La lettre juridique n°996 du 26 septembre 2024 : Durée du travail

[Pratique professionnelle] La semaine de 4 jours : se poser les bonnes questions avant de franchir le pas

Lecture: 21 min

N0377B3D

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Pratique professionnelle] La semaine de 4 jours : se poser les bonnes questions avant de franchir le pas. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/111652929-pratique-professionnelle-la-semaine-de-4-jours-se-poser-les-bonnes-questions-avant-de-franchir-le-pa
Copier

par Laurene Cailleux, Avocat Of Counsel, cabinet Factorhy Avocats

le 25 Septembre 2024

Mots-clés : semaine de 4 jours • durée du travail • aménagement du travail • QVCT

La semaine de travail de 4 jours, plébiscitée par 70 % [1] des collaborateurs pour sa formule en 32 heures et 77 % [2] des collaborateurs pour sa formule sans réduction de la durée du travail, connait depuis quelque temps un engouement sociétal, voire politique.

Ce rythme de travail, sans doute fantasmé, n’est pas si nouveau, mais doit amener les entreprises à s’interroger sur la compatibilité, ainsi que sur la forme et le cadre juridique de la semaine « de » ou « en » 4 jours.

Les développements ci-après se veulent sources de réflexions plus que de réponses, car il n'existe pas d’aménagement unique de la semaine de 4 jours. Chaque entreprise en France envisageant de passer à la semaine « de » ou « en » quatre jours peut – voire même doit - adopter un modèle différent, ajusté à ses propres besoins, particularités et collaborateurs.


La crise du coronavirus a contraint de nombreuses entreprises à modifier leur organisation de travail et, pour le secteur tertiaire, à recourir massivement au télétravail.

Cette adaptation à marche forcée du monde du travail a conduit à une introspective mêlant agilité d’organisation, équilibre de la vie professionnelle et personnelle, tout en maintenant la productivité.

C’est ainsi que les réflexions sur la qualité de vie et les conditions de travail (QVCT) se sont orientées vers des modes alternatifs de travail aboutissant, depuis 2022, à de nombreuses expérimentations de la semaine de 4 jours.

Il est cependant ici en majorité question de la contraction de la durée du travail des salariés sur 4 jours, et donc d’une semaine « en » 4 jours.

Ce rythme de travail, qui n’est pas si nouveau (I.), suscite de nombreuses interrogations : est-il compatible avec mon activité (II.) ? Si oui, sous quelle forme (III.) ? Dans quel cadre juridique (IV.) ? Et enfin, comment s’assurer de son efficacité (V.) ?.

Chaque employeur doit réfléchir à ces questions pour mettre en place ce dispositif de manière vertueuse, sans risquer d'effets indésirables.

I. La semaine de 4 jours ne constitue pas une révolution juridique

Au niveau mondial, l’une des premières expérimentations remonte aux années 70 aux États-Unis, dans l’Utah, où le gouverneur Scott M. Matheson a mis en place la semaine de 4 jours pour les employés du Gouvernement, dans l’objectif de faire face à la crise énergétique qui sévissait [3].

En France, la première expérimentation de la semaine de 4 jours remonte, elle aussi, aux années 70, et plus spécifiquement à l’année 1978, à l’époque à laquelle la durée légale de travail était fixée à quarante heures hebdomadaires.

Application sans doute précoce, cette semaine de quarante heures de travail, « en » 4 jours, aboutissait à la condamnation pénale du PDG de la société International Décor par le Tribunal correctionnel de Saint-Dié.

Malgré cela, convaincu de cette révolution, le dirigeant déclarait : « j’ai la certitude d’être dans une bonne voie, je pense que le fait de travailler pendant quatre jours est le plus grand progrès social depuis 1936 » [4].

Ce dirigeant était cependant relaxé en appel [5], grâce à l’intervention du législateur, et à la loi du 2 janvier 1979 [6], instaurant l’article L. 212-2-1 N° Lexbase : L5839ACA, permettant aux employeurs, sur avis conforme du comité d’entreprise, de déroger aux décrets d’application de la loi de 40 heures et d’organiser le temps de travail sur 4 ou 4,5 jours ouvrables dans la semaine.

Telle est la genèse de la semaine en 4 jours, dont les dispositions fondent toujours ce rythme de travail, aujourd’hui plébiscité.

