La lettre juridique n°261 du 24 mai 2007 : Entreprises en difficulté

[Jurisprudence] Désignation de plusieurs commissaires à l'exécution du plan : des précisions de procédure s'imposent...

Réf. : Cass. com., 9 mai 2007, n° 05-19.320, M. Gilles Baronnie, mandataire judiciaire, F-P+B (N° Lexbase : A1091DWC)

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par Florence Labasque, SGR - Droit commercial

le 07 Octobre 2010

"Lorsque le tribunal de commerce qui a arrêté le plan de redressement judiciaire désigne plusieurs commissaires à l'exécution du plan, chacun d'eux se trouve investi de la totalité des pouvoirs dévolus par la loi à cet organe, lequel ne représente pas le débiteur, et a la capacité de les exercer seul, de sorte que la notification du jugement faite à l'un d'eux ne fait pas courir le délai d'appel à l'égard de l'autre". Telle est la solution de principe posée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 9 mai dernier, destiné à être publié au Bulletin. La Cour de cassation s'est prononcée dans les circonstances suivantes : le 19 juin 2001, la société Air liberté AOM est mise en redressement judiciaire. Un plan de cession est adopté. M. L. et M. B. sont tous deux désignés commissaires à l'exécution du plan. Ceux-ci engagent, en cette qualité, une action à l'encontre de la société BP France en restitution d'une avance destinée à assurer l'approvisionnement en carburant de la société Air liberté AOM durant la période d'observation. Le tribunal rejette leur demande en admettant le principe de la compensation opposée par la société BP France avec une créance antérieure au jugement d'ouverture. Ils forment alors appel, lequel, cependant, est déclaré irrecevable par la cour d'appel de Versailles.
Plus précisément, après avoir constaté que le jugement avait été signifié à M. B. le 31 décembre 2003 et n'avait pas été signifié à M. L., et que tous deux en ont interjeté appel le 17 février 2004, soit au-delà du délai d'un mois prévu par la loi, la cour d'appel a considéré que la signification du jugement faite à M. B. valait également pour M. L. et que l'appel formé par ce dernier, ès qualités, devait donc être déclaré irrecevable.
N'abandonnant par pour autant les poursuites, MM. B. et L. se pourvoient en cassation.

C'est, alors, avec succès que la société BP France conteste la recevabilité du pourvoi formé par M. L., ès qualités. En effet, la Cour de cassation prononce l'irrecevabilité du pourvoi formé par ce dernier dans les termes suivants : "l'arrêt relève que le tribunal a mis fin à la mission de M. L., commissaire à l'exécution du plan, par jugement du 22 septembre 2004 ; [...] ce dernier n'ayant dès lors plus qualité pour agir à compter de cette date, son pourvoi, formé ès qualités le 8 septembre 2005 est irrecevable" .
Cette solution est classique et renvoie à la compétence temporelle du commissaire à l'exécution du plan. En effet, les actions en justice que celui-ci peut être amené à exercer sont enfermées dans les délais nécessaires à l'exécution de sa mission .

C'est donc surtout le deuxième point qui nous retiendra ici.


En effet, la Cour de cassation est amenée à statuer sur le pourvoi formé par M. B., ès qualités, dont la recevabilité n'est pas contestée. Celui-ci invoquait une violation de l'article 529 du Nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L2773AD3). Aux termes de cette disposition, "en cas de condamnation solidaire ou indivisible de plusieurs parties, la notification faite à l'une d'elles ne fait courir le délai qu'à son égard.
Dans les cas où un jugement profite solidairement ou indivisiblement à plusieurs parties, chacune peut se prévaloir de la notification faite par l'une d'elles".
Ce moyen d'ouverture à cassation remporte finalement le succès, l'arrêt d'appel se trouvant censuré pour violation de ce texte.

Pour cela, la Haute juridiction énonce que, "lorsque le tribunal de commerce qui a arrêté le plan de redressement judiciaire désigne plusieurs commissaires à l'exécution du plan, chacun d'eux se trouve investi de la totalité des pouvoirs dévolus par la loi à cet organe, lequel ne représente pas le débiteur, et a la capacité de les exercer seul, de sorte que la notification du jugement faite à l'un d'eux ne fait pas courir le délai d'appel à l'égard de l'autre". Elle en déduit que l'appel interjeté par M. L., alors en fonctions et auquel le jugement n'avait pas été signifié, était recevable.
Il s'agit là d'une solution de principe dont nous devons mesurer la portée.

