La lettre juridique n°659 du 16 juin 2016

La lettre juridique - Édition n°659

Actes administratifs

[Brèves] Droit à l'obtention de la communication des données à caractère personnel : champ d'application limitée à la personne concernée par ces données

Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 8 juin 2016, n° 386525, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4868RS4)

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Le 17 Juin 2016

Le droit d'obtenir communication des données à caractère personnel est circonscrit à la seule personne concernée par ces données. Telle est la solution dégagée par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 8 juin 2016 (CE 9° et 10° ch.-r., 8 juin 2016, n° 386525, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A4868RS4, voir CE, 29 juin 2011, n° 339147 N° Lexbase : A5693HUE). Il résulte des dispositions des articles 2 et 39 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés (N° Lexbase : L8794AGS), qu'elles ne prévoient la communication des données à caractère personnel qu'à la personne concernée par ces données. Des personnes ne peuvent donc, en leur seule qualité d'ayants droit de la personne à laquelle se rapportent les données, être regardées comme des "personnes concernées" et obtenir la communication du relevé des appels téléphonique passés par la défunte depuis sa ligne professionnelle, dans le but de déterminer le nombre et la durée des échanges qu'elle avait eus avec le corps médical avant son décès.

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Avocats/Accès à la profession

[Jurisprudence] Retour sur la passerelle ouverte aux juristes d'entreprise d'accès à la profession

Réf. : CA Versailles, 23 mai 2016, n° 15/07197 (N° Lexbase : A1569RQ8)

Lecture: 10 min

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par Olivia Baldès, Docteur en droit, Qualifiée Maître de conférences, Chargée d'enseignement à l'Université d'Aix-Marseille

Le 16 Juin 2016

Dans un arrêt du 23 mai 2016, la cour d'appel de Versailles a précisé que la passerelle permettant aux juristes d'entreprise d'accéder à la profession d'avocat est ouverte aux personnes pouvant justifier de huit années d'exercice en qualité de juriste d'affaires sur le territoire français. L'article 28 de l'accord de coopération en matière de justice entre la France et la république centrafricaine du 18 janvier 1965 repris pour publication dans le décret n° 67-402 du 27 avril 1967, ne fait pas exception à ces dispositions. Selon l'article 98, 3°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, organisant la profession d'avocat (N° Lexbase : L8168AID), sont notamment dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat "les juristes d'entreprise justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle au sein du service juridique d'une ou plusieurs entreprises".

Ces juristes doivent néanmoins subir avec succès devant le jury, prévu à l'article 69 du même texte, un examen de contrôle des connaissances en déontologie et réglementation professionnelle ; le texte ajoutant que "nul ne peut se présenter plus de trois fois à l'examen de contrôle des connaissances".

La demande d'inscription est adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou remise contre récépissé au Bâtonnier. Elle est accompagnée de toutes justifications utiles en ce qui concerne tant les conditions mentionnées à l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ) que les obligations définies à l'article 27 de la même loi. A noter qu'aucun refus d'inscription ou de réinscription ne peut être prononcé par le conseil de l'Ordre sans que l'intéressé ait été entendu ou appelé dans un délai d'au moins huit jours par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Le conseil de l'Ordre statue par suite sur la demande d'inscription dans les deux mois à compter de la réception de la demande. La décision portant refus d'inscription est alors notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception dans les quinze jours de sa date à l'intéressé et au procureur général, qui peuvent la déférer à la cour d'appel.

En l'espèce, par décision en date du 28 mai 2013, le conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Paris rejetait la demande de M. Z. Après confirmation de cette décision par la cour d'appel de Paris, la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 17 juin 2015, n° 14-14.472, F-P+B N° Lexbase : A5325NLS) casse et annule en toutes ses dispositions l'arrêt ainsi rendu, faute par la cour d'appel de ne pas avoir précisé si la lettre recommandée adressée à M. Z avait été remise au destinataire. Elle renvoie l'affaire devant la cour d'appel de Versailles.

Se pose par la suite la question du contenu des conditions dérogatoires d'accès à la profession d'avocat. M. Z., sollicitant son inscription au tableau de l'Ordre des avocats de Paris, soutient, à l'appui de sa demande, avoir exercé la fonction de juriste en cabinet d'avocat durant les années 1979 à 1984 et de mars 1996 à mai 2002 en Centrafrique soit plus de huit années d'exercice en qualité de juriste.

Il affirme, par ailleurs, qu'aux termes de l'article 28 de l'accord de coopération en matière de justice entre la France et la République centrafricaine du 18 janvier 1965 (décret n° 67-402 du 27 avril 1967) les avocats des barreaux centrafricains peuvent exercer en France et à titre de réciprocité, les avocats des barreaux français peuvent également exercer en Centrafrique. Dès lors, selon le requérant, ce décret impliquerait une reconnaissance de l'exercice de la profession de juriste d'entreprise en Centrafrique au même titre que l'exercice de cette même activité en France. Et ainsi satisferait à l'exigence de huit années d'expérience professionnelle en tant que juriste en entreprise.

Mais c'est ici faire un amalgame entre les conditions d'inscription particulières en fonction des activités précédemment exercées en vue d'accéder à la profession d'avocat et les conditions particulières d'inscription au barreau des personnes ayant déjà acquis la qualité d'avocat dans un Etat ou une unité territoriale n'appartenant ni à la Communauté européenne, ni à l'Espace économique européen, ni à la Confédération suisse et faisant l'objet d'un décret de coopération.

Cela dit et en toutes hypothèses, l'arrêt de la cour d'appel de Versailles est l'occasion de revenir non seulement sur l'application stricte des conditions dérogatoires d'accès à la profession d'avocat (I) faite par la jurisprudence mais également sur les enjeux de l'accès et de l'exercice des juristes d'affaires à la profession (II).

I - L'application stricte des conditions dérogatoires d'accès à la profession d'avocat

Le débat sur l'existence de passerelles entre la profession d'avocat et différents corps de métiers exercés antérieurement par le demandeur à une inscription au tableau a toujours fait polémique notamment en terme de compétence de ces professionnels qui ne sont pas passés par les difficiles épreuves du pré-CAPA et du CAPA. Si certains soutiennent que la diversité des parcours professionnels enrichirait la profession même, les Ordres semblent quelque peu réticents à l'idée d'accorder cette dérogation aux professionnels qui la solliciteraient.

C'est donc au fil de la jurisprudence que se sont dessinées les conditions d'inscription du juriste d'entreprise qui souhaite embrasser la profession d'avocat.

D'abord, le juriste doit justifier, à la date à laquelle il sollicite son admission au barreau (1), d'un exercice à temps plein de juriste d'entreprise et ce pendant huit ans (2).

Par suite, la jurisprudence est venue préciser la notion même de "juriste d'entreprise", limitant, malgré l'imprécision du texte, la catégorie de juristes d'entreprise pouvant bénéficier de cette dérogation. Il en ressort que seuls "les juristes spécialisés chargés, dans l'entreprise, uniquement de l'étude et de la résolution des problèmes juridiques posés par les activités de celle ­ci" (3) sont concernés par la dispense. En effet, par cette formule, la Cour de cassation pose la condition que le juriste prétendant à la dérogation doit avoir exercé sa profession dans les plus hautes sphères de l'entreprise et doit donc avoir été en charge des affaires de l'entreprise même.

Ainsi, la fonction de juriste ne peut se confondre avec le simple exercice professionnel du droit assimilable à l'activité couramment pratiquée dans l'entreprise (4). La dérogation semble dès lors ne concerner que les juristes d'affaires.

Cette précision a d'ailleurs fait l'objet d'un arrêt récent en date du 17 mars 2016 selon lequel la Cour de cassation a réaffirmé que les juges ne doivent prendre en compte que l'exercice des fonctions exclusivement dans un service spécialisé interne à l'entreprise appelé à répondre aux problèmes juridiques posés par l'activité de celle-ci, et non les prestations délivrées à des tiers extérieurs à celle-ci (5).

L'arrêt qui nous occupe vient apporter davantage de précisions quant au lieu d'exercice de cette profession de juriste d'affaires.

En effet, là encore, malgré l'imprécision du texte, les huit années d'expérience requises doivent avoir été effectuées sur le territoire français. En appliquant restrictivement l'article 98 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, organisant la profession d'avocat, les Ordres entendent s'assurer d'un niveau de compétence minimal du candidat.

Il s'agit ici d'un gage de compétence, d'un préalable nécessaire. Il est inutile de rappeler que l'avocat se doit de faire preuve d'un haut degré de technicité. Le contrôle du niveau de compétence du juriste d'affaires fera par suite l'objet d'un examen relatif à la déontologie et la réglementation professionnelle.

D'ailleurs, on rappellera que la Cour de cassation a déjà jugé que les juristes français à l'étranger ne pouvaient bénéficier de cette dérogation. Par arrêt en date du 28 mars 2008, la première chambre civile précise que ces huit années de pratique professionnelle doivent avoir été effectuées sur le territoire français (6). Cette décision fut confirmée dans un arrêt rendu le 14 janvier 2016. Il est impératif que le juriste d'entreprise prétendant à la dérogation ait exercé pendant au moins huit ans en France (7).

L'arrêt de la cour d'appel de Versailles n'est donc pas surprenant. S'il se positionne directement dans la jurisprudence constante de la Cour de cassation, il est l'occasion de revenir sur les enjeux de l'accès des juristes d'affaires à la profession d'avocat ; le décret n° 67-402 du 27 avril 1967 relatif à l'accord de coopération en matière de justice entre la France et la République Centrafricaine, quant à lui, ne permettant en aucune manière de revenir sur la jurisprudence bien établie de la Cour de cassation.

II - Les enjeux de l'accès et de l'exercice des juristes d'affaires à la profession d'avocat

Le débat sur la dérogation accordée aux juristes d'entreprise d'accès et d'exercice à la profession d'avocat repose sur des problématiques plus profondes.

Afin d'en appréhender les contours, il nous faut revenir préalablement sur la fusion de la profession d'avocat et celle des conseils juridiques. Fruit d'une convergence d'intérêts, ce rapprochement a conduit à la loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques (N° Lexbase : L7803AIT) et au décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 réunissant ces professions.

Par cette loi, les avocats se sont introduits, tout en gardant leur indépendance, dans le monde de l'entreprise. Coté conseillers juridiques, un tel rapprochement leur a permis de s'installer sur le plan international ; leurs homologues étrangers bénéficiant déjà du statut d'avocat.

Mais loin d'assister à une véritable intégration des conseils juridiques dans la profession d'avocat, le constat reste celui d'une scission de la profession entre le juridique et le judiciaire ; l'avocat "d'affaires", exerçant à titre exclusif dans le domaine du conseil en entreprise, ne plaide que rarement.

Aujourd'hui, face à ces avocats d'affaires, l'on retrouve les juristes d'affaires. Ils travaillent pour l'entreprise et bénéficient d'un salaire. Mais au grand dam des représentants des juristes d'entreprise, leurs avis ne sont pas couverts par la confidentialité. Leurs actes n'étant donc pas protégés ; ils prônent la reconnaissance du legal privilege qui permettrait aux juristes d'entreprise de s'imposer comme une nouvelle profession règlementée de conseil juridique en entreprise. Cette idée était d'ailleurs insérée dans le projet de loi "Macron" mais en a été retirée suite à l'opposition du CNB sur cette question. L'alternative resterait un statut d'avocat salarié en entreprise soumis aux règles déontologiques de la profession.

Aussi, si le débat est récurrent, il doit être conduit de manière raisonnée. Plus que jamais, l'avocat doit envisager sa profession sur un plan économique mais aussi international sinon européen. Aujourd'hui, il est vrai que de nombreuses directions juridiques d'entreprises sont délocalisées à l'étranger car bénéficiant non seulement de leurs juristes attitrés mais également d'une sécurité dans la confidentialité de leurs avis. Mieux encore, l'Allemagne, le Danemark, l'Espagne, la Grèce, l'Irlande, le Pays-Bas, le Royaume-Uni connaissent des avocats salariés d'entreprise. Face à ce constat, la profession se doit de rester compétitive vis à vis de ses homologues européens.

La passerelle aujourd'hui ouverte pour un passage de la profession de juriste d'affaires à celle d'avocat qui exercera très certainement dans le domaine du conseil juridique en raison de ses compétences professionnelles semble devoir également être envisagée au delà de nos frontières et a minima sur un plan européen.

A ce titre, il nous faut relever que l'exigence d'exercice pendant huit ans de juriste d'affaires sur le territoire français a fait l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) (8). Dans cette affaire, M. X., domicilié en Belgique où il exerce son activité professionnelle, revendiquait son inscription au barreau de Grasse sous le bénéfice de la dispense de formation prévue par l'article 98, 5°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 pour les juristes attachés, pendant huit ans au moins à l'activité juridique d'une organisation syndicale.

La question est alors posée : le droit d'accès à la profession d'avocat aux seules personnes ayant exercé leur activité sur le territoire national, méconnaît-il le principe constitutionnel d'égalité ? En ce qu'il subordonne le droit d'accès à la profession d'avocat par voie dérogatoire, à un critère de territorialité, méconnaît-il la liberté d'accéder à une profession ou à une activité économique, telle qu'elle découle de la liberté d'entreprise résultant de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen (N° Lexbase : L1368A9K) ?

Il est communément admis que le législateur "peut apporter à la liberté d'entreprendre des limitations, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi" (9). Ainsi, le principe de proportionnalité s'impose comme le garde fou de l'ingérence des autorités quant à la limitation d'accès à la profession.

Dans ce contexte, il nous semble, nonobstant le fait que le texte ne pose pas clairement la nécessité d'un exercice sur le territoire français, qu'une telle exigence ne serait pas contraire à la liberté d'entreprendre car il est indispensable pour la profession de s'assurer de la compétence de ses membres. L'objectif poursuivi, gage de sécurité pour le justiciable, semble proportionné à une limitation d'accès à la profession. En revanche, en matière d'ouverture de la profession sur le plan européen ou international par le biais d'accord de coopération, il serait opportun de réfléchir aux modalités d'une telle reconnaissance.

A noter qu'en matière de reconnaissance des qualifications professionnelles, la tendance est celle à l'ouverture de la profession d'avocat sur le territoire français à des personnes ayant acquis la qualité d'avocat dans un Etat membre ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen s'ils justifient d'un an d'exercice (contre deux avant la Directive) dans le pays concerné et de leur établissement en France (10). Reste à savoir si la passerelle permettant aux juristes d'entreprise d'accéder à la profession d'avocat et justifiant de huit années d'exercice connaîtra la même évolution d'une prise en compte de l'expérience professionnel du candidat au delà du territoire français.


(1) Cass. civ. 1, 16 mai 2012, n° 11-10.059, F-D (N° Lexbase : A6943ILQ).
(2) Cass. civ. 1, 5 février 2009, n° 08-10.036, F-D (N° Lexbase : A9602ECM).
(3) Cass. mixte, 6 février 2004, n° 00-19.107 N° Lexbase : A2248DBU) ; Cass. civ . 1, 18 décembre 2002, n° 00-14.727, FS-D (N° Lexbase : A4996A4S).
(4) CA Rouen, 17 janvier 2012, n° 11/04128 (N° Lexbase : A0887IBH).
(5) Cass. civ. 1, 17 mars 2016, n° 15-13.442, F-P+B (N° Lexbase : A3482Q8H).
(6) Cass. civ. 1, 28 mars 2008, n° 06-21.051 , FS-P+B (N° Lexbase : A6034D7M) ; CA Paris, Pôle 2, 1ère ch., 28 mai 2015, n° 14/22596 (N° Lexbase : A3111NKG).
(7) Cass. civ. 3, 26 avril 2006, n° 05-11.305, FS-D (N° Lexbase : A2241DPP).
(8) Cass. QPC, 4 mai 2016, n° 14-25.800, FS-P+B (N° Lexbase : A3316RMR) (cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E0304E7E).
(9) Cons. const., n° 2001-455, du 12-01-2002, Loi de modernisation sociale (N° Lexbase : A7588AXC), Rec. p. 49, spéc., cons. 46.
(10) Décret n° 2016-576 du 11 mai 2016, portant adaptation du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat au droit de l'Union européenne (N° Lexbase : L1197K8T).

newsid:453196

Avocats/Déontologie

[Brèves] Secret professionnel : le juge doit faire non seulement application des règles françaises afférentes au secret professionnel, mais aussi des règles étrangères régissant le même principe

Réf. : Cass. civ. 1, 1er juin 2016, n° 15-13.221, P+B (N° Lexbase : A8534RRI)

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N3083BW4

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Le 16 Juin 2016

En rejetant une demande tendant à écarter des débats des correspondances échangées entre des avocats inscrits à des barreaux américains et canadiens, au motif qu'il n'est pas justifié de l'existence d'un principe de confidentialité applicable à ces documents, qui ne sont pas régis par les règles déontologiques françaises, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 3 du Code civil (N° Lexbase : L2228AB7). Telle est la solution dégagée par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 1er juin 2016 (Cass. civ. 1, 1er juin 2016, n° 15-13.221, P+B N° Lexbase : A8534RRI ; cf. déjà en ce sens pour une application à la Suisse, Cass. civ. 1, 5 février 2009, n° 07-17.525, FS-P+B N° Lexbase : A9465ECK). Dans cette affaire un litige était né consécutivement à l'inexécution d'une convention entre plusieurs sociétés française, américaine et canadienne. En appel, il a été demandé à ce que soient écartées les pièces des correspondances échangées entre avocats, étant avancé qu'elles étaient couvertes par le secret professionnel à défaut de mention "officielle" et applicables aux conseils constitués dans la présente procédure puisque des avocats établis en France et à l'occasion d'une procédure devant une juridiction française et devaient par conséquent être rejetées et indépendamment de leur contenu. La cour d'appel ayant, par un arrêt du 23 octobre 2014 (CA Grenoble, 23 octobre 2014, n° 10/02695 N° Lexbase : A0220MZ8), rejeté cette demande un pourvoi a été formé. Et l'arrêt sera censuré par la Haute juridiction au visa de l'article 3 du Code civil qui énonce qu'il incombe au juge français, qui reconnaît applicable un droit étranger, d'en rechercher la teneur, soit d'office, soit à la demande d'une partie qui l'invoque, avec le concours des parties et personnellement s'il y a lieu, et de donner à la question litigieuse une solution conforme au droit positif étranger (cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E6382ETK).

newsid:453083

Baux d'habitation

[Brèves] Exception à la poursuite du bail au profit du conjoint co-titulaire : le cas du bail consenti par un OPH en considération de la qualité de fonctionnaire du conjoint

Réf. : Cass. civ. 3, 9 juin 2016, n° 15-14.119, FS-P+B (N° Lexbase : A6931RSI)