II. La semaine de travail nécessite une réflexion préparatoire

Les motivations tendant à la mise en place de la semaine de 4 jours sont plurielles :

  • le progrès social, c’est-à-dire la recherche d’un meilleur équilibre vie personnelle et professionnelle, de flexibilité, visant à fidéliser et attirer de nouveaux collaborateurs ;
  • la productivité, et le constat que les salariés seraient plus productifs sur un laps de temps plus réduit, surtout lorsqu’il est couplé à une récupération plus longue ;
  • l’écologie, et plus spécifiquement la réduction de la consommation d’énergie et des déplacements professionnels des collaborateurs.

Si les motivations derrière la semaine de 4 jours apparaissent vertueuses, il reste impératif de s’assurer de la compatibilité de ce rythme de travail sur le plan économique, humain et juridique, les risques d’inadaptations ou d’inadéquations étant nombreux.

Sur le plan économique, il convient de relever que les expérimentations de la semaine de 4 jours se concentrent essentiellement sur le secteur tertiaire.

De son côté, le secteur industriel ou commercial peut nécessiter une ouverture ou une continuité d’activité sur 6 jours, voire 7 jours sur 7.

Dès lors, cette continuité d’activité conduira à s’interroger sur l’organisation de la semaine de 4 jours, et pourra prendre la forme d’un doublonnage de poste (roulement d’équipes ou travail en binômes), voire de l’exclusion de certains services.

Un besoin en recrutement pourra alors voir le jour, parfois dans un contexte de pénurie de main d’œuvre, pour les métiers en tension, et dont le coût associé devra être anticipé pour l’entreprise.

Les motivations et les contraintes de mise en place de ce nouveau rythme de travail doivent être clairement posées afin de vérifier si la semaine de 4 jours constitue un dispositif vertueux et pour poursuivre les objectifs fixés par la société :

  • quel est l’objectif poursuivi (recrutement, fidélisation, productivité) ?
  • les horaires d’ouverture de la société correspondent-ils aux horaires de travail des collaborateurs ?
  • l’activité de la société nécessite-t-elle l’ouverture sur plus de 4 jours (5, 6 ou 7 jours) ?
  • l’intégralité des services et collaborateurs de la société seraient-t-ils concernés ?
  • le télétravail serait-il maintenu ?
  • etc.

Sur le plan humain, concentrer la durée du travail sur 4 jours aura notamment pour effet d’allonger l’amplitude journalière de travail.

En pratique, cet allongement se traduira par des journées de travail commençant plus tôt ou se finissant plus tard, ce qui pourra poser des difficultés dans l’organisation de la vie privée du collaborateur, notamment en matière de garde d’enfant, mais également d’activité associative.

À ce titre, l’étude du CREDOC identifie l’anticipation des difficultés pour organiser la garde des enfants comme l’un des freins à l’organisation de la semaine de 4 jours pour 37 % des parents de jeunes enfants (moins de 10 ans)  [7].

D’ailleurs, et selon cette même étude, les personnes élevant seules leur(s) enfant(s) sont a priori un peu moins séduites par la semaine de 4 jours.

À terme, ces nouvelles contraintes organisationnelles sont susceptibles de nuire à l’adhésion des collaborateurs à ce nouveau rythme de travail.

Afin d’éviter de tels écueils, il apparait nécessaire de sonder les salariés, auxquels les élus du personnel pourraient être associés [8], sur leur intérêt pour ce nouveau rythme de travail, afin :

  • d’analyser la pertinence du recours à cette organisation : en effet, celle-ci ne remplira pas ses objectifs si les salariés n’y adhèrent pas ;
  • d’aider à la détermination du périmètre et des modalités de mise en place de cette nouvelle organisation ;
  • d’appréhender les attentes réelles des salariés sur ce type d’organisation.

Sur le plan juridique, un audit préalable des dispositifs existants dans l’entreprise, qu’ils soient individuels ou collectifs, apparait nécessaire.

D’une part, un audit des dispositifs conventionnels applicables au sein de l’entreprise en matière de durée et d’aménagement du temps de travail, afin de vérifier la compatibilité juridique de ce nouveau rythme de travail, doit être fait.

L’une des premières vérifications tient notamment à la compatibilité de ce dispositif avec les dispositions conventionnelles de branche, qui peuvent primer, dans certains cas, en matière de répartition de la durée du travail, sur les accords collectifs d’entreprise [9].

