La lettre juridique n°645 du 25 février 2016 : Propriété intellectuelle

[Jurisprudence] Le droit des marques a-t-il le sens de la "famille (de marques)" ?

Réf. : Cass. com., 19 janvier 2016, n° 14-18.434, FS-P+B (N° Lexbase : A5617N4S)

Lecture: 18 min

N1493BW9

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Jurisprudence] Le droit des marques a-t-il le sens de la "famille (de marques)" ?. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/29758459-jurisprudenceledroitdesmarquesatillesensdelaifamilledemarquesi
Copier

par Fabienne Fajgenbaum et Thibault Lachacinski, Avocats à la cour

le 25 Février 2016

L'arrêt rendu par la Cour de cassation le 19 janvier 2016, voué aux honneurs d'une publication au Bulletin d'information de la Cour de cassation, présente déjà l'intérêt de consacrer l'existence des "familles de marques" au sommet de la hiérarchie judiciaire française. Surtout, se conformant scrupuleusement aux enseignements de l'arrêt "Rintisch" rendu le 25 octobre 2012 par la Cour de justice de l'Union européenne (1), il leur applique un régime de protection dérogatoire en matière de déchéance pour défaut d'usage. La Chambre commerciale rejette donc les pourvois formés à l'encontre de l'arrêt d'appel (2). Petite particularité toutefois : elle procède à une substitution de motifs (3) soulevée d'office, permettant ainsi de donner une base légale à l'arrêt d'appel dont le dispositif est dès lors maintenu. Les juges d'appel avaient en effet constaté la déchéance d'une des marques sur lesquelles était fondée l'action en contrefaçon au motif qu'il aurait été "de droit constant depuis 2007, tant au niveau européen qu'au niveau national", que la preuve de l'usage d'une marque enregistrée ne peut résulter de l'usage d'une autre marque enregistrée, peu important que celle-ci n'en soit qu'une variante sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif. Cette motivation méconnaissait évidemment la jurisprudence communautaire en vigueur depuis l'arrêt "Rintisch" précité.

Afin d'éviter d'avoir à prononcer la cassation de l'arrêt d'appel, la Cour suprême commence par rappeler l'apport de cette décision communautaire ayant précisé que, dans le contexte particulier d'une "famille" ou d'une "série" de marques, l'usage d'une marque ne saurait être invoqué aux fins de justifier de l'usage d'une autre marque. La Cour retient ainsi que, la demanderesse à l'action s'étant prévalue de l'appartenance de sa marque "Micro Rain" à une famille de 16 marques composées autour du terme "Rain", utilisé comme suffixe ou préfixe, pour désigner les produits et services proposés dans le cadre de son activité de fabrication et de commercialisation de systèmes d'irrigation agricole, elle ne pouvait invoquer l'usage de la marque "Mini Rain" pour soustraire la marque "Micro Rain" à la sanction de la déchéance.

Où l'on constate que si la "famille de marques" bénéficie d'une protection renforcée en matière d'oppositions communautaires (I), elle se voit étrangement appliquer un régime dérogatoire et défavorable lorsqu'il s'agit de la déchéance pour défaut d'usage (III). Le principe reste toutefois que l'exploitation d'une marque sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif lui permet d'échapper à la sanction de la déchéance, peu important que cette forme modifiée ait elle-même fait l'objet d'un enregistrement à titre de marque (II).

I - La "famille de marques", enfant chéri du droit des marques communautaire

En l'absence de fondement textuel, le concept de "famille de marques" apparaît comme une pure création jurisprudentielle communautaire (4). Lorsqu'une opposition à une demande de marque communautaire est fondée sur plusieurs marques antérieures et que ces marques présentent des caractéristiques incitant à les considérer comme faisant partie d'une série, un risque de confusion est susceptible d'être créé par la possibilité d'association entre la marque contestée et ces marques antérieures sérielles. L'existence d'une "famille de marques" est alors prise en considération dans le cadre de l'appréciation globale du risque de confusion (5). C'est ainsi que le régime juridique des "familles de marques" est appréhendé au sein des Directives d'opposition mises en ligne par l'OHMI (Partie C), dans un chapitre 6 "autres facteurs" d'une section 2 ("double identité et risque de confusion").