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N3263BWR

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Le 17 Juin 2016

Dans le cadre d'un bail régi par les dispositions applicables aux habitations à loyer modéré et par une convention passée entre l'Etat et le bailleur, attribué en considération de la qualité de fonctionnaire du preneur, le conjoint ne peut prétendre à la poursuite du bail en qualité de co-titulaire sur le fondement de l'article 1751 du Code civil (N° Lexbase : L8983IZQ). Telle est la solution qui se dégage d'un arrêt rendu le 9 juin 2016 par la troisième chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 3, 9 juin 2016, n° 15-14.119, FS-P+B (N° Lexbase : A6931RSI). En l'espèce, le 30 juin 1998, l'OPAC de Paris, devenu l'établissement public Paris Habitat-OPH, avait donné à bail un logement à M. P. en sa qualité de militaire et en exécution d'une convention conclue avec l'Etat. Par décision du 22 janvier 2010, le ministère de la Défense avait retiré à ce dernier le bénéfice de ce logement à compter du 16 avril 2010. Par ordonnance du 12 avril 2010, le juge des affaires familiales avait attribué la jouissance du logement à Mme R., épouse P.. Celle-ci ayant refusé de restituer les lieux, le bailleur l'avait assignée en expulsion. Elle faisait grief à l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris (CA Paris, Pôle 4, 9ème ch., 22 mai 2014, n° 13/09529 N° Lexbase : A3397MMR) d'accueillir cette demande, invoquant les dispositions de l'article 1751 du Code civil, s'appliquant selon elle dès lors que le local est à usage exclusif d'habitation, peu important que le bail ait été consenti en considération de la fonction de l'un des conjoints. Elle n'obtiendra pas gain de cause devant la Cour suprême qui approuve les juges d'appel ayant relevé que les conditions particulières du bail, régi par les dispositions applicables aux habitations à loyer modéré et par une convention passée entre l'Etat et le bailleur, se référaient expressément à la qualité de fonctionnaire de M. P. et stipulaient que la location serait résiliée de plein droit si celui-ci venait à cesser les fonctions ayant motivé l'attribution du logement, les lieux devant alors être restitués dans les six mois suivant cette résiliation, en application de l'article L. 442-7 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L7601AB7), et constaté que M. P. n'était plus titulaire du bail à compter du 16 avril 2010, faute d'avoir justifié de sa qualité de militaire avant le 15 décembre 2009 ; selon la Haute juridiction, la cour d'appel avait alors exactement retenu que ces dispositions dérogatoires étaient incompatibles avec la poursuite du bail en qualité de co-titulaire au profit de Mme R. et que celle-ci était devenue occupante sans droit ni titre.

newsid:453263

Contrat de travail

[Brèves] Inapplicabilité des dispositions relatives à la rupture conventionnelle à une convention tripartite conclue entre un salarié et deux employeurs successifs ayant pour objet d'organiser la poursuite du contrat de travail

Réf. : Cass. soc., 8 juin 2016, n° 15-17.555, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A0808RSQ)

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Le 16 Juin 2016

Les dispositions de l'article L. 1237-11 du Code du travail (N° Lexbase : L8512IAI), relatives à la rupture conventionnelle entre un salarié et son employeur ne sont pas applicables à une convention tripartite conclue entre un salarié et deux employeurs successifs ayant pour objet d'organiser, non pas la rupture, mais la poursuite du contrat de travail. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 8 juin 2016 (Cass. soc., 8 juin 2016, n° 15-17.555, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A0808RSQ ; voir la note explicative relative à l'arrêt ; sur les règles relatives à la rupture conventionnelle, voir Cass. soc., 15 octobre 2014, n° 11-22.251, FS-P+B+R N° Lexbase : A6594MYU).
Mme X a été engagée en qualité de responsable administratif selon CDI du 24 novembre 2008 par la société A, filiale de la société B. Par une convention signée le 16 mai 2012 par la salariée, la société A et la société C, également filiale de la société B, il a été, d'une part, mis fin au contrat de travail liant l'intéressée à la société A, d'autre part conclu un contrat de travail avec la société C, stipulant notamment une reprise d'ancienneté de la salariée, l'absence de période d'essai et une classification supérieure. Mme X, licenciée par cette dernière le 30 juillet 2012, a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes.
Pour dire que la rupture du contrat de travail conclu entre la salariée et la société A s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel (CA Chambéry, 5 mars 2015, n° F 13/00011 N° Lexbase : A7625NCE), après avoir constaté qu'une convention avait été signée entre l'intéressée et les sociétés A et C, filiales de la société B, aux termes de laquelle il était stipulé d'une part la résiliation amiable du contrat de travail la liant à la société A, d'autre part la conclusion d'un nouveau contrat de travail avec la société C, retient que sauf dispositions légales contraires, la rupture du contrat de travail par accord des parties ne peut intervenir que dans les conditions prévues par celles régissant la rupture conventionnelle, que l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC) ne peut trouver application, les règles spéciales édictées par le Code du travail dérogeant à celles générales du Code civil, et qu'en l'espèce, ces modalités de rupture n'ont pas été respectées, l'avis de l'administration n'ayant pas été sollicité et aucun délai de rétractation n'ayant été stipulé en faveur de la salariée. A la suite de cette décision, l'employeur s'est pourvu en cassation.
En énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction casse l'arrêt d'appel au visa des articles L. 1231-1 (N° Lexbase : L8654IAR) et L. 1237-11 du Code du travail, ensemble l'article 1134 du Code civil (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0211E7X et N° Lexbase : E0217E78).

newsid:453162

Discrimination et harcèlement

[Brèves] Preuve partagée en matière de contentieux relatif au harcèlement moral : il revient au juge de trancher souverainement en fonction des éléments apportés par les deux parties

Réf. : Cass. soc., 8 juin 2016, n° 14-13.418, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A0806RSN)

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Le 16 Juin 2016

Pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Sous réserve d'exercer son office dans ces conditions, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement. Telles sont les solutions dégagées par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un important arrêt rendu le 8 juin 2016 (Cass. soc., 8 juin 2016, n° 14-13.418, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A0806RSN).
En l'espèce, Mme X, engagée le 6 janvier 2004 en qualité de responsable de secteur par la société Y, désormais dénommée société Z, et affectée dans la région Sud-Est, a été placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 11 décembre 2008 et a été déclarée, à l'issue de la seconde visite médicale du 23 mars 2009, "apte à la reprise à condition de travailler sur un autre secteur". Elle a été licenciée le 21 avril 2009.
La cour d'appel (CA Nîmes, 7 janvier 2014, n° 13/00890 N° Lexbase : A0353KTA, rendu sur renvoi après cassation : Cass. soc., 13 février 2013, n° 11-28.201, F-D N° Lexbase : A0663I83), ayant débouté la salariée de ses demandes tendant à voir dire qu'elle a été victime d'un harcèlement moral et à voir prononcer la nullité, ou à tout le moins, l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, et à voir condamner l'employeur à lui payer des sommes à titre d'indemnités, cette dernière s'est pourvue en cassation.
Cependant, en énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction rejette le pourvoi. Elle précise qu'après avoir exactement rappelé le mécanisme probatoire prévu par l'article L. 1154-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0747H9K), la cour d'appel, qui sans se contredire, a souverainement retenu que la salariée établissait des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral mais que l'employeur justifiait, au soutien de ses décisions, d'éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, a décidé, dans l'exercice des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1154-1 du Code du travail, qu'aucun harcèlement moral ne pouvait être retenu (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0282E7L).

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Entreprises en difficulté

[Chronique] Chronique de droit des entreprises en difficulté - Juin 2016

Réf. : Cass. com., 31 mai 2016, n° 14-20.075, F-P+B (N° Lexbase : A8744RRB) ; Cass. com., 31 mai 2016, n° 14-25.999, F-D (N° Lexbase : A8746RRD)

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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises, et Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences - HDR à l'Université de Nice Sophia-Antipolis

Le 16 Juin 2016

Lexbase Hebdo - édition affaires vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique de Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises, et Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences - HDR à l'Université de Nice Sophia-Antipolis, Co-directrice du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises, Membre du CERDP (EA 1201), retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de procédures collectives. Le Professeur Le Corre commente un arrêt publié au Bulletin rendu par la Chambre commerciale le 31 mai 2016, dans lequel deux problèmes se posaient : le premier concernait le périmètre de la remise de plein droit de certaines pénalités du fait même de l'ouverture de la procédure collective du professionnel libéral ; le second intéressait la question dite de la hiérarchisation des remises conventionnelles de dettes, dans le cadre de certaines procédures collectives (Cass. com., 31 mai 2016, n° 14-20.075, F-P+B). Emmanuelle Le Corre-Broly a sélectionné un autre arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation qui revient sur la nécessité de l'existence en nature du bien au jour du jugement d'ouverture en matière de revendication de biens meubles (Cass. com., 31 mai 2016, n° 14-25.999, F-D).

La Carpimko, Caisse de retraite des infirmiers, masseurs kinésithérapeutes et autres professionnels libéraux du secteur paramédical alimente, depuis de nombreuses années, un contentieux assez abondant, preuve qu'elle se préoccupe du devenir de ses cotisations, en essayant de les protéger de toute atteinte par le droit des entreprises en difficulté. Si la tâche est louable, elle n'est, malheureusement pour elle, pas toujours couronnée de succès. Les règles sont strictes et ne peuvent donc être interprétées comme l'entendait cette caisse de retraite.

En l'espèce, deux problèmes se posaient à l'occasion de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire d'une infirmière libérale. Le premier concernait le périmètre de la remise de plein droit de certaines pénalités du fait même de l'ouverture de la procédure collective du professionnel libéral. Le second intéressait la question dite de la hiérarchisation des remises conventionnelles de dettes, dans le cadre de certaines procédures collectives.

Voyons successivement ces deux problèmes.

La remise des pénalités, majorations et intérêts de retard est prévue, pour les agriculteurs, par l'article L. 725-5 du Code rural (N° Lexbase : L1983HWD).

L'article L. 243-5 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L3150IQQ) pose la même règle pour les sommes dues par les commerçants, les artisans et les personnes morales de droit privé. Dans une première phase, aucune règle n'avait été posée pour les professionnels libéraux. Logiquement, et à la demande de la fameuse Carpimko, la jurisprudence a considéré que cette remise de plein droit était inapplicable aux personnes physiques exerçant une profession indépendante, autres que les commerçants et artisans. La solution a été posée par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation pour un médecin (1) ou encore un masseur kinésithérapeute (2). La Chambre commerciale de la Cour de cassation, pour sa part, a identiquement statué à propos d'un infirmier libéral (3).

Une question prioritaire de constitutionnalité a été posée sur ce point. Logiquement, le Conseil constitutionnel relève que "en étendant l'application des procédures collectives à l'ensemble des membres des professions libérales par la loi du 26 juillet 2005 (N° Lexbase : L5150HGT), le législateur a entendu leur permettre de bénéficier d'un régime de traitement des dettes en cas de difficultés financières, par suite les dispositions précitées des premiers et sixième alinéas de l'article L. 243-5 ne sauraient, sans méconnaître le principe d'égalité devant la loi, être interprété comme excluant les membres des professions libérales exerçant à titre individuel du bénéfice de la remise de plein droit des pénalités, majorations de retard et frais de poursuites dus aux organismes de sécurité sociale" (4).

Notons que la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 (N° Lexbase : L2893IQ9) réécrit l'article L. 243-5 du Code de la Sécurité sociale pour le mettre en harmonie avec la décision du Conseil constitutionnel (5), en étendant aux professionnels libéraux la remise de plein droit des pénalités de retard.

Une fois cette évolution retracée, on peut présenter le problème soulevé en l'espèce par la Carpimko. Elle entendait que cette remise de plein droit des pénalités, intérêts de retard et frais de poursuite soit limitée aux seules créances chirographaires. C'était là peine perdue, car la Cour de cassation avait déjà statué sur cette question de la manière la plus nette : la remise des pénalités, majorations de retard et frais de poursuite dus au jour du jugement d'ouverture s'applique sans distinction suivant le caractère privilégié ou chirographaire de la créance de majoration (6). C'est cette solution que réaffirme ici la Cour de cassation, au visa de l'article L 243-5, alinéa 7, du Code de la Sécurité sociale.

La cause est entendue. La conséquence à en tirer est simple : la caisse de retraite ne peut prétendre faire admettre au passif une créance amputée de la remise de plein droit. Il convient donc que la caisse de retraite, afin d'éviter des contentieux coûteux et inules pour ses adhérents, déduise spontanément, lors de sa déclaration de créance, les pénalistes, intérêts de retard et frais de poursuites remisés de plein droit, par le seul effet de l'ouverture d'une procédure collective, quelle qu'elle soit.

La seconde difficulté soulevée par l'arrêt intéresse la question dite de la hiérarchisation des remises de dettes. La question intéresse les procédures de conciliation, de sauvegarde et de redressement judiciaire.

Dans le cadre de la recherche de l'accord de conciliation, et en phase de préparation d'un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire, est prévu un dispositif de remise de dettes publiques issu du décret du 6 avril 2009 (7). Les articles D. 626-9 (N° Lexbase : L2611I34) à D. 626-15, pris en application de l'article L. 626-6 du Code de commerce (N° Lexbase : L9523ICP), régissent ce dispositif.

L'un des grands principes posés par ce dispositif de remises de dettes publiques est celui de la hiérarchisation des remises. Ces dernières sont consenties par priorité sur les frais de poursuite, les majorations et amendes, puis sur les intérêts de retard et les intérêts moratoires, et enfin sur les droits et les sommes dues au principal. Cette hiérarchisation doit évidemment être combinée avec le principe de remise de plein droit des frais de poursuite, des intérêts et pénalités de retard exigibles à la date du jugement d'ouverture. Il faut donc comprendre que si un organisme social consent une remise de dette, par exemple de 30 % du montant des sommes dues, cette remise ne peut s'imputer que sur une dette non remisée de plein droit. Il s'agit donc d'un effort consenti par l'organisme social, qui n'a rien à voir avec la remise de plein droit, qui résulte du seul effet de la loi.

Si la solution se comprend il faut aussi en mesurer les conditions d'application. Alors que la remise de plein droit ne nécessite absolument pas l'intervention de l'organisme social, la remise supplémentaire suppose son accord et elle suppose son bon vouloir. C'est ce que précise ici la Cour de cassation, en énonçant que cette remise est laissée à l'appréciation de la commission (8). La précision avait été apportée par une précédente décision de la Cour de cassation. C'est en effet la Commission des chefs de services financiers (Cochefe) qui est saisie de la demande de remise. La formule de la Cour de cassation n'est pas parfaitement exacte, car ce n'est pas la commission qui accorde la remise. C'est le créancier public, membre de cette commission, qui statue sur la demande de remise, la réponse étant, en revanche, officiellement communiquée par la commission.

On signalera enfin, en marge de ce commentaire, une précision de première importance pour les praticiens. La Cour de cassation juge, en effet, dans la présente affaire, qu'une contrainte régulièrement signifiée et non contestée ne constitue pas un titre exécutoire mentionné aux 1° à 3° de l'article L. 111-3 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L2012KGM). La conséquence est redoutable : la prescription attachée à la contrainte reste quinquennale et ne devient pas décennale. Voilà qui devrait conduire les organismes sociaux à plus de rigueur dans le recouvrement effectif des cotisations. Il restera à savoir si l'admission au passif d'une créance de cotisations sociales, couverte ou non par une contrainte, se prescrit par 5 ans ou par 10 ans, à compter de la clôture de la procédure collective. En jeu, la question débattue de savoir si l'admission au passif vaut jugement, et par voie de conséquence, titre exécutoire. Affaire à suivre, que, peut-être la Carpimko, qui se plaît à faire avancer la discussion juridique, nous amènera à commenter...

Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises

  • Nécessité de l'existence en nature du bien au jour du jugement d'ouverture en matière de revendication de biens meubles (Cass. com., 31 mai 2016, n° 14-25.999, F-D N° Lexbase : A8746RRD ; cf. l’Ouvrage "Entreprises en difficulté" N° Lexbase : E5008E7M)

Par principe, les biens meubles doivent exister en nature pour être revendiqués par leur propriétaire. Cette exigence est posée par le premier alinéa de l'article L. 624-16 du Code de commerce (N° Lexbase : L3509ICX) qui énonce que peuvent être revendiqués "à condition qu'ils se retrouvent en nature, les biens meubles remis à titre précaire au débiteur [...]". Même si le texte ne le précise pas, la jurisprudence considère que la condition d'existence en nature s'apprécie à la date du jugement d'ouverture (9). Il appartient au revendiquant d'apporter cette preuve. Elle le sera généralement par la démonstration de la figuration du bien revendiqué dans l'inventaire établi à l'ouverture de la procédure.

Lorsque le bien revendiqué n'existe pas en nature au jour de l'ouverture de la procédure collective mais que cette existence en nature apparaît ultérieurement, la demande en revendication peut-elle prospérer ? Un arrêt, rendu le 31 mai 2016 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, aborde cette question. Bien que n'étant pas appelée à la publication, cette décision mérite que l'on s'y attarde.

En l'espèce, une société (la société Saimlease) avait passé commande de deux semi-remorques à une société qui était alors en cours d'exécution de son plan de redressement judiciaire. Ce plan a été résolu par un jugement qui a ouvert une procédure de liquidation judiciaire. A cette date, les deux semi-remorques étaient en cours de fabrication et ne figuraient pas dans l'inventaire qui avait été dressé par le commissaire-priseur dans le cadre de cette nouvelle procédure collective atteignant le fabricant. Un plan de cession avait alors été arrêté au profit d'un cessionnaire et avaient été inclus dans le périmètre de la cession les stocks. Parmi eux se trouvaient les biens litigieux qui constituaient des fabrications non terminées à la date de la cession et avaient été inclus dans la notion d'encours repris par le cessionnaire. La société Saimlease avait alors exercé une demande en revendication des deux remorques qu'elle avait achetées et qui devaient être fabriqués. La cour d'appel de Poitiers n'avait pas fait droit à la demande du revendiquant au motif que les deux semi-remorques n'existaient pas en nature à l'ouverture de la procédure collective (10). Par la suite, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi diligenté par le revendiquant à l'encontre de l'arrêt d'appel en jugeant "qu'après avoir énoncé qu'il appartient aux propriétaires revendiquant de rapporter la preuve que la marchandise revendiquée se retrouve, à l'ouverture de la procédure collective, en nature entre les mains du débiteur, l'arrêt [d'appel] relève que les deux semi-remorques ne figuraient pas dans l'inventaire dressé par le commissaire-priseur [...], qu'ils étaient en cours de fabrication, [...] et qu'il ne pouvait être suppléé à cette absence d'existence matérielle par la possibilité de les identifier ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire que les deux semi-remorques n'existaient pas en nature à l'ouverture de la procédure collective".

Est ainsi rappelée la nécessité de l'existence du bien en nature au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective pour que puisse prospérer l'action en revendication de l'article L. 624-9 du Code de commerce. Cette existence en nature est une question de fait, laquelle est donc laissée à l'appréciation souveraine des juges du fond (11) comme en témoigne à nouveau l'arrêt rapporté.

L'incidence de l'existence en nature d'un bien appartenant à autrui entre les mains du débiteur au jour du jugement d'ouverture doit être parfaitement cernée. Plusieurs cas de figure sont susceptibles de se présenter. Le premier est celui dans lequel le bien existe en nature entre les mains du débiteur au jour du jugement d'ouverture. Le propriétaire, à moins qu'il ne soit titulaire d'un contrat publié, doit, pour faire valoir son droit, impérativement revendiquer le bien qui est sa propriété, en application de l'article L. 624-9 du Code de commerce, texte applicable par renvoi en redressement et en liquidation judiciaire.