D’autre part, un audit des contrats de travail des salariés de l’entreprise devra également être réalisé, afin de vérifier que les horaires de travail et/ou leur répartition sur 5 jours (ou plus) par semaine n’ont pas été contractualisés.

Au demeurant, et même en l’absence de contractualisation, la question d’une éventuelle modification du contrat de travail ne devra pas être évacuée pour autant.

En effet, par principe, en l’absence de toute contractualisation des horaires, une nouvelle répartition du temps de travail ne constitue pas une modification du contrat [10].

Cependant, ce principe invite à la prudence, puisqu’en cas de bouleversement très important des conditions de travail [11], portant notamment atteinte au droit du salarié au respect de sa vie personnelle ou à son droit au repos [12], une modification du contrat de travail nécessite l’accord du salarié - ce qui peut être le cas en présence de famille monoparentale, nombreuse ou composée de membres en situation de handicap.

Ainsi, et avant de s’avancer dans un changement de rythme de travail sur 4 jours, il convient au préalable de s’assurer de sa compatibilité économique, humaine et juridique.

III. Choisir la « forme » : semaine « de » ou « en » 4 jours ? Pour tous ?

La mise en place d’un rythme de travail sur 4 jours peut prendre plusieurs formes juridiques.

Afin de déterminer le dispositif retenu, l’employeur devra répondre à trois principales questions :

Quel est son impact sur la durée du travail hebdomadaire ?  En effet, la mise en place de cette nouvelle organisation peut prendre la forme :

  • d’une réduction du temps de travail : semaine « de » 4 jours.

La mise en place de la semaine « de » 4 jours revient à réduire la durée collective du travail, en la passant en dessous de 35 heures, ce qui, lorsqu’elle est fixée par voie conventionnelle, ne constitue pas du temps partiel [13].

Cette hypothèse tend notamment à la mise en place de la semaine de 32 heures (4 journées de 8 heures).

Si cette formule a pour avantage une amplitude de travail moins importante et une meilleure maîtrise des durées maximales du travail, elle a pour inconvénient potentiel une baisse corrélative de la rémunération, sauf à la maintenir.

Or, une baisse cumulative de la durée du travail et de la rémunération constitue une modification du contrat de travail, nécessitant l’accord express du salarié [14], qui ne peut être considéré comme acquis au regard de l’impact sur son pouvoir d’achat ;

  • d’une contraction de la durée du travail sur un nombre de jours travaillés réduit : semaine « en » 4 jours.

Cette hypothèse conduit à réaliser, sur 4 jours, 35 heures (soit 8h45 par jour) ou 39 heures (9h45 par jour). Ce rythme a pour principal avantage une absence de modification des contrats de travail, la durée hebdomadaire et la rémunération étant identiques [15], mais a pour principale contrainte le respect de la durée maximale quotidienne de travail (10 heures) [16] qui conduira à l’exécution réduite, si ce n’est impossible, d’heures supplémentaires.

Naturellement, ces deux hypothèses ne sont pas exclusives l’une de l’autre, puisque repenser l’aménagement du temps de travail peut également conduire à repenser la durée de travail, et donc le temps de travail dans sa globalité au sein de l’entreprise.

Comment organiser la prise de cette nouvelle journée de repos ?

Plusieurs options existent, et se cumulent parfois, mais, en réalité, ce choix repose quasi-exclusivement sur les contraintes d’activité et/ou de service.

Les hypothèses suivantes, tirées d’expérimentations, peuvent être citées :

  • le salarié propose à sa convenance son jour de repos et le manager le valide/modifie lors de l’établissement des plannings ;
  • la prise par roulement du jour de repos dans la semaine, soit entre binômes ou par roulement d’équipes, afin de garantir la continuité de l’activité / du service ;
  • la fixation de deux ou trois journées éligibles à la prise de repos (souvent le lundi, mercredi ou vendredi) sur lesquelles le collaborateur se positionne soit de manière pérenne, soit d’une semaine à l’autre ;
  • la fixation d’une journée unique de repos pour l’ensemble des salariés (vendredi), induisant la fermeture de la société sur cette journée.

La semaine de 4 jours est-elle applicable à tous les salariés et/ou services de l’entreprise ?

La mise en place de la semaine de 4 jours n’a pas obligatoirement à être appliquée à l’ensemble des salariés de la société.

