Réf. : Cass. civ. 1, 15 janvier 2025, n° 22-22.336, F-B N° Lexbase : A47956QN
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N1632B3T
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par Jérôme Casey, Avocat au barreau de Paris
le 07 Février 2025
► Il résulte de l'article 16, § 1, sous a), du Règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale qu'une juridiction est réputée saisie par la réalisation d'un seul acte, à savoir le dépôt de l'acte introductif d'instance, dès lors que le demandeur n'a pas omis de prendre les mesures qui lui incombaient en vertu du droit national applicable pour que l'acte initial soit régulièrement notifié ou signifié au défendeur ;
Prive sa décision de base légale au regard de ce texte la juridiction qui rejette une exception de litispendance fondée sur l'article 19 du même règlement, faute pour le demandeur à cette exception d'établir la matérialité de la signification ou de la notification au défendeur de sa requête en divorce préalablement déposée auprès des juridictions d'un autre État membre de l'Union européenne, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, selon le droit applicable dans cet État membre, la notification de la requête en divorce après son dépôt incombait, non pas au demandeur, mais à la juridiction saisie.
Vu l'article 16, paragraphe 1, sous a), et l'article 19 du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale N° Lexbase : L0159DYK :
Aux termes du second de ces textes, lorsque des demandes en divorce sont formées entre les mêmes parties devant des juridictions d'États membres différents, la juridiction saisie en second lieu sursoit d'office à statuer jusqu'à ce que la compétence de la juridiction première saisie soit établie.
Le premier dispose :
« Une juridiction est réputée saisie :
a) à la date à laquelle l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent est déposé auprès de la juridiction, à condition que le demandeur n'ait pas négligé par la suite de prendre les mesures qu'il était tenu de prendre pour que l'acte soit notifié ou signifié au défendeur ».
Il résulte de ce dernier texte qu'une juridiction est réputée saisie par la réalisation d'un seul acte, à savoir le dépôt de l'acte introductif d'instance, dès lors que le demandeur n'a pas omis de prendre les mesures qui lui incombaient en vertu du droit national applicable pour que l'acte initial soit régulièrement notifié ou signifié au défendeur.
Pour rejeter l'exception de litispendance, l'arrêt retient que, bien que Mme [Z] ait déposé sa requête en divorce auprès de la juridiction polonaise avant que la juridiction française n'ait été saisie, elle n'établit pas la matérialité de la signification ou de la notification à M. [K] de la procédure qu'elle a engagée en Pologne.En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, selon le droit procédural polonais, la notification de la requête en divorce après son dépôt incombait, non pas au demandeur, mais à la juridiction saisie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Observations. Zoé demande le divorce devant le juge polonais le 4 janvier 2021. Kevin, lui, saisit le juge français après cette date. Dans la procédure française, Zoé soulève une exception de litispendance, qu’une cour d’appel rejette, estimant que si, en effet, la juridiction polonaise a été la première saisie, Zoé n'établit pas la matérialité de la signification ou de la notification de la procédure qu'elle a engagée en Pologne au défendeur., et ceci alors même que la cour d’appel française relève qu’en Pologne la cour d’appel de Cracovie a annulé l’ordonnance du tribunal régional de Cracovie ayant sursis à statuer.
Cette affaire relevait du Règlement n°2201/2003 dit « Bruxelles II bis » N° Lexbase : L0159DYK, dont l’article 19 précise que lorsque des demandes en divorce sont formées entre les mêmes parties devant des juridictions d'États membres différents, la juridiction saisie en second lieu sursoit d'office à statuer jusqu'à ce que la compétence de la juridiction première saisie soit établie. Or, l’article 16 § 1 a) de ce même Règlement permet de savoir à quel moment une juridiction est saisie : à la date à laquelle l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent est déposé auprès de la juridiction, à condition que le demandeur n'ait pas négligé par la suite de prendre les mesures qu'il était tenu de prendre pour que l'acte soit notifié ou signifié au défendeur.
En l’espèce, on l’a vu, la cour d’appel reprochait à Zoé de ne pas apporter la preuve de la notification ou de la signification de l’acte introductif d’instance au défendeur. Mais était-ce à elle de le faire ? Tout dépendait du contenu du droit procédural polonais dont tout indique que c’est à la juridiction saisie (non aux parties) qu’il incombe de notifier officiellement les actes de procédure. La cour d’appel aurait donc dû vérifier ce point, comme Zoé le soutenait, car cette dernière, si elle disait vrai, n’était pas irrecevable en son exception.
Un esprit un peu caustique remarquera que l’Europe de la procédure reste encore à construire, en dépit des « instruments » juridiques existants...
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