La lettre juridique n°596 du 8 janvier 2015 : Droits de l'Homme

[Chronique] Chronique de droit public pénitentiaire - Janvier 2015

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par Christophe de Nantois, Maître de conférences en droit public à l'Université de Lorraine

le 17 Mars 2015

Si l'actualité juridique des derniers mois en matière pénitentiaire n'a pas fait l'objet de profonds bouleversements, quelques précisions importantes ont cependant été effectuées en matière de décisions susceptibles de recours devant le juge (CE, 1° et 6° s-s-r., 21 mai 2014, n° 359672, publié au recueil Lebon), de liberté cultuelle en cellule disciplinaire (CE, 6° et 1° s-s-r., 11 juin 2014, n° 365237, mentionné aux tables du recueil Lebon), ou encore quant au comportement que l'administration pénitentiaire doit adopter vis-à-vis des détenus suicidaires (CE 4° et 5° s-s-r., 4 juin 2014, n° 359244, mentionné aux tables du recueil Lebon ; CE 1° et 6° s-s-r., 11 juin 2014, n° 359739, inédit au recueil Lebon ; CAA Douai, 2ème ch., 24 juin 2014, n° 13DA01173, inédit au recueil Lebon). Cependant, deux points vont nécessairement faire l'objet de développements dans le futur : la question de l'encellulement individuel toujours en suspens et une question prioritaire de constitutionnalité relative à l'organisation et au régime intérieur des établissements pénitentiaires (CE 10° s-s., 15 octobre 2014, n° 346097, inédit au recueil Lebon). La Cour européenne des droits de l'Homme rappelle, quant à elle, que le droit à l'instruction en milieu carcéral ne doit pas faire l'objet de restrictions arbitraires et déraisonnables et qu'un détenu ne peut être considéré comme récidiviste par l'administration pénitentiaire qu'à partir du moment où sa seconde condamnation est devenue définitive (CEDH, 27 août 2014, Req. 16032/07).
  • Les sanctions disciplinaires prises à l'encontre des détenus, y compris les sanctions d'avertissement, sont des décisions susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir (CE, 1° et 6° s-s-r., 21 mai 2014, n° 359672, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6278ML4)

L'arrêt "Marie" (1), en réduisant la catégorie des mesures d'ordre intérieur, avait élargi les possibilités de recourir au juge administratif pour des mesures prises à l'intérieur des prisons. Depuis 1995, une véritable lignée jurisprudentielle s'est développée en milieu carcéral autour d'une question très simple : quels sont les actes qui sont encore des mesures d'ordre intérieur, et ne sont donc pas susceptibles de recours devant le juge ?

L'arrêt rapporté vient compléter ce corpus jurisprudentiel en considérant que les sanctions disciplinaires prises à l'encontre des détenus, y compris les sanctions d'avertissement, sont des décisions susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

Dans la présente affaire, les faits ayant donné lieu à un avertissement pouvaient sembler assez anodins : une personne a "fait l'objet, par une décision du 19 novembre 2008 du président de la commission de discipline de l'établissement, d'un avertissement pour avoir enfreint les instructions arrêtées par le chef d'établissement interdisant le port de vêtements à capuche et refusé d'obtempérer aux injonctions d'un membre du personnel pénitentiaire de s'y conforme". Cette interdiction de porter des vêtements à capuche étant très probablement justifiée par des raisons de sécurité, il n'y a rien là de particulièrement anormal.

Toute la question était de savoir si un avertissement disciplinaire devait être considéré comme une mesure d'ordre intérieur du fait de son caractère apparemment bénin, ou s'il devait être susceptible d'examen par le juge. Le Conseil d'Etat retient ici la seconde option : "si la sanction d'avertissement ne fait pas l'objet d'un rapport à la commission de l'application des peines, le juge de l'application des peines ainsi informé par le chef d'établissement peut néanmoins, le cas échéant, en tenir compte pour retirer, en application du troisième alinéa de l'article 721 [du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9917I3P)], une réduction de peine ou, plus généralement, refuser une réduction de peine supplémentaire, une permission de sortir ou un aménagement de peine ; qu'en outre, la sanction d'avertissement, qui figure au dossier disciplinaire de la personne détenue, peut constituer, en cas de nouvelles poursuites disciplinaires pour d'autres faits, une circonstance aggravante prise en compte par la commission de discipline". En d'autres termes, si l'effet immédiat de l'avertissement disciplinaire n'est pas, en lui-même, de nature à justifier un examen par le juge, les effets potentiels de cet avertissement justifient que le juge puisse avoir à l'examiner. La Haute juridiction ne fait ici qu'apporter un élément supplémentaire à sa jurisprudence classique en la matière.

