Le Quotidien du 30 septembre 2024 : Droit rural

[Brèves] Métayage : montant du loyer et conversion en cours de bail

Réf. : Cass. civ. 3, 12 septembre 2024, n° 23-12.417, FS-D N° Lexbase : A47805Z3

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par Christine Lebel, Maître de conférences HDR, Université de Franche-Comté

le 26 Septembre 2024

► La cour d'appel, qui a pris en compte des critères pertinents pour apprécier si, concrètement, dans l'affaire qui lui était soumise, l'atteinte au droit au respect des biens dont se prévalait la société bailleresse en raison de la conversion en fermage du métayage qu'elle percevait présentait un caractère disproportionné, a légalement justifié sa décision de retenir l'absence de disproportion et de faire droit à la demande de conversion ;

en outre, après avoir énoncé, à bon droit, que le métayer ne peut renoncer à la règle du tiercement qu'en cours de bail lorsque son droit est acquis et que la renonciation n'est valable que si elle résulte d'actes postérieurs au bail manifestant, sans équivoque, la volonté du locataire, la cour d'appel a retenu, par motifs propres et adoptés, que la société preneuse avait procédé elle-même au décompte des bouteilles dues à la société bailleresse en vertu d'une règle de partage des récoltes différente de la règle du tiercement, livré lesdites bouteilles et établi deux factures d'expédition au titre des loyers 2015 et 2016.

En l’espèce, une société bailleresse a consenti un bail à métayage à une société preneuse portant sur deux parcelles de vignes éligibles en deux très belles appellations de la Bourgogne viticole, par acte authentique du 13 juillet 2006. En vertu de ce bail, la société métayère devait verser, à titre de loyer, à la propriétaire, 45 % de la récolte produite par les parcelles louées sous forme de « raisins, de moûts ou de vins ».  Par acte signifié le 8 février 2018 avec effet au 12 novembre 2019, la métayère a sollicité à l’amiable la conversion du contrat de métayage en application de l’article L. 417-11 du Code rural et de la pêche maritime N° Lexbase : L0887HPK.

Dans cette affaire, deux questions ont été posées successivement relatives à la conversion du métayage d’une part, et à la règle du tiercement d’autre part.

1. Question relative à la conversion du métayage. En quoi la conversion du métayage en bail en bail à ferme peut-il porter atteinte au droit au respect de ses biens garantis par l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ?

Enjeu. Dès lors que la conversion est valablement ordonnée judiciairement, le bailleur perçoit un fermage dans les conditions encadrées par le statut du fermage, dont le montant est bien moindre que la valeur du vin issue de parcelles éligibles dans les meilleures AOC d’une région viticole réputée.

Réponse de la Cour de cassation. Elle rejette les moyens du pourvoi de la société bailleresse en considérant que les juges du fond ont valablement contrôlé si l'atteinte au droit au respect des biens dont se prévalait celle-ci en raison de la conversion en fermage du métayage qu'elle percevait présentait un caractère disproportionné, et qu’ils ont légalement justifié leur décision de retenir l'absence de disproportion et de faire droit à la demande de conversion.

Dans l’arrêt du 12 septembre 2024, la Cour de cassation a préalablement rappelé sa jurisprudence selon laquelle « il appartient au juge, saisi d'une demande en ce sens, de rechercher concrètement si la conversion d'un métayage en fermage en application de l'article L. 417-11 du Code rural et de la pêche maritime, en ce qu'elle prive le bailleur de la perception en nature des fruits de la parcelle louée et en ce qu'elle est dépourvue de tout système effectif d'indemnisation, ne porte pas une atteinte disproportionnée, au regard du but légitime poursuivi, au droit au respect de ses biens garanti par l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales » (Cass. civ. 3, 10 octobre 2019, n° 17-28.862, FS-P+B+I N° Lexbase : A0096ZRY ; Ch. Lebel, Lexbase Droit privé, n° 802, 14 novembre 2019 N° Lexbase : N1118BY3).

En l’espèce, la cour d’appel (CA Dijon, 15 décembre 2022, n° 20/01397 N° Lexbase : A717384G) avait pris soin de rappeler que « la différence majeure entre les contrats de fermage et de métayage résidait dans la nature de la contrepartie dont bénéficie le bailleur en échange de la location des terres, le propriétaire percevant dans un bail à ferme un loyer dont le montant est déterminé, fixé et encadré, alors qu'il perçoit, dans un bail à métayage, une part des produits de l'exploitation dont la masse dépend notamment, s'agissant de la culture de la vigne, de facteurs climatiques, que le régime fiscal et de protection sociale applicable au bailleur est différent selon que les terres sont louées dans le cadre d'un bail à ferme ou d'un bail à métayage ». Par la suite elle a comparé « l'ensemble de ces éléments pour déterminer si la conversion sollicitée portait une atteinte disproportionnée au droit de propriété » de la société bailleresse par rapport aux avantages que le législateur a entendu octroyer au métayer dans l'intérêt de l'agriculture.

Puis, la cour d’appel a « ensuite, retenu, par motifs propres et adoptés, et dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la portée et de la valeur des pièces qui lui étaient soumises sans avoir à s'expliquer sur celles qu'elle écartait, d'une part, que si l'existence d'un écart entre le revenu tiré du métayage et du fermage était plausible, la société Jumeaux se bornait à définir un revenu moyen généré par le bail à métayage sans effectuer le calcul précis des ventes réalisées sur les années de référence aux Etats-Unis ou en France et ne démontrait ainsi pas l'étendue de la privation des produits en nature à laquelle elle se trouverait confrontée si la conversion était autorisée, d'autre part, que la société Jumeaux ne fournissait pas d'éléments permettant de comparer les conséquences résultant pour elle de la conversion du métayage en fermage sur le plan fiscal et en matière de protection sociale et, enfin, que » la société métayère, créée en 1967, bénéficiait déjà d'une importante notoriété aux Etats-Unis depuis 1990, soit avant l'acquisition des parcelles par la société bailleresse et que celle-ci ne justifiait pas avoir contribué à la valorisation du vin produit par la société preneuse aux Etats-Unis.

2. Question relative au loyer. La règle du tiercement étant d’ordre public, le métayer peut-il y renoncer ?

Enjeu. En l’occurrence, la proportion de la récolte livrés était supérieure à cette règle puisqu’elle était de 45 % au lieu de 33 %.

Réponse de la Cour de cassation. Rejetant le pourvoi incident, la Cour de cassation approuve les juges du fond d’avoir rappelé que « le métayer ne peut renoncer à la règle du tiercement qu'en cours de bail lorsque son droit est acquis et que la renonciation n'est valable que si elle résulte d'actes postérieurs au bail manifestant, sans équivoque, la volonté du locataire ».

En l’espèce, la cour d'appel a retenu, par motifs propres et adoptés, que la société métayère avait procédé elle-même au décompte des bouteilles dues à la société bailleresse en vertu d'une règle de partage des récoltes différente de la règle du tiercement, livré lesdites bouteilles et établi deux factures d'expédition au titre des loyers 2015 et 2016. Ainsi, cette dernière avait renoncé de manière non équivoque à la règle du tiercement pour les années 2015 à 2019.

Pour aller plus loin : cf. ÉTUDE : Le bail à métayage, spéc. Conversion des baux à métayage en baux à ferme, in Droit rural (dir. Ch. Lebel), Lexbase N° Lexbase : E9410E9E.

 

 

 

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