La lettre juridique n°292 du 14 février 2008 : Bancaire

[Jurisprudence] Taux effectif global et taux d'intérêt variable : à propos de quelques évolutions récentes

Réf. : Cass. civ. 1, 20 décembre 2007, n° 06-14.690, Caisse régionale du crédit agricole mutuel (CRCAM) de l'Anjou et du Maine, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1186D3C)

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N0760BEU

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par Alexandre Bordenave, Juriste, Chargé d'enseignement à l'Ecole Normale Supérieure de Cachan

le 07 Octobre 2010

Le taux d'intérêt stipulé à l'occasion d'un prêt de somme d'argent n'est pas un prix comme les autres. Les théories économiques les plus connues le justifient tantôt pour raison de la préférence des agents pour le présent (1), tantôt parce qu'il prive lesdits agents d'une liquidité qu'ils sont supposés préférer (2). Pour ce qui le concerne, le droit ne se montre pas insensible aux problèmes posés par la stipulation d'un intérêt, jugée traditionnellement avec sévérité par la philosophie (3) ou par la tradition scripturaire (4). Cette méfiance n'a rien de purement occidental ou de chrétien, la meilleure preuve étant qu'on la retrouve en droit islamique où le riba est prohibé (5). Certes, l'article 1907 du Code civil (N° Lexbase : L2132ABL) autorise la stipulation d'un intérêt conventionnel à l'occasion des prêts de somme d'argent. Toutefois, cette liberté est limitée par les dispositions concernant l'usure (6). En matière de prêt consenti par un établissement de crédit (7), elle est assortie d'un formalisme informatif : la mention obligatoire du taux effectif global (TEG) (8). Cette mention entend lutter contre la rationalité limitée (9) de l'emprunteur en lui offrant, entre autres choses, la possibilité de comparer aisément les offres de crédit bancaire.

Le TEG se compose du taux d'intérêt et des "frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels" (10).

En matière de taux d'intérêt variable (ou révisable), où l'on peut présumer que l'exigence d'information de l'emprunteur est à son paroxysme, le droit applicable au TEG a connu récemment des évolutions.

C'est, notamment, le fait d'un arrêt rendu par la Cour de cassation le 20 décembre 2007, à l'occasion duquel la première chambre civile a précisé sa position sur l'information à délivrer en matière de taux d'intérêt variable. Ce faisant, elle a précédé de quelques semaines l'adoption de dispositions législatives internes et communautaires sur le sujet.

Après avoir rappelé les principales dispositions juridiques applicables en matière de taux d'intérêt variable (I), nous nous intéresserons à l'arrêt rendu le 20 décembre 2007 à la lumière de la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 (loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs N° Lexbase : L7006H3U) et de la Directive adoptée par le Parlement européen le 16 janvier 2008, sur le crédit aux consommateurs (lire N° Lexbase : N8116BDX) (II).

I - Aspects juridiques choisis des taux variables

En France, où les taux d'intérêt fixes demeurent les plus répandus (notamment en matière de prêts immobiliers), la crise des subprimes a offert une tribune peu enviable aux taux variables. Dans les faits, crise des subprimes et taux d'intérêt variables sont intimement liés : les crédits dits "subprimes" sont des prêts immobiliers consentis à des emprunteurs peu solvables, à un taux variable (et élevé). La hausse continue du taux directeur de la Réserve fédérale américaine entre 2004 et 2007, dont dépendent les taux variables proposés aux emprunteurs américains, a provoqué un alourdissement de la charge de remboursement de ces derniers. Il s'en est suivi une augmentation des défauts de paiement qui, conjuguée à l'assèchement de la demande de biens immobiliers aux Etats-Unis, pèse aujourd'hui lourdement sur le bilan des établissements prêteurs.

Parmi les faits à l'origine de l'arrêt du 20 décembre 2007 figure un recours aux taux variables. En effet, une société civile immobilière avait contracté auprès d'une banque un prêt d'un montant en principal équivalent à 24 392 euros et portant intérêt au taux de 10,95 %. Le contrat mentionnait un TEG de 11,053 % et précisait que le taux d'intérêt était un taux variable fondé sur un indice objectif.