Cet arrêt du Conseil d'Etat apporte une solution à des procédures qui étaient en cours d'examen par différentes juridictions (2). Toutefois, certaines mesures intitulées "avertissement" en milieu carcéral ne sont toujours pas des actes faisant grief. Ainsi en va-t-il d'un "avertissement émanant du responsable Travail-Formation, en raison d'absences sans justification au travail". Le requérant occupait un emploi de linger dans un centre de détention ; l'avertissement concerné ici étant donné dans le cadre de cet emploi et n'ayant pas de caractère disciplinaire, il n'a pas les mêmes effets et demeure logiquement une mesure d'ordre intérieur (3).

  • Les détenus placés en cellule disciplinaire peuvent continuer à s'entretenir avec un aumônier de leur confession mais ne peuvent se rendre aux offices religieux collectifs (CE, 6° et 1° s-s-r., 11 juin 2014, n° 365237, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6710MQL)

Dans l'arrêt rapporté, un détenu contestait la légalité de l'article R. 57-7-44 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L0266IPK) et plus précisément du point qui suspend "l'accès aux activités" pour un détenu placé en cellule disciplinaire. Les activités qui étaient visées par le recours touchaient uniquement à la liberté du culte. Le Conseil d'Etat, après avoir rappelé que les détenus placés en cellule disciplinaire conservent le droit de s'entretenir avec un aumônier de leur confession et que "les personnes détenues sont autorisées à recevoir ou à conserver en leur possession les objets de pratique religieuse et les livres nécessaires à leur vie spirituelle" (cons. n° 4), estime que "la sanction de cellule disciplinaire emporte pendant toute sa durée la suspension de l'accès aux activités, notamment aux activités à caractère cultuel, sous réserve des dispositions de l'article R. 57-7-45 (N° Lexbase : L0267IPL), ne peuvent être regardées, eu égard à l'objectif d'intérêt général de protection de la sécurité et du bon ordre dans les établissements pénitentiaires qu'elles poursuivent, à la durée maximale de la sanction en cause et aux droits dont continuent à bénéficier [...] les détenus, comme portant une atteinte excessive au droit de ces derniers de pratiquer leur religion".

De façon relativement classique, le juge retient donc les arguments de la sécurité et du bon ordre pour limiter l'accès aux offices religieux collectifs aux détenus placés en cellule disciplinaire.

  • L'administration pénitentiaire doit exercer une surveillance plus étroite des détenus ayant un comportement suicidaire (CE 4° et 5° s-s-r., 4 juin 2014, n° 359244, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3039MQM, cf. l’Ouvrage "Droit de la responsabilité" N° Lexbase : E3742EU7 ; CE 1° et 6° s-s-r., 11 juin 2014, n° 359739, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A6682MQK ; CAA Douai, 2ème ch., 24 juin 2014, n° 13DA01173, inédit au recueil Lebon [LXB= A6431MSY])

La question de détenus ayant un comportement suicidaire fait l'objet de recours récurrents, en particulier lorsque l'administration pénitentiaire n'arrive pas à mettre en échec des tentatives de suicide. Pour la période de ces six derniers mois, quelques points importants doivent être soulignés.