En pratique, pour des raisons organisationnelles, économiques, voire juridiques, il est possible et même nécessaire d’exclure certains salariés et/ou services sur la base de critères objectifs, tenant notamment :

  • pour les collaborateurs, à des critères portant sur : la volonté du salarié (volontariat), l’ancienneté/l’expérience ou un besoin spécifique de formation ou d’encadrement (stagiaires, apprentis, nouveaux embauchés, etc.) ;

Attention toutefois, pour les collaborateurs âgés de moins de 18 ans, à l’interdiction de travailler plus de 8 heures par jour, devant conduire à réduire leur durée hebdomadaire de travail à 32 heures ou plus simplement à les écarter de ce dispositif ;

  • à certains services ou unités de travail, en raison d’horaires atypiques, de nécessité de service, de continuité, de gestion des urgences, etc.

En tout état de cause, les cas d’exclusions du dispositif devront être clairement précisés et reposer sur des critères objectifs.

IV. Choisir la traduction juridique de ce nouveau rythme de travail

A. Une mise en place par voie conventionnelle et transitoire fortement recommandée

En raison du contexte historique précédemment rappelé, le cadre juridique de la semaine de 4 jours doit être posé en fonction de la question suivante : l’activité de la société entre-t-elle dans le champ d’application de l’un des décrets de la loi des 40 heures ?

En effet, deux régimes juridiques coexistent :

  • Le premier est applicable aux sociétés qui relèvent, en raison de leur activité, de l’un des décrets d’application de la loi sur les 40 heures [17].

Pour ces entreprises, la mise en place par voie conventionnelle ne fait pas débat.

En effet, l’article L. 3121-68 du Code du travail N° Lexbase : L6662K9M dispose : « il peut être dérogé par convention ou accord collectif étendu ou par convention ou accord d'entreprise ou d'établissement à celles des dispositions des décrets prévus à l'article L. 3121-67 qui sont relatives à l'aménagement et à la répartition des horaires de travail à l'intérieur de la semaine […] ».

Les concernant, la mise en place par décision unilatérale semble plus risquée, puisqu’une telle mise en place reposerait sur les dispositions transitoires de l’article 3 de l’ordonnance du 13 janvier 1982, abrogeant l’article L. 212-2-1 du Code du travail [18], sous réserve de nouvelles mesures réglementaires, qui se font, encore aujourd’hui, attendre.

Cette voie apparaît plus incertaine en raison de cet oubli du législateur.

  • Le second est applicable à toutes les autres entreprises, pour lesquelles aucune disposition du Code du travail n’encadre la mise en place par décision unilatérale ou par voie conventionnelle.

Dans un cas comme dans l’autre, la mise en place par voie conventionnelle restera à privilégier.

Ce d’autant plus que la négociation de ce nouveau rythme de travail permet de nourrir des thèmes de négociations obligatoires [19], et pourrait constituer un levier visant, notamment, à compenser le gel de rémunération.

Surtout, la voie conventionnelle permettra de s’assurer d’une légitimité sociale de ce nouveau dispositif et pourra ainsi limiter le risque de revendications, outre la sécurisation éventuelle de différences de traitement.

Au regard des bouleversements engendrés par la semaine de travail de 4 jours, il est, en tout état de cause, fortement recommandé de conclure, dans un premier temps, un accord à durée déterminée, fixant de manière claire son caractère expérimental afin de permettre un retour à la semaine de 5 jours, si l’expérience n’était pas probante.

Enfin, on rappellera que, même si la consultation du CSE n’est pas obligatoire avant la conclusion d’un accord collectif [20], une consultation de l’instance devra être menée [21], cet accord touchant à la marche générale de l’entreprise, aux conditions et à la durée du travail, et pourra être facilitée si les élus sont associés au processus dès la phase préalable d’audit de compatibilité.

Cette consultation devra également être doublée d’une consultation sur la mise à jour du DUERP, celui-ci devant nécessairement être amendé au regard des bouleversements en matière de conditions de travail suscités par la semaine « de » ou « en » 4 jours.

En effet, l’aspect santé, sécurité et conditions de travail de ce dispositif ne devra pas être négligé au regard des risques liés à l’allongement de journée, à la condensation de la charge de travail sur 4 jours, et à l’éventuelle charge mentale des managers liée à une complexification des plannings [22].

