La lettre juridique n°222 du 6 juillet 2006 : Social général

[Jurisprudence] Les contrats conclus en application de l'article L. 322-4-16-3 du Code du travail affichent leur singularité

Réf. : Cass. soc., 14 juin 2006, n° 05-40.995, Association I Comme c/ Mme Denis et autres, FS-P+B (N° Lexbase : A0044DQP)

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par Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

le 07 Octobre 2010

Tous les contrats aidés ne sont pas soumis au droit commun du contrat de travail à durée déterminée. Les juges du fonds l'ont appris à leur dépend. Les contrats de travail conclus, en application de l'article L. 322-4-16-3 du Code du travail (N° Lexbase : L6153ACU), par des associations intermédiaires en vue de mettre à disposition des personnes sans emploi rencontrant des difficultés particulières, disposent d'un régime propre qui les exclut du bénéfice du régime légal applicable aux contrats à durée déterminée. Aux salariés qui revendiquaient le paiement des heures comprises entre celles effectuées en application des contrats de missions et le maximum de 240 heures prévu dans la loi, la Cour de cassation vient affirmer que ces contrats, pris en application de l'article L. 322-4-16-3 du Code du travail, ne sont pas soumis aux dispositions des articles L. 122-1 et suivants (N° Lexbase : L5451ACU) du même code régissant les contrats de travail à durée déterminée. Cette position, qui semble à première vue logique, ne va pas sans inconvénients lorsqu'il y aura violation effective, par l'association employeur, des dispositions relatives au contrat de mise à disposition. La généralité de l'attendu de principe ne permet, en effet, aucune réintroduction du droit commun du contrat de travail à durée déterminée, et ce, quelle que soit la faute de l'employeur.
Résumé

Les contrats conclus par les associations intermédiaires, en application de l'article L. 322-4-16-3 du Code du travail, en vue de mettre un salarié à disposition d'une personne physique ou morale, ne sont pas soumis au droit commun du contrat de travail à durée déterminée.

Décision

Cass. soc., 14 juin 2006, Association I Comme c./ Mme Denis et autres, n° 05-40.995, Association I Comme c/ Mme Denis et autres, FS-P+B (N° Lexbase : A0044DQP)

Cassation (CPH Cambrais, section commerce, 13 décembre 2004)

Mots clefs : association intermédiaire, mise à disposition des salariés, soumission de ces contrats au droit commun du contrat de travail à durée déterminée, inapplicabilité du régime général des CDD.

Texte visé : C. trav., art. L. 322-4-16-3 (N° Lexbase : L6153ACU).

Lien base : .

Faits

Une association avait engagé plusieurs salariés pour effectuer des missions auprès d'une société selon plusieurs contrats de détachement conclus pour différentes périodes déterminées.

A l'issue de la période de mise à disposition, chaque salarié avait été payé pour les heures effectuées. Ces derniers, estimant que le contrat avait été rompu en violation des dispositions de l'article L. 122-3-8 du Code du travail (N° Lexbase : L5457AC4), entendaient obtenir la condamnation de l'employeur au paiement de dommages et intérêts pour rupture abusive et avaient, pour ce faire, saisi la juridiction prud'homale.

Le conseil de prud'hommes avait fait droit à leur demande. Il avait, en effet, considéré que les salariés n'avaient été rémunérés que pour une période limitée dans le temps, et qu'en ne fournissant plus de travail à l'issue de cette période, l'association avait rompu les contrats de travail à durée déterminée en violation de l'article L. 122-3-8 du Code du travail.

Solution

1. Cassation

2. "Attendu cependant que les contrats de travail conclus par les associations intermédiaires, en application de l'article L. 322-4-16-3 du Code du travail, en vue de mettre un salarié à la disposition d'une personne physique ou morale, ne sont pas soumis aux dispositions des articles L. 122-1 et suivants du code du travail régissant les contrats de travail à durée déterminée".

3. "En statuant comme elle l'a fait, alors que les contrats de travail conclus entre les salariées et l'association intermédiaire ne pouvaient être considérés comme rompus en application de l'article L. 122-3-8 du Code du travail, le conseil de prud'hommes a violé le texte susvisé".

Commentaire

1. Un contrat particulier

  • Des contrats à durée déterminée particuliers

L'article L. 322-4-16-3 du Code du travail prévoit la possibilité, pour les associations intermédiaires, de conclure avec des personnes sans emploi rencontrant des difficultés particulières, des contrats de travail en vue de faciliter leur insertion sociale. Cette faculté est subordonnée à la conclusion préalable d'une convention entre l'Etat (et, singulièrement, de son représentant le Préfet de département du siège de l'association) et l'association, d'une durée maximale de trois ans, ayant pour objet la mise à disposition de personnes physiques ou morales (décret n° 99-109 du 18 février 1999, article 3 N° Lexbase : L8369AIS).

Ces mises à dispositions sont réglementées (C. trav., art. L. 322-4-16-3 ; décret n° 99-109). Un contrat de mise à disposition contenant diverses mentions doit être conclu par écrit (décret n° 99-109, article 5). La durée totale des contrats conclus avec un salarié, que ce soit avec un ou plusieurs employeurs, ne peut dépasser 240 heures par période de douze mois à compter de la date de la première mise à disposition (décret n° 99-109, article 8).