La décision la plus importante sur cette question est sans conteste l'arrêt n° 359244 du 4 juin 2014. Dans cette affaire, M. X, incarcéré le 6 juillet 2004 dans une maison d'arrêt, a fait l'objet à son arrivée d'un examen par l'unité de consultations et de soins ambulatoires (UCSA) de cet établissement pénitentiaire. Le 10 octobre 2004, ressentant des douleurs thoraciques et gastriques, il a été examiné par l'infirmière de l'UCSA de la maison d'arrêt ; le même jour, il est décédé, selon les termes du rapport d'autopsie "d'une mort subite d'origine cardiaque en lien avec une cardiopathie ischémique sur athérosclérose coronarienne". Les consorts X ont alors recherché la responsabilité de l'Etat au titre d'une faute commise par le service public pénitentiaire, mais le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande le 3 juin 2010, ainsi que l'a fait à son tour de la cour administrative d'appel le 1er décembre 2011 (4).

Si le tribunal administratif, puis la cour administrative d'appel, ont rejeté ce recours, c'est en raison du rattachement administratif de l'UCSA à l'hôpital de Rouen. L'administration pénitentiaire n'a en effet, quasiment aucun lien avec l'UCSA et, en tout état de cause, aucun lien hiérarchique. Le Conseil d'Etat ne retient pourtant pas cette solution et estime que les requérants ne doivent pas voir leur recours écarté sur ce fondement et "qu'il appartient à l'Etat, s'il s'y croit fondé, d'appeler en garantie l'établissement public hospitalier dont relève l'unité de consultations et de soins ambulatoires dont la faute a pu causer le dommage ou y concourir". Cette solution qui favorise les ayants droit est la suite et l'extension de l'arrêt "Massioui" du 24 avril 2012 (5), affirmant le principe de la possibilité pour la victime, en cas de dommage trouvant sa cause dans plusieurs fautes commises par des personnes différentes ayant agi indépendamment et qui portent chacune en elle normalement le dommage, de demander la condamnation d'une de ces personnes, ou de celles-ci conjointement, dans lequel les torts entre l'administration pénitentiaire et l'UCSA semblaient être partagés. Or, dans l'arrêt rapporté, l'administration pénitentiaire ne reconnaît pas avoir commis de faute, estimant que la faute relève intégralement de l'UCSA.

Dans un arrêt n° 359739 rendu le 11 juin 2014, les faits étaient les suivants : alors qu'un détenu était suivi depuis 1982 pour des troubles psychotiques et un "état dépressif atypique", qu'il a, à compter du mois de novembre 2005, connu "un épisode de troubles intenses du comportement susceptibles, selon un avis médical, d'entraîner un passage à l'acte" et qu'il s'apprêtait à être transféré au centre sanitaire de la maison centrale spécialisé dans les troubles psychologiques, il s'est donné la mort par pendaison dans la nuit du 26 au 27 mars 2006. La cour administrative d'appel (6) a, cependant, jugé "que rien ne pouvait laisser prévoir le geste suicidaire de [M. X] et qu'aucune surveillance particulière n'était nécessaire". Le Conseil d'Etat estime que "l'appréciation portée par la cour sur ce point est, eu égard aux faits qu'elle a par ailleurs elle-même relevés, notamment à la gravité et à l'ancienneté des troubles qui affectaient l'intéressé, aux multiples problèmes posés par sa détention et à la circonstance que, à la date à laquelle est intervenu son suicide, [l'intéressé] venait d'être hospitalisé d'office et s'apprêtait à être transféré en centre sanitaire, entachée de dénaturation". Les juges du Palais-Royal annulent, par conséquent, l'arrêt de la cour administrative d'appel.

Dans l'arrêt n° 13DA01173 rendu le 24 juin 2014 par la cour administrative d'appel de Douai, une personne en détention provisoire dans une maison d'arrêt a fait l'objet d'un placement en quartier disciplinaire, au sein duquel elle s'est suicidée le 26 juin 2007. Le ministre de la Justice relève appel du jugement du 23 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Rouen l'a condamné à indemniser Mme X, ès qualité d'administratrice légale des deux filles de la détenue, en raison du décès de cette dernière. L'intéressée souffrait d'une addiction importante avec une dépression sévère et avait procédé auparavant à quatorze actes d'auto-mutilation et à deux tentatives de suicide. Comme c'est l'usage en cellule disciplinaire, elle occupait une cellule seule. La cour administrative d'appel de Douai a estimé que "le fait d'avoir laissé dans la cellule de [la détenue] du matériel, en l'espèce des draps, lui permettant de réitérer un passage à l'acte, alors au surplus, que l'existence d'un dispositif de surveillance renforcée la concernant n'est pas établie, constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat".

