plc
c/
Commissioners of Customs & Excise



61998J0408

Arrêt de la Cour (cinquième chambre)
du 22 février 2001.

Abbey National plc contre Commissioners of Customs & Excise.

Demande de décision préjudicielle: High Court of Justice (England & Wales), Queen' s Bench Division (Divisional Court) - Royaume-Uni.

TVA - Article 5, paragraphe 8, et 17, paragraphes 2, sous a), et 5, de la sixième directive TVA - Transmission d'une universalité de biens - Déduction de la taxe acquittée en amont pour les services utilisés par le cédant pour les besoins de la transmission - Biens et services utilisés pour les besoins des opérations taxées de l'assujetti.

Affaire C-408/98.

Recueil de jurisprudence 2001 page I-1361

Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée - Déduction de la taxe payée en amont - Assujetti effectuant à la fois des opérations taxées et des opérations exonérées - Taxe afférente à des services acquis afin de réaliser une transmission d'une universalité totale ou partielle de biens - État membre ne considérant pas une telle transmission comme une livraison de biens - Droit à déduction - Conditions

(Directive du Conseil 77/388, art. 5, § 8, et 17, § 5)

$$Lorsqu'un État membre a fait usage de la faculté accordée par l'article 5, paragraphe 8, de la sixième directive 77/388 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, de sorte que la transmission d'une universalité totale ou partielle de biens est considérée comme n'étant pas une livraison de biens, les dépenses exposées par le cédant pour les services acquis afin de réaliser cette transmission font partie des frais généraux de cet assujetti et entretiennent donc en principe un lien direct et immédiat avec l'ensemble de l'activité économique dudit assujetti. Dès lors, si le cédant effectue à la fois des opérations ouvrant droit à déduction et des opérations n'y ouvrant pas droit, il résulte de l'article 17, paragraphe 5, de la sixième directive 77/388 qu'il peut uniquement déduire la partie de la taxe sur la valeur ajoutée qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations. Toutefois, si les différents services acquis par le cédant afin de réaliser la transmission présentent un lien direct et immédiat avec une partie clairement délimitée de ses activités économiques, de sorte que les coûts desdits services font partie des frais généraux afférents à ladite partie de l'entreprise, et que toutes les opérations relevant de cette partie de l'entreprise sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, cet assujetti peut déduire la totalité de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les dépenses qu'il a exposées pour acquérir lesdits services.

(voir point 42 et disp.)

Dans l'affaire C-408/98,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), par la High Court of Justice (England & Wales), Queen' s Bench Division (Divisional Court) (Royaume-Uni), et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Abbey National plc

Commissioners of Customs & Excise,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 5, paragraphe 8, et 17, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1),

LA COUR

(cinquième chambre),

composée de MM. D. A. O. Edward, faisant fonction de président de la cinquième chambre, P. Jann et L. Sevón (rapporteur), juges,

avocat général: M. F. G. Jacobs,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,

considérant les observations écrites présentées:

- pour Abbey National plc, par MM. R. Cordora, QC, et D. Southern, barrister, mandatés par M. S. Rose, solicitor,

- pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme R. Magrill, en qualité d'agent, assistée de M. K. Parker, QC, et de Mme M. Hall, barrister,

- pour le gouvernement néerlandais, par M. M. A. Fierstra, en qualité d'agent,

- pour la Commission des Communautés européennes, par M. E. Traversa et Mme F. Riddy, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales d'Abbey National plc, du gouvernement du Royaume-Uni et de la Commission, représentée par M. R. Lyal, en qualité d'agent, à l'audience du 23 février 2000,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 13 avril 2000,

rend le présent

Arrêt

1 Par ordonnance du 2 novembre 1998, parvenue à la Cour le 17 novembre suivant, la High Court of Justice (England & Wales), Queen' s Bench Division (Divisional Court), a posé, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), trois questions préjudicielles sur l'interprétation des articles 5, paragraphe 8, et 17, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la "sixième directive").

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant Abbey National plc (ci-après "Abbey National") aux Commissioners of Customs & Excise (administration des contributions indirectes, ci-après les "Commissioners") au sujet du droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la "TVA") payée sur les honoraires supportés pour différents services acquis afin de réaliser la transmission d'un immeuble avec continuité d'exploitation ("as a going concern").

