Constitue une violation du droit au respect de la vie privée et familiale le fait de motiver la mutation d'un adjoint préfectoral par des considérations d'ordre privé telles que le port du voile islamique par son épouse. Telle est la solution énoncée par un arrêt de chambre de la Cour européenne des droits de l'Homme rendu le 2 février 2016 (CEDH, 2 février 2016, Req. 18650/05
N° Lexbase : A3765PAP). Les faits de l'espèce concernaient M. S., ressortissant turc, adjoint au préfet de la ville à l'époque des faits. En 1998, un inspecteur général du corps préfectoral fut chargé d'enquêter sur le comportement de M. S., en se fondant notamment sur deux circulaires, l'une relative au séparatisme et l'autre à l'intégrisme au sein du corps préfectoral. Dans son rapport, l'inspecteur chargé de l'enquête indiqua que l'épouse de M. S. portait le voile islamique et que l'intéressé lui-même avait une personnalité renfermée ce qui avait une incidence négative sur l'exercice de ses fonctions préfectorales, un membre du corps préfectoral se devant d'être "un citoyen modèle ayant une apparence et des opinions modernes". En conclusion, le rapport de l'inspecteur proposait la mutation de M. S. dans un autre département ou à un poste de l'administration centrale n'impliquant aucune fonction de représentation. M. S. ne fut auditionné à aucun moment de cette enquête. A la suite de sa mutation, il forma un recours en annulation qui fut rejeté, tout comme son pourvoi en cassation. Invoquant la violation des articles 8 (
N° Lexbase : L4798AQR) et 9 (
N° Lexbase : L4799AQS) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, M. S. avait saisi la CEDH, arguant du fait que sa mutation avait porté atteinte à son droit au respect de sa vie privée, ainsi qu'à son droit à la liberté de conscience, de pensée et de religion. Pour retenir la violation de l'article 8, la Cour considère qu'il existe un lien de causalité manifeste entre la vie privée et les convictions du requérant d'un côté, et sa mutation de l'autre. Elle estime que la seule proximité ou appartenance à un mouvement religieux ne saurait constituer un motif suffisant pour prendre à son encontre une mesure défavorable et retient donc que sa mutation était motivée par des éléments relevant de sa privée.
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