La notion de concept de "famille de marques" est donc étroitement liée à une particularité procédurale communautaire (6) : la possibilité d'invoquer cumulativement différent droits antérieurs -et donc plusieurs droits de marques- pour s'opposer à une demande d'enregistrement de marque communautaire. Il est en effet admis qu'un risque d'association peut exister même lorsque la comparaison entre la marque demandée et les marques antérieures, prises chacune isolément, ne permet pas d'établir l'existence d'un risque de confusion direct (7).

A l'inverse, la notion de "famille de marques" n'a pas cours dans le cadre des oppositions dont l'INPI a à connaître, l'Office français rappelant régulièrement que les arguments tirés de l'existence d'une "famille de marques" sont extérieurs à la procédure ; pour cause, la procédure française ne permettant de fonder une opposition jusqu'à présent que sur un unique droit antérieur (8).

Pour être complet, il convient de préciser que la prise en compte des "familles de marques" a été étendue aux oppositions formées à l'encontre de marques communautaires sur le fondement d'une marque jouissant d'une renommée. Elle n'intervient pas alors au niveau de l'appréciation du risque de confusion mais comme l'un des facteurs permettant d'établir un caractère distinctif /une renommée accru de la marque antérieure opposée (9). En revanche, le Tribunal de l'Union européenne considère que le concept de "famille de marques" ne relève pas des motifs absolus de refus (10).

Afin de pouvoir bénéficier du régime de protection prétorienne élargie dont bénéficient les "familles de marques", l'opposant doit naturellement établir l'existence de cette famille. Dans le silence des textes, les contours de cette notion n'ont pu se préciser qu'au fil des décisions rendues par l'OHMI et les juridictions communautaires saisies. Depuis 2015, les Directives d'opposition de l'OHMI fixent à 3 marques (en principe enregistrées) le seuil minimum à partir duquel une famille pourrait être caractérisée (11). Au-delà de cette approche purement numérique, il est désormais admis qu'une "famille de marques" existe, notamment, lorsque plusieurs marques contiennent un même élément distinctif ou répètent un même préfixe ou suffixe extrait d'une marque originaire ; l'élément commun qui caractérise la famille occupe alors en principe la même position au sein des marques sérielles (12). En revanche, le constat que d'autres éléments des signes antérieurs ont un plus grand impact dans l'impression d'ensemble produite par ces signes est de nature à écarter l'existence d'une "famille". C'est ainsi que les marques "Unifonds", "Unirak" et "Unizins" de la société Unicrédit constituent une "famille de marques", étant composées d'un élément commun "Uni" en position initiale, auquel sont accolés, sans coupure, des termes ayant un caractère descriptif ou non distinctif des produits financiers (13) ; il en va de même s'agissant des marques "Citicorp", "Citigroup", "Citibond" et "Citequity" (14).

Ainsi que le relevait l'Avocat général dans l'affaire "Brainbridge", la "famille de marques" n'est pas enregistrée en tant que telle et ne peut donc pas bénéficier d'une protection en tant que telle. Pour qu'il existe un risque que le public se méprenne quant à l'appartenance à une "famille de marques" ou une série de la marque dont l'enregistrement est demandé, les marques antérieures faisant partie de cette "famille" ou "série" doivent donc être présentes sur le marché. En découle l'exigence, pour la partie qui entend se prévaloir d'une famille, de soumettre la preuve de l'usage "d'un nombre suffisant de marques pour être perçues par le consommateur moyen comme constituant une série" (15). L'Avocat général précisait alors que cet usage devait être "effectif", critère régulièrement rappelé par la jurisprudence communautaire ultérieure. En revanche, il n'est nullement nécessaire que le public pertinent perçoive les marques présentes sur le marché comme constituant une série (16).

A défaut de la preuve de l'usage d'un nombre suffisant de marques pour constituer une famille, le risque de confusion devra être apprécié en comparant chacune des marques antérieures prises isolément avec la marque demandée (17).

