Réf. : Cass. civ. 3, 20 mars 2025, n° 23-18.472, FS-B N° Lexbase : A5311689 ; CA Paris, 4, 1, 21 février 2025, n° 22/19288 N° Lexbase : A46306ZI
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N2317B39
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par Héloïse Quintin-Durand, Avocat au barreau de Lyon
le 27 Mai 2025
Mots clés : vente immobilière • dossier de diagnostic technique • promesse de vente • contentieux • diagnostic immobilier • responsabilité • diagnostiqueur • diagnostic de performance énergétique • défaut de délivrance conforme • perte de chance • préjudice • réparation • assurance responsabilité civile professionnelle
Les diagnostics immobiliers occupent désormais une place centrale dans les cessions d’immeubles bâtis. Documents de référence réalisés par des professionnels certifiés, ils garantissent la fiabilité et la transparence des informations communiquées. Au fil des évolutions législatives et réglementaires, le contrôle exercé s’est étendu et les obligations pesant sur les diagnostiqueurs se sont multipliées, avec pour conséquence une inflation du contentieux en la matière. L’erreur de diagnostic emporte des conséquences parfois lourdes, tant s’agissant des responsabilités susceptibles d’être recherchées, que de l’étendue des préjudices réparés. Deux arrêts récents l’illustrent.
Contexte légal. L’article L. 271-4 du Code de la construction et de l’habitation N° Lexbase : L0996MMT, modifié par la loi n° 2024-322 du 9 avril 2024 N° Lexbase : L6275MS9, prévoit qu’un dossier de diagnostic technique, fourni par le vendeur, doit être annexé à la promesse de vente, ou, à défaut de promesse, à l’acte authentique de vente.
Ce dossier comprend notamment un constat de risque d’exposition au plomb, un état des matériaux contenant de l’amiante, un état relatif à la présence de termites, un diagnostic de performance énergétique, ou encore un document établi à l’issue du contrôle des installations d’assainissement non collectif.
Nature de l’obligation. La jurisprudence, très fournie en matière de responsabilité des diagnostiqueurs immobiliers, a eu l’occasion de se prononcer, tant sur la nature de l’obligation pesant sur le diagnostiqueur, que sur sa responsabilité.
Le diagnostiqueur immobilier, débiteur d’une prestation intellectuelle, est tenu d’une obligation de moyens, dont l’étendue est régulièrement précisée et renforcée, par une jurisprudence particulièrement dense. En matière de termites, par exemple, il a été considéré que « le contrôle auquel doit procéder le professionnel diagnostiqueur n’est pas purement visuel, mais qu’il lui appartient d’effectuer les vérifications nécessaires n’impliquant pas de travaux destructifs » [1].
S’agissant du diagnostiqueur amiante, des spécifications ont été apportées : « même si le contrat circonscrit sa prestation à de simples constats visuels des parties accessibles, le diagnostiqueur reste néanmoins tenu de procéder à la mise en œuvre des moyens nécessaires à la bonne exécution de sa mission, en réalisant notamment des sondages non destructifs ou en émettant des réserves relatives aux zones non analysées » [2].
Fondement de la responsabilité du diagnostiqueur. Le diagnostiqueur immobilier peut voir recherchée sa responsabilité, au titre de plusieurs fondements juridiques.
En premier lieu, il engage sa responsabilité contractuelle à l’égard du vendeur qui l’a mandaté pour réaliser le diagnostic. En deuxième lieu, et notamment vis-à-vis de l’acquéreur de l’immeuble, le diagnostiqueur peut voir engagée sa responsabilité délictuelle, en raison du dommage que lui cause la mauvaise exécution, par ce technicien, du contrat qu’il a conclu avec le vendeur [3].
L’indemnisation du dommage subi - La jurisprudence distingue le mode réparatoire, en fonction du caractère certain ou non, du préjudice.
Les magistrats du Quai de l’Horloge ont consacré le principe de réparation intégrale d’un préjudice certain né de l’erreur du diagnostiqueur [4]. Tel est par exemple le cas d’un diagnostic omettant de mentionner la présence d’amiante, nécessitant des travaux de désamiantage. En pareille hypothèse, une indemnisation au titre de la seule perte de chance, est exclue [5]. En effet, la perte de chance implique uniquement la privation d’une potentialité présentant une probabilité raisonnable, et non un caractère certain. Il importe de souligner que dans ce type de contentieux, la perte de chance à laquelle il est fait référence, est celle de négocier une baisse du prix d’achat de l’immeuble.