Au-delà des draps laissés par l'administration pénitentiaire qui constitue au minimum une négligence, il faut noter que c'est donc ici à l'administration pénitentiaire de prouver qu'elle a mis en place un dispositif de surveillance particulier. On comprend tout l'intérêt du Garde des Sceaux de relever appel du jugement, surtout qu'il est très difficile de surveiller un détenu suicidaire placé en quartier disciplinaire où l'encellulement individuel est une règle appliquée sans exception. En règle générale, un détenu suicidaire est, en effet, placé dans une cellule avec un co-détenu, lequel participe à la prévention du suicide. Même si ce dispositif n'est pas toujours satisfaisant (7), il faut reconnaître qu'il tente d'apporter des solutions à des situations toujours difficiles. Si l'on comprend aisément que la cour administrative d'appel ait voulu apporter satisfaction et indemnisation aux ayants droit, cet arrêt ne résout, cependant, en aucun cas la question concrète de la surveillance des détenus suicidaires en quartier disciplinaire.

  • Limitation de la portée dans le temps de l'article D. 221 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L1131ACU) proscrivant les relations entre les membres de l'administration pénitentiaire et les anciens détenus (CE 6° s-s., 30 juillet 2014, n° 369692, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A7929MU9)

L'article D. 221 du Code de procédure pénale prévoit que "les membres du personnel pénitentiaire et les personnes remplissant une mission dans l'établissement pénitentiaire ne peuvent entretenir avec les personnes placées ou ayant été placées par décision de justice sous l'autorité ou le contrôle de l'établissement ou du service dont ils relèvent, ainsi qu'avec leurs parents ou amis, des relations qui ne seraient pas justifiées par les nécessités de leurs fonctions". La légalité de cet article était contestée par l'Observatoire International des Prisons, qui estimait qu'il y avait "une ingérence excessive dans le droit au respect de leur vie privée et familiale des personnes participant au service public pénitentiaire".

Le Conseil d'Etat ne donne pas entièrement raison à l'association requérante, mais il considère, néanmoins, qu'en "étendant, sans en limiter la durée, cette interdiction aux personnes ayant été détenues et à leurs parents et amis, les dispositions contestées imposent des sujétions excessives au regard des stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L4798AQR)".

Cette annulation ciblée d'un point de cet article D. 221 du Code de procédure pénale est tout à fait bienvenue. En effet, la politique suivie depuis une quinzaine d'années visant à quitter les centres villes et à ouvrir des établissements dans des petites villes rurales peut créer des situations dans lesquelles les personnels de l'administration pénitentiaire et les anciens détenus ou leurs familles peuvent être amenés à se rencontrer régulièrement (clubs sportifs, vie associative...). Cette annulation du caractère illimité de l'interdiction apporte, par conséquent, un tempérament satisfaisant à cette règle.

Il faudra, dans un avenir proche, que le Gouvernement aille plus loin sur cette question et qu'il modifie également le décret n° 2010-1711 du 30 décembre 2010, portant Code de déontologie du service public pénitentiaire (N° Lexbase : L0050IPK), en particulier son article 20. En effet, cet article 20 est un parfait copier-coller de l'article D. 221 précité et il n'y aurait aucune logique à modifier le Code de procédure pénale pour continuer à imposer cette interdiction par le biais du code de déontologie.

  • Si les exceptions au principe de l'encellulement individuel en prison ne sont plus permises depuis le 24 novembre 2014, cette nouvelle règle n'est pourtant pas concrètement applicable à ce jour

Un élément qui n'a pas encore donné lieu à des décisions judiciaires va probablement prendre de l'importance dans prochaines semaines ou les prochains mois. En effet, la loi pénitentiaire (loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 N° Lexbase : L9344IES) et, plus précisément son dernier article, l'article 100, dispose que, "dans la limite de cinq ans à compter de la publication de la présente loi, il peut être dérogé au placement en cellule individuelle dans les maisons d'arrêt au motif tiré de ce que la distribution intérieure des locaux ou le nombre de personnes détenues présentes ne permet pas son application. Cependant, la personne condamnée ou, sous réserve de l'accord du magistrat chargé de l'information, la personne prévenue peut demander son transfert dans la maison d'arrêt la plus proche permettant un placement en cellule individuelle".