Après avoir isolé un élément commun distinctif au sein de la "famille de marques", il convient de vérifier si celui-ci est repris au sein du signe contesté, générant ainsi un risque de confusion par association. La marque objet de l'opposition devra donc non seulement être similaire à la famille dans son ensemble mais également présenter les caractéristiques capables de l'associer à cette série, amenant le public à croire que la marque contestée fait également partie de la famille c'est-à-dire que les produits et services en cause pourraient provenir de la même entreprise ou d'entreprises liées (18). Le risque d'association sera en revanché écarté si, au sein de la marque contestée, l'élément commun se situe dans une position différente de celle dans laquelle il apparaît généralement dans les marques de la série ou s'il présente un contenu sémantique différent (19).

II - Enregistrements de marques et déchéance : l'histoire d'une valse-hésitation en trois temps

Le droit des marques est un droit d'appropriation, soumis à une obligation corollaire d'usage sérieux prévue à l'article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3738ADS), transposant en droit interne l'article 10 de la Directive 89/104 du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des Etats membres sur les marques (N° Lexbase : L9827AUI) (20). Cette exigence, rigoureuse en son principe, connaît néanmoins des adaptations afin de prendre en considération les réalités propres à la vie des affaires et à la nécessaire évolution des marques dans le temps. Il est donc admis que l'usage d'une marque sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif est suffisant pour échapper à la sanction de la déchéance.

Afin de sécuriser leurs droits, certains titulaires avaient toutefois jugé plus prudent de procéder à de nouveaux dépôts au fur et à mesure de l'évolution de leur marque d'origine. La démarche semblait pleine de bon sens. Sauf que, par une importante affaire "Brainbridge", le Tribunal de l'Union européenne y a mis un sérieux coup de frein en jugeant que l'enregistrement à titre de marque d'un second signe empêchait que son exploitation puisse servir de preuve de l'utilisation d'une marque menacée de déchéance, quand bien mêmes les signes en cause ne différeraient que par des éléments n'en altérant pas le caractère distinctif. Il s'agissait ainsi d'empêcher qu'une même série de preuves d'usage puisse être produite afin de faire échec à la déchéance de deux enregistrements distincts (21).

Saisie sur renvoi, la CJUE a confirmé l'analyse du Tribunal (22). Sa position semblait alors d'autant plus mûrement réfléchie qu'elle était rendue dans le cadre d'un obiter dictum, c'est-à-dire sans nécessité au regard des faits de l'espèce (23) ; pour cette raison, l'Avocat général s'était, pour sa part, abstenu d'émettre une opinion, estimant "inutile" de traiter cette question.

En suite de l'arrêt "Brainbridge", la Cour de cassation avait opéré le, 16 février 2010, un premier revirement de sa jurisprudence (24), approuvant donc la cour d'appel de Paris d'avoir relevé qu'en déposant diverses marques, leur titulaire avait entendu les distinguer, de sorte que l'exploitation de l'une ne saurait constituer la preuve de l'exploitation des autres.

Dans ce contexte, c'est peu de dire que la "volte-face" apparente (25) opérée par la Cour de justice au terme de son arrêt "Rintisch" du 25 octobre 2012 (26) a été accueillie avec soulagement par la doctrine (27) aussi bien que par les titulaires de marques, que la jurisprudence antérieure privait de la date d'antériorité liée au premier dépôt. Se livrant à une analyse textuelle et téléologique des dispositions de l'article 10 §2 sous a) de la Directive 89/104, la Cour en déduit que cette disposition ne s'oppose pas à ce que l'usage d'une marque sous une forme modifiée mais n'en altérant pas le caractère distinctif puisse lui permettre d'échapper à la sanction de la déchéance, peu important le fait que cette forme différente ait elle-même été enregistrée en tant que marque.

