Réf. : Cass. civ. 2, 30 janvier 2014, n° 12-29.246, F-P+B (N° Lexbase : A4417MDX)
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par Hervé Haxaire, Ancien Bâtonnier, Avocat à la cour d'appel, Président de l'Ecole régionale des avocats du Grand Est (ERAGE)
le 06 Mars 2014
Par arrêt confirmatif en date du 4 octobre 2012 (CA Paris, Pôle 4, 8ème ch., 4 octobre 2012, n° 11/19701 N° Lexbase : A8240ITD), la cour d'appel de Paris avait rejeté la demande de la société d'avocats tendant à obtenir la mainlevée des mesures d'exécution forcée prises à son encontre en considérant, d'une part que, par application des dispositions de l'article 153 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 (N° Lexbase : L8168AID), le Bâtonnier de l'Ordre avait une compétence exclusive pour le règlement des litiges nés à l'occasion d'un contrat de collaboration ou d'un contrat de travail conclu avec un avocat, et d'autre part, que la décision du Bâtonnier de l'Ordre était exécutoire de plein droit à titre provisoire comme portant sur des honoraires dus dans la limite de neuf mois de rétrocession, après avoir observé que la décision du Bâtonnier avait été régulièrement notifiée à la société appelante.
Notons que, dans cet arrêt, la cour d'appel avait écarté l'application des dispositions de l'article 1487 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2233IPE) relatives à l'exequatur des sentences arbitrales jugées inopérantes dans le litige, motif qui ne souffre aucune critique dès lors que les décisions rendues par le Bâtonnier d'un Ordre, dans un litige opposant des avocats à l'occasion de la rupture d'un contrat de travail ou d'un contrat de collaboration, n'ont pas le caractère de sentences arbitrales.
L'article 142 du décret du 27 novembre 1991 dispose que "pour tout litige né à l'occasion d'un contrat de collaboration ou d'un contrat de travail, à défaut de conciliation, le Bâtonnier du barreau auprès duquel l'avocat collaborateur ou salarié est inscrit est saisi par l'une ou l'autre des parties soit par requête déposée contre récépissé au secrétariat de l'Ordre des avocats, soit par lettre recommandée avec demande d'avis de réception [...]".
Le principe de la compétence exclusive du Bâtonnier pour trancher ce type de litige entre avocats ne soulève aucune difficulté.
Rappelons, également, que l'article 153 du même décret dispose que "sont de droit exécutoires à titre provisoire les décisions du Bâtonnier qui ordonnent le paiement de sommes au titre des rémunérations dans la limite maximale de neuf mois de rétrocession d'honoraires ou de salaires calculés sur la moyenne des trois derniers mois".
Le caractère exécutoire des décisions du Bâtonnier, dans une limite de neuf mois, ne soulève pas davantage de difficulté.
La Cour de cassation a censuré l'arrêt de la cour d'appel de Paris, ainsi qu'il vient d'être rappelé, au motif que la décision du Bâtonnier ne constitue pas une décision à laquelle la loi attache les effets d'un jugement, de sorte qu'elle ne peut être exécutée que sur présentation d'une expédition revêtue de la formule exécutoire.
En vérité, cette décision n'est pas surprenante.
La décision de la Cour suprême ne remet en cause ni la compétence exclusive du Bâtonnier de l'Ordre pour trancher les litiges nés à l'occasion de l'exécution ou de la rupture d'un contrat de travail ou d'un contrat de collaboration entre des avocats, ni le caractère exécutoire par provision de plein droit des condamnations prononcées par le Bâtonnier dans la limite de neuf mois de rétrocession d'honoraires ou de salaires.
La Cour de Cassation rappelle implicitement que le Bâtonnier d'un Ordre, lequel ajoutons-le n'est pas assisté d'un greffier, ne dispose pas de l'imperium qui lui permettrait de rendre ses décisions, non pas exécutoires, mais susceptibles d'exécution forcée, ou selon une expression très approximative "exécutables".
Le Bâtonnier d'un Ordre ne rend pas ses décisions au nom du peuple français.
Nous savons bien que les décisions rendues par le Bâtonnier, en matière de contestations d'honoraires, sont rendues exécutoires par le président du tribunal de grande instance, en vertu de l'article 179-7 du décret du 27 novembre 1991 : "lorsqu'elles ne sont pas déférées à la cour d'appel, les décisions du Bâtonnier peuvent être rendues exécutoires par le président du tribunal de grande instance auprès duquel est établi son barreau".
Dans le cas d'espèce qui a donné lieu à l'arrêt de la Cour de Cassation en date du 30 janvier 2014, toute la difficulté tenait à la rédaction des dispositions de l'article 153 du décret dans son deuxième alinéa :
"Sont de droit exécutoire à titre provisoire les décisions du Bâtonnier qui ordonnent le paiement de sommes au titre des rémunérations dans la limite maximale de neuf mois de rétrocession d'honoraires ou de salaire calculé sur la moyenne des trois derniers mois.
Les autres décisions peuvent être rendues exécutoires par le président du tribunal de grande instance lorsqu'elles ne sont pas déférées à la cour d'appel".
Il faut bien admettre que la rédaction de ce texte est ambiguë.
Lorsque des décisions du Bâtonnier n'ont pas été frappées d'appel et sont donc devenus définitives, elles peuvent être rendues exécutoires par le président du tribunal de grande instance. Mais, il s'agit là des "autres décisions" que celles prévues au premier alinéa et qui, elles, sont de droit exécutoires à titre provisoire, et qui donc ne supposeraient pas pour l'être l'intervention du président du tribunal de grande instance.
Telle ne sont pas l'analyse et la décision de la Cour de Cassation.
Y aurait-il une discrimination opérée par la Cour de Cassation à l'encontre des décisions rendues par un Bâtonnier ?
Nous ne le pensons pas.
Par un arrêt en date du 9 janvier 2014 (Cass. civ. 2, 9 janvier 2014, n° 12-28.220, F-P+B N° Lexbase : A2020KTY), la Cour de Cassation avait jugé que la décision rendue par un premier président de cour d'appel en matière d'honoraires était dépourvue de force exécutoire faute de condamner expressément une partie dans son dispositif, même si cette partie était nommément désignée dans les motifs.
De la condamnation par un juge, y compris par un Bâtonnier, à la mise en oeuvre de cette condamnation, il y a un pas. Cette mise en oeuvre passe par la clause exécutoire qui pare -"revêt" dit la loi- le titre valant condamnation.
N'use pas de la Marianne qui veut.
Décision
Cass. civ. 2, 30 janvier 2014, n° 12-29.246, F-P+B (N° Lexbase : A4417MDX) Cassation (CA Paris, Pôle 4, 8ème ch., 4 octobre 2012, n° 11/19701 N° Lexbase : A8240ITD) Liens base : (N° Lexbase : E9259ET4), (N° Lexbase : E0087EUR) et (N° Lexbase : E9236ETA) |
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