Le Quotidien du 30 septembre 2024 : Avocats

[Brèves] Avocate contrainte de retirer son soutien-gorge pour accéder au parloir : l’État condamné

Réf. : CAA Toulouse, 17 septembre 2024, n° 22TL22622 N° Lexbase : A98345ZA

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N0432B3E

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par Marie Le Guerroué

le 27 Septembre 2024

► L’État est condamné pour avoir refusé l’accès au parloir d’un centre pénitentiaire à une avocate, dont le soutien-gorge à armatures métalliques déclenchait le signal d’alarme du portique de sécurité, sans l’avoir au préalable soumise à un contrôle par un détecteur manuel.

Faits et procédure. Une avocate soutenait que, le 25 août 2020, l'accès au parloir du centre pénitentiaire de Seysses-Toulouse, où elle devait rencontrer une personne détenue, lui avait été refusé du fait du déclenchement répété de l'alarme du portique de sécurité, lequel a été causé par les armatures métalliques de son soutien-gorge, et qu'en l'absence de solution proposée par l'administration, telle que l'utilisation d'un détecteur manuel, elle a été contrainte de l'enlever dans son véhicule stationné à l'emplacement réservé aux avocats et surveillé, selon elle, par des caméras.

Décision de la CAA. La cour rappelle les textes — notamment l'article 4-3-3 de la circulaire du garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Libertés NOR : JUSK1140029C, du 20 février 2012 — et la procédure applicable. Elle précise comme l'explicite la note du 31 mai 2006 de la direction des affaires pénitentiaires relative au contrôle des personnes accédant à un établissement pénitentiaire, à laquelle renvoie la circulaire précitée, qu’ en cas de déclenchements répétés de l'alarme à l'occasion du passage du visiteur, le personnel de surveillance doit soumettre la personne concernée à un contrôle par détecteur manuel afin de pouvoir distinguer entre les masses métalliques « inoffensives » que l'intéressé peut porter sur lui, telles que boucles et boutons, et un objet éventuellement dissimulé notamment à l'intérieur d'une doublure ou d'une chaussure. Le rôle du détecteur manuel est ainsi de permettre une localisation précise de l'objet provoquant le signal afin que la levée de doute ait lieu plus facilement.

Pour la cour, il ressort des pièces du dossier qu'alors même que l’avocate avait retiré l'ensemble de ses effets personnels et chaussures, l'alarme du portique de sécurité a continué de sonner. Selon l'administration, le personnel pénitentiaire aurait effectué un contrôle par détecteur manuel, conformément à la procédure applicable, si l’intéressée n'avait pas proposé spontanément de se soumettre à une fouille manuelle, puis de se rendre dans son véhicule pour retirer son soutien-gorge. Toutefois, l’avocate n'a fait, au mieux, qu'émettre une proposition de solution à l'administration qui ne saurait se substituer à la procédure de contrôle prévue dans la circulaire et la note précitées. Au demeurant, les juges administratifs ajoutent que l'administration reste taisante sur les motifs qui l'aurait conduite à écarter la proposition de fouille formulée par l’avocate. Or, tandis que celle-ci a imputé le déclenchement de l'alarme au port de son soutien-gorge à armatures métalliques, l'administration, qui indique seulement avoir permis à cette dernière de se rendre dans son véhicule pour le retirer, ne produit aucun élément permettant d'estimer qu'elle aurait, conformément à la circulaire et à la note précitées, procédé à un contrôle par détecteur manuel qui lui aurait permis de vérifier que le sous-vêtement était bien à l'origine du signal. Ces éléments n'avaient pas davantage été apportés au cours de l'enquête interne diligentée par la direction interrégionale des services pénitentiaires de Toulouse à la suite de l'incident. Ainsi pour la cour, l'administration n'a pas laissé d'autre choix à l’avocate, si elle entendait accéder au parloir, que de se rendre dans son véhicule pour retirer son sous-vêtement. Dans ces circonstances, les faits tels qu'ils sont rapportés par l'appelante doivent être regardés comme matériellement établis. Alors que le signal d'alarme du portique de sécurité s'était déclenché de manière répété, l'administration doit être regardée comme n'ayant pas soumis l’avocate à un contrôle par un détecteur manuel. En refusant à cette dernière l'accès au parloir, sans avoir mis en œuvre au préalable ce contrôle, l'administration a méconnu l'article 4- 3-3 de la circulaire précitée au point 3.

Il résulte de tout ce qui précède que l’avocate est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation des décisions attaquées. 

Annulation. Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 25 octobre 2022 et la décision non formalisée du 25 août 2020 sont annulés. L’État devra verser à l’avocate une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative N° Lexbase : L1303MAI.

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