Une fois les missions effectuées, l'association peut-elle se "débarrasser" des salariés ? L'association employeur est-elle tenue au paiement des 240 heures ? Cette dernière peut-elle se voir condamnée pour non-respect du délai minimal imprimé à un CDD, et singulièrement, pour non-respect de la durée maximale prévue à l'article L. 122-3-8 du Code du travail ?

Si l'on s'attache à la lettre de l'article L. 322-4-16-3 du Code du travail, l'employeur ne peut être contraint d'indemniser les salariés dans ce cas. L'article 8 du décret précise, en effet, que la durée totale des contrats de mises à disposition ne peut dépasser 240 heures sur 12 mois. Rien ne lui interdit donc de faire travailler les salariés pour une durée moindre ou sur une période plus courte.

Ce n'était pas ce que pensaient les salariés bénéficiaires de la convention dans la décision commentée, ni le conseil de prud'hommes devant lequel ils avaient porté leur requête. Pour ce dernier, en effet, les salariés avaient été employés et rétribués sur une période limitée dans le temps et, en ne fournissant plus de travail aux salariés à l'issue de cette période, l'association avait violé l'article L. 122-3-8 du Code du travail. Cette dernière avait donc été condamnée à indemniser les salariés.

C'est cette position, et singulièrement, la soumission de ces contrats au droit commun du contrat de travail à durée déterminée que vient ici sanctionner la Cour de cassation.

  • Espèce

La Haute juridiction considère, en effet, que les contrats conclus avec des associations intermédiaires en vue de mettre un salarié à la disposition d'une personne physique ou morale ne sont pas soumis aux articles L. 122-1 et suivants du Code du travail régissant les contrats de travail à durée déterminée. Les contrats conclus ne pouvaient donc être considérés comme rompus en violation des dispositions de l'article L. 122-3-8 du même code.

Cette solution semble a priori logique, ce qui nous amène à regretter que le législateur n'ait prévu aucune sanction pour protéger les salariés bénéficiaires de ces dispositions.

2. Une exclusion inévitable

  • Une exclusion logique

Rien dans l'article L. 322-4-16-3 du Code du travail ne prévoit de soumettre ces contrats au droit commun du contrat de travail à durée déterminée, tout semble même les exclure de son champ d'application.

Le législateur ne fait, en premier lieu, dans cette disposition aucun renvoi, qu'il soit direct ou indirect, aux articles L. 122-1 et suivants du Code du travail, relatifs au droit commun du contrat de travail à durée déterminée. Contrairement aux autres contrats aidés, le législateur n'emploie même pas les termes contrats à durée déterminée pour qualifier ce type de contrat (voir C. trav., art. L. 981-2 N° Lexbase : L4800DZS).

Ces contrats ont, en second lieu, un objet distinct d'un CDD de droit commun. Alors que l'objet du CDD est de pourvoir à un emploi temporairement vacant de l'entreprise, l'objet des contrats conclus en application de l'article L. 322-4-16-3 du Code du travail est l'insertion par la mise à disposition.

Les heures de travail exercées par les salariés sont, enfin, limitées sur une année alors qu'un CDD l'est pour une période maximum de 18, voire 24 mois (C. trav., art. L. 122-1-2 II). Le décret d'application de l'article L. 322-4-16-3 du Code du travail prévoit, en effet, que la mise à disposition de ces salariés ne peut excéder 240 heures sur une période de 12 mois qui court à compter de la date de la première mise à disposition.

Le fait pour l'employeur de ne pas avoir mis à disposition ces salariés pour une durée de 240 heures n'est pas une faute. Le délai n'est, en effet, pas un minimum mais un maximum. La seule sanction envisageable est celle du dépassement par l'employeur de la durée maximale de 240 heures. Le problème est que dans ce cas aucune sanction n'est plus prévue. Or, la généralité de la solution rendue, risque de compromettre la bonne application du dispositif.

  • Des sanctions propres

En l'absence d'emprunt au droit commun du CDD, aucune sanction n'est encourue par l'employeur ayant dépassé la durée maximum annuelle de travail de ces salariés. La seule sanction prévue par la loi pour ce type de contrat est devenue sans objet.

Le législateur prévoyait, en effet, qu'en cas de dépassement de la durée maximale prévue au b (mise à disposition maximale par an et par employeur abrogé par l'article 15 de loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 N° Lexbase : L1304AW9), le contrat conclu était réputé avoir été conclu pour une durée indéterminée (C. trav., art. L. 322-4-16-3, 2 c, alinéa 2). En dehors de cette disposition désormais caduque, aucune autre sanction n'est directement, ou par renvoi, prévue.

Ceci n'est pas grave lorsque, comme dans l'espèce commentée, la mise à disposition a été régulière et que les salariés ont été payés. Cette exclusion du droit commun peut, en revanche, se révéler injuste lorsque par exemple l'employeur ne respecte pas la durée maximale du travail sur une année ou ne respecte pas la durée prévue dans le contrat de mise à disposition, durée qui est pourtant impérative (décret n° 99-109 du 18 février 1999, article 5). Dans ce cas, comme d'ailleurs dans toutes les autres hypothèses, l'employeur ne doit rien craindre des tribunaux. Exclus du droit commun des contrats de travail à durée déterminée et dépourvus de sanctions propres, ils échappent à toute répression. Le visa, et la généralité de l'attendu de principe, ne laissent en effet aucun doute sur ce point.

Un réajustement s'impose donc pour arriver à un équilibre préservant les droits des salariés.

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