Dernièrement, dans son arrêt rendu le 20 mars 2025, la Cour de cassation a confirmé la distinction opérée entre la réparation d’un préjudice certain et l’indemnisation d’une seule perte de chance [6].
Dans cet arrêt, dans le cadre de la vente d’une maison d’habitation, l’acte de vente mentionnait la présence d’une installation autonome de type fosse septique et se référait à un rapport émanant d’un syndicat intercommunal, concluant à la conformité du dispositif. Se plaignant de dysfonctionnements de l’installation, l’acquéreur a sollicité une mesure d’expertise judiciaire, laquelle a révélé des erreurs de diagnostic. En cause d’appel, la cour avait condamné le syndicat à indemniser l’acquéreur, en réparation d’une perte de chance. Cet arrêt est cassé par la Haute juridiction, notamment en ce que la cour d’appel avait retenu l’existence d’une seule perte de chance. La troisième chambre civile infirme la décision rendue par la cour et vise les dispositions de l’article 271-4 du Code de la construction et de l’habitation, lequel dispose qu’en cas de non-conformité des installations d’assainissement non collectif à la signature de l’acte de vente, l’acquéreur doit faire procéder aux travaux de mise en conformité dans un délai d’un an après l’acte de vente.
Il en résultait, pour l’acquéreur, l’existence d’un préjudice certain lié aux travaux nécessaires pour remédier aux non-conformités : « pour limiter à une certaine somme l’indemnisation de Mme Z, l’arrêt retient que son préjudice s’analyse en une perte de chance d’obtenir un prix de vente moins élevé en raison du défaut de conformité et de fonctionnement de l’installation d’assainissement. En statuant ainsi, la Cour d’appel a violé le texte susvisé ».
A contrario, si le préjudice constitué par l’erreur de diagnostic n’est constitué que d’une simple perte de chance, il n’en demeure pas moins que d’autres mécanismes existent, et sont susceptibles de permettre une indemnisation de l’ensemble des préjudices subis par l’acquéreur.
C’est ainsi que la cour d’appel de Paris a retenu conjointement la responsabilité des vendeurs pour défaut de délivrance conforme, ainsi que la condamnation du diagnostiqueur, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, au titre d’un diagnostic de performance énergétique erroné à la vente [7].
Elle a cependant distingué l’indemnisation due par le diagnostiqueur, de celle devant être supportée par les vendeurs, pour exclure la condamnation in solidum. Plus précisément, dans l’arrêt rapporté, des époux avaient fait l’acquisition d’une maison d’habitation, pour un prix de 517.000 euros. Ont notamment été annexés à l’acte de vente, un certificat de conformité de l’installation électrique, ainsi qu’un diagnostic de performance énergétique, classant l’habitation en catégorie B – logement économe. Faisant valoir que la consommation électrique réelle des installations effectuées par le vendeur ne correspondait pas à celle qui leur avait été annoncée par ce dernier, et à celle prévisible au regard du DPE classant la maison en catégorie B, les acquéreurs ont sollicité l’organisation d’une mesure d’expertise judiciaire. À l’issue des opérations d’expertise judiciaire, les acquéreurs ont assigné, d’une part, les vendeurs, et d’autre part, l’assureur du diagnostiqueur, afin d’obtenir réparation de divers préjudices liés au surcoût financier induit par cette erreur. En première instance, le tribunal judiciaire avait condamné solidairement les acquéreurs, sur le fondement du défaut de délivrance conforme, et l’assureur du diagnostiqueur, au titre de sa responsabilité civile professionnelle, au paiement des préjudices induits par l’erreur de diagnostic. Les vendeurs ont interjeté appel de cette décision, estimant que le bien livré ne souffrait pas de défaut de conformité.
En cause d’appel, la cour a retenu que « si les coauteurs d’un même dommage, conséquence de leurs fautes respectives, peuvent être condamnés in solidum à la réparation de l’entier dommage, c’est à la condition que chacune de ces fautes aient concouru à le causer tout entier et qu’il s’agisse bien du même dommage ». Or, en l’espèce, la juridiction de second degré a considéré que le préjudice qui résulterait de la faute du diagnostiqueur ne pourrait qu’être une perte de chance d’avoir mieux négocié le bien acheté, de sorte qu’ « il ne saurait y avoir de condamnation des vendeurs, tenus à réparation de l’intégralité des préjudices résultant de l’éventuelle inexécution de leur obligation de délivrance conforme, in solidum avec le diagnostiqueur ou son assureur, seulement tenu de réparer un préjudice de perte de chance ».
