La lettre juridique n°163 du 14 avril 2005 : Concurrence

[Jurisprudence] Le Conseil de la Concurrence précise les modalités selon lesquelles un service universel pourrait être mis en place dans le secteur bancaire

Réf. : Avis Conseil de la concurrence n° 05-A-08, 31 mars 2005, relatif à une demande d'avis de la CLCV portant sur les conditions dans lesquelles pourrait être envisagée la mise en place d'un service bancaire de base (N° Lexbase : X0194ADK)

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par Jean-Pierre Lehman, Ancien rapporteur au Conseil de la concurrence

le 07 Octobre 2010

Partant du constat de l'existence en France d'un important phénomène d'exclusion bancaire pour une partie non négligeable de la population, la Confédération de la consommation, du logement et du cadre de vie (CLCV), souhaitant que tout consommateur puisse bénéficier de services bancaires de qualité a saisi pour avis, le 25 novembre dernier, le Conseil de la Concurrence. Conformément aux dispositions de l'article L. 462-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L6624AI8), la CLCV souhaitait plus particulièrement recueillir l'avis du Conseil sur les "conditions dans lesquelles pourrait être envisagée la mise en place d'un service bancaire de base au même titre qu'il existe un service universel des télécommunications ou de l'électricité". Dans son avis en date du 31 mars 2005, le Conseil rappelle que dans un livre vert récent sur les "services d'intérêt général" (voir du même auteur, La Commission organise une consultation sur les services d'intérêt général, Lexbase Hebdo n° 75 du 12 juin 2003 - édition affaires N° Lexbase : N7679AAN), la Commission a tenu à souligner que "la notion de service universel porte sur un ensemble d'exigences d'intérêt général dont l'objectif est de veiller à ce que certains services soient mis à la disposition de tous les consommateurs et utilisateurs sur la totalité du territoire d'un Etat membre, indépendamment de leur position géographique, au niveau de qualité spécifié et, compte tenu de circonstances nationales particulières, à un prix abordable".
En conséquence, pour la Commission, le service universel (SU) n'est qu'un mode particulier du service d'intérêt économique général (SIEG). Si cette dernière a largement facilité la mise en place des SIEG dans des domaines très variés comme, par exemple, les télécommunications, l'énergie, ou encore le courrier, elle n'a pris aucune initiative particulière s'agissant du SU dans le secteur bancaire.

Ainsi, et c'est là ou réside, entre autre, l'intérêt de cet avis du Conseil, celui-ci nous fournit la condition selon laquelle, selon lui, un SU de ce type pourrait être institué en France [point 7] chaque fois que "la non-satisfaction de la demande, au niveau, au prix et selon les modalités requis par les pouvoirs publics, par les seuls mécanismes de marché" ne serait pas assurée. Bien évidemment, il est nécessaire au préalable que les pouvoirs publics aient considéré [point 10] "que le secteur bancaire, lorsqu'il fonctionne selon un mode purement concurrentiel, ne réussit pas [à] assurer une fourniture satisfaisante des besoins en termes de couverture géographique, de qualité et de prix abordable".

Si tel était le choix en France des autorités compétentes une nouvelle question se poserait alors : dans quelles conditions, la mise en place d'un SU bancaire, pourrait-elle être considérée comme licite au regard du droit de la concurrence ?

Première condition pour le Conseil, la transparence doit être respectée. Celle-ci porte, notamment, sur la définition précise des besoins des usagers pour lesquels les SIEG sont envisagés, l'identification juridique de l'entité qui a en charge la livraison de ces services. Enfin ces derniers ayant comme contrepartie d'une obligation de service public pour celui qui les fournit, la mise en place, d'un régulateur en charge de surveiller comment sont remplies lesdites obligations n'est pas à exclure.

Il est à noter qu'à deux reprises le Conseil a déjà eu l'occasion d'aborder par le passé le thème de la mise en oeuvre du SU. Tout d'abord dans son avis du 19 juin 2001 (avis du 19 juin 2001 relatif à une demande d'avis de l'Union fédérale des consommateurs sur les conditions d'une concentration entre les associations de consommateurs et la profession bancaire N° Lexbase : X0276ADL), le Conseil, s'intéressant au niveau de prix, considérait que "le service universel non concurrentiel correspond à un service qui ne peut être rendu par le marché à un prix abordable pour l'ensemble de la population et répondant à certains critères qualitatifs. Cette carence justifie le recours à un financement public, normalement prohibé pour les entreprises opérant sur les marchés concurrentiels. Les questions essentielles relatives au service universel non concurrentiel sont donc d'abord la délimitation de son champ, puis la mesure de son coût et le choix de son mode de financement". Revenant cette fois sur le coût du SU, dans un avis en date cette fois du 21 mai 2003 (avis Conseil de la concurrence n° 03-A-07, 21 mai 2003, relatif à une demande d'avis du ministre de la Culture et de la Communication et de la ministre déléguée à l'industrie concernant un projet de loi relatif aux communications électroniques N° Lexbase : X4779ACY) il précisait alors que "la mise en oeuvre d'obligations de service universel peut soulever des problèmes de concurrence, d'une part, lorsque le coût net de ces obligations est trop élevé ou son mécanisme de financement distorsif et, d'autre part, lorsque des prestations relevant du service universel peuvent être fournies dans des conditions identiques, voire à un tarif moindre, par d'autres opérateurs que ceux désignés pour les fournir".

Pour le Conseil, ici, trois types de mode d'attribution de la fourniture de ce type de services sont alors possibles. Bien évidemment, le choix du prestataire unique ne doit être envisagé que lorsqu'il n'existe pas d'autre solution. Par ailleurs, comme il l'avait déjà suggéré dans son avis du 21 mai 2003, "la mise en oeuvre de procédures d'enchères négatives est susceptible de promouvoir l'efficacité économique dans des secteurs où l'offre est, par définition, limitée". Enfin un mécanisme original dit "pay or play" n'est pas à exclure, elle permet alors à tout opérateur le droit de choisir d'assurer ou non le service universel. En cas de choix négatif de la part d'un opérateur, il n'a plus qu'à participer au financement du SU en versant une quote-part pécuniaire aux opérateurs ayant accepté de fournir le service.

Quatre modes de financement sont finalement envisagés par le Conseil. Le coût du service universel peut tout d'abord être assumé par l'Etat lui-même par des subventions ou des avantages financiers (y compris les réductions d'impôt). Cette solution a la préférence du Conseil qui retient également comme alternative l'octroi d'une concession au prestataire du service universel. Ce dernier peut aussi être financé par prélèvement sur les opérateurs du secteur. Dans ce cas, un fonds de financement du SU est mis en place. Ce fonds, qui est alimenté au moyen de contributions de tous les opérateurs, est utilisé pour effectuer des transferts à destination du ou des prestataires des obligations de service universel. Enfin un système de subventions croisées n'est pas à exclure lorsque l'opérateur ayant en charge le SU ne bénéficie d'aucune compensation. Dans ce cas de figure le coût du SU est financé par un système de subventions croisées, c'est-à-dire, in fine, par la sur-tarification de services non compris dans le service universel.

En conclusion [point 77], le Conseil insiste sur le fait, "que si le sujet du service universel a été largement étudié par la théorie économique et que les principaux défauts des diverses solutions sont bien connus, il n'existe pas, pour autant, de modèle unique de service universel. Il est donc non seulement possible mais également souhaitable d'un point de vue de l'efficacité économique, d'adapter le dispositif aux conditions objectives du marché national et de faire preuve d'originalité, chaque fois que cela apparaît nécessaire, dans le choix des solutions retenues".

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