La lettre juridique n°292 du 14 février 2008 : Procédure pénale

[Jurisprudence] A propos de la composition pénale

Réf. : Cass. crim., 20 novembre 2007, n° 07-82.808, Procureur général près la cour d'appel de Paris, F-P+F+I (N° Lexbase : A0863D3D)

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par Dorothée Bourgault-Coudevylle, Maître de conférences à la Faculté de droit de Douai - Université d'Artois

le 07 Octobre 2010

Chargé de la défense des intérêts de la société, le ministère public est investi du pouvoir d'enclencher les poursuites et d'exercer l'action publique, pour obtenir l'application d'une peine à un délinquant. Le procureur de la République dispose, dans ce cadre, d'un large pouvoir d'appréciation qui l'autorise à ne pas engager de poursuites même dans le cas où l'auteur présumé de l'infraction est connu. L'article 40 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5531DYI) dispose en ce sens, que le procureur de la République "reçoit les plaintes et dénonciations et apprécie la suite à leur donner". La règle de l'opportunité des poursuites a connu une évolution importante depuis ces vingt dernières années avec l'instauration progressive, d'abord à l'initiative des parquets, puis du législateur, de ce que l'on a appelé la troisième voie. Depuis son introduction dans le Code de procédure pénale à la faveur de la loi du 4 janvier 1993 (loi n° 93-2 portant réforme de la procédure pénale N° Lexbase : L8015H3A) sous la forme de mesures de "médiation-réparation", cette dernière voie n'a eu de cesse de se développer. Au point que la loi du 9 mars 2004 (loi n° 2004-204, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, dite "Perben II" N° Lexbase : L1768DP8) a finalement rétrogradé le classement sans suite dit sec au rang de troisième voie et a étendu les possibilités de recours aux procédures alternatives aux poursuites afin d'accroître le taux de réponse pénale. L'article 40-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L0951DYU) porte la marque de cette évolution lorsqu'il énonce que le procureur de la République décide s'il est opportun "soit d'engager des poursuites, soit de mettre en oeuvre une procédure alternative aux poursuites, soit de classer sans suite la procédure dès lors que les circonstances particulières liées à la commission des faits le justifient". S'agissant plus précisément des alternatives aux poursuites, le procureur de la République dispose, désormais, dans ce cadre, à la fois des alternatives offertes par l'article 41-1 (N° Lexbase : L8616HWZ, le rappel à la loi ; l'orientation de l'auteur des faits vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle ; la demande à l'auteur de régulariser sa situation, la médiation réparation ; l'obligation pour l'auteur des faits de violences dans la famille de résider hors du domicile et de s'abstenir d'y paraître) et de la composition pénale de l'article 41-2 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L8617HW3). D'abord cantonnée à quelques infractions limitativement prévues par loi du 23 juin 1999 (loi n° 99-515, renforçant l'efficacité de la procédure pénale N° Lexbase : L0246ATB), la composition pénale a vu son champ d'application fortement étendu par la loi du 9 mars 2004, ainsi, d'ailleurs, que la liste des mesures susceptibles d'être prononcées au titre de celle-ci. Actuellement, l'article 41-2 du Code de procédure pénale, prévoit que " le procureur de la République, tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement, peut proposer, directement ou par l'intermédiaire d'une personne habilitée, une composition pénale à une personne physique qui reconnaît avoir commis un ou plusieurs délits punis à titre de peine principale d'une peine d'amende ou d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à cinq ans".

C'est cette dernière procédure qui était en cause dans l'arrêt rendu par la Cour de cassation, le 20 novembre 2007.

Un individu, interpellé pour rébellion et outrage envers des personnes dépositaires de l'autorité publique, avait été convoqué devant le délégué du procureur en vue de la mise en oeuvre d'une composition pénale. Après la signature du procès verbal de proposition de composition pénale de l'intéressé, le ministère public, en raison du comportement de celui-ci, n'avait pas saisi le président du tribunal d'une requête en validation, comme le veut normalement cette procédure. Il avait décidé de citer le prévenu devant le tribunal correctionnel, qui le condamna. Le jugement ainsi rendu fut annulé par la cour d'appel de Paris, au motif que le procureur de la République ne pouvait mettre les deux procédures successivement en oeuvre, à défaut de manquement du prévenu à ses engagements pris au titre de la composition pénale. Par une décision en date du 20 novembre 2007, la Chambre criminelle considéra que la cour d'appel avait fait une exacte application de l'article 41-2. Selon la Cour de cassation, lorsque l'auteur des faits a donné son accord aux mesures proposées par le procureur de la République, ce dernier est tenu de saisir le président du tribunal aux fins de validation de la composition et ne recouvre la possibilité de mettre en mouvement l'action publique que si ce magistrat refuse de valider la composition ou si, une fois la validation intervenue, l'intéressé n'exécute pas intégralement les mesures décidées.

L'arrêt ainsi rendu est tout à fait intéressant en ce qu'il permet d'apporter des précisions sur la mise en oeuvre de la règle de l'opportunité des poursuites et précisément sur la faculté pour le représentant du ministère public de modifier le choix initial qu'il a pu faire sur l'action publique.