La cour a opéré une distinction entre l’indemnisation susceptible d’être supportée par l’assureur du diagnostiqueur et celle devant être prise en charge par les vendeurs.
Elle a ensuite retenu la responsabilité des vendeurs au titre d’un défaut de délivrance conforme, dans la mesure où la chose convenue entre les parties était un logement présentant un niveau de performance énergétique élevé et ne nécessitant qu’un modique budget de dépenses d’électricité, alors que la chose délivrée par les vendeurs se révélait être un bien dont le niveau de consommation énergétique était dans la moyenne, avec un budget beaucoup plus important que celui qui était prévisible au regard des factures fournies par les vendeurs. Ces derniers ont ainsi été condamnés au surcoût de consommation énergétique, aux frais exposés dans le cadre de l’expertise, ainsi qu’à l’indemnisation du préjudice moral des acquéreurs.
En parallèle, la cour d’appel a stigmatisé la responsabilité du diagnostiqueur en raison d’un diagnostic de performance énergétique erroné, les opérations d’expertise judiciaire ayant permis de révéler que le logement justifiait en réalité, d’un classement en catégorie D. Elle a ensuite estimé que le préjudice en résultant ne peut qu’être analysé en une perte de chance pour l’acquéreur de négocier une réduction du prix de vente, et a ainsi condamné l’assureur du diagnostiqueur à supporter le coût. L’indemnisation devant ici être supportée par le diagnostiqueur n’est pas surprenante, et rejoint le sens des récentes décisions de la Cour de cassation. En effet, bien que le diagnostic de performance énergétique ait été erroné, il ne s’évinçait pas des éléments versés aux débats par les acquéreurs, une nécessité de procéder à des travaux réparatoires de mise en conformité, rendus obligatoires, par la législation.
L’intérêt de cette décision réside plutôt dans le fait que la responsabilité des vendeurs peut être retenue conjointement, et non in solidum, à celle du diagnostiqueur, permettant ainsi aux acquéreurs d’être indemnisés de l’ensemble de leurs préjudices.
Cet arrêt présente ainsi la singularité, sur le plan indemnitaire, de réparer, tant un préjudice certain lié aux travaux de reprise, qu’un préjudice de perte de chance constitué par l’impossibilité de négocier le prix d’acquisition à la baisse. Il met également en lumière un fondement de responsabilité moins utilisé que celui de la garantie des vices cachés en matière de vente immobilière : celui du défaut de délivrance conforme [8].
Soumise aux règles de droit commun en matière de prescription [9], l’obligation de délivrance, en matière de vente immobilière, est double.
Plus précisément, l’arrêt commenté rappelle que cette obligation « consiste à mettre une chose conforme à la disposition de l’acheteur, le bien délivré devant être non seulement celui-là même qui a été désigné par le contrat, mais devant en outre présenter les qualités et caractéristiques convenues entre les parties, qu’elles reposent sur des considérations objectives, telles que l’origine, la matière, le type ou la marque, ou qu’elles soient d’ordre purement subjectif, et celles en considération desquelles la vente est censée avoir été conclue ou encore les qualités de la chose qui, au regard de la nature de celle-ci, sont présumées être entrées dans le champ contractuel ».
L’utilisation de ce fondement juridique peut ainsi s’avérer être une alternative – ou un subsidiaire – à celui de la garantie des vices cachés, si l’intention première des acquéreurs n’est pas de remettre en cause la vente du bien.
Perspectives. Au gré des évolutions normatives, le contentieux lié aux erreurs de diagnostics dans le cadre de ventes immobilières, s’amplifie. Les récentes exigences de performance énergétique en matière de baux d’habitation, en sont une illustration. En effet, la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets N° Lexbase : L6065L7R, a notamment prévu des mesures visant à endiguer les logements qualifiés de passoires thermiques, en les excluant progressivement du parc locatif privé [10]. C’est ainsi que depuis le 1er janvier 2025, les logements étiquetés G sur le diagnostic de performance énergétique, sont considérés comme non décents. Les logements présentant un tel diagnostic, ne pourront ainsi plus être mis en location. À partir du 1er janvier 2028, les logements classés F sur le diagnostic de performance énergétique, seront également concernés par cette restriction.