Si donc, des dérogations ont été prévues pour une période de cinq ans au principe de l'encellulement individuel, cette période vient d'expirer le 24 novembre 2014. A ce jour, cette dérogation n'a pas encore été remplacée par une autre dérogation mais il semble très improbable, au vu des effectifs actuels, que ce principe d'encellulement individuel s'applique effectivement. A titre d'exemple, signalons qu'un arrêt du Conseil d'Etat rendu le 30 juillet 2014 (8) fait mention d'un emprisonnement en 2010 et en 2011 de trois personnes dans une cellule de 9 m2 à la prison des Baumettes à Marseille ; l'affaire est encore en instance.

En outre, le contrôleur général des lieux de privation de liberté a émis un avis "relatif à l'encellulement individuel dans les établissements pénitentiaires" le 24 mars 2014 (9). Cet avis rappelle qu'au "1er mars 2014, la densité d'occupation des établissements pénitentiaires était de 117,8 %, 137,5 % pour les maisons d'arrêt et quartiers maison d'arrêt (chiffres de l'administration pénitentiaire)". Le contrôleur général des lieux de privation de liberté identifiait "trois solutions possibles au 25 novembre 2014 :

- reporter pendant plusieurs années, par une nouvelle disposition législative, la mise en oeuvre d'un régime 'normal' d'encellulement individuel [solution n'étant pas jugée satisfaisante] ;
- donner son plein effet au principe de droit à l'encellulement individuel. Le contrôleur général devrait être tout naturellement favorable à un tel choix, mais s'interroge sur son réalisme vu la surpopulation carcérale actuelle et les incertitudes qui pèsent encore sur l'impact de réformes pénitentiaires non encore adoptées ;
- commencer à rétablir progressivement l'encellulement individuel au bénéfice de certaines catégories de personnes détenues (personnes âgées, malades, handicapées...)
".

Tout est dit ; il n'y a rien à ajouter. Au vu de la situation tant carcérale que financière, on peut raisonnablement supposer que la première solution sera appliquée. Le principe de l'encellulement individuel, adopté en 1875 et qui ne s'est jamais vraiment appliqué (10) n'est donc pas prêt d'être effectif.

  • Le Conseil d'Etat renvoie au Conseil constitutionnel la question de la constitutionnalité relative à l'article 728 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L4466AZG) dans sa rédaction antérieure à 2009 (CE 10° s-s., 15 octobre 2014, n° 346097, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A6648MYU)

Dans un arrêt rendu le 15 octobre 2014, le Conseil d'Etat a décidé de saisir le Conseil constitutionnel par la voie de la question prioritaire de constitutionnalité sur la "conformité à la Constitution de l'article 728 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, pénitentiaire".

Cette rédaction antérieure à 2009 était la suivante : "Un décret détermine l'organisation et le régime intérieur des établissements pénitentiaires" (deux versions différentes sont concernées, mais ce point qui pose difficulté est inchangé). Il existe un doute sérieux sur la constitutionnalité de cet article puisque l'article 34 de la Constitution (N° Lexbase : L0860AHC) dispose que "la loi fixe les règles concernant [...] la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ; la procédure pénale". Or, en renvoyant à un décret la fixation des règles concernant le régime intérieur des établissements pénitentiaires, le Code de procédure pénale pourrait méconnaître l'article 34 précité.

Si le Conseil constitutionnel devait déclarer inconstitutionnel cet article, la portée de cette décision serait a priori limitée du fait de la révision effectuée en 2009. Toutefois, la version antérieure ayant été en vigueur de 1959 à 2009, une inconstitutionnalité pourrait recéler bien des surprises et un contentieux fourni.

