La lettre juridique n°674 du 27 octobre 2016

La lettre juridique - Édition n°674

Accident du travail - Maladies professionnelles (AT/MP)

[Brèves] Irrecevabilité de la question prioritaire de constitutionnalité relative à la légalité du tableau n° 42 des maladies professionnelles

Réf. : Cass. QPC, 20 octobre 2016, n° 16-14.721, F-D (N° Lexbase : A6398R9T)

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N4908BWP

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Le 08 Novembre 2016

Sous couvert de la critique de la conformité à la Constitution de l'article L. 461-2 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5734KGH), la question posée ne tendant qu'à discuter la légalité du tableau n° 42 des maladies professionnelles (N° Lexbase : L3415IB4), relatif à l'atteinte auditive provoquée par les bruits lésionnels, issu du décret n° 2003-924 du 25 septembre 2003 (N° Lexbase : L9724DLQ), cette dispositions de nature réglementaire, ne peut faire l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité. Telle est la solution retenue par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 20 octobre 2016 (Cass. QPC, 20 octobre 2016, n° 16-14.721, F-D N° Lexbase : A6398R9T).
Dans cette affaire, contestant devant une juridiction de Sécurité sociale l'opposabilité de la décision de la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée le 20 janvier 2007 par M. V., un de ses salariés, la société B. a présenté à l'appui de son pourvoi en cassation, par un écrit distinct et motivé, la question prioritaire de constitutionnalité suivante : "l'article L. 461-2, alinéa 1er du Code de la Sécurité sociale, en ce qu'il présume d'origine professionnelle sans condition de seuil d'exposition au risque l'hypoacousie ou la surdité provoquées par les travaux énumérés par le tableau n° 42 annexé au Code de la Sécurité sociale, est-il contraire, 1) par la différence de traitement qu'il impose aux employeurs cotisants au régime d'assurance des maladies professionnelles et des accidents du travail en fonction des différentes affections, et non en fonction du but poursuivi par la loi, au principe d'égalité devant la loi et au principe d'égalité devant les charges publiques, garanties par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 (N° Lexbase : L6813BHS), 2) par ses conséquences confiscatoires, au droit de propriété protégé par les articles 2 et 17 de la même Déclaration ? et, 3) par son caractère choquant conduisant à décourager la prévention des maladies professionnelles dès lors que l'augmentation de cotisations au régime est imposée de la même manière aux employeurs qu'ils veillent ou non à la prévention du risque et au droit à la protection de la santé, garanti à tous, par l'alinéa 11 du Préambule de la Constitution de 1946 (N° Lexbase : L6821BH4) ?
Enonçant la réponse précitée, la Haute juridiction déclare la question irrecevable (cf. l’Ouvrage "Droit de la protection sociale" N° Lexbase : E7267ABR).

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Avocats/Accès à la profession

[Textes] Accès aux CRFPA : un nouvel examen dès 2017

Réf. : Décret n° 2016-1389 du 17 octobre 2016, modifiant les conditions d'accès aux centres régionaux de formation professionnelle d'avocats (N° Lexbase : L5926LAQ) et arrêté du 17 octobre 2016 (N° Lexbase : L5947LAI)

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N4980BWD

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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la Rédaction

Le 08 Novembre 2016

Résultats d'une concertation approfondie avec tous les acteurs concernés : Conférence des présidents d'université, Conférence des doyens, Instituts d'études judiciaires (IEJ), écoles d'avocats, Conseil national des barreaux, barreau de Paris, Conférence des Bâtonniers, associations d'étudiants, le décret n° 2016-1389 du 17 octobre 2016 et l'arrêté du même jour publiés le 18 octobre 2016 réforment en profondeur l'examen d'accès aux CRFPA, pour plus d'égalité entre les candidats. A compter de la rentrée 2017, les modalités de cet examen, qui demeure matériellement organisé par les IEJ, seront harmonisées au niveau national : sujet unique, jour unique, grille de correction unique. Cette réforme, attendue depuis plusieurs années, est censée permettre plus de cohérence et d'égalité dans l'accès à la profession d'avocat. Retour sur les nouveautés opérées par la réforme. Un examen national annuel. C'est l'une des nouveautés phares de la réforme qui se trouve concrétisée dans la nouvelle rédaction de l'article 51 du décret n° 91-1197 (N° Lexbase : L8168AID) : "Pour chacune des épreuves écrites d'admissibilité, les candidats composent sur les mêmes sujets quel que soit le centre d'examen".

Les centres d'examen seront désignés par le Recteur d'académie, après avis du Garde des Sceaux, ministre de la Justice et les épreuves peuvent être organisées conjointement par plusieurs centres d'examen. Cet examen aura lieu une fois par an. Les épreuves d'admissibilité débuteront le 1er septembre de chaque année ou le premier jour ouvrable qui suit et la date des épreuves d'admission sera fixée à compter du 2 novembre de chaque année ou le premier jour ouvrable qui suit. Le calendrier est fixé par le président de chaque Université organisant l'examen, qui en informe le centre régional de formation professionnelle d'avocats dans le ressort territorial duquel est située l'Université.

La Commission nationale. La réforme opère la création d'une Commission nationale qui trouve son fondement dans le nouvel article 51-1 du décret. Cette Commission, qui respectera la parité femmes/hommes, sera composée de quatre Professeurs des Universités ou maîtres de conférences et personnels assimilés, chargés d'un enseignement juridique et relevant de quatre établissements d'enseignement supérieur distincts issus d'au moins deux académies différentes, dont un directeur de composante préparant à l'examen d'accès dans les centres régionaux de formation professionnelle d'avocats. La Commission comprend également quatre avocats proposés par le Conseil national des barreaux.

Le président de la commission sera désigné par le Garde des Sceaux parmi les universitaires. Les membres de la Commission ont un mandat d'une durée de trois ans, renouvelable une fois pour la moitié des membres de la Commission. La Commission nationale a pour principale mission l'élaboration des sujets des épreuves écrites d'admissibilité. Elle est également chargée d'une mission d'harmonisation des critères de correction de ces épreuves et établit à cette fin des recommandations qui peuvent prendre la forme de grilles de notation à destination des jurys et des correcteurs. Les membres de la Commission sont tenus à une obligation de confidentialité.

Ils ne peuvent enseigner dans une formation publique ou privée préparant à l'examen d'accès dans les centres régionaux de formation professionnelle d'avocats, ni être membres d'un jury de l'examen de l'année au titre de laquelle les sujets sont élaborés.

La fin des dispenses. L'article 54 du décret n° 91-1197 qui disposait que "la liste des diplômes universitaires permettant d'être dispensé de tout ou partie de l'examen d'accès au centre régional de formation professionnelle est fixée par arrêté conjoint du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, et du ministre chargé des Universités, après avis du Conseil national des barreaux", est abrogé.

Conditions d'inscription. L'inscription à l'examen d'accès dans un centre régional de formation professionnelle d'avocats doit être réalisée avant le 31 décembre de l'année précédant l'examen. Toutefois, le candidat ne peut se présenter à l'examen que s'il obtient, au cours de l'année universitaire, s'ils n'ont été obtenus antérieurement, les 60 premiers crédits d'un master en droit ou l'un des titres ou diplômes prévus au 2° de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ). Cette inscription est prise auprès de l'Université choisie par le candidat comme centre d'examen. Attention, un candidat ne peut s'inscrire auprès de plusieurs Universités.

L'arrêté fixe les pièces que doit contenir le dossier d'inscription : documents justifiant l'identité, la nationalité et le domicile du candidat avec une adresse électronique personnelle valide ; documents justifiant l'obtention des 60 premiers crédits d'un master en droit ou de l'un des titres ou diplômes prévus au 2° de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 susvisée ; formulaire précisant les matières choisies pour les épreuves.

Admissibilité. Les épreuves d'admissibilité comprennent :

- une note de synthèse, rédigée en cinq heures, à partir de documents relatifs aux aspects juridiques des problèmes sociaux, politiques, économiques ou culturels du monde actuel. La note est affectée d'un coefficient 3 (contre un coefficient 2 jusqu'à présent) ;

- une épreuve en droit des obligations (contrats, responsabilité civile, régime général des obligations et preuve), d'une durée de trois heures. La note est affectée d'un coefficient 2 ;

- une épreuve destinée à vérifier l'aptitude à résoudre un ou plusieurs cas pratiques, d'une durée de trois heures, au choix du candidat, exprimé lors du dépôt de son dossier d'inscription, soit en droit civil (droit des biens, droit de la famille, régimes matrimoniaux, contrats spéciaux et sûretés), soit en droit des affaires (commerçants et sociétés commerciales, actes de commerce, fonds de commerce, opérations bancaires et financières et procédures collectives), soit en droit social (droit du travail, protection sociale, droit social européen), soit en droit pénal (pénal général, pénal spécial, enfance délinquante, pénal des affaires, pénal du travail, et pénal international et européen), soit en droit administratif (général et spécial), soit en droit international et européen. La note est affectée d'un coefficient 2 ;

- une épreuve de procédure, d'une durée de deux heures, portant soit sur la procédure civile et les modes alternatifs de règlement des différends, soit sur la procédure pénale, soit sur la procédure administrative contentieuse. Il est à noter que le choix de la matière de l'épreuve écrite de procédure, dépend du choix opéré pour l'épreuve de cas pratique. Ainsi si l'étudiant choisit la matière droit civil, droit des affaires ou droit social, l'épreuve de procédure portera sur la procédure civile et les modes alternatifs de règlement des différends ; si le candidat opte pour le droit pénal, l'épreuve de procédure concernée sera la procédure pénale ; l'épreuve de procédure administrative et contentieuse sera pour les candidats ayant choisi la matière du droit administratif pour leur épreuve de cas pratique ; enfin ceux qui ont choisi le droit international et européen plancheront sur une épreuve de procédure civile et de modes alternatifs de règlements des différents. La note est affectée d'un coefficient 2.

Les épreuves d'admissibilité sont organisées de manière à préserver l'anonymat de chaque candidat. Chaque copie sera évaluée par deux correcteurs et recevra une note de 0 à 20.

Pour être admissibles, les candidats doivent avoir obtenu une moyenne au moins égale à 10 sur 20 à l'ensemble des épreuves écrites.

Après avoir comparé les moyennes obtenues par les candidats et les prévisions d'admissibilité avec celles des autres centres d'examen organisant l'accès au même centre régional de formation professionnelle d'avocats, le jury arrêtera, par ordre alphabétique, la liste des candidats déclarés admissibles. On ne peut que souscrire pleinement à l'analyse opérée par Jean-Baptiste Thierry, Maître de conférences de droit privé sur cette disposition : "On reste dubitatif sur l'utilité de cette comparaison dont la finalité est à peine voilée. De deux choses l'une : soit le jury est souverain et la comparaison entre centres précédant la publication des résultats n'a aucun sens, soit le jury n'est pas souverain et il rectifiera ses résultats en fonction de ces fameuses prévisions. La seconde solution serait plus que regrettable. Cette comparaison annonce en réalité une centralisation de l'examen à l'avenir".

Les résultats d'admissibilité seront publiés le même jour par tous les centres d'examen dix jours avant le début des épreuves orales d'admission.

Attention, l'admissibilité n'est valable que pour la session au cours de laquelle elle a été acquise.

Admission. Les épreuves orales d'admission comprennent :

- un exposé de quinze minutes, après une préparation d'une heure, suivi d'un entretien de trente minutes avec le jury, sur un sujet relatif à la protection des libertés et des droits fondamentaux permettant d'apprécier les connaissances du candidat, la culture juridique, son aptitude à l'argumentation et à l'expression orale. Cette épreuve se déroule en séance publique. La note est affectée d'un coefficient 4.

- une interrogation en langue anglaise. Cependant, à titre transitoire, et jusqu'à la session 2020 incluse, l'interrogation orale en langue anglaise peut être remplacée, au choix des candidats, par une interrogation orale dans une autre langue vivante étrangère parmi l'allemand, l'arabe classique, le chinois, l'espagnol, l'hébreu, l'italien, le japonais, le portugais, ou le russe. La note est affectée d'un coefficient 1.

Les épreuves d'admission sont notées de 0 à 20.

Là encore concernant le contenu de ce programme on ne peut qu'adhérer à la critique opérée par Jean-Baptiste Thierry : "les incertitudes sont tellement nombreuses qu'il aurait été préférable de ne mettre aucun programme, ou de chercher à le rédiger autrement que par la tautologie". Voir le droit pénal du travail affecté à la matière pénale et non sociale, ne pas voir le droit pénal de l'environnement (qui rentrerait alors dans le droit pénal spécial ?), s'imaginer que le droit fiscal rentre dans la catégorie du droit administratif spécial au même titre que les marchés public ou encore le droit des étrangers, se demander pourquoi le droit des personnes n'est pas prévu.... Bref de nombreuses interrogations se posent à la lecture du contenu du "nouveau" programme.

Résultats. Après avoir comparé les moyennes obtenues par les candidats et les prévisions de réussite avec celles des autres centres d'examen organisant l'accès au même centre régional de formation professionnelle d'avocats, le jury arrête le 1er décembre de l'année de l'examen ou le premier jour ouvrable suivant la liste des candidats déclarés admis. Les résultats d'admission sont publiés par chaque centre d'examen et les listes des candidats admis sont rendues publiques au niveau national. Le président de l'Université organisatrice délivre l'attestation de réussite à l'examen.

newsid:454980

Avocats/Déontologie

[Brèves] De la possibilité pour un avocat d'être désigné en qualité de professionnel qualifié pour dresser l'inventaire estimatif des biens des époux

Réf. : Cass. civ. 1, 19 octobre 2016, n° 15-25.879, FS-P+B+I (N° Lexbase : A9765R7S)

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N4946BW4

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Le 08 Novembre 2016

Un avocat peut être désigné en qualité de professionnel qualifié, au sens de l'article 255, 9°, du Code civil (N° Lexbase : L2818DZE), dès lors que l'exercice de ces fonctions, confiées par un juge, ne caractérise pas celui d'une profession. Telle est la solution dégagée par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 19 octobre 2016 (Cass. civ. 1, 19 octobre 2016, n° 15-25.879, FS-P+B+I N° Lexbase : A9765R7S). En l'espèce, Mme P. et M. C. se sont mariés le 25 avril 1998 ; un arrêt a confirmé l'ordonnance de non-conciliation ayant notamment désigné Mme X, avocate, en qualité de professionnel qualifié, en vue de dresser un inventaire estimatif des patrimoines et revenus de chacun des époux et de faire des propositions quant au règlement de leurs intérêts pécuniaires. Pourvoi est formé contre cet arrêt au motif que la profession d'avocat est incompatible avec celle d'expert judiciaire et qu'en désignant un avocat en qualité de professionnel qualifié pour dresser l'inventaire estimatif des biens des époux et faire des propositions de règlement de leurs intérêts pécuniaires, la cour d'appel a violé l'article 115 du décret du 27 novembre 1991 (N° Lexbase : L8168AID), ensemble l'article 255, 9°, du Code civil. Le pourvoi sera rejeté par la Haute juridiction qui énonce la solution précitée (cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E8309ETW).

newsid:454946

Avocats/Déontologie

[Brèves] Absence de secret professionnel sur les correspondances adressées directement par une partie, quelle que soit sa profession, à l'avocat de son adversaire et celles échangées entre un avocat et une autorité ordinale

Réf. : Cass. civ. 3, 13 octobre 2016, n° 15-12.860, F-P+B (N° Lexbase : A9626R7N)

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N4866BW7

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Le 08 Novembre 2016

N'entrent pas dans les documents protégés par le secret professionnel les correspondances adressées directement par une partie, quelle que soit sa profession, à l'avocat de son adversaire ni celles échangées entre un avocat et une autorité ordinale. Telle est la solution dégagée par la troisième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 13 octobre 2016 (Cass. civ. 3, 13 octobre 2016, n° 15-12.860, F-P+B N° Lexbase : A9626R7N ; cf. déjà en ce sens Cass. civ. 1, 31 janvier 2008, n° 06-14.303, F-D N° Lexbase : A5991D4N, pour les échanges entre avocats adverses et Cass. civ. 1, 22 septembre 2011, n° 10-21.219, F-P+B+I N° Lexbase : A9493HXU, pour les échanges avec l'autorité ordinale). En l'espèce, un avocat et son épouse ont confié à une entreprise l'installation d'un système de chauffage ainsi que la pose d'un adoucisseur d'eau et à un entrepreneur, des travaux de marbrerie. Ce dernier les ayant assignés en paiement, les époux, se prévalant de malfaçons, ont obtenu en référé la désignation d'un expert, puis ont assigné les deux entreprises en résiliation des contrats et indemnisation. La cour d'appel, pour écarter des débats les lettres échangés entre l'avocat, l'avocat de l'entrepreneur et le Bâtonnier de l'Ordre, énonce que ces correspondances sont couvertes par le secret professionnel (CA Nancy, 17 novembre 2014, n° 13/02938 N° Lexbase : A8957M37). L'arrêt sera censuré au visa de l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ) (cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E6627ETM et N° Lexbase : E6620ETD).

newsid:454866

Baux commerciaux

[Brèves] Bail commercial et tribunal compétent

Réf. : Cass. com., 18 octobre 2016, n° 14-27.212, FS-P+B+I (N° Lexbase : A9451R78)

Lecture: 2 min

N4875BWH

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Le 08 Novembre 2016

Dès lors qu'un litige requiert une appréciation du respect du statut des baux commerciaux, le tribunal de grande instance est compétent. Tel est le sens d'un arrêt rendu le 18 octobre 2016 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com., 18 octobre 2016, n° 14-27.212, FS-P+B+I N° Lexbase : A9451R78). En l'espèce, en 1998, des locaux commerciaux avaient été donnés à bail. Après la notification d'une demande de renouvellement du bail et l'échec des négociations relatives à la fixation du loyer renouvelé, le bailleur avait exercé son droit d'option lui permettant de refuser le renouvellement, en contrepartie d'une indemnité d'éviction. En invoquant une rupture fautive des négociations relatives au renouvellement de son bail et reprochant au bailleur d'avoir tenté de la soumettre à un déséquilibre significatif à l'occasion de ces négociations, le preneur l'a assigné devant le tribunal de commerce en réparation de ses préjudices. Le tribunal de commerce s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance. Le preneur s'est pourvu en cassation contre l'arrêt qui avait déclaré mal fondé son contredit. Le pourvoi est rejeté. La Cour de cassation relève qu'au soutien de ses deux demandes indemnitaires, tant pour faute à l'occasion des négociations sur le renouvellement du bail commercial, que pour le déséquilibre significatif auquel le bailleur aurait tenté de le soumettre à l'occasion de ces négociations, en violation des dispositions légales sur les pratiques restrictives de concurrence, le locataire invoque le comportement de son bailleur lors des négociations sur le renouvellement du bail commercial qui les liait et met en cause, plus particulièrement, les conditions du refus de renouvellement. Dès lors, la solution du litige nécessitait l'examen préalable des conditions dans lesquelles avait été exercé le droit d'option conféré au bailleur par l'article L. 145-57 du Code de commerce (N° Lexbase : L5785AI4). Le litige requérait donc une appréciation du respect du statut des baux commerciaux, qui relève de la compétence du tribunal de grande instance. En outre, l'article L. 442-6, III, du Code de commerce (N° Lexbase : L1769KGM) attribue aux juridictions civiles comme aux juridictions commerciales la connaissance des litiges relatifs à l'application de cet article. Le contredit formé par le preneur devait donc être rejeté (cf. l’Ouvrage "baux commerciaux" N° Lexbase : E3037AE9).

newsid:454875

Contrôle fiscal

[Jurisprudence] Sur la qualité, pour une association de contribuables repentis, d'agir devant le juge de l'excès de pouvoir - Conclusions du Rapporteur public

Réf. : CE 8° et 3° ch.-r., 13 octobre 2016, n° 402318, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8129R79)

Lecture: 15 min

N4968BWW

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par Romain Victor, Rapporteur public au Conseil d'Etat

Le 08 Novembre 2016

Le Conseil d'Etat, dans un arrêt rendu le 13 octobre 2016, a estimé qu'une association de contribuables repentis n'a pas la qualité pour agir afin de réclamer le renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité (CE 8° et 3° ch.-r., 13 octobre 2016, n° 402318, mentionné aux tables du recueil Lebon). Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose de retrouver les conclusions anonymisées du Rapporteur public sur cet arrêt, Romain Victor, Maître des requêtes au Conseil d'Etat. 1. Le trust est, vous le savez, une institution originale issue du droit anglo-saxon, longtemps restée inconnue en droit français, la fiducie n'ayant été introduite dans le Code civil qu'en 2007 (1). Cette technique peut impliquer un démembrement du droit de propriété, un constituant confiant à un administrateur (le trustee) le soin de gérer des biens ou des droits pour le compte de bénéficiaires désignés.

