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le 07 Octobre 2010
Le DIF n'est pas un droit absolu à la formation (1). Il s'agit plutôt d'un droit du salarié à l'initiative en matière de formation et l'accord de l'employeur reste nécessaire (C. trav., art. L. 930-1 N° Lexbase : L8835G7D).
A contrario, l'employeur ne peut pas obliger le salarié à prendre son DIF. Cependant, l'employeur peut tout à fait suggérer au salarié une telle initiative. Le rôle de l'encadrement et des supérieurs hiérarchiques est, en effet, d'orienter le salarié entre tous les dispositifs de formation qui s'ouvrent à lui (plan de formation, DIF, période de professionnalisation, CIF...) et de redonner à chaque dispositif sa vocation d'origine.
En pratique, émerge la notion de "coresponsabilité" entre le salarié et l'employeur en matière de formation professionnelle.
Les salariés en CDI ayant au moins 1 an d'ancienneté dans l'entreprise bénéficient du DIF (C. trav., art. L. 933-1 N° Lexbase : L4730DZ9).
En principe, un salarié en CDI acquière 20 heures de DIF par an. Les dispositions issues de la réforme étant entrées en vigueur le 7 mai 2004, les salariés peuvent demander le DIF à compter du 7 mai 2005. On pouvait se demander si les salariés devaient justifier d'un an d'ancienneté dans l'entreprise pour commencer à acquérir leurs droits au DIF à compter du 7 mai 2004. Si tel était le cas, les salariés, pour pouvoir bénéficier du DIF à compter du 7 mai 2005, auraient dû justifier d'une embauche antérieure au 7 mai 2003. Toutefois, la Direction nationale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle n'a pas retenu cette interprétation et n'oblige pas les salariés à justifier d'une année d'ancienneté avant l'entrée en vigueur de la loi.
Le DIF s'acquière à terme échu, c'est-à-dire que le salarié sous CDI à temps plein ne pourra utiliser ses 20 heures de DIF qu'au bout d'un an de présence dans l'entreprise.
Les salariés en CDD ayant au moins 4 mois d'ancienneté, consécutifs ou non, au cours des 12 derniers mois bénéficient également du DIF. Dans le Code du travail, le législateur emploie le terme d'"ancienneté professionnelle" et non d'"ancienneté dans l'entreprise". L'ensemble des CDD conclus par le salarié dans l'année précédant la demande, quelle que soit l'entreprise, sont donc comptabilisés.
Pour bien comprendre le mécanisme du DIF, la période d'ouverture des droits doit être distinguée de la période qui permet d'acquérir des droits au terme de l'ancienneté requise. Si le salarié a travaillé 4 mois sous CDD, son droit à DIF est ouvert. Par la suite, son ancienneté dans l'entreprise lui permet d'acquérir des droits. A l'inverse du salarié sous CDI, le salarié sous CDD n'est pas obligé de prendre son DIF à terme échu mais peut l'utiliser au prorata de son temps de présence. Ainsi, au bout de 4 mois de travail à temps plein, le salarié bénéficie de 4/12 des 20 heures annuelles de DIF.
Le CDD et le CDI ont un régime propre au regard du DIF : lorsque le salarié est en CDD, on utilise les règles du CDD ; lorsqu'il est en CDI, on utilise les règles du CDI.. Dès lors, le salarié qui obtient un CDI à l'issue d'un CDD n'obtient pas le transfert de ses droits à DIF. A l'inverse, si le salarié a utilisé ses droits à DIF dans le cadre de son CDD, il aura tout de même droit à 20 heures de DIF lors du CDI lorsqu'il totalisera dans l'entreprise une année d'ancienneté.
De même, le transfert des droits à DIF lorsqu'un salarié conclut plusieurs CDD successifs avec une période d'interruption entre les CDD n'a pas été prévu par le Code du travail. Dans ce cas, le salarié ne pourra pas, lors du second CDD, utiliser les droits à DIF acquis lors du premier CDD.
En tout état de cause, les droits à DIF ne sont, en principe, jamais transférés d'une entreprise à l'autre, sauf pour certains accords de branche qui ont prévu la possibilité de conserver le capital DIF acquis lorsque le salarié retrouve un emploi dans la même branche dans un délai limité.