  • Le droit à l'instruction en milieu carcéral ne doit pas faire l'objet de restrictions arbitraires et déraisonnables ; un détenu ne peut être considéré comme récidiviste par l'administration pénitentiaire qu'à partir du moment où sa seconde condamnation est devenue définitive (CEDH, 27 août 2014, Req. 16032/07 [LXB=A8036M87])

Dans un arrêt rendu le 27 mai 2014 et devenu définitif le 27 août 2014, la Cour européenne des droits de l'Homme a jugé à l'unanimité, qu'il y a eu violation de l'article 2 du Protocole n° 1 (droit à l'instruction) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L1625AZ9). Le requérant, ressortissant bulgare arrêté en octobre 2004 car soupçonné de possession illégale d'armes à feu, a été placé en détention provisoire pendant les vingt-neuf mois suivants. Il demanda à être inscrit au centre d'enseignement de la prison pour pouvoir achever ses études secondaires. Cette demande fut refusée par l'administration pénitentiaire car l'intéressé avait déjà été condamné par le passé et était, aux yeux du directeur de la prison, un récidiviste qui ne devait donc pas être détenu avec les non-récidivistes ; ce refus fut confirmé par les juges administratifs saisis.

Il a attaqué les autorités bulgares sous l'angle de l'article 6 § 2 de la Convention (présomption d'innocence) (N° Lexbase : L7558AIR), en estimant que l'administration pénitentiaire l'avait traité comme s'il était coupable en le détenant avec des récidivistes, et que, pour cette raison, il s'était vu refuser l'accès au centre d'enseignement de la prison, alors même qu'il n'avait pas encore été définitivement condamné.

La Cour de Luxembourg, si elle n'impose pas aux Etats l'obligation de créer des activités d'enseignement en milieu carcéral, estime que, si celles-ci existent, elles "ne doivent pas faire l'objet de restrictions arbitraires et déraisonnables". Or ici, en assimilant le requérant à un récidiviste, alors qu'il n'a pas été condamné et qu'il bénéficie de la présomption d'innocence, cette décision a eu pour effet de restreindre l'accès aux activités d'enseignement. La Cour condamne, par conséquent, à l'unanimité la Bulgarie.

Cette décision de la Cour européenne des droits de l'Homme fournit des indications à tous les pays signataires de la Convention sur les questions relatives à l'enseignement en milieu carcéral. Elle rappelle, en effet, "l'importance d'une instruction en prison, que ce soit pour le prisonnier, pour l'environnement pénitentiaire et la société dans son ensemble", reconnue par le Comité des Ministres dans ses recommandations sur l'éducation en prison et sur les Règles pénitentiaires européennes (RPE). Mais, au-delà, cet arrêt rappelle très clairement qu'en détention, un détenu n'est un récidiviste qu'à partir du moment où sa seconde condamnation est devenue définitive. Ce rappel peut être utile en particulier au "quartier arrivant", les récidivistes et les "primo-arrivants" y étant clairement distingués.


(1) CE Ass., 17 février 1995, n° 97754, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1636B84), p. 83.
(2) Voir, par ex., CAA Versailles, 1ère ch., 23 septembre 2014, n° 12VE02017 (N° Lexbase : A8039M8A).
(3) CAA Lyon, 4ème ch., 2 octobre 2014, n° 14LY00519 (N° Lexbase : A8114MY8).
(4) CAA Douai, 3ème ch., 1er décembre 2011, n° 10DA00944 (N° Lexbase : A9657IBB).
(5) CE 1° et 6° s-s-r., 24 avril 2012, n° 342104, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A4175IKT), p. 174.
(6) CAA Douai, 1ère ch., 22 mars 2012, n° 11DA01015 (N° Lexbase : A2078IK8).
(7) CAA Nantes, plèn., 22 février 1989, n° 89NT00010 (N° Lexbase : A7746A8E).
(8) CE 6° s-s., 30 juillet 2014, n° 362461, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7901MU8).
(9) JORF, 23 avril 2014.
(10) Les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France, Rapport de la commission d'enquête n° 449 (1999-2000) du Sénat, le 29 juin 2000, II, A, 3).

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