Au regard de ces nouvelles dispositions, les conséquences d’un diagnostic de performance énergétique erroné, pourraient être importantes.
Le propriétaire d’un logement donné à bail, dont le diagnostic était erroné, pourrait ainsi s’exposer au recours du preneur en raison du caractère indécent du logement, avec, à la clé, une inflation du contentieux visant la responsabilité des professionnels en charge d’établir les diagnostics de performance énergétique.
Pour autant, les diagnostiqueurs ont-ils réellement les moyens de leurs obligations ?
Les normes applicables ainsi que les référentiels par rapport auxquels s’exerce leur contrôle, évoluent très régulièrement, ce qui peut être générateur d’insécurité juridique. Concrètement, entre la signature de la promesse de vente et la réitération de l’acte authentique, de nouvelles règles peuvent entrer en vigueur et ainsi influer sur la teneur du diagnostic, et son étiquetage. À titre d’exemple, un arrêté du 11 avril 2025, qui entrera en vigueur à compter du 26 mai 2025, a mis à jour les données figurant sur l’étiquette-climat du diagnostic de performance énergétique ainsi que les taux d’énergie renouvelable et de récupération des réseaux de chaleur [11]. Les parties prenantes à une vente immobilière doivent ainsi, redoubler de vigilance.
Il convient enfin de s’interroger sur le volet assurantiel. Dans le cadre de son activité, le diagnostiqueur immobilier a l’obligation de souscrire une assurance garantissant sa responsabilité civile professionnelle.
Le taux de sinistralité élevé lié à une augmentation du contentieux n’est pas sans répercussions sur le montant des primes d’assurances [12].
Par ailleurs, plusieurs assureurs se sont récemment désengagés du marché de la RC PRO des diagnostiqueurs, ce qui a conduit à une obligation de souscription d’une nouvelle police pour certains d’entre eux, et parfois, à des difficultés à se faire assurer [13].
Conclusion. À l’heure où le diagnostic immobilier s’impose comme un pivot incontournable de la transaction, les évolutions normatives constantes et les incertitudes assurantielles fragilisent un équilibre déjà précaire. Cette instabilité appelle une réflexion plus large sur l’encadrement juridique de la profession de diagnostiqueur, tant sur le plan de la formation que de la responsabilité. Le droit prospectif devra nécessairement s’emparer de ces enjeux, afin de concilier impératifs de performance énergétique, sécurité juridique des actes et pérennité économique d’un secteur désormais au cœur des politiques publiques de transition écologique.
[1] CA Bordeaux, 2e civ., 17 avril 2025, n° 21/06729 N° Lexbase : A37990NZ.
[2] Cass. civ. 3, 14 septembre 2017, n° 16-21.942, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6556WRA ; CA Douai, Chambre 2 section 2, 24 avril 2025, n° 23/04243 N° Lexbase : A45600PL.
[3] CA Pau, 18 mars 2025, n° 23/01878 N° Lexbase : A57190BG.
[4] Cass. Mixte, 8 juillet 2015, n° 13-26.686 N° Lexbase : A6242NM7 ; Cass. civ. 3, 9 juillet 2020, n° 18-23.920, F-D N° Lexbase : A12393RC.
[5] Cass. civ. 3, 30 janvier 2025, n° 23-14.029, F-D N° Lexbase : A23786TA.
[6] Cass. civ. 3, 20 mars 2025, n° 20-18.472, FS-B N° Lexbase : A5311689.
[7] CA Paris 4, 1, 21 février 2025, n° 22/19288 N° Lexbase : A46306ZI.
[8] C. civ., art. 1603 N° Lexbase : L1703ABP,1604 N° Lexbase : L1704ABQ, 1614 N° Lexbase : L1714AB4 et 1615 N° Lexbase : L1715AB7.
[9] C. civ., art. 2224 N° Lexbase : L7184IAC.
[10] Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience N° Lexbase : L6065L7R.
[11] Arrêté du 11 avril 2025 modifiant l’arrêté du 15 septembre 2006 relatif au diagnostic de performance énergétique - NOR : ECOR2506297A N° Lexbase : L4213M9W.
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