Afin de mieux lutter contre l'évasion fiscale permise par le recours à cet instrument, le législateur a adopté, par l'article 14 de la loi du 29 juillet 2011, de finances rectificative pour 2011 (2), un ensemble de dispositions sur la fiscalité des transmissions réalisées au moyen de trusts, lesquels ont été définis comme "l'ensemble des relations juridiques créées dans le droit d'un Etat autre que la France par une personne qui a la qualité de constituant [...] en vue d'y placer des biens ou droits, sous le contrôle d'un administrateur, dans l'intérêt d'un ou de plusieurs bénéficiaires ou pour la réalisation d'un objectif déterminé". Les produits distribués par un trust ont été assimilés à des revenus distribués imposables à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers (3) ; les biens ou droits le composant ont été soumis aux droits de mutation à titre gratuit (4) ; les conditions de l'assujettissement à l'impôt de solidarité sur la fortune du constituant ou du bénéficiaire (5) ont été précisées ; a enfin été créé un prélèvement sui generis sur les trusts, codifié à l'article 990 J du CGI (N° Lexbase : L4678I7E), au tarif le plus élevé prévu pour l'ISF (6).

Pour assurer la mise en oeuvre effective de ces nouvelles règles, le législateur a inséré dans le CGI un nouvel article 1649 AB (N° Lexbase : L9493IYA) fixant les obligations déclaratives incombant à l'administrateur d'un trust dont le constituant ou l'un des bénéficiaires a son domicile fiscal en France ou qui comprend un bien ou un droit qui y est situé. Cet article prévoit ainsi qu'outre des déclarations de constitution, modification et extinction du trust, l'administrateur est tenu de souscrire annuellement une déclaration de la valeur vénale au 1er janvier des biens et droits qui y sont placés ainsi que des produits capitalisés. L'article 1736 du CGI (N° Lexbase : L8219K9B) a par ailleurs été complété par un IV bis pour prévoir que toute infraction à ces obligations déclaratives serait passible d'une amende de 10 000 euros ou, s'il est plus élevé, d'un montant égal à 5 % des biens ou droits placés dans le trust ainsi que des produits qui y sont capitalisés.

L'article 12 de la loi du 6 décembre 2013, relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière (7), a aggravé les sanctions encourues en portant le montant fixe de l'amende à 20 000 euros et le taux proportionnel de 5 à 12,5 %. Un décret du 14 septembre 2012 (8), codifié à l'article 344 G septies de l'annexe III au CGI (N° Lexbase : L8731I47), est venu préciser le contenu des obligations déclaratives incombant à l'administrateur d'un trust.

Par une instruction publiée au Bulletin officiel des Finances publiques-Impôts du 1er juillet 2015 sous la référence BOI-PAT-ISF-30-20-30 (N° Lexbase : X7038ALA), le ministre des Finances et des Comptes publics a commenté les dispositions relatives aux obligations déclaratives au titre des trusts. A son paragraphe n° 380, l'instruction rappelle les sanctions applicables en vertu du IV bis de l'article 1736 du CGI (N° Lexbase : L8219K9B), en précisant que les sanctions alourdies issues de la loi du 6 décembre 2013 ne s'appliquent (conformément au principe de non-rétroactivité de la loi répressive plus sévère) qu'aux déclarations annuelles souscrites à compter de l'année 2014 et aux déclarations de constitution, modification ou extinction de trusts correspondant à des événements survenus à compter du 8 décembre 2013, date de l'entrée en vigueur de la loi.

C'est ce paragraphe de l'instruction dont l'association requérante vous demande l'annulation pour excès de pouvoir. Son recours constitue, vous l'avez compris, un cheval de Troie pour critiquer la loi fiscale elle-même. La requérante soutient en effet que les dispositions, réitérées par l'instruction, du IV bis de l'article 1736 du CGI, en tant qu'elles instituent au détriment des "contribuables administrateurs, constituants ou bénéficiaires de trusts" une présomption irréfragable de fraude fiscale, sont contraires aux principes d'égalité devant la loi, de proportionnalité des peines et de présomption d'innocence garantis respectivement par les articles 6 (N° Lexbase : L1370A9M), 8 (N° Lexbase : L1372A9P) et 9 (N° Lexbase : L1373A9Q) de la Déclaration de 1789, et méconnaissent les stipulations de l'article 6, paragraphe 2, de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR).

2. L'examen de la QPC, présentée par un mémoire distinct, ne soulève guère de difficultés.

2.1. La disposition contestée, rappelée par l'instruction, est bien applicable au litige.

2.2. La deuxième condition mentionnée à l'article 23-5 de l'ordonnance organique du 7 novembre 1958 (N° Lexbase : L0276AI3) est également remplie. La loi de finances rectificative pour 2011 n'a pas été examinée par le Conseil constitutionnel. Si celui-ci a examiné la loi du 6 décembre 2013 précitée, il n'a pas été saisi et ne s'est pas prononcé d'office sur l'article 12 de cette loi dans sa décision n° 2013-679 DC du 4 décembre 2013 (N° Lexbase : A5483KQ7). Enfin, par sa décision n° 2016-554 QPC du 22 juillet 2016 (N° Lexbase : A7430RXH), le Conseil constitutionnel n'a été amené à se prononcer que sur le second alinéa du paragraphe IV de l'article 1736, à l'exclusion de son IV bis.

2.3. Si, eu égard aux principes constitutionnels invoqués, la question soulevée par la requérante n'est certainement pas nouvelle, elle revêt en revanche un caractère sérieux en ce qui concerne le grief tiré de l'atteinte au principe de proportionnalité des peines. Il résulte en effet de l'article 8 de la Déclaration de 1789 que la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ; le Conseil constitutionnel exerce en la matière un contrôle restreint, tiré de l'absence de disproportion manifeste entre les faits réprimés et la sanction encourue (v. décision n° 2013-685 DC du 29 décembre 2013 sur l'amende pour défaut de présentation de comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés, cons. 110 N° Lexbase : A9152KSR).

La requérante rappelle à juste titre que, par sa décision n° 2016-554 QPC du 22 juillet 2016 précitée, le Conseil a jugé contraires à la Constitution les dispositions du IV de l'article 1736 réprimant l'absence de déclaration annuelle des comptes bancaires ouverts, utilisés ou clos à l'étranger par l'application d'une amende fixée en pourcentage du solde du compte lorsque celui-ci excède 50 000 euros. Il a relevé que cette amende était encourue "même dans l'hypothèse où les sommes figurant sur ces comptes n'ont pas été soustraites frauduleusement". Il en a déduit qu'en "prévoyant une amende proportionnelle pour un simple manquement à une obligation déclarative, le législateur a instauré une sanction manifestement disproportionnée à la gravité des faits qu'il a entendu réprimer".

En l'espèce, il nous semble que les dispositions du IV bis de l'article 1736 permettent qu'une amende proportionnelle soit appliquée à l'administrateur d'un trust ayant omis de souscrire une déclaration rendue obligatoire par l'article 1649 AB, alors même que les biens ou droits placés dans le trust n'auraient été frauduleusement soustraits à l'impôt. La difficulté est d'autant plus nette que, conformément à l'interprétation stricte qu'il convient de faire d'une loi répressive, l'amende n'est applicable qu'à l'administrateur du trust, qui est une personne distincte du contribuable susceptible d'être l'auteur d'une fraude fiscale.

Les autres griefs ne pourraient en revanche justifier le renvoi de la QPC. Celui tiré de ce que les dispositions contestées méconnaîtraient l'égalité devant la loi n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, la requérante s'abstenant d'indiquer par rapport à quelle situation il y aurait lieu de comparer celle des administrateurs de trusts. Quant au grief tiré de la violation de la présomption d'innocence, il manque en fait. Les dispositions contestées n'ont ni pour objet, ni pour effet d'instituer une présomption de fraude mais tendent seulement à sanctionner la méconnaissance d'obligations déclaratives, la personne visée étant susceptible d'établir par tous moyens, sous le contrôle du juge, qu'elle y a satisfait.

3. Si le premier grief est sérieux, il reste que vous n'êtes pas tenus de renvoyer la QPC au Conseil constitutionnel si la requête est irrecevable, conformément à la solution retenue par votre décision du 28 septembre 2011, aux T., p. 786 sur ce point (CE 9° et 10° s-s-r., 28 septembre 2011, n° 349820, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1555HYA, AJDA, 2011, p. 1868). Comme l'indiquait Claire Legras dans ses conclusions dans cette affaire, telle est "la logique du mécanisme d'exception d'inconstitutionnalité : ses auteurs n'ont pas institué un recours dans l'intérêt de la Constitution', mais prévu la possibilité de poser une question de constitutionnalité qui, si elle est prioritaire, ne constitue pas l'objet principal de la cause [...] et ne peut [...] être soulevée qu'au soutien d'une demande dont elle n'est, avant sa transmission, que l'accessoire" (9). Côté judiciaire, la Cour de cassation retient la même approche, en jugeant que l'irrecevabilité d'un pourvoi fait obstacle au renvoi de la QPC (v. Cass. crim., 6 décembre 2011, n° 11-87.619, F-D N° Lexbase : A5117H8Z).

Vous vous êtes certes autorisés la latitude inverse en jugeant, par une décision (CE 9° et 10° s-s-r., 21 novembre 2014, n° 384353, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9517M3U, concl. F. Aladjidi, T., p. 836, AJDA, 2014, p. 2279, note M.-C.de Montecler), que vous n'étiez pas tenus, lorsqu'une QPC est soulevée devant vous à l'appui d'une requête, de statuer au préalable sur la recevabilité de celle-ci. Mais comme en témoignent le fichage de cette décision et les conclusions de F. Aladjidi, ce tempérament n'a été apporté que pour répondre à des situations dans lesquelles il vous serait impossible, dans le délai de trois mois imparti pour décider d'un éventuel renvoi de la QPC, de vous prononcer sur la recevabilité.

3.1. En l'espèce, la requête a été introduite par une association régie par la loi du 1er juillet 1901 (N° Lexbase : L3076AIR), "l'Association des contribuables repentis". Cette personne morale vous est certainement inconnue car sa constitution remonte au 22 novembre 2015. Selon l'article 2 de ses statuts, elle a pour objet "d'aider et assister, notamment auprès de l'administration fiscale ou des établissements bancaires, les personnes qui souhaitent régulariser leur situation fiscale, qui sont en cours de régularisation ou qui l'ont déjà régularisée, et de participer à la défense de leurs intérêts". L'article 6 stipule que l'association n'est ouverte, à l'exception des membres d'honneur, qu'aux seules personnes souhaitant régulariser leur situation fiscale auprès de l'administration, qui sont en cours de régularisation ou qui l'ont déjà régularisée. Ces statuts portent la signature de deux membres fondateurs, qui ont respectivement la qualité de président et de "membre d'honneur". Les intéressés sont membres d'un même cabinet d'avocats spécialisés en droit fiscal, le premier en tant que collaborateur, le second en tant qu'associé. C'est d'ailleurs ce dernier qui, en sa qualité d'avocat à la cour, a introduit le recours pour le compte de l'association dont il est membre. Il est non moins piquant de relever que les intéressés ont cosigné dans une revue fiscale une chronique dans laquelle ils font référence au recours qu'ils ont eux-mêmes engagés, sans préciser toutefois qu'ils en étaient les auteurs (10).

C'est dans cette configuration pour le moins originale, qui peut prêter à sourire, ou laisser songeur, que vous devrez vous prononcer sur l'intérêt pour agir de l'association requérante. La recevabilité de son recours est en effet subordonnée à la condition qu'elle ait un intérêt personnel à la disparition de l'acte attaqué.

Notez pour commencer que nous ne sommes pas dans l'hypothèse où l'action de la requérante aurait pour objet la défense de ses propres intérêts, à l'instar du litige dans lequel une association conteste le refus de renouveler une autorisation dont elle était titulaire (voyez CE 5° et 4° s-s-r., 31 mai 2013, n° 352396-356528, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A9694KER) ou la rupture abusive d'un contrat qui la liait à une collectivité publique (CE 3° et 5° s-s-r., 18 novembre 1992, n° 75227, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A8419ARA). Est exclusivement en cause ici la défense des intérêts communs des membres de l'association.

C'est au regard de leur objet social statutaire que vous appréciez l'intérêt pour agir des associations, syndicats et autres groupements. La tonalité de votre jurisprudence est à première vue libérale. En témoigne cette décision récente par laquelle vous avez admis l'intérêt pour agir d'un groupement au regard de l'objet statutaire tel qu'il résultait des modifications opérées au cours de l'instance (CE 6° et 1° ch.-r., 15 avril 2016, n° 387475, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A4292RIS). Un examen plus approfondi montre cependant que vous ne renoncez pas à exercer un contrôle entier sur l'intérêt pour agir. Vous veillez ainsi à la licéité de l'objet statutaire (CE Sect., 11 décembre 2008, n° 306962, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A7040EBD, Rec., p. 452 (11)) ainsi qu'au respect du principe de spécialité des personnes morales, en vertu duquel leur capacité "est limitée aux actes utiles à la réalisation de [leur] objet" (12). Surtout, vous refusez avec une remarquable constance d'ouvrir la voie à toute forme de "recours populaire". De ces principes, il découle trois exigences.

La première est que l'objet statutaire de l'association soit suffisamment précis. Nombre de vos décisions stigmatisent en effet la "généralité des buts" que les statuts d'une personne morale lui ont assignés. Il en va ainsi d'associations dont l'objet est :

- d'intervenir "sur tous les problèmes relatifs à l'urbanisme et à l'équipement" dans une région (CE 6° et 2° s-s-r., 26 juillet 1985, n° 35024, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A3235AMR, concl. Dandelot, Rec., p. 251),

- de "créer une dynamique tendant à favoriser les libertés publiques et la démocratie" dans une commune (CE 9° et 8° s-s-r., 30 décembre 1998, n° 156434, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8573ASC, aux T., p. 754 sur ce point),

- de "veiller au respect des règles propres à la fonction publique" (CE 6° et 2° s-s-r., 13 mars 1998, n° 173705, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6755ASY, Rec., p. 77),

- de s'assurer du respect des procédures d'engagement des dépenses publiques (CE 7° et 2° s-s-r., 23 février 2004, n° 250482, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3621DBQ, T., p. 803-851) (13).

La deuxième exigence tient à ce que l'objet statutaire soit en rapport suffisamment étroit avec les conclusions de la requête. La décision attaquée doit porter atteinte à l'intérêt collectif que l'association se propose de défendre ou à l'intérêt de ses membres. Ainsi avez-vous refusé d'admettre la recevabilité :

- d'un recours introduit par l'Ecole nationale d'administration contre des décisions de nominations d'anciens élèves (CE Sect., 4 juin 1954, n° 95487, Rec., p. 338, concl. Chardeau) ;

- d'un recours formé par une association dont l'objet est de lutter contre le saturnisme contre un arrêté fixant la liste des titres de séjour permettant de se voir attribuer dans certaines conditions un logement à loyer modéré (CE 5° et 4° s-s-r., 30 décembre 2014, n° 367523, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0836M9T, T., p. 784) ;

- ou encore d'un recours contre des dispositions de l'annexe II au CGI relatives à l'imposition des plus-values réalisées par les particuliers introduit par une association professionnelle d'avocats conseils fiscaux, alors même que ces dispositions pourraient affecter la situation des clients de ces avocats (CE 9° et 10° s-s-r., 23 mars 2005, n° 264997, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A3928DHX, RJF, 2005, n° 605, concl. L. Vallée, BDCF, 6/05, n° 82).

La troisième exigence, qui remonte à votre décision du 28 décembre 1906 (CE, 28 décembre 1906, n° 25521, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9547B84, Rec., p. 977, concl. Romieu, GAJA, 17ème éd., n° 17) et que vous rappelez régulièrement (cf. CE Sect., 13 janvier 1950, Rec., p. 26 ; CE Sect., 13 décembre 1991, n° 80709, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0119ART, Rec., p. 444), tient à ce que l'association ou le syndicat qui agit directement contre une décision individuelle négative en lieu et place de son destinataire détienne un mandat spécial établi par l'intéressé, conformément au principe selon lequel "nul en France ne plaide par procureur". Dans un procès, on ne peut avancer masqué.

Bref, le libéralisme de votre jurisprudence ne s'apparente nullement à de la naïveté. Il vous est ainsi arrivé d'écarter purement et simplement les statuts d'associations créées peu de temps avant le dépôt du recours et procédant, selon les termes du président Combrexelle, de la volonté de "constituer des associations ad hoc pour la présentation [de] recours contentieux" : voyez votre décision du 18 février 1998, aux T., p. 1079 (CE 10° et 7° s-s-r., 18 février 1998, n° 188517, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6515AS4). Dans le même esprit, divers arrêts de cours publiés ou mentionnés au recueil écartent l'objet statutaire pour s'attacher à l'objet réel d'une association (CAA Douai, 30 mars 2006, n° 04DA00116 N° Lexbase : A8805DSW, Rec., p. 593 ; CAA Lyon, 12 octobre 2006, n° 03LY01134 N° Lexbase : A5979DTM, T., p. 1000 ; CAA Marseille, 13 avril 2006, n° 01MA01536 N° Lexbase : A8137DP3, T., p. 1110).

Ajoutons que l'intérêt pour agir doit être non seulement direct, mais aussi certain. Parce que vous êtes pleinement juges de la recevabilité, il vous appartient, si vous avez un doute sur l'existence de cet intérêt, de recueillir les observations du requérant sur ce point et d'en tirer toutes les conséquences, au besoin en soulevant d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité de la requête. Votre décision du 10 janvier 1992 (CE 2° et 6° s-s-r., n° 115718-115719, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A5427ARG, T., p. 1196) se fonde ainsi sur le refus des associations requérantes de produire leurs statuts, malgré l'invitation qui leur a été faite, pour juger irrecevables leurs requêtes dirigées contres des circulaires relatives au contentieux des reconduites à la frontière.

En l'espèce, vous relèverez que l'objet statutaire est défini en des termes très généraux, à moins que vous ne considériez que la "régularisation" à laquelle il est fait référence ne concerne qu'un ensemble moins vaste que celui des contribuables français, celui des "évadés fiscaux", c'est-à-dire les résidents français titulaires de comptes bancaires, de contrats d'assurance-vie ou de biens ou droits placés dans des trusts à l'étranger qui ont engagés ou envisagent d'engager une démarche tendant à mettre leur situation en conformité avec la loi fiscale interne.

Surtout, vous observerez que, si ses statuts ont été joints à la requête, l'association requérante a en revanche refusé de vous communiquer (c'est bien sûr son droit le plus strict) une liste d'adhérents ou le nom d'adhérents autres que le président et le membre d'honneur fondateur. En réponse au moyen d'ordre public qui lui a été communiqué, l'association n'a pas soutenu, par ailleurs, que ses deux membres fondateurs, les deux seuls connus, auraient personnellement intérêt pour agir et s'est bornée à fournir une copie anonymisée de propositions de transaction établies par le service de traitement des déclarations rectificatives (STDR) mentionnant la mise en oeuvre à l'égard du contribuable intéressé des dispositions du 8 de l'article 1754 du CGI (N° Lexbase : L3889KWX) relatives à la solidarité avec l'administrateur du trust pour le paiement de l'amende prévue au IV bis de l'article 1736 du même code.

Mais ce faisant, l'Association des contribuables repentis n'apporte aucun élément établissant qu'elle agit effectivement dans l'intérêt commun de ses membres qui auraient intérêt à demander l'annulation du passage litigieux de l'instruction attaquée. Or, ainsi que le relevait Laurent Vallée dans ses conclusions dans l'affaire du 23 mars 2005 précitée, la recevabilité d'une association "à former un recours pour excès de pouvoir est liée à l'intérêt dont pourrait se prévaloir, au moins, un nombre significatif de ses adhérents, au soutien de recours individuels ayant le même objet".

Pour dire le fond de notre pensée, si les associations doivent pouvoir se constituer librement, sans que leur validité soit soumise à l'intervention préalable de l'autorité administrative, conformément au principe fondamental reconnu par les lois de la République qu'est la liberté d'association (cf. Cons. const., 28 mai 2010, n° 2010-3 QPC, cons. 9 N° Lexbase : A6284EXZ), rien n'interdit cependant au juge de refuser l'accès au prétoire à une association dont la constitution, par des avocats fiscalistes, lui paraît avoir pour unique objet de permettre à des contribuables ne souhaitant pas révéler leur identité de mettre en cause, par la voie du recours en excès de pouvoir, la doctrine administrative et la loi fiscale elle-même, en contournant les règles relatives à l'intérêt pour agir des personnes physiques.