B. La semaine de 4 jours nécessitera pour certains collaborateurs des adaptations supplémentaires

Il va être ici notamment question des collaborateurs en forfait annuel en jours et des collaborateurs à temps partiel.

Concernant les premiers, il convient de rappeler que le dispositif du forfait annuel en jours implique, par nature, pour ces salariés, une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps conduisant ces derniers à s’affranchir de tout décompte horaire et, en conséquence, de toute organisation hebdomadaire du travail [23].

À cet égard, la semaine de travail de 4 jours apparait incompatible avec le forfait annuel en jours.

Cependant, la question de la semaine de 4 jours peut être appréhendée par le prisme de l’égalité de traitement puisque les salariés bénéficiant d’une organisation hebdomadaire du travail en 4 jours seront amenés en moyenne à travailler 180 jours par an contre, au maximum, 218 jours pour les salariés au forfait annuel en jours [24].

Quoiqu’il en soit, l’application de la semaine de 4 jours pour les salariés en forfait annuel en jours devra nécessairement passer par une adaptation de ce dispositif pouvant prendre trois formes :

  • un passage à un forfait annuel en jours réduit sur la base du volontariat, qui doit conduire à baisser le nombre de jours travaillés et, donc, intrinsèquement, à une réduction de la charge de travail. Cette dernière réduction peut cependant s’avérer difficile, compte tenu des postes éligibles à ce dispositif ;
  • le maintien d’un forfait annuel en jours (entier) intégrant des jours de repos sui generis de réduction de la semaine de travail en 4 jours, que le collaborateur devra utiliser d’une semaine sur l’autre sans possibilité de les stocker, récupérer, racheter, et dont la prise impose au collaborateur d’organiser sa semaine sur 4 jours.

Ce dispositif devrait conduire, mécaniquement, à un allègement de la charge de travail, mais, cette fois-ci, sans baisse de rémunération pour le collaborateur, et avec un coût supplémentaire pour l’entreprise, qui devra financer ces nouveaux jours de repos.

  • L’abandon du forfait annuel en jours au profit d’un dispositif de durée du travail par référence horaire.

Cette dernière option, si elle est possible, n’apparait cependant pas satisfaisante puisqu’elle est synonyme de retour en arrière et d’une rigidification du temps de travail pour des postes pour lesquels l’agilité organisationnelle est requise.

Concernant les seconds (salariés à temps partiel), la mise en place de ce dispositif pourra amener une modification de la répartition de leur durée de travail entre les jours de la semaine, pour les contrats établis sur une base hebdomadaire.

Cette répartition constituant une mention obligatoire du contrat de travail à temps partiel [25], en cas de modification, la société devra nécessairement établir un avenant au contrat de travail des collaborateurs à temps partiel.

V. Se doter d’outils de suivi pour mesurer la pertinence et l’application concrète de ce dispositif

Comme précédemment évoqué, il est fortement recommandé de s’orienter, dans un premier temps, vers un dispositif expérimental, d’une durée suffisante, pour appréhender l’impact de ce nouveau rythme de travail.

De manière corrélative, des outils de mesure et de suivi, tant individuels que collectifs, devront être mis en place afin de s’assurer de l’efficacité du dispositif, mais également de sa pérennité en matière de santé et sécurité au travail.

Dans ce cadre, et à l’instar de tout aménagement atypique du temps de travail, des mécanismes de suivi devront être prévus, et pourront, par souci de sécurité, être calqués sur ceux déjà mis en place pour les forfaits annuel en jours :

  • entretiens individuels réguliers : lors de la mise en place du dispositif, puis a minima trimestriels ;
  • adaptation des comptes-rendus d’entretiens d’évaluation annuelle afin d’intégrer une rubrique spécifique à l’organisation du temps et de la charge de travail sur 4 jours ;
  • dispositif d’alerte pouvant être actionné par le collaborateur en cas de difficulté ;
  • clause de réversibilité à l’initiative du collaborateur, lui permettant de revenir à un rythme de travail sur 5 jours.

À ces outils de suivi, devront s’ajouter des indicateurs économiques permettant de s’assurer de la compatibilité effective de ce nouveau rythme de travail avec l’activité et l’organisation de l’entreprise.

