Réf. : Cass. crim., 6 novembre 2024, n° 24-82.023, F-B N° Lexbase : A96386DC
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par Pauline Le Guen
le 26 Novembre 2024
► La Chambre criminelle indique qu’au cours d’une garde à vue sur commission rogatoire, les questions posées concernant un fait antérieur à la prévention sont irrégulières ; si le juge d’instruction acquiert la connaissance de faits nouveaux, il doit en informer le procureur de la République.
Rappel des faits et de la procédure. À la suite d’une plainte de la CPAM à l’encontre d’une femme, une information a été ouverte des chefs d’escroquerie, exécution de travail dissimulé et blanchiment aggravé. Après que des investigations financières aient été diligentées, l’intéressée a été placée en garde à vue et son domicile perquisitionné. La saisine du juge d’instruction a ensuite été étendue à des faits de blanchiment en bande organisée et la femme a été mise en examen de ce chef. Elle a alors saisi la chambre de l’instruction d’une demande d’annulation de pièces.
En cause d’appel. La chambre de l’instruction a rejeté la requête en annulation et la requérante a formé un pourvoi contre cet arrêt.
Moyens du pourvoi. Par un premier moyen, la demanderesse reprochait à la chambre de l’instruction d’avoir rejeté sa requête et renvoyé le dossier pour poursuite de l’information, alors que des investigations ont été menées sur un virement qui n’était pas compris dans la saisine initiale du juge d’instruction.
Le second moyen reprochait quant à lui à l’arrêt de déclarer justifié le placement en garde à vue de la demanderesse par l’exécution d’une commission rogatoire se rapportant à des faits non visés dans la saisine du juge d’instruction, la garde à vue, l’audition et la perquisition étant intervenues antérieurement au réquisitoire supplétif, de sorte que l’intéressée a été auditionnée sur des faits non compris dans la saisine du magistrat instructeur.
Décision. La Cour de cassation rejette le premier moyen en rappelant que le juge d’instruction peut procéder spontanément à des investigations, la seule limite étant qu’il ne puisse faire usage de mesures coercitives, exigeant la mise en mouvement de l’action publique. Par ailleurs, elle souligne que la jurisprudence admet que doivent être effectuées les vérifications sommaires visant à obtenir la confirmation de la vraisemblance objective de la commission du délit constitutif d’un fait nouveau. En l’espèce, les investigations concernaient un virement qui présentait un caractère similaire à une précédente opération dont le juge était saisi, et la Chambre criminelle indique qu’une réquisition adressée à un établissement bancaire est dépourvue de tout caractère coercitif, de sorte que le juge d’instruction n’a pas excédé ses pouvoirs.
Néanmoins, la Haute juridiction fait droit au second moyen au visa de l’article 80 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L1322MA9. Selon ce texte, le juge d’instruction ne peut informer que sur les faits dont il est régulièrement saisi. S’il acquiert la connaissance de faits nouveaux, il doit en informer le procureur de la République. En l’espèce, lors de sa garde à vue, la requérante a été auditionnée sur des faits dépassant la saisine initiale du juge d’instruction. Si les juges du fond, pour écarter la nullité de ces actes, ont relevé que les enquêteurs pouvaient procéder à des vérifications sommaires sur des faits nouveaux constatés, et que les éléments recueillis ont été portés à la connaissance du procureur qui a pu délivrer un réquisitoire supplétif par la suite, la Haute juridiction indique néanmoins que dès lors que le virement litigieux découvert avait, préalablement à la garde à vue, fait l’objet d’investigations constitutives de vérifications sommaires, les questions posées à la requérante lors de l’audition – donc dans un cadre coercitif – sur ledit virement, excédaient nécessairement le cadre de telles vérifications. La cassation est par conséquent encourue.
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