Réf. : Communiqué, site du ministère de la Justice
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N1631B3S
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par Yann Le Foll
Le 07 Février 2025
Le ministère de la Justice a engagé des travaux exploratoires sur l’utilisation de l’intelligence artificielle en vue de moderniser le service public de la Justice tout en veillant à encadrer et sécuriser ses usages.
Il a identifié quatre cas d’usage prioritaires où l’IA pourrait apporter aux agents et aux usagers du service public de la Justice.
Une première solution interne, destinée à la retranscription automatique des entretiens, est en cours de développement et devrait voir le jour dès 2025.
Du fait du caractère sensible et confidentiel des données traitées, le ministère privilégie des solutions hébergées sur le territoire national.
Dans une volonté de faire un usage raisonné de cette technologie, le ministère de la Justice élabore actuellement une charte d’usage de l’intelligence artificielle. Celle-ci rappellera les bonnes pratiques en la matière, notamment la vérification et le contrôle des résultats, la protection des informations confidentielles et sensibles, l’exclusion de données à caractère personnel ou encore la sobriété numérique.
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Réf. : Cass. civ. 1, 15 janvier 2025, n° 22-22.336, F-B N° Lexbase : A47956QN
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N1632B3T
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par Jérôme Casey, Avocat au barreau de Paris
Le 07 Février 2025
► Il résulte de l'article 16, § 1, sous a), du Règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale qu'une juridiction est réputée saisie par la réalisation d'un seul acte, à savoir le dépôt de l'acte introductif d'instance, dès lors que le demandeur n'a pas omis de prendre les mesures qui lui incombaient en vertu du droit national applicable pour que l'acte initial soit régulièrement notifié ou signifié au défendeur ;
Prive sa décision de base légale au regard de ce texte la juridiction qui rejette une exception de litispendance fondée sur l'article 19 du même règlement, faute pour le demandeur à cette exception d'établir la matérialité de la signification ou de la notification au défendeur de sa requête en divorce préalablement déposée auprès des juridictions d'un autre État membre de l'Union européenne, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, selon le droit applicable dans cet État membre, la notification de la requête en divorce après son dépôt incombait, non pas au demandeur, mais à la juridiction saisie.
Vu l'article 16, paragraphe 1, sous a), et l'article 19 du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale N° Lexbase : L0159DYK :
Aux termes du second de ces textes, lorsque des demandes en divorce sont formées entre les mêmes parties devant des juridictions d'États membres différents, la juridiction saisie en second lieu sursoit d'office à statuer jusqu'à ce que la compétence de la juridiction première saisie soit établie.
Le premier dispose :
« Une juridiction est réputée saisie :
a) à la date à laquelle l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent est déposé auprès de la juridiction, à condition que le demandeur n'ait pas négligé par la suite de prendre les mesures qu'il était tenu de prendre pour que l'acte soit notifié ou signifié au défendeur ».
Il résulte de ce dernier texte qu'une juridiction est réputée saisie par la réalisation d'un seul acte, à savoir le dépôt de l'acte introductif d'instance, dès lors que le demandeur n'a pas omis de prendre les mesures qui lui incombaient en vertu du droit national applicable pour que l'acte initial soit régulièrement notifié ou signifié au défendeur.
Pour rejeter l'exception de litispendance, l'arrêt retient que, bien que Mme [Z] ait déposé sa requête en divorce auprès de la juridiction polonaise avant que la juridiction française n'ait été saisie, elle n'établit pas la matérialité de la signification ou de la notification à M. [K] de la procédure qu'elle a engagée en Pologne.En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, selon le droit procédural polonais, la notification de la requête en divorce après son dépôt incombait, non pas au demandeur, mais à la juridiction saisie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Observations. Zoé demande le divorce devant le juge polonais le 4 janvier 2021. Kevin, lui, saisit le juge français après cette date. Dans la procédure française, Zoé soulève une exception de litispendance, qu’une cour d’appel rejette, estimant que si, en effet, la juridiction polonaise a été la première saisie, Zoé n'établit pas la matérialité de la signification ou de la notification de la procédure qu'elle a engagée en Pologne au défendeur., et ceci alors même que la cour d’appel française relève qu’en Pologne la cour d’appel de Cracovie a annulé l’ordonnance du tribunal régional de Cracovie ayant sursis à statuer.