Il s’agira notamment d’analyser l’évolution des indicateurs suivants :

  • chiffre d’affaires et de la rentabilité de la société ;
  • satisfaction client ;
  • absentéisme ;
  • accidents du travail et maladies professionnelles ;
  • turnover.

Dans ce cadre, la constitution d’une commission de suivi constituera un atout pour établir un rapport conclusif de l’expérience, permettant à l’employeur, en fonction des données collectées, d’entériner, de manière pérenne ou non, ce nouveau rythme de travail en 4 jours par semaine.

En conclusion, la transition vers la semaine de quatre jours nécessite une préparation soignée, tant sur les plans économique, humain que juridique. Pour en garantir le succès, il est impératif de réaliser un diagnostic préalable au sein de l’entreprise afin d’élaborer un dispositif juridique, d’abord transitoire, adapté à l’organisation et en harmonie avec les intérêts économiques et humains de la société.


[1] Sondage IFOP/Politis sur la semaine de 4 jours, 21 mars 2024 [en ligne].

[2]  Baromètre de l’Économie AGPI, Challenges et BFM Business, 8 février 2024 [en ligne].

[3] Utah's Demise of the Four-Day Workweek, Governing.com, 12 juillet 2011 [en ligne].

[4] Peines d’amende pour le PDG d’International Décor, Le Monde, 30 octobre 1978.

[5] Le PDG qui avait instauré la semaine de quatre jours est relaxé, Le Monde, 26 mars 1979.

[6] Loi n° 79-3 du 2 janvier 1979, relative à la durée du travail et au travail de nuit des femmes, art. 2 [en ligne].

[7] Semaine en 4 jours, horaires flexibles : des formules qui séduisent, mais dont les avantages pour l’ensemble des salariés restent à démontrer, Étude CREDOC réalisée pour la Fondation The Adecco Group, avril 2024 [en ligne].

[8] Cette démarche touchant à la marche générale (C. trav., art. L. 2312-8 N° Lexbase : L6660L7S), un travail concerté avec le CSE apparait pertinent.

[9] C. trav., art. L. 2253-1, 6° N° Lexbase : L1406LKB.

[10] Cass. soc., 27 juin 2001, n° 99-42.462, publié N° Lexbase : A5989AGW.

[11] Cass. soc., 5 juin 2013, n° 12-12.953, F-D N° Lexbase : A3306KGK.

[12] Cass. soc., 3 novembre 2011, n° 10-14.702, FS-P+B N° Lexbase : A5255HZN.

[13] C. trav., art. L. 3123-1 N° Lexbase : L6834K9Y.

[14] Cass. soc., 4 mai 2011, n° 10-14.767, F-D N° Lexbase : A2630HQH.

[15] Sous réserve d’une absence de contractualisation des horaires de travail et/ou de leur répartition sur la semaine.

[16] Article L. 3121-18 du Code du travail.

[17] À noter, il existait moins de secteurs d’activité en 1936, de sorte que de nombreuses sociétés ne sont pas couvertes par de tels décrets.

[18] Pour mémoire, l’article L. 212-2-1 du Code du travail N° Lexbase : L5839ACA a été introduit par la loi du 2 janvier 1979, et a ouvert la possibilité pour l’employeur de fixer unilatéralement, après avis conforme du comité d’entreprise ou, à défaut des délégués du personnel, l’organisation du temps de travail sur 4 ou 4,5 jours ouvrables dans la semaine. 

[19] C. trav., art. L. 2241-1 N° Lexbase : L4955LRX (la rémunération et le temps de travail), L. 2242-1, 2° N° Lexbase : L4403L79 (l’égalité professionnelle et QVCT) et L. 2241-2 N° Lexbase : L7798LGW (GEPP).

[20] C. trav., art. L. 2312-14 N° Lexbase : L8247LGK.

[21] C. trav., art. L. 2312-8 N° Lexbase : L6660L7S.

[22] Semaine en 4 jours, horaires flexibles : des formules qui séduisent, mais dont les avantages pour l’ensemble des salariés restent à démontrer, Étude CREDOC réalisée pour la Fondation The Adecco Group, avril 2024 [en ligne].

[23] C. trav., art. L. 3121-58 N° Lexbase : L6647K93.

[24] C. trav., art. L. 3121-64 N° Lexbase : L7344LHH.

[25] C. trav., art. L. 3123-6 N° Lexbase : L6829K9S.

newsid:490377

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus