La lettre juridique n°660 du 23 juin 2016

La lettre juridique - Édition n°660

Éditorial

Xénoglossie juridique : la nouvelle pathologie présidentielle

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N3386BWC

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 07 Juillet 2016


C'est l'histoire de François, qui depuis 57 ans parlait français et plutôt mal anglais. Et, pour cause, il était né à Rouen, dans une famille un brin chauvine, et, promotion Voltaire, il était plutôt bien vu de parler en sus, l'enatronic, autrement dit la langue de bois, mais guère plus.

Un matin, il se leva et commença à causer, rêveries et onirisme nocturne, avec sa compagne -du moment-, mais dans une langue parfaitement inconnue de son interlocutrice, plutôt versée dans le chant lyrique et l'histoire de l'art, comme cet italien récemment victime d'une anomalie du tronc basilaire, une artère située à la base du crâne et qui alimente l'encéphale, et qui s'est soudain mis à parler français alors que sa connaissance de cette langue n'était que superficielle et surtout très lointaine.

Pis, François ne se mit à ne parler que la langue, disons le sans emphase, juridique. Les experts, les médecins présidentiels, se sont penchés sur son cas singulier, mais si "son vocabulaire juridique est restreint et s'il commet plusieurs erreurs syllogistiques, ce n'est pas du baragouin ni du grommelot et il n'insère jamais de terme profane dans ses phrases". Pour sûr, concluent-ils, François est atteint de xénoglossie de type juridique !

Le plus curieux est qu'il ne s'énerve pas si personne ne le comprend. Même s'il n'écrit qu'avec du vocabulaire juridique, même si les tests qu'il a passés ont montré qu'il maîtrisait toujours parfaitement sa langue natale, dès qu'il ouvre la bouche c'est du juridique qui en sort.

Malgré ses maladresses et ses erreurs, François s'exprime de manière fluide et rapide avec toutefois, notent les experts, une certaine redondance ou parfois certaines contradictions, mais surtout une intonation corse ou varoise, du moins méridionale, suggérant par là que l'homme, sans en avoir forcément conscience, joue une sorte de rôle, celui d'un jurisconsulte tel qu'on le pressentirait... en 1804.

François n'a pas adopté le bicorne comme couvre-chef, ni l'épée académicienne, mais il s'est mis à lire de la jurisprudence, à longueur de temps. Il lit Liaisons sociales et, parfois même pour se détendre, le JCP édition générale. Il assure penser en juriste et peut-être même aussi... être un juriste. En plus d'adorer le droit, il est pris d'une certaine folie des grandeurs -il ne promulgue pas moins de 397 lois, 215 ordonnances, 15 400 décrets et on s'arrêtera là-. Il achète par exemple des palettes de codes civils papiers à tous les magistrats, quand ces derniers manquent de papier et d'encre pour imprimer les moindres conclusions d'un avocat.

Et, d'une euphorie pas toujours justifiée qu'il nomme son élan réformateur, il ouvre ainsi l'accès au droit, à la loi, à la jurisprudence de toutes les juridictions, de tous bords, à la Terre entière et il propose de donner des leçons de droit à ses concitoyens, à travers les sites publics, gouvernementaux ou universitaires... Comme les apôtres clamant l'Evangile dans toutes les langues vernaculaires du bassin méditerranéen, François croit que le citoyen lambda doit être éveillé à la conscience juridique par la parole du magistrat et qu'il a les ressorts intérieurs pour comprendre le droit et, pourquoi pas l'appliquer lui-même, aidé en cela par la legal tech. Après tout, "J'ai entendu dire que des hommes parfaitement ignorants venaient, sous le coup de fièvres violentes, à parler des langues anciennes et que l'on découvrait toujours en approfondissant ce mystère que, lors d'une enfance tout entière oubliée, ils les avaient effectivement entendu parler par des savants de leur entourage", fait murmurer Herman Melville au personnage de l'officier Starbuck dans Moby Dick. Tout le monde n'est-il pas oint de juridisme, après avoir passé seulement quelques années au pays de la Norme et des libertés tant encadrées.

Les experts, la Doctrine en somme, notent que ce comportement subsiste malgré les mises en garde. Ils suggèrent, là aussi, qu'un petit accident cérébral du à une douche écossaise printanière a fait glisser le juridique en "première langue", sans avoir pour autant identifié la zone du cerveau responsable de ce changement. Hormis des troubles du sommeil et des problèmes de mémoire circonscrits à la période quinquennale précédente, le sujet ne souffre de rien, n'a ni délire, ni hallucinations.

Et cela fait quatre ans que cela dure. La famille de François, entendez la promotion Voltaire, a accepté qu'il ne parle que le juridique. Peut-être même finira-t-elle par l'appeler Camba... Pour Cambacérès, bien entendu ! Après tout, le psychiatre Ian Stevenson avait étudié quelques cas de xénoglossie, qu'il interprétait comme une possible preuve de la réincarnation, sans réfutation convaincante, du reste.

*Mes remerciements à Cristian Bortes, pour son article dans le Monde Europe.