Le droit positif français autorise la stipulation d'un taux d'intérêt variable (A), le cas échéant dans le respect des règles sur les clauses abusives (B).

A - La validité d'une stipulation de taux d'intérêt variable

L'économie du taux variable (1) permet de conclure sur les mécanismes juridiques qui permettent d'y recourir (2).

1- Présentation des taux variables

Le Professeur Vasseur définit le taux variable comme le taux "qui est déterminé par insertion ou intégration dans le taux stipulé du taux de référence, et qui varie arithmétiquement de la même façon que ce dernier" (11). La variation du taux est donc calculée en fonction d'un indice. Si cette variation reflète purement et simplement celle de l'indice, le taux est parfois dit "indexé" ; dans le cas inverse, le taux est dit "variable" (12). On peut admettre que le taux indexé est une variété de taux variable.

Pour le prêteur, cette variabilité permet de se prémunir contre une excessive sensibilité de son passif à la variation des taux d'intérêt en ajustant les taux pratiqués à son actif. Pour l'emprunteur, cette technique permet généralement de bénéficier d'un coût initial d'emprunt moins élevé et de profiter des éventuelles baisses des taux d'intérêt.

On recense généralement trois grandes catégories de taux d'intérêt variables :
- les taux variables purs et simples ;
- les taux variables "capés", pour lesquels la variation est limitée à la hausse par un "plafond" (cap) ; et
- les taux variables à échéances plafonnées, pour lesquels c'est l'augmentation du montant des échéances qui est limitée. Pour les cas où l'augmentation convenue contractuellement ne permet pas de répercuter l'entière hausse de l'indice, le terme du contrat demeure certain mais variable.

2 - Indexation et objet de l'obligation

A l'inverse du droit public (13), le droit privé se montre traditionnellement hostile à la théorie de l'imprévision (14). Dans le même temps, au nom de la stabilité monétaire, il érige en principe l'interdiction de l'indexation (15).

Pour autant, il ne laisse pas irrémédiablement figées les stipulations contractuelles. Ainsi, en matière d'indexation, l'interdiction évoquée est-elle assortie d'exceptions et d'atténuations. La mieux connue de ces dernières est sans doute celle qui résulte des dispositions de l'article L. 112-2 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L3375APP), dont la lecture a contrario (16) autorise l'indexation du prix sur un indice "en relation directe avec l'objet du statut ou de la convention ou avec l'activité de l'une des parties". Une stipulation de taux d'intérêt indexé peut donc s'analyser comme une clause d'indexation, au sens de l'article L. 112-2 du Code monétaire et financier.

L'analyse est différente en ce qui concerne les taux variables stricto sensu, qui ne reposent pas intégralement sur le mécanisme d'indexation. Sous réserve de l'abus du prêteur, la "célébrissime" jurisprudence de l'Assemblée plénière du 1er décembre 1995 a levé les doutes qui ont pu exister quant à la validité de la stipulation d'un taux variable (17). D'ailleurs, la Cour de cassation a eu, depuis, l'occasion de préciser sa position en la matière (18).

Partant, il résulte de la législation sur les clauses d'indexation et de la jurisprudence de la Cour de cassation que, en matière de prêts consentis par un établissement de crédit (ce qui correspond à notre espèce), les parties bénéficient ainsi d'une relative liberté, dans la double mesure où l'objet de leur convention est la mise à disposition à titre onéreux de fonds (19) et où l'activité du prêteur consiste à effectuer à titre de profession habituelle des opérations de banque (20) (C. mon. fin., art. L. 511-1 N° Lexbase : L9477DYN). Cela permet aux parties de retenir la quasi-intégralité des indices interbancaires de référence, notamment pour ce qui concerne la zone euro :
- EURIBOR (21), qui est le taux interbancaire offert entre les banques dites "de meilleure signature" pour la rémunération de dépôts dans la zone euro ;
- EONIA (22), qui est le taux résultant de la moyenne pondérée de toutes les transactions au jour le jour de prêts non garantis réalisées par les banques retenues pour le calcul de l'EURIBOR.