Effectivement, le libellé de l'article 10 précité n'opère aucune distinction selon que la forme différente sous laquelle la marque est utilisée a, ou non, fait l'objet d'un enregistrement à titre de marque : conformément au principe ubi lex non distinguit, il n'y a donc pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas en ajoutant une condition non prévue par les textes (28) (point 20). S'agissant de la finalité de cette disposition, la CJUE rappelle qu'elle vise à permettre au titulaire de la marque d'apporter aux signes, à l'occasion de son exploitation commerciale, les variations qui, sans en modifier le caractère distinctif, permettent de mieux l'adapter aux exigences de commercialisation et de promotion des produits ou des services concernés (point 21).

Le résultat auquel parvient la Cour de justice dans l'affaire "Rintisch" convainc pleinement, correspondant d'ailleurs à l'état de la jurisprudence de la Cour de cassation en 2006 (29). Sans surprise, la Chambre commerciale s'est dès lors empressée de revenir à sa position initiale par un revirement du 3 juin 2014, publié au Bulletin (30).

Le dénouement final viendra comme souvent du législateur communautaire. Le Règlement n° 2015/2424 du 16 décembre 2015 (N° Lexbase : L3614KWR) (31), qui entrera en vigueur le 23 mars 2016, souligne à son considérant 23, que "pour des raisons d'équité et de sécurité juridique, l'usage d'une marque de l'Union européenne (32) sous une forme qui diffère par des éléments n'altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée devrait suffire à préserver les droits conférés, que la marque ait ou non été aussi enregistrée sous la forme sous laquelle il en est fait usage". L'article 15 §1 du Règlement dispose ainsi que l'usage faisant échec à la déchéance peut prendre la forme d'un usage sous une forme qui diffère par des éléments n'altérant pas le caractère distinctif de la marque, "que la marque soit ou non aussi enregistrée sous la forme utilisée au nom du titulaire". A noter que la formulation de l'article 15 n'a que très légèrement évolué au fil des travaux communautaires (33). Une Directive communautaire devrait également être prise dans les prochains mois afin d'organiser la refonte du droit des marques ; curieusement, le libellé français figurant dans le projet signé le 16 décembre 2015 par le président du Parlement européen et le président du Conseil diffère très légèrement de celui du Règlement (à l'inverse du libellé anglais) (34).

III - La "famille de marques", parent pauvre du régime de la déchéance

Comment la Cour de justice est-elle parvenue à justifier la "volte-face" opérée par l'arrêt "Rintisch", dont elle prend soin de préciser qu'il ne serait "pas en contradiction" avec sa jurisprudence antérieure, au grand scepticisme de la doctrine (35) ? En tentant de cantonner la solution retenue dans l'arrêt "Brainbridge" au contexte particulier de cette affaire faisant intervenir une "famille de marques" ; en d'autres termes, le principe -contrairement à ce que pouvait laisser penser l'arrêt du 13 septembre 2007- reste que l'enregistrement de la marque telle que concrètement exploitée est sans incidence, dès lors qu'elle ne diffère de la marque première que par des éléments n'en altérant pas le caractère distinctif. En revanche, s'agissant des "familles de marques", la Cour rappelle que "l'usage d'une marque ne saurait être invoqué aux fins de justifier de l'usage d'une autre marque, dès lors que le but est d'établir l'utilisation d'un nombre suffisant de marques d'une même famille" (36).

L'analyse menée par la Cour de justice peut apparaître quelque peu artificielle, l'arrêt "Braindbridge" n'évoquant précisément nullement l'hypothèse d'une "famille de marques" dans ses développements sur la déchéance (points 78 à 87). Surtout, la formulée utilisée dans l'arrêt "Rintisch" semble curieuse, présentant l'exigence de la preuve de l'usage de chacune des marques comme une condition pour établir l'existence d'une "famille de marques" (dans le cadre de la preuve du risque de confusion par association), alors pourtant que le débat est censé porter sur la déchéance pour défaut d'usage. D'ailleurs, à aucun moment, la Cour ne s'intéresse à l'exigence de modifications n'altérant pas le caractère distinctif de la marque, pourtant essentielle en matière de déchéance. La Cour amalgame donc deux notions distinctes, aboutissant apparemment à soumettre les "familles de marque" à un régime plus rigoureux que la moyenne en matière de déchéance.