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Affaires

[Brèves] Publication de la Directive "secrets d'affaires" au JOUE

Réf. : Directive 2016/943 du 8 juin 2016, sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d'affaires) contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites (N° Lexbase : L6171K83)

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N3314BWN

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Le 23 Juin 2016

La Directive "secrets d'affaires" a été publiée au Journal officiel de l'UE du 15 juin 2016 (Directive 2016/943 du 8 juin 2016, sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d'affaires) contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites N° Lexbase : L6171K83). Après avoir défini la notion de secret d'affaires en reprenant les trois critères de celle contenue dans les accords ADPIC de 1994, le texte distingue les cas d'obtention, d'utilisation et de divulgation licites de secrets d'affaires de ceux considérés comme étant illicites. Elle prévoit, par ailleurs, des dérogations, notamment au bénéfice des lanceurs d'alerte. Les Etats membres doivent mettre en place les mesures, procédures et réparations nécessaires pour qu'une réparation au civil soit possible en cas d'obtention, d'utilisation et de divulgation illicites de secrets d'affaires. En outre, la durée du délai de prescription de l'action en violation du secret des affaires ne doit pas excéder six ans. Elle encadre également la protection du caractère confidentiel des secrets d'affaires au cours des procédures judiciaires. Elle énonce un ensemble de mesures provisoires et conservatoires que les autorités judiciaires compétentes peuvent, à la demande du détenteur de secrets d'affaires, ordonner à l'encontre du contrevenant supposé, de même que les mesures pouvant être prononcées dans le cadre d'une procédure au fond en cas de violation de secret des affaires. Le juge peut ainsi ordonner, à l'encontre du contrevenant, des injonctions, des mesures correctives, des mesures de sauvegarde et des mesures de substitution, l'attribution de dommages et intérêts et la publication des décisions judiciaires. La Directive, qui entre en vigueur le vingtième jour suivant sa publication au JOUE, devra être transposée au plus tard le 9 juin 2018.

newsid:453314

Avocats

[Textes] Du nouveau statut d'avocat aux Conseils salarié à la modification des conditions du recrutement

Réf. : Décrets n° 2016-651 (N° Lexbase : L1767K8X) et n° 2016-652 (N° Lexbase : L1764K8T) du 20 mai 2016, relatifs aux avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation salariés

Lecture: 20 min

N3169BWB

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par Frédéric-Jérôme Pansier, Docteur d'Etat en droit, Docteur ès Lettres, Chargé d'enseignement à l'Université Panthéon-Sorbonne

Le 23 Juin 2016

Introduction. Deux décrets du 20 mai 2016, publiés au Journal officiel du 22 mai 2016, concernent les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, titulaires du certificat d'aptitude à la profession d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation. Ces deux textes sont entrés en vigueur le 23 mai 2016. Le premier décret, n° 2016-651 (N° Lexbase : L1767K8X), organise la nouvelle fonction d'avocat salarié. Il est pris pour l'application de l'ordonnance n° 2014-239 du 27 février 2014, relative à l'exercice des professions d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation et de notaire en qualité de salarié (N° Lexbase : L5666IZU). Le second décret n° 2016-652 (N° Lexbase : L1764K8T) modifie certaines des conditions d'accès à la profession d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation. I - Le nouveau statut d'avocat salarié au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation

Il précise, d'une part, les dispositions législatives et réglementaires applicables aux avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation salariés, ainsi que les règles de dénomination, de participation aux réunions professionnelles de l'Ordre, d'incompatibilité et de responsabilité auxquelles ils sont soumis et les conditions formelles d'établissement de leur contrat de travail (A). D'autre part, il fixe leurs conditions de nomination et d'entrée en fonctions ainsi que les procédures applicables en matière de règlement des litiges nés à l'occasion de l'exécution du contrat de travail ou de sa rupture (B).

A - Statut de l'avocat salarié aux Conseils

En premier lieu, l'article 1er rappelle que l'avocat salarié aux Conseils est avant tout un avocat aux Conseils : "les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation salariés sont soumis aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'exercice des fonctions d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation par des personnes physiques, à la déontologie et à la discipline des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation [...]". Ce ne sont pas des membres à part de la profession. Leur seule particularité, et elle est grande dans le monde feutré de ces nobles assemblées, est d'être salarié.

L'article 2 du décret pose un certain nombre d'interdits.

En premier lieu, l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation salarié ne peut exercer ses fonctions qu'au sein d'un seul office auquel il consacre toute son activité professionnelle. Il n'est donc pas question pour l'avocat de partager son temps de travail entre plusieurs offices...

En second lieu, l'avocat salarié est avant tout un avocat comme les autres : il peut exercer l'ensemble des fonctions dévolues aux avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; il peut obtenir le titre d'avocat honoraire au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation.

Des règles particulières doivent être prévues : l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation titulaire de l'office ou, si cet office a pour titulaire une société, l'un des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation associés ne peut pas conseiller, représenter ou assister un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation salarié exerçant au sein de l'office ou l'un des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation associés.

Le statut de l'avocat aux Conseils salarié se mesure à ses revendications : dans tous les actes de la profession et dans toutes les correspondances, l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation salarié indique son nom, son titre, ainsi que le nom ou la dénomination de la personne physique ou morale titulaire de l'office au sein duquel il exerce ainsi que l'adresse de cet office.

Le statut de l'avocat salarié passe aussi par sa participation aux instances professionnelles :

- il participe avec droit de vote aux réunions professionnelles, notamment à l'assemblée générale de l'Ordre ;

- il est éligible au conseil de l'Ordre ; toutefois, celui-ci ne peut comprendre qu'un seul avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation exerçant au sein d'un même office, salarié ou non.

S'il est élu au conseil de l'Ordre, l'avocat salarié ne peut pas participer aux délibérations et aux votes relatifs aux réclamations, aux différends, aux avis ou aux questions disciplinaires concernant un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation exerçant au sein du même office ; de même, l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation titulaire de l'office ou, si cet office a pour titulaire une société, l'un des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation associés ne peut pas participer aux délibérations et aux votes relatifs aux réclamations, aux différends, aux avis ou aux questions disciplinaires concernant l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation salarié exerçant au sein de l'office.

B - Responsabilité de l'activité de l'avocat salarié à la charge du titulaire de l'office

Le titulaire de l'office est civilement responsable du fait de l'activité professionnelle exercée pour son compte par l'avocat salarié.

Il est tenu, pour le compte de cet avocat, au paiement des cotisations dues, par celui-ci, pour le fonctionnement de l'Ordre.

En d'autres termes, le titulaire de l'office est responsable civilement du salarié.

C - Conditions d'entrée en fonction et de nomination

a) Le contrat de travail

Le contrat de travail est établi par écrit, sous la condition suspensive de la nomination du salarié en qualité d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation et de sa prestation de serment. La condition est réputée acquise à la date de la prestation de serment.

Ce contrat de travail ne peut comporter aucune clause susceptible de limiter la liberté d'établissement ultérieure du salarié ou de porter atteinte à son indépendance ; pas de clause de non-concurrence donc. Il précise les conditions de sa rémunération.

Dès sa signature, une copie du contrat de travail est remise contre récépissé ou expédiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au président de l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; il en est de même pour toute modification à ce contrat.

b) La nomination

L'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation salarié est nommé, comme les autres avocats aux Conseils, par arrêté du Garde des Sceaux, ministre de la Justice. L'arrêté précise le nom ou la dénomination sociale de la personne titulaire de l'office au sein duquel l'avocat salarié exerce ses fonctions.

La demande est présentée conjointement par la personne titulaire de l'office et le candidat à la nomination au Garde des Sceaux, ministre de la Justice. Ce dernier recueille l'avis motivé du vice-président du Conseil d'Etat, du premier président de la Cour de cassation, du procureur général et du conseil de l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation sur l'honorabilité, les capacités professionnelles du candidat et sur la conformité du contrat de travail avec les règles professionnelles. En l'absence de réponse au terme d'un délai de quarante-cinq jours à compter de la saisine, les avis sont réputés rendus.

Dans le mois suivant la publication de l'arrêté, l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation salarié prête le serment prévu à l'article 31 du décret du 28 octobre 1991. Il ne peut exercer ses fonctions qu'à compter du jour de sa prestation de serment. A défaut d'avoir prêté ce serment dans le délai, l'avocat est réputé, sauf cas de force majeure, avoir renoncé à sa nomination.

L'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation salarié, qui devient titulaire de l'office au sein duquel il exerçait ou associé de la personne morale titulaire de cet office, est nommé en sa nouvelle qualité par un arrêté du ministre de la Justice, qui met fin également à ses fonctions d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation salarié. Cet arrêté prend effet à la date de sa publication au Journal officiel.

L'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ainsi nommé n'a pas à prêter à nouveau serment.

Les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation salariés sont inscrits au tableau de l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation établi chaque année.

c) Procédure disciplinaire

Pour tout litige né à l'occasion d'un contrat de travail ou de la convention de rupture, de l'homologation ou du refus d'homologation de cette convention, à défaut de conciliation, le président de l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation est saisi par l'une ou l'autre des parties soit par requête déposée contre récépissé au secrétariat de l'Ordre, soit par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

L'acte de saisine précise, à peine d'irrecevabilité, l'objet du litige, l'identité des parties et les prétentions du saisissant.

Le président tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.

d) Procédure de récusation

Le président de l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation peut s'abstenir. Sa récusation peut être demandée pour l'une des causes prévues par l'article L. 111-6 du Code de l'organisation judiciaire (N° Lexbase : L7807HNH).

La demande de récusation du président de l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation est déposée au secrétariat de l'Ordre. Elle doit, à peine d'irrecevabilité, être formée dès la connaissance de la cause de récusation, indiquer avec précision les motifs de la récusation et être accompagnée des pièces propres à la justifier. En aucun cas, elle ne peut être formée après la clôture des débats. Il est délivré récépissé de la demande de récusation.

Le secrétaire communique au président de l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation la copie de la demande de récusation dont celui-ci est l'objet. Le président, dès qu'il a communication de la demande, doit s'abstenir jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la récusation.

Dans les huit jours de cette communication, le président de l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation fait connaître par écrit soit son acquiescement à la récusation, soit les motifs pour lesquels il s'y oppose. En cas d'acquiescement, il est aussitôt remplacé par le premier syndic ou, à défaut, par le membre du conseil de l'Ordre le plus ancien dans l'ordre d'inscription au tableau.

En cas d'opposition ou à défaut de réponse, le secrétaire communique la demande de récusation avec la réponse du président de l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ou mention de son silence à la Cour de cassation qui statue dans le délai d'un mois.

L'affaire est examinée sans qu'il soit nécessaire d'appeler les parties ni le président de l'Ordre. Copie de la décision est remise ou adressée par le secrétaire au président de l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation et aux parties. Si la récusation est rejetée, son auteur peut être condamné à une amende civile d'un montant maximum de 3 000 euros sans préjudice des dommages-intérêts qui pourraient être réclamés.

Les actes accomplis par le président de l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation récusé avant qu'il ait eu connaissance de la demande de récusation ne peuvent être remis en cause.

En cas d'abstention ou de récusation du président de l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, il est remplacé par le premier syndic ou, à défaut, par le membre du conseil de l'Ordre le plus ancien dans l'ordre d'inscription au tableau.

Si, par l'effet d'abstentions ou récusations successives, ni le président de l'Ordre, ni aucun membre du conseil de l'Ordre ne peut trancher le litige, la Cour de cassation se prononce sur celui-ci dans les conditions prévues au dernier alinéa de l'article 18.

e) Litiges liés au contrat de travail

Dès l'enregistrement de la requête, le président de l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation fixe les délais dans lesquels les parties seront tenues de produire leurs observations ainsi que toute pièce utile à l'instruction du litige. Il arrête la date à laquelle il entendra leurs observations orales.

