Le Quotidien du 9 avril 2025 : Procédure pénale

[Dépêches] Inapplicabilité des dispositions relatives à la détention provisoire en matière d’écrou extraditionnel et droits de la défense

Réf. : Cass. crim., 19 mars 2025, n° 25-80.129, F-B N° Lexbase : A57190A3

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N2060B3P

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[Dépêches] Inapplicabilité des dispositions relatives à la détention provisoire en matière d’écrou extraditionnel et droits de la défense. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/118025581-depeches-inapplicabilite-des-dispositions-relatives-a-la-detention-provisoire-en-matiere-decrou-extr
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par Helena Viana, Avocate au barreau de Paris

le 23 Avril 2025

Dans un arrêt du 19 mars 2025, la Cour de cassation précise les garanties procédurales applicables aux personnes placées sous écrou extraditionnel formulant une demande de mise en liberté : l’article 696-19 du Code de procédure pénale est applicable et permet d’assortir la mise en liberté d’une mesure de contrôle judiciaire. Elle confirme également que l’article 197 du même code s’applique en matière d’extradition, tout retard dans la transmission des réquisitions portant nécessairement atteinte aux droits de la défense. 


 

Faits. Un ressortissant turc a été condamné à huit ans et neuf mois d’emprisonnement par la justice turque. Le Gouvernement de la République de Turquie a alors formulé une demande d’extradition aux fins d’exécution de la peine. Interpellé en France quelques mois après cette demande, le condamné a été placé sous écrou extraditionnel le lendemain. S’opposant à sa remise, il a formé une demande de mise en liberté sur le fondement de l’article 696-19 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9789IPA qui permet à la personne placée sous écrou extraditionnel de saisir la chambre de l’instruction d’une demande de mise en liberté.

Procédure. La chambre de l’instruction, saisie de la demande de mise en liberté, a constaté l’irrégularité de la procédure en raison de la transmission tardive des réquisitions du Procureur général, celles-ci ayant été déposées le jour de l’audience.

Constatant qu’elle ne pouvait renvoyer l’affaire en raison des délais de convocation, elle a ordonné la mise en liberté de l’intéressé, en l’assortissant d’une mesure de contrôle judiciaire, faisant application de l’article 803-7 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3147MKR.

Moyens du pourvoi. Le Procureur général a formé un pourvoi en soutenant que la chambre de l’instruction avait méconnu les dispositions de l’article 696-13 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L0813DYR en assimilant la procédure extraditionnelle à celle de la détention provisoire alors même qu’il n’intervient pas en qualité de partie à la procédure, mais en tant qu’autorité d’exécution. Selon ce même moyen, il arguait l’inapplicabilité de l’article 803-7 du Code de procédure pénale à la procédure extraditionnelle.

Il soutenait également que, d’une part, la chambre de l’instruction a manqué de base légale en ne recherchant pas l’existence de garanties suffisantes justifiant la mise en liberté de l’intéressé et, d’autre part, il contestait l’absence de recherche d’un grief lié au défaut de dépôt des réquisitions écrites du ministère public avant l’audience.

Conclusion. Si la Chambre criminelle rejette le pourvoi, la portée de l’arrêt demeure significative, en ce qu’elle procède à une substitution de motifs en censurant ceux adoptés par la chambre de l’instruction.

Les Hauts magistrats énoncent en premier lieu que l’article 803-7 du Code de procédure pénale n’est pas applicable à une personne placée sous écrou extraditionnel, seul l’article 696-19 du même code étant applicable. C’est de surcroît sur le fondement de l’alinéa 3 de cet article que les juges du fond pouvaient ordonner un contrôle judiciaire.

Elle insiste par ailleurs sur la fonction du contrôle judiciaire, pour écarter l’obligation de motivation spéciale quant aux garanties de représentation.

En effet, l’article 137 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9393IEM rappelle qu’en raison des nécessités de l’instruction ou à titre de mesure de sûreté, une personne présumée innocente demeurant libre peut être assujettie aux obligations du contrôle judiciaire, lequel remplit ainsi la fonction de garantie de représentation.

Cette décision s’inscrit dans la lignée d’un arrêt de 2021, où la chambre criminelle avait déjà affirmé que l’article 696-19 du Code de procédure pénale, applicable en la matière, ne renvoyait pas aux articles 137-3 N° Lexbase : L1328MAG et 144 de ce code N° Lexbase : L9485IEZ. Elle énonçait que ces articles étaient relatifs à la détention provisoire, les juges devant uniquement apprécier les garanties présentées par l’intéressé pour répondre à la demande de mise en liberté [1].

En revanche, dans l’arrêt du 19 mars 2025, elle confirme l’applicabilité de l’article 197 du Code de procédure pénale à la demande de mise en liberté formulée par une personne placée sous écrou et rappelle que l’absence de dépôt de réquisitions dans les délais prescrits par l’article porte nécessairement atteinte aux droits de la défense, le Procureur général étant donc une partie à la procédure.

Là encore, la solution n’est pas surprenante, la méconnaissance des formalités de l’article 197 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3248MKI ayant déjà été considérée par les hauts magistrats comme faisant nécessairement grief. Cette solution, bien que classique, marque une extension de l’application de l’article 197 au contentieux de l’extradition, alors qu’il avait principalement été invoqué en matière de mandat d’arrêt européen [2].

On peut néanmoins supposer qu’une issue différente aurait pu être envisagée si les délais de convocation avaient permis un renvoi de l’affaire, permettant ainsi la régularisation des réquisitions et l’examen au fond de la demande de mise en liberté.

 

[1] Cass. crim., 30 mars 2021, n° 21-80.339 N° Lexbase : A93724M3.

[2] Cass. crim. 20 mai 2015, n° 15-82.469 N° Lexbase : A5472NII.

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