Est confirmée la responsabilité de la société américaine Monsanto dans l'intoxication d'un agriculteur français, qui avait inhalé accidentellement un désherbant hautement dangereux interdit depuis lors. Tel est le sens de l'arrêt rendu le 10 septembre 2015 par la cour d'appel de Lyon (CA Lyon, 10 septembre 2015, n° 12/02717
N° Lexbase : A7310NN3). Il convient de relever que l'action était fondée sur la responsabilité de droit commun, et non sur le régime spécial de responsabilité du fabriquant du fait des produits défectueux (C. civ., art. 1386-1
N° Lexbase : L1494ABX), qui ne s'applique qu'aux dommages causés par des produits dont la mise en circulation est postérieure à son entrée en vigueur, ce qui n'était pas le cas en l'espèce, le produit phytosanitaire incriminé ayant été mis en circulation en 1968. C'est donc sur le fondement de la responsabilité délictuelle que l'action a été engagée (l'agriculteur n'ayant pas contracté directement avec le fabricant, mais avec un revendeur), la victime reprochant au fabricant d'avoir failli à son obligation générale d'information et de sécurité pour n'avoir pas respecté les règles applicables en matière d'emballage et d'étiquetage des produits. Après avoir admis que le tiers à un contrat peut effectivement invoquer sur le fondement de la responsabilité délictuelle un manquement contractuel dès lors que celui-ci lui cause un dommage, la cour d'appel a relevé le manquement de la société à son obligation d'information et de renseignement, omettant particulièrement de signaler les risques liés à l'inhalation de monochlorobenzéne présent en quantité importante dans le produit en cause et de préconiser l'emploi d'un appareil de protection respiratoire, notamment pour le nettoyage des cuves, et a retenu que ce manquement contractuel à l'égard de la coopérative revendant le produit constituait une faute délictuelle à l'égard de l'agriculteur victime. La cour relève que, si ce dernier avait reçu une formation professionnelle d'agriculteur, il ne possédait pas de connaissance particulière en matière de chimie, de sorte qu'il ne pouvait se voir reprocher d'avoir ignoré le danger, au demeurant non signalé, présenté par l'inhalation du produit. Il était toutefois manifeste que, si l'attention de l'agriculteur avait été plus spécialement attirée sur les risques graves pour la santé générés par l'inhalation du produit précédemment contenu dans la cuve, ce qu'il n'ignorait pas, il aurait nécessairement agi avec plus d'attention en prenant les précautions qui auraient dû précisément être recommandées sur l'étiquette ou le contenant du produit. Le lien de causalité entre le non-respect de l'obligation d'information et le préjudice était donc établi.
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