Cela étant, il est constant que, pour pouvoir valablement invoquer l'existence d'une "famille de marques" et bénéficier de la protection élargie qui y est associée, le demandeur doit prouver l'usage effectif de chacune des marques de la série ; pour cette raison, il ne saurait se prévaloir de l'usage d'une marque sérielle au bénéfice d'une autre. L'affirmation de la Cour de justice dans l'affaire "Rintisch" -selon laquelle "l'usage d'une marque ne saurait être invoqué aux fins de justifier de l'usage d'une autre marque, dès lors que le but est d'établir l'utilisation d'un nombre suffisant de marques d'une même famille"- nous semble alors parfaitement valable. Toutefois, il s'agit de circonstances bien particulières, dans lesquelles l'enregistrement matérialise l'existence d'une marque distincte, certes proche de ses marques "soeur" mais s'en différenciant plus que par de simples "modifications n'en altérant pas le caractère distinctif" (37) ; par définition, nous ne sommes plus alors dans une hypothèse de déchéance telle qu'envisagée dans l'affaire "Brainbridge". L'arrêt "Rintisch" souffre malheureusement de cette incohérence.

L'arrêt rendu par la Chambre commerciale le 19 janvier 2016 mérite l'approbation, en ce qu'il fait une application fidèle des enseignements de la dernière jurisprudence communautaire. Pour autant, le résultat auquel parvient la Cour de cassation nous semble symptomatique des limites de l'arrêt "Rintisch". En premier lieu, il est permis de douter que le demandeur cherchait véritablement à établir l'existence juridique d'une "famille de marques" afin de bénéficier des effets de cette qualification ; d'ailleurs, quel intérêt aurait-il pu avoir à invoquer l'existence d'un concept, dont nous avons vu qu'il n'a pas véritablement cours en droit français et reste pour l'heure cantonné à une application communautaire ? Au surplus, il semble résulter de l'arrêt d'appel que seules deux marques étaient invoquées en demande, chiffre insuffisant pour composer une "famille". Dès lors, la "famille de marques" n'aurait-elle pas été évoquée plus qu'invoquée ?

En second lieu, il nous semblait difficile de soutenir que le signe "Mini Rain" effectivement exploité constituait une simple évolution commerciale de la marque "Micro Rain". Les différences réelles entre ces signes faisaient au contraire pencher pour deux marques bien distinctes ; pour cette raison, l'exploitation de l'une ne pouvait, selon nous, valoir exploitation de l'autre. Dès lors, si la solution juridique retenue nous semble devoir être approuvée, c'est d'avantage parce que la condition d'usage sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif faisait manifestement défaut (peu important l'existence d'un enregistrement à titre de marque) qu'en raison de l'application d'un régime dérogatoire propre aux "familles de marques", dont la justification reste obscure.

Où l'on constate qu'il est finalement d'un intérêt limité, voire contre-productif, d'évoquer l'existence d'une "famille de marques" devant les juridictions françaises alors que, à l'inverse, il peut être avantageux d'invoquer ce concept devant les juridictions communautaires.