Cette affaire relevait du Règlement n°2201/2003 dit « Bruxelles II bis » N° Lexbase : L0159DYK, dont l’article 19 précise que lorsque des demandes en divorce sont formées entre les mêmes parties devant des juridictions d'États membres différents, la juridiction saisie en second lieu sursoit d'office à statuer jusqu'à ce que la compétence de la juridiction première saisie soit établie. Or, l’article 16 § 1 a) de ce même Règlement permet de savoir à quel moment une juridiction est saisie : à la date à laquelle l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent est déposé auprès de la juridiction, à condition que le demandeur n'ait pas négligé par la suite de prendre les mesures qu'il était tenu de prendre pour que l'acte soit notifié ou signifié au défendeur.
En l’espèce, on l’a vu, la cour d’appel reprochait à Zoé de ne pas apporter la preuve de la notification ou de la signification de l’acte introductif d’instance au défendeur. Mais était-ce à elle de le faire ? Tout dépendait du contenu du droit procédural polonais dont tout indique que c’est à la juridiction saisie (non aux parties) qu’il incombe de notifier officiellement les actes de procédure. La cour d’appel aurait donc dû vérifier ce point, comme Zoé le soutenait, car cette dernière, si elle disait vrai, n’était pas irrecevable en son exception.
Un esprit un peu caustique remarquera que l’Europe de la procédure reste encore à construire, en dépit des « instruments » juridiques existants...
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Réf. : Cass. soc., 22 janvier 2025, n° 23-19.384, F-B N° Lexbase : A39516RR
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N1616B3A
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par Jérémie Jardonnet, Avocat spécialiste en droit social, qualification spécifique en droit du comité social et économique, Avocat associé, cabinet Hujé Avocats
Le 07 Février 2025
► Il résulte de l’article R. 2314-24 du Code du travail que lorsque la contestation porte sur la régularité de l'élection, la requête n'est recevable que si elle est remise ou adressée dans les quinze jours suivant cette élection. Lorsqu'elle est fondée sur le défaut de prise en compte d'une candidature syndicale et l'absence d'organisation du premier tour en vue duquel la candidature litigieuse avait été déposée, la contestation n'est plus recevable au-delà d'un délai de quinze jours suivant la publication du procès-verbal de carence.
Rappel des délais de forclusion. En matière de contestations électorales, le juge judiciaire doit notamment être saisi dans un délai de 3 jours suivant la publication de la liste électorale, s’agissant du contentieux de l'électorat et dans un délai de 15 jours suivant les élections pour le contentieux de la régularité des élections professionnelles (C. trav., art. R. 2314-24 N° Lexbase : L4721LTZ). Dans ce dernier cas, le délai court à compter du lendemain de la proclamation des résultats (Cass. soc., 10 mars 2016, n° 15-20.937, F-D N° Lexbase : A1653Q7D).
Le délai de 15 jours pour contester la régularité des opérations électorales débute, s'agissant des résultats du premier tour qui déterminent la représentativité des syndicats, à compter de ce premier tour (Cass. soc., 26 mai 2010, no 09-60.453, F-P+B N° Lexbase : A7366EX4).
Le respect de ces délais est crucial. A défaut, aucune contestation ne peut plus être exercée et les élections sont définitivement valides, peu important les vices l’affectant (Cass. soc., 26 janvier 2002, n° 98-60.534, inédit N° Lexbase : A4316C3A).
