Le Quotidien du 22 mai 2025 : Actualité judiciaire

[A la une] Affaire French Bukkake : La Cour de cassation retient les circonstances aggravantes de « sexisme » et de « racisme »

Réf. : Cass. crim., 14 mai 2025, n° 25-81.509, F-D N° Lexbase : A9968093

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par Axel Valard

le 21 Mai 2025

Les mots « salope » et « pute » sont-ils des insultes « sexistes » ? Et « beurette », c’est raciste ou pas ? À ces deux questions, la Cour de cassation a répondu « oui » vendredi 16 mai, redonnant un peu de foi en l’humanité et en la justice aux plaignantes du dossier dit « French Bukkake ». La plus Haute juridiction de France a, en effet, retenu le caractère sexiste et raciste des viols dénoncés sur les tournages de la plateforme pornographique French Bukkkake. Elle a ainsi cassé une décision de la cour d’appel de Paris qui avait écarté, en février dernier, ces circonstances aggravantes dans cette affaire emblématique des violences sexuelles dénoncées dans l’industrie des films X.

Dans cette information judiciaire ouverte il y a déjà plusieurs années, seize hommes ont été renvoyés devant la cour criminelle départementale pour « viols en réunion » ou « trafic d’êtres humains ». En colère devant ce traitement de la justice, une trentaine de parties civiles avaient formé un pourvoi en cassation afin que soient retenues les circonstances aggravantes de sexisme et de racisme dans les viols dont sont accusés les mis en examen. L’enjeu était de la plus haute importance : sans cette circonstance aggravante, les mis en cause seront jugés devant une cour criminelle et encourront une peine maximale de vingt ans de réclusion. Mais avec la circonstance aggravante, c’est la cour d’assises qui les attend et une possible peine de trente années de réclusion.

Voilà pourquoi les parties civiles, des femmes dénonçant des viols à répétition sur les tournages, avaient saisi la Cour de cassation. Et voilà pourquoi elles se sont réjouies de la décision rendue vendredi. « Cet arrêt [de la Cour de cassation] est vraiment une première, c’est un arrêt historique qui respecte le droit international qui est très clair en la matière, a indiqué Lorraine Questiaux, avocate qui porte ce combat depuis des années. Pour la première fois, l’industrie criminelle pornographique, qui a joui d’une impunité durant des dizaines d’années plie le genou » ;

Des tournages sous alcool et stupéfiants et des actes « qui s’enchaînent ».

Pour bien comprendre l’importance de la décision, il faut rappeler ce qu’est le dossier « French Bukkake ». Cette plateforme Internet avait connu son succès dans les années 2010 en diffusant des films pornographiques. On y voyait bien souvent des jeunes femmes désorientées aux prises avec plusieurs hommes, bien souvent cagoulés. Nombre de plaignantes ont évoqué que ces tournages avaient été réalisés sous alcool et stupéfiants et avaient décrit leur « sidération » en y découvrant le nombre de partenaires masculins et les actes sexuels à réaliser « qui s’enchaînaient par surprise », avaient d’ailleurs noté les juges.

La plupart des mis en examen ont affirmé que les femmes étaient consentantes, assurant qu’il s’agissait d’un jeu d’acteurs et avaient accusé les enquêteurs de partialité dans l’exploitation des vidéos. Ceux-ci, films à l’appui, n’avaient pas hésité à montrer que les jeunes femmes pleuraient ou criaient pendant les actes ou qu’elles exprimaient clairement leur refus sans jamais être prises en compte.

Outre les faits de « viols » et de « traite des êtres humains », les jeunes femmes ont aussi donc, durant longtemps, dénoncé les insultes sexistes et racistes accompagnant les actes sexuels. Pour les mis en cause, il s’agissait d’insister sur la soumission dont les jeunes femmes étaient victimes lors des échanges. Mais la Cour de cassation ne l’a donc pas entendu de cette oreille.

De quoi déstabiliser toute l’industrie pornographique ?

Au-delà du dossier visé, emblématique des accusations visant l’industrie du X, la décision de la Cour de cassation pourrait bien entraîner des conséquences en cascade. Dans le viseur des autorités, les plus grandes plateformes pornographiques proposent, actuellement, du contenu à partir de catégories aux noms racistes : « beurette », « asiatiques », « hidjab ». Bien souvent installées à l’étranger, ces entreprises rechignent à se remettre en cause. Mais voilà qui pourrait un peu plus les destabiliser.

En tout cas, les plaignantes du dossier French Bukkake espèrent, elles, que leur combat ne sera pas vain. Reste à savoir ce que décidera la cour d’appel de Paris désormais. C’est vers elle que la Cour de cassation a renvoyé le dossier afin de décider devant quelle juridiction les mis en cause seront jugés dans un avenir proche. Et quelles peines ils risqueront exactement…

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