Cette action en revendication est une action tendant à la reconnaissance du droit de propriété. Cette nature juridique apparaît à la lecture de l'article L. 624-10 (N° Lexbase : L5569HDM) (12), qui dispense le propriétaire titulaire d'un contrat publié de "faire reconnaître son droit de propriété". L'absence de revendication est alors sanctionnée par l'inopposabilité du droit de propriété à la procédure collective (13).

Si, dans un deuxième cas de figure, le bien n'existe pas en nature au jour du jugement d'ouverture, la revendication prévue à l'article L 624-9 ne peut pas prospérer faute de satisfaction d'une condition de fond de succès de cette action : celle de l'existence en nature. Puisque le bien n'existe pas en nature au jour du jugement d'ouverture, il ne peut faire partie du périmètre de la saisie collective des biens qu'opère à cette date l'ouverture de la procédure. Si l'existence en nature du bien apparaît postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, le propriétaire du bien devrait pouvoir faire valoir son droit de propriété sans avoir besoin de revendiquer dans les formes et délais de la revendication de l'article L. 624-9. Il ne s'agira en effet pas ici d'extraire du périmètre de la procédure collective le bien puisque celui-ci, par définition, n'était pas inclus dans ce périmètre qui est, rappelons-le, cristallisé au jour de l'ouverture de la procédure collective. A notre sens, il pourrait donc être soutenu que le propriétaire pourrait faire valoir son droit de propriété sur le bien apparu postérieurement au jugement d'ouverture. Le droit commun de la revendication aurait alors lieu à s'appliquer.

Si, dans une troisième hypothèse, comme en l'espèce, un bien en cours de fabrication est inclus dans le périmètre d'un plan de cession, non seulement, aucune action en revendication ne peut aboutir dans le cadre de la procédure collective, faute d'existence en nature au jour du jugement d'ouverture, mais, en outre, aucune action en revendication de droit commun ne pourrait être exercée contre le cessionnaire. En revanche, l'existence du bien en nature au jour de la cession aurait pu permettre à son véritable propriétaire d'exercer une action en revendication de droit commun à l'encontre du cessionnaire dans l'hypothèse où le repreneur aurait eu connaissance de l'existence des droits du véritable propriétaire. La mauvaise foi de l'acquéreur a non domino le prive en effet de la protection qui lui est assurée par l'article 2276 du Code civil (N° Lexbase : L7197IAS) (14). En l'espèce, puisque le bien n'existait pas en nature au jour de l'adoption du plan de cession, aucune mauvaise foi, au sens de l'article 2276 du Code civil, ne pourrait être invoquée à l'encontre du cessionnaire qui ne pouvait donc être inquiété par celui qui en avait passé commande auprès du débiteur sous procédure collective.

Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences - HDR à l'Université de Nice Sophia-Antipolis, Co-directrice du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises, Membre du CERDP (EA 1201)


(1) Cass. civ. 2, 12 février 2009, n° 08-13.459, FS-D (N° Lexbase : A1368EDZ), D., 2009, AJ 1085, obs. A. Lienhard ; Gaz. proc. coll., 2009/2, p. 28, n° 1, note Ph. Roussel Galle ; Leden, 2009/4, p. 1, note crit. F.-X. Lucas, sur pourvoi de Bordeaux, 2ème ch. 6 févril 2008, JCP éd. E, 2008, 2026 ; Cass. civ. 2, 17 décembre 2009, n° 08-22.081,F-D (N° Lexbase : A0853EQN) ; Cass. civ. 2, 4 février 2010, n° 09-11.602, F-D (N° Lexbase : A6152ERB).
(2) Cass. civ. 2, 12 février 2009, n° 08-10.470, FS-D (N° Lexbase : A1319ED9), Gaz. proc. coll., 2009/2, p. 28, n° 1, note Ph Roussel Galle ; Cass. civ. 2, 14 janvier 2010, n° 09-65.485, F-P+B (N° Lexbase : A3151EQR).
(3) Cass. com., 15 décembre 2009, n° 08-70.173, F-D (N° Lexbase : A7231EPI), Gaz. Pal., 16 et 17 avril 2010, n° 106 et 107, p. 32, note Ph. Roussel Galle.
(4) Cons. const., 11 février 2011, décision n° 2010-101 QPC (N° Lexbase : A9132GTE), D., 2011, AJ 513, obs. A. Lienhard ; Gaz. Pal. éd. sp. Dr. entr. en diff., 1er et 2 avril 2011, p. 11, note Ch. Lebel ; Gaz. Pal., 20 à 22 février 2011, p. 8, note G. Teboul ; Bull. Joly Entrep. en dff., mai/juin 2011, § 71, p. 128, note S. Rétif ; Bull. Joly Sociétés, mars 2011, p. 165, obs. F.-X. Lucas ; LPA, 16 juin 2011, n° 119, p. 21, note J.-P. Sortais ; LPA, 20 septembre 2011, n° 187, p. 3, note Dekeuwer ; Rev. sociétés, mai 2011, note Ph. Roussel Galle ; nos obs., in chron., Lexbase, éd. aff., 2011, n° 239 (N° Lexbase : N4844BRT).
(5) J.-P.Sortais, La suite heureuse d'une QPC, LPA, 15 août 2011, n° 161, p. 6.
(6) Cass. com., 3 juill. 2012, n° 11-22.746, F-D (N° Lexbase : A4991IQW), Rev. proc. coll., septembre 2012, comm. 161, note Ch. Lebel ; Cass. com., 16 octobre 2012, n° 11-22.750, F-P+B (N° Lexbase : A7176IUC), Bull. civ. IV, n° 187, D., 2012, Actu 2515, note A. Lienhard, Gaz. Pal., 18 janvier 2013, n° 18, p. 31, note Ph. Roussel Galle, JCP éd. E, 2012, Chron. 1757, n° 4, obs. Ph. Pétel ; Bull Joly Entrep. en diff., janvier 2013, comm. 11, note F. Macorig-Vénier ; Rev. proc. coll., novembre 2012, comm. 218, note Ch. Lebel ; Cass. com., 18 juin 2013, n° 12-14.493, F-P+B (N° Lexbase : A1839KHL), Bull. civ. IV, n° 106, D., 2013, actu 1617, note A. Lienhard ; Gaz. Pal., 29 septembre 2013, n° 272, p. 29, note Ph. Roussel Galle ; JCP éd. E, 2013, 1472, note D. Ronet-Yague ; JCP éd. E, 2013, Chron. 1679, n° 18, obs. Ph. Delebecque ; Rev. proc. coll., septembre 2013, comm. 123, note F. Legrand et M.-N. Legrand ; Bull Joly Entrep. en diff., novembre 2013, 368, note F. Macorig-Vénier ; RTDCom., 2013, 808, n° 2, obs. A. Martin-Serf ; Cass. com., 9 juillet 2013, n° 12-20.649, F-P+B+I (N° Lexbase : A8064KII), Bull. civ. IV, n° 122, D., 2013, actu 1830, note A. Lienhard, Gaz. Pal., 29 septembre 2013, n° 272, p. 34, note Ch. Gailhbaud, Rev. sociétés, septembre 2013, 525, note L.-C. Henry, JCP éd. E, 2013, Chron. 1679, n° 18, obs. Ph. Delebecque ; Dr. et proc., 2013, 218, obs. Ph. Roussel Galle, JCP éd. E, 2014, Chron. 1020, n° 11, obs. Ph. Pétel, RTDCom, 2013, 808, n° 2, obs. A. Martin-Serf , Rev. proc. coll., septembre 2014, comm. 132, note Ch. Lebel, nos obs., Lexbase, éd. aff., 2013, n° 351 (N° Lexbase : N8536BTC) ; Cass. com., 27 janvier 2015, n° 13-25.649, FS-P+B (N° Lexbase : A7165NAM), Bull Joly Entrep. en diff., mai 2015, 144, note F. Macorig-Venier, Rev. proc. coll., 2015, comm. 30, note Ch. Lebel ; Cass. com., 31 mai 2016, n° 14-20.075, F-P+B (N° Lexbase : A8744RRB) ; TGI Bordeaux, ord. 11 mai 2013, n° 10/11619, Rev. proc. coll., janvier 2014, Chron. 1, n° 5, note R. Raffray.
(7) Décret n° 2009-385 du 6 avril 2009 (N° Lexbase : L0036IE3), JORF du 8 avril, 6198.
(8) Cass. com., 27 janvier 2015, n° 13-25.649, FS-P+B (N° Lexbase : A7165NAM), Bull. Joly Entrep. en diff., mai 2015, 144, note F. Macorig-Venier ; Rev. proc. coll. 2015, comm. 30, note Ch. Lebel.
(9) Cass. com., 15 décembre 1992, n° 90-19.980, publié (N° Lexbase : A4764AB3), Bull. civ. IV, n° 412 ; Cass. com. 7 juin 2005, n° 04-14.670, F-D (N° Lexbase : A6571DI9). Rappr. : Cass. com., deux arrêts,10 janvier 2006, n° 04-18.437, F-D (N° Lexbase : A3437DMA) et n° 04-18.438, F-D (N° Lexbase : A3438DMB).
(10) CA Poitiers, 2 septembre 2014, n° 13/03796 (N° Lexbase : A8882MUI) et CA Poitiers, 9 septembre 2014, n° 14/03459 (N° Lexbase : A1130MWR).
(11) Cass. com., 11 juillet 2006, n° 05-13.103, F-P+B (N° Lexbase : A4537DQ4), Bull. civ. IV, n° 181 ; D., 2006. AJ 2462, obs. A. Lienhard ; Act. proc. coll., 2006, n° 198, note F. Pérochon ; JCP éd. E, 2007, Chron. 1004, n° 13, obs. M. Cabrillac ; JCP éd. E, 2007, Chron. 1907, n° 28, obs. Gros ; Rev. proc. coll., 2006/4, p. 362, n° 4, obs. M.-H. Monsèrié-Bon ; RTDCiv., 2006. 794, n° 2, obs. Revet ; RTDCom., 2007. 452, n° 6, obs. A. Martin-Serf ; Gaz. Pal., 5-6 janvier 2007, p. 26, note Goni.
(12) Sur ce constat, v. P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz action, 2015/2016, n° 813.11.
(13) V. not. Cass. com., 23 mai 1995, n° 93-10.439, publié (N° Lexbase : A8218ABY), Bull. civ. IV, n° 153 ; Rev. proc. coll., 1995, 488, n° 29, obs. B. Soinne.
(14) Cass. com., 15 décembre 2015, n° 13-25.566, F-P+B (N° Lexbase : A8702NZC), Gaz. Pal., 12 avril 2016, p. 69, nos obs..

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Filiation

[Brèves] L'identification d'une personne par ses empreintes génétiques : incompétence du juge des référés (une mesure strictement réservée à une instance au fond relative à la filiation)

Réf. : Cass. civ. 1, 8 juin 2016, n° 15-16.696, FS-P+B (N° Lexbase : A7029RS7)

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N3212BWU

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Le 16 Juin 2016

Il résulte du cinquième alinéa de l'article 16-11 du Code civil (N° Lexbase : L5063K8Z) qu'une mesure d'identification d'une personne par ses empreintes génétiques ne peut être ordonnée en référé mais seulement à l'occasion d'une instance au fond relative à la filiation. Tel est le principe énoncé par la première chambre civile de la Cour de cassation aux termes d'un arrêt rendu le 8 juin 2016, pour la première fois à notre connaissance, alors que la question avait été soulevée à de nombreuses reprises devant les juridictions du fond (Cass. civ. 1, 8 juin 2016, n° 15-16.696, FS-P+B N° Lexbase : A7029RS7). Dans cette affaire, M. G. avait assigné en référé Mme L. pour obtenir, sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1497H49), la réalisation d'un test de paternité sur lui-même et l'enfant de celle-ci, né le 7 janvier 2010. Après avoir tenté vainement d'obtenir une déclaration d'inconstitutionnalité des dispositions précitées, faisant valoir que celles-ci, en imposant à celui qui soupçonne sans certitude être le père d'un enfant de le reconnaître préalablement de manière mensongère, pour ensuite introduire en justice une action en contestation de sa reconnaissance à l'occasion de laquelle l'expertise génétique, qui est de droit en matière de filiation, pourra être ordonnée afin de vérifier le lien biologique de filiation, seraient contraires au droit de mener une vie familiale normale et au droit au respect de la vie privée (Cass. QPC, 16 décembre 2015, n° 15-16.696, F-P+B N° Lexbase : A8778NZ7 : la Cour de cassation décidant du non-lieu à renvoi de la QPC ainsi soulevée devant le Conseil constitutionnel), M. G. faisait grief à l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (CA Aix-en-Provence, 26 juin 2014, n° 13/11763 N° Lexbase : A8723MRI) de rejeter sa demande, invoquant alors, d'une part, la violation du droit au respect de la vie privée et familiale, tel que garanti par l'article 8 de la CESDH (N° Lexbase : L4798AQR), d'autre part la violation des articles 3 (intérêt supérieur de l'enfant) et 7 (droit de l'enfant de connaître ses parents et d'être élevé par eux) de la Convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 (N° Lexbase : L6807BHL). Il n'obtiendra pas davantage gain de cause devant la Haute juridiction qui, après avoir énoncé la règle précitée, ajoute que les dispositions du cinquième alinéa de l'article 16-11 du Code civil, qui ne privent pas M. G. de son droit d'établir un lien de filiation avec l'enfant ni de contester une paternité qui pourrait lui être imputée, ne portent pas atteinte à son droit au respect de la vie privée et familiale et ne méconnaissent pas davantage le droit de l'enfant de connaître ses parents et d'être élevé par eux (cf. l’Ouvrage "La filiation" N° Lexbase : E4353EYU).

newsid:453212

Fiscalité financière

[Brèves] Cession de titres : la règle "PEPS" est applicable quelle que soit la date d'acquisition effective des titres, sans qu'une numérotation des titres puisse y faire obstacle

Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 8 juin 2016, n° 381289, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7230RSL)

Lecture: 2 min

N3235BWQ

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Le 21 Juin 2016

Il résulte des termes mêmes de l'article 39 duodecies du CGI (N° Lexbase : L3833KWU) que, lorsqu'un contribuable cède des valeurs mobilières constituant des éléments d'actif affectés à l'exercice de sa profession, ces cessions sont réputées porter sur les titres de même nature acquis ou souscrits à la date la plus ancienne, quelle qu'en soit la date d'acquisition effective. La numérotation des parts cédées n'est pas de nature à faire obstacle à l'application de cette règle, alors même qu'une telle numérotation aurait permis d'établir la date exacte d'acquisition et le coût réel d'acquisition de chacun des titres cédés. Telle est la solution retenue par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 8 juin 2016 (CE 9° et 10° ch.-r., 8 juin 2016, n° 381289, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7230RSL). En l'espèce, le requérant a acquis des parts numérotées d'une société en 1999. Le 5 juillet 2005, celle-ci a procédé à une augmentation de capital intégralement souscrite par le requérant, sous la forme d'un apport en contrepartie de l'attribution de parts supplémentaires numérotées, le coût unitaire d'acquisition de ces parts nouvelles s'établissant ainsi à 47 euros. Le même jour, il a cédé l'ensemble de ces parts, pour un prix unitaire de 47 euros, à une société civile dont il était le gérant. Cette cession n'a donné lieu à aucune déclaration de plus-value auprès de l'administration fiscale. Cette dernière a alors estimé qu'en application des dispositions du 6 de l'article 39 duodecies du CGI, la cession intervenue le 5 juillet 2005 devait être réputée avoir porté sur les parts les plus anciennes du portefeuille d'actifs professionnels du requérant, c'est-à-dire, au cas présent, sur des parts sociales acquises en 1999 à un coût égal à leur valeur nominale. Pour la Haute juridiction, qui a donné raison à l'administration sur cette question, la cession litigieuse devait être réputée porter sur des titres de portefeuille, au sens et pour l'application des dispositions du 6 de l'article 39 duodecies, et que la numérotation des parts cédées par le requérant n'était pas de nature à faire obstacle à l'application de la règle "PEPS", alors même qu'une telle numérotation aurait permis d'établir la date exacte d'acquisition et le coût réel d'acquisition de chacun des titres cédés .

newsid:453235

Huissiers

[Brèves] De l'obligation statutaire d'impartialité et d'indépendance de l'huissier de justice, officier public délégataire de l'Etat dans l'exercice de sa mission d'auxiliaire de justice

Réf. : Cass. civ. 1, 1er juin 2016, n° 15-11.417, FS-P+B+I (N° Lexbase : A2665RR7)

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N3049BWT

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Le 16 Juin 2016

L'huissier de justice est tenu, lorsqu'il agit en tant qu'officier public délégataire de l'Etat dans l'exercice de sa mission d'auxiliaire de justice, d'une obligation statutaire d'impartialité et d'indépendance. Telle est la solution dégagée par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 1er juin 2016 (Cass. civ. 1, 1er juin 2016, n° 15-11.417, FS-P+B+I N° Lexbase : A2665RR7). Dans cette affaire, la chambre des huissiers de justice de Paris, qui avait, par trois actes sous seing privé, consenti au Comité national pour l'éducation artistique la mise à disposition gratuite d'un local situé, à Paris, pour des durées déterminées successives expirant le 31 décembre 2010, a, par lettre du 2 mars 2010, avisé le CNEA qu'elle n'entendait pas renouveler la convention à son échéance, et l'a invité à prendre ses dispositions pour libérer le local. Le Comité s'étant maintenu dans les lieux malgré plusieurs lettres de relance, la chambre l'a assigné en référé aux fins d'expulsion et de paiement d'une provision à valoir sur l'indemnité d'occupation, par acte du 26 mars 2013. Pour rejeter l'exception de nullité de cette assignation et de la procédure subséquente, tirée de ce que l'huissier de justice instrumentaire était intéressé au succès de l'action en tant que trésorier de la chambre, la cour d'appel retient que celle-ci exerce l'action pour la défense de ses intérêts collectifs, qui, en raison du principe d'autonomie de la personne morale, se distinguent de ceux personnels de chacun de ses membres, de sorte que rien n'interdisait à l'huissier, fût-il trésorier de cet organisme professionnel, de délivrer l'acte introductif d'instance litigieux (CA Paris, Pôle 1, 2ème ch., 16 octobre 2014, n° 13/14169 N° Lexbase : A4900MY7). L'arrêt sera censuré par la Haute juridiction au visa de l'article 1 bis A de l'ordonnance du 2 novembre 1945, relative au statut des huissiers de justice (N° Lexbase : L8061AIE), ensemble l'article 6, §1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR). En effet, énonçant la solution précitée, elle conclut que la qualité de trésorier, membre du bureau chargé de la gestion du patrimoine et des intérêts financiers de la chambre, de l'huissier était de nature à faire naître un doute raisonnable, objectivement justifié, sur son impartialité et son indépendance.

newsid:453049

Magistrats

[Brèves] Obligation pour le CSM d'émettre un avis sur la candidature d'un "magistrat placé"

Réf. : CE, Ass., 8 juin 2016, n° 382736, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2406RSW)

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N3166BW8

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Le 16 Juin 2016

Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) doit émettre dans tous les cas un avis portant sur les mérites de la candidature d'un magistrat à un poste, y compris lorsqu'il s'agit d'un "magistrat placé". Telle est la solution dégagée par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 8 juin 2016 (CE, Ass., 8 juin 2016, n° 382736, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A2406RSW). Selon l'article 65 de la Constitution (N° Lexbase : L0894AHL), la nomination d'un magistrat du siège est normalement soumise à un avis conforme du CSM, le Président de la République ne pouvant nommer un magistrat du siège qu'avec l'accord de celui-ci. Cette exigence constitue une garantie essentielle de l'indépendance de l'autorité judiciaire et concourt au bon fonctionnement de l'institution judiciaire. Le Conseil d'Etat en déduit que le statut de "magistrat placé" donne effectivement le droit d'être nommé, après deux ans de fonctions, soit dans le tribunal de grande instance du lieu de la cour d'appel, soit dans le plus important du département. A ce titre, l'administration est obligée, si le "magistrat placé" est candidat, de proposer sa nomination et de la soumettre au CSM. En revanche, le CSM n'est pas lié par cette proposition : il doit apprécier les mérites du candidat et son adaptation au poste à pourvoir en tenant compte des droits spécifiques des "magistrats placés". Si le CSM estime que la candidature au poste sollicité est inadéquate au regard des aptitudes de l'intéressé, des exigences déontologiques et des besoins de l'institution judiciaire, il peut émettre un avis non conforme qui empêche sa nomination. C'est le cas en l'espèce, les responsabilités éminentes d'un vice-président chargé des fonctions de juge d'instruction au tribunal de grande instance de Paris impliquant qu'une attention toute particulière soit portée à l'adéquation du candidat à un tel poste, et le requérant ayant fait l'objet d'évaluations comportant plusieurs réserves émises lors de ses affectations sur des postes précédents.

newsid:453166

Pénal

[Jurisprudence] Responsabilité pénale des personnes morales... et la lumière vint de la procédure pénale

Réf. : Cass. crim., 12 avril 2016, n° 15-86.169, F-P+B (N° Lexbase : A6875RIH)

Lecture: 8 min

N3179BWN

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par Romain Ollard, Professeur à l'université de la Réunion, Directeur scientifique de l'Encyclopédie droit pénal et procédure pénale.