Par ces motifs, nous concluons au rejet de la requête, sans qu'il y ait lieu de renvoyer la QPC au Conseil constitutionnel.


(1) Par la loi n° 2007-211 du 19 février 2007 instituant la fiducie (N° Lexbase : L4511HUM).
(2) Loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 (N° Lexbase : L0278IRQ).
(3) Ajout d'un 8° à l'article 120 du CGI (N° Lexbase : L3811KW3).
(4) Modification de l'article 750 ter du CGI (N° Lexbase : L9528IQX) et création de l'article 792-0 bis (N° Lexbase : L9524IQS).
(5) Article 885 G ter nouveau du CGI (N° Lexbase : L4679I7G).
(6) Mentionné à l'article 885 U du CGI (N° Lexbase : L0137IWY). Actuellement 1,50 %.
(7) Loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 (N° Lexbase : L6136IYW) ; JO du 7 décembre 2013.
(8) Décret n° 2012-1050 du 14 septembre 2012, relatif aux obligations déclaratives des administrateurs de trusts.
(9) Pour ces mêmes motifs, le JRCE rejette pour défaut d'urgence une requête en référé-liberté, sans s'estimer tenu d'examiner la QPC soulevée à l'appui de celle-ci (CE référé, 16 juin 2010, n° 340250, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9876EZS, Rec., p. 205).
(10) Cf. Feuillet rapide fiscal et social, 37/16, 4 août 2016, Inconstitutionnalité de l'amende pour non-déclaration de comptes : quelles conséquences pour les régularisations ?, point 4.
(11) Cas d'un syndicat professionnel de militaires créé en violation de l'article L. 4121-4 du Code de la défense (N° Lexbase : L9637KCW).
(12) Cf. le second alinéa de l'article 1145 du Code civil (N° Lexbase : L0868KZ8), dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations (N° Lexbase : L4857KYK).
(13) Ou encore "d'aider quiconque le lui demandera à savoir organiser sa défense dans toutes les difficultés de la vie quotidienne" (CE 6° et 2° s-s-r., 30 septembre 1983, n° 24468, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A2215AMY, T., p. 815), ou de veiller à l'application des stipulations du Traité de Rome (CE 7° et 9° s-s-r., 15 avril 1992, n° 111914, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A6298ARP).

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Droit des étrangers

[Jurisprudence] Le Conseil constitutionnel temporise sur l'absence de recours effectif contre les expulsions en urgence absolue

Réf. : Cons. const., n° 2016-580 QPC du 5 octobre 2016 (N° Lexbase : A8086R4A)

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par Serge Slama, Maitre de conférences en droit public HDR, Université Paris Nanterre

Le 08 Novembre 2016

Dans une décision du 5 octobre 2016, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution l'article L. 522-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) (N° Lexbase : L5790G49) qui exclut en "cas d'urgence absolue" le bénéfice d'un contradictoire préalable devant une Commission d'expulsion (COMEX), composée de magistrats. Selon le juge constitutionnel, ces dispositions répondent à la nécessité de pouvoir, en cas de "menace immédiate", éloigner du territoire national un étranger au nom "d'exigences impérieuses de l'ordre public" et ne privent pas l'intéressé de la possibilité d'exercer un recours en référé contre la décision d'expulsion. Toutefois, à défaut d'effet suspensif de plein droit, ce recours n'est, aux yeux de la Cour européenne des droits de l'Homme, pas effectif. Sur ce point, le Conseil constitutionnel botte en touche en suggérant que cette question ne relève pas de l'article renvoyé par le Conseil d'Etat mais d'autres dispositions du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile régissant l'exécution d'office de ces arrêtés, réservant ainsi sa réponse à une nouvelle QPC. Il rappelle d'ores et déjà la nécessaire prise en compte de l'article 3 de la CESDH (N° Lexbase : L4764AQI) lorsqu'est fixée par l'administration la destination de renvoi de la personne expulsée. Depuis le début de l'année 2016, dans le contexte de l'état d'urgence, dix-huit étrangers ont fait l'objet d'une décision d'expulsion en urgence absolue prononcée par le ministère de l'Intérieur dans le cadre de l'article L. 522-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La plupart du temps, ces étrangers, qui sont parfois mêmes des dénaturalisés, n'ont pu bénéficier d'aucun recours effectif devant une juridiction interne ni, très généralement, eu matériellement le temps de saisir la Cour européenne des droits de l'Homme d'une mesure provisoire. On peut pourtant penser que leur expulsion pose, s'agissant d'une grande partie d'entre eux, problème au regard des articles 2 (N° Lexbase : L4753AQ4) et 3 de la CESDH, pris seuls ou combinés avec l'article 13 (droit au recours effectif) (N° Lexbase : L4746AQT). On peut, également, raisonnablement penser qu'une telle législation ne prévoyant pas de recours suspensif de plein droit est contraire à l'article 16 de la Déclaration de 1789 (N° Lexbase : L1363A9D) pris seul ou combiné avec, par exemple, la protection du principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine (découlant du Préambule de 1946 N° Lexbase : L6821BH4), la prohibition de la peine de mort (Constitution, art. 66-1 N° Lexbase : L5161IBR) ou encore le droit de mener une vie privée et familiale (DDHC, art. 4 N° Lexbase : L1368A9K).

Les faits de l'espèce sont caractéristiques : M. F. est un ressortissant algérien né en 1982 et entré en France à l'âge d'un mois. A sa majorité, il s'est vu délivrer un certificat de résidence de dix ans, renouvelé en 2011 pour une durée similaire. Il a été condamné à une peine de six ans d'emprisonnement pour avoir commis, en 2002, un vol à main armée -en compagnie de M. C. (ultérieurement auteur d'actes à caractère terroriste en janvier 2015 à Paris et à Montrouge)- puis a fait l'objet de sept autres condamnations pénales, pour un total cumulé de plus de cinq ans d'emprisonnement. Mais ce n'est pas ce passé de petit délinquant qui a justifié l'édiction, par le ministre de l'Intérieur d'un arrêté d'expulsion. Résidant habituellement en France avant l'âge de treize ans, il fait partie des catégories d'étrangers protégés contre les expulsions en raison d'une menace "grave" à l'ordre public. En tout état de cause, un arrêté fondé sur de tels faits de "petite" délinquance aurait porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale au regard de l'article 8 de la CESDH ([LXB=4798AQR]).

C'est le fait qu'il gravite dans l'entourage de délinquants ayant basculé dans la radicalisation islamiste et le terrorisme qui lui a valu les foudres du ministère de l'Intérieur. Alors même qu'il n'a jamais été poursuivi pour de tels faits, l'arrêté ministériel d'expulsion, pris le 11 janvier 2016, est fondé sur le motif qu'il était, selon les notes blanches des services du renseignement intérieur, "susceptible à tout moment de fomenter, commettre ou apporter un soutien logistique à une action terroriste en France" (1). Il avait été préalablement assigné en résidence à son domicile familial dès le début de l'état d'urgence en novembre 2015.

En vertu de l'article L. 521-3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L7221IQI), une telle catégorie d'étranger ne peut faire l'objet d'une mesure d'expulsion qu'en cas de "comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste [...]".

Il n'a pu matériellement contester l'arrêté du 11 janvier 2016 préalablement à son expulsion car, suivant une technique désormais bien rôdée par le ministère de l'Intérieur (2), cette décision ne lui pas été notifiée immédiatement après son édiction mais le 19 janvier 2016 à 9 heures 05 peu avant d'être placé à bord d'un vol vers l'Algérie au départ de l'aéroport Roissy décollant le jour même à 13 heures 30. Ce procédé vise manifestement à empêcher la possibilité de recourir à des voies de recours comme le référé-liberté ou la demande de mesure provisoire à la Cour de Strasbourg (3). Celle-ci lui aurait, selon toute vraisemblance, été accordée compte tenu du risque de traitements contraires à l'article 3 de la CESDH en Algérie pour ces étrangers soupçonnés de liens avec des réseaux terroristes (4).

Ce n'est qu'après son expulsion que l'intéressé a pu, en référé-liberté, demander au juge des référés du tribunal administratif de Paris de suspendre l'exécution de cet arrêté en invoquant, notamment, l'atteinte à son droit à mener une vie privée et familiale normale (CESDH, art. 8) et à ses droits à ne pas subir des traitements inhumains ou dégradants (CESDH, art. 3) et à la vie (CESDH, art. 2). Toutefois, par une ordonnance du 16 mars 2016, confirmée en appel le 6 avril 2016, sa demande a été rejetée. Le juge des référés du Conseil d'Etat a notamment estimé que si l'intéressé affirme être placé sous surveillance policière depuis son retour en Algérie, "il n'apporte aucun élément précis sur les risques de traitement inhumain ou dégradant auxquels il serait personnellement exposé" (5). Parallèlement, il a également formé un recours pour excès de pouvoir assorti d'un référé-suspension contre cet arrêté, rejeté par ordonnance du 23 février 2016. Il s'est alors pourvu en cassation et, dans ce cadre, déposé une première QPC dirigée contre l'article L. 522-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L5790G49) en ce qu'en excluant les garanties d'un contradictoire préalable devant la COMEX en cas d'expulsion en "urgence absolue", ces dispositions porteraient atteinte au droit au recours effectif garanti par l'article 16 de la DDHC, et en tout état de cause, serait entachée d'une incompétence négative dans la garantie de ce droit constitutionnel.

Une première difficulté venait de la question de savoir quelles dispositions du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pouvaient et devaient être contrôlées par le Conseil constitutionnel, compte tenu des brevets de constitutionnalité préalablement délivrés (I). La seconde difficulté, liée à la première, était de savoir si les dispositions renvoyées par le Conseil d'Etat portaient, en elles-mêmes, atteinte au droit au recours effectif et si cette éventuelle inconstitutionnalité, qui constitue assurément une inconventionnalité, ne se loge pas dans d'autres dispositions du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (II).

I - Des dispositions n'ayant fait l'objet que d'un brevet de constitutionnalité partiel

Tirant leur origine dans les textes fondateurs du droit des étrangers, les dispositions de l'article L. 522-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont fait l'objet d'importantes controverses (6) et modifications législatives dans les années 1980/1990 (A). De ce fait, elles ont bien été soumises à plusieurs reprises au Conseil constitutionnel sans que leur rédaction actuelle n'ait pour autant fait l'objet d'un brevet de constitutionnalité en bonne et due forme (B).

A - L'origine ancienne des dispositions contestées sur l'expulsion en urgence absolue

Le droit de l'expulsion des étrangers est apparu en France avec l'adoption, sous la Monarchie de Juillet, de la loi du 21 avril 1832, relative aux étrangers, qui autorisait le Gouvernement à enjoindre les étrangers "de sortir du royaume" s'il jugeait "leur présence susceptible de troubler l'ordre et la tranquillité publique". Mais c'est surtout la loi 3 décembre 1849, sur la naturalisation et séjour des étrangers en France, qui a durablement marqué la matière. Cette loi autorisait le ministre de l'Intérieur à enjoindre, par mesure de police, à tout étranger "voyageant ou résidant en France, de sortir immédiatement du territoire français, et le faire conduire à la frontière". Ce texte, qui continuera longtemps à s'appliquer outre-mer, ne sera abrogé que tardivement.

Le droit "moderne" de l'expulsion résulte du décret du 2 mai 1938, sur la police des étrangers. C'est, en effet, l'article 10 de ce texte du Gouvernement Daladier qui organise pour la première fois une procédure préalable à l'expulsion au bénéfice des étrangers à même de justifier être entrés régulièrement en France, ayant obtenu une autorisation de séjour et n'ayant fait l'objet d'"aucune condamnation correctionnelle ou criminelle de droit commun". Dans ce cas, l'étranger ne pouvait être expulsé qu'après avoir été entendu personnellement par un délégué du préfet, s'il demandait à l'être dans les huit jours de la notification de l'arrêté. Toutefois, ce texte prévoyait déjà que cette procédure n'était pas applicable si la mesure d'éloignement était "provoquée par des motifs touchant à l'ordre public ou à la sécurité nationale dont le ministre de l'Intérieur ou les préfets des départements frontières restent seuls juges".

A la Libération, l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France (N° Lexbase : L4788AGG), renforcera ce contradictoire préalable en créant la commission d'expulsion. En effet, l'article 25 du texte du Gouvernement provisoire de la République française prévoit que, "s'il le demande" dans les huit jours suivants la notification de l'arrêté, l'étranger a "le droit d'être entendu seul ou assisté d'un conseiller une commission spéciale siégeant auprès du Préfet". Celle-ci était composée de trois membres (président du tribunal civil du chef-lieu du département ; chef du service des étrangers à la préfecture ; conseiller de préfecture ou, à son défaut, d'un fonctionnaire désigné par le ministre de l'Intérieur). Elle transmettait le procès-verbal et son avis au ministère de l'Intérieur. Mais c'est aussi ce texte qui introduisit, pour la première fois, le fait qu'en "cas d'urgence absolue" reconnue par le ministre de l 'Intérieur, cette procédure n'était pas garantie.

Après trente-cinq ans d'application sans modification, ces dispositions ont ensuite été modifiées à de nombreuses reprises avec la politisation des questions d'immigration propre aux années 1980/1990. Ainsi, la loi "Bonnet" (loi n° 80-9 du 10 janvier 1980, relative à la prévention de l'immigration clandestine) modifie l'article 24 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 en prévoyant que l'étranger qui est ou a été régulièrement titulaire d'une carte de séjour de résident ne pouvait, "sauf cas d'urgence absolue reconnue par le ministre de l'Intérieur", faire l'objet d'une décision d'expulsion sans avoir été préalablement avisé et entendu seul ou assisté d'un conseil par une commission spéciale siégeant auprès du préfet.

Après l'élection de François Mitterrand, la loi "Deferre" (loi n° 81-973 du 29 octobre 1981, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France N° Lexbase : L7666LA8) renforça ces garanties en prévoyant que l'expulsion ne pouvait être prononcée par le ministre de l'Intérieur que si la présence de l'étranger constituait une menace grave pour l'ordre public, comme cela figure toujours à l'article L. 521-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle développa surtout à l'article 25 de l'ordonnance de 1945 des catégories d'étrangers protégés contre l'expulsion, prévit que la commission d'expulsion était composée de trois magistrats (deux judiciaires et un administratif) et rendit l'avis de la commission d'expulsion obligatoire pour le ministre. Ce n'était qu'en "cas d'urgence absolue" que l'expulsion pouvait être prononcée sans cet avis et, dans ce cas, uniquement lorsqu'elle constituait une "nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou pour la sécurité publique" (ordonnance de 1945, art. 26).

Mais cet article 26 n'a cessé d'être modifié à chaque alternance. Ainsi, la loi "Pasqua" (loi n° 86-1025 du 9 septembre 1986 N° Lexbase : L7667LA9) prévit que, sauf pour les mineurs, "en cas d'urgence absolue", l'expulsion pouvait être prononcée sans contradictoire préalable devant la COMEX "lorsque la présence de l'étranger sur le territoire français constitue pour l'ordre public une menace présentant un caractère de particulière gravité". La loi "Joxe" (loi n° 89-548 du 2 août 1989, relative aux conditions de séjour et d'entrée des étrangers en France N° Lexbase : L2774IZR) revint au texte de 1981. Une nouvelle loi "Pasqua" du 24 août 1993 (loi n° 93-1027, relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France N° Lexbase : L1997DPN), complétée après la censure par le Conseil constitutionnel, par une loi du 30 décembre 1993 (7), développa un système à plusieurs étages. En cas d'urgence absolue, l'expulsion pouvait être prononcée sans la garantie du contradictoire préalable devant la COMEX (art 24) et donc, en réalité, sans recours effectif à une époque où il n'existait même pas de procédure de référé (8). Et en cas de nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique, l'expulsion pouvait même concerner des catégories protégées (art. 25), à l'exception des mineurs. En cas de cumul des deux conditions -urgence absolue et nécessité impérieuse- l'étranger ne bénéficiait alors d'aucune garantie de procédure ou de fond.

Avant la codification en 2005, la loi "Sarkozy" (loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003, relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité N° Lexbase : L5905DLB) a réécrit les articles 25 et 26 de l'ordonnance de 1945 -à un moment où Nicolas Sarkozy prétendait abroger la "double-peine"-. Cette loi a alors prévu que cinq catégories d'étrangers bénéficient d'une protection renforcée contre l'expulsion "sauf en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à raison de l'origine ou de la religion des personnes". Elle ajoutait que les dispositions de l'article 24 de l'ordonnance de 1945 sur les COMEX ne sont pas applicables "en cas d'urgence absolue".

Même si formellement a été transmise au Conseil constitutionnel une QPC portant sur le premier alinéa de l'article L. 522-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2004-248 du 24 novembre 2004 de codification (N° Lexbase : L4127GUE), la question portait en réalité sur la rédaction de ces dispositions issues des lois "Pasqua" de 1993 et "Sarkozy" de 2003.

Or, les polémiques politiques sur ces dispositions se sont prolongées devant le Conseil constitutionnel dans le cadre du contrôle de constitutionnalité a priori.

B - Un brevet de constitutionnalité jamais délivré en bonne et due forme

Si le Conseil constitutionnel avait déjà été saisi du mécanisme qui prive les étrangers en instance d'expulsion de la garantie préalable de l'audition devant la COMEX en cas d'expulsion en urgence absolue, il n'avait pas contrôlé la rédaction actuelle de l'article L. 522-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Certes, en 1986, il avait été amené à contrôler les dispositions de la loi "Pasqua" qui privaient les étrangers en instance d'expulsion de la garantie de la COMEX dans certaines circonstances. Il a alors estimé que l'aménagement de ces règles de procédure ne sont contraires à "aucune disposition de la Constitution ni à aucun principe de valeur constitutionnelle", notamment aux articles 34 et 66 de la Constitution , dans la mesure où cette procédure ne porte pas atteinte "aux garanties juridictionnelles de droit commun applicables à l'espèce", c'est-à-dire notamment le recours pour excès de pouvoir (9).

En 1993, le Conseil constitutionnel a bien contrôlé, dans les motifs de sa décision, les dispositions de la loi "Pasqua II" qui supprimaient la garantie de la COMEX en cas d'expulsion en "urgence absolue" au regard du droit au recours effectif. A une époque où le droit au recours effectif n'était pas appréhendé de la même façon et que la notion de liberté individuelle avait une portée bien plus étendue, il a jugé, d'une part, que les modalités spécifiques prévues "pour l'intervention de décisions d'expulsion, mesures de police administrative, ne portent pas à la liberté individuelle des atteintes excessives" et, d'autre part, que ces dispositions ne portent pas atteinte aux droits de recours des intéressés à l'encontre des mesures d'éloignement du territoire dont ils ont pu faire l'objet ni aux effets suspensifs que peuvent le cas échéant comporter de tels recours, dès lors "qu'elles ne concernent que la remise en cause de ces décisions, après l'expiration des délais de recours" (10).

Cette décision ne pouvait toutefois servir de brevet de constitutionnalité en bonne et due forme car si le Conseil constitutionnel a examiné ces dispositions dans les motifs de cette décision il ne les a pas déclarées conforme dans son dispositif -comme cela s'est pratiqué au Conseil constitutionnel de 1991 à 1993 (11)-. Or, l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ne permet la transmission de la QPC que si la disposition "n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances". Cela explique que le Conseil d'Etat ait procédé à cette transmission (12). Ce renvoi était tout de même une bonne surprise car par deux fois (13) le Conseil d'Etat avait fait obstacle à la transmission de questions prioritaires de constitutionnalité portant sur des dispositions du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile tirant leur source dans la loi "Pasqua 2" en opposant la décision de 1993 et en faisant fi de cette exigence, preuve que le rôle du juge du filtre est aussi teintée d'opportunisme.

En tout état de cause, le commentaire officiel de la décision mentionne que les dispositions en question ont été ultérieurement modifiées, "d'abord par la loi n° 93-1417 du 30 décembre 1993 (14) [...], puis par l'ordonnance n° 2004-1248 du 24 novembre 2004 [...], ratifiée par l'article 120 de la loi n°2006-911 du 24 juillet 2006". Ces derniers textes n'ont pourtant que procédé à la codification (à droit constant) de l'ordonnance de 1945.... Au demeurant, la difficulté en la matière consistait surtout à identifier les dispositions du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne permettant pas à l'étranger sous le coup d'une expulsion en urgence absolue de bénéficier d'un recours avant son exécution.

II - La difficulté d'identifier les dispositions du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile portant atteinte au droit au recours effectif

Tout en rappelant un certain nombre de garanties légales que l'administration doit respecter lorsqu'elle exécute un arrêté d'expulsion visant au respect de l'article 3 de la CESDH, le Conseil constitutionnel estime que les dispositions renvoyées par le Conseil d'Etat sur la dispense de consultation de la COMEX en cas d'expulsion en urgence absolue ne portent pas, en elles-mêmes, atteinte au droit au recours effectif garanti par l'article 16 DDHC (A). On peut néanmoins penser que ce n'est que partie remise dans la mesure où il est incontestable que le droit français ne respecte pas les exigences de l'article 13 de la CESDH, combinées aux articles 2, 3 CESDH ou 4 du protocole n° 4, à supposer que la garantie des droits de l'article 16 de la DDHC a la même portée (B).

A - Les dispositions renvoyées sur la dispense des COMEX ne portant pas par elles -mêmes atteinte au droit au recours effectif garanti par l'article 16 DDHC

Le requérant, soutenu dans sa démarche par une intervention volontaire de la Cimade et de la LDH, estimait qu'en permettant l'expulsion d'un étranger du territoire français en urgence absolue, sans lui laisser la possibilité matérielle de saisir un juge avant l'exécution de la mesure, les dispositions de l'article L. 522-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile portaient atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif résultant de l'article 16 de la DDHC, pris seul ou combiné, notamment avec le respect de la vie privée reconnu par l'article 2 de cette Déclaration (N° Lexbase : L1366A9H) ou la dignité de la personne humaine résultant du Préambule de 1946. En tout état de cause, ces dispositions étaient entachées, selon le requérant, d'une incompétence négative dans la mesure où, en violation de l'article 34 de la Constitution (N° Lexbase : L0860AHC) dans le champ de l'article 16, le législateur n'a pas suffisamment défini dans ces dispositions la notion d'"urgence absolue", ni prévu de garantie faisant obstacle à la mise en oeuvre immédiate d'une décision d'expulsion.

En réponse, le Conseil constitutionnel a d'abord saisi cette occasion pour préciser la notion d'"urgence absolue". En s'inspirant de la jurisprudence du Conseil d'Etat (15), il indique qu'elle "répond à la nécessité de pouvoir, en cas de menace immédiate, éloigner du territoire national un étranger au nom d'exigences impérieuses de l'ordre public" (cons. 9).

Ensuite, dans le prolongement de ses jurisprudences de 1986 et 1993, le juge constitutionnel précise que les dispositions contestées "ne privent pas l'intéressé de la possibilité d'exercer un recours contre la décision d'expulsion devant le juge administratif, notamment devant le juge des référés" sur le fondement des articles L. 521-1 (N° Lexbase : L3057ALS) et L. 521-2 (N° Lexbase : L3058ALT) du Code de justice administrative, c'est-à-dire du référé-suspension et du référé-liberté. Mais si ces procédures permettent d'obtenir postérieurement au prononcé de la mesure d'expulsion, voire même de son exécution immédiate, la suspension de l'arrêté, avec éventuellement une injonction au retour (16), ou d'obtenir toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale, elles ne permettent pas à coup sûr d'empêcher l'exécution de la mesure d'éloignement avant qu'un juge n'ait examiné le grief de risque d'atteinte au droit à la vie, de mauvais traitements ou d'expulsion collectives. Comme nous le rappellerons ultérieurement, les affaires "Gebremedhin" (CEDH, 26 avril 26007, Req. 25389/05 N° Lexbase : A9539DUT) en 2007 et "De Souza Ribeiro" (CEDH, 13 décembre 2012, Req. 22689/07) en 2012 avaient déjà fait valoir l'existence de ces référés, et même s'agissant des mesures d'éloignement outre-mer, d'une présomption d'urgence (17), pour tenter d'échapper à une condamnation par la Cour fondée sur l'article 13 CESDH. En vain.

Enfin, le Conseil constitutionnel rappelle les garanties légales en cas de contestation de la décision déterminant le pays de renvoi par "l'application combinée des articles L. 513-2 et L. 523-2" du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En effet, pour prendre en compte les exigences de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg et du Conseil d'Etat, la loi n° 93-1027 du 24 août 1993 a introduit dans l'ordonnance de 1945 un article 27 bis, codifié ensuite dans ces dispositions du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prévoyant qu'un étranger "ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950". Le juge constitutionnel ajoute qu'il "appartient au juge administratif de veiller au respect" de cette interdiction (cons. n° 11). Si ce rappel est indéniablement utile, le raisonnement du Conseil constitutionnel achoppe sur le fait qu'il n'y a dans les faits aucune certitude que le juge administratif puisse examiner le grief de risque d'atteinte au droit à la vie ou de mauvais traitement avant l'exécution de la mesure d'expulsion en l'absence de recours suspensif de plein droit...

Il adresse toutefois un message au requérant, et à son avocat, en soulignant que "l'absence de tout délai, critiquée par le requérant, entre, d'une part, la notification à l'étranger de la mesure d'expulsion et, d'autre part, son exécution d'office, ne résulte pas des dispositions contestées" (cons. n° 11). A l'audience du 13 octobre 2016 (18), en réponse aux questions de membres du Conseil constitutionnel, notamment de Mmes Claire Bazy Malaurie et Nicole Maestracci, Me Patrice Spinosi avait d'ores et déjà indiqué que si la QPC était rejetée pour ce motif, il avait l'intention de déposer immédiatement une nouvelle QPC devant le Conseil d'Etat. Celle-ci pourrait porter sur l'article L. 523-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'elle prévoit que "l'arrêté prononçant l'expulsion d'un étranger peut être exécuté d'office par l'administration" sans apporter de garantie d'un recours effectif.

A vrai dire, il n'était pas évident de savoir si l'absence de recours effectif se logeait dans la disposition renvoyée -qui constitue la "disposition chapeau" permettant le régime dérogatoire de l'expulsion en urgence absolue- ou dans cet article L. 523-1 sur l'exécution d'office, comme l'ont laissé entendre les membres du Conseil constitutionnel dans leurs questions. On aurait aussi pu contester la constitutionnalité de l'article L. 521-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile organisant la procédure de référé-suspension, applicable au litige, sans prévoir que, dans certains cas, l'introduction du recours suspend de plein droit l'exécution de l'arrêté jusqu'à la décision juridictionnelle.

Reste à savoir si, saisi d'une nouvelle QPC portant sur l'article L. 523-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, si le Conseil constitutionnel va aligner les exigences de l'article 16 de la DDHC sur celles de l'article 13 de la CESDH, notamment en acceptant de faire une application combinée de cette disposition constitutionnelle avec d'autres droits et libertés garantis par la Constitution.

B - Dans l'attente d'une nouvelle QPC permettant d'assurer par l'article 16 DDHC les mêmes exigences que l'article 13 CESDH

De manière générale, la Cour de Strasbourg considère que pour assurer le respect de l'article 13, le droit interne doit prévoir l'existence d'un recours permettant de se prévaloir des droits et libertés garantis par la Convention. Ce recours interne doit habiliter une autorité, qui n'est pas nécessairement judiciaire mais offre certaines garanties d'indépendance, à examiner le contenu d'un "grief défendable" fondé sur la Convention et offrir un "redressement approprié". Si les Etats membres bénéficient d'une certaine marge d'appréciation pour se conformer à cette obligation et que celle-ci varie en fonction de la nature du grief soulevé, le recours exigé doit être effectif en droit comme en pratique (19).

Plus précisément s'agissant du renvoi d'un étranger, le grief selon lequel il existerait des motifs sérieux de croire qu'il risquerait d'être exposé en cas de renvoi à un traitement prohibé par l'article 3 de la Convention, mais aussi à une atteinte au droit à la vie protégé par l'article 2 ou à une expulsion collective prohibée par l'article 4 du Protocole n°4 (20), doit impérativement faire l'objet d'un contrôle "attentif" par une "instance nationale" qui doit assurer "un examen indépendant et rigoureux" du tout grief en ce sens et doit avoir la possibilité de "faire surseoir à l'exécution de la mesure litigieuse" (21) avec une "célérité particulière" (22). En outre, compte tenu du caractère potentiellement "irréversible" du dommage, l'effectivité du recours requiert, selon la Cour, que les intéressés disposent d'un recours de plein droit suspensif (23), y compris dans le contexte de forte pression migratoire (24).

C'est donc en contrariété avec cette jurisprudence que le Conseil d'Etat a dénié conférer cet effet suspensif de plein droit aux recours introduits à Mayotte contre les OQTF par l'ordonnance du 7 mai 2014 appliquant le Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans l'île de l'Océan Indien (ordonnance n° 2014-464 N° Lexbase : L1310I3W). Le Conseil d'Etat estime en effet que le respect des exigences découlant de l'article 13 est assuré dans la pratique car celui-ci n'impliquerait que "le droit d'exercer un recours effectif susceptible de permettre l'intervention du juge en temps utile". En effet, pour la Haute juridiction administrative française, cette disposition n'impliquerait pas que le recours dirigé contre cette mesure soit "par lui-même pourvu de caractère suspensif" (25). Pourtant aussi bien dans l'affaire "Conka" que "Gebremedhin", la Cour européenne avait écarté la thèse des Gouvernements défenseurs selon laquelle un recours répondait aux exigences de l'article 13 dès lors où "il existait une pratique lui conférant un effet suspensif" (26).

Toutefois, pour estimer si un recours en droit interne est bien "effectif" au sens de l'article 13 de la CESDH, la Cour de Strasbourg module ses exigences selon que cette disposition est combinée avec un droit ou une liberté intangible (Protocole n° 4, art. 2, 3, 4) ou à un droit ou liberté relatif (article 8 essentiellement). Ainsi, l'effectivité ne requiert pas, pour la Cour, que les intéressés disposent d'un recours de plein droit suspensif lorsqu'il s'agit d'éloignements contestés sur la base d'une atteinte à la vie privée et familiale. Toutefois, précise-t-elle, lorsqu'il existe un grief défendable à ce titre, l'article 13 de la Convention combiné avec l'article 8 exige que l'Etat fournisse à l'étranger, outre les garanties procédurales déjà évoquées, "une possibilité effective de contester la décision d'expulsion ou de refus d'un permis de séjour" (27).

En ce sens, la cour administrative d'appel de Paris a récemment jugé, s'agissant d'une expulsion en urgence absolue exécutée avant que le juge administratif n'ait pu se prononcer, que "la légalité d'une mesure d'expulsion ne dépend pas des conditions dans lesquelles un tel acte peut être contesté devant le juge ; qu'ainsi, l'absence de recours suspensif , à supposer que cette circonstance ne respecte pas les exigences de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales , est en elle-même sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté [...]" (28). Comme l'explique la rapporteure publique dans ses conclusions sur cette affaire, la Cour a préféré "botter en touche dans l'attente d'un éventuel recours devant la CEDH", position paraissant "peu courageuse" (29) et surtout peu conforme à la jurisprudence de la Cour de Strasbourg.

Pourtant dès l'arrêt "Bozano" de 1986 (30) la Cour a estimé qu'il n'existe pas de recours effectif contre les expulsions en urgence absolue. En effet, la Cour avait déjà jugé une requête recevable en l'absence d'épuisement des voies de recours interne, car la demande de sursis à exécution que pouvait introduire le requérant "n'a pas d'effet suspensif". Ainsi, jugeait la Cour dès cette époque, "ni le recours pour voie de fait administrative, ni la demande de sursis à exécution de l'arrêté d'expulsion, ne constituaient en l'espèce des recours effectifs [...]". Cette jurisprudence est parfaitement transposable aux référés-liberté et suspension en l'absence de recours suspensif de plein droit, comme l'a d'ailleurs reconnu le législateur en introduisant à la suite de la condamnation de la France dans l'affaire "Gebremedhin" en 2007 un tel recours à l'article L. 213-9 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L2585KD4) dans les dispositions régissant le contentieux des refus d'admission au séjour au titre de l'asile et suite à l'affaire "De Souza Ribeiro" de 2012 et à l'arrêt "Gisti et a." de 2015, un référé-liberté suspensif de plein droit contre les OQTF prononcées de la Guyane, de Guadeloupe, de Mayotte, et de Saint-Barthélemy et Saint-Martin, à partir du 1er novembre 2016 (31).

Mais le Conseil constitutionnel n'a, pour le moment, pas jugé que le droit au recours effectif garanti par l'article 16 DDHC exige, en dérogation au privilège du préalable et au caractère exécutoire des décisions de l'administration, un recours suspensif de plein droit lorsqu'on est dans le champ de certains droits ou libertés garantis par la Constitution (32). Il n'a pas non plus effectué d'application combinée de l'article 16 de la DDHC avec d'autres droits et libertés constitutionnels. Cela a pourtant un sens dans où cette disposition proclame que "toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée [...] n'a point de Constitution".

Rendez-vous donc d'ici trois mois au Conseil constitutionnel pour savoir si le juge constitutionnel français apporte, avec la norme suprême française, des garanties équivalentes à celles offertes avec la Convention européenne des droits de l'Homme par la Cour de Strasbourg. A défaut, il appartiendra au Conseil d'Etat dans sa décision au fond ou, plus sûrement à la Cour européenne, d'assurer l'effectivité des voies de recours contre les expulsions en urgence absolue en exigeant l'instauration d'un recours de plein droit suspensif à leur encontre. Ce n'est qu'une question de temps... Mais en attendant, combien d'étrangers seront expulsés au péril de leur vie ou au risque de traitements contraires à la dignité au mépris des valeurs de l'Etat de droit ?


(1) CE référé, 6 avril 2016, n° 398217 ([LXB=A7148RILCE]), cons. n° 3 ; v. les considérants n°s 4 et 5 pour le détail de ce qui lui est reproché.
(2) V. pour une récente requête communiquée à la France s'agissant notamment de cette pratique de course de vitesse pour court-circuiter les mesures provisoires, la Requête n° 46240/15, "A.S. contre France" introduite le 21 septembre 2015.
(3) V., pour des cas d'exécution de l'arrêté d'expulsion au moment même où la mesure provisoire prescrivant la suspension de la décision était notifiée à la France, Un Marocain condamné pour terrorisme expulsé contre l'avis de la CEDH, Le Monde, 24 septembre 2015..
(4) CEDH, 3 décembre 2009, Req. 19576/08 (N° Lexbase : A2876EP9) ; CEDH, 6 septembre 2011, Req. 27778/09 (N° Lexbase : A1201NGL). Rappelons que le Conseil d'Etat estime que le non-respect d'une mesure provisoire constitue une atteinte au droit au recours effectif garanti dans le cadre du référé-liberté (CE référé, 30 juin 2009, n° 328879 N° Lexbase : A5679EI8, Lebon, p. 240).
(5) CE référé, 6 avril 2016 , n° 398217 (N° Lexbase : A7148RIL), cons. n° 8.
(6) V. not., "Urgence absolue", Plein Droit, n° 15-16, novembre 1991.
(7) Loi n° 93-1417 du 30 décembre 1993, portant diverses dispositions relatives à la maîtrise de l'immigration et modifiant le Code civil (N° Lexbase : L1998DPP).
(8) Les avocats étaient alors tentés d'utiliser la procédure de voie de fait devant le juge civil. Mais le Tribunal des conflits avait fermé cette voie dans l'affaire Madaci et Youbi (T. confl., 20 juin 1994, n ° 02932 N° Lexbase : A5924BKM), AJDA, 1994, p. 556.
(9) Cons. const., décision n° 86-216 DC du 3 septembre 1986 (N° Lexbase : A8142ACK), cons. n° 14.
(10) Cons. const., décision n° 93-325 DC du 13 août 1993, cons. n°s 60 et 63. La modification introduite par la loi "Sarkozy" de 2003 n'a pas été déférée au Conseil constitutionnel (Cons. const., décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003 N° Lexbase : A1952DAK).
(11) M. Guillaume, La question prioritaire de constitutionnalité, Justice et cassation, Revue annuelle des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, 2010.
(12) CE 2° et 7 ° ch.-r., 6 juillet 2016, n° 398371 (N° Lexbase : A9056RWC), cons. n° 5.
(13) CE référé, 16 juin 2010, n° 340250, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9876EZS) ; CE 9° et 10° s-s -r., 21 mars 2011, n° 346164, mentionné aux tables du recueil Lebon ([LXB=A5811HI3 ]).
(14) Cette loi a modifié l'article 26 de l'ordonnance de 1945 (ordonnance n° 45-2658, relative aux conditions d'entrée et de séjour en France des étrangers et portant création de l'Office national d'immigration N° Lexbase : L4788AGG) en élargissant les cas de dérogation aux garanties apportées par l'article 24 en cas d'expulsion en urgence absolue.
(15) V., en particulier, dans le prolongement de la première décision à contrôler cette urgence absolue, CE, Ass., 18 mars 1955, mentionné aux tables du recueil Lebon, p. 168, l'ensemble des décisions reproduites dans le dossier documentaire. A noter que, de manière anormale, le juge administratif n'exerce qu'un contrôle normal sur l'urgence absolue : CE Contentieux, 16 janvier 1970, n° 68919 mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0894B8M), p. 25 ; CE 2° et 6° s-s-r., 1er juillet 1987, n° 77168, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3868APX), p. 855 ; CE Contentieux, 17 mai 1991, n°s 121464, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9932AQW) et 121567 (N° Lexbase : A9933AQX), p. 197.
(16) CE Contentieux, 10 avril 1992, trois arrêts mentionnés aux tables du recueil Lebon, n°s 75006, (N° Lexbase : A6464ART), 120573 (N° Lexbase : A6466ARW), 76945 (N° Lexbase : A6465ARU).
(17) CE 2° et 7° s-s-r., 9 novembre 2011, n° 346700, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9082HZE).
(18) Vidéo de l'audience, minute 13 et 24 à 27.
(19) CEDH, 11 juillet 2000, Req. 40035/98, (N° Lexbase : A3850ICL) § 48 ; CEDH, 26 octobre 2000, Req. 30210/96 (N° Lexbase : A7218AWA), § 156.
(20) CEDH, 5 février 2002, Req. 51564/99 (N° Lexbase : A9043AX9), §§ 81-83 ; CEDH, 23 février 2012, Req. 27765/09 (N° Lexbase : A1455IDA), § 206.
(21) CEDH, 12 avril 2005, Req. 36378/02 (N° Lexbase : A9432DHS), §§ 448 et 450.
(22) CEDH, 3 juin 2004, Req. 33097/96 et 57834/00 (N° Lexbase : A3719DCQ), § 136.
(23) CEDH, 26 avril 26007, Req. 25389/05, § 66 ; CEDH, 21 janvier 2011, Req. 30696/09 (N° Lexbase : A4543GQC) § 389.
(24) CEDH, 23 février 2012, Req. 27765/09 (N° Lexbase : A1455IDA), § 200 ; CEDH, 13 décembre 2012, Req. 22689/07 (N° Lexbase : A8274IY4), § 82.
(25) CE 9° et 10° s-s-r., 22 juillet 2015, n° 381550, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9813NME). Pour une défense pro domo de cette jurisprudence, cf . M. Guyomar, Chronique de jurisprudence du Conseil d'Etat, Gazette du Palais, 26 novembre 2015, n° 330, p. 24 ; Contra., N. Hervieu, S. Slama, Lacunes et infortunes de l'Etat de droit(s) à Mayotte, AJDA, 2014, p. 1849.
(26) CEDH, 5 février 2002, Req. 51564/99, § 83 ; CEDH, 26 avril 26007, Req. 25389 /05, § 66.
(27) CEDH, 13 décembre 2012, Req. 22689/07, § 83 ; CEDH, 26 juillet 2011, Req. 41416 /08, §§ 122 à 132.
(28) CAA Paris, 9e ch., 7 mars 2016, n° 15PA02906 (N° Lexbase : A2842Q7E).
(29) C. Oriol, La procédure d'expulsion d'étrangers en urgence absolue. Les limites de l'excès de pouvoir en cas d'atteinte aux libertés publiques (conclusions ), AJDA, 2016, p.1242.
(30) CEDH, 18 décembre 1986, Req. 9990/82, p. 127 ; V., aussi, en ce sens une décision d'irrecevabilité de la Commission européenne des droits de l'Homme en 1984 sur recours de Me Henri Leclerc : Com. EDH, déc., 13 déc. 1984, M. c. France, n° 10078/82.
(31) A l'article L. 514-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par l'article 29 de loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 (N° Lexbase : L9272K48).