Application des délais en l’absence d’organisation du premier tour. Les faits ayant donné lieu à la décision commentée sont simples. Suivant le protocole d'accord préélectoral conclu le 12 avril 2023, en vue de l'élection des membres de la délégation du personnel au comité social et économique d’une société, les dates des premier et second tours du scrutin ont été fixées aux 16 et 30 juin 2023 et la date limite de dépôt des candidatures pour le premier tour a été prévue le 15 mai.
Un syndicat a adressé sa candidature à l'employeur par mail, le 15 mai 2023. N'ayant pas tenu compte de cette candidature, l'employeur a constaté la carence de candidature syndicale pour le premier tour et a organisé le second tour. En l’absence de prise en compte de sa candidature pour le premier tour, le syndicat a, par requête du 22 juin 2023, saisi la juridiction d'une contestation de la validité des élections.
Le premier juge a déclaré recevable le syndicat et a annulé les élections, ce qu’a décidé de contester l’employeur.
Dans un premier temps, la Haute juridiction souligne que lorsqu'elle est fondée sur le défaut de prise en compte d'une candidature syndicale et l'absence d'organisation du premier tour en vue duquel la candidature litigieuse avait été déposée, la contestation n'est plus recevable au-delà d'un délai de 15 jours suivant la publication du procès-verbal de carence.
En l’espèce, le syndicat avait agi dans le délai de 15 jours suivant la publication du procès-verbal de carence, de sorte que sa contestation était recevable. La solution de la Cour de cassation est, en ce sens, parfaitement en ligne avec sa jurisprudence antérieure et n’a donc rien de surprenant. En effet, il est constant que la contestation d’une irrégularité affectant les résultats du premier tour, ou déterminant la représentativité d'un syndicat, doit être réalisée dans le délai de 15 jours qui court le lendemain de la proclamation des résultats du premier tour ou de la publication du procès-verbal de carence (Cass. soc., 31 janvier 2012, no 11-60.139, FS-P+B N° Lexbase : A8832IBQ ; Cass. soc., 15 octobre 2015, n° 14-25.375, F-D N° Lexbase : A5905NTU).
Cependant, la problématique n’était pas seulement circonscrite à la recevabilité de la contestation du premier tour des élections, puisque le syndicat sollicitait, sur la base des irrégularités commises au premier tour, l’annulation par anticipation des élections du second tour. L’employeur mettait en avant qu'un syndicat n’est autorisé à contester les élections professionnelles en amont que s'il saisit le juge d'une demande d'annulation du protocole préélectoral et des élections qui vont se tenir sur la base de ce protocole préélectoral contesté, ce qui n’était nullement le cas en l’occurrence. En d’autres termes, selon l’employeur, le syndicat aurait dû ressaisir le juge dans les 15 jours qui suivaient la proclamation des résultats du second tour.
Élargissement de l’assouplissement dégagé en 2021. Il est vrai que les juges du quai de l’Horloge avaient jugé que l’article R. 2314-24 du Code du travail N° Lexbase : L4721LTZ ne fixe qu’une date limite au-delà de laquelle une demande d’annulation ne peut plus être introduite. Il n’interdit pas d’agir avant même que ce délai ait commencé à courir, soit avant la tenue du scrutin. Ainsi, selon les magistrats, « il résulte de ce texte […] que celui qui saisit le tribunal d’instance, avant les élections, d’une demande d’annulation du protocole préélectoral, est recevable à demander l’annulation des élections à venir en conséquence de l’annulation du protocole préélectoral sollicitée » (Cass. soc., 12 mai 2021, nº 19-23.428, F-P N° Lexbase : A85214RZ).
En d’autres termes, il résulte de cette jurisprudence que la demande anticipée d’annulation des élections ne peut être introduite seule, mais doit l’être en même temps qu’une demande d’annulation du protocole préélectoral en application duquel elles sont organisées.
Cette décision dégagée était effectivement limitée, jusque-là, à l’hypothèse d’un contentieux préélectoral portant sur une irrégularité du protocole d’accord préélectoral.