Normalement, le salarié acquière 20 heures de DIF par an jusqu'à concurrence de 120 heures. Les droits acquis annuellement peuvent ainsi être cumulés sur une durée de 6 ans pour un salarié en CDI à temps plein. Au terme de cette durée et à défaut de son utilisation, en tout ou partie, le droit individuel à la formation reste plafonné à 120 heures (C. trav., art. L. 933-2 N° Lexbase : L4731DZA).
Le principe est que toutes les périodes de contrat sont comptabilisées pour le droit au DIF, sauf si ces périodes donnent droit au DIF chez un autre employeur. Ainsi, bien que cela n'ait pas été confirmé, il semblerait que le congé sabbatique ne donne pas droit à DIF. En revanche, une période de CIF, un congé maladie ou maternité, par exemple, permettent d'acquérir des droits à DIF.
Une convention ou un accord collectif de branche ou d'entreprise peut prévoir des modalités particulières de mise en oeuvre du droit individuel à la formation (C. trav., art. L. 933-1 N° Lexbase : L4730DZ9). En pratique, très peu d'accords prévoient la possibilité d'anticipation du DIF et le principe est, le plus souvent, l'acquisition de 20 heures de DIF par an. Toutefois, certains accords de branche ont augmenté le plafond d'anticipation des droits et prévoient que le salarié puisse utiliser, par exemple, 30 heures les trois premières années et 10 heures les trois dernières années. Dans ce cas, une clause de dédit-formation est parfois prévue. Un tel aménagement permet au salarié de faire des formations conséquentes dès le départ. En tout état de cause, le plafond de 120 heures reste, à de rares exceptions près prévues par accord de branche, intangible.
En principe, les salariés ne peuvent utiliser leur DIF que depuis le 7 mai 2005. Or, certains accords de branche étendus ont prévu le 1er janvier 2005 comme date de première distribution du DIF. Ainsi, certains salariés ont bénéficié du DIF au 1er janvier 2005 mais cela au prorata des droits qu'ils ont acquis. Or, si le salarié est licencié le 8 mai 2005, alors qu'il a objectivement acquis 20 heures de DIF, il ne pourra pas en bénéficier si l'on s'en tient à certains accords de branche.
L'employeur doit informer chaque salarié individuellement et par écrit de ses droits à DIF (C. trav., art. L. 933-2 N° Lexbase : L4731DZA). La loi parle de "support écrit" et il faut donc, probablement, exclure la possibilité de procéder à une information par intranet. Beaucoup d'entreprises ont opté pour une information sur le bulletin de salaire. C'est, en effet, une solution qui semble à la fois économique et fiable. Elle permet, en plus, d'obtenir un décompte régulier des heures de DIF dont dispose le salarié. Pour le salarié sous CDD, l'information peut, par exemple, se réaliser dans le bordereau individuel d'accès à la formation (Biaf) que l'employeur doit obligatoirement remettre au salarié en début de contrat.
En principe, les actions de formation se déroulent en dehors du temps de travail et le salarié bénéficie du versement par l'employeur de l'allocation de formation (C. trav., art. L. 933-3 N° Lexbase : L4732DZB). Tout temps non habituellement travaillé, qu'il soit rémunéré (congés payés, RTT, jours fériés...) ou non (repos hebdomadaire, repos avant ou après le temps de travail...) peut être utilisé pour le DIF.
Cependant, pour pouvoir être en formation, il faut être apte à travailler. Ainsi, les périodes de congé maladie ou maternité, par exemple, sont exclues puisque le salarié n'est pas apte à suivre une formation. Le congé sabbatique est quant à lui litigieux car, dans ce cas, il n'y a pas véritablement de notion de "hors temps de travail".
Le montant de l'allocation de formation ainsi que les frais de formation correspondant aux droits ouverts sont à la charge de l'employeur et sont imputables sur sa participation au développement de la formation professionnelle continue (C. trav., art. L. 933-4 N° Lexbase : L4733DZC). Cette allocation, dont le montant est égal à 50 % de la rémunération nette de référence du salarié, ne revêt pas le caractère de rémunération au sens de l'article L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L7529HBH) et est donc exclue de l'assiette de la CSG et de la CRDS (lettre DSS, dossier A12290/04-D8998/04, 20 décembre 2004 N° Lexbase : L4735DZE).