Il est, en effet, acquis que la décision de déclencher les poursuites, une fois qu'elle a été prise, est irrévocable. La règle tient au fait que l'action publique appartient à la société et, que par conséquent, les magistrats du ministère public n'en ont pas la disposition, mais seulement la mise en mouvement et l'exercice (C. proc. pén., art. 1, al. 1er N° Lexbase : L6997A4W). Il est tout aussi clairement établi que la décision de classement sans suite "n'étant pas un acte juridictionnel et n'ayant pas l'autorité de la chose jugée", le procureur "peut donc, jusqu'à l'expiration du délai de prescription, revenir sur son appréciation, et exercer des poursuites sans avoir à s'en expliquer et à justifier la survenance d'un fait nouveau" (Cass. crim., 6 juin 1952, Bull. crim., n°142).

Mais que décider quand le parquet a fait le choix de mettre en oeuvre une procédure alternative aux poursuites ? Faut-il considérer que, parce qu'il n'y a pas eu déclenchement de l'action publique, le ministère public conserve toute latitude, y compris celle de changer d'option et de déclencher les poursuites ? Ou faut-il considérer qu'un tel choix est irrévocable ? La solution retenue par la Cour de cassation, dans son arrêt du 20 novembre 2007, apparaît médiane: " lorsque l'auteur des faits a donné son accord aux mesures proposées par le procureur de la République, ce dernier est tenu de saisir le président du tribunal aux fins de validation de la composition". A ce stade de la procédure, le parquet est donc lié par le choix effectué. Et, il ne recouvre la possibilité de mettre en mouvement l'action publique que "si ce magistrat refuse de valider la composition ou si, une fois la validation intervenue, l'intéressé n'exécute pas intégralement les mesures décidées".

La position de la Cour de cassation est parfaitement justifiée. Ce n'est pas, en l'occurrence, l'indisponibilité de l'action publique qui fonde la solution mais la nature de la composition pénale. Celle-ci doit, en effet, être analysée comme une transaction proposée par le procureur de la République à l'auteur des faits, constituant en une sanction acceptée par celui-ci et validée par un magistrat du siège (circulaire Crim. 2004-04 E8 du 14 mai 2004 N° Lexbase : L8016H3B). L'acceptation de la mesure de composition proposée scelle, par conséquent, l'accord de volonté entre le ministère public et le délinquant.

Cette procédure alternative effrite indéniablement la sacro-sainte séparation des fonctions de poursuite et de jugement même si les apparences sont sauves. Le parquet exerce indéniablement des taches quasi-juridictionnelles puisqu'il choisit la sanction applicable qui est ensuite soumise à l'acceptation du mis en cause. Certes, le président du tribunal de grande instance, chargé de l'homologation, exerce un contrôle sur la procédure. Il lui appartient de vérifier, notamment, si les faits sont établis et si la qualification des faits est exacte. Mais il ne fait que recouvrir du sceau judiciaire une sanction préalablement arrêtée dans l'acte contractuel. Cet arrêt constitue une illustration particulièrement nette d'un phénomène récent mais, néanmoins, assez marqué de contractualisation du procès pénal. Encore que l'on puisse sérieusement s'interroger sur le bien fondé d'une telle terminologie en raison du déséquilibre contractuel patent entre les différentes parties à l'acte.

Cette décision peut, d'ailleurs, être rapprochée d'un autre arrêt rendu par la Chambre criminelle, le 4 octobre 2006 dans lequel la Cour de cassation avait énoncé que, "lorsque le ministère public met en oeuvre la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, il ne peut concomitamment saisir le tribunal correctionnel selon l'un des modes prévus par l'article 388 dudit code (N° Lexbase : L3795AZL) avant que le prévenu ait déclaré ne pas accepter la ou les peines proposées ou que le président du tribunal ait rendu une ordonnance de refus d'homologation" (Cass. crim., 4 octobre 2006, n° 05-87.435, FS-P+F N° Lexbase : A9745DRD, Droit pénal, n° 2, février 2007, comm. 27, obs. A. Maron). La comparaison entre ces deux arrêts ne doit pas être, toutefois, poussée trop loin. Si les procédures de composition pénale et de ce que l'on appelle parfois "le plaider coupable", par référence au "plea bargaining" du droit anglo-saxon, conduisent toutes deux à la recherche de solutions négociées pour sanctionner la commission d'une infraction, elles ne doivent pas être confondues. La première est une alternative aux poursuites et il ne s'agit pas d'une sanction au sens juridique du terme, mais d'une mesure de composition, tandis que la seconde est une procédure de poursuite simplifiée, mais qui suppose préalablement le déclenchement de l'action publique et qui aboutira au prononcé d'une peine. La solution posée par la Cour de cassation, dans l'arrêt du 4 octobre 2006, s'explique, néanmoins, par la volonté d'entourer cette procédure de toutes les garanties et d'éviter qu'une forme de pression trop directe s'exerce sur le consentement du délinquant le conduisant à accepter la peine proposée par le ministère public par crainte d'être renvoyé devant le tribunal correctionnel. Il y était donc également question d'une certaine forme de contractualisation de la peine.

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