Les parties peuvent, à tous les stades de la procédure, être assistées par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ou, s'il est dûment mandaté à cette fin, par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation honoraire ou un avocat. Le principe du contradictoire impose qu'elles puissent consulter leur dossier. Les avocats des parties sont rendus destinataires de la copie de toute correspondance adressée aux parties par le président de l'Ordre dans le cadre de la procédure.

Au moins huit jours avant la date de l'audience, le président de l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation convoque le défendeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et avise le demandeur par tout moyen. La lettre de convocation ou l'avis mentionne que les intéressés peuvent être assistés par un avocat aux Conseils, en fonction ou honoraire, ou un avocat ordinaire.

Les procès-verbaux de l'instance et les transactions sont signés par le président de l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation et les parties.

Le président de l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation statue sur les contestations relatives à l'étendue de sa saisine. Il a le pouvoir de trancher l'incident de vérification d'écriture ou de faux conformément aux dispositions des articles 287 (N° Lexbase : L1892H4T) à 294 et 299 (N° Lexbase : L1924H4Z) du Code de procédure civile. En cas d'inscription de fausse incidente, l'article 313 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1966H4L) est applicable devant le président de l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation. Le délai de l'instance continue à courir du jour où il est statué sur l'incident.

En cas de mesure d'urgence sollicitée par l'une des parties, le président de l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation peut être saisi à bref délai. Dans cette hypothèse, le président peut ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend. C'est le domaine traditionnel du référé. Le président de l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, ordonner les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision.

Sauf cas de récusation et sous réserve du cas d'interruption de l'instance, le président de l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation est tenu de rendre sa décision dans les deux mois de sa saisine. Ce délai peut être prorogé, dans la limite de deux mois, par décision motivée notifiée aux parties, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

A défaut d'avoir statué dans les délais prévus, le président de l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation est dessaisi au profit de la Cour de cassation.

Les débats sont publics. Toutefois, le président peut décider, par une décision insusceptible de recours, que les débats auront lieu ou se poursuivront hors la présence du public à la demande de l'une des parties ou s'il doit résulter de leur publicité une atteinte à l'intimité de la vie privée.

Si la décision ne peut être prononcée sur-le-champ, le prononcé en est renvoyé, pour plus ample délibéré, à une date que le président indique. Dès la mise en délibéré de l'affaire, aucune demande ne peut être formée, ni aucun moyen soulevé. De même, aucune observation ne peut être présentée, ni aucune pièce produite si ce n'est à la demande du président.

La décision du président est notifiée aux parties par le secrétariat de l'Ordre, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Copie de la décision du président est adressée au procureur général près la Cour de cassation par le secrétariat de l'Ordre.

La décision du président peut faire l'objet d'un recours au fond devant la Cour de cassation. Le recours est formé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au greffe de la Cour de cassation ou remis contre récépissé au greffier de la Cour de cassation. Il doit être exercé dans le délai d'un mois à compter de la notification. Il est instruit selon les règles applicables, par la Cour de cassation, à la procédure sans représentation obligatoire. La décision de la Cour de cassation est notifiée aux parties par le greffe de la Cour de cassation par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

Sont de droit exécutoires à titre provisoire les décisions du président qui ordonnent la remise d'un certificat de travail, de bulletins de paie ou de toute pièce que l'employeur est tenu de délivrer, ou qui ordonnent le paiement de sommes au titre des rémunérations, des indemnités de congés payés, de préavis et de licenciement, ainsi que de l'indemnité compensatrice et de l'indemnité spéciale de licenciement en cas d'inaptitude médicale consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, dans la limite maximale de neuf mois de salaires calculés sur la moyenne des trois derniers mois.

Les autres décisions peuvent être rendues exécutoires par le président du tribunal de grande instance de Paris ou son délégué lorsqu'elles ne font pas l'objet d'un recours.

f) Fin des fonctions

L'exercice de ses fonctions d'officier ministériel par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation salarié ainsi que celui de ses mandats professionnels sont suspendus à compter du jour de la rupture du contrat de travail quelle qu'en soit la cause. Pendant cette suspension, il ne peut plus se prévaloir de la qualité d'officier ministériel ou du titre d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation.

Pendant une période d'un an, l'intéressé peut reprendre, sans attendre qu'intervienne l'arrêté prévu au quatrième alinéa et sans nouvelle nomination, des fonctions d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation salarié en déposant une simple déclaration, accompagnée d'une copie de son contrat de travail, auprès du Garde des Sceaux, ministre de la Justice. L'intéressé adresse une copie de cette déclaration au président du conseil de l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation.

Le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, peut, dans le délai d'un mois, faire opposition, par décision motivée, à l'effet de cette déclaration. Dans ce cas, l'intéressé doit, pour exercer ses fonctions, solliciter une nouvelle nomination. En l'absence d'opposition, le Garde des Sceaux, ministre de la justice, constate par arrêté que l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation salarié a repris l'exercice de ses fonctions. L'arrêté mentionne le nom ou la dénomination sociale de la personne titulaire de l'office au sein duquel ces fonctions sont désormais exercées.

La démission de l'avocat salarié, la rupture conventionnelle de son contrat de travail ou sa retraite est portée à la connaissance du Garde des Sceaux et du président du conseil de l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, soit par l'intéressé, soit par la personne titulaire de l'office au sein duquel il exerçait.

II - La modification des conditions d'accès

Ce sont, en particulier, les voies dérogatoires d'accès dont bénéficient certaines personnes à raison de leur expérience professionnelle.

Il précise, par ailleurs, les nouvelles modalités de nomination dans un office créé au terme de la procédure instaurée par les articles L. 462-4-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L1594KG7) et 3 de l'ordonnance du 10 septembre 1817 relative aux avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, ainsi que les nouvelles modalités de nomination dans un office créé à la suite d'une mésentente constatée entre les associés d'une société civile professionnelle mais également dans un office existant ou vacant, aux fins d'harmonisation.

A - Dispositions modifiant le décret n° 91-1125 du 28 octobre 1991, relatif aux conditions d'accès à la profession d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation (N° Lexbase : L1713IRU)

En premier lieu, la notion de Communauté européenne est remplacée par celle d'Union européenne.

Une condition a été modifiée en raison de ce nouveau décret : "un candidat peut être dispensé d'une épreuve lorsque les connaissances qu'il a acquises au cours de sa formation ou de son expérience professionnelle antérieure sont de nature à rendre inutile le passage de cette épreuve. Toutefois, il ne peut être dispensé d'une vérification de ses connaissances relatives à la réglementation professionnelle et à la gestion d'un office".

L'organisation de l'examen est modifiée et cela entraîne une nouvelle rédaction de l'article 17 : "L'examen d'aptitude à la profession d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation a lieu au moins une fois par an. Le programme et les modalités de l'examen sont fixés par arrêté du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, après avis du conseil de l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation. L'examen comporte trois épreuves écrites, à l'issue desquelles les candidats peuvent être déclarés admissibles aux épreuves orales dont l'une porte sur la réglementation professionnelle et la gestion d'un office.

Les personnes mentionnées aux articles 2 et 3 sont dispensées des épreuves écrites .

Les personnes mentionnées à l'article 4 sont dispensées de celle des épreuves écrites qui correspond le plus exactement aux matières dans lesquelles elles ont exercé antérieurement leur activité.

Les personnes mentionnées aux articles 2 à 4 sont dispensées des épreuves orales, à l'exception :

- de celle portant sur la réglementation professionnelle et la gestion d'un office ;

- d'une épreuve portant sur les règles de procédure applicables devant les cours suprêmes.

Sous réserve des dispenses prévues aux articles 2 à 4, seules peuvent se présenter à l'examen d'aptitude les personnes titulaires du certificat de fin de formation .

Nul ne peut se présenter plus de trois fois à l'examen d'aptitude à la profession d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation".

La nouvelle rédaction de l'article 23 modifie la consultation demandée au ministre de la Justice : "le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, recueille l'avis motivé du vice-président du Conseil d'Etat, du premier président de la Cour de cassation et du procureur général près cette cour.

En l'absence de réponse au terme d'un délai de quarante-cinq jours à compter de la saisine, l'avis est réputé rendu".

B - Nomination dans un office créé

La loi "Macron" a prévu la création d'office afin de mieux satisfaire les impératifs de la concurrence. L'Autorité de la concurrence peut, selon l'article L. 462-4-2 du Code de commerce, créer des offices d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation.

Toute personne remplissant les conditions générales d'aptitude à la profession d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation peut demander sa nomination dans un office créé.

Les personnes titulaires d'un office au jour de leur demande ne peuvent être nommées dans l'office créé qu'après ou concomitamment à leur démission. Celle-ci est présentée au Garde des Sceaux, ministre de la Justice, avec la demande de nomination dans un office à créer, sous condition suspensive de nomination dans ce nouvel office.

Les associés exerçant dans une société titulaire d'un office au jour de leur demande ne peuvent être nommés dans l'office créé qu'après ou concomitamment à leur retrait de cette société, dans les conditions prévues par les textes applicables à cette forme de société. La demande de retrait, sous condition suspensive de nomination dans ce nouvel office, doit être présentée au Garde des Sceaux, ministre de la Justice, avec la demande de nomination dans l'office à créer.

Les personnes remplissant les conditions prévues à l'article 24 peuvent déposer leur demande dans un délai de deux mois à compter de la publication des recommandations de l'Autorité de la concurrence.

Pour chaque demande, le Garde des sceaux, ministre de la Justice, recueille l'avis motivé du vice-président du Conseil d'Etat, du premier président de la Cour de cassation et du procureur général près cette cour. Il peut recueillir l'avis du conseil de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; il convient d'observer que ce dernier avis n'est que facultatif.

Les nominations aux offices créés sont faites au choix par le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, après avis de la commission qui classe les demandeurs par ordre de préférence.

La commission est composée comme suit :

- le directeur des affaires civiles et du sceau au ministère de la Justice ou son représentant ;

- un conseiller d'Etat, désigné sur proposition du vice-président du Conseil d'Etat ;

- un conseiller à la Cour de cassation, désigné sur proposition du premier président de la Cour de cassation ;

- un avocat général à la Cour de cassation, désigné sur proposition du procureur général près la Cour de cassation ;

- un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, désigné sur proposition du conseil de l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation.

La commission est présidée successivement par le conseiller d'Etat, par le conseiller à la Cour de cassation et par l'avocat général à la même cour. La première commission est présidée par le conseiller d'Etat.

Le président et les membres de la commission sont désignés pour une durée de trois ans renouvelable une fois.

Le secrétariat de la commission est assuré par un magistrat ou un fonctionnaire du ministère de la justice.

Si, dans un délai de six mois à compter de la publication des recommandations de l'Autorité de la concurrence, le ministre de la Justice, constate un nombre insuffisant de demandes de créations d'offices au regard des besoins identifiés, il procède à un appel à manifestation d'intérêt en vue de créer un ou plusieurs offices par arrêté publié au Journal officiel de la République française. Cet arrêté fixe un délai pour déposer sa candidature qui ne peut être inférieur à trente jours à compter de la publication de l'arrêté.