Le cadre juridique

Réglementation communautaire

3 L'article 2, deuxième alinéa, de la première directive 67/227/CEE du Conseil, du 11 avril 1967, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires (JO 1967, 71, p. 1301, ci-après la "première directive"), dispose que, "[à] chaque transaction, la taxe sur la valeur ajoutée, calculée sur le prix du bien ou du service au taux applicable à ce bien ou à ce service, est exigible déduction faite du montant de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé directement le coût des divers éléments constitutifs du prix".

4 L'article 2, point 1, de la sixième directive soumet à la TVA les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l'intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel.

5 En vertu de l'article 5, paragraphe 8, de la sixième directive:

"Les États membres peuvent considérer que, à l'occasion de la transmission, à titre onéreux ou à titre gratuit ou sous forme d'apport à une société, d'une universalité totale ou partielle de biens, aucune livraison de biens n'est intervenue et que le bénéficiaire continue la personne du cédant. Les États membres peuvent prendre, le cas échéant, les dispositions nécessaires pour éviter des distorsions de concurrence dans le cas où le bénéficiaire n'est pas un assujetti total."

6 Aux termes de l'article 13, C, premier alinéa, sous a), "[l]es États membres peuvent accorder à leurs assujettis le droit d'opter pour la taxation [...] de l'affermage et de la location de biens immeubles".

7 L'article 17, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive dispose:

"Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l'assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable:

a) la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti".

8 En ce qui concerne les biens et les services qui sont utilisés par un assujetti pour effectuer à la fois des opérations ouvrant droit à déduction et des opérations n'ouvrant pas droit à déduction, l'article 17, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive précise que "la déduction n'est admise que pour la partie de la taxe sur la valeur ajoutée qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations". Aux termes de l'article 17, paragraphe 5, deuxième alinéa, de la même directive, "[c]e prorata est déterminé pour l'ensemble des opérations effectuées par l'assujetti conformément à l'article 19".

Réglementation nationale

9 Il ressort de l'ordonnance de renvoi que le Royaume-Uni, faisant usage de la faculté prévue à l'article 5, paragraphe 8, de la sixième directive, a notamment adopté l'article 5, paragraphe 1, du Value Added Tax (Special Provisions) Order (règlement portant dispositions spéciales en matière de TVA, SI 1995, p. 1268, ci-après le "VAT Order"), qui a remplacé l'article 5, paragraphe 1, du Value Added Tax (Special Provisions) Order (SI 1992, p. 3129). Ladite disposition énonce que, lorsqu'une personne transmet une entreprise, ou une partie d'une entreprise, et qu'il y a continuité d'exploitation ("as a going concern"), la transmission n'est considérée ni comme une livraison de biens ni comme une prestation de services. Cette disposition précise que le cessionnaire doit utiliser les biens pour exploiter le même type d'entreprise que le cédant et doit être, ou immédiatement devenir, un assujetti et que, en cas de transmission d'une partie d'une entreprise, cette partie doit pouvoir faire l'objet d'une exploitation séparée.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

10 Scottish Mutual Assurance plc (ci-après "Scottish Mutual"), une société d'assurance vie, est une filiale à 100 % d'Abbey National, que celle-ci représente aux fins de la TVA.

11 Outre son activité dans le domaine de l'assurance, Scottish Mutual exerce une activité de location de locaux à usage professionnel ou commercial. Dans le cadre de cette dernière activité, elle était titulaire d'un bail de 125 ans sur l'immeuble à usage professionnel et commercial Atholl House, à Aberdeen, qu'elle sous-louait à des locataires commerciaux. Scottish Mutual avait opté pour la facturation de la TVA sur les loyers qu'elle percevait pour Atholl House, conformément à la législation du Royaume-Uni transposant l'article 13, C, premier alinéa, sous a), de la sixième directive, et a ainsi pu récupérer la totalité de la TVA acquittée en amont sur les frais afférents à la possession de l'immeuble.

12 Par contrat du 16 décembre 1992, Scottish Mutual a vendu ses droits dans le bail de 125 ans, ainsi que ceux relatifs à la sous-location, pour 5,4 millions de GBP à une société n'appartenant pas au même groupe. Les Commissioners ont estimé que la vente constituait une transmission avec continuité d'exploitation au sens de l'article 5, paragraphe 1, du VAT Order, que les autres conditions dudit article étaient remplies et que, dès lors, aucune TVA n'était due sur le prix de vente.

13 Toutefois, afin de réaliser ladite transmission, Scottish Mutual a eu recours à différents services et a ainsi supporté des honoraires sur lesquels elle a dû payer un montant de 4 365 GBP au titre de la TVA.