En l'espèce, l'indice retenu par les parties était le TRBO, soit le taux de rendement en bourse des obligations.

Cette relative liberté est, toutefois, contrainte par les dispositions du Code de la consommation.

B - L'impact des dispositions relatives aux clauses abusives

Même si les faits de l'arrêt du 20 décembre 2007 ne s'y prêtaient pas, rien ne s'oppose, dans l'absolu, à ce que les dispositions relatives aux clauses abusives (1) s'appliquent aux clauses de taux d'intérêt variable (2).

1 - Retour sur la législation concernant les clauses abusives

L'article L. 132-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L6478ABK) dispose, en son alinéa 1er, que "dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat".

Cette disposition légale a fait l'objet d'une interprétation large par la jurisprudence de la Cour de cassation qui admet qu'une clause figurant dans un contrat conclu avec un professionnel (fût-il une personne morale (23)) sans rapport direct avec son activité peut être qualifiée de clause abusive (24).

L'arrêt du 20 décembre 2007 mettait aux prises un établissement de crédit agréé par le Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, en qualité de prêteur, et une société civile immobilière, en qualité d'emprunteur. Si la qualité de personne morale de l'emprunteur ne faisait pas obstacle à l'application des règles sur les clauses abusives, le fait que l'emprunteur agissait dans le cadre de son activité (en l'occurrence, le financement immobilier) l'empêchait.

2 - Le caractère abusif d'une clause d'intérêt variable

Pourtant, il y a lieu de penser que l'article L. 132-1 peut s'appliquer à une clause d'intérêt variable, à condition que ladite clause réponde aux critères définis par le Code de la consommation. Le "déséquilibre significatif" serait susceptible de se manifester lorsque l'indice retenu par la clause de variation est un indice dont l'évolution est déterminée (au moins en partie) par le prêteur professionnel.

C'est d'ailleurs le point de vue de la Commission des clauses abusives qui a estimé, dans un avis rendu le 27 mai 2004, qu'une stipulation de taux variable indexé sur le taux de base bancaire est constitutive d'une clause abusive. Le taux de base bancaire étant un taux de référence librement déterminé par chaque établissement de crédit auquel s'ajoutent certaines majorations dues à divers facteurs (durée de crédit, risques...), on ne peut qu'adhérer à cette opinion. D'ailleurs, l'arrêt rendu le 9 juillet 1996 par la Chambre commerciale (25) est susceptible d'aller dans ce sens.

Dans l'arrêt du 20 décembre 2007, l'indice retenu est un taux calculé mensuellement par la Caisse des dépôts et consignations. Aussi, la législation sur les clauses abusives n'aurait pu critiquer la convention des parties sur ce point.

Le droit positif français autorise donc, sous certaines limites peu contraignantes, que soit stipulé un taux d'intérêt variable. Ce type de taux, et c'est la difficulté soulevée par l'arrêt du 20 décembre 2007, pose problème quant à l'information à fournir à l'emprunteur. C'est vers une solution simple et pragmatique que s'est orientée la Cour de cassation.

II - L'information à fournir en matière de taux variable

L'arrêt du 20 décembre 2007 est venu briser la relative monotonie d'une jurisprudence dont on aurait pu penser, qu'en matière de TEG, elle était condamnée à nous fournir un inventaire à la Prévert des éléments entrant (ou non) dans le calcul du TEG (26). Il a le mérite de nous éclairer sur l'information à délivrer à l'emprunteur en matière de TEG calculé à partir d'un taux variable. Il est vrai que la question se pose tant s'agissant du moment où cette information doit être donnée (A), que pour ce qui est du contenu de cette information (B).

A - La délivrance de l'information

La solution retenue par la Cour de cassation impose une mention contractuelle unique du TEG en présence d'un taux variable (1), proposant ainsi une solution simple (2).

1 - Une mention unique

L'article L. 313-2 du Code de la consommation (N° Lexbase : L1518HI3 repris par l'article L. 313-5 du Code monétaire et financier N° Lexbase : L4275HCC) dispose que le TEG doit faire l'objet d'une mention "dans tout écrit constatant un contrat de prêt" (27).

