Le Quotidien du 10 février 2025 : Élections professionnelles

[Observations] Contestation des élections professionnelles : la ponctualité et l’anticipation sont mères de sûreté !

Réf. : Cass. soc., 22 janvier 2025, n° 23-19.384, F-B N° Lexbase : A39516RR

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N1616B3A

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par Jérémie Jardonnet, Avocat spécialiste en droit social, qualification spécifique en droit du comité social et économique, Avocat associé, cabinet Hujé Avocats

le 07 Février 2025

► Il résulte de l’article R. 2314-24 du Code du travail que lorsque la contestation porte sur la régularité de l'élection, la requête n'est recevable que si elle est remise ou adressée dans les quinze jours suivant cette élection. Lorsqu'elle est fondée sur le défaut de prise en compte d'une candidature syndicale et l'absence d'organisation du premier tour en vue duquel la candidature litigieuse avait été déposée, la contestation n'est plus recevable au-delà d'un délai de quinze jours suivant la publication du procès-verbal de carence.

Rappel des délais de forclusion. En matière de contestations électorales, le juge judiciaire doit notamment être saisi dans un délai de 3 jours suivant la publication de la liste électorale, s’agissant du contentieux de l'électorat et dans un délai de 15 jours suivant les élections pour le contentieux de la régularité des élections professionnelles (C. trav., art. R. 2314-24 N° Lexbase : L4721LTZ). Dans ce dernier cas, le délai court à compter du lendemain de la proclamation des résultats (Cass. soc., 10 mars 2016, n° 15-20.937, F-D N° Lexbase : A1653Q7D).

Le délai de 15 jours pour contester la régularité des opérations électorales débute, s'agissant des résultats du premier tour qui déterminent la représentativité des syndicats, à compter de ce premier tour (Cass. soc., 26 mai 2010, no 09-60.453, F-P+B N° Lexbase : A7366EX4).

Le respect de ces délais est crucial. A défaut, aucune contestation ne peut plus être exercée et les élections sont définitivement valides, peu important les vices l’affectant (Cass. soc., 26 janvier 2002, n° 98-60.534, inédit N° Lexbase : A4316C3A).

Application des délais en l’absence d’organisation du premier tour. Les faits ayant donné lieu à la décision commentée sont simples. Suivant le protocole d'accord préélectoral conclu le 12 avril 2023, en vue de l'élection des membres de la délégation du personnel au comité social et économique d’une société, les dates des premier et second tours du scrutin ont été fixées aux 16 et 30 juin 2023 et la date limite de dépôt des candidatures pour le premier tour a été prévue le 15 mai.

Un syndicat a adressé sa candidature à l'employeur par mail, le 15 mai 2023. N'ayant pas tenu compte de cette candidature, l'employeur a constaté la carence de candidature syndicale pour le premier tour et a organisé le second tour. En l’absence de prise en compte de sa candidature pour le premier tour, le syndicat a, par requête du 22 juin 2023, saisi la juridiction d'une contestation de la validité des élections.

Le premier juge a déclaré recevable le syndicat et a annulé les élections, ce qu’a décidé de contester l’employeur.

Dans un premier temps, la Haute juridiction souligne que lorsqu'elle est fondée sur le défaut de prise en compte d'une candidature syndicale et l'absence d'organisation du premier tour en vue duquel la candidature litigieuse avait été déposée, la contestation n'est plus recevable au-delà d'un délai de 15 jours suivant la publication du procès-verbal de carence.

En l’espèce, le syndicat avait agi dans le délai de 15 jours suivant la publication du procès-verbal de carence, de sorte que sa contestation était recevable. La solution de la Cour de cassation est, en ce sens, parfaitement en ligne avec sa jurisprudence antérieure et n’a donc rien de surprenant. En effet, il est constant que la contestation d’une irrégularité affectant les résultats du premier tour, ou déterminant la représentativité d'un syndicat, doit être réalisée dans le délai de 15 jours qui court le lendemain de la proclamation des résultats du premier tour ou de la publication du procès-verbal de carence (Cass. soc., 31 janvier 2012, no 11-60.139, FS-P+B N° Lexbase : A8832IBQ ; Cass. soc., 15 octobre 2015, n° 14-25.375, F-D N° Lexbase : A5905NTU).

Cependant, la problématique n’était pas seulement circonscrite à la recevabilité de la contestation du premier tour des élections, puisque le syndicat sollicitait, sur la base des irrégularités commises au premier tour, l’annulation par anticipation des élections du second tour. L’employeur mettait en avant qu'un syndicat n’est autorisé à contester les élections professionnelles en amont que s'il saisit le juge d'une demande d'annulation du protocole préélectoral et des élections qui vont se tenir sur la base de ce protocole préélectoral contesté, ce qui n’était nullement le cas en l’occurrence. En d’autres termes, selon l’employeur, le syndicat aurait dû ressaisir le juge dans les 15 jours qui suivaient la proclamation des résultats du second tour.

Élargissement de l’assouplissement dégagé en 2021. Il est vrai que les juges du quai de l’Horloge avaient jugé que l’article R. 2314-24 du Code du travail N° Lexbase : L4721LTZ ne fixe qu’une date limite au-delà de laquelle une demande d’annulation ne peut plus être introduite. Il n’interdit pas d’agir avant même que ce délai ait commencé à courir, soit avant la tenue du scrutin. Ainsi, selon les magistrats, « il résulte de ce texte […] que celui qui saisit le tribunal d’instance, avant les élections, d’une demande d’annulation du protocole préélectoral, est recevable à demander l’annulation des élections à venir en conséquence de l’annulation du protocole préélectoral sollicitée » (Cass. soc., 12 mai 2021, nº 19-23.428, F-P N° Lexbase : A85214RZ).

En d’autres termes, il résulte de cette jurisprudence que la demande anticipée d’annulation des élections ne peut être introduite seule, mais doit l’être en même temps qu’une demande d’annulation du protocole préélectoral en application duquel elles sont organisées.

Cette décision dégagée était effectivement limitée, jusque-là, à l’hypothèse d’un contentieux préélectoral portant sur une irrégularité du protocole d’accord préélectoral.

L’arrêt commenté constitue donc une nouvelle illustration de la possibilité de solliciter par anticipation l’annulation des élections à venir, puisqu’il retient : « celui qui saisit le tribunal judiciaire d'une telle contestation est recevable à demander, dans la même requête, l'annulation des élections à venir en conséquence de l'organisation contestée d'un second tour, sans avoir à réitérer cette demande dans le délai de quinze jours suivant les élections ».

La solution doit être approuvée, la Haute juridiction faisant preuve de pragmatisme. Il apparaît d’une bonne administration de la justice d’éviter une nouvelle saisine de la juridiction, dès lors que l’annulation a bien été sollicitée dans le cadre de la première requête.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE Le contentieux des élections des membres de la délégation du personnel, La procédure de contestation des élections, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E2075GA4.

 

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