Le 16 Juin 2016

La décision rendue le 12 avril 2016 par la Chambre criminelle de la Cour de cassation pourrait bien constituer une étape décisive dans l'évolution jurisprudentielle -pour le moins tortueuse- relative aux conditions de la responsabilité pénale des personnes morales. Voici en effet maintenant presque cinq ans que la jurisprudence, manifestement empreinte de doutes, fait preuve d'hésitations et autres volte-face à propos de l'exigence d'identification des organes ou représentants agissant pour le compte de la personne morale, refusant de condamner formellement le mécanisme de présomption d'imputation qu'elle avait elle-même élaboré. Or, bien que se prononçant à titre principal sur les conditions de la mise en examen d'une personne morale, la Chambre criminelle paraît bien ici revenir à une lecture plus stricte de l'article 121-2 du Code pénal (N° Lexbase : L3167HPY) en exigeant une identification précise de l'organe ou du représentant agissant pour son compte. Contre toute attente, la lumière pourrait donc bien jaillir... de la procédure pénale. L'affaire. Mise en examen du chef d'homicide involontaire, une personne morale forma une requête en nullité faisant valoir que le juge d'instruction n'avait pas relevé, conformément aux exigences de l'article 80-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L2962IZQ), d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable que l'infraction ait pu être commise par l'un de ses organes ou représentants. Approuvant la chambre de l'instruction d'avoir rejeté la requête, la Chambre criminelle décide, pour ce qui nous intéresse ici, que "si le juge d'instruction doit rechercher par quel organe ou représentant le délit reproché à la personne morale a été commis pour son compte, cette obligation ne s'impose pas préalablement au prononcé de la mise en examen de celle-ci, laquelle résulte de la seule existence d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable sa participation à la commission de l'infraction, l'information ayant, notamment, pour objet l'identification de la personne physique ayant engagé la responsabilité pénale de la personne morale". Par cette décision particulièrement motivée, la Chambre criminelle invite à distinguer deux temps de la procédure induisant des exigences distinctes en termes d'identification des organes ou représentants de la personne morale : tandis que la décision de mise en examen, nous dit-elle, n'exige pas une telle identification dès lors qu'à ce stade une simple vraisemblance de participation à l'infraction suffit à fonder la décision, l'identification des organes ou représentants serait au contraire exigée au stade du jugement. Dès lors en effet que le juge d'instruction a pour mission -pour "obligation", nous dit-on même- de "rechercher par quel organe ou représentant le délit reproché à la personne morale a été commis pour son compte" au cours de l'information judiciaire, laquelle a précisément pour "objet l'identification de la personne physique", une telle identification précise semble être une condition du renvoi de la personne morale devant la juridiction de jugement et, plus loin, de sa condamnation effective. Or, en posant de la sorte l'exigence d'une stricte identification de l'organe ou du représentant agissant pour le compte de la personne morale, la Haute juridiction paraît bien implicitement condamner le mécanisme de présomption d'imputation. Pour bien comprendre la solution et en mesurer la portée, retraçons sommairement l'évolution -chaotique- de la jurisprudence sur la question.

L'évolution : la présomption d'imputation de la responsabilité aux personnes morales. Conformément à la lettre de l'article 121-2 du Code pénal, la Chambre criminelle exigeait classiquement, pour engager la responsabilité pénale des personnes morales, que l'infraction soit caractérisée en la personne de ses organes ou représentants (1), lesquels devaient dès lors nécessairement être identifiés. Faisant fi de cette exigence d'identification, la Haute juridiction a néanmoins pu poser, à plusieurs reprises, une présomption d'imputation de l'infraction à la personne morale lorsque "l'infraction n'a pu être commise, pour le compte de la personne morale, que par ses organes ou représentant" (2). D'abord limité aux infractions d'imprudence, le domaine de cette présomption fut par la suite étendu aux infractions intentionnelles, la jurisprudence ayant pu décider en 2008, à propos du faux, que "les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables dès lors que les infractions s'inscrivent dans le cadre de la politique commerciale des sociétés et ne peuvent avoir été commises, pour le compte de celles-ci, que par leur organes ou représentants" (3). En d'autres termes, la question n'était plus tant de "savoir qui avait agi au sein de la personne morale que de savoir si l'acte rentrait bien dans son objet social" (4). L'imputation de responsabilité à la personne morale supposait ainsi simplement que l'organe ou le représentant -même non identifié- ait agi en représentation de la personne morale, dans le cadre d'une activité conforme à son objet social. Cette première étape de l'évolution ne marquait toutefois pas encore un abandon de l'exigence d'une infraction commise par un organe ou représentant dès lors que la jurisprudence se contentait de poser une simple présomption d'action par un représentant.

La révolution : la responsabilité directe des personnes morales. Un pas supplémentaire fut cependant franchi lorsque la jurisprudence admit -rarement il est vrai- d'imputer directement la faute pénale aux personnes morales puisque, non contente de poser une simple règle de preuve, la jurisprudence éliminait alors, au fond, cette condition de la responsabilité. Dans une décision du 9 mars 2010, la Cour de cassation décida ainsi d'imputer directement l'infraction d'homicide par imprudence à une personne morale, en l'occurrence un centre hospitalier universitaire, en se contentant de viser une "défaillance manifeste du service d'accueil des urgences" ayant contribué à la réalisation du dommage (5). Comme en matière de responsabilité administrative, il suffisait donc d'établir une défaillance ou une désorganisation de la personne morale pour lui imputer la responsabilité pénale, sans qu'il soit nécessaire de caractériser l'infraction en la personne de son représentant. Tout se passait en définitive comme si c'était la personne morale elle-même qui commettait la faute et l'infraction, ce qui pouvait être vu comme une consécration implicite de la théorie de la faute diffuse (6), selon laquelle la personne morale pourrait se voir reprocher une faute propre consistant en une série de défaillances humaines diffuses imputables à l'organisation et à la structuration du groupement. Alors que la responsabilité des personnes morales était traditionnellement conçue comme une responsabilité indirecte supposant l'établissement préalable d'une faute en la personne du représentant, on passait ainsi subrepticement à un système de responsabilité directe de la personne morale, fondé sur sa faute propre (7).

Le temps des incertitudes. Cette évolution de la responsabilité pénale des personnes morales devait toutefois subir un important coup d'arrêt à partir de 2011 avec toute une kyrielle de décisions qui, revenant à une lecture plus stricte de l'article 121-2 du Code pénal, exigeaient comme jadis que l'organe ou le représentant soient explicitement identifiés par les décisions de condamnation (8). Mais empreinte d'une grande ambiguïté, ces solutions jurisprudentielles étaient susceptibles de plusieurs interprétations. Dans la plupart des décisions en effet, la Chambre criminelle censurait des juridictions du fond -ayant fait application du mécanisme de la responsabilité directe des personnes morales en lui reprochant une faute propre, la plupart du temps une abstention- pour n'avoir pas recherché si l'infraction imputée avait été commise par un organe ou un représentant (9). Dès lors, si de telles décisions condamnaient assurément la théorie de la responsabilité directe des personnes morales, il était pour le moins imprudent d'en déduire qu'elles sonnaient le glas du mécanisme de la présomption d'imputation dont les juges du fond n'avaient nullement fait application. Pour acquérir une certitude sur ce point, il eut fallu que la Chambre criminelle l'énonce explicitement, à travers un obiter dictum -ce qu'elle a récemment refusé de faire dans un arrêt du 22 mars 2016 alors que l'occasion lui en était pourtant offerte par un pourvoi (10)-, ou qu'elle censure à tout le moins une décision de cour d'appel ayant fait expressément application du mécanisme de la présomption (11). L'incertitude était d'autant plus grande que, dans une décision au moins, la Cour de cassation a pu faire application de sa jurisprudence antérieure (12), que d'aucuns considéraient pourtant comme déjà enterrée, de sorte que l'interprète en était réduit à naviguer à vue, scrutant avec une certaine impatience les décisions de la Haute juridiction sur ce point.

Le temps de la sérénité ? Si la solution mérite assurément d'être confirmée au fond, en dehors du cadre de la procédure pénale dans laquelle elle s'inscrit, ce qui en limite nécessairement la portée, l'arrêt ici commenté du 12 avril 2016 pourrait toutefois constituer une étape décisive dans cette évolution jurisprudentielle. Certes, au stade de l'instruction, la Chambre criminelle n'exige pas une stricte identification de l'organe ou du représentant pour procéder à la mise en examen de la personne morale, ce qui se conçoit au regard des conditions de l'article 80-1 du Code de procédure pénale qui se contentent d'une simple vraisemblance de participation à l'infraction et pourraient donc se satisfaire, à ce stade, d'une présomption d'imputation. Toutefois, en affirmant que le juge d'instruction a "l'obligation" -et le terme n'est évidemment pas neutre- de rechercher "par quel organe ou représentant le délit reproché à la personne morale a été commis pour son compte" au cours de l'information judiciaire, laquelle a précisément "pour objet l'identification de la personne physique", c'est bien que cette identification est une condition du renvoi de la personne morale devant la juridiction de jugement et, plus loin, de sa condamnation définitive. Par la stricte exigence identification des organes ou représentants qu'elle contient, la solution paraît donc induire une condamnation du mécanisme de la présomption d'imputation, laquelle ne pourrait plus être admise qu'au stade de la mise en examen de la personne morale.

Le temps des regrets. Si cette analyse devait être confirmée, qu'il soit toutefois permis de nourrir quelques regrets. D'une part, le mécanisme de la présomption d'imputation nous paraît particulièrement pertinent dans le domaine des infractions d'imprudence, lorsqu'une réglementation fait expressément peser des obligations sur la personne de l'employeur, spécialement des obligations de sécurité en matière de droit du travail : dès lors que cette réglementation désigne formellement l'employeur ou son délégataire comme débiteur de ces obligations (13), l'infraction d'imprudence réalisée par manquement à ces obligations ne peut avoir été commise que par les organes ou représentants de la personne morale. La présomption d'imputation est alors aussi utile que juste dès lors qu'elle repose, non simplement sur une vraisemblance, mais sur une certitude de commission de l'infraction par un représentant. C'est peut-être d'ailleurs pour se ménager une porte de sortie dans ces hypothèses précises que la Cour de cassation a toujours refusé jusqu'ici de condamner formellement la présomption d'imputation, encore récemment dans sa décision du 22 mars 2016 (14) qui mettait précisément en scène une activité de stockage des déchets dont la réglementation, en l'occurrence un arrêté préfectoral, édictait des obligations de contrôle expressément mises à la charge de la direction de la personne morale.

D'autre part, si un retour à une lecture plus stricte de l'article 121-2 du Code pénal peut être salué au regard du principe de légalité criminelle, il ne saurait pour autant masquer les insuffisances des conditions traditionnelles de la responsabilité pénale des personnes morales. Il en est ainsi, particulièrement, dans les hypothèses où la jurisprudence a pu retenir une responsabilité directe des personnes morales, lorsque certaines infractions, bien que commises dans le cadre de son objet social et facilitées par sa désorganisation, ne peuvent avoir été matériellement commises par ses organes ou représentants. Ainsi par exemple, dans l'espèce ayant donné lieu à l'arrêt précité du 9 mars 2010 qui concernait un homicide par imprudence dont le service des urgences d'un hôpital fut le théâtre, il est bien évident que les fautes susceptibles d'être imputées à cette personne morale avaient été commises par les personnels hospitaliers (médecins ou infirmiers), non par ses organes ou représentants. L'exigence stricte d'identification d'un organe ou représentant vient alors paralyser la répression de la personne morale là où elle aurait pourtant, peut-être, le plus de sens. C'est précisément la raison pour laquelle certains auteurs préconisent dans ce cas -où la faute pénale est moins imputable à une ou plusieurs personnes physiques déterminées qu'à un défaut d'organisation du groupement- de raisonner non plus sur l'article 121-2 du Code pénal mais sur l'article 121-1 (N° Lexbase : L2225AMD) qui prévoit le principe de responsabilité pénale du fait personnel, pour imputer directement la responsabilité aux personnes morales, à raison de leurs fautes propres, sans avoir à caractériser une infraction en la personne de son représentant (15).


(1) V. encore Cass. crim., 2 décembre 1997, n° 96-85.484 (N° Lexbase : A1341ACN), JCP éd. G, 1998, II, 10023, Rapport F. Desportes (infraction intentionnelle) ; Cass. crim., 18 janvier 2000 n° 99-80.318 (N° Lexbase : A3244AUP), D., 2000, J. 636, note J.-C. Saint-Pau (infraction non intentionnelle).
(2) Cass. crim., 20 juin 2006 n° 05-85.255, F-P+F+I (N° Lexbase : A3845DQH), JCP éd. G, 2006, II, 10199, note E. Dreyer ; D., 2007, J. 617, note J.-C. Saint-Pau ; Cass. crim., 26 juin 2007 n° 06-84.821, F-D (N° Lexbase : A7685HED), DP 2007, comm. 135, obs. M. Véron ; Cass. crim., 15 janvier 2008, n° 07-80.800, F-P+F+I (N° Lexbase : A7369D4P), DP 2008, comm. 71, obs. M. Véron ; Cass. crim., 15 février 2011, n° 10-85.324, F-D (N° Lexbase : A2649G9Y), DP 2011, comm. 62.
(3) Cass. crim., 25 juin 2008, n° 07-80.261, FS-P+F (N° Lexbase : A1152EAW), Revue Sociétés, 2008, p. 873, note crit. H. Matsopoulou.
(4) E. Dreyer, note précitée, p. 2283.
(5) Cass. crim., 9 mars 2010, n° 09-80.543, F-P+F (N° Lexbase : A1799EXW), Bull. crim. n° 49, D., 2010, p. 2135, note J.-Y. Maréchal.
(6) V. particulièrement J.-Ch. Saint-Pau, La faute diffuse de la personne morale, D., 2004, p. 167.
(7) Sur la question, v. J.-Y. Chevalier, Plaidoyer pour une responsabilité pénale directe des personnes morales, JCP éd. G, 2009, Chr. 249 ; J.-Ch. Saint-Pau, Evolution de la responsabilité pénale des personnes morales : d'une responsabilité par représentation à une responsabilité sans représentation, in La cohérence des châtiments, Essai de philosophie pénale et de criminologie, vol. 10, D., 2012, p. 41.
(8) Sur cette évolution jurisprudentielle, Y. Mayaud, De la commission de l'infraction par les organes ou représentants des personnes morales. Ni présomption, ni revirement, RSC, 2013, 73. Adde, Ph. Conte, condition de la responsabilité tenant à l'identification de l'organe ou du représentant, DP 2016, comm. 22.
(9) V. notamment Cass. crim., 11 octobre 2011, n° 10-87.212, F-P+B (N° Lexbase : A7526HYE), Bull. crim. n° 202 ; JCP éd. G, 2011, p. 1385, note J.-H. Robert ; RSC 2011, p. 825, obs. Y. Mayaud ; Cass. crim., 11 avril 2012, n° 10-86.974, FS-P+B (N° Lexbase : A5810IIZ), Bull. crim. n° 94, JCP éd. G, 2012, p. 1217, note J.-H. Robert ; D., 2012, p. 1381, note J.-Ch. Saint-Pau ; Cass. crim., 2 octobre 2012, n° 11-84.415, F-P+B (N° Lexbase : A7272IUU) ; Cass. crim., 19 juin 2013, n° 12-82.827, FS-P+B (N° Lexbase : A1788KHP), Rev. Sociétés, 2014. 55, note B. Bouloc ; Cass. crim., 6 mai 2014, n° 12-88.354, FS-P+B+I (N° Lexbase : A8147MKX) et n° 13-82.677, FS-P+B+I (N° Lexbase : A8149MKZ) ; Dalloz actualité, 28 mai 2014, obs. F. Winckelmuller ; RSC, 2014. 780, obs. Y. Mayaud ; Cass. crim., 13 mai 2014, n° 13-81.240, F-P+B+I (N° Lexbase : A9734MKQ) ; Cass. crim., 16 décembre 2014, n° 13-87.330, F-D (N° Lexbase : A3007M8U), RSC, 2015. 411, obs. P. Mistretta.
(10) Cass. crim., 22 mars 2016, n° 15-81.484, F-P+B (N° Lexbase : A3556RAX), Dalloz actualité, 8 avril 2016, obs. D. Goetz : à la suite d'un refus de condamnation en appel d'une personne morale, le pourvoi prétendait précisément faire valoir l'application de la présomption d'imputation. Là encore, dès l'instant que la Chambre criminelle, se contenant de reproduire sa formule classique, n'a pas saisi l'occasion qui lui était offerte de se prononcer expressément sur le mécanisme
(11) J.-Ch. Saint-Pau, La faute diffuse de la personne, note précitée.
(12) Cass. crim., 18 juin 2013, n° 12-85.917, F-P+B (N° Lexbase : A2960KIH) ; Bull. crim., n° 144, dans une espèce toutefois particulière mettant en scène une association et de son président.
(13) V. particulièrement C. trav., art. L. 4741-1 (N° Lexbase : L3367IQR).
(14) Cass. crim., 22 mars 2016, n° 15-81.484, F-P+B (N° Lexbase : A3556RAX).
(15) J.-Ch. Saint-Pau, La faute diffuse de la personne morale, note précitée.