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Expropriation

[Brèves] Office du juge de l'expropriation devant se prononcer sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers

Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 21 octobre 2016, n° 391208, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6657R9G)

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N5008BWE

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Le 08 Novembre 2016

Il appartient au juge, lorsqu'il doit se prononcer sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement que cette opération répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine, et enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente. Ainsi statue le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 21 octobre 2016 (CE 9° et 10° ch.-r., 21 octobre 2016, n° 391208, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6657R9G). La commune avait en l'espèce entendu subordonner la création de la ZAC à la conservation de la maîtrise foncière de l'ensemble des terrains en constituant l'emprise afin d'en assurer un aménagement global et cohérent. La cour administrative d'appel (CAA Nancy, 1ère ch., 9 juin 2011, n° 10NC01137 N° Lexbase : A0042HWH) a jugé que le respect de cette condition nécessitait de faire abstraction des limites parcellaires, notamment en matière de voirie et d'aménagement foncier, de sorte que la collectivité n'aurait pas été en mesure de réaliser cette opération d'urbanisation par la construction de 300 à 400 logements, d'un établissement d'accueil pour personnes âgées ainsi que la réalisation de jardins familiaux et d'un parc urbain, qui répond à une finalité d'intérêt général, dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation. Elle a ainsi pu, sans entacher son arrêt d'erreur de droit ni d'insuffisance de motivation, en déduire que l'opération d'expropriation projetée revêtait un caractère d'utilité publique alors même que les requérants auraient, lors de l'enquête publique, exprimé leur accord pour participer à l'aménagement de la ZAC en conservant la propriété de leur terrain.

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Fiscalité des particuliers

[Brèves] Charges et offices non commerciaux soumis aux BNC : conditions d'imputation des déficits

Réf. : CE 10° et 9° ch.-r., 21 octobre 2016, n° 386796, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6653R9B)

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N4958BWK

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Le 08 Novembre 2016

Ne sont imputables sur le revenu global que les déficits provenant d'une activité libérale ou ceux provenant des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants, dès lors que le contribuable qui les déclare exerce effectivement une activité professionnelle. Telle est la solution retenue par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 21 octobre 2016 (CE 10° et 9° ch.-r., 21 octobre 2016, n° 386796, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6653R9B). En l'espèce, la requérante a mentionné dans sa déclaration de revenus de l'année 2006 un déficit au titre des bénéfices non commerciaux, résultant de son activité d'huissier. L'administration a alors estimé que le déficit de 117 540 euros ne provenait pas de l'exercice d'une activité professionnelle et ne pouvait, dès lors, pas s'imputer sur le revenu global. La Haute juridiction a, par la suite, donné raison à cette dernière. Au cas présent, au regard des éléments précis dont l'administration faisait état, il était établi que l'intéressée n'exerçait plus, en 2006, aucune activité professionnelle au sein de la société civile professionnelle d'huissier qu'elle avait créée, en 2004, avec une autre associée à laquelle elle avait cédé, à la fin de l'année 2005, 1598 des 1599 parts qu'elle détenait et dont provenaient, par application du régime fiscal des sociétés de personnes, une partie des déficits qu'elle entendait imputer sur son revenu global. Par ailleurs, la requérante ne soutenait pas qu'elle aurait continué à exercer son activité d'huissier dans une autre étude. Ainsi, les autres charges, exposées directement par elles, et qui ont contribué à la formation du déficit catégoriel qu'elle entendait imputer sur son revenu global, ne se rattachaient pas davantage à l'exercice effectif d'une activité professionnelle d'huissier. Il fallait donc déduire de ces éléments, d'ailleurs non contestés, que la requérante ne pouvait bénéficier de la dérogation à la non imputation des déficits provenant d'activités non commerciales sur le revenu global prévue, par les dispositions particulières du 2° du I de l'article 156 du CGI (N° Lexbase : L6600K8X), pour les titulaires de charges ou offices .

newsid:454958

[Jurisprudence] L'aval d'une lettre de change nulle peut-il valoir cautionnement ?

Réf. : Cass. com., 27 septembre 2016, n° 14-22.013, FS-P+B (N° Lexbase : A7040R4I)

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N4890BWZ

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par Gaël Piette, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directeur scientifique des Encyclopédies "Droit des sûretés" et "Droit des contrats spéciaux"

Le 08 Novembre 2016

Le dirigeant d'une société a avalisé plusieurs lettres de change tirées sur sa société. Ces effets n'ayant pas été payés à l'échéance, le tireur a obtenu une ordonnance enjoignant au dirigeant avaliste d'en régler le montant. Or, ces lettres de change ont été annulées, pour défaut de signature du tireur, mention impérative aux termes de l'article L. 511-1, 8° du Code de commerce (N° Lexbase : L6654AIB).
En appel, la cour de Rennes (1) juge que la mention d'aval portée sur des lettres de change annulées faute de signature du tireur constitue un commencement de preuve par écrit d'un cautionnement. Elle poursuit en estimant que ce commencement de preuve a été confirmé par la qualité de dirigeant ayant un intérêt personnel dans l'opération du donneur d'aval. Elle condamne donc le dirigeant à payer, en qualité non d'avaliste, mais de caution.
Dans un arrêt du 27 septembre 2016, la Cour de cassation casse cette décision, considérant que l'aval ne pouvait constituer un cautionnement valable, car, donné par une personne physique au profit d'un créancier professionnel, il aurait dû comporter les mentions manuscrites prévues par les articles L. 341-2 (N° Lexbase : L5668DLI) et L. 341-3 (N° Lexbase : L6326HI7) du Code de la consommation (désormais, C. consom., art. L. 331-1 N° Lexbase : L1165K7B et L. 331-2 N° Lexbase : L1164K7A). Cet arrêt du 27 septembre 2016 contient une solution qui semble fondée (I). Mais ceci n'est qu'apparence : elle est en réalité contestable (II).

I - Une solution en apparence fondée

Cet arrêt, par ce qu'il nous dit, est juridiquement justifié.

Les articles L. 341-2 et L. 341-3 [L. 331-1 et L. 331-2] du Code de la consommation ont été jugés, à juste titre, applicables à la caution avertie (2), et notamment au dirigeant caution (3). Quels que soient les reproches que l'on peut adresser à ces textes, la jurisprudence a eu raison, au regard de leur lettre, d'en faire profiter le dirigeant caution. En effet, ces textes précisent que doit rédiger la mention manuscrite "toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution". Ainsi, en vertu de l'adage Ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus, le dirigeant caution, dès l'instant qu'il est une personne physique, doit profiter de ce texte. Et tant pis si cela vient à faire bénéficier du Code de la consommation une caution qui s'engage dans l'exercice de son activité professionnelle... La faute est imputable au législateur, non à la jurisprudence.

Par conséquent, la Cour de cassation, dans l'arrêt commenté, a raison de remarquer qu'un cautionnement valable ne pouvait être dégagé en l'espèce, puisque les mentions manuscrites n'avaient pas été apposées sur l'aval.

Ce faisant, la Cour rejette, implicitement, un argument de la cour d'appel de Rennes, qui avait commis une confusion. Relever que l'aval constituait un commencement de preuve, complété par l'intérêt personnel de la caution, place le débat sur la preuve de l'acte, alors qu'il convenait de le placer sur sa validité. En outre, une jurisprudence constante estime certes que le cautionnement est commercial si la caution a un intérêt personnel à l'opération principale (4). Toutefois, la commercialité du cautionnement ne suffit pas à libéraliser les moyens de preuve : par application de l'article L. 110-3 du Code de commerce (N° Lexbase : L5547AIB), il faut en outre que chaque partie ait la qualité de commerçant.

Par ce qu'il énonce, l'arrêt commenté semble donc fondé. Ce n'est pourtant pas le cas.

II - Une solution en réalité contestable

Cet arrêt, par ce qu'il sous-entend, retient une solution contestable.

La Cour affirme que l'aval donné sur une lettre de change annulée pour vice de forme ne peut constituer un cautionnement valable, faute de comporter les mentions manuscrites prévues par les articles L. 341-2 et L. 341-3 [L. 331-1 et L. 331-2] du Code de la consommation. Il convient donc d'en déduire que si le donneur d'aval avait respecté ces formalités (5), l'aval aurait pu valoir cautionnement. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que la jurisprudence retient cette solution. La Chambre commerciale a pu estimer que lorsque l'effet de commerce est nul, son aval peut être requalifié en cautionnement de la promesse subsistante (6). Mais l'aval, pour être qualifié de cautionnement, devra alors en respecter les conditions de validité (7).

Pourtant, que l'aval d'une lettre de change nulle puisse valoir cautionnement nous apparaît très discutable.

La Cour de cassation, à juste titre, a plusieurs fois retenu qu'un aval, valable, n'est pas soumis au droit du cautionnement. Ainsi, l'avaliste ne peut invoquer l'exigence de proportionnalité du cautionnement posée par l'article L. 341-4 du Code de la consommation (N° Lexbase : L1156K7X ; C. consom., art. L. 332-1, nouv. N° Lexbase : L1162K78), ni le devoir de mise en garde de la caution qui pèse sur le créancier (9).

La Cour estime également que l'aval d'un effet de commerce irrégulier en raison d'un vice de forme est lui-même nul, et ne vaut pas promesse de porte fort (10). Cette idée est pleinement justifiée, car si la nullité de l'effet de commerce n'entraîne pas systématiquement celle de l'aval qui le garantit, c'est néanmoins le cas lorsque la nullité est la conséquence d'un vice de forme (C. com., art. L. 511-21, al. 8 N° Lexbase : L6674AIZ).

Mais alors, pourquoi estimer que l'aval d'une lettre de change nulle puisse valoir cautionnement ? Comme l'a remarqué la jurisprudence précitée, l'aval et le cautionnement sont deux sûretés distinctes, ainsi d'ailleurs qu'il ressort de textes tels que l'article L. 225-35, alinéa 4, du Code de commerce (N° Lexbase : L5906AIL). Il est impossible de déduire un cautionnement d'un aval, ne serait-ce que parce que le cautionnement ne se présume pas (C. civ., art. 2292 N° Lexbase : L1121HID). En outre, comment pourrait-on extraire un cautionnement valable d'un aval inexistant ? L'aval d'une lettre de change nulle pour vice de forme n'est pas valable (C. com., art. L. 511-21, al. 8). Puisqu'il n'est pas valable, il est difficile d'imaginer qu'il puisse engendrer un cautionnement valable.

Certes, il serait possible de soutenir que l'éventuelle présence sur l'aval des mentions manuscrites prévues par les articles L. 341-2 et L. 341-3 [L. 331-1 et L. 331-2] du Code de la consommation révèlent un consentement exprès à conclure un cautionnement, qui serait alors pleinement valable par le respect du formalisme consumériste. Toutefois, il serait aisé de rétorquer à cette analyse qu'en pareille hypothèse, le "donneur d'aval" a en réalité entendu souscrire un cautionnement. Il n'est donc pas un donneur d'aval, mais une caution. La garantie devrait alors être requalifiée en cautionnement. Et dans ce cas, si la lettre de change est nulle, que ce soit pour vice de forme ou autre, le cautionnement disparaît, par voie accessoire (C. civ., art. 2289, al. 1er N° Lexbase : L1118HIA) !


(1) CA Rennes, 22 avril 2014, n° 12/06906 (N° Lexbase : A4167MKK).
(2) Cass. civ. 1, 8 mars 2012, n° 09-12.246, F-P+B+I (N° Lexbase : A1703IES).
(3) Cass. com., 10 janvier 2012, n° 10-26.630, FS-P+B (N° Lexbase : A5284IAX), RTDCom., 2012, p. 177, obs. D. Legeais ; RD banc. et fin., mars 2012, p. 45, obs. A. Cerles ; Rev. sociétés, mai 2012, p. 286, obs. I. Riassetto.
(4) Cass. req., 31 janvier 1872, DP, 1872, 1, p. 252.
(5) Il doit cependant être rare qu'un donneur d'aval prenne soin de respecter les mentions manuscrites prévues par le Code de la consommation...
(6) Cass. com., 24 avril 1990, n° 88-15.114 (N° Lexbase : A3717AH7). 
(7) Déjà à propos des articles L. 341-2 et L. 341-3 : Cass. com., 5 juin 2012, n° 11-19.627, FS-P+B (N° Lexbase : A3795INU), D., 2012, p. 1604, obs. X. Delpech, RTD com. 2012, p. 603, obs. D. Legeais, Droit & patrimoine 2013, n° 222, p. 76, obs. Ph. Dupichot, Gaz. Pal., 19 et 20 septembre 2012, p. 17, note M.-P. Dumont-Lefrand, Banque et droit, 2012, n° 145, p. 16, obs. Th. Bonneau.
(8) Cass. civ. 1, 19 décembre 2013, n° 12-25.888, F-P+B (N° Lexbase : A7415KSG), D., 2014, p. 518, note G. Piette et J. Lasserre-Capdeville.
(9) Cass. com., 28 juin 2016, n° 14-23.836, F-D (N° Lexbase : A1929RWD), nos obs, in Pan., Lexbase, éd. aff., 2016, n° 478 (N° Lexbase : N4147BWI), AJ Contrats 2016, à paraître, nos obs.
(10) Cass. com., 8 septembre 2015, n° 14-14.208, FS-P+B+I (N° Lexbase : A5967NNC) ; nos obs., Lexbase, éd. aff., 2015, n° 438 (N° Lexbase : N9143BU8).

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Internet

[Brèves] Possibilité, pour l'exploitant d'un site internet, de conserver certaines données à caractère personnel des visiteurs afin de se défendre contre les attaques cybernétiques

Réf. : CJUE, 19 octobre 2016, aff. C-582/14 (N° Lexbase : A9760R7M)

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Le 08 Novembre 2016

Une adresse de protocole internet (adresses IP) dynamique enregistrée par un fournisseur de services de médias en ligne à l'occasion de la consultation par une personne d'un site internet que ce fournisseur rend accessible au public constitue, à l'égard dudit fournisseur, une donnée à caractère personnel, lorsqu'il dispose de moyens légaux lui permettant de faire identifier la personne concernée grâce aux informations supplémentaires dont dispose le fournisseur d'accès à internet de cette personne. Et, le droit de l'Union (Directive 95/46 du 24 octobre 1995 N° Lexbase : L8240AUQ)s'oppose à une réglementation d'un Etat membre en vertu de laquelle un fournisseur de services de médias en ligne ne peut collecter et utiliser des données à caractère personnel afférentes à un utilisateur de ces services, en l'absence du consentement de celui-ci, que dans la mesure où cette collecte et cette utilisation sont nécessaires pour permettre et facturer l'utilisation concrète desdits services par cet utilisateur, sans que l'objectif visant à garantir la capacité générale de fonctionnement des mêmes services puisse justifier l'utilisation desdites données après une session de consultation de ceux-ci. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la CJUE le 19 octobre 2016 (CJUE, 19 octobre 2016, aff. C-582/14 N° Lexbase : A9760R7M). Dans cette affaire, un ressortissant allemand s'est opposé devant les juridictions allemandes à ce que les sites internet des services fédéraux allemands qu'il consulte enregistrent et conservent ses adresses IP. Ces services enregistrent et conservent, outre la date et l'heure de la consultation, les adresses IP des visiteurs afin de se prémunir contre des attaques cybernétiques et de rendre possibles les poursuites pénales. C'est dans ces circonstances que la CJUE énonçant la solution précitée, répond aux deux questions préjudicielles posée par la juridiction allemande. La Cour rappelle, notamment, que, selon le droit de l'Union, le traitement de données à caractère personnel est licite, entre autres, s'il est nécessaire à la réalisation de l'intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement ou par le ou les tiers auxquels les données sont communiquées, à condition que ne prévalent pas l'intérêt ou les droits et libertés fondamentaux de la personne concernée. La réglementation allemande, telle qu'interprétée majoritairement par la doctrine, réduit la portée de ce principe, en excluant que l'objectif de garantir la capacité générale de fonctionnement du média en ligne puisse faire l'objet d'une pondération avec l'intérêt ou les droits et libertés fondamentaux des visiteurs. Dans ce contexte, la Cour souligne que les services fédéraux allemands qui fournissent des services de médias en ligne pourraient avoir un intérêt légitime à garantir, au-delà de chaque utilisation concrète de leurs sites internet accessibles au public, la continuité du fonctionnement de leurs sites.

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Licenciement

[Brèves] Pas de versement de l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement en cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail

Réf. : Cass. soc., 19 octobre 2016, n° 14-25.067, F-P+B (N° Lexbase : A6466R9D)

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N4895BW9

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Le 08 Novembre 2016

L'indemnité prévue par l'article L. 1235-2 du Code du travail (N° Lexbase : L1340H9I), en cas de violation des règles de procédure, ne peut être allouée que lorsque le contrat de travail a été rompu par un licenciement, et n'est pas due en cas de prise d'acte par le salarié de la rupture de son contrat de travail. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 19 octobre 2016 (Cass. soc., 19 octobre 2016, 14-25.067, F-P+B N° Lexbase : A6466R9D ; voir aussi Cass. soc., 9 février 2011, n° 09-40.402, F-D N° Lexbase : A7243GW8).
En l'espèce, un salarié et une société ont conclu un contrat de prestations de transport de béton prêt pour l'emploi avec une société. Après avoir rompu ce contrat, le salarié saisit la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail. La cour d'appel condamne l'employeur au paiement d'une indemnité pour procédure de licenciement irrégulière au motif que la prise d'acte de rupture du contrat de travail avait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. L'employeur se pourvoit en cassation.
En énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction casse et annule l'arrêt rendu par la cour d'appel au visa de l'article L. 1235-2 du Code du travail. En statuant comme elle l'a fait, alors que le contrat de travail avait été rompu par une prise d'acte du salarié et non par un licenciement, la cour d'appel a violé le texte susvisé .

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Procédure pénale

[Chronique] Chronique de procédure pénale - Octobre 2016

Lecture: 24 min

N4892BW4

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par Jean-Baptiste Perrier, Professeur de droit privé à l'Université d'Auvergne, Directeur du Centre Michel de l'Hospital (EA4232 UdA), et Jean-Baptiste Thierry, Maître de conférences de droit privé à l'Université de Lorraine, Directeur de l'IEJ (IFG EA 7301)

Le 08 Novembre 2016

Lexbase Hebdo - édition privée vous invite à retrouver la chronique de procédure pénale de Jean-Baptiste Perrier, Professeur de droit privé à l'Université d'Auvergne, Directeur du Centre Michel de l'Hospital (EA4232 UdA), et Jean-Baptiste Thierry, Maître de conférences de droit privé à l'Université de Lorraine, Directeur de l'IEJ (IFG EA 7301). Jean-Baptiste Perrier succède ainsi à Guillaume Beaussonie, auteur précédent de cette chronique, que les auteurs tiennent à remercier. Parmi les arrêts récemment rendus, ont été retenues les décisions traitant des thèmes suivants : l'intérêt à agir pour contester une mesure de géolocalisation (Cass. crim., 7 juin 2016, n° 15-87.755, F-P+B) ; l'accès au dossier pendant la garde à vue (Cass. crim., 4 octobre 2016, n° 16-82.039, FS-P+B+I) ; la différence entre constatations visuelles et perquisition (Cass. crim., 5 octobre 2016, n° 16-81.843, F-P+B) ; la constitution de partie civile de l'auteur d'une infraction (Cass. crim., 21 septembre 2016, n° 16-82.082, F-P+B). Enfin, plusieurs décisions relatives à la détention provisoire retiennent l'attention, qu'il s'agisse de la censure par le Conseil constitutionnel de l'absence de voie de droit permettant de contester le refus d'un permis de visite ou le refus d'accès au téléphone (Cons. const., décision n° 2016-543 QPC, du 24 mai 2016), de la motivation du rejet d'une demande de mise en liberté (Cass. crim., 12 octobre 2016, n° 16-84.711, F-P+B), des conséquences de la non-comparution à l'audience du juge des libertés et de la détention en raison d'un dysfonctionnement judiciaire (Cass. crim., 5 octobre 2016, n° 16-84.629, FS-P+B+I), ou de l'information du tuteur de la personne mise en examen (Cass. crim., 12 juillet 2016, n° 16-82.714, F-P+B). I - Géolocalisation et intérêt à agir
  • En dehors du recours, par les autorités publiques, à un procédé déloyal, un mis en examen est irrecevable à contester la régularité de la géolocalisation en temps réel d'un véhicule volé et faussement immatriculé sur lequel il ne peut se prévaloir d'aucun droit (Cass. crim., 7 juin 2016, n° 15-87.755, F-P+B N° Lexbase : A6995RSU, cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E3111E4Y)

A la suite de la découverte d'un véhicule volé et faussement immatriculé, les officiers de police judiciaire, saisis de l'enquête de flagrance, ont obtenu du procureur de la République l'autorisation de placer, sur le véhicule découvert, un moyen de géolocalisation en temps réel. Le recours à ce procédé a permis d'identifier les suspects et de localiser également ledit véhicule sur les lieux du vol d'un autre véhicule, quelques jours plus tard. Ce second véhicule, découvert faussement immatriculé par les enquêteurs trois jours après son vol, a été à son tour géolocalisé, sur autorisation du procureur. La mesure de géolocalisation a alors permis d'interpeller les suspects.

Mis en examen dans le cadre de l'information judiciaire ouverte, ces derniers critiquent le recours au procédé de géolocalisation, au regard notamment de l'absence d'autorisation écrite telle que l'exige l'article 230-33 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L8963IZY).

La Chambre criminelle rejette le pourvoi des requérants, en refusant aux suspects la possibilité de critiquer la géolocalisation d'un véhicule volé. Elle considère en effet qu'"un mis en examen est irrecevable à contester la régularité de la géolocalisation en temps réel d'un véhicule volé et faussement immatriculé sur lequel il ne peut se prévaloir d'aucun droit, les dispositions conventionnelles et légales invoquées ne trouvant, dans ce cas, à s'appliquer".

Ce faisant, la Cour de cassation rappelle que la géolocalisation d'un véhicule volé n'est donc pas soumise aux dispositions des articles 230-32 (N° Lexbase : L8962IZX) et suivants du Code de procédure pénale, comme elle avait déjà pu l'indiquer dans une décision du 15 octobre 2014 (1). A l'époque, s'agissant d'une géolocalisation mise en oeuvre avant la loi du 28 mars 2014 (2), la Cour de cassation avait considéré que "la pose d'un procédé de géolocalisation à l'extérieur d'un véhicule volé et faussement immatriculé est étrangère aux prévisions de l'article 8 § 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L4798AQR)".

De prime abord, l'on pourrait considérer que cette décision du 7 juin 2016 n'est que la confirmation de la décision du 15 octobre 2014, refusant au "voleur" le bénéfice du cadre introduit par la loi n° 2014-372 du 28 mars 2014, relative à la géolocalisation (N° Lexbase : L8602IZM). Toutefois, à bien y regarder, il est intéressant de relever que la motivation a évolué, car elle devait évoluer. En effet, la décision du 15 octobre 2014 était fondée sur l'inapplicabilité, selon la Chambre criminelle, du droit au respect de la vie privée à une telle hypothèse. Or, les dispositions de la loi du 28 mars 2014 ne visent pas uniquement à la protection de la vie privée, même si l'encadrement posé répond à cet objectif fixé depuis les décisions du 22 octobre 2013 (3). Difficile alors d'éluder les dispositions nouvellement introduites dans le Code de procédure pénale en raison de cet objectif, certes poursuivi mais qui ne saurait être la condition de leur application.

Face à cette difficulté, la Chambre criminelle décèle dans l'espèce en cause une nouvelle occasion de développer sa jurisprudence relative à l'intérêt à agir en matière de nullité des actes réalisés au cours de la procédure pénale.

L'on se rappelle qu'après avoir considéré que seul le gardé à vue a qualité à agir pour contester la validité de cette mesure privative de liberté (4), la Chambre criminelle avait considéré que seule peut agir en nullité de la mesure de perquisition la personne pouvant se prévaloir d'un droit sur le local perquisitionné (5) et que seule peut agir en nullité de la mesure de sonorisation la personne pouvant se prévaloir d'un droit sur le local sonorisé ou dont la voix a été enregistrée (6). A ces premières hypothèses, il faut donc y ajouter celle résultant de la décision du 7 juin 2016 : seules les personnes pouvant se prévaloir d'un droit sur le véhicule géolocalisé (notamment le propriétaire) ont un intérêt à agir pour contester la régularité de la mesure de géolocalisation ; cette solution pourrait s'étendre à d'autres objets, au-delà du simple véhicule.

Cela étant, et à la différence des décisions précédentes, la Chambre criminelle apporte, dans cette décision du 7 juin 2016, une précision tout à fait intéressante. Elle réserve, en effet, l'hypothèse du "recours, par les autorités publiques, à un procédé déloyal". La référence à la déloyauté est ici remarquable et elle fait écho à la décision du 6 mars 2015 par laquelle la Cour de cassation avait consacré le principe de loyauté de la preuve pénale, prohibant tout stratagème mis en oeuvre par les autorités de poursuites visant à faire échec aux droits des suspects (7). Plus que cette seule référence, c'est bien la juxtaposition, au sein d'une même décision, de la restriction de la recevabilité de la demande de nullité, d'une part, et de la réserve tenant à la déloyauté, d'autre part, qui est intéressante. Comme cela pouvait déjà être déduit d'une précédente décision de la Chambre criminelle (8), la déloyauté est à l'évidence une irrégularité qui cause un grief non seulement à la personne concernée par la mesure mais aussi, et plus largement, à toutes les parties à la procédure. Ainsi, si seule la personne titulaire d'un droit sur le véhicule peut se prévaloir d'une géolocalisation irrégulière, toutes les personnes concernées par la procédure peuvent se prévaloir d'une atteinte à la loyauté, car toutes ont un droit à la loyauté de la procédure.

Jean-Baptiste Perrier

II - L'enquête

  • Les informations détaillées sur l'accusation doivent être communiquées au plus tard au moment où la juridiction est appelée à se prononcer sur le bien-fondé de l'accusation et l'accès à l'intégralité du dossier n'est garanti que lors de la phase juridictionnelle du procès pénal (Cass. crim., 4 octobre 2016, n° 16-82.039, FS-P+B+I N° Lexbase : A9343R4S ; cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E4307EU3)

Dans le cadre d'une enquête portant sur des faits de pratiques commerciales trompeuses et d'escroqueries en bande organisée, le requérant a été placé en garde à vue, à l'occasion de laquelle la qualification, la date et le lieu des infractions reprochées lui ont été communiqués, ses droits lui ont été notifiés, notamment l'accès aux pièces limitativement visées par l'article 63-4-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3162I3I).

Placé sous le statut de témoin assisté dans le cadre de l'instruction ouverte sur ces faits, qualifiés de pratiques commerciales trompeuses, d'escroqueries en bande organisée, d'abus de biens sociaux, d'abus de confiance, de présentation de comptes infidèles et de blanchiment en bande organisée, le requérant conteste alors la régularité de sa garde à vue, en raison de l'absence d'information donnée sur les faits matériels sur lesquels reposaient les qualifications juridiques, comme l'exigerait, selon lui, le préambule de la Directive dite "Information" du 22 mai 2012 (9), et en raison de l'absence d'accès au dossier. La chambre de l'instruction rejette sa demande et dans le cadre du pourvoi formé, le requérant renouvelle ces mêmes critiques.

Sans surprise, la décision de la Chambre criminelle du 4 octobre 2016 ne lui donne pas plus satisfaction, mais elle présente l'intérêt de se fonder sur le droit de l'Union européenne, sur la Directive du 22 mai 2012 en particulier, pour rejeter le pourvoi, et ce pour la première fois puisque les précédentes décisions étaient rendues alors que le délai de transposition n'était pas échu lors de la garde à vue (10).

S'agissant de l'information délivrée, la Chambre criminelle observe que la chambre de l'instruction a relevé que, dans le cadre de la Directive invoquée, "l'information sur la description des faits est préconisée 'en tenant compte du stade de la procédure pénale auquel une telle description intervient', que prenant en compte cette nécessaire gradation, l'article 6 § 2 de la Directive impose, en cas d'arrestation, la délivrance d'une information sur les motifs de l'arrestation, y compris de l'acte pénalement sanctionné imputé, tandis que l'article 6 § 3 impose une information détaillée au stade du jugement". Il y aurait donc une gradation, concernant la teneur de l'information, laquelle se précise pour être complète lors de la phase juridictionnelle. Une telle gradation semble logique car, lors de l'enquête, les informations peuvent parfois être parcellaires, incomplètes, et il est, dans certains cas, difficile de donner une information aussi précise que celle attendue lors du jugement. Surtout, selon la Cour de cassation, cette gradation est conforme aux exigences du droit du Conseil de l'Europe et du droit de l'Union européenne, puisque la Chambre criminelle relève que "les dispositions de l'article 5 § 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L4786AQC) ont pour seul objet d'aviser la personne arrêtée des raisons de sa privation de liberté afin qu'elle puisse en discuter la légalité devant un tribunal", ce qui n'impose pas une précision telle qu'invoquée par le requérant, avant de relever que "l'article 6 de la Directive du 22 mai 2012 [...] prescrit aux Etats-membres de veiller à ce que les personnes arrêtées soient informées de l'acte pénalement sanctionné qu'elles sont soupçonnées d'avoir commis mais précise que les informations détaillées sur l'accusation, notamment sur la nature de leur participation, doivent être communiquées au plus tard au moment où la juridiction est appelée à se prononcer sur le bien fondé de l'accusation et non pas nécessairement dès le stade de l'arrestation". Ainsi, après cette double observation, la Chambre criminelle délivre un label de conformité à l'article 63-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L4971K8M), lequel "constitue une transposition complète de l'article 6 de ladite Directive".

Si la gradation est admise, elle ne peut cependant impliquer que l'information délivrée lors de la garde à vue soit trop imprécise et donc insuffisante pour assurer le respect des droits de la défense. Tel n'était pas le cas en l'espèce, la Chambre criminelle approuvant les juges du fond d'avoir retenu que "l'information délivrée au requérant à travers les qualifications des infractions, la période et le lieu, lui a permis de prendre connaissance des motifs de son placement en garde à vue dans le respect de ses droits et d'exercer normalement sa défense" et que "le requérant était parfaitement à même de discerner les contours du secret professionnel qui s'imposait à lui en sa qualité d'avocat et les hypothèses où les nécessités de sa propre défense pouvaient l'en délier et qu'il avait également été dûment informé de son droit au silence s'il craignait de manquer aux devoirs de son état". Il pourrait être surprenant de considérer que la qualité d'avocat du requérant ayant fait l'objet d'une garde à vue conduise à retenir une "présomption" de connaissance de ses prérogatives, mais il n'en demeure pas moins qu'en l'espèce, les informations délivrées étaient suffisantes pour permettre l'exercice des droits de la défense.

S'agissant de l'absence d'accès à l'entier dossier, la Chambre criminelle rejette également l'argument, rejoignant ainsi la jurisprudence reconnaissant la conformité de cette absence au droit européen des droits de l'Homme (11). Dans cette décision du 7 juin 2016, la Chambre criminelle observe que "l'article 7 § 1 de la Directive du 22 mai 2012 [...] n'exige, à tous les stades de la procédure, qu'un accès aux documents relatifs à l'affaire en question détenus par les autorités compétentes qui sont essentiels pour contester de manière effective la légalité de l'arrestation ou de la détention, d'autre part, les § 2 et 3 de l'article 7 de ladite Directive laissent la faculté aux Etats-membres de n'ouvrir l'accès à l'intégralité des pièces du dossier que lors de la phase juridictionnelle du procès pénal". De nouveau, la Chambre criminelle profite de l'occasion pour délivrer un nouveau label de conformité, en observant que "l'article 63-4-1 du Code de procédure pénale constitue une transposition complète de l'article 7 de la Directive".

Jean-Baptiste Perrier

  • De simples constatations visuelles réalisées sur un véhicule automobile ne sont pas assimilables à une perquisition (Cass. crim., 5 octobre 2016, n° 16-81.843, F-P+B N° Lexbase : A4465R7I ; cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E4237EUH)

Au cours d'une enquête préliminaire, des enquêteurs, après avoir obtenu l'autorisation du syndic de copropriété, pénètrent dans le parking d'un immeuble où le suspect réside et effectuent des constatations sur un véhicule volé faussement immatriculé. Ultérieurement mis en examen pour infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs, recel et usage de fausses plaques d'immatriculation, l'individu poursuivi soulève la nullité de ces constatations, qu'il assimile à une perquisition. La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, le 4 mars 2016, rejette la requête. Le mis en examen forme un pourvoi en cassation, rejeté par la Cour de cassation dans cet arrêt du 5 octobre 2016. La Chambre criminelle s'intéresse d'abord aux conditions de l'entrée des enquêteurs dans le parking, d'une part, et aux opérations réalisées, d'autre part.

S'agissant de l'entrée des enquêteurs dans le parking, la Cour retient que les policiers ont été spécialement autorisés, en connaissance de cause, par le syndic de copropriété à pénétrer dans les parties communes de la résidence. Le demandeur au pourvoi faisait valoir que cette autorisation aurait dû être précédée d'une autorisation de la majorité des copropriétaires. La Cour de cassation n'entre pas dans cette discussion, reconnaissant au seul syndic le pouvoir de délivrer l'autorisation de pénétrer dans les parties communes d'un immeuble. La solution n'est guère surprenante et vient confirmer une position bien établie de la Chambre criminelle. L'autonomie de la matière pénale justifie pleinement cette absence de considération pour le droit de la copropriété, qui aurait nécessité une assemblée générale des copropriétaires. La Cour a déjà estimé que les constatations visuelles réalisées dans un parking étaient tout à fait régulières, dès lors que les enquêteurs avaient été autorisés à y pénétrer par un résident, en l'absence d'identification du syndic (12). Dans l'arrêt commenté, le syndic avait, sur réquisitions des enquêteurs, fourni une attestation d'accès à tous les espaces communs intérieurs de la résidence. Bien que non datée, l'attestation n'était pas contestée. Il n'est donc nul besoin de l'intervention de l'assemblée générale des copropriétaires pour autoriser la visite domiciliaire des enquêteurs dans les parties communes.

S'agissant des opérations réalisées, le demandeur au pourvoi prétendait qu'il s'agissait d'une perquisition, définie comme "la recherche, à l'intérieur d'un lieu normalement clos, des indices permettant d'établir l'existence d'une infraction ou d'en déterminer l'auteur". La chambre de l'instruction a refusé cette qualification de perquisition et la Chambre criminelle confirme cette solution, précisant que les simples constatations visuelles ne sont pas assimilables à une perquisition et n'entrent donc pas dans les prévisions de l'article 76 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7225IMK). Nul besoin de l'assentiment du détenteur du véhicule pour constater visuellement que les plaques d'immatriculation étaient fausses. La solution aurait sans doute été différente si les enquêteurs avaient pénétré dans le véhicule. Mais en l'espèce, ils se sont contentés d'en constater la présence et de relever le numéro des plaques. La solution mérite l'approbation. De telles constatations auraient tout à fait pu être effectuées à l'extérieur du parking, sans pour autant que l'assentiment du conducteur soit sollicité.

Jean-Baptiste Thierry

III - Constitution de partie civile

  • L'auteur d'une infraction n'est pas recevable à se constituer partie civile à l'encontre des personnes qui l'auraient incité à commettre celle-ci, en alléguant du préjudice que lui causerait une éventuelle condamnation (Cass. crim., 21 septembre 2016, n° 16-82.082, F-P+B N° Lexbase : A0049R4L ; cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E2054EUM)

Convoquée devant le tribunal correctionnel sous la prévention de fausse déclaration à une personne publique ou à un organisme chargé d'une mission de service public en vue d'obtenir une allocation, une prestation ou un avantage indu, la prévenue a fait citer directement à la même audience celui qui, selon elle, l'aurait incitée à commettre cette infraction. Elle demandait à ce qu'il soit déclaré coupable de cette infraction et qu'il soit condamné à indemniser le préjudice subi par elle, constitué par les sommes qu'elle devrait rembourser aux organismes sociaux. Si une telle demande semble plus qu'osée, sa recevabilité a tout de même été discutée.

Cette citation directe et la constitution de partie civile ont été déclarées irrecevables par le tribunal correctionnel ; elles ont, toutefois, été accueillies devant la cour d'appel, l'intéressée renouvelant ses demandes. Saisie du pourvoi formé par le procureur général près la cour d'appel, lequel n'a pas attendu les débats au fond, la Chambre criminelle censure la solution des juges du second degré. Après avoir rappelé, en tant que principe, l'article 2 du Code de procédure pénale , en indiquant que "l'action civile n'est recevable devant les juridictions répressives qu'autant que la partie qui l'exerce a souffert d'un dommage personnel directement causé par l'infraction", la Chambre criminelle refuse que l'auteur d'une infraction puisse "se constituer partie civile à l'encontre des personnes qui l'auraient incité à commettre celle-ci, en alléguant du préjudice que lui causerait une éventuelle condamnation".

La décision de la Chambre criminelle est ici heureuse et il est aisé de la rapprocher de l'hypothèse précédente où la Chambre criminelle avait considéré comme justifiée la décision déclarant irrecevable la plainte avec constitution de partie civile d'une personne condamnée pour meurtre et qui entendait poursuivre les personnes qui l'auraient trompé et poussé à commettre son crime en lui présentant de fausses cartes officielles (13). La même solution vaut encore lorsque la personne qui, sciemment et de mauvaise foi, avait remis une somme d'argent à l'auteur d'un trafic d'influence en vue d'obtenir une décision favorable, demande le remboursement des sommes versées (14).

Il est, toutefois, intéressant de relever que, dans cette décision du 21 septembre 2016, l'intéressée demandait la réparation du préjudice causé par la condamnation, de telle sorte que l'on pourrait voir ici la manifestation de l'adage nemo auditur propriam turpitudinem allegans. Or, si l'adage sous-tend peut-être l'esprit de la décision, il n'est pas visé par la Chambre criminelle -qui ne l'a d'ailleurs jamais visé- cette dernière préférant se fonder sur les termes de l'article 2 du Code de procédure pénale.

L'enjeu de cette difficulté telle qu'appréhendée par la Cour de cassation est alors de savoir si la réparation du dommage causé est, en elle-même, un préjudice réparable au sens de l'article 2, si ce "dommage de réparation" découle directement de l'infraction. La réponse ne peut être ici que négative, en ce que la réparation du dommage n'est pas la conséquence directe de l'infraction, même si cette dernière en est la cause, mais elle est la conséquence du jugement de condamnation, cette décision étant un événement intermédiaire excluant le caractère direct du lien de causalité.

Jean-Baptiste Perrier

IV - Détention provisoire

  • L'absence de voie de droit permettant de contester le refus d'un permis de visite ou le refus d'accès au téléphone lors de la détention provisoire méconnaît le droit à un recours juridictionnel effectif (Cons. const., décision n° 2016-543 QPC du 24 mai 2016 N° Lexbase : A1685RQH ; cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E4470EU4)

Saisi d'une question soulevée par la Société française de l'Observatoire international des prisons et renvoyée par le Conseil d'Etat (15), le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur la conformité à la Constitution de l'article 145-4 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L6081K8Q). Dans sa version en vigueur lors de la décision, ce texte prévoyait qu'à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la décision de placement en détention provisoire, le juge d'instruction ne peut refuser de délivrer un permis de visite à un membre de la famille de la personne détenue que par une décision écrite et spécialement motivée au regard des nécessités de l'instruction, cette décision pouvant être contestée devant le président de la chambre de l'instruction. Or, selon les requérants, en ne visant que les décisions concernant les membres de la famille, cette disposition empêcherait tout recours contre les décisions de refus de permis de visite à un non-membre de la famille. De plus, le texte ne prévoit aucun délai pour statuer, y compris lorsqu'il s'agit d'un permis de visite à un membre de la famille. Par ailleurs, le texte n'offre aucune voie de recours contre les refus d'accès au téléphone, lequel n'est donc pas garanti aux personnes en détention provisoire.

Dès lors, selon l'association requérante, l'article 145-4 méconnaîtrait notamment le droit à un recours juridictionnel effectif et le droit au respect de la vie privée.

Le Conseil constitutionnel accueille favorablement les arguments présentés. Selon lui, au regard des conséquences qu'entraînent, pour les personnes placées en détention provisoire, les décisions de refus de permis de visite (autres que ceux demandés par les membres de la famille) et les décisions de refus d'accès au téléphone, l'absence de voie de droit permettant de contester le refus du magistrat méconnaît les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 (N° Lexbase : L1363A9D), le droit au respect de la vie privée et le droit de mener une vie familiale normale.

Au surplus, l'absence de délai imparti au juge d'instruction pour répondre à une demande de permis de visite d'un membre de la famille de la personne en détention provisoire n'ouvre aucune voie de recours en l'absence de réponse du juge et méconnaît, elle aussi, les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789.

Par cette décision du 24 mai 2016, le Conseil constitutionnel appelle ainsi à un rapprochement des voies de recours reconnues à la personne détenue, que la détention ait lieu à titre provisoire ou à titre de peine, pour contester des décisions lui refusant la possibilité de communiquer avec ses proches ou d'en recevoir les visites.

Ce rapprochement est d'ores et déjà réalisé par la loi du 3 juin 2016, dite loi "Urvoas" (16), au nom de la Directive du 22 novembre 2013 (17), loi en cours d'adoption lors de la décision du Conseil, ce qu'il n'a d'ailleurs pas manqué de relever.