C - Nomination dans un office vacant

Lorsqu'il n'a pas été ou qu'il n'a pas pu être pourvu par l'exercice du droit de présentation à un office d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation dépourvu de titulaire, cet office est déclaré vacant par arrêté du Garde des Sceaux, ministre de la Justice.

Le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, procède à un appel à manifestation d'intérêt. L'arrêté du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, fixe en outre le montant de l'indemnité due.

La candidature doit être accompagnée d'un engagement de payer l'indemnité fixée par le Garde des Sceaux, ministre de la justice ; lorsque le candidat doit contracter un emprunt, il doit produire des éléments permettant d'apprécier ses capacités financières au regard des engagements contractés.

Le ministre de la Justice, recueille l'avis motivé du vice-président du Conseil d'Etat, du premier président de la Cour de cassation et du procureur général près cette cour et peut recueillir l'avis du conseil de l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation. Cet avis porte également sur l'évaluation des parts cédées.

D - Nomination à un office créé d'un associé qui se retire pour cause de mésentente

Lorsqu'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation entend se retirer de la société au sein de laquelle il est associé et solliciter sa nomination à un office créé à son intention, il doit au préalable faire constater par le tribunal de grande instance de Paris la réalité de la mésentente invoquée qui doit être de nature à paralyser le fonctionnement de la société ou d'en compromettre gravement les intérêts sociaux.

Le président de l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation est appelé à présenter ses observations à l'audience.

La demande de l'intéressé est accompagnée de la décision passée en force de chose jugée constatant la mésentente.

Le ministre de la Justice, recueille l'avis motivé du vice-président du Conseil d'Etat, du premier président de la Cour de cassation et du procureur général près cette cour.

La création de l'office et la nomination de son titulaire sont prononcées par arrêté du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, sans qu'il y ait lieu de recourir à la procédure classique.

Enfin il convient de dire quelques éléments concernant le droit transitoire.

Les demandes relatives à l'accès à la profession d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, à la nomination dans un office, à la création ou à la suppression d'un office, ainsi qu'à la cession ou à la transmission de parts sociales d'une société titulaire d'un office, formées avant la date de l'entrée en vigueur du présent décret, demeurent régies par les dispositions applicables antérieurement à cette date.

newsid:453169

Contrats et obligations

[Jurisprudence] Conséquences singulières de l'action rédhibitoire

Réf. : Cass. civ. 1, 25 mai 2016, n° 15-17.317, F-P+B (N° Lexbase : A0376RRD)

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N3308BWG

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par Solène Ringler, Maître de conférences en droit privé, Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis (IDP EA 1384)

Le 23 Juin 2016

Les praticiens du droit devront se montrer attentifs à cet arrêt de la première chambre civile du 25 mai 2016 refusant d'ordonner la restitution de la chose vendue concomitamment à celle du prix de vente, à la suite de la mise en oeuvre d'une action rédhibitoire. Ces derniers seront désormais bien avisés de formuler une telle demande pour le compte du vendeur poursuivi au titre de son obligation de garantir les vices cachés de la chose. Les faits à l'origine du litige ne présentent guère d'originalité en ce qu'ils résultent de la déception de l'acquéreur sur l'objet du contrat conclu à distance. En l'espèce, un particulier acquiert une motocyclette à la suite de la diffusion d'une annonce sur internet. Celle-ci mentionnait expressément que le véhicule a fait l'objet "d'une grosse révision" et qu'aucune réparation n'est à prévoir "avant un bon moment". Bien que la formulation soit imprécise, elle laisse clairement entendre que le bien est en état de fonctionnement et ne nécessite pas de réparations importantes dans l'immédiat. Or, moins de deux mois suivant la vente, le véhicule a présenté de graves défectuosités. Un vice affectant le moteur et rendant le bien impropre à sa destination est apparu après une centaine de kilomètres parcourus. L'acquéreur a poursuivi son cocontractant devant la juridiction de proximité de Bastia et a sollicité la résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés. Le jugement en date du 26 février 2015 fait droit à sa demande. Ce faisant, le juge condamne le vendeur à rembourser le montant du prix de vente assorti des frais de transport, avec intérêts au taux légal à compter du jugement. Toutefois, ce dernier n'a pas ordonné la restitution du véhicule en contrepartie de celle du prix. Le vendeur forme alors un pourvoi en cassation afin de se voir rendre le bien. Il estime que les restitutions réciproques constituent un effet de la résolution, de telle sorte que le juge aurait dû les prononcer, même en l'absence de demande expresse au cours de l'instance. Saisie sur ce point, la première chambre civile de la Cour de cassation se prononce sur les conséquences de l'anéantissement du contrat sur le fondement de la garantie des vices cachés. Les termes de la solution adoptée par la Cour de cassation portent à discussion. Rejetant le pourvoi formé par le vendeur, elle indique que le juge de proximité saisi d'une demande en résolution n'est pas tenu "d'ordonner en même temps que la restitution du prix, celle de la chose vendue", dès lors qu'aucune demande n'a été formulée en ce sens.

La décision de la première chambre civile laisse ainsi entendre que les restitutions ne sont pas systématiques. L'arrêt invite alors à un double questionnement. Soit la Cour de cassation adopte une position nouvelle en admettant des tempéraments au principe selon lequel la résolution entraîne un anéantissement ab initio du contrat, soit elle opère une distinction entre l'anéantissement du contrat fondé sur l'action en résolution et celui résultant de la mise en oeuvre de l'action rédhibitoire. Dans les deux cas, la position adoptée ne semble pas satisfaisante. La solution de l'arrêt doit être désapprouvée, quant à la justification du refus de prononcer les restitutions réciproques (I), et quant aux effets juridiques qu'elle fait produire à la résolution prononcée à la suite de l'exercice d'une action rédhibitoire (II).

I - Le refus discutable d'ordonner des restitutions réciproques

L'action en résolution fondée sur le comportement du cocontractant. Reposant actuellement sur l'article 1184 du Code civil (N° Lexbase : L1286ABA), puis dans un avenir proche sur les dispositions 1124 (N° Lexbase : L0826KZM) à 1230 (1), la mise en oeuvre de l'action en résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire, soit d'une analyse comportementale du cocontractant. Elle sanctionne notamment l'inexécution de l'obligation de l'une des parties. La gravité de la défaillance permet au créancier de solliciter la résolution du contrat. En l'absence de clause résolutoire, il appartient aux juges du fond de se prononcer sur l'opportunité de cette sanction. A ce titre, ils disposent d'un large pouvoir d'appréciation, ayant d'ailleurs la possibilité de ne pas satisfaire le créancier et préférer l'application d'autres sanctions, comme l'exécution forcée du contrat ou l'octroi de dommages-intérêts (2). En l'espèce, les juges ne se fondent pas sur l'action en résolution. Ils prononcent l'anéantissement du contrat sur le fondement de l'action rédhibitoire, tout en refusant d'ordonner la restitution du véhicule par l'acquéreur. Cette solution ne saurait être considérée comme une sanction à l'encontre du vendeur. Bien que les termes de l'annonce de vente diffusée sur internet ne correspondent pas à l'état réel du véhicule, il n'est pas démontré que le vendeur ait sciemment délivré une fausse information ou encore ait réellement connu l'existence de vices antérieurs. La solution prononcée par les juges du fond et approuvée par la Cour de cassation ne doit pas être recherchée dans l'existence d'une faute du cocontractant. En effet, contrairement à l'action en résolution, la mise en oeuvre de l'action en garantie des vices cachés ne repose pas sur un manquement du vendeur dans l'exécution de ses obligations, mais sur un vice affectant gravement le bien vendu. Aussi, le refus de restituer le bien ne saurait s'entendre comme une sanction.

L'action rédhibitoire fondée sur le vice de la chose. La mise en oeuvre de la garantie des vices cachés ne dépend aucunement d'un comportement fautif de la part du vendeur. Elle résulte de la survenance d'un désordre suffisamment grave pour rendre l'objet de la vente impropre à sa destination. Codifiée aux articles 1641 (N° Lexbase : L1743AB8) à 1649 du Code civil, cette action offre un recours à l'acheteur contre les défauts cachés de la chose acquise qui rendraient celle-ci impropre à son usage. Il appartient à l'acquéreur qui exerce l'action en garantie de démontrer le caractère préexistant du vice (3). En l'occurrence, les juges retiennent son caractère rédhibitoire, eu égard au peu de kilomètres parcourus par le véhicule, seulement deux mois suivant la vente. L'article 1644 du Code civil (N° Lexbase : L9498I7W) offre à l'acquéreur une alternative lorsqu'il démontre l'existence d'un vice caché affectant le bien objet de la vente. A ce titre, le texte lui permet de solliciter la restitution de la chose en contrepartie de celle du prix de vente, ou conserver le bien moyennant le remboursement d'une partie du prix. Les effets de l'action rédhibitoire sont comparables à ceux de la résolution en ce qu'elle opère l'anéantissement rétroactif du contrat. Le vendeur demeure comptable des frais occasionnés par la conclusion du contrat de vente (4). Lorsqu'il ignorait l'existence du vice, il n'est tenu qu'à la seule restitution du prix et des frais de la vente (5). Dans le cas contraire, il peut également se voir condamner au paiement de dommages-intérêts en raison de sa mauvaise foi. En l'espèce, l'arrêt ne relève pas que le vendeur connaissait l'état réel du véhicule et se contente de mettre en évidence le respect de règles procédurales.

L'obligation du juge de statuer sur la demande. La résolution a pour effet principal d'entraîner l'anéantissement rétroactif du contrat. Elle opère la révocation des obligations souscrites et replace les parties dans leur état antérieur. La jurisprudence affirme traditionnellement que "les choses doivent être remises au même état que si les obligations nées n'avaient jamais existé" (6). La troisième chambre civile a pu déduire de ce principe que les restitutions réciproques constituent un effet automatique de la résolution, et, en tant que tel, les juges ne disposent pas de pouvoir d'appréciation. Ainsi, elle a sanctionné les juges du fond refusant de prononcer des restitutions réciproques au motif qu'aucune demande n'avait été formulée en ce sens lors de l'instance. En l'espèce, l'arrêt adopte une solution contraire. La première chambre civile approuve le juge de proximité ayant refusé de statuer ultra petita, c'est-à-dire sur une prétention qui ne lui a pas été soumise. Pour autant, la restitution du bien par le vendeur ne peut être considérée comme une demande nouvelle, en ce qu'elle constitue un effet de la résolution.

II - Le caractère systématique des restitutions

L'absence de distinction selon le fondement de la résolution. L'objet des restitutions est de permettre aux parties de se retrouver dans leur état initial, c'est-à-dire d'effacer tous les effets du contrat. Qu'elles résultent de la mise en oeuvre d'une action en résolution à la suite de l'inexécution d'un contrat ou d'un vice inhérent à la chose la rendant impropre à sa destination, les restitutions ont un effet automatique. Si le juge opère en l'espèce une distinction entre la résolution issue du manquement du vendeur dans l'exécution de ses obligations et la résolution résultant de la mise en oeuvre d'une action en garantie des vices cachés, il semble bien difficile de justifier une différence de régime. En effet, quel que soit le fondement employé pour parvenir à cette sanction, la résolution remet rétroactivement les parties dans leur état initial.