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Procédure prud'homale

[Textes] Réforme de la justice prud'homale issue de la loi "Macron" : le décret d'application est enfin publié

Réf. : Décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, relatif à la justice prud'homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail (N° Lexbase : L2693K8A)

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par Kevin Bouleau, Juriste en droit du travail et Pierre Didier, Avocat à la cour, Cabinet Baker & McKenzie

Le 16 Juin 2016

Depuis plusieurs années, les condamnations de l'Etat liées au dysfonctionnement des juridictions prud'homales, et notamment aux délais excessifs, sont en augmentation constante. Ces délais de traitement anormalement longs (en moyenne 16,6 mois ou 28 mois selon qu'il y a ou non départage, et 17,2 mois en appel), mais également la disparité des décisions d'une juridiction à l'autre ou encore des taux d'appel très élevés (67 %) (1) concernent quelques 200 000 personnes saisissant la juridiction prud'homale chaque année. Ce bilan peu glorieux avait été à l'origine de la mission confiée par l'ancienne Garde des Sceaux, Madame Christiane Taubira, à l'ancien président de la Chambre sociale de la Cour de cassation, Monsieur Alain Lacabarats, qui avait rendu en juillet 2014 un rapport intitulé "L'avenir des juridictions du travail : vers un tribunal prud'homal du XXIème siècle" (2).
Le volet sur la justice prud'homale de la loi du 6 août 2015, pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite loi "Macron" (3) a repris plusieurs des propositions de ce rapport (4) dans le but d'améliorer le fonctionnement de la justice prud'homale en la rendant plus rapide, plus sûre et plus prévisible pour les employeurs comme pour les salariés.
Le décret d'application n° 2016-660 du 20 mai 2016, relatif à la justice prud'homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail, très attendu, et plusieurs fois reporté, vient enfin d'être publié au Journal officiel du 25 mai 2016, et permet à cette réforme de rentrer pleinement en vigueur. Modification de la procédure prud'homale en première instance et en appel, regroupement devant le tribunal d'instance du contentieux préélectoral, possibilité de saisir la Cour de cassation pour avis sur l'interprétation des accords collectifs..., ce décret adopte, selon sa notice explicative, "les mesures nécessaires à la modernisation de la justice prud'homale et à la rationalisation du traitement de certains contentieux du travail relevant de la compétence judiciaire". I - La nouvelle procédure devant le conseil des prud'hommes

Le décret rénove, tout d'abord, le cadre procédural devant le conseil de prud'hommes.

Saisine du conseil de prud'hommes. La demande reste formée soit par requête, soit par présentation volontaire des parties devant le bureau de conciliation et d'orientation (BCO) (4).

La possibilité de présentation volontaire des parties existait déjà avant le présent décret, mais reste très peu utilisée pour des questions pratiques, ce mode de saisine impliquant une connaissance par le demandeur des jours d'audiences de conciliation, qu'il se présente devant la section compétente, mais également qu'il soit accompagné de son employeur, ce qui est tout à fait illusoire.

En revanche, à compter du 1er août 2016, la requête introductive sera calquée sur la saisine prévue par le Code de procédure civile. Ainsi, cette requête ne se fera plus par simple dépôt d'un formulaire type, mais devra contenir un exposé des motifs de la demande et mentionner chacun des chefs de celle-ci. Elle devra également être accompagnée des pièces que le demandeur souhaite invoquer à l'appui de ses prétentions, ces pièces devant être énumérées dans un bordereau qui lui sera annexé. Cette requête, ainsi que le bordereau, devront être établis en autant d'exemplaires qu'il existe de défendeurs, outre l'exemplaire destiné à la juridiction (5). A réception de cette requête, le greffe communiquera au demandeur le lieu, la date et l'heure de la séance de conciliation.

Il faut préciser que cette procédure prévoit également une incitation pour le demandeur à communiquer ses pièces en amont de la date de conciliation, car si le défendeur ne comparaît pas, une décision pourra être rendue en son absence, à la condition qu'il ait eu connaissance des pièces et des moyens (6) adverses au préalable.

Dans la pratique, cette modification des règles de saisine aura pour intérêt de contraindre les parties, et en premier lieu le demandeur, à communiquer leurs pièces et conclusions très en amont dans le déroulé de la procédure, ce qui constituera une grande nouveauté par rapport à la pratique actuelle où les communications sont régulièrement tardives, ce qui provoque de très nombreux renvois et explique, en partie, les délais très longs de la justice prud'homale.

De plus, cette procédure permettant d'assurer une information plus complète sur le litige, tant pour le défendeur que pour le bureau d'orientation et de conciliation (BCO), elle pourrait être susceptible de favoriser une conciliation entre les parties (7).

En revanche, on peut imaginer que de nombreux demandeurs se contenteront d'une saisine "allégée" pour respecter ces nouvelles prescriptions, en ne communiquant qu'une version minimaliste de leurs pièces et conclusions dans l'attente de découvrir les moyens de leur adversaire, ce qui ne sera pas sans poser de problèmes par la suite, lorsqu'à l'issue du bureau de conciliation et d'orientation (BCO), il s'agira d'établir un calendrier de communication des pièces et conclusions par les parties, le demandeur pouvant être tenté d'argumenter qu'il aura déjà procédé à cette communication lors de sa saisine, quand bien même celle-ci serait minimaliste, dans le seul but de forcer le défendeur à procéder sans attendre à sa propre communication de pièces et conclusions, alors qu'il ne connaîtra qu'une partie des arguments de la partie adverse.

En outre, cette complexification de la saisine et de la procédure, dès le stade de la conciliation, rendra la justice prud'homale moins accessible aux justiciables qui souhaiteraient se défendre seuls et qui seraient découragés par le respect nécessaire de ce formalisme.

Assistance et représentation des parties. Désormais, le Code du travail dispose que les parties se défendent elles-mêmes devant le Conseil de prud'hommes. Elles conservent, toutefois, la faculté de se faire assister ou représenter sans devoir, dans ce dernier cas, et comme c'était le cas auparavant, justifier d'un motif légitime (8). Cette précision entérine la pratique qui veut que la plupart du temps, la société défenderesse ne soit pas physiquement présente, et soit uniquement représentée par un avocat. Il ne sera donc plus nécessaire de justifier d'un motif légitime pour expliquer l'absence d'un représentant de l'entreprise.

Le décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 introduit également le défenseur syndical parmi les personnes habilitées à assister ou représenter les parties (9). Le défenseur syndical, remplaçant le délégué permanent ou non permanent d'une organisation syndicale, bénéficie désormais d'un véritable statut. Il exerce ainsi des fonctions d'assistance ou de représentation devant les conseils de prud'hommes et les cours d'appel en matière prud'homale. Il est inscrit sur une liste arrêtée par l'autorité administrative sur proposition des organisations d'employeurs et de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel, national et multiprofessionnel, ou dans au moins une branche, dans des conditions qui seront définies à l'occasion d'un nouveau décret (10).

La compétence du bureau de conciliation et d'orientation (BCO) pour statuer sur la compétence des sections. En cas de difficulté de répartition d'une affaire ou de contestation sur la connaissance d'une affaire par une section, le dossier est transmis au président du conseil de prud'hommes, qui, après avis du vice-président, renvoie l'affaire à la section qu'il désigne par ordonnance. La contestation de la compétence d'une section doit désormais être formée devant le bureau de conciliation et d'orientation (BCO) ou, dans les cas où l'affaire est directement portée devant le bureau de jugement, avant toute défense au fond (11) et ce, afin d'éviter les manoeuvres dilatoires observées jusqu'alors, consistant à soulever cette contestation le plus tard possible dans la procédure.

Un bureau d'orientation et de conciliation (BCO) chargé de la mise en l'état. Le décret prévoit qu'en cas d'échec de la conciliation, le bureau de conciliation et d'orientation (BCO) assure la mise en l'état de l'affaire jusqu'à la date qu'il fixe pour l'audience de jugement, des séances pouvant être spécialement tenues à cette fin. Après avis des parties, le bureau de conciliation et d'orientation (BCO) fixe les délais et les conditions de communication des prétentions, moyens et pièces, par les parties. Il peut entendre les parties séparément, en personne, les inviter à fournir les explications nécessaires à la solution du litige ainsi que les mettre en demeure de produire, dans le délai qu'il détermine, tous documents ou justifications propres à éclairer le conseil (12). Le bureau tire toute conséquence de l'abstention de la partie ou de son refus (13). Ainsi, à défaut pour les parties de respecter les modalités de communication fixées, il peut radier l'affaire ou la renvoyer à la première date utile devant le bureau de jugement. Enfin, le bureau de conciliation et d'orientation (BCO) peut, par une décision non susceptible de recours, désigner un ou deux conseillers rapporteurs pour procéder à la mise en l'état de l'affaire (14).

Déjà appliquée devant certains conseils de prud'hommes (notamment dans l'Est de la France), une véritable phase de mise en l'état est plus que la bienvenue devant une juridiction désarmée face aux mesures de renvois endémiques et dont les délais de jugements sont particulièrement longs. Elle doit permettre qu'à la date fixée pour l'audience de jugement, la plupart des dossiers soient effectivement plaidés et ne fassent plus l'objet de renvois incessants. Cependant, pour être efficace, cette mise en l'état devra être appliquée de façon extrêmement stricte et le rôle des conseillers chargés de cette mise en l'état sera déterminant, d'autant que la seule menace d'une radiation ne sera évidemment pas de nature à effrayer une partie défenderesse peu diligente.

Sur ce point, le projet de loi dit "El Khomri" prévoit, au stade de son examen devant le Sénat, la possibilité pour les conseillers prud'homaux de fixer une date de clôture de l'instruction (15). Ainsi, si cet article est définitivement voté, il ne sera plus possible pour les parties, sauf en cas de "rabat" de la clôture (16), de produire d'autres pièces et conclusions après la date de clôture fixée par le bureau de conciliation et d'orientation (BCO).

Bien que très contraignant et révolutionnaire par rapport aux pratiques actuelles, l'adoption d'un tel amendement est souhaitable en ce qu'il complèterait ce décret qui, en l'état, paraît prodiguer des mesures insuffisamment coercitives pour forcer les parties à être diligentes, et ce d'autant que cela ferait coïncider la procédure de première instance avec la procédure désormais applicable devant la cour d'appel, qui, par ce même décret, vient de basculer vers les obligations requises en matière de procédure avec représentation obligatoire (voir ci-après).

Reste également à observer la façon dont chaque conseil de prud'hommes s'accommodera de cette nouvelle procédure et l'efficacité avec laquelle les conseillers chargés de cette mise en état procèderont au suivi des affaires, des fortes disparités selon les conseils étant à prévoir.

Composition du bureau de jugement. Dans l'objectif encore d'améliorer les délais de traitement, le décret entérine la création de nouvelles formations de jugement (17). Il est ainsi prévu qu'en l'absence de conciliation ou en cas de conciliation partielle, le bureau de conciliation et d'orientation (BCO) oriente les parties vers le bureau de jugement approprié au règlement de l'affaire, qui sera composé :

- soit de deux conseillers prud'hommes employeurs et de deux conseillers salariés (formation normale) ;

- soit d'un conseiller employeur et d'un conseiller salarié, devant statuer dans un délai de trois mois (formation restreinte) ;

- soit, enfin, de deux conseillers employeurs, de deux conseillers salariés et du juge départiteur (formation de départage).

Ainsi, en cas d'échec de la conciliation, le bureau de conciliation et d'orientation (BCO) disposera de la possibilité, si le litige porte sur un licenciement ou une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, de renvoyer les parties, avec leur accord, devant le bureau de jugement en sa formation restreinte (18), celui-ci devant donc statuer dans un délai de trois mois.

De même, cet article prévoit qu'en cas d'échec de la conciliation, si les parties le demandent ou si la nature du litige le justifie (notion abstraite et non définie), l'affaire peut être renvoyée directement devant la formation de départage.

On peut, cependant, être sceptique face à ces mesures, étant donné que le renvoi devant ces formations particulières de jugement implique nécessairement l'accord conjoint des parties, ce qui semble peu envisageable, la partie défenderesse ayant rarement intérêt à accepter un traitement plus rapide de son affaire, qui faciliterait la tâche de son adversaire.

En outre, le délai de trois mois dans lequel la nouvelle formation restreinte est censée se prononcer, paraît bien illusoire, compte tenu des délais actuels devant nombre de conseils de prud'hommes, des délais courts similaires étant d'ailleurs déjà prévus pour certaines actions (motif économique, requalification du CDD, prise d'acte) sans qu'ils ne soient jamais respectés en pratique, faute pour les conseils de disposer de moyens suffisants.

Bureau de conciliation et résolution amiable des différends. Le décret prévoit que le bureau de conciliation et d'orientation (BCO), la formation de référé ou le bureau de jugement puisse, quel que soit le stade de la procédure et après avoir recueilli l'accord des parties, désigner un médiateur afin de les entendre et de confronter leurs points de vue pour permettre de trouver une solution au litige qui les oppose. Le décret prévoit également la possibilité d'enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur qui les informe sur l'objet et le déroulement de la mesure. En cas d'accord, celui-ci serait homologué, selon le cas, par le bureau de conciliation et d'orientation (BCO) ou par le bureau de jugement.

Même si cette résolution amiable présente un intérêt théorique pour les parties (raccourcissement des délais, obligation de confidentialité...), les incitations au rapprochement des parties offertes aux conseillers prud'homaux n'ont, pour l'instant, jamais démontré une véritable efficacité (19), et la médiation, dont les mérites sont régulièrement vantés devant certaines cours d'appel, reste un mode de résolution des litiges auquel les parties n'ont pas le réflexe de recourir en matière prud'homale.

II - La procédure d'appel

Passé presque inaperçu, tant rien ne laissait le présager, ce décret du 20 mai 2016 procède à une modification d'apparence modeste, s'agissant de la procédure d'appel, mais qui, en réalité, va provoquer un véritable bouleversement des pratiques et habitudes actuelles devant les chambres sociales.

La représentation obligatoire devant les chambres sociales des cours d'appel. Le décret précise qu'à compter du 1er août 2016, "l'appel sera régi par la procédure avec représentation obligatoire, les parties étant ainsi tenues devant la juridiction prud'homale de second degré de recourir à un avocat ou à un défenseur syndical" (20).

Cette disposition nouvelle emporte trois conséquences notables.

- Fin de la possibilité pour une partie de se défendre seule devant la cour d'appel.

Cette nouvelle règle sonne le glas de la possibilité, pour une partie, de se défendre elle-même, comme cela était possible jusqu'alors. Certains trouveront que la mesure est positive, car elle permettra d'évacuer de trop nombreuses affaires portées par des parties ignorant quasiment tout d'une matière devenue particulièrement complexe, d'autres considèreront, à l'inverse, que la facilité d'accès, qui était jusqu'alors une des grandes caractéristiques de la procédure prud'homale, va s'en trouver anéantie et empêchera, en pratique, de nombreux justiciables de porter leurs réclamations en justice, découragés par les obligations à respecter, les démarches à accomplir et les coûts associés.

- Modification des formalités de déclaration d'appel et de postulation.

Concernant l'appelant, la déclaration d'appel devra, à peine de nullité, contenir toutes les mentions prescrites par les articles 58 (N° Lexbase : L1442I8W) et 901 (N° Lexbase : L0352IT9) du Code de procédure civile.

Par ailleurs, ces actes de procédure seront transmis par le biais d'un réseau informatique sécurisé (RPVA) permettant la communication entre les avocats et les juridictions. Ce réseau n'étant pas, contrairement à ce que préconisait le rapport Lacabarats sur ce point, ouvert au défenseur syndical (21), le décret prévoit que ce dernier réalisera l'ensemble des actes de procédure sur support papier. Ce support devra ensuite être remis au greffe en autant d'exemplaires qu'il y a de parties destinataires, plus deux. La remise sera constatée par la mention de sa date et le visa du greffier sur chaque exemplaire, dont l'un sera immédiatement restitué (22). Outre la rupture d'égalité entre les avocats et lesdits défenseurs syndicaux, ce point risque de générer de grandes difficultés pratiques pour les avocats devant assurer la validité des notifications des actes aux défenseurs syndicaux par la voie d'huissier ou par lettre recommandée avec accusé de réception, tout en retransmettant et justifiant de cette notification auprès de la juridiction, par le biais du réseau informatique sécurisé (RPVA).

De plus, la procédure avec représentation obligatoire induisant des règles de territorialité, et donc l'obligation de constituer un avocat du ressort de la cour d'appel (23), il sera, par conséquent, nécessaire d'avoir recours à un avocat local postulant lorsque l'avocat d'une partie ne relèvera pas du ressort de la cour d'appel saisie. Le décret étant silencieux sur ce point, la question de l'applicabilité de ces dispositions au défenseur syndical reste ouverte, une solution consistant à ce que le défenseur syndical ait vocation à intervenir sur l'ensemble du territoire semblant peu envisageable, compte tenu des disparités potentielles que cela créerait entre les obligations du défenseur syndical et celles de l'avocat.

Enfin, l'article 1635 bis P du Code général des impôts (N° Lexbase : L3138I7D) prévoit actuellement qu'il "est institué un droit d'un montant de 225 euros dû par les parties à l'instance d'appel lorsque la constitution d'avocat est obligatoire devant la cour d'appel". Toutefois, le décret du 20 mai 2016 diffère en ce qu'il prévoit que les parties sont "tenues devant la juridiction prud'homale de second degré de recourir à un avocat ou à un défenseur syndical". Le décret n'apporte pas de réponse sur ce point.

- Bouleversement des obligations procédurales devant la cour d'appel.

Ce bouleversement par le passage d'une procédure sans représentation obligatoire où l'oralité était la règle, à une procédure commune d'appel, écrite et avec représentation obligatoire, entraîne de facto l'application des articles 899 (N° Lexbase : L0369ITT) et suivants du Code de procédure civile, et donc des modifications importantes, aussi bien pour l'appelant que pour l'intimé et leurs conseils respectifs.

Ainsi, à peine de caducité de la déclaration d'appel relevée d'office, l'appelant disposera d'un délai de trois mois pour conclure, à compter de cette déclaration (24).

Concernant l'intimé, dès qu'il aura constitué avocat, ce dernier en informera l'avocat de l'appelant et remettra une copie de son acte de constitution au greffe (25). A peine d'irrecevabilité, l'intimé disposera, pour sa part, d'un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour conclure et former, le cas échéant, appel incident. En outre, les conclusions devront être notifiées et les pièces communiquées simultanément par l'avocat de chacune des parties à celui de l'autre partie. En cas de pluralité de demandeurs ou de défendeurs, elles devront l'être à tous les avocats constitués. Une copie des conclusions sera remise au greffe avec la justification de leur notification (26). Enfin, les dossiers de plaidoiries devront être déposés à la cour quinze jours avant la date fixée pour l'audience de plaidoiries (27).

