Le Quotidien du 9 avril 2025 : Construction

[Dépêches] La limitation de vue est-elle un trouble anormal de voisinage ?

Réf. : Cass. civ. 3, 27 mars 2025, n° 23-21.076, F-D N° Lexbase : A59090D9

Lecture: 3 min

N2055B3I

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Dépêches] La limitation de vue est-elle un trouble anormal de voisinage ?. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/118022541-depeches-la-limitation-de-vue-estelle-un-trouble-anormal-de-voisinage
Copier

par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J AVOCATS, Chargée d’enseignements à l’UPEC, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

le 22 Avril 2025

Le non-respect des dispositions du permis de construire n’entraîne pas automatiquement la caractérisation d’un trouble anormal du voisinage.
La limitation d’une vue peut-être constitutive d’un trouble anormal du voisinage.

Longtemps fondé sur les dispositions des articles 544 N° Lexbase : L3118AB4 et 1240 N° Lexbase : L0950KZ9 du Code civil, la formule selon laquelle « Nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage » est aujourd’hui un principe général du droit. Autrement dit, cette création prétorienne s’applique en tant que principe, sans fondement textuel particulier. Ainsi, un voisin qui s’estime victime d’un trouble anormal peut assigner le voisin, qu’il soit propriétaire ou non.

La mise en œuvre de l’action fondée sur les troubles anormaux du voisinage est redoutable. D’abord, parce qu’il s’agit d’une responsabilité objective. La preuve de l’absence de faute du voisin est indifférente (pour exemple Cass. civ. 3, 25 octobre 1972, n° 71-12.434 N° Lexbase : A9839CIA). Ensuite parce que la notion de trouble, forcément subjective, est, pour le moins, protéiforme (bruit, odeur, poussière, construction, végétation, glissement de terrain, eaux de pluie, etc.). Enfin, parce que seule l’anormalité du trouble importe (pour exemple toujours Cass. civ. 3, 2 décembre 1982, n° 80-13.159 N° Lexbase : A7994CES), ce qui rend inopérant le respect de la réglementation applicable. Or, la qualification de ce qui est normal, ou non, est, à se risquer au jeu de mots, troublante en droit.

La présente espèce est l’occasion d’y revenir. Un particulier se voit accorder un permis de construire pour l’extension de sa villa. Soutenant que cette construction ne respectait pas le permis de construire et qu’elle subissait divers troubles de voisinage tenant notamment à une perte d’ensoleillement et une perte de vue, la propriétaire d’un appartement situé dans un immeuble voisin assigne le maître d’ouvrage pour obtenir, ni plus ni moins, la démolition de certaines constructions.

La cour d’appel de Montpellier, dans un arrêt rendu le 27 juillet 2023 (CA Montpellier, 27 juillet 2023, n° 19/02522 N° Lexbase : A07121GH), a retenu l’existence de ce trouble. Les conseillers ont, dans leur pouvoir souverain d’appréciation de cette question de fait, relevé que la distance entre les deux bâtiments, à l’origine de 7,58 mètres, avait été réduite à 4 mètres par la construction du mur pignon de l’immeuble et que cette construction limite de manière significative la vue dont elle disposait, ce qui affecte les conditions de jouissance et la valeur immobilière du bien.

La Haute juridiction censure. Les juges du fond auraient dû rechercher si l’urbanisation de la zone où se trouvaient les immeubles n’était pas de nature à écarter l’existence d’un trouble anormal du voisinage.

L’environnement urbain doit être pris en compte. Ce n’est pas la première fois que les juges le rappellent. Une perte de vue d’ensoleillement ne caractérise pas automatiquement un trouble (Cass. civ. 3, 27 février 2020, n° 18-22.558 N° Lexbase : A78163GL).

La solution n’aurait toutefois peut-être pas été la même s’il avait pu être fait application du nouvel article 1253 du Code civil N° Lexbase : L1475MML qui dispose que :

« Le propriétaire, le locataire, l'occupant sans titre, le bénéficiaire d'un titre ayant pour objet principal de l'autoriser à occuper ou à exploiter un fonds, le maître d'ouvrage ou celui qui en exerce les pouvoirs qui est à l'origine d'un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage est responsable de plein droit du dommage qui en résulte.

Sous réserve de l'article L. 311-1-1 du Code rural et de la pêche maritime, cette responsabilité n'est pas engagée lorsque le trouble anormal provient d'activités, quelle qu'en soit la nature, existant antérieurement à l'acte transférant la propriété ou octroyant la jouissance du bien ou, à défaut d'acte, à la date d'entrée en possession du bien par la personne lésée. Ces activités doivent être conformes aux lois et aux règlements et s'être poursuivies dans les mêmes conditions ou dans des conditions nouvelles qui ne sont pas à l'origine d'une aggravation du trouble anormal ».

newsid:492055

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus