Réf. : Cass. crim., 19 novembre 2024, n° 23-85.009, FS-B N° Lexbase : A43506HL
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par Pauline Le Guen
le 26 Novembre 2024
► La Chambre criminelle opère un revirement de jurisprudence et se met ainsi en conformité avec la réglementation européenne, en indiquant désormais que le fait pour l’assuré d’avoir laissé, en connaissance de cause, conduire son véhicule par une personne non titulaire du permis de conduire, ne peut le priver de sa qualité de tiers lésé. Par conséquent, il ne peut se voir opposer par l’assureur les clauses exclusives de garanties qui seraient stipulées dans le contrat d’assurance et doit pouvoir être indemnisé.
Rappel des faits et de la procédure. Un homme, propriétaire d’un véhicule, a laissé conduire une autre personne sans permis de conduire et sous l’influence d’alcool et de stupéfiants, alors que lui était passager. Le conducteur a perdu le contrôle du véhicule et le propriétaire a été blessé. Le tribunal correctionnel a déclaré le conducteur coupable des chefs de blessures involontaires aggravées, conduite sans permis et défaut de maîtrise, et a déclaré recevable l’intervention volontaire du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) ainsi que l’exception d’exclusion de garantie opposée par l’assurance et condamné le conducteur à payer diverses sommes à la CPAM. Le propriétaire du véhicule a relevé appel de cette décision.
En cause d’appel. Le FGAO a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel qui a déclaré recevable l’exclusion de garantie de l’assurance ainsi que d’avoir déclaré sa décision opposable et de l’avoir débouté de sa demande de mise hors de cause.
Moyens du pourvoi. Le moyen relève qu’en application de l’article 385-1 du Code de procédure pénale, l’exception de non-assurance invoquée par l’assureur n’est recevable que si elle est de nature à l’exonérer totalement de son obligation de garantie à l’égard des tiers. Dès lors, sauf l’hypothèse où la victime a pris place, de son plein gré, dans un véhicule qu’elle savait volé, sont inopposables à la victime d’un accident les exclusions de garantie prévues par le Code des assurances, visant notamment le cas où le véhicule était conduit par une personne n’ayant pas le permis de conduire. Le FGAO fait ainsi valoir que le fait, pour le souscripteur victime, d’avoir pris place volontairement dans le véhicule assuré en sachant qu’il était conduit par une personne qui n’était pas titulaire du permis de conduire, ne le prive pas pour autant de sa qualité de tiers lésé et les exclusions de garantie lui sont inopposables.
Décision. La Chambre criminelle casse l’arrêt au visa des articles R. 211-10 N° Lexbase : L0588AAZ, R. 211-13 N° Lexbase : L7984MKW du Code des assurances et 385-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3792AZH. Jusqu’alors, la Cour de cassation jugeait que les clauses d’exclusion de garantie étaient, par exception, opposables à la victime qui, souscriptrice du contrat d’assurance, avait laissé conduire son véhicule par une personne qu’elle savait ne pas être titulaire du permis de conduire et qui s’était dès lors elle-même placée, en connaissance de cause, dans une situation exclusive de la garantie. C’est ce qu’ont retenu en l’espèce les juges du fond pour déclarer recevable l’exclusion de garantie.
Néanmoins, par le présent arrêt, la Haute juridiction opère un revirement de jurisprudence et se met ainsi en conformité avec la réglementation européenne, prévoyant notamment que doit être réputée sans effet toute disposition légale ou clause contractuelle contenue dans une police d’assurance qui exclut de sa garantie l’utilisation ou la conduite de véhicule par des personnes non titulaires du permis de conduire (article 13 de la directive 2009/103/CE du 16 septembre 2009). Par ailleurs, la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne prévoit que le fait qu’une personne était assurée pour conduire le véhicule ayant causé l’accident ne permet pas de la priver de la qualité de tiers lésé, dès lors qu’elle était passagère, et non conductrice, du véhicule.
Dès lors, le fait pour l’assuré d’avoir laissé, en connaissance de cause, conduire son véhicule par une personne non titulaire du permis de conduire ne peut le priver de la qualité de tiers lésé au sens de la directive précitée. Partant, les clauses d’exclusion de garantie du contrat d’assurance lui sont inopposables.
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