(1) CJUE, 25 octobre 2012, aff. C-553/11 (N° Lexbase : A8895IUY).
(2) CA Pau, 21 janvier 2014, n° 14/439 (N° Lexbase : A3922MDM).
(3) C. proc. civ., art. 620, al. 1 (N° Lexbase : L6779H79) : "La Cour de cassation peut rejeter le pourvoi en substituant un motif de pur droit à un motif erroné ; elle le peut également en faisant abstraction d'un motif de droit erroné mais surabondant".
(4) Dans ses conclusions présentées le 29 mars 2007, l'Avocat général E. Shapston souligne que le Royaume-Uni connaît la figure des familles de marques depuis longtemps (point 97).
(5) Elle reste, en revanche, dépourvue de pertinence dans le cadre de l'appréciation de l'existence d'une similitude entre les marques en conflit (CJUE, 24 mars 2011, aff. C-552/09 P, points 97 et 98 N° Lexbase : A4675HGA).
(6) Qui deviendra l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) à partir du 26 mars 2016.
(7) TPIUE, 25 novembre 2014, aff. T-303/06, point 44 ([LXB=7859EWY]).
(8) A titre d'exemple, OPP-15/2929, projet de décision devenu définitif le 1er décembre 2015 ; CA Paris, Pôle 5, 2ème ch., 30 mai 2014, n° 13/21129 (N° Lexbase : A5967MPP) (recours INPI) ; à noter, TGI Paris, 3ème ch., 30 janvier 2015, n° 12/10129 (N° Lexbase : A3206NBD) ayant refusé de prendre en considération l'existence d'une famille de marques dès lors que "la contrefaçon doit s'apprécier au regard de chaque marque prise une à une, sans qu'il y ait lieu de transposer l'analyse qui peut être faite dans le cadre d'une appréciation des preuves d'usage sérieux d'une marque attaquée en déchéance".
(9) TPIUE, 26 septembre 2012, aff. T-301/09, points 106 et 120 (N° Lexbase : A3661ITR) ; la renommée d'une marque peut alors résulter de son utilisation sous une forme différente n'en altérant pas le caractère distinctif, pourvu que le public concerné continue à percevoir les produits en cause comme provenant de la même entreprise (TPIUE, du 5 mai 2015, aff. T-131/12, points 34 et 35 N° Lexbase : A5359NHX ; TPIUE, 17 mars 2015, aff. T-611/11, point 78 N° Lexbase : A7986ND7).
(10) Il n'appartenait donc pas à l'OHMI de prendre en considération les autres marques prétendument similaires par leur construction pour apprécier le caractère distinctif de la marque demandée (TPIUE, 24 novembre 2015, aff. T-190/15 N° Lexbase : A7773NX8).
(11) Directives relatives à l'examen pratiqué à l'OHMI sur les marques communautaires - Partie C Section 2 Chapitre 6 - autres facteurs (1er février 2016).
(12)  Directives d'opposition préc.. A l'inverse, un élément commun occupant une position différente est de nature à s'opposer à l'établissement d'une association dans l'esprit des consommateurs : la position de l'élément commun "Uni" au sein de la marque contestée "Uniweb" est de nature à écarter l'association avec la famille de marques "Unizins", "Unifonds", "Unirak" (CJUE, 16 juin 2011, aff. C-317/10 P N° Lexbase : A6406HTG ; renvoi en cours).
(13) TPIUE, 27 avril 2010, aff. T-303/06, préc., points 80 à 82.
(14) TPIUE, 26 septembre 2012, aff. T-301/09, point 34 (N° Lexbase : A3661ITR).
(15) Conclusions de Madame E. Sharpston présentées le 29 mars 2007 dans CJCE, 13 septembre 2009, aff. C-234/06 P, point 101 (N° Lexbase : A2092DY7).
(16) TPIUE, 27 avril 2010, aff. T-303/06, préc., point 66.
(17) TPIUE, 27 avril 2010, aff. T-303/06, préc., point 60.
(18) CJUE, 13 septembre 2007, aff. C-234/06 P (N° Lexbase : A2092DY7).
(19) OHMI, Opposition n° B 1 753 212, 28 novembre 2014 (définitive).
(20) Codifiée par la Directive 2008/95 du 22 octobre 2008 (N° Lexbase : L7556IBH). La déchéance pour défaut d'usage est également prévue à l'article 15 du Règlement n° 207/2009 du 26 février 2009, sur la marque communautaire (N° Lexbase : L0531IDZ).
(21) TPICE, 23 février 2006, aff. T-194/03, point 51 (N° Lexbase : A1452DN4).
(22) CJUE, 13 septembre 2007, aff. C-234/06P (N° Lexbase : A2092DY7), rejetant le pourvoi à l'encontre de l'arrêt TPICE, 23 février 2006, T-194/03, préc..