Seul un accord d'entreprise ou de branche peut rendre possible le DIF sur le temps de travail, mais le seul accord du salarié est insuffisant (C. trav., art. L. 933-3 N° Lexbase : L4732DZB). Les heures consacrées à la formation pendant le temps de travail ouvrent simplement droit au maintien de la rémunération du salarié dans les conditions définies au I de l'article L. 932-1 (N° Lexbase : L4729DZ8) et le salarié ne pourra pas percevoir l'allocation de formation.
Le salarié doit demander une action de formation éligible, c'est-à-dire soit une action de promotion, d'acquisition, d'entretien ou de perfectionnement des connaissances (C. trav., art. L. 900-2 N° Lexbase : L4630DZI), soit une action de qualifications (C. trav., art. L. 900-3 N° Lexbase : L4632DZL).
La loi est silencieuse sur le délai de dépôt de la demande. Dans sa demande, le salarié doit décrire l'action de formation (intitulé, durée, contenu) et la date de dépôt de la demande. S'agissant d'une demande de DIF, l'envoi par lettre recommandée avec accusé de réception n'est pas approprié et donne à la demande une connotation contentieuse. Il peut être utile pour l'employeur de prévoir, par avance, la personne ou le service habilité à recevoir les demandes de DIF. En outre, il est conseillé de mentionner sur certains supports, tels que les recueils de besoin, qu'ils ne constituent pas une demande de DIF. Ces précautions évitent que des demandes affluent dans n'importe quel service et sur n'importe quels supports.
L'employeur peut décider d'accepter ou de refuser cette demande mais, dans tous les cas, il ne dispose que d'un mois pour répondre au salarié à compter de la demande de celui-ci.
L'employeur n'a pas en principe à motiver son refus, sauf si un accord de branche le prévoit. L'employeur peut, par exemple, arguer du décalage entre le résultat de l'entretien annuel de formation et la demande de formation effectuée par le salarié.
Lorsque, durant deux exercices civils consécutifs (2), le salarié et l'entreprise sont en désaccord sur le choix de l'action de formation au titre du droit individuel à la formation, l'organisme paritaire agréé au titre du congé individuel de formation dont relève son entreprise assure par priorité la prise en charge financière de l'action dans le cadre d'un congé individuel de formation sous réserve que cette action corresponde aux priorités et aux critères définis par ledit organisme (C. trav., art. L. 933-5 N° Lexbase : L4734DZD).
Dans ce cas, l'employeur est tenu de verser à cet organisme le montant de l'allocation de formation correspondant aux droits acquis par l'intéressé au titre du droit individuel à la formation et les frais de formation calculés conformément aux dispositions de l'article L. 933-4 (N° Lexbase : L4733DZC) et sur la base forfaitaire applicable aux contrats de professionnalisation mentionnés à l'article L. 983-1 (N° Lexbase : L4811DZ9).
Dans le cas où l'employeur accepte la demande du salarié, il faut formaliser l'accord entre l'employeur et le salarié. Cet accord doit contenir, notamment, l'organisme de formation, le lieu de déroulement de l'action, les dates et les heures.
En principe, le DIF s'exécute dans l'entreprise. A défaut, il est perdu. Il existe cependant deux exceptions.
Tout d'abord, en cas de licenciement, sauf pour faute grave ou lourde, le salarié peut suivre une action de formation alors qu'il n'est plus salarié dans l'entreprise (C. trav., art. L. 933-6 N° Lexbase : L4735DZE). L'employeur est alors obligé d'accéder à la demande du salarié. L'employeur a une obligation d'information dans la lettre de licenciement sur le capital acquis en termes de DIF à la date de départ de l'entreprise. La procédure à suivre pour demander le DIF doit également être précisée dans la lettre. Le salarié doit, en tout état de cause, faire sa demande de DIF avant la fin du préavis, que celui-ci soit effectué ou non.
Ensuite, en cas de démission, le salarié peut suivre une action de formation sous réserve qu'il ait commencé sa formation avant la fin du préavis. Contrairement au licenciement pour lequel la formation doit être demandée avant le départ de l'entreprise, en cas démission, la formation doit être engagée avant la fin du préavis.
Aurélie Serrano
SGR Droit social
(2) Rien n'empêche, en pratique, le salarié de se prévaloir, pour former son recours, d'une décision de refus datée du 31 décembre et d'une autre datée du 1er février.
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