Dans les faits qui nous intéressent ici, le TEG avait fait l'objet de la mention exigée par la loi. Toutefois, lorsque l'emprunteur et sa caution furent attraits devant les tribunaux en paiement du solde du prêt, ils demandèrent reconventionnellement l'annulation de la stipulation d'intérêts et la substitution du taux d'intérêt légal, prenant prétexte du fait qu'à l'occasion des lettres régulières ayant pour objet d'informer l'emprunteur de l'évolution du taux d'intérêt, le prêteur n'avait pas cru bon devoir préciser en plus le "nouveau TEG".

La cour d'appel fit droit à la demande de l'emprunteur et de sa caution, mais elle fut dédite par la Cour de cassation, à la suite du pourvoi formé par la banque. En effet, l'arrêt d'appel est cassé pour fausse application de l'article L. 313-2 du Code de la consommation. Selon la Haute juridiction, ledit article "s'il impose la mention du taux effectif global dans tout écrit constatant un prêt, ne fait pas obligation au prêteur, en cas de stipulation de révision du taux d'intérêt originel selon l'évolution d'un indice objectif, d'informer l'emprunteur de la modification du taux effectif global résultant d'une telle révision".

Cette solution constitue un revirement par rapport à la jurisprudence antérieure de la première chambre civile. En effet, on se souvient que, dans un arrêt du 19 octobre 2004 (28), cette formation de la Haute juridiction avait choisi d'imposer que le TEG soit mentionné une première fois dans le contrat de prêt, puis à chaque variation du taux d'intérêt dans les documents visant à renseigner l'emprunteur sur le nouveau taux d'intérêt applicable à son emprunt. En matière de crédit à taux variable, le droit à l'information de l'emprunteur portait donc tant sur le "TEG applicable" que sur le "TEG appliqué". Cette solution ne semble plus avoir cours aujourd'hui : seul le "TEG applicable" doit faire l'objet d'une mention.

2 - Une solution simple

La solution proposée par le revirement du 20 décembre 2007 n'est pas pleinement satisfaisante en ce qui concerne la cohérence de la jurisprudence de la Cour de cassation. Certes, elle se rapproche de l'esprit de l'arrêt rendu par la Chambre commerciale le 9 mai 2001 (29), à l'occasion duquel la Cour de cassation s'était satisfaite d'une "stipulation fixant un taux effectif global variable avec un maximum en fonction d'événements aléatoires inconnus au jour de la conclusion du contrat" dans le seul contrat de prêt. Dans le même temps, elle s'éloigne, toutefois, de la solution établie par l'arrêt du 22 mai 2007 où elle a exigé que "le taux effectif global appliqué soit porté sur les relevés périodiques, reçus par l'emprunteur sans protestation ni réserve" (30).

Au surplus, la solution peut étonner dans un contexte de "politique jurisprudentielle" sévère à l'égard du devoir de mise en garde du banquier (31). La solution ancienne de la première chambre civile, qui avait été qualifiée d'"étrange" (32), était sans doute allée trop loin par souci de se conformer à l'esprit du texte. Certes, on pourrait objecter que le TEG appliqué résultant d'une variation du taux d'intérêt de base est une information livrable à moindres frais par l'établissement de crédit prêteur. Toutefois, d'une part, il est utile que le TEG soit unique pour faire correctement application des dispositions relatives au taux de l'usure et, d'autre part, la variation du TEG, à la suite d'une variation du taux de base étant une simple variation arithmétique, il est inutile de renseigner davantage l'emprunteur sur ce point. Un prêt ne peut avoir qu'un seul et unique TEG. Quant à la différence marquée avec la solution relevée en matière de découvert en compte courant, elle se justifie, dans la mesure où le TEG figurant dans la convention d'ouverture du crédit ne peut être qu'un exemple. La mention unique du TEG exigée par la Cour de cassation est donc une solution de bon sens.