L'inconstitutionnalité constatée et reportée dans ses effets au 31 décembre 2016 a donc été rapidement corrigée, l'article 145-4 du Code de procédure pénale prévoyant, à compter du 1er novembre 2016, cette possibilité de demander l'accès au téléphone, et l'obligation pour le juge de statuer dans un délai de vingt jours et ce quelle que soit la demande.

Jean-Baptiste Perrier

  • Le rejet d'une demande de mise en liberté peut être en partie justifié par l'existence d'une condamnation non définitive (Cass. crim., 12 octobre 2016, n° 16-84.711, F-P+B, N° Lexbase : A9727R7E ; cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E7827EX8)

Un individu est condamné pour infractions à la législation sur les stupéfiants et importation non autorisée de stupéfiants. La cour d'appel prononce une peine de trois ans d'emprisonnement avec mandat de dépôt, et une interdiction définitive du territoire français. La décision de condamnation est frappée d'un pourvoi en cassation. Le prévenu forme une demande de mise en liberté, rejetée par la cour d'appel de Nîmes le 5 avril 2016. Les juges se fondent sur différents éléments : gravité des faits commis, non-justification d'une promesse d'embauche ou d'une possibilité d'hébergement, garanties de représentation illusoires, inadéquation d'un contrôle judiciaire ou d'un placement sous surveillance électronique.

Le prévenu se pourvoit en cassation, contestant la motivation de la cour d'appel, l'estimant attentatoire à la présomption d'innocence.

La Chambre criminelle rejette le pourvoi, retenant que la cour d'appel "a pu, sans porter atteinte à la présomption d'innocence, faire état notamment d'une condamnation, même non encore définitive, prononcée à l'encontre du demandeur".

La solution n'est guère surprenante car, s'il faut bien évidemment rester vigilant sur le respect de la présomption d'innocence, la Cour pouvait difficilement remettre en cause la légitimité du mandat de dépôt et, plus largement, de la détention provisoire. Au reste, comme elle le précise, le rappel de la condamnation ayant donné lieu au mandat de dépôt n'était qu'un élément parmi d'autres dans la motivation de la cour d'appel, qui se fondait principalement sur les insuffisances de la demande de mise en liberté. Raisonner différemment en empêchant les juges de prendre en compte la condamnation ayant justifié le mandat de dépôt reviendrait en réalité à supprimer le principe même du mandat de dépôt, nécessairement attentatoire à la présomption d'innocence. Ce mandat de dépôt s'analyse en outre comme une mesure de sûreté.

La décision peut être rapprochée d'un arrêt rendu le 17 septembre 2014 (18) où la Cour de cassation avait refusé de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. Etait en cause l'article 464-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9940IQ9), relatif au maintien en détention. La Cour avait estimé que la présomption d'innocence n'était pas atteinte, car "la décision de maintien en détention du tribunal concerne non plus une personne mise en examen, bénéficiant à ce titre de la présomption d'innocence, mais un prévenu ayant fait l'objet d'une déclaration de culpabilité et contre lequel une peine a été prononcée". La solution est plus nuancée dans l'arrêt commenté, puisque la Cour laisse entendre que le rejet de la mise en liberté aurait été irrégulier s'il avait été entièrement motivé par la condamnation ayant donné lieu au mandat de dépôt.

Jean-Baptiste Thierry

  • La non-comparution du mis en examen à l'audience du juge des libertés et de la détention, en raison d'un dysfonctionnement dans l'organisation du service en charge des extractions judiciaires, empêche le placement en détention provisoire (Cass. crim., 5 octobre 2016, n° 16-84.629, FS-P+B+I N° Lexbase : A9344R4T ; cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E4471EU7)

Les dysfonctionnements de l'institution judiciaire entraînent des conséquences qui vont bien au-delà des conditions de travail des magistrats, puisqu'ils peuvent aboutir à une méconnaissance des règles du Code de procédure pénale. Un individu mis en examen des chefs de séquestration et infractions à la législation sur les stupéfiants en récidive, comparaît le 3 juin 2016 devant le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance du Havre, pour qu'il soit statué sur son placement en détention provisoire. Le mis en examen sollicite un délai pour préparer sa défense, conformément à l'article 145, alinéa 7, du Code de procédure pénale. Le juge des libertés et de la détention, conformément aux dispositions de l'alinéa 8 de ce texte, rend donc une ordonnance motivée, prescrivant l'incarcération du mis en examen jusqu'à l'audience prochaine, fixée au 8 juin. Il adresse immédiatement à l'Autorité de régulation et de programmation des extractions judiciaires une réquisition aux fins d'extraire l'individu de la maison d'arrêt, en vue de l'audience. La veille de l'audience, le 7 juin, cette autorité répond que l'extraction ne sera pas possible, faute d'effectif. Le juge des libertés et de la détention adresse alors une réquisition au service de gendarmerie, qui répond -le jour même- dans le même sens. Le juge propose alors de recourir à la visioconférence, ce que le mis en examen refuse, usant d'une possibilité que lui reconnaît l'article 706-71 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5024K8L). Estimant qu'il lui est impossible de se rendre à la maison d'arrêt en raison de sa charge de travail, et qu'il ne peut pas reporter le débat contradictoire, le juge des libertés et de la détention constate l'existence de circonstances insurmontables, recueille les observations de l'avocat, et ordonne le placement en détention provisoire. Le mis en examen et le procureur de la République relèvent appel de l'ordonnance de placement en détention provisoire. La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rouen, le 17 juin, annule l'ordonnance et ordonne la remise en liberté du mis en examen. Elle précise que le constat par le juge des libertés et de la détention de l'épuisement des limites de ses propres diligences n'était pas assimilable à des circonstances imprévisibles et insurmontables. La Chambre criminelle rejette le pourvoi formé par le procureur général, confirmant ainsi la remise en liberté.

La décision de la Cour de cassation est courageuse car elle prend le risque de la mise en liberté d'un individu. Elle est tout à fait justifiée car il ne saurait être question de faire peser les contraintes d'organisation des services judiciaires sur les épaules d'une personne poursuivie. Rien ne peut justifier qu'elle subisse une privation de liberté dans ce cas. La Cour prend d'ailleurs la peine de préciser, sur le fondement de l'article 145, alinéa 8, du Code de procédure pénale, que le placement en détention provisoire ordonné à la suite d'un débat contradictoire tenu en l'absence de la personne mise en examen incarcérée, est possible, à la condition que cette non-comparution soit imputable à "l'existence de circonstances imprévisibles et insurmontables extérieures au service de la justice". Elle précise que le dysfonctionnement dans l'organisation du service en charge des extractions judiciaires n'est pas extérieur au service de la justice.

Ce faisant, la Cour précise la notion de circonstances imprévisibles et insurmontables qui peuvent justifier la non-comparution du mis en examen au débat contradictoire relatif à la détention provisoire. Elle avait déjà eu l'occasion de préciser que de telles circonstances sont caractérisées dans l'hypothèse d'une grève du personnel pénitentiaire (19) qui s'oppose à toute extraction de détenus ainsi qu'à toute entrée du magistrat instructeur dans les locaux de la détention (20). De telles circonstances sont également caractérisées lorsqu'un barreau décide de suspendre toute participation des avocats au service des commissions d'office (21). Il en va de même dans le cas de barrages routiers empêchant la circulation et occupant la gendarmerie à des tâches de maintien de l'ordre (22).

Les dysfonctionnements du service des extractions judiciaires ne sauraient justifier l'absence de débat contradictoire. Il ne s'agit pas de nier les difficultés rencontrées par le juge des libertés et de la détention, mais de ne pas faire peser ces difficultés sur la personne placée en détention provisoire qui n'a pas à pâtir des carences de ceux-là mêmes chargés de la mise en oeuvre de la détention provisoire. Le législateur serait bien inspiré de rapidement donner au juge des libertés et de la détention un statut spécifique lui permettant d'assurer l'intégralité de ses missions. Au lieu de cela, il préfère multiplier les hypothèses où son contrôle doit intervenir, sans considération de l'organisation des tribunaux.

Jean-Baptiste Thierry

  • Le tuteur d'une personne majeure protégée doit être avisé de la date de toute audience concernant la personne protégée, y compris s'agissant d'audiences relatives à la détention provisoire (Cass. crim., 12 juillet 2016, n° 16-82.714, F-P+B N° Lexbase : A8586RXB ; cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E2100EUC)

Une femme placée sous tutelle est mise en examen pour meurtre aggravé. Le juge des libertés et de la détention ordonne son placement en détention provisoire. L'ordonnance est confirmée par la chambre de l'instruction de Colmar, le 10 mars 2016. Saisie d'un pourvoi formé par la mise en examen, la Chambre criminelle casse et annule l'arrêt au visa de l'article 706-113 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L6284H9M), le tuteur n'ayant pas été avisé de la date d'audience relative à la détention provisoire.

L'arrêt "Vaudelle contre France" du 30 janvier 2001 (23) avait estimé que l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L7558AIR) n'était pas respecté lorsqu'une personne poursuivie, placée sous curatelle, n'avait pas pu bénéficier de l'assistance de son curateur. Le législateur avait tiré les conséquences de cette décision et la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs (N° Lexbase : L6046HUH), a ajouté dans le Code de procédure pénale un titre consacré à la poursuite, l'instruction et au jugement des infractions commises par des majeurs protégés. L'article 706-113 du Code de procédure pénale précise ainsi que le procureur de la République, ou le juge d'instruction, doit aviser le curateur ou le tuteur, ainsi que le juge des tutelles, des poursuites dont la personne protégée fait l'objet. Le texte exige également cette information dans le cas d'une mesure dite alternative aux poursuites. Le texte est, en revanche, muet sur la question de la détention provisoire.

La Cour de cassation vient ici combler ce silence de la loi en interprétant de manière téléologique l'article 706-113 du Code de procédure pénale. Sa motivation est claire : le tuteur d'une personne protégée doit être avisé de la date de toute audience concernant la personne protégée. La solution avait déjà été posée dans un arrêt du 3 avril 2012, s'agissant de l'audience de jugement d'une personne placée sous curatelle. A notre connaissance, c'est la première fois que la Cour de cassation a l'occasion de préciser que l'information du tuteur ou du curateur est exigée pour le contentieux de la détention provisoire. Toute autre solution aurait été difficilement envisageable. Le visa retenu par la Cour est toutefois surprenant, celle-ci se référant à l'article 706-113 du Code de procédure pénale, qui n'envisage pas cette hypothèse. Il aurait été tout aussi envisageable de viser l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme.

Jean-Baptiste Thierry


(1) Cass. crim., 15 octobre 2014, n° 14-85.056, F-P+B+I (N° Lexbase : A6645MYR).
(2) Loi n° 2014-372 du 28 mars 2014, relative à la géolocalisation (N° Lexbase : L8602IZM).
(3) Cass. crim., 22 octobre 2013, FS-P+B, deux arrêts, n° 13-81.945 (N° Lexbase : A4672KND), et n° 13-81.949 (N° Lexbase : A4648KNH).
(4) Cass. crim., 14 février 2012, n° 11-84.694, FS-P+B+R (N° Lexbase : A3688ICL).
(5) Cass. crim., 14 octobre 2015, n° 15-81.765, FS-P+B (N° Lexbase : A5906NTW).
(6) Cass. crim., 26 juin 2013, n° 13-81.491, F-P+B (N° Lexbase : A8541KI8).
(7) Ass. plén., 6 mars 2015, n° 14-84.339, P+B+R+I (N° Lexbase : A7737NCK).
(8) Cass. crim., 11 décembre 2015, n° 15-82.013, FS-P+B (N° Lexbase : A8544NZH).
(9) Directive (UE) 2012/13 du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales (N° Lexbase : L3181ITY).
(10) Cass. crim., 9 avril 2015, n° 14-87.660, F-P+B (N° Lexbase : A5184NG4).
(11) Cass. crim., 19 septembre 2012, n° 11-88.111, FS-P+B (N° Lexbase : A0985ITN).
(12) Cass. crim., 23 octobre 2013, n° 13-82.762, F-P+B (N° Lexbase : A4762KNP). V. également, sans référence à l'identification du syndic : Cass. crim., 23 janvier 2013, n° 12-85.059 (N° Lexbase : A8792I3Z).
(13) Cass. crim., 28 octobre 1997, n° 96-85.880 (N° Lexbase : A3749CK3).
(14) Cass. crim., 7 février 2001, n° 00-83.023 (N° Lexbase : A5028AW7).
(15) CE, 9° et 10 s-s-r., 24 février 2016, n° 395126 (N° Lexbase : A4495QDT).
(16) Loi n° 2016-731 du 3 juin 2016, renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale (N° Lexbase : L4202K87) ; v. J.-B. Thierry, La réforme pénale du 3 juin 2016 : la lettre des dispositions relatives à la procédure pénale (l'instruction et le jugement), Lexbase éd. priv., n° 662, 2016 (N° Lexbase : N3536BWU).
(17) Directive (UE) 2013/48 du Parlement européen et du Conseil du 22 novembre 2013 relative au droit d'accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et des procédures relatives au mandat d'arrêt européen, au droit d'informer un tiers dès la privation de liberté (N° Lexbase : L5328IYY).
(18) Cass. crim., 17 septembre 2014, n° 14-84.582, F-D (N° Lexbase : A8351MW9).
(19) Cass. crim., 5 mars 2002, n° 01-88.625 (N° Lexbase : A9054CMB).
(20) Cass. crim., 31 janvier 1989, n° 88-86.527 (N° Lexbase : A6243CKG).
(21) Cass. crim., 11 juillet 1990, n° 90-82.613 (N° Lexbase : A2169ABX).
(22) Cass. crim., 28 avril 1998, n° 98-80.754 (N° Lexbase : A3072ACR).
(23) CEDH, 30 janvier 2001, Req. 35683/97 (N° Lexbase : A7633AWM).
(24) Cass. crim., 3 avril 2012, n° 11-82.847, F-D (N° Lexbase : A7035IL7).

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Procédures fiscales

[Brèves] Obtention de documents de manière frauduleuse par un tiers sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition

Réf. : CE 8° et 3° ch.-r., 20 octobre 2016, n° 390639, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0128R8A)

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Le 08 Novembre 2016

En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Toutefois, la seule circonstance que, avant de mettre en oeuvre à l'égard du contribuable les pouvoirs qu'elle détient aux fins de procéder au contrôle de sa situation fiscale et de recueillir les éléments nécessaires pour, le cas échéant, établir des impositions supplémentaires, l'administration aurait disposé d'informations relatives à ce contribuable issues de documents obtenus de manière frauduleuse par un tiers est, par-elle-même, sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition. Telle est la solution retenue par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 20 octobre 2016 (CE 8° et 3° ch.-r., 20 octobre 2016, n° 390639, mentionné aux tables du recueil N° Lexbase : A0128R8A). En l'espèce, le requérant soutenait que son nom figurait sur un fichier dérobé à une banque suisse et détenu par l'administration fiscale et que cette circonstance était à l'origine du déclenchement du contrôle fiscal dont il avait fait l'objet. Dans un premier temps, en faisant peser sur le contribuable la charge d'établir que son nom figurait sur un document dont il ne disposait pas et dont l'administration n'avait jamais contesté être en possession, la cour a méconnu les règles de dévolution de la charge de la preuve (CAA Paris, 2 avril 2015, n° 14PA00337 N° Lexbase : A7197NQM). Cependant, la Haute juridiction n'a pas donné suite au pourvoi du requérant car, au cas présent, pour opérer les redressements litigieux, procédant de la taxation de revenus d'avoirs non déclarés que l'intéressé détenait sur un compte en Suisse via une structure située dans les Iles Vierges britanniques, l'administration s'était exclusivement fondée sur les documents bancaires que le contribuable lui avait communiqués et sur les investigations qu'elle avait conduites au cours de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de celui-ci, ce dont elle a déduit que manquait en fait le moyen tiré de ce que l'administration se serait fondée, pour établir les impositions en litige, sur des preuves déloyales résultant d'un vol de données commis au détriment de la banque suisse. Si le requérant soutient, en outre, à l'appui de sa contestation du bien-fondé des impositions, que l'administration aurait utilisé ces données de manière indirecte pour l'inciter à lui fournir des informations sur ses avoirs non déclarés, en méconnaissance de son droit à ne pas procéder à sa propre incrimination, ce moyen, qui n'est pas d'ordre public, ne peut être utilement soulevé pour la première fois en cassation .

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Régimes matrimoniaux

[Brèves] Donation rémunératoire au titre de la collaboration professionnelle du conjoint et contribution aux charges du mariage

Réf. : Cass. civ. 1, 19 octobre 2016, n° 15-25.879, FS-P+B+I (N° Lexbase : A9765R7S)

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Le 08 Novembre 2016

Le financement par un époux d'une acquisition faite en indivision pendant le mariage ne rémunère la collaboration professionnelle de son conjoint que si celle-ci a excédé sa contribution aux charges du mariage. Telle est la solution qui se dégage d'un arrêt rendu le 19 octobre 2016 par la première chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 19 octobre 2016, n° 15-25.879, FS-P+B+I (N° Lexbase : A9765R7S). En l'espèce, pour dire que la donation, consentie par M. C. à Mme P., de l'immeuble ne pouvait être révoquée, la cour d'appel de Bourges avait retenu que l'épouse avait participé volontairement et gratuitement à l'activité de la société dirigée par son mari, et que, dans ces conditions, le fait pour celui-ci de payer, en lieu et place de son épouse, la part qui lui incombait dans le prix d'acquisition de l'immeuble constituant le domicile conjugal, ne pouvait s'analyser comme une donation (CA Bourges, 2 juillet 2015, n° 14/01469 N° Lexbase : A5612NMS). Le raisonnement est censuré par la Cour suprême qui retient qu'en se déterminant ainsi, sans constater que la participation de l'épouse avait excédé son obligation de contribuer aux charges du mariage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 214 du Code civil (N° Lexbase : L2382ABT) et de l'article 1096 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 (N° Lexbase : L1183ABG) (cf. l’Ouvrage "Droit des régimes matrimoniaux" N° Lexbase : E8765ETS ; sur l'autre point de l'arrêt relatif à la révocation d'une donation pour ingratitude, cf. N° Lexbase : N4924BWB ; et sur l'autre point relatif à la possibilité pour un avocat d'être désigné en qualité de professionnel qualifié, au sens de l'article 255, 9° du Code civil N° Lexbase : N4946BW4).

newsid:454927

Rel. collectives de travail

[Jurisprudence] Le Conseil constitutionnel et les accords dérogatoires

Réf. : Cons. const., décision n° 2016-579 QPC du 5 octobre 2016 (N° Lexbase : A8085R49)

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par Christophe Radé, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 08 Novembre 2016

Plus de six ans après l'entrée en vigueur de la procédure de QPC, le bilan est relativement modeste si on s'en tient au nombre des décisions abrogées, et à leur impact réel sur le monde du travail. Cette décision du 5 octobre 2016 est donc d'autant plus intéressante qu'elle conduit le Conseil à prononcer sa neuvième censure en droit du travail au nom du respect du principe de participation et en se fondant sur un grief d'incompétence négative. La décision concerne la possibilité reconnue aux partenaires sociaux au sein de la Caisse des dépôts et consignations de conclure des accords collectifs dans des conditions dérogeant aux critères de droit commun définis après la réforme de la démocratie sociale de 2008 (I) ; elle ne livre malheureusement pas de véritable enseignement concernant la portée et le contenu même du principe de participation, ce qu'on peut regretter notamment dans le contexte de l'intervention future du législateur rendue nécessaire par l'abrogation programmée des dispositions censurée le 31 décembre 2017 (II).
Résumé

Le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les mots : "d'une part, sur la désignation et les compétences de délégués syndicaux communs pouvant intervenir auprès des personnes morales visées à l'alinéa précédent et bénéficiant des dispositions de la section 3 du chapitre II du titre Ier du livre IV du Code du travail. Ils portent, d'autre part," figurant au sixième alinéa de l'article 34 de la loi n° 96-452 du 28 mai 1996 (N° Lexbase : L8569AI9), ainsi que les mots : "les délégués syndicaux communs et" figurant au septième alinéa du même article.

I - La censure des dispositions autorisant la conclusion d'accords dérogatoires sans précisions suffisantes

Contexte. Le 6 juillet dernier, la Chambre sociale de la Cour de cassation transmettait au Conseil constitutionnel une QPC mettant en cause la conformité de l'article 34 modifié de la loi n° 96-452 du 28 mai 1996 qui habilite le directeur de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) à conclure des accords collectifs portant sur la désignation et les compétences des délégués syndicaux communs aux agents publics et aux salariés qui relèvent du Code du travail et qui, selon la jurisprudence de la Cour de cassation (1), dérogent aux dispositions légales relatives à la détermination de la représentativité syndicale, sans préciser la nature et les conditions des dérogations susceptibles d'être apportées à ces règles légales, ni poser la moindre règle de nature à garantir la légitimité et l'aptitude des syndicats susceptibles d'être considérés représentatifs en vertu de ce dispositif dérogatoire, à représenter et à engager l'ensemble des travailleurs du groupe. Pour les demandeurs, ce texte ne serait ainsi pas conforme au principe de participation des travailleurs et à la détermination collective des conditions de travail, prévu par le huitième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (N° Lexbase : L6821BH4) et à l'article 34 de la Constitution (N° Lexbase : L1294A9S).