Les conséquences légales de la résolution du contrat. L'article 1183 du Code civil (N° Lexbase : L2705K7C) relatif à la condition résolutoire prévoit la révocation de l'obligation et la disparition rétroactive de l'acte juridique (7), en outre, l'article 1644 du Code civil applicable à la garantie des vices cachés permet à l'acquéreur d'opter pour la restitution de la chose moyennant celle du prix. Enfin, l'article 1229, alinéa 3 (N° Lexbase : L0934KZM), traitant de l'action en résolution dans sa version issue de l'ordonnance du 10 février 2016, renvoie aux articles 1352 (N° Lexbase : L1003KZ8) et 1352-9 (N° Lexbase : L0743KZK) instaurant le nouveau régime des restitutions (8). Ces textes démontrent que le législateur confère à la résolution un effet rétroactif, et les restitutions ne représentent que la manifestation de cette rétroactivité. Dès lors, il n'appartient pas au juge de se prononcer sur l'opportunité de cette conséquence. Appliquée à la vente, la disparition du contrat entraîne l'anéantissement du transfert de droits réels. D'ailleurs, la première chambre civile avait déjà statué en ce sens. Elle indiquait à ce titre que "la résolution du contrat de vente entraîne l'obligation de restituer, pour le vendeur le prix perçu et pour l'acquéreur la chose vendue, peu important que cette restitution ne soit pas proposée" (9). Le vendeur ne peut alors être privé de son droit à restitution puisque l'action en garantie des vices cachés n'a pas vocation à sanctionner une faute comportementale, mais de l'obliger à supporter les conséquences d'un vice préexistant à la vente et inconnu des parties au jour de la formation du contrat. Cet arrêt, à rebours des solutions antérieures, ouvre la voie à un contrôle inopportun des juges sur les effets de la mise en oeuvre de l'action rédhibitoire.


(1) L'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 (N° Lexbase : L4857KYK) portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations et applicable au 1er octobre 2016, intègre aux articles 1124 (N° Lexbase : L0826KZM) à 1230 les dispositions relatives à la résolution.
(2) En ce sens, l'article 1228 (N° Lexbase : L0935KZN) issu de l'ordonnance du 10 février 2016.
(3) Cass. com., 12 octobre 2004, n° 03-12.632 (N° Lexbase : A6135DDL), Bull. civ. IV, n° 185.
(4) C. civ., art. 1646 (N° Lexbase : L1749ABE).
(5) Cass. civ. 1, 4 février 1963, JCP éd. G, 1963, II, 13159, note R. Savatier.
(6) Cass. civ. 3, 29 janvier 2003, n° 01-03.185, F-D (N° Lexbase : A8335A4H) ; RTDCiv. 2003, p. 201, obs. J. Mestre et B. Fages.
(7) Le nouvel article 1304-7 (N° Lexbase : L0656KZC), issu de l'ordonnance du 10 février 2016 dispose que "l'accomplissement de la condition résolutoire éteint rétroactivement l'obligation, sans remettre en cause, le cas échéant, les actes conservatoires et d'administration".
(8) J. Klein, Les restitutions, Dr. et pat. 2016, p. 90 ; p. S. Pellet, Les restitutions : et si le dogmatisme avait du bon ?, JCP éd. G, 2016, n° 676.
(9) Cass. civ. 1, 25 févier 2010, n° 08-20751, F-D (N° Lexbase : A6493ESB).

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Discrimination et harcèlement

[Jurisprudence] La Chambre sociale de la Cour de cassation et le harcèlement : retour à l'envoyeur !

Réf. : Cass. soc., 8 juin 2016, n° 14-13.418, n° 1039 FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A0806RSN)

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par Christophe Radé, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 23 Juin 2016

Après huit années passées à contrôler la qualification de harcèlement, la Chambre sociale de la Cour de cassation aurait-elle jeté l'éponge devant le trop plein de pourvois ? C'est ce qu'on pourrait être tenté de croire à la lecture de l'arrêt rendu le 8 juin 2016 et promis à la plus large publicité (I). L'image est toutefois, en partie, trompeuse, dans la mesure où la Haute juridiction continuera de surveiller de près ce qui sera jugé, mais à une distance sans doute plus conforme avec sa mission propre (II).
Résumé

Pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Sous réserve d'exercer son office dans ces conditions, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

I - Le reflux du contrôle du juge de cassation sur la qualification de harcèlement moral

Evolution du contrôle. Jusqu'en 2008, la Chambre sociale de la Cour de cassation considérait qu'il appartenait aux juges du fond d'apprécier souverainement la réunion des éléments constitutifs du harcèlement, sexuel (1) comme moral (2).

La Cour a décidé de renforcer son contrôle en 2008, tout d'abord en précisant sa définition du harcèlement moral (3), puis en reprenant le contrôle de sa qualification (4). Il s'agissait, pour reprendre les termes du rapport annuel de la Cour de cassation, de mettre un terme aux "ambiguïtés de certaines décisions postérieures de la Chambre sociale et, surtout, la nécessité d'harmoniser sur ce sujet sensible et qui monte en puissance, les solutions souvent disparates des cours d'appel".

La méthode était, dès lors, précisée : "désormais, la Chambre exercera un contrôle de qualification ce qui aura pour corollaire, qu'elle devra trouver dans les arrêts les motifs nécessaires à lui permettre de contrôler 1) que le salarié a rapporté la preuve de faits, 2) que ces faits qui doivent être appréhendés par le juge dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence du harcèlement allégué" (5).

C'est cette solution qui se trouve ici remise en cause par ce nouvel arrêt qui allège très sensiblement ce contrôle.

Les faits. Une salarié a été placée en arrêt de travail pour maladie et déclarée "apte à la reprise à condition de travailler sur un autre secteur", avant d'être finalement licenciée. Elle a alors saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes tendant