Il est vrai que, dans son attendu principal, la Cour de cassation ne manque pas de préciser qu'elle raisonne "en cas de stipulation de révision du taux d'intérêt originel selon l'évolution d'un indice objectif". Cette précision est susceptible de complexifier quelque peu la lecture de l'arrêt quant à sa portée. Nous sommes d'avis (33) que par "indice objectif", il faut comprendre : un indice sur lequel le prêteur n'a pas d'influence. Autrement dit, et conformément à ce qui a été exposé précédemment en matière de clause abusive, il s'agirait de tout indice pouvant être retenu à l'occasion d'un contrat de crédit conclu avec "un consommateur ou un non-professionnel". Cette nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation proposerait donc un départ systématisé entre l'emprunteur professionnel et l'emprunteur consommateur ou non-professionnel :
- l'emprunteur professionnel pourrait se voir imposer un indice "subjectif" (dont l'évolution est susceptible de résulter, dans les limites de ce que permet le droit commun, de la volonté du prêteur), sous réserve des arrêts d'Assemblée plénière du 1er décembre 1995. Dans ce cas, il aurait, toutefois, droit à une double mention du TEG : le TEG applicable à la conclusion de l'emprunt, et le TEG appliqué à chaque variation du taux d'intérêt ;
- le second ne pourrait se voir imposer qu'un indice "objectif" (conformément à l'avis délivré par la Commission des clauses abusives), mais seul le TEG applicable serait porté à sa connaissance. Ce serait à lui, par la suite, de recalculer, à chaque variation du taux sous-jacent, le TEG appliqué.

B - Le contenu de l'information

La décision rendue par la Cour de cassation intervient quelques semaines avant l'adoption de deux textes législatifs, d'origine interne et communautaire. Or, tant la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 (1) que la Directive adoptée le 16 janvier 2008 par le Parlement européen intéressent le TEG (2).

1 - La loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008

Ayant pour objet "le développement de la concurrence au service des consommateurs", la loi du 3 janvier 2008 appréhende le phénomène observé en France de développement des prêts à taux variable. Sans doute, trouve-t-elle ici, au moins pour partie, son inspiration dans la crise des subprimes, brièvement décrite plus avant.

L'article 25 de ladite loi a modifié l'article L. 312-8 du Code de la consommation, qui dispose désormais que, en matière de crédit immobilier à un consommateur, l'offre de prêt à taux variable doit être "accompagnée d'une notice présentant les conditions et modalités de variation du taux d'intérêt et d'un document d'information contenant une simulation de l'impact d'une variation de ce taux sur les mensualités, la durée du prêt et le coût total du crédit".

Applicable à compter du 1er octobre 2008, cet article se contente de mentionner le taux d'intérêt, à l'exclusion du TEG. Faut-il en déduire que ce dernier n'est pas concerné par les obligations d'information nouvelles issues de la loi du 3 janvier 2008 ? Rien n'est moins sûr. Dans un souci de cohérence, on peut imaginer que si la Cour de cassation autorise, désormais, que les "TEG applicables effectifs" ne soient plus communiqués formellement, elle ne lira pas, dans le nouvel article L. 312-8 du Code de la consommation, une exigence de communication ab initio des TEG appliqués anticipés. C'est d'autant plus vrai qu'est également inséré dans le Code de la consommation, par l'oeuvre de l'article 26 de la loi du 3 janvier 2008, un article L. 312-14-2, qui précise que, toujours s'agissant des crédits immobiliers aux consommateurs, "le prêteur est tenu, une fois par an, de porter à la connaissance de l'emprunteur le montant du capital restant à rembourser". La loi n'exige donc pas une information annuelle sur le TEG appliqué, en cas de crédit à taux variable.

2 - La Directive adoptée par le Parlement européen le 16 janvier 2008

Plus de vingt ans après la Directive 87/102 CE du 22 décembre 1986 (Directive relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de crédit à la consommation N° Lexbase : L9737AU8), la Directive adoptée par le Parlement européen le 16 janvier 2008 dote l'Europe d'un nouveau dispositif législatif cadre en matière de crédit à la consommation. Ce texte comporte un certain nombre de dispositions relatives au TEG : en effet, la nouvelle Directive établit une méthode européenne de calcul, en précisant la liste des éléments devant entrer dans la détermination du TEG ; une bénédiction à venir pour les juges et les prêteurs !