Il sera donc important de respecter scrupuleusement la procédure afin de limiter les risques de caducités d'appel pour l'appelant, ou d'irrecevabilité des conclusions pour l'intimé. Enfin, il faut souligner que, sous peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure en appel seront remis à la juridiction par voie électronique (28).

Gageons que ces nouvelles obligations seront source de nombreux incidents dans les premiers mois de mise en place de cette réforme, tant les habitudes et pratiques étaient jusqu'alors radicalement différentes.

III - Les autres mesures

Le juge judiciaire et le contentieux préélectoral. Le décret prévoit le regroupement devant le tribunal d'instance du contentieux préélectoral. En effet, afin d'éviter qu'une même élection professionnelle fasse l'objet de deux saisines en même temps, l'une devant l'ordre judiciaire et l'autre devant l'ordre administratif, les recours à l'encontre de la décision prise par l'autorité administrative en matière de protocole préélectoral relèvent, désormais, de la compétence du tribunal d'instance, qui statuera en dernier ressort (29). Le tribunal d'instance devra être saisi dans les quinze jours suivant la notification de la décision, avec mention des voies et délais de recours, par lettre recommandée avec avis de réception (30).

Les litiges en matière de licenciement économique. En cas de recours portant sur un licenciement pour motif économique, et dans un délai de huit jours à compter de la date à laquelle il reçoit la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation (BCO), l'employeur dépose ou adresse au greffe par lettre recommandée avec avis de réception les éléments mentionnés à l'article L. 1235-9 du Code du travail (N° Lexbase : L1354H9Z), afin qu'ils soient versés au dossier. La nouveauté apportée par le décret réside dans le fait que dans le même délai, l'employeur doit désormais également adresser ces éléments au demandeur par lettre recommandée (31).

Cette disposition ne présente pas véritablement d'intérêt puisque l'obligation de transmission au greffe existait déjà, mais n'était déjà assortie d'aucune sanction en cas de non-respect, les parties n'y trouvant, en tout état de cause, pas d'intérêt particulier, et les conseillers prud'homaux étant très peu regardant sur le respect de cette formalité.

Le référé en la forme. Le décret instaure une procédure de référé "en la forme". Le conseil de prud'hommes statuera ainsi en la forme des référés à une audience tenue aux jours et heures habituels des référés. Cette procédure est censée permettre que, dans des cas d'urgence, l'affaire soit examinée rapidement par le conseil, et que des mesures définitives et non provisoires soient prises. Il faut noter que le conseil peut, s'il est saisi à tort en la forme des référés, renvoyer au bureau de jugement dans les conditions de l'article R. 1455-8 du Code du travail (N° Lexbase : L0815IAG).

A ce stade, il est difficile de comprendre à quel besoin la mise en place de cette procédure répond, d'autant que si le seul objectif est de permettre de juger des cas en urgence, sans définition préalable de cette notion d'urgence ni de mise en place de conditions d'admissibilité, le grand risque est de voir de nombreux demandeurs tenter leur chance, indépendamment de tout réel caractère d'urgence, sans risque particulier. En effet, leur affaire fera, au pire, l'objet d'un renvoi direct en bureau de jugement, leur permettant ainsi de gagner de précieuses semaines, voire de précieux mois, les délais d'attente devant certains conseils étant beaucoup plus longs entre une saisine et une audience de conciliation qu'entre une saisine et une audience de référé.

La saisine pour avis de la Cour de cassation sur l'interprétation d'une convention ou d'un accord collectif. Les juridictions judiciaires peuvent, avant de statuer sur l'interprétation d'une convention ou d'un accord collectif présentant une difficulté sérieuse, solliciter l'avis de la Cour de cassation. Pour les demandes d'avis, la formation appelée à se prononcer est composée, outre le premier président, du président de la Chambre sociale, d'un président de chambre désigné par le premier président, de quatre conseillers de la Chambre sociale et de deux conseillers, désignés par le premier président, appartenant à une autre chambre (32). Compte tenu de l'article 2, très discuté, du projet de loi, dit "El Khomri" (33), qui au stade de son examen devant le Sénat, donnerait la primauté à la négociation d'entreprise, cette procédure risque de rencontrer un certain succès.

La fin de l'unicité et de la péremption d'instance. L'unicité de l'instance, spécificité devant le conseil de prud'hommes, n'existe donc plus. Jusque là, les demandes liées au même contrat de travail entre les parties devaient faire l'objet d'une seule et même instance (34). Désormais, plusieurs instances pourront donc être engagées, avec des demandes différentes, issues du même contrat de travail. Cette disposition ne va clairement pas dans le sens d'un raccourcissement des délais et d'un désengorgement des conseils de prud'hommes. Par ailleurs, la péremption d'instance spécifique à la procédure prud'homale est désormais supprimée au profit de la péremption d'instance de droit commun, l'instance étant périmée "lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans" (35). En conséquence, il ne sera plus nécessaire que la juridiction prud'homale ait mis expressément des diligences à la charge des parties pour constater la péremption d'instance.

Conclusion. Débarrassées de certaines mesures gadgets ou probablement inapplicables, ces dispositions nouvelles vont dans le bon sens, dans la mesure où elles doivent permettre aux juridictions prud'homales de s'adapter aux réalités du terrain et de la pratique.

On peut, néanmoins, regretter que seule la moitié du chemin nécessaire ait été parcourue, tant en termes de mise en place d'une véritable procédure contraignante permettant d'endiguer les innombrables renvois qui polluent la première instance prud'homale, qu'en termes de formation des conseillers prud'homaux, dont on n'a de cesse de renforcer l'arsenal de textes mis à leur disposition, sans que la question de leur formation, trop souvent lacunaire aujourd'hui, fasse l'objet d'une véritable réforme, la "loi Macron" du 6 août 2015 comportant, sur ce dernier point, des dispositions qui, en plus de paraître encore très insuffisantes, devraient, de surcroît, faire l'objet d'un autre décret d'application, toujours en attente à ce jour.

Plus généralement, les éventuels manques constatés dans cette vaste réforme de la justice prud'homale posent encore et toujours la question des moyens alloués à la justice.

En ce sens, le Gouvernement a annoncé le 25 mai 2016 (36) un plan de soutien consacré aux juridictions en situation particulièrement difficile (Bobigny, Créteil, Lyon, Marseille, Martigues, Meaux, Montmorency, Nanterre et Cayenne), d'un montant de deux millions d'euros -montant qui paraît bien insuffisant par rapport aux besoins réels d'une justice du travail qui peine à se mettre au diapason de son époque-, ainsi qu'un renforcement des équipes pour certaines cours d'appel en difficultés (Paris, Versailles, Angers, Montpellier, Pau, Toulouse).

Enfin, Madame Christine Rostand, ancienne présidente de la Chambre sociale de la cour d'appel de Paris, a été missionnée par le Gouvernement pour se rendre auprès des conseils de prud'hommes, afin de soutenir les conseillers dans l'appropriation de ces nouvelles règles de procédure. A l'appui de sa mission, un observatoire sera mis en place par la direction des services judiciaires pour mesurer les effets de cette réforme, au travers de quatre juridictions représentatives (Angers, Béziers, Nanterre et Saint-Omer).


(1) Compte rendu du Conseil des ministres du 25 mai 2016.
(2) Rapport du groupe de travail présidé par A. Lacabarats, L'avenir des juridictions du travail : vers un tribunal prud'homal du XXIème siècle, remis à Madame la Garde des Sceaux, ministre de la Justice, juillet 2014.
(3) Loi n° 2015-990 du 6 août 2015, pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (N° Lexbase : L4876KEC).
(4) V. Orif, Lexbase, éd. soc., n° 623, 2015 (N° Lexbase : N8676BUU) et (N° Lexbase : N8694BUK).
(5) C. trav., art. R. 1452-1 (N° Lexbase : L2638K89).
(6) C. trav., art. R. 1452-2 (N° Lexbase : L2637K88).
(7) C. trav., art. R. 1452-3 (N° Lexbase : L2636K87).
(8) Rapport du groupe de travail présidé par A. Lacabarats, préc., p. 61.
(9) C. trav., art. R. 1453-1 (N° Lexbase : L2639K8A).
(10) C. trav., art. R. 1453-2 (N° Lexbase : L2640K8B).
(11) C. trav., art. L. 1453-4 (N° Lexbase : L6233ISN).
(12) C. trav., art. R. 1423-7 (N° Lexbase : L2627K8S).
(13) C. trav., art. R. 1454-1 (N° Lexbase : L2645K8H).
(14) C. trav., art. R. 1454-2 (N° Lexbase : L2644K8G).
(15) C. trav., art. R. 1454-3 (N° Lexbase : L2643K8E).
(16) L'article 30 bis du projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs prévoit que l'article L. 1454-1-2 du Code du travail (N° Lexbase : L5371KGZ) sera complété par un alinéa ainsi rédigé : "Le bureau de conciliation et d'orientation, les conseillers rapporteurs désignés par le bureau de conciliation et d'orientation ou le bureau de jugement peuvent fixer la clôture de l'instruction par ordonnance, dont copie est remise aux parties ou à leur conseil. Cette ordonnance constitue une mesure d'administration judiciaire".
(17) L'amendement n° 4928 présenté par M. Robiliard et M. Ferrand précise qu'il "appartiendra au décret de préciser la possibilité et les modalités d'un rabat de la clôture pour cause grave (évènement postérieur à la clôture tel qu'un licenciement, par exemple)".
(18) C. trav., art. R. 1423-35 (N° Lexbase : L2629K8U).
(19) C. trav., art. L. 1454-1-1 (N° Lexbase : L5370KGY).
(20) Rapport de Monsieur Michel Laurent, "Pour une justice prud'homale plus efficiente", CCI de Paris, 25 octobre 2012.
(21) C. trav., art. R. 1461-2 du Code du travail (N° Lexbase : L2664K88).
(22) Rapport du groupe de travail présidé par A. Lacabarats, préc., p. 79.
(23) C. pr. civ., art. 930-2 (N° Lexbase : L2619K8I)..
(24) Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques (N° Lexbase : L6343AGZ).
(25) C. pr. civ., art. 908 (N° Lexbase : L0162IPP).
(26) C. pr. civ., art. 903 (N° Lexbase : L0376IT4).
(27) C. pr. civ., art. 906 (N° Lexbase : L0367ITR).
(28) C. pr. civ., art. 912 (N° Lexbase : L0366ITQ).
(29) C. pr. civ., art. 930-1 (N° Lexbase : L0362ITL).
(30) C. trav., art. R. 2314-26 (N° Lexbase : L2670K8E).
(31) C. trav., art. R. 2314-28 (N° Lexbase : L2671K8G).
(32) C. trav., art. R. 1456-1 (N° Lexbase : L2658K8X).
(33) COJ, art. R. 441-1, ancien (N° Lexbase : L6372IAA).
(34) Projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs, préc., actuellement en examen devant la Commission des affaires sociales du Sénat.
(35) C. trav., art. R. 1452-6, ancien (N° Lexbase : L0932IAR).
(36) C. pr. civ., art. 386 (N° Lexbase : L2277H44).
(37) Compte rendu du Conseil des ministres du 25 mai 2016, préc..

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Propriété intellectuelle

[Brèves] Compensation équitable pour copie privée : "censure" du système espagnol financé par le budget général de l'Etat ne garantissant pas que le coût est effectivement supporté par les utilisateurs de copies privées

Réf. : CJUE, 9 juin 2016, aff. C-470/14 (N° Lexbase : A4910RSN)

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N3230BWK

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Le 23 Juin 2016

La Directive sur le droit d'auteur (Directive 2001/29 du 22 mai 2001 N° Lexbase : L8089AU7) s'oppose à un système de compensation équitable pour copie privée qui, à l'instar du système espagnol, est financé par le budget général de l'Etat, de telle sorte qu'il n'est pas possible de garantir que le coût de cette compensation équitable est supporté par les utilisateurs de copies privées. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la CJUE le 9 juin 2016 (CJUE, 9 juin 2016, aff. C-470/14 N° Lexbase : A4910RSN). La Directive de 2001 prévoit notamment que les Etats membres peuvent instaurer une exception de copie privée, mais, dans ce cas, les titulaires de droits doivent recevoir une compensation équitable. Depuis 2012, la compensation équitable pour copie privée en Espagne est financée par le budget général de l'Etat : en vertu de ce système, le montant de cette compensation est déterminé annuellement, dans les limites budgétaires établies pour chaque exercice. Saisie d'une question préjudicielle, la CJUE juge ce système incompatible avec de le droit de l'Union. La Cour souligne que la Directive ne s'oppose pas, par principe, à ce que les Etats membres qui ont décidé d'instaurer l'exception de copie privée optent pour un financement par leur budget (une solution qui a également été retenue en Estonie, en Finlande et en Norvège). Néanmoins, la Cour relève que l'exception de copie privée est conçue au bénéfice exclusif des personnes physiques qui effectuent ou ont la capacité d'effectuer des reproductions d'oeuvres ou d'objets protégés pour un usage privé et à des fins non commerciales. Pour leur part, les personnes morales sont exclues du bénéfice de cette exception. En l'occurrence, le Tribunal Supremo indique, dans sa décision de renvoi, que le système de financement de la compensation équitable par le budget espagnol ne garantit pas que le coût de la compensation est supporté, au final, par les seuls utilisateurs de copies privées. En effet, en l'absence d'affectation de recettes concrètes -telles que celles provenant d'un prélèvement spécifique- à des dépenses déterminées, le poste budgétaire destiné au paiement de la compensation équitable doit être considéré comme étant alimenté par l'ensemble des ressources inscrites au budget de l'Etat et, partant, par l'ensemble des contribuables, y compris les personnes morales. Par ailleurs, il n'est pas établi qu'il existe en Espagne un quelconque dispositif permettant aux personnes morales de demander à être exonérées de l'obligation de contribuer au financement de la compensation ou, à tout le moins, d'en demander le remboursement.

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QPC

[Chronique] QPC : évolutions procédurales récentes - Janvier à mars 2016

Lecture: 15 min

N3173BWG

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par Mathieu Disant, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l'Université Lyon Saint-Etienne

Le 16 Juin 2016

La question prioritaire de constitutionnalité est à l'origine d'une jurisprudence toujours abondante du Conseil constitutionnel comme du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation. Cette chronique trimestrielle, rédigée par Mathieu Disant, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l'Université Lyon Saint-Etienne, Directeur du CERCRID (CNRS / UMR 5137), chercheur associé au Centre de recherche sur les relations entre le risque et le droit (C3RD), s'attache à mettre en exergue les principales évolutions procédurales de la QPC, les apports au fond du droit étant quant à eux traités au sein de chacune des rubriques spécialisées de la revue. La période examinée couvre janvier à mars 2016. Elle est marquée par le renouvellement partiel de la composition du Conseil constitutionnel. Le 8 mars 2016, en application de l'article 3 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel (N° Lexbase : L0276AI3), Laurent Fabius, nommé Président du Conseil constitutionnel par le Président de la République le 10 février 2016, Michel Pinault et Corinne Luquiens, nommés membre du Conseil constitutionnel respectivement par le Président du Sénat et le Président de l'Assemblée nationale, ont prêté serment devant le Président de la République. Acte a été dressé de la prestation de serment qui a lieu au Palais de l'Élysée.

I - Champ d'application

A - Normes contrôlées dans le cadre de la QPC

1 - Disposition n'ayant pas déjà été déclarée conforme à la Constitution

La jurisprudence récente du Conseil constitutionnel, qui a changé le prisme de son contrôle et de son intensité sur le cumul des poursuites au regard du principe de nécessité des délits et des peines, est regardée comme un changement de circonstances de droit. Ainsi, la Chambre criminelle de la Cour de cassation renvoie deux QPC visant les articles 1729 (N° Lexbase : L4733ICB) et 1741 (N° Lexbase : L9491IY8) du CGI (Cass. crim., 30 mars 2016, n° 16-90.001, FS-P+B+I [LXB= A5104RAB] et n° 16-90.005, FS-P+B N° Lexbase : A1597RBR), déjà jugés conforme à la Constitution (1). Ces articles sont renvoyés en ce qu'ils autorisent, à l'encontre de la même personne et en raison des mêmes faits, le cumul de procédures ou de sanctions pénales et fiscales, sujet sur lequel le Conseil constitutionnel a livré, sur le fondement des principes de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines découlant de l'article 8 de la Déclaration de 1789 (N° Lexbase : L1372A9P), un nouveau cadre dans ses décisions n° 2014-453/454 QPC et 2015-462 QPC (N° Lexbase : A7983NDZ) du 18 mars 2015 et n° 2015-513/514/526 QPC du 14 janvier 2016 (N° Lexbase : A5893N3N).

2 - Applicabilité d'une disposition législative au litige

Il est jugé qu'une disposition relative à l'assiette ou au calcul d'une imposition ne peut être regardée comme étant applicable au litige ou à la procédure, au sens et pour l'application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, dans un litige relatif au recouvrement de cette imposition (CE, 7 mars 2016, n° 392035 N° Lexbase : A2226QY4). Au cas présent, les dispositions de l'article 1384 C du CGI (N° Lexbase : L9850HLE) qui régissent l'assiette et le calcul de la taxe foncière sur les propriétés bâties ne sont pas applicables au litige relatif au recouvrement de cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties.

Les dispositions législatives ayant pour objet de fixer les modalités par lesquelles les communes désignent leurs conseillers communautaires au sein de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale qu'elles rejoignent, ne sont pas applicables au litige tendant à faire annuler les textes fixant le périmètre et les compétences de l'établissement public de coopération intercommunale (CE, 10 février 2016, n° 395587 N° Lexbase : A6254PKT).

B - Normes constitutionnelles invocables - Droits et libertés collectifs

Dans la décision n° 2015-519 QPC du 3 février 2016 (N° Lexbase : A4422PAZ), le Conseil constitutionnel s'est prononcé expressément, et par la négative, sur la question de l'applicabilité des dispositions des sixième et huitième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 aux organisations professionnelles d'employeurs. Il avait jusqu'alors jugé que les exigences du huitième alinéa du Préambule de 1946, qui consacre un droit aux travailleurs par l'intermédiaire de leurs délégués à la participation à la détermination collective de leurs conditions de travail, ne s'appliquent pas aux seuls salariés. Dans la décision n° 2015-519 QPC, il retient que cette disposition "ne confère aucun droit équivalent au bénéfice des employeurs".

II - Procédure devant les juridictions ordinaires

A - Instruction de la question devant les juridictions ordinaires et suprêmes

1 - Introduction de la requête

Les requérants constitués partie civiles à l'encontre d'un prévenu n'ont pas la qualité à soulever l'inconstitutionnalité du texte d'incrimination. Il en est jugé ainsi par la Chambre criminelle de la Cour de cassation à l'encontre d'un grief arguant de l'atteinte à la liberté d'expression du prévenu exerçant les fonctions de parlementaire (Cass. crim., 26 janvier 2016, n° 15-86.600, F-D N° Lexbase : A3414N7L).