Rappelons, tout d'abord, que selon l'article L. 621-68, alinéa 1er, du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises (N° Lexbase : L6920AI7), le tribunal nomme un commissaire "chargé de veiller à l'exécution du plan". Le plus souvent, l'administrateur ou le représentant des créanciers est nommé à cette fonction -possibilité d'ailleurs offerte par cette disposition -. Le commissaire à l'exécution du plan peut être remplacé par le tribunal soit d'office, soit à la demande du procureur de la République.

Par ailleurs, il a été admis, en jurisprudence, qu'"aucune disposition de la loi du 25 janvier 1985 [...] n'interdit au tribunal de désigner plusieurs commissaires à l'exécution du plan lorsque la situation du débiteur rend ces désignations nécessaires" (Cass. com., 11 décembre 2001, n° 98-22.228, F-D N° Lexbase : A6435AXM). Tel était le cas, en l'espèce, le jugement ayant adopté le plan de cession de la société Air liberté AOM ayant désigné deux commissaires à l'exécution du plan.
Dans une telle hypothèse, se pose d'emblée la question de la répartition des pouvoirs dévolus à cet organe, mais aussi de l'indépendance des actions pouvant être exercées par chacun d'eux.

La Haute juridiction précise, ainsi, que chacun d'eux se trouve investi de la totalité des pouvoirs dévolus par la loi à cet organe et a la capacité de les exercer seul. Rappelons que le commissaire à l'exécution du plan est investi, légalement, d'une mission générale de surveillance de l'exécution du plan (C. com., art. L. 621-68 , al. 1, préc.), mais aussi de missions spéciales -variant selon qu'il est en présence d'un plan de continuation ou de cession-.
La Cour de cassation s'empresse, cependant, de rappeler que le commissaire à l'exécution du plan n'a pas pour autant qualité pour représenter le débiteur. Il s'agit là d'une jurisprudence déjà bien établie (voir, en ce sens, Cass. soc., 27 novembre 2001, n° 00-40.771, FS-P N° Lexbase : A2703AXE, Cass. com., 13 novembre 2003, n° 01-10.724, M. Pascal Raynaud c/ Caisse régionale du Crédit agricole mutuel (CRCAM) Centre France, F-D N° Lexbase : A1230DAS et Cass. com., 12 octobre 2004, n° 02-16.762, M. Frédéric Letertre c/ M. David Noël, FS-P N° Lexbase : A6002DDN).

En l'espèce, dans le cadre de leurs attributions, les deux commissaires à l'exécution du plan avaient engagé une action en restitution d'une avance destinée à assurer l'approvisionnement en carburant de la société débitrice durant la période d'observation. Le jugement ayant rejeté leur demande n'avait été signifié qu'à l'un deux. Les deux font pourtant appel mais ce, au-delà du délai d'un mois prévu par la loi. La cour d'appel estime, à tort saura-t-on alors, que la signification du jugement faite à l'un valait également pour l'autre et que l'appel formé par ce dernier, ès qualités -qui n'a donc pas reçu de notification- devait lui aussi être déclaré irrecevable. Au contraire, la Chambre commerciale considère que, dans la mesure où chacun des commissaires à l'exécution du plan a la capacité d'exercer seul les pouvoirs qui leur sont dévolus, la notification du jugement faite à l'un d'eux ne fait pas courir le délai d'appel à l'égard de l'autre.

Il faut donc en déduire qu'en présence de deux commissaires à l'exécution du plan, il convient de procéder à une signification distincte pour chacun d'entre eux, dès lors, bien évidemment, que les deux sont encore en fonctions. Si cette solution peut être approuvée sur le plan de la sécurité juridique, elle appelle toutefois à une certaine vigilance qui permettra d'éviter les remises en cause "incessantes" des décisions et donc de mauvaises surprises, par exemple, aux cocontractants.

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