L’arrêt commenté constitue donc une nouvelle illustration de la possibilité de solliciter par anticipation l’annulation des élections à venir, puisqu’il retient : « celui qui saisit le tribunal judiciaire d'une telle contestation est recevable à demander, dans la même requête, l'annulation des élections à venir en conséquence de l'organisation contestée d'un second tour, sans avoir à réitérer cette demande dans le délai de quinze jours suivant les élections ».
La solution doit être approuvée, la Haute juridiction faisant preuve de pragmatisme. Il apparaît d’une bonne administration de la justice d’éviter une nouvelle saisine de la juridiction, dès lors que l’annulation a bien été sollicitée dans le cadre de la première requête.
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE Le contentieux des élections des membres de la délégation du personnel, La procédure de contestation des élections, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E2075GA4. |
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Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 15 janvier 2025, n° 473898, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A52376QZ
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N1548B3Q
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par Marie-Claire Sgarra
Le 07 Février 2025
► Le Conseil d’État est revenu, dans un arrêt du 15 janvier 2025 sur les conditions d'application de l'abattement prévu à l'article 44 quaterdecies du CGI, dont peuvent bénéficier certaines sociétés situées dans les DOM, lorsqu'elles sont associées à une société de personnes.
Les bénéfices des entreprises provenant d'exploitations situées à La Réunion peuvent faire l'objet d'un abattement sous conditions (CGI, art. 44 quaterdecies N° Lexbase : L0879ML7). Les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société (CGI, art. 8 N° Lexbase : L1176ITQ).
En application de ces dispositions, l’éligibilité à l’abattement s’apprécie au niveau de la société soumise au régime fiscal prévu à l’article 8 de ce Code, à raison de l’activité qu’elle exerce, indépendamment de celle exercée par ses associés.
Il en résulte que lorsqu’une entreprise éligible à l’abattement prévu au I de l’article 44 quaterdecies est associée d’une société soumise au régime fiscal des sociétés de personnes, cet abattement s’applique aux bénéfices, y compris financiers et exceptionnels, résultant de l’exploitation de l’activité propre de cette entreprise, à l’exclusion des bénéfices correspondant à la quote-part lui revenant des résultats de la société soumise au régime fiscal des sociétés de personnes dans laquelle elle détient une participation.
Par suite, en jugeant que l'administration fiscale avait pu à bon droit remettre en cause l'abattement, « alors que ni la circonstance que la société avait réalisé des bénéfices financiers, ni la circonstance qu'une partie de ses bénéfices correspondait à la quote-part lui revenant de résultats des sociétés soumises au régime fiscal prévu à l'article 8 du Code général des impôts dans lesquelles elle détenait des participations, ne pouvait être utilement prise en compte pour déterminer si l'activité de la société, qui exerçait, selon ses statuts, au titre des exercices en litige, une activité de production industrielle de plats cuisinés, de samoussas, de pâtisseries et autres spécialités locales, était éligible à l'avantage fiscal en cause, l'auteure de l'ordonnance attaquée a commis une erreur de droit ».
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Réf. : CE, 1re-4e ch. réunies, 28 novembre 2024, n° 488592, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A43916KT
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N1629B3Q
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par Olivier Savignat, Avocat associé, Valians avocats et Gustave Barthélemy, Juriste, Valians avocats
Le 07 Février 2025
Mots clés : notification des recours • titulaire de l'autorisation d'urbanisme • notification à l'adresse • panneau d'affichage • permis de construire
Dans un arrêt mentionné aux tables du recueil Lebon, le Conseil d’État a jugé conforme à l’article R. 600-1 du Code de l’urbanisme la notification envoyée à l’adresse indiquée comme étant celle du bénéficiaire sur le panneau d’affichage de l’autorisation, y compris lorsque cette adresse s’avère être celle d’une autre personne.
L’arrêt ici commenté apporte des éclaircissements utiles sur les modalités d’une formalité bien connue des praticiens et spécifique au contentieux de l’urbanisme : l’obligation de notification des recours dirigés contre une autorisation d’urbanisme.