Les requérants demandaient donc l'application de la jurisprudence "Kimberly Clark" qui permet, dans le cadre de la procédure de QPC, d'invoquer l'incompétence négative du Parlement, grief qui n'est pas en lui-même susceptible d'être admis puisqu'il ne s'agit pas à proprement parler d'une atteinte à un droit ou une liberté que la Constitution garantit, dès lors que celle-ci "affecte par elle-même l'exercice d'un droit ou d'une liberté que la Constitution garantit" (2).

Ce grief avait déjà été invoqué devant le Conseil à l'occasion de la QPC présentée par la société "Séphora" (3), en vain. Sur vingt-quatre tentatives recensées à la date du 5 octobre 2016, toutes matières confondues, seules trois QPC ont été couronnées de succès sur ce fondement (4), dont une seule en droit du travail qui avait conduit à l'abrogation de l'article L. 2261-19 du Code du travail (N° Lexbase : L2451H9N) qui renvoyait à la détermination du cadre applicable au portage salarial et qui affectait (notamment) l'exercice du principe de participation (5).

Il était donc particulièrement intéressant d'observer si le Conseil constitutionnel confirmerait sa tendance générale restrictive ou déciderait de censurer un dispositif dérogatoire au droit commun, par trop lacunaire, ce qu'il a finalement fait.

La décision. Le Conseil reprend tout d'abord la formule initiée en 1977 selon laquelle "c'est au législateur qu'il revient de déterminer, dans le respect du principe énoncé au huitième alinéa du Préambule, les conditions et garanties de sa mise en oeuvre" (6).

En 1996, lors de l'adoption de la première expérimentation législative en matière de négociation d'entreprises dépourvues de délégués syndicaux, le Conseil constitutionnel avait admis qu'un accord de branche étendu puisse déroger à la compétence d'ordre public des syndicats représentatifs après avoir relevé au passage que ces derniers n'avaient qu'une "vocation naturelle" à négocier, mais pas de monopole constitutionnel (7).

Le Conseil rappelle également la formule dégagée en 2000 à l'occasion de la loi "Aubry II" selon laquelle le législateur peut confier aux partenaires sociaux le soin de préciser (8), par voie d'accords, "les modalités concrètes d'application des normes qu'il édicte", dès lors qu'il a lui-même "défini les droits et obligations touchant aux conditions et aux relations de travail" (9), c'est-à-dire les "principes fondamentaux" du droit du travail qu'il lui appartient de déterminer par application de l'article 34 de la Constitution (10). C'est ainsi que le Conseil constitutionnel avait admis que le législateur pouvait renvoyer à un accord collectif pour déroger aux règles applicables en matière de communication d'informations au comité d'entreprise, l'objet et les critères admis étant suffisamment précis tant pour ce qui concernait la périodicité et le contenu obligatoires du rapport qui, dans une telle hypothèse, devait se substituer aux documents requis, ainsi que les modalités de sa communication aux membres du comité d'entreprise (11).

Lors de la décision du 11 avril 2014 qui avait conduit à l'abrogation de l'article L. 1251-64 du Code du travail (N° Lexbase : L8532IAA), qui n'avait pas déterminé avec suffisamment de précision le cadre légal du portage salarial, au regard des droits collectifs des salariés et singulièrement du principe de précaution, le Conseil constitutionnel avait précisé, pour marquer son attachement au rôle du législateur en la matière, qu'"il lui appartient d'exercer pleinement la compétence que lui confie l'article 34 de la Constitution" (12).

Le Conseil reprend également la formule consacrée en 2004 selon laquelle "lorsque le législateur autorise un accord collectif à déroger à une règle qu'il a lui-même édictée et à laquelle il a entendu conférer un caractère d'ordre public, il doit définir de façon précise l'objet et les conditions de cette dérogation" (13).

C'est cette dernière formule, reprise de la décision de 2004, qui justifie ici la censure, et qui mérite d'être discutée, en droit comme en fait.

II - Une censure minimaliste

En droit tout d'abord, la solution mérite d'être discutée. En visant les hypothèses dans lesquelles "le législateur autorise un accord collectif à déroger à une règle qu'il a lui-même édictée et à laquelle il a entendu conférer un caractère d'ordre public", le législateur ne vise pas les cas de délégations de compétence pures et simples, car dans ce cas aucune règle légale n'existe, ni d'ailleurs les hypothèses dans lesquelles les dispositions légales sont supplétives et ne sont donc pas d'ordre public, puisqu'elles peuvent être totalement et inconditionnellement écartées par un accord collectif de même objet. Dans ces deux cas (pas de norme légale ou une norme légale supplétive), il s'agit bien de faire grief au Parlement de n'avoir pas défini de véritable cadre légal (pas de texte) ou d'avoir défini un cadre sans véritable consistance (disposition supplétive).

Il s'agit d'une troisième hypothèse où la loi, dans une certaine mesure définie par le législateur lui-même, fixe la règle mais autorise des "dérogations", soit plus favorables aux intérêts des salariés, soit défavorables, et dans des cas (identification des droits dérogeables) et des proportions (niveau de la dérogation) qu'il détermine lui-même. Il s'agit donc toujours d'ordre public, c'est-à-dire d'une norme légale qui, dans la mesure qui excède la marge de dérogation autorisée des partenaires sociaux, ne peut être écartée à tout le moins dans un sens défavorable aux salariés puisqu'on sait que de droit l'ordre public en droit du travail est dit "social", c'est-à-dire qu'il autorise des dérogations in favorem (14).

La règle, reprise ici par le Conseil de sa décision de 2004, ne porte pas directement sur l'étendue de la dérogation mais uniquement sur la nécessité de "définir d'une façon précise l'objet et les conditions de cette dérogation".

Cette exigence est justifiée car l'importance de la marge de dérogation a nécessairement une incidence sur le respect par le législateur de sa compétence constitutionnelle. On peut en effet considérer que cette compétence minimale définie par l'article 34 de la Constitution se vérifie à la fois "horizontalement" par rapport aux principes du droit du travail concernés, mais également "verticalement", c'est-à-dire pour chaque principe, le législateur devant garantir a minima le respect des principes ainsi posés, ce qui suppose que la marge de dérogation laissée aux partenaires sociaux ne doit pas être trop importante, sans quoi la norme légale deviendrait de fait sans véritable objet, ce qui équivaudrait à une absence de garantie légale (15).

Ensuite, il ne fait guère de doute, dans cette affaire, que les dispositions légales, telles qu'interprétées par la Cour de cassation, ne permettaient pas de déterminer avec suffisamment de précision les critères retenus par accords pour déroger aux critères de droit commun de la représentativité syndicale et pour déterminer le domaine des compétences des délégués syndicaux communs sur lesquels pouvaient porter les dérogations.

Pour permettre aux pouvoirs publics d'anticiper l'abrogation des dispositions litigieuses, le Conseil constitutionnel a décidé de reporter l'abrogation au 31 décembre 2017, ce qui laissera le temps au Parlement de s'organiser. Cette option a été préférée à une validation sous réserve, qui aurait permis au Conseil de tracer un cadre minimal et d'éviter de contraindre le législateur à intervenir.

Un regret. Nous persistons à regretter que dans de pareilles circonstances, le Conseil constitutionnel n'aille pas plus loin dans sa démarche et ne fixe pas, de manière préventive, ce qu'il entend par une "définition suffisamment précise de l'objet et les conditions de la dérogation", ce qui, compte tenu de l'affirmation même dont il s'agit, est un comble. Sans doute le législateur devra-t-il d'ailleurs circonscrire dans l'avenir l'objet de la dérogation, au regard notamment des sept critères légaux de la représentativité syndicale, par exemple en dérogeant au seuil d'audience des 10 %, pour tenir compte de la spécificité des syndicats présents au sein du groupe. Nous savons que le Conseil constitutionnel, en matière sociale comme en d'autres d'ailleurs, ne se reconnaît pas de pouvoir d'appréciation comparable à celui du Parlement et qu'il appartient à ce dernier de déterminer à quelles règles il entend permettre aux partenaires sociaux de déroger, et dans quelles proportions. Dans le commentaire au Cahier, la nature très politique du choix des dérogations, et des règles applicables, est d'ailleurs nettement apparue (16) ; dans ces conditions, la censure pure et simple, même assortie d'un différé d'application, contraindra les pouvoirs publics à réagir et à fixer les règles avec un degré de précisions suffisant.

Cette absence totale de repère est toutefois regrettable car le Parlement avancera nécessairement dans un certain flou, et sous la menace d'une nouvelle décision qui pourrait venir, un jour ou l'autre. Car s'il est possible d'expliquer après coup quelles étaient les intentions du Conseil constitutionnel, notamment en allant lire les commentaires aux Cahiers, il est toujours difficile de prévoir...


(1) Cass. soc., 8 juillet 2015, n° 14-20.837, FS P+B (N° Lexbase : A7610NMS).
(2) Cons. const., décision n° 2010-5 QPC, du 18 juin 2010 (N° Lexbase : A9571EZI ; [incompétence négative en matière fiscale]), consid. 3. N'ont pas conduit à une abrogation : Cons. const., décision n° 2010-73 QPC, du 3 décembre 2010 (N° Lexbase : A4387GMG), texte antérieur à 1958 et donc argument irrecevable ; Cons. const., décision n° 2010-83 QPC, du 13 janvier 2011 (N° Lexbase : A8475GPL) ; Cons. const., décision n° 2010-95 QPC, du 28 janvier 2011 (N° Lexbase : A7411GQK) ; Cons. const., décision n° 2011-134 QPC, du 17 juin 2011 (N° Lexbase : A6175HTU) ; Cons. const., décision n° 2012-277 QPC, du 5 octobre 2012 (N° Lexbase : A9007ITR) ; Cons. const., décision n° 2014-373 QPC, du 4 avril 2014 (N° Lexbase : A4067MIH), consid. 13 ; Cons. const., décision n° 2014-419 QPC, du 8 octobre 2014 (N° Lexbase : A9168MXT) ; Cons. const., décision n° 2015-465 QPC, du 24 avril 2015 (N° Lexbase : A1219NHM) ; Cons. const., décision n° 2015-478 QPC, du 24 juillet 2015 (N° Lexbase : A9644NM7) ; Cons. const., décision n° 2015-490 QPC, du 14 octobre 2015 (N° Lexbase : A1933NTR) ; Cons. const., décision n° 2015-495 QPC, du 20 octobre 2015 (N° Lexbase : A7037NTS) ; Cons. const., décision n° 2015-498 QPC, du 20 novembre 2015 (N° Lexbase : A3249NXM) : l'abrogation n'est pas fondée sur l'incompétence négative ; Cons. const., décision n° 2015-527 QPC, du 22 décembre 2015 (N° Lexbase : A9511NZB) ; Cons. const., décision n° 2016-535 QPC, du 19 février 2016 (N° Lexbase : A9138PLZ) ; Cons. const., décision n° 2016-536 QPC, du 19 février 2016 (N° Lexbase : A9145PLB) ; Cons. const., décision n° 2016-537 QPC, du 22 avril 2016 (N° Lexbase : A9208RKA) ; Cons. const., décision n° 2016-552 QPC, du 8 juillet 2016 (N° Lexbase : A7660RWM) ; Cons. const., décision n° 2016-580 QPC, du 5 octobre 2016 (N° Lexbase : A8086R4A) ; Cons. const., décision n° 2016-581 QPC, du 5 octobre 2016 (N° Lexbase : A8087R4B).
(3) Cons. const., décision n° 2014-373 QPC, du 4 avril 2014 (N° Lexbase : A4067MIH), consid. 13 : selon le demandeur "en ne définissant pas avec précision les critères du recours au travail de nuit, le législateur n'aurait pas épuisé la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution [et] cette incompétence négative affecterait la liberté d'entreprendre, la liberté des travailleurs et le principe d'égalité devant la loi" (consid. 9), ce qui n'a pas été retenu au prix d'une décision fortement motivée (consid. 10 à 13). Le Conseil avait validé les articles L. 3122-32 (N° Lexbase : L0388H9A), L. 3122-33 (N° Lexbase : L0389H9B) et L. 3122-36 du Code du travail (N° Lexbase : L0392H9E).
(4) Cons. const., décision n° 2010-45 QPC, du 6 octobre 2010 (N° Lexbase : A9925GAT) : liberté d'entreprendre ; Cons. const., décision n° 2012-298 QPC, du 28 mars 2013 (N° Lexbase : A0762KBT) : l'absence de détermination des modalités de recouvrement d'une imposition affecte le droit à un recours effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration de 1789 (N° Lexbase : L1363A9D) ; Cons. const., décision n° 2016-543 QPC, du 24 mai 2016 (N° Lexbase : A1685RQH) : méconnaissance des exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 et prive de garanties légales la protection constitutionnelle du droit au respect de la vie privée et du droit de mener une vie familiale normale.
(5) Cons. const., décision n° 2014-388 QPC, du 11 avril 2014 (N° Lexbase : A8256MIM ; [Portage salarial]). Le Conseil avait d'ailleurs généralisé le propos à l'ensemble des "droits collectifs des travailleurs" et avait également, pour faire bonne figure, considéré que cette incompétence négative affectait l'exercice de la liberté d'entreprendre.
(6) Cons. const., décision n° 77-79 DC, du 5 juillet 1977 (N° Lexbase : A7955ACM) ; Cons. const., décision n° 77-92 DC, du 18 janvier 1978 (N° Lexbase : A7973ACB) ; Cons. const., décision n°93-328 DC, du 16 décembre 1993 (N° Lexbase : A8287ACW) ; Cons. const., décision n° 94-348 DC, du 3 août 1994 (N° Lexbase : A8309ACQ) ; Cons. const., décision n°96-383 DC, du 6 novembre 1996 (N° Lexbase : A8346AC4) ; Cons. const., décision n° 99-423 DC, du 13 janvier 2000 (N° Lexbase : A8786ACE) ; Cons. const., décision n° 2004-494 DC, du 29 avril 2004 (N° Lexbase : A9945DBX) ; Cons. const., décision n° 2006-545 DC, du 28 décembre 2006 (N° Lexbase : A1487DTA) ; Cons. const., décision n° 2008-568 DC, du 7 août 2008 (N° Lexbase : A8775D9U) ; Cons. const., décision n° 2010-91 QPC, du 28 janvier 2011 (N° Lexbase : A7408GQG).
(7) Cons. const., décision n° 96-383 DC, du 6 novembre 1996 (N° Lexbase : A8346AC4) : Rec. p. 128.
(8) Cons. const., décision n° 99-423 DC, du 13 janvier 2000 (N° Lexbase : A8786ACE), consid. 28.
(9) Egalement Cons. const., décision n° 2008-568 DC, du 7 août 2008 (N° Lexbase : A8775D9U) : le Conseil précise que le législateur peut prévoir l'intervention subsidiaire du pouvoir réglementaire, en l'absence d'accord, sous la même réserve.
(10) Le Conseil constitutionnel avait commencé par affirmer, en 1993, que le législateur ne peut confier cette prérogative de mise en oeuvre au seul employeur agissant unilatéralement, Cons. const., décision n° 93-328 DC, du 16 décembre 1993 (N° Lexbase : A8287ACW) : "le législateur ne pouvait, s'agissant de la composition des institutions représentatives du personnel, renvoyer la mise en oeuvre du principe de participation que le Préambule énonce à l'initiative unilatérale de l'employeur".
(11) Cons. const., décision n° 2006-545 DC, du 28 décembre 2006 (N° Lexbase : A1487DTA), pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social, consid. 4, 5 et 7.
(12) Cons. const., décision n° 2014-388 QPC, du 11 avril 2014 (N° Lexbase : A8256MIM), consid. 4. Notre étude, Lexbase, éd. soc., 2014, n° 568 (N° Lexbase : N1967BUE).
(13) Cons. const., décision n° 2004-494 DC, du 29 avril 2004 (N° Lexbase : A9945DBX).
(14) On se rappellera que cette notion d'ordre public "social" est d'expression doctrinale, car le Code du travail réserve la référence à l'ordre public aux seules hypothèses d'ordre public "absolu", c'est-à-dire n'autorisant aucune forme de dérogation.
(15) En ce sens le commentaire aux Cahiers de la décision du 29 avril 2014 : "Le fondement constitutionnel de cette exigence est non le principe de faveur -qui n'a pas de valeur constitutionnelle- mais l'article 34 de la Constitution qui interdit au législateur, lorsque celui-ci arrête des règles impératives d'ordre public applicables en principe à toutes les entreprises et à tous les salariés, de permettre en même temps aux partenaires sociaux d'y déroger à leur guise par accord collectif. En retenant une matière dans l'ordre public social, tout en la déléguant aux partenaires sociaux, le législateur tomberait dans la contradiction et, par défaut de clarté et de cohérence, resterait en deçà de sa compétence".
(16) P. 14 : "Qui aurait décidé de la conciliation à apporter entre les règles de représentativité syndicale applicables aux relations régies par le Code du travail et celles applicables à la fonction publique ?".

Décision

Cons. const., décision n° 2016-579 QPC du 5 octobre 2016 (N° Lexbase : A8085R49)

Textes partiellement abrogés : art. 1er et 34 de la loi n° 96-452 du 28 mai 1996, portant diverses mesures d'ordre sanitaire, social et statutaire (N° Lexbase : L8569AI9), dans sa rédaction résultant de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001, relative aux nouvelles régulations économiques (N° Lexbase : L8295ASZ).

Mots-clés : principe de participation ; accords dérogatoires ; QPC.

Lien base : (N° Lexbase : E1853ETS)

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Santé

[Brèves] Moment auquel peuvent être soulevées les irrégularités tenant à une procédure de soins psychiatriques sans consentement

Réf. : Cass. civ. 1, 19 octobre 2016, n° 16-18.849, FS-P+B+I (N° Lexbase : A9767R7U)

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N4901BWG

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Le 08 Novembre 2016

A peine d'irrecevabilité, prononcée d'office, aucune irrégularité de la procédure de soins psychiatriques sans consentement, antérieure à une audience à l'issue de laquelle le juge des libertés et de la détention se prononce sur la mesure, ne peut être soulevée lors d'une instance ultérieure devant ce même juge. Tel est l'enseignement d'un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation rendu le 19 octobre 2016 (Cass. civ. 1, 19 octobre 2016, n° 16-18.849, FS-P+B+I N° Lexbase : A9767R7U). En l'espèce, Mme B. a été admise en soins psychiatriques sans consentement, le 25 février 2016, sous le régime de l'hospitalisation complète, en application d'une décision du directeur d'établissement prise sur le fondement de l'article L. 3212-3 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L6978IQI). Le 7 mars, le juge des libertés et de la détention a autorisé le maintien de cette hospitalisation et, le 22 mars, la patiente a formé une demande de mainlevée de la mesure. Par ordonnance du 14 avril 2016, le premier président a autorisé le maintien de son hospitalisation complète. Mme B. a formé un pourvoi à l'appui duquel elle soutenait que la procédure de son admission comportait plusieurs irrégularités. D'abord, le premier certificat médical, sur les deux permettant son admission, avait été établi par un médecin psychiatre exerçant au sein du centre hospitalier, quand celui-ci devait, conformément à l'article L. 3212-1 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L2991IYG) être établi par un médecin n'exerçant pas dans l'établissement. Ensuite, que l'acte de notification de la décision d'internement mentionnait que la notification n'avait pu avoir lieu en raison de sa sédation et qu'aucun élément du dossier ne permettait de s'assurer qu'elle avait été informée des voies et délais de recours. Mais également que les irrégularités initiales de sa mise en détention n'avaient pu être couvertes par la décision de prolongation prononcée par le juge des libertés et de la détention. A tort selon la Haute juridiction qui, énonçant la solution précitée, rejette le pourvoi de Mme B. Elle considère en effet qu'ayant constaté que la décision initiale d'hospitalisation complète avait été soumise au contrôle de plein droit du juge des libertés et de la détention, le premier président a, par ces seuls motifs, exactement décidé que la procédure avait été validée par l'ordonnance de ce juge prescrivant la poursuite de la mesure (cf. l’Ouvrage "Droit médical" N° Lexbase : E7544E9B).

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