La question des taux d'intérêt variable est également abordée, notamment par l'article 19 du texte, qui précise que "pour les contrats de crédit comportant des clauses qui permettent des adaptations du taux débiteur [...], le taux annuel effectif global est calculé en partant de l'hypothèse que le taux débiteur et les autres frais resteront fixes par rapport au niveau initial et s'appliqueront jusqu'au terme du contrat".

Une nouvelle fois, c'est une limitation des obligations d'information du prêteur qu'il faut voir ici, puisque ce dernier n'a pas à "actualiser" le TEG à chaque variation du taux d'intérêt.

Les dernières semaines ont apporté des précisions sur le droit applicable en matière de TEG. Pas de révolution, mais une clarification appréciable dans le sens de la sécurité juridique à laquelle les acteurs publics (34) comme privés (35) accordent une importance croissante. Tout au plus, il existe une tentation de s'étonner de cette évolution dans le sens d'une information, non pas réduite, mais pas aussi étendue qu'on aurait pu le penser. C'est sans doute préférable, notamment pour les établissements de crédit. Ne perdant pas de vue que "un bienfait reproché tient toujours lieu d'offense" (36), on se gardera de plus amples commentaires.


(1) Par exemple, I. Fisher, Theory of interest, 1907.
(2) Dans la littérature keynésienne: J.-M. Keynes, Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie, 1936.
(3) Aristote dénonce, notamment, dans son Ethique à Nicomaque, la "chrématistique" ; dans la Somme Théologique, Saint Thomas d'Aquin énonce qu'"il est injuste en soi de se faire payer pour l'usage de l'argent prêté".
(4) "Si tu prêtes de l'argent à mon peuple, au pauvre qui est avec toi, tu ne seras point à son égard comme un créancier, tu n'exigeras de lui point d'intérêt", Exode, XXII, 25.
(5) Cf. C. Serhal, Les prêts participatifs à l'heure de la finance islamique, Banque Stratégie, novembre 2007, p. 8.
(6) C. consom., art. L. 313-3 (N° Lexbase : L1519HI4) ; C. mon. fin., art. L. 313-5 (N° Lexbase : L4275HCC).
(7) A un emprunteur consommateur ou professionnel : Cass. com., 5 octobre 2004, n° 01-12.435, Société en nom collectif Elysées Franklin c/ Société CDR Créances, FS-P+B (N° Lexbase : A5566DDI), D., 2004, AJ, 2711.
(8) C. consom., art. L. 313-1 (N° Lexbase : L1517HIZ) et s. ; C. mon. fin., art. L. 313-4 (N° Lexbase : L6403DIY).
(9) Au sens de H. Simon dans Administrative Behaviour, 1947.
(10) C. consom., art. L. 313-1, al. 1er.
(11) D., 1980, Sommaires commentés, 383.
(12) F. Ribay, Aspects juridiques des clauses de variation du taux des prêts, Banque et droit, 1989, n° 5, 128.
(13) CE Contentieux, 30 mars 1916, n° 59928, Compagnie générale d'éclairage de Bordeaux (N° Lexbase : A0631B9A), D., 1916, 2, 25, S., 1916, 3, 17, note Hauriou.
(14) Cass. civ., 6 mars 1876, Canal de Craponne, D., 1876, 1, 193, S., 1876, 1, 161.
(15) C. mon. fin., art. L. 112-1, al. 1er (N° Lexbase : L9702DYY) : "l'indexation automatique des prix est interdite". Ce texte, aujourd'hui codifié, fut introduit en droit positif par l'article 79 de l'ordonnance du 30 décembre 1958, modifiée par l'ordonnance du 4 février 1979.
(16) Révélatrice de l'état d'esprit ayant présidé à la rédaction de ces textes.
(17) Ass. plén., 1er décembre 1995, 4 espèces, n° 91-15.578, Compagnie atlantique de téléphone c/ Société Sumaco (N° Lexbase : A1731AAD), n° 91-15.999, Société Bechtel France (N° Lexbase : A5967AHH), n° 91-19.653, M. Vassali c/ M. Gagnaire (N° Lexbase : A5344ABK) et n° 93-13.688, Société Le Montparnasse c/ Société GST-Alcatel Bretagne (N° Lexbase : A8251AB9), JCP éd. E, 1996, II, 776, note Leveneur.
(18) Cass. com., 9 juillet 1996, n° 94-17.612, Crédit commercial de France (N° Lexbase : A2511ABM), JCP éd. G, 1996, II, 22721, note J. Stoufflet.
(19) C. mon. fin., art. L. 313-1.
(20) Lesquelles comprennent les opérations de crédit : C. mon. fin., art. L. 311-1.
(21) EURo InterBank Offered Rate (TIBEUR, dans sa version française).
(22) Euro OverNight Index Average.
(23) Cass. civ. 1, 27 septembre 2005, n° 02-13.935, Association Fédération française d'athlétisme c/ Société Entenial, FS-P+B (N° Lexbase : A5748DK4), avec le commentaire de Y. Picod, D., 2006, p. 238.
(24) Notamment, Cass. civ. 1, 24 janvier 1995, n° 92-18.227, Société Héliogravure Jean Didier c/ Electricité de France (EDF), publié (N° Lexbase : A7947AGG), D., 1995, 327, note G. Paisant.
(25) Ibidem.
(26) Eléments qui comprennent, notamment, la souscription de parts sociales (Cass. civ. 1, 23 novembre 2004, n° 02-13.206, F-P+B N° Lexbase : A0245DES, Bull. civ., I, n° 289), les primes d'assurance (ibidem), les "frais de forçage" prélevés sur un compte de dépôt à l'occasion de chaque opération effectuée au-delà du découvert autorisé (Cass. com., 5 février 2008, n° 06-20.783, F-P+B N° Lexbase : A7222D4A) ou les frais de renégociation du prêt (Cass. civ. 1, 27 février 2007, n° 04-20.779, Société Auxifip, venant aux droits du CEPME (Crédit d'équipement aux petites et moyennes entreprises), FS-P+B N° Lexbase : A4087DUW, H. Claret, Les Petites Affiches, 12 novembre 2007, n° 226, p. 6), mais pas les commissions de compte (Cass. com., 14 décembre 2004, n° 02-19.532, FS-P+B N° Lexbase : A4652DEZ, JCP éd. E, 2005, 317, note Raby).
(27) Rappelons que, en matière de publicité, l'article L. 311-4 du Code de la consommation (N° Lexbase : L6497ABA) impose que le TEG figure dans "toute publicité faite, reçue ou perçue en France [...] quelque soit son support" portant sur un crédit à la consommation.
(28) RTDcom., 2005, 152, obs. R. Cabrillac ; RDBF, 2005, 7, obs. F.-J. Credot et Y. Gérard.
(29) Cass. com., 9 mai 2001, n° 98-15.722, Société Intercar c/ Société Sodep, publié (N° Lexbase : A4123ATU), Bull. civ. IV, n° 86.
(30) Cass. com., 22 mai 2007, n° 06-12.180, M. André Cain-Rossow, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A3961DWM), JCP éd. E, 2007, n° 45, p. 2332, obs. C. Lassalas-Langlais.
(31) Récemment, voir, Cass. com., 11 décembre 2007, n° 03-20.747, M. Michel Devaud, FS-P+B (N° Lexbase : A0703D3G) et Cass. civ. 1, 20 décembre 2007, n° 06-16.543, Mme Marthe Bodin, épouse Savary, F-P+B, D., 2008, n° 4, note V. Avena-Robardet.
(32) F.-J. Credot et Y. Gérard, idem.
(33) Comme d'autres, D., 2008, n° 5, p. 286, note V. Avena-Robardet.
(34) Ainsi, CE, 24 mars 2006, n° 288460, Société KPMG (N° Lexbase : A7837DNL).
(35) On pourra se référer à l'intérêt que les rapports Doing Business portent au sujet.
(36) Racine, Iphigénie, acte IV, scène 6.

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