Pour rappel, l’article R. 600-1 du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L9492LPA dispose que « l’auteur du recours est tenu, à peine d’irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation ». Cette obligation est étendue à l’auteur d’un recours gracieux, « à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet ». Enfin, il est précisé que cette notification « doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours ».
Un recours contentieux est donc susceptible d’être rejeté comme irrecevable au seul motif que le recours gracieux exercé préalablement n’aurait pas été dûment notifié à l’auteur et au destinataire de l’autorisation litigieuse.
Il ne peut être remédié à l'omission de cette formalité que dans le délai de quinze jours prévu par l’article précité. L’introduction d’un nouveau recours gracieux dûment notifié ne permettra pas de pallier l’irrégularité du premier recours et de proroger du délai de recours contentieux [1].
Partant, le requérant ayant purement et simplement oublié de notifier son recours gracieux n’aura pas préservé le délai de recours contentieux : son recours ultérieur devant le juge, au-delà du délai de deux mois prévu à l’article R. 600-2 du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L2033ICB, sera assurément tardif et donc doublement irrecevable.
Les conséquences d’un tel oubli sont drastiques : après avoir été invité par le juge administratif à produire un justificatif qu’il ne peut pas fournir, le requérant verra sa requête sommairement rejetée par une ordonnance prise sur le fondement du 4° de l’article R. 222-1 du Code de justice administrative N° Lexbase : L1294MLI [2].
C’est ce qui est arrivé au requérant dans l’affaire objet du présent commentaire, en dépit de ce qu’il avait effectivement notifié son recours à l’adresse indiquée sur le panneau d’affichage de l’autorisation querellée.
Dans les faits, la réalisation d’un bâtiment d’habitation collective de huit logements avait été autorisée par un permis de construire délivré le 20 mai 2021.
Par un recours gracieux formé avant l’échéance du délai contentieux de deux mois, un voisin du projet a sollicité le retrait de ce permis. Deux mois plus tard, estimant que cette demande avait fait l’objet d’une décision tacite de rejet, ce même voisin a formé un recours en excès de pouvoir devant le tribunal administratif de Grenoble.
Or, ce recours a été évacué comme tardif par une « ordonnance de tri », la juridiction ayant considéré que la notification du recours gracieux avait été irrégulièrement accomplie et n’avait donc pas prorogé le délai de recours contentieux [3].
En effet, le requérant avait notifié son recours gracieux à l’adresse figurant en haut du panneau d’affichage, adresse qui était en fait celle du maître d’œuvre et non celle du maître d’ouvrage, bénéficiaire du permis de construire contesté.
Cette solution a été confirmée par un arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon [4].
Par un arrêt mentionné aux tables du recueil Lebon, le Conseil d’État a toutefois jugé cette notification régulière, annulant en conséquence l’arrêt précité et renvoyant les parties devant le juge d’appel pour trancher le reste du litige.
Ce faisant, la Haute juridiction administrative a conféré une certaine valeur aux mentions du panneau d’affichage, afin de préserver le droit au recours du requérant (I). Elle s’inscrit en cela dans la continuité d’une jurisprudence pragmatique, tendant à limiter les hypothèses d’irrecevabilité pour défaut de notification (II).
I. Le requérant peut valablement prendre en compte l’adresse indiquée sur le panneau d’affichage pour notifier son recours
Les juges du fond faisaient grief au requérant d’avoir pris en compte une information facultative et superfétatoire au détriment de l’information obligatoire contenue dans l’autorisation, seule à même de le renseigner sur l’adresse de son bénéficiaire.
En effet, et s’agissant de la notification au titulaire, la jurisprudence a retenu le principe suivant : la formalité prévue à l’article R. 600-1 du Code de l’urbanisme est « régulièrement accomplie dès lors que la notification du recours est adressée au titulaire de l'autorisation tel qu'il est désigné par l'acte attaqué » [5].
Or, l’adresse du titulaire n’est pas au rang des mentions obligatoires du panneau d’affichage de la décision, énumérées à l’article A. 424-16 du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L5515LKH. Inversement, l’article A. 424-2 de ce même code N° Lexbase : L7175HZR dispose que l’arrêté doit « vise[r] la demande de permis » et « en rappelle[r] les principes caractéristiques », dont le nom et l’adresse du demandeur.
C’est en considération de ces éléments de droit que la cour administrative d’appel de Lyon a jugé que la notification à une société « sans lien organique avec la société bénéficiaire du permis » était irrégulière, dès lors que, d’une part, « il ne ressort pas des pièces du dossier que cette société (…) aurait transmis ce dernier au titulaire du permis de construire » et que, d’autre part, « à supposer même que la mention de l'adresse de la société X sur le panneau d'affichage ait été susceptible d'induire en erreur [le requérant], l'adresse exacte avait bien été indiquée dans les visas de l'acte attaqué et dans le formulaire de demande de permis de construire », documents que ce dernier avait visiblement eu l’occasion de consulter pour rédiger son recours.
Cette solution a néanmoins été jugée trop rigoriste par la Haute juridiction administrative qui l’a censurée pour les motifs suivants :
« Ces dispositions [de l’article R. 600-1 précité] visent, dans un but de sécurité juridique, à permettre au bénéficiaire d'une autorisation d'urbanisme, ainsi qu'à l'auteur de cette décision, d'être informés à bref délai de l'existence d'un recours gracieux ou contentieux dirigé contre elle.
Si, à l'égard du titulaire de l'autorisation, cette formalité peut être regardée comme régulièrement accomplie dès lors que la notification lui est faite à l'adresse qui est mentionnée dans l'acte attaqué, la notification peut également être regardée comme régulièrement accomplie lorsque, le panneau d'affichage du permis de construire faisant apparaître, alors même que l'article A. 424-16 du Code de l'urbanisme ne l'impose pas, une adresse comme étant la sienne, la notification est faite à cette adresse. »
En effet, et comme exposé par le rapporteur public Mathieu Le Coq dans ses conclusions sur cette affaire, « les exigences tenant à la sécurité juridique des constructeurs et des administrations doivent être conciliées avec le droit au recours qui a valeur constitutionnelle et qui commande de ne pas subordonner l’exercice du droit de recours à des formalités excessivement contraignantes au regard du court délai de quinze jours imparti au requérant pour faire diligence » [6].
Le requérant pouvait donc valablement prendre en compte l’information indiquée sur le panneau d’affichage, d’autant plus que rien ne permettait de penser qu’elle était erronée.
En de telles circonstances, il ne peut être raisonnablement attendu du requérant qu’il se lance dans des recherches pour s’assurer que l’adresse volontairement indiquée par le pétitionnaire sur le panneau affichant son autorisation était bien la sienne, eu égard au caractère particulièrement bref du délai qui lui est imparti pour procéder à la notification idoine.
II. Une nouvelle illustration du pragmatisme du juge administratif en la matière
Cette décision s’inscrit dans la continuité d’une jurisprudence pragmatique développée par le Conseil d’État à propos de cette formalité, afin d’éviter une application trop rigide de la règle et donc de limiter les hypothèses d’irrecevabilité aux situations portant véritablement atteinte à la sécurité juridique des bénéficiaires.
Ainsi, la Haute juridiction administrative avait déjà jugé régulière la notification adressée à l’architecte du projet dès lors que c’est son adresse qui était mentionnée sur le permis litigieux comme étant celle à laquelle le bénéficiaire de l’autorisation était domicilié [7].
De la même manière, doit être regardé comme ayant été valablement notifié le recours adressé à l’adresse du pétitionnaire telle que mentionnée dans l’arrêté, sans qu'ait d'incidence la circonstance que l'autorisation ait été depuis transférée à un nouveau bénéficiaire [8].
Suivant une logique similaire, le Conseil d’État a également jugé régulière la notification du pourvoi adressée au cabinet de l’avocat ayant représenté le bénéficiaire devant le juge d’appel, dès lors que c’est cette adresse qui était indiquée dans les visas de l’arrêt comme étant celle du bénéficiaire [9].
Il ressort donc de ces jurisprudences que, pour l’accomplissement de la formalité prévue à l’article R. 600-1 du Code de l’urbanisme, le nom et l’adresse mentionnés dans la décision contestée font foi en tout état de cause.
Plus encore, ont été jugées régulières des notifications envoyées à une personne ou une adresse différente de celle mentionnée dans la décision : au siège social de la société mère de l’établissement secondaire ayant sollicité le permis [10], à une société distincte du pétitionnaire mais ayant le même siège et le même gérant [11], ou bien, plus original, au conjoint du bénéficiaire de l’autorisation, dès lors qu’ils ne sont pas séparés de corps [12].
Est tout autant régulière la notification adressée à la société pour le compte de laquelle l’autorisation est sollicitée, alors même que ce n’est pas elle qui a déposé la demande [13].
Ces solutions valent également pour la notification à l’auteur de la décision. Le Conseil d’État considère ainsi que la notification adressée à une mairie d’arrondissement était parfaitement régulière, alors même que l’autorisation a été délivrée par la mairie centrale, « eu égard au rôle dévolu dans l'instruction des demandes d'autorisation d'utilisation du sol au maire d'arrondissement, élu de la personne morale que constitue la Ville de Paris » [14].
Le pragmatisme du juge administratif s’étend au-delà de la simple question de l’adresse : est ainsi recevable le recours introduit sans notification dirigé contre un permis modificatif produit dans le cadre de l’instance dirigée contre le permis initial [15].
Cette tolérance s’arrête néanmoins lorsque, en l’absence d’erreur ou d’imprécision le concernant dans les mentions de la décision, le bénéficiaire risque de ne pas être utilement informé de la menace planant sur son autorisation [16].
[1] CE, 6 juillet 2005, n° 277276 N° Lexbase : A0174DKN.
[2] CE, 13 juillet 2011, n° 314093 N° Lexbase : A0237HWP, Rec. T.
[3] TA Grenoble, 14 mars 2022, n° 2106615.
[4] CAA Lyon, 2 août 2023, n° 22LY01405 N° Lexbase : A35621DB.
[5] CE, 23 avril 2003, n° 251608 N° Lexbase : A7791C83, Rec.
[6] M. Le Coq, concl. sur CE, 28 novembre 2024, n° 488592, BJCL, n°12, comm. 8, 2024.
[7] CE, 24 septembre 2014, n° 351689 N° Lexbase : A3007MXN, Rec. T.
[8] CE, 24 septembre 2017, n° 351689, préc.
[9] CE, 15 octobre 2014, n° 366065 N° Lexbase : A6676MYW ; en revanche, est irrégulière la notification adressée à l’avocat du bénéficiaire sans que son adresse soit mentionnée dans la décision litigieuse, en dépit de ce qu’il a représenté celui-ci en première instance : CE, 28 septembre 2011, n° 341749 N° Lexbase : A1536HYK, Rec. T.
[10] CE, 20 octobre 2021, n° 444581 N° Lexbase : A650649T, Rec. T..
[11] CE, 26 juin 2017, n° 399032 N° Lexbase : A8527WLE.
[12] CE, 7 août 2008, n° 288966 N° Lexbase : A0694EAX, Rec. T..
[13] CE, 31 décembre 2008, n° 305881 N° Lexbase : A4939EGZ, Rec.
[14] CE, 30 janvier 2024, n° 471649 N° Lexbase : A00812IT, Rec. T..
[15] V. pour une application prétorienne du principe à un litige antérieur à l’entrée en vigueur du dernier alinéa de l’article R. 600-1 consacrant cette exception : CE, 28 mai 2021, n° 437429 N° Lexbase : A48594T7, Rec.
[16] V. par exemple s’agissant de la notification d’un recours incident : CE, 1er octobre 2024, n° 477859 N° Lexbase : A810957H, Rec. T.
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