Lexbase Droit privé n°572 du 29 mai 2014 : Assurances

[Jurisprudence] Les clauses de déchéance doivent être stipulées en caractères très apparents

Réf. : Cass. civ. 2, 27 mars 2014, n° 13-15.835, F-D (N° Lexbase : A2488MIY)

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par Anne-Sophie Allouis, Avocat à la Cour

le 29 Mai 2014

"La déchéance est une sanction prévue par la loi, soit par la volonté des parties" (Lamy Assurances, 2014, § 699). Elle est une arme redoutable pour l'assureur, l'autorisant à titre de sanction de refuser de verser l'indemnité d'assurance en cas de manquement par l'assuré à l'une de ses obligations contractuelles. Néanmoins, pour livrer tous ses effets et être opposable à l'assuré, encore faut-il que cette clause soit valable.

A cet égard, le Code des assurances la liste aux côtés des clauses de nullité et d'exclusion et impose une condition de forme à leur validité : la clause doit être stipulée en caractères très apparents (C. ass., art. L. 112-4 N° Lexbase : L0055AAB).

Si les décisions de la Cour de cassation sur le caractère apparent des clauses de nullité et d'exclusion sont nombreuses, les arrêts portant sur clauses de déchéance sont plus limités.

Ainsi, l'arrêt rendu le 27 mars 2014 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, certes inédit, mérite d'être relevé.

En 2009, la Cour avait eu l'occasion de se prononcer sur la validité des clauses de déchéance et avait rappelé qu'elles étaient soumises, conformément à l'article L. 112-4 du Code des assurances, à la condition d'être rédigées en caractères très apparents (Cass. civ. 2, 11 juin 2009, n° 08-18.778, F-D N° Lexbase : A0765EI8).

C'est également au visa de l'article L. 112-4 du Code des assurances, que la deuxième chambre civile rappelle le principe énoncé en 2009.

1. En l'espèce, l'Association Générale de prévoyance militaire avait souscrit une assurance groupe instituant un régime de prévoyance offert à ses membres.

C'est dans ce cadre que le demandeur avait adhéré à un contrat de prévoyance dénommé "contrat de carrière". Ce contrat garantissait le versement d'un capital en cas de décès, d'invalidité totale et définitive par maladie ou accident et comprenait également une assurance du risque invalidité totale et définitive dit ITD.

Le demandeur a sollicité une prise en charge au titre du risque ITD accident dont l'indemnité était plus importante (environ 400 000 euros) que celle accordée aux termes du contrat au titre de la garantie maladie (61 573 euros). L'assureur a dans un premier temps rejeté sa demande, puis après une expertise arbitrale prévue par le contrat d'assurance, a accepté de verser à son assuré l'indemnité d'assurance prévue au titre de la garantie ITD maladie.

Non satisfait de cette proposition, l'assuré l'a assigné aux fins (i) de se voir verser l'indemnité prévu au contrat d'assurance au titre de la garantie ITD accident avec enfant à charge et (ii) de condamner l'assureur à lui verser des dommages intérêts pour mauvaise foi et manque de loyauté dans l'exécution du contrat.

2. Le demandeur s'est vu débouté de l'intégralité de ses demandes en première instance. En cause d'appel, les débats ont porté sur l'analyse de l'article 12 du contrat d'assurance, l'assuré soulevant le caractère non opposable de cette clause du contrat, compte tenu de son imprécision, mais aussi de son caractère non apparent.

Pour autant, les demandes de l'assuré ne sont pas fondées sur l'article L. 112-4 du Code des assurances, mais sur l'article L. 133-2 du Code de la consommation (N° Lexbase : L6646ABR).

La clause litigieuse était stipulée, selon l'arrêt d'appel, de la manière suivante :

"la déclaration de tout accident ou maladie susceptible d'entraîner une invalidité totale et définitive [devait] parvenir à l'assureur, sous peine de déchéance, dans les conditions prévues à l'article L. 113-2 du Code des assurances, dans un délai maximum de six mois à compter de la constatation médicale de la maladie ou de la survenance de l'accident, en fournissant à l'appui un certificat médical détaillé; que si l'assuré est reconnu invalide total et définitif à la suite d'un accident, la garantie ITD accident n'est accordée que si la reconnaissance de son état fait suite à une demande ITD accident formulée dans les douze mois qui suivent le jour de l'accident, qu'à défaut le capital ITD maladie peut être versé" (CA Aix-en-Provence, ch. 3B, 14 février 2013, n° 2013/084 N° Lexbase : A9111I7L).

La cour d'appel s'est limitée à l'analyse du caractère précis de la clause, laissant de côté celle cependant soulevée par le demandeur de sa validité du point de vue formel.

Considérant la clause comme valable, la cour d'appel s'est ensuite attachée à déterminer si les conditions de la déchéance était réunies et pouvaient valablement être opposées à l'assuré.

La cour revient ainsi sur l'histoire médicale de l'assuré, en observant que ce dernier a subi divers accidents et pathologies de sorte que pouvait en effet être discutée la question de savoir si l'indemnité d'assurance devait être versée au titre de la garantie ITD accident ou bien de l'ITD maladie :

- la cour rappelle, tout d'abord, les conclusions de l'expert amiable mandaté par l'assureur qui avait observé que "l'évolution progressivement défavorables de toutes ses pathologies rend M. T. inapte à effectuer une activité génératrice de ses rémunération ou de profit, même s'il garde une autonomie satisfaisante" ;

- la cour en déduit, ensuite, que l'invalidité totale et définitive que présentait le demandeur était la conséquence de plusieurs accidents associés à des problèmes arthrosiques et dégénératifs eux-mêmes en rapport avec l'accident de 1982 ainsi qu'à une obésité morbide et à une discopathie.

La cour d'appel conclut, enfin, que les clauses du contrat de prévoyance étaient insuffisamment précises puisqu'elles ne n'indiquaient pas que "l'état d'invalidité [devait] être imputé directement et exclusivement à un accident précis, ni que le cumul de causes d'invalidité devrait nécessairement entraîner la prise en charge au titre du risque maladie".

Elle considère donc mal fondé l'assureur qui soutenait que son assuré ne pouvait se prévaloir de la garantie accident pour ces motifs.

Pour autant, la cour d'appel n'a pas donné gain de cause à l'assuré. En effet, elle a considéré que ce dernier n'avait pas apporté la preuve que ses déclarations à l'assureur avaient été effectuées dans les délais impartis par la clause déchéance. La cour d'appel a donc fait une application de la clause de déchéance :

"faute de démontrer qu'il a sollicité la garantie ITD accident dans les délais requis, M. T. ne peut prétendre à la mise en oeuvre de celle-ci au regard des clauses contractuelles rappelées ci-dessus, qui précisent de façon apparente et dénuées d'ambiguïté, la déchéance résultant de l'absence de demande de reconnaissance de l'ITD accident dans les douze mois de l'évènement considéré".

3. L'affaire est portée devant la Cour de cassation qui a cassé l'arrêt de la cour d'appel au visa de l'article L. 112-4 du Code des assurances :

"en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé de le faire, si la clause litigieuse qui instaurait une déchéance figurait en caractères très apparents de manière à attirer spécialement l'attention de l'assuré, la cour d'appel a privé sa décision de base légale".

La Cour de cassation se positionne ainsi dans une logique de protection de l'assuré en faisant une application stricte de l'article L. 112-4 du Code des assurances. La Cour va même plus loin en rappelant que la raison d'être de cette condition de forme est d'"attirer l'attention de l'assuré".

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