14 Les Commissioners ayant considéré qu'une fraction seulement de la TVA payée en amont sur ces dépenses pouvait être récupérée, Abbey National, qui s'estimait en droit de récupérer la totalité de cette TVA, a introduit un recours devant le VAT and Duties Tribunal, London (Royaume-Uni). Ce recours a été rejeté par décision du 9 juin 1997. Abbey National a alors fait appel devant la High Court of Justice.

15 Dans ces circonstances, la High Court of Justice a décidé de surseoir à statuer et de soumettre à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

"1) Eu égard aux termes de l'article 17, paragraphe 2, de la sixième directive TVA, l'expression de l'article 5, paragraphe 8, de cette directive selon laquelle 'le bénéficiaire continue la personne du cédant' exige-t-elle que les livraisons du bénéficiaire soient considérées de la même façon que si elles avaient été effectuées par le cédant, aux fins de la détermination de la déduction de la taxe en amont du cédant?

2) À l'occasion de 'la transmission [...] d'une universalité totale ou partielle de biens' au sens de l'article 5, paragraphe 8, de la sixième directive TVA, lorsque l'État membre, en vertu de dispositions nationales adoptées en application de cet article, considère qu'aucune livraison de biens ou de services n'est intervenue, l'assujetti peut-il, selon l'interprétation correcte des articles 5, paragraphe 8, et 17, paragraphe 2, déduire la totalité de la taxe en amont supportée sur des frais afférents à la transmission, dans le cas où l'assujetti aurait été redevable de la taxe en aval relative à la transmission si l'article 5, paragraphe 8, ne s'était pas appliqué?

3) Lorsque l'activité économique du cédant antérieure à l'opération relevant de l'article 5, paragraphe 8, a été entièrement taxée, la taxe en amont est-elle déductible pour un paiement effectué dans le cadre de la cessation de cette activité?"

Sur les questions préjudicielles

16 Par ces trois questions, qu'il convient d'examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, lorsqu'un État membre a fait usage de la faculté accordée par l'article 5, paragraphe 8, de la sixième directive, de sorte que la transmission d'une universalité totale ou partielle de biens est considérée comme n'étant pas une livraison de biens, le cédant peut déduire la TVA grevant les dépenses exposées pour les services acquis afin de réaliser cette transmission.

Arguments des parties

17 Abbey National considère que, lors de la transmission d'une universalité totale ou partielle des biens, le cédant est en droit de déduire la TVA en amont grevant les dépenses qu'il a exposées pour les services acquis afin de réaliser cette transmission.

18 À cet égard, elle fait notamment valoir que, aux fins de la TVA, lorsque le cédant et le cessionnaire utilisent tous les deux, l'un avant, l'autre après la cession, les actifs de l'entreprise transmise pour réaliser des livraisons imposables en totalité, le cédant peut, en vertu de l'article 5, paragraphe 8, de la sixième directive, prendre en considération les livraisons imposables du cessionnaire de façon à récupérer la totalité de la TVA acquittée en amont. En d'autres termes, bien qu'il n'y ait pas d'opération imposable en soi, aux fins de la TVA acquittée en amont, il resterait toujours un lien direct et immédiat avec les activités économiques imposables du cessionnaire relatives aux actifs transmis.

19 Le gouvernement néerlandais relève que, lorsqu'un État membre a opté pour l'application de l'article 5, paragraphe 8, de la sixième directive, il est fait "abstraction" des livraisons de biens et des prestations de services, taxables par nature, fournies dans le cadre de la transmission d'une universalité totale ou partielle de biens. Une telle substitution "neutre" d'un assujetti à un autre, aux fins de l'application de la TVA, pourrait uniquement être mise en rapport avec les activités économiques ordinaires du cédant. Ces activités économiques devraient aussi déterminer le droit à déduction de la TVA sur les dépenses qu'il a exposées afin de réaliser la transmission. Si l'assujetti effectue uniquement des opérations exonérées, il n'existerait pas de droit à déduction. S'il effectue aussi bien des opérations taxées que des opérations exonérées, la règle du prorata, visée aux articles 17, paragraphe 5, et 19 de la sixième directive, s'appliquerait. Lorsque les activités économiques ordinaires du cédant, antérieures à une transmission relevant de l'article 5, paragraphe 8, de la sixième directive, ont été entièrement taxées, la TVA en amont acquittée sur les dépenses exposées pour les besoins de la cessation de ces activités serait déductible.

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