2 - Présentation de la requête

Les articles 23-4 et suivants de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 fixent des exigences du mémoire distinct et motivé en QPC.

Bien entendu, est irrecevable la question posée qui n'invoque, à l'encontre de la disposition législative contestée, la violation d'aucune disposition, règle ou principe à valeur constitutionnelle (voir ainsi, par exemple, Cass. crim., 10 mars 2016, n° 16-40.002, F-D N° Lexbase : A1703Q79 à 16-40.009). Surtout, la question doit expliciter en quoi la disposition contestée porte atteinte aux principes constitutionnels invoqués. A défaut, la Cour n'est pas en mesure de vérifier le sens et la portée de la QPC, ce qui conduit à l'irrecevabilité (Cass. soc. 24 mars 2016, n° 16-40.001, FS-P+B N° Lexbase : A3685RAQ). Il en va de même lorsque aucun grief précis n'est articulé par le requérant (Cass. crim. 13 janvier 2016, n° 15-81.466, F-D N° Lexbase : A9361N34). A cet égard, une question qui invoque "la violation des principes de la responsabilité civile consacrés par notre bloc de constitutionnalité" n'apparaît pas suffisamment précise pour répondre aux exigences de motivation (Cass. soc., 17 février 2016, n° 15-40.042, FS-P+B N° Lexbase : A3342Q8B). Il faut ici le rappeler, le requérant doit déterminer les droits et libertés garantis par la Constitution auxquels les dispositions législatives critiquées porteraient atteinte.

En outre, aux termes de l'article 590 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3974AZ9), aucun mémoire additionnel ne peut être joint postérieurement au dépôt de son rapport par le conseiller désigné. Il en va de même du mémoire distinct et motivé prévu par l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 en QPC. Est ainsi irrecevable le mémoire postérieur au dépôt du rapport par le conseiller désigné (Cass., crim., 23 mars 2016, n° 14-88.507, FS-D N° Lexbase : A3552RAS).

3 - Modalités d'examen de la question

La procédure et les modalités d'examen de la QPC connaissent d'utiles précisions ou confirmations.

Le Conseil d'Etat a jugé que, "s'il ne résulte pas des dispositions de l'article R. 771-5 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L5752IG7) que les observations formulées par les autres parties au litige doivent à peine d'irrégularité être communiquées à la partie qui a soulevé la question prioritaire de constitutionnalité, le principe du caractère contradictoire de la procédure interdit au juge administratif saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité de se fonder sur des éléments invoqués par une partie qui n'auraient pas été soumis au débat contradictoire" (CE, 12 février 2016, n° 393700, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0471PLZ). L'obligation de ne se fonder que sur des éléments soumis au contradictoire s'oppose, en l'espèce, à ce qu'une ordonnance de refus de transmission d'une QPC s'appuie sur des éléments invoqués dans des observations qui n'ont pas été transmises au requérant avant la lecture de ladite ordonnance.

La question posée peut être "reformulée" par le juge à l'effet de la rendre plus claire ou de lui restituer son exacte qualification. Toutefois, il n'appartient pas au juge de la modifier. Dans une telle hypothèse, il y a lieu de considérer que la Cour de cassation est régulièrement saisie et se prononce sur le renvoi de la QPC telle qu'elle a été soulevée dans le mémoire distinct produit devant la juridiction qui la lui a transmise (Cass. soc., 17 février 2016, n° 15-40.042, FS-P+B N° Lexbase : A3342Q8B).

Il n'est pas permis de présenter pour la première fois devant le Conseil d'Etat des motifs d'inconstitutionnalité qui n'ont pas été soumis au tribunal administratif lorsque le Conseil d'Etat est saisi d'un jugement de transmission d'une QPC tirée de la méconnaissance d'autres dispositions ou principes constitutionnels (voir pour rappel, CE, 12 février 2016, n° 395041 N° Lexbase : A0474PL7). Cette solution est valable pour les intervenants, "hormis le cas où il établirait les avoir soumis à la juridiction qui a différé sa décision" (CE, 10 février 2016, n° 395587 N° Lexbase : A6254PKT).

Par ailleurs, alors qu'une cour administrative d'appel refuse de transmettre une QPC comme ne présentant pas de caractère sérieux, le Conseil d'Etat, saisi d'une demande en annulation du refus de transmission, substitue le motif de non-renvoi par un défaut de nature législative des dispositions contestées (ordonnance non ratifiée) (CE, 15 février 2016, n° 392083 N° Lexbase : A1037PLY).

Devant les juridictions relevant de la Cour de cassation, lorsque le ministère public n'est pas partie à l'instance, l'affaire lui est communiquée dès que le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé afin qu'il puisse faire connaître son avis. Cette formalité est d'ordre public (Cass. civ 1, 31 mars 2016, n° 16-40.011, F-D N° Lexbase : A1525RB4).

B - Notion de "question nouvelle"

Est jugée nouvelle la question qui soutient que le législateur (loi n° 55-385 du 3 avril 1955, relative à l'état d'urgence, art. 8 N° Lexbase : L6821KQP) ne pouvait prévoir un dispositif d'interdiction administrative de réunion dans le cadre de l'état d'urgence, sans l'assortir de garanties appropriées au regard notamment des exigences tenant à la protection du droit d'expression collective des idées et des opinions (CE, 15 janvier 2016, n° 395091 N° Lexbase : A9571N3U).

III - Procédure devant le Conseil constitutionnel

A - Interventions devant le Conseil constitutionnel

La période examinée confirme la récurrence des interventions devant le Conseil constitutionnel.

Ainsi, par exemple, la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA), le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP) et l'Association pour la neutralité de l'enseignement de l'histoire turque dans les programmes scolaires (ANEHTPS) sont intervenus au soutien de la constitutionnalité de la disposition contestée dans l'affaire n° 2015-512 QPC du 8 janvier 2016 (N° Lexbase : A3942N3E). Dans cette même affaire, plusieurs personnes physiques sont intervenues au soutien de la QPC.

Plusieurs personnes ont été admises à intervenir dans la décision n° 2015-515 QPC du 14 janvier 2016 (N° Lexbase : A5894N3P). Les intervenants se trouvaient dans la même situation que le requérant : le bénéfice de l'abattement pour durée de détention leur avait été refusé pour des compléments de prix perçus à compter du 1er janvier 2013 se rattachant à des cessions dont la plus-value avait été soumise à l'impôt sur le revenu au taux proportionnel, applicable jusqu'au 31 décembre 2012.

De nombreuses interventions sont également à signaler dans une décision relative à la police des réunions et des lieux publics dans le cadre de l'état d'urgence (Cons const., décision n° 2016-535 QPC du 18 février 2016 N° Lexbase : A9138PLZ) et dans une autre affaire concernant les perquisitions et saisies administratives dans le cadre de l'état d'urgence (Cons const., décision n° 2016-536 QPC du 19 février 2016 N° Lexbase : A9145PLB).

B - Champ de la saisine

Faute pour la juridiction de transmission de préciser dans quelle rédaction est renvoyé le texte contesté en QPC, alors que celui-ci a connu des rédactions successives, il revient au Conseil constitutionnel de déterminer celle des versions dont il est saisi. Pour cela, il lui est nécessaire d'examiner le litige à l'occasion duquel la QPC a été posée (2). Cette identification a été réalisée dans la décision n° 2015-520 QPC du 3 février 2016 (N° Lexbase : A4423PA3) en tenant compte de la version en vigueur applicable à l'objet du litige.

C - La décision du Conseil constitutionnel et ses effets

1 - Autorité des décisions du Conseil constitutionnel

Dans la décision n° 2015-513/514/526 QPC du 14 janvier 2016 (N° Lexbase : A5893N3N), le Conseil constitutionnel retient, sur le fondement des dispositions de l'article 62, alinéa 3, de la Constitution (N° Lexbase : L0891AHH), que "l'autorité qui s'attache aux décisions du Conseil constitutionnel fait obstacle à ce qu'il soit saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à une disposition déclarée contraire à la Constitution, sauf changement de circonstances". Le Conseil constitutionnel prend ainsi en considération un changement de circonstances pour déterminer les conséquences qui doivent être tirées, au regard de l'autorité qui s'attache à ses décisions, lorsqu'est contestée la constitutionnalité d'une disposition antérieure ou postérieure identique à une disposition déjà déclarée inconstitutionnelle. Il est désormais clairement établi qu'un changement de circonstances peut justifier qu'une disposition un temps inconstitutionnelle ne le soit plus. La portée de l'inconstitutionnalité se trouve conditionnée à la démonstration d'une identité du contexte normatif alors en vigueur (3). De sorte qu'il convient de prendre en compte les dispositions qui se combinent avec chaque disposition contestée pour apprécier si elles encourent les mêmes griefs, et, le cas échéant, considérer qu'elles ont déjà été déclarées contraire à la constitution.

Le cas d'espèce est éclairant.

S'agissant de la rédaction antérieure à celle censurée (par la décision n° 2015-462 QPC du 18 mars 2015), elle comprend des dispositions substantiellement différentes de celles prises en compte pour apprécier la constitutionnalité. Les sanctions du manquement d'initié telles qu'elles en résultent sont plus basses, ce que Conseil constitutionnel qualifie de changement de circonstances.

S'agissant des rédactions postérieures à la décision n° 2015-462 QPC du 18 mars 2015, le Conseil constate que l'état du droit applicable à la poursuite de l'initié reste similaire. Les paramètres étaient les suivants : un même fait pouvait être qualifié de manquement d'initié ou de délit d'initié, ces qualifications protégeaient les mêmes intérêts sociaux, ces deux répressions aboutissaient au prononcé de sanctions de même nature prononcées par le même ordre de juridiction, de sorte que n'était pas modifiée la portée des dispositions au regard de l'appréciation réalisée par le Conseil. L'équilibre de l'examen de constitutionnalité n'était donc pas affecté.

1 - Effets dans le temps

a) Application immédiate aux instances en cours

Dans la décision n° 2015-516 QPC du 15 janvier 2016 (N° Lexbase : A7205N3A) concernant l'incompatibilité de l'exercice de l'activité de conducteur de taxi avec celle de conducteur de VTC, le Conseil constitutionnel a considéré qu'en instituant cette incompatibilité, "le législateur a porté à la liberté d'entreprendre, une atteinte qui n'est justifiée ni par les objectifs qu'il s'est assignés ni par aucun autre motif d'intérêt général". Il a jugé que cette déclaration d'inconstitutionnalité est d'application immédiate. Selon les termes consacrés, elle "prend effet à compter de la date de la publication de la présente décision" et "peut être invoquée dans toutes les instances introduites à la date de la publication de la présente décision et non jugées définitivement à cette date".

La même solution a été adoptée dans la décision n° 2015-524 QPC du 2 mars 2016 (N° Lexbase : A7974QDP) concernant le gel administratif des avoirs, et dans la décision n° 2015-530 QPC du 23 mars 2016 (N° Lexbase : A6042Q8B) relative aux modalités d'appréciation de la condition de nationalité française pour le bénéfice du droit à pension en cas de dommage physique du fait d'attentat ou de tout autre acte de violence en relation avec les évènements de la guerre d'Algérie.

Il en est jugé de même s'agissant des effets dans le temps d'une décision de censure d'une loi de validation dans la décision n° 2015-522 QPC du 19 février 2016 (N° Lexbase : A9132PLS). Par conséquent, le bénéfice de la censure est limité aux personnes qui sont dans la même situation que la requérante. Le commentaire officiel sous cette décision s'efforce de le préciser expressément.

Le choix de l'application immédiate est fait dans la décision n° 2015-523 QPC du 2 mars 2016 (N° Lexbase : A7973QDN). La déclaration d'inconstitutionnalité porte sur les mots "dès lors que la rupture du contrat de travail n'a pas été provoquée par la faute lourde du salarié" figurant au deuxième alinéa de l'article L. 3141-26 du Code du travail (N° Lexbase : L9014K4M). En permettant à tous les salariés licenciés pour faute lourde de conserver le bénéfice de leur indemnité compensatrice de congé payé, la censure prononcée par le Conseil constitutionnel suffisait à mettre fin à l'atteinte au principe d'égalité constatée. Là encore, pas souci de clarté, le commentaire officiel de la décision précise les modalités d'application de la censure : le bénéfice de la censure concernera les personnes qui, postérieurement à la date de publication de la décision, seront licenciées pour faute lourde, de même que les personnes qui, licenciées antérieurement à cette date, ont engagé une procédure contentieuse non définitivement close à la date de la présente décision ou engageront une telle procédure. En revanche, seront exclues du bénéfice de la censure toutes les personnes licenciées pour faute lourde qui ont engagé une procédure contentieuse close définitivement avant la publication de la décision et celles licenciées pour faute lourde qui seraient, à cette même date, hors délai pour introduire une requête.

Dans une situation particulière, l'effet immédiat s'est imposé dans la décision n° 2015-520 QPC du 3 février 2016 (N° Lexbase : A4423PA3). Le Conseil constitutionnel a pris en considération le fait qu'à l'inverse d'une rupture du principe d'égalité résultant de la discrimination entre deux régimes législatifs dont l'un comme l'autre seraient tout aussi constitutionnels (cas dans lequel le Conseil constitutionnel, qui ne saurait choisir à la place du législateur lequel des deux régimes il entend privilégier, prévoit une censure à effet différé), la rupture du principe d'égalité résulte d'une discrimination entre deux situations dont l'une est imposée par l'exigence de transposition des directives communautaires. Dès lors, seul le régime applicable hors du champ de transposition de la Directive 90/435/CE du 23 juillet 1990 (N° Lexbase : L7669AUL) pouvait être censuré, et il devait donc l'être à effet immédiat.

b) Report dans le temps des effets de la décision

Dans la décision n° 2015-511 QPC du 7 janvier 2016 (N° Lexbase : A3941N3D), à propos des décisions de la commission spécialisée composée d'éditeurs en matière de distribution de presse, le Conseil constitutionnel a considéré que l'abrogation immédiate aurait pour effet de faire disparaître des dispositions contribuant à la mise en oeuvre de l'objectif de valeur constitutionnelle de pluralisme et d'indépendance des quotidiens d'information politique et générale. Afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée, il a reporté la date de cette abrogation au 31 décembre 2016.

3 - Articulation avec le contrôle communautaire de la loi et rapports de systèmes

La décision n° 2015-520 QPC du 3 février 2016 (N° Lexbase : A4423PA3) présente un intérêt particulier à plusieurs égards.

Elle met en lumière une articulation originale avec le terrain du contrôle communautaire dans le cas d'une "transposition par anticipation" qui concerne des textes régissant des situations communautaires et des situations purement internes.

On sait que le Conseil constitutionnel se refuse à contrôler les dispositions législatives (ici le régime des sociétés mères pour les distributions transfrontalières intra-communautaires) qui transposent des dispositions inconditionnelles et précises d'une Directive et ne mettent en cause aucune règle ni aucun principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France. Dans la mesure où l'interprétation neutralisante retenue par le juge ordinaire confère aux dispositions contestées une telle portée, le Conseil constitutionnel considère dans la décision rapportée qu'il n'a pas à contrôler les effets donnés aux dispositions contestées par cette interprétation.

En revanche, dans la mesure où les dispositions contestées s'appliquent à des situations placées hors du champ de la transposition de la Directive, il y a lieu pour le Conseil constitutionnel de statuer sur la QPC. Au cas d'espèce, le Conseil constitutionnel contrôle ces dispositions lorsqu'elles sont appliquées aux distributions internes et aux distributions transfrontalières extra-communautaires.

Dans ce dernier cas, dans le cadre du contrôle de ces dispositions par rapport au principe d'égalité, le Conseil constitutionnel a pris en considération le régime applicable aux distributions transfrontalières intra-communautaires résultant de l'interprétation neutralisante retenue par le Conseil d'Etat. Autrement dit, il admet de confronter les dispositions contestées, relatives aux dividendes provenant de filiales françaises ou extra-communautaires, avec la réduction du champ d'application de ces dispositions résultant de l'interprétation neutralisante du juge s'agissant de leur application aux situations régies par la Directive. Le Conseil constitutionnel a donc accepté de contrôler -et en l'espèce de censurer !- au regard du principe d'égalité un régime juridique résultant de la volonté du législateur national et un régime juridique découlant de l'application du droit communautaire.

Cette décision devrait faire date dans la mesure où elle permet de contester les discriminations à rebours, ce qui ouvre un champ nouveau dans le contrôle juridictionnel de l'impôt et constitue un outil contentieux en devenir.

Il s'agit aussi d'une lecture utile des rapports de systèmes. Comme l'indique le commentaire officiel, "la différence avec la situation dans laquelle c'est le droit interne lui-même qui fixe deux règles différentes peut n'apparaître qu'optique". Ce sont les dispositions contestées, par le défaut de transposition qu'elles contiennent, qui suscitent l'intervention du juge ordinaire national, tenu par l'interprétation conforme s'agissant des situations communautaires, laquelle conduit à la discrimination censurée par le juge constitutionnel.


(1) Cons. const., décisions n°s 2010-103 QPC du 17 mars 2011 (N° Lexbase : A8912HC3) et 2013-679 DC du 4 décembre 2013 (N° Lexbase : A5483KQ7).
(2) Par ex. Cons. const., décision n° 2014-456 QPC du 6 mars 2015 (N° Lexbase : A7735NCH).
(3) Voir nos obs. sous cette décision à paraître dans la revue Constitutions, Dalloz, 2016, n° 2.

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Recouvrement de l'impôt

[Jurisprudence] Le statut de la déclaration annuelle des salaires en tant qu'élément de preuve dans le procès fiscal - Conclusions du Rapporteur public

Réf. : CE 3° et 8° ch., 20 mai 2016, n° 387479, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0962RQP)

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par Emmanuelle Cortot-Boucher, Rapporteur public au Conseil d'Etat

Le 16 Juin 2016

Dans un arrêt rendu le 20 mai 2016, le Conseil d'Etat a été invité à préciser le statut de la déclaration annuelle des salaires en tant qu'élément de preuve dans le procès fiscal (CE 3° et 8° ch., 20 mai 2016, n° 387479, mentionné aux tables du recueil Lebon). Celui-ci a donc jugé que, si le contribuable fait état d'éléments sérieux de nature à faire apparaître qu'une déclaration annuelle des salaires comporte des inexactitudes ou, d'une manière générale, a pu inclure des sommes dont l'intéressé n'aurait pas disposé au cours de l'année d'imposition, il incombe alors à l'administration d'établir par tout autre moyen complémentaire la perception effective des revenus en cause au cours de l'année d'imposition. Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose de retrouver les conclusions anonymisées du Rapporteur public, Emmanuelle Cortot-Boucher, sur cette décision. En l'espèce, le requérant exerce la profession d'auteur et de présentateur d'émissions à la radio et à la télévision. Il est rémunéré à ce titre par une société dont il est par ailleurs le gérant majoritaire.

Au cours des années 2003 et 2004, cette société lui a versé des sommes, rémunérant notamment son activité dans une émission diffusée à la radio, que le requérant a déclarées à l'administration fiscale, pour une part, en tant que traitements et salaires, et pour une autre, en tant que droits d'auteur. Il estimait, en effet, qu'une partie de sa rémunération lui était accordée au titre d'un travail d'écriture des émissions qu'il animait, qui relevait de cette dernière catégorie.

Dès l'année 2004, l'association de gestion de la sécurité sociale des auteurs (AGESSA) a contesté cette qualification qui, si elle n'a pas d'incidence du point de vue de l'assujettissement à l'impôt sur le revenu, n'est en revanche pas neutre quant au régime de cotisations sociales applicable.

La société a donc été invitée à déclarer la totalité des sommes versées en qualité de traitements et salaires, soumis au régime des cotisations sociales des travailleurs salariés. Dans ce but, elle a émis un bulletin de salaire, au titre du mois de décembre 2004, faisant état d'une "prime exceptionnelle" de 110 784 euros, correspondant aux sommes versées à l'intéressé au cours des années 2003 et 2004 et initialement regardées comme des droits d'auteur.

A la suite d'un examen de la situation fiscale personnelle du requérant, l'administration a constaté une discordance de 57 184 euros entre les sommes déclarées par l'intéressé au titre de l'année 2004 et celles figurant sur la déclaration annuelle des données sociales (DADS) transmise par la société en sa qualité d'employeur. Elle a notifié en conséquence au requérant des suppléments d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2004, assortis d'intérêts de retard, que l'intéressé a contestés dans le délai légal de trente jours prévu à cette fin, en faisant valoir que la somme en cause correspondait à des sommes déjà déclarées au titre de l'année 2003, qui n'avaient été mentionnées sur le bulletin de salaire de décembre 2004, en qualité de "prime exceptionnelle", que pour permettre la régularisation exigée par l'AGESSA.

L'administration n'a pas été sensible à cette explication, et les sommes annoncées ont été mises en recouvrement. Elles sont été contestées devant le tribunal administratif de Versailles, sans succès (TA Versailles, 9 mai 2011, n° 0905132).

La cour administrative d'appel de Versailles l'a également débouté par un raisonnement qui, en substance, s'énonce en deux étapes (CAA Versailles, 4 novembre 2014, n° 13VE03720 N° Lexbase : A0990RQQ). D'une part, la cour a pris acte de ce que, pour procéder au redressement litigieux, l'administration s'était fondée sur la déclaration annuelle des salaires souscrite par l'employeur du requérant. D'autre part, elle a considéré que, malgré les différentes pièces qu'il versait aux débats en vue de remettre en cause les mentions de cette déclaration, le requérant "n'établissait pas ne pas avoir effectivement disposé des revenus salariaux" d'un montant égal à celui imposé par l'administration au titre de l'année 2004. La cour, ainsi, a estimé ne pas avoir à tirer de conséquence de deux attestations délivrées en 2005 et 2008 par l'expert comptable de la société, pas plus que d'une attestation de 2004 établie par l'AGESSA indiquant que la rémunération versée à un présentateur radiophonique en contrepartie de son travail à l'antenne ne peut pas être qualifiée de droit d'auteur.

C'est contre cet arrêt que le requérant se pourvoit en cassation. A l'appui de son recours, il soulève un unique moyen, qui est tiré de ce que la cour a méconnu les règles de charge de la preuve et, donc, commis une erreur de droit en exigeant de lui qu'il établisse ne pas avoir effectivement perçu la somme de 57 184 euros, présente sur la déclaration annuelle de salaires souscrite par son employeur, mais absente de sa propre déclaration de revenus au titre de l'année 2004.

Le moyen soulevé par le requérant tend à préciser le statut de la déclaration annuelle des salaires en tant qu'élément de preuve dans le procès fiscal. Il n'est pas besoin d'insister sur l'intérêt pratique d'une telle clarification, dès lors que ces déclarations constituent l'un des principaux instruments dont dispose l'administration pour contrôler la sincérité des déclarations des contribuables.

L'obligation de souscrire cette déclaration résulte de l'article 87 du CGI (N° Lexbase : L9131I8P), qui énonce que toute personne physique ou morale versant des traitements, émoluments, salaires ou rétributions imposables est tenue de remettre à l'administration fiscale, dans le courant du mois de janvier de chaque année, une déclaration comportant notamment, pour chaque salarié rétribué l'année précédente, le montant des sommes payées pendant cette année.

Le défaut de production, dans les délais prescrits, de la déclaration annuelle des salaires, ainsi que les omissions ou inexactitudes qui, le cas échéant, affectent celle-ci exposent l'employeur défaillant à l'application des amendes prévues à l'article 1729 B du CGI (N° Lexbase : L0711IPZ).

Pour critiquer l'arrêt attaqué, le pourvoi s'appuie sur les règles générales de charge de la preuve en matière de contentieux fiscal. Il fait valoir que, lorsque le contribuable a contesté les rectifications proposées par l'administration dans le délai légal, il appartient à l'administration d'établir le bien-fondé des impositions qui procèdent de ces rectifications, donc de prouver que le contribuable a effectivement disposé de revenus qu'il n'a pas déclarés.

Cette règle, en effet, se déduit d'une lecture a contrario de l'article R. 194-1 du LPF (N° Lexbase : L1590IN9) qui énonce que, lorsqu'il a donné son accord à une rectification, ou qu'il s'est abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable ne peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition qu'en démontrant son caractère exagéré. Le Conseil d'Etat en a déduit que, lorsque le contribuable n'a pas accepté le redressement proposé par l'administration, la charge de la preuve pèse sur l'administration. Cette jurisprudence constante est illustrée par de nombreux précédents (v. CE, 26 juillet 1985, n° 40856, RJF, 1985, n° 1355 ; et pour un cas concernant précisément les salaires déclarés, CE 7° et 9° s-s-r., 29 janvier 1975, n° 90138, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9624B8X, RJF, 1975, n° 208).

Au cas d'espèce, la cour a fondé sa solution sur le motif que "le contribuable n'établissait pas ne pas avoir effectivement disposé des revenus salariaux" mentionnées sur la déclaration annuelle des salaires. Si cette formule apparaît effectivement dans la jurisprudence, Le Conseil d'Etat ne l'a jamais retenue que dans des cas où le contribuable supportait la charge de la preuve du bien-fondé de l'imposition, faute d'avoir émis une contestation dans le délai légal.

C'est ainsi dans une hypothèse où le contribuable supportait la charge de la preuve que, par une décision du 25 novembre 1968, (CE 8° et 9° s-s-r., 25 novembre 1968, n° 71227, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A7515B8T), la Haute juridiction a validé des impositions fondées sur une déclaration annuelle de salaires produite par l'administration après avoir constaté que l'intéressé "n'apportait aucunement la preuve que les rémunérations dont s'agit ne lui aient pas été effectivement versées".

C'est encore dans une hypothèse du même type que, par une décision du 8 janvier 1975 (Ce 7° et 9° s-s-r., 8 janvier 1975, n° 86199, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A5396B7Y, RJF, 1975, n° 112), Le Conseil d'Etat a affirmé qu'il appartient au contribuable d'établir que les sommes déclarées par son employeur ne lui ont été pas effectivement versées (v. également CE 8° et 9° s-s-r., 10 mars 1971, n° 65406, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7061B7N, Dupont, 1971, p. 232). Toujours dans ce cas de figure, Le Conseil d'Etat a adopté une formulation identique à celle retenue par la cour (CE 7° et 8° s-s-r., 12 décembre 1990, n° 59792, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A5448AQT).

En revanche, lorsque la charge de la preuve pèse sur l'administration parce que le contribuable a contesté les redressements proposés dans le délai légal, comme c'est le cas en l'espèce, le Conseil d'Etat a l'habitude d'exiger de l'administration qu'elle établisse la perception effective, par le contribuable, des revenus litigieux.

Ainsi, dans une décision du 12 janvier 1994 (CE 8° et 9° s-s-r., 12 janvier 1994, n° 82160, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8425B78, RJF, 1994, n° 263), la Haute juridiction a jugé qu'il appartenait à l'administration fiscale, laquelle n'avait, en l'espèce, pas produit la déclaration annuelle des salaires, d'apporter la preuve que les revenus dont le contribuable indiquait qu'ils avaient déjà été déclarés en qualité de droits d'auteur n'avaient, contrairement aux affirmations de l'intéressé, pas encore été imposés entre ses mains.

Lorsque l'administration produit une déclaration annuelle de salaires devant le juge de l'impôt, les choses ne nous paraissent pas fondamentalement différentes.

Cette déclaration possède assurément une valeur probante et peut, dans certaines hypothèses, permettre à l'administration d'établir que le contribuable a effectivement appréhendé les revenus qui y sont mentionnés. A cet égard, nous ne partageons pas le parti pris par la cour administrative d'appel de Lyon qui a jugé, dans un arrêt du 22 mars 1993, qu'il fallait dénier toute valeur probante à la déclaration annuelle de salaires, dès lors qu'elle est établie par un tiers et non par le contribuable lui-même (CAA Lyon, 22 mars 1993, n° 91LY00075 N° Lexbase : A2464BGD, RJF, 1993, n° 614). Une telle orientation paraît contraire à l'idée que la preuve est libre devant le juge administratif, ainsi qu'à une décision du 21 juillet 1972 (CE 8° et 9° s-s-r., 21 juillet 1972, n° 78895, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A4642B8G), dans laquelle le Conseil d'Etat s'est fondé sur une déclaration annuelle de salaires pour juger que l'administration apportait la preuve requise.

Toutefois, Le Conseil d'Etat ne saurait aller jusqu'à reconnaître à la déclaration annuelle de salaire le caractère d'une pièce dont les mentions sont opposables aussi longtemps que le contribuable n'apporte pas la preuve contraire, comme l'a jugé la cour en l'espèce.

Raisonner ainsi reviendrait à considérer que la production par l'administration d'une déclaration annuelle de salaires inverse la charge de la preuve et fait basculer celle-ci vers le contribuable. Or, cette affirmation paraît contraire à l'article R. 194-1 et à la jurisprudence qui en découle. Elle contrevient du reste à une décision du 2 février 1990 (CE 7° et 8° s-s-r., 2 février 1990, n° 62056, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A4931AQP, RJF, 1990, n° 286) par laquelle il a été jugé que, lorsqu'elle produit une déclaration annuelle de salaires, l'administration conserve la charge de prouver que le contribuable a effectivement perçu les rémunérations litigieuses, quand bien même cette déclaration a été rédigée par le contribuable lui-même en sa qualité de président directeur général de la société qui a versé les sommes.

Nous préférons donc proposer de retenir une logique dialectique dans laquelle il appartient au contribuable, lorsque l'administration, ayant la charge de la preuve, produit devant le juge une déclaration annuelle de salaires, d'apporter seulement un commencement de preuve de l'absence de perception effective des revenus litigieux pour que le débat sur l'exactitude de cette déclaration puisse s'engager. Il suffira, à cet effet, que le contribuable fasse état d'éléments sérieux de nature à faire apparaître que la déclaration annuelle de salaires comporte des inexactitudes ou inclut des sommes dont l'intéressé n'a pas disposé au cours de l'année d'imposition.

En présence de ce commencement de preuve, c'est à l'administration qu'il reviendra alors de convaincre le juge en produisant, à côté de la déclaration annuelle des salaires, des éléments susceptibles de conforter cette déclaration ou, au contraire, d'affaiblir la thèse du contribuable. Au vu des explications des deux parties, le juge appréciera si, au final, l'administration apporte la preuve de ce que le contribuable a effectivement appréhendé les revenus litigieux.

Le Conseil d'Etat est familier de ce balancement ternaire auquel il se tient souvent en matière de preuve, par exemple pour apprécier le droit à déduction de charges justifiées par des factures (CE 3° et 8° s-s-r., 21 mai 2007, n° 284719, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A4759DW8, RJF, 2007, n° 953). Ce raisonnement paraît particulièrement indiqué à propos des déclarations annuelles de salaires compte tenu de la haute probabilité que celles-ci soient entachées d'erreurs. Il trouve du reste un écho dans la décision précitée du 21 juillet 1972 par laquelle il a été jugé que, en produisant la déclaration annuelle de salaires souscrite par l'employeur, l'administration apportait la preuve qui lui incombait de la perception effective par le contribuable des revenus litigieux dès lors que l'intéressé n'apportait en sens contraire "aucun commencement de preuve".

Si nous sommes suivis, le Conseil d'Etat n'aura pas de peine à accueillir le moyen du pourvoi, la cour n'ayant nullement suivi cette démarche en l'espèce et ayant, au contraire, exigé du contribuable, alors que la charge de la preuve pesait sur l'administration, qu'il établisse l'absence de perception effective des revenus en litige.

Par ces motifs, il convient de conclure à l'annulation de l'arrêt attaqué, au renvoi de l'affaire devant la cour administrative d'appel de Versailles et à ce que l'Etat verse au requérant une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du CJA (N° Lexbase : L3227AL4).

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Sociétés

[Brèves] Pactes d'actionnaires : validité de la clause par laquelle le salarié actionnaire s'engage à céder la totalité de ses actions en cas de perte d'emploi avec décote du prix en cas de licenciement

Réf. : Cass. com., 7 juin 2016, n° 14-17.978, FS-P+B (N° Lexbase : A7018RSQ)

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N3223BWB

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Le 17 Juin 2016

La clause d'un pacte d'actionnaires passé entre un salarié, détenant des actions de la société qui l'emploie, dont partie lui a été remise à titre gratuit, et la société mère de son employeur, en présence de ce dernier, prévoyant que le salarié promet irrévocablement de céder la totalité de ses actions en cas de perte de cette qualité, pour quelque raison que ce soit, et qu'en cas de cessation des fonctions pour cause de licenciement autre que pour faute grave ou lourde, le prix de cession des titres serait le montant évalué à dire d'expert dégradé du coefficient 0,5, ne s'analyse pas en une sanction pécuniaire prohibée, en ce qu'elle ne vise pas à sanctionner un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, dès lors qu'elle s'applique également dans toutes les hypothèses de licenciement autre que disciplinaire. Tel est l'enseignement d'un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 7 juin 2016 (Cass. com., 7 juin 2016, n° 14-17.978, FS-P+B N° Lexbase : A7018RSQ, rendu après avis de Cass. soc., 3 février 2016, n° 14-17.978, FS-D N° Lexbase : A7047RSS). En l'espèce, une salariée, engagée par une SA, s'est vu attribuer gratuitement, en application des dispositions de l'article L. 225-197-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L1899KGG), des actions de la SA qui se sont ajoutées à celles qu'elle détenait déjà. La société mère de la SA a conclu avec la salariée, "en présence" de la SA employeur, un pacte d'associés prévoyant que la salariée promettait irrévocablement de céder la totalité de ses actions en cas de perte de sa qualité de salariée pour quelque cause que ce soit, les modalités de détermination du prix de cession variant selon les circonstances dans lesquelles prendrait fin le contrat de travail. Il était ainsi stipulé qu'en cas de cessation pour cause de licenciement autre que pour faute grave ou lourde, le prix serait fixé à dire d'experts dégradé du coefficient 0.5. La salariée a été licenciée. Elle a alors contesté ce licenciement devant la juridiction prud'homale, qui l'a déclaré sans cause réelle et sérieuse. Elle a, par ailleurs, saisi le président du tribunal de commerce aux fins de désignation d'un tiers estimateur qui a évalué ses actions à 155 276 euros. La salariée ayant demandé paiement de cette somme à la SA employeur, celle-ci, déclarant faire application de la décote de 50 % prévue dans le pacte d'actionnaires, lui a remis un chèque d'un montant de 77 638 euros. La salariée l'a assignée en paiement du solde du prix, soutenant notamment que l'engagement prévu par le pacte d'actionnaires constituait une sanction pécuniaire déguisée interdite (C. trav., art. L. 1331-2 N° Lexbase : L1860H9R). Enonçant la solution précitée, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé contre l'arrêt d'appel (CA Versailles, 20 mars 2014, n° 12/06860 N° Lexbase : A9636MHD) qui avait rejeté cette demande (cf. les Ouvrages "Droit des sociétés" N° Lexbase : E6310ATU et "Droit du travail" N° Lexbase : E2786ETD).

newsid:453223

Taxes diverses et taxes parafiscales

[Brèves] La TASCOM ne constitue pas une aide d'Etat

Réf. : Cass. com., 7 juin 2016, n° 14-12.521, FS-P+B (N° Lexbase : A6993RSS)

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Le 17 Juin 2016

La taxe sur les surfaces commerciales ne constitue pas une aide d'Etat. Tel est le principe dégagé par la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 7 juin 2016 (Cass. com., 7 juin 2016, n° 14-12.521, FS-P+B N° Lexbase : A6993RSS). En principe, la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) est assise sur la surface de vente des magasins de commerce de détail excédant 400 mètres carrés. Ce seuil de superficie ne s'applique pas aux établissements contrôlés directement ou indirectement par une même personne et exploités sous une même enseigne commerciale lorsque la surface de vente cumulée de l'ensemble de ces établissements excède 4 000 mètres carrés. Ainsi, au cas présent, faisant valoir qu'une telle indemnité, qui favorise certaines entreprises et se traduit par un allégement de leurs charges comparativement à d'autres entreprises du même secteur, devrait être regardée comme une aide d'Etat qui aurait dû faire l'objet d'une notification préalable à la Commission européenne, la société requérante a saisi le TASS d'une demande de remboursement des sommes qu'elle a réglées au titre de la TASCOM pour l'année 2009. La Cour de cassation, qui a donné raison à l'administration, a tout d'abord énoncé que la CJCE avait précisé que lorsqu'une taxe n'a pas une portée générale mais frappe une seule catégorie d'opérateurs en situation concurrentielle, cet assujettissement asymétrique à la taxe peut être considéré comme une aide lorsqu'il constitue un objectif délibéré, voire l'objectif principal de la taxe, le lien d'affectation contraignant entre la taxe et l'aide résidant dans ce cas dans le fait que la taxe et la mesure d'aide constituent les deux éléments indissociables d'une seule et même mesure fiscale (CJCE, 7 septembre 2006, aff. C-526/04 N° Lexbase : A9490DQK). Pour la Cour, la TASCOM frappe tous les exploitants de magasins de commerce de détail dont la surface de vente est supérieure à 400 mètres carrés, seuls les distributeurs indépendants qui exploitent de petits magasins en étant exonérés, ce qui confère à cette taxe une portée générale. La taxe, qui ne frappe pas une catégorie spécifique d'opérateurs, n'a pas été instituée dans le dessein de conférer un avantage concurrentiel à certains opérateurs. Le produit de la taxe n'est pas affecté au financement d'un régime d'aide dont bénéficieraient des concurrents de la société requérante. Dès lors, la taxe et la mesure d'aide alléguée ne constituant pas les deux éléments indissociables d'une seule et même mesure fiscale, ce qui excluait l'existence d'un lien d'affectation contraignant entre les deux, il fallait donc retenir que la TASCOM ne constituait pas une aide d'Etat .

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