(23) La Cour ayant relevé que la preuve de l'usage de la seconde marque n'avait pas plus été rapportée que pour la première marque.
(24) Cass. com., 16 février 2010, n° 08-21.079, FS-D (N° Lexbase : A0399ESL).
(25) La Cour de justice s'étant curieusement défendue d'avoir opéré un revirement de sa jurisprudence ("Cette interprétation n'est pas en contradiction avec celle qui résulte de l'arrêt Brainbridg/OHMI [...]" ; point 25).
(26) CJUE, 25 octobre 2012, aff. C-553/11 (N° Lexbase : A8895IUY). Dans le même sens, CJUE, 18 juillet 2013, aff. C-252/12 (N° Lexbase : A0181KKW) : "La condition d''usage sérieux', au sens de [l'article 10, paragraphe 2, de la Directive 89/104/CEE (N° Lexbase : L9827AUI)], peut être satisfaite lorsqu'une marque communautaire figurative n'est utilisée qu'en combinaison avec une marque communautaire verbale qui lui est surimposée, la combinaison de deux marques étant, de surcroît, elle-même enregistrée comme marque communautaire, pour autant que les différences entre la forme sous laquelle la marque est utilisée et celle sous laquelle cette marque a été enregistrée n'altèrent pas le caractère distinctif de ladite marque telle qu'enregistrée".
(27) Propriété industrielle n°11, novembre 2013, étude 15 par M. Abello, J. Tassi et D. Künkel ; Propriété industrielle n° 11, novembre 2013, étude 16 par E. Le Bihan ; Propriété industrielle n° 12, décembre 2012, commentaire 88 par A. Folliard-Monguiral ; Communication Commerce Electronique n° 12, décembre 2012, commentaire 131 par Ch. Caron.
(28) Pas plus que par l'article 5, C, paragraphe 2 de la Convention de Paris ; la Cour rappelle à cet égard qu'il ressort du douzième considérant de la Directive 89/104 que les dispositions de ces Directives doivent être "en harmonie complète avec celle de la Convention de Paris (point 23).
(29) Trois arrêts, dont Cass. com., 14 mars 2006, n° 04-10.971, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A5235DN9) : la Cour fonde déjà son raisonnement sur un argument textuel.
(30) Cass. com., 3 juin 2014, n° 13-17.769, F-P+B (N° Lexbase : A2780MQZ) (rejetant expressément l'argument qui avait sous-tendu la décision "Brainbridge", à savoir que l'enregistrement de plusieurs marques apporterait la preuve de l'intention du titulaire de les distinguer). La Cour de cassation a également eu l'occasion de censurer un arrêt d'appel qui avait ajouté une condition non prévue par les textes en relevant que l'utilisation de la marque sous une forme modifiée n'était pas "justifiée par une nécessaire adaptation aux exigences du marché" (Cass. com., 12 mai 2015, n° 14-14.648, F-D N° Lexbase : A8781NHP).
(31) Modifiant le Règlement n° 2868/95 du 13 décembre 1995 (N° Lexbase : L5342AUE), portant modalités d'application du Règlement n° 40/94 sur la marque communautaire (N° Lexbase : L5799AUC).
(32) Nouvelle dénomination se substituant à celle de "marque communautaire".
(33) La proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil présentée le 27 mars 2013 (COM(2013) 161 final) contenait le libellé suivant : "que la marque ait aussi été enregistrée ou non sous la forme sous laquelle il en est fait usage".
(34) PE-CONS 70/15, Article 16.5 ("[...] sous une forme qui diffère par des éléments n'altérant pas son caractère distinctif dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée, que la marque soit ou non enregistrée aussi au nom du titulaire sous la forme utilisée").
(35) Propriété industrielle n° 11, novembre 2013, étude 15, préc..
(36) CJUE, 25 octobre 2012, aff. C-553/11, préc., point 29.
(37) Le demandeur revendiquant lui-même l'existence de signes/marques distinctives, pour établir l'existence d'une "famille de marques", il ne peut prétendre que ces signes ne se distingueraient que par des modifications n'en altérant pas le caractère distinctif.

newsid:451493

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus