Si l'avocat a le droit de critiquer le fonctionnement de la justice ou le comportement de tel ou tel magistrat, sa liberté d'expression n'est pas absolue et ne s'étend pas aux propos véhéments dirigés contre un juge, mettant en cause son éthique professionnelle, ces propos caractérisant un manquement aux principes essentiels de délicatesse et de modération qui s'appliquent à l'avocat en toutes circonstances. De plus, l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 (
N° Lexbase : L7589AIW), qui n'institue qu'une immunité pénale, et dans la mesure seulement où les propos n'excédent pas les limites du droit de la défense, n'est pas applicable en matière disciplinaire. Tels sont les enseignements d'un arrêt rendu le 10 septembre 2015 par la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 10 septembre 2015, n° 14-24.208, F-P+B
N° Lexbase : A9400NNH). En l'espèce, Me G., avocat, a été poursuivi disciplinairement à l'initiative du procureur de la République pour avoir, en janvier 2012, manqué à ses obligations de délicatesse et de modération lors d'un débat devant le juge des libertés et de la détention et d'une audience correctionnelle. Un arrêt du 3 juillet 2014, rendu par la cour d'appel de Grenoble, a prononcé à son encontre la peine de l'avertissement. Il a alors formé un pourvoi en cassation arguant, en premier lieu que le ton virulent ou le volume sonore d'une plaidoirie,
a fortiori au pénal, ne caractérisent pas une faute disciplinaire et que les propos en cause ne révélaient aucune animosité personnelle et étaient demeurés dans les limites admissibles de la liberté d'expression. La Cour de cassation ne l'entendra pas ainsi. En effet, dans cette affaire, étaient démontrés, d'une part, la véhémence de Me G., ses attaques
ad hominem à l'encontre d'un JLD, mettant en cause sa compétence professionnelle, et la menace annoncée de faire en sorte que ce magistrat soit démis de ses fonctions, d'autre part, l'agressivité, la virulence et le volume sonore inhabituel de la plaidoirie de cet avocat, qui avait, au cours d'une audience, mis en cause l'impartialité d'un juge assesseur et qui, par son attitude agressive, exprimait une animosité dirigée contre ce magistrat, visant à le discréditer et à le déconsidérer. Partant, les propos proférés par l'avocat étaient exclus de la protection de la liberté d'expression accordée par l'article 10 § 2 de la CESDH (
N° Lexbase : L4743AQQ) et caractérisaient un manquement aux principes essentiels de délicatesse et de modération. Dans un second temps, l'avocat arguait que l'immunité prévue par l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 doit s'appliquer en matière de poursuites disciplinaires exercées contre un avocat en raison des propos qu'il a tenus à l'audience. En vain, ledit article, qui n'institue qu'une immunité pénale, et dans la mesure seulement où les propos n'excédent pas les limites du droit de la défense, n'est pas applicable en matière disciplinaire (cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E6573ETM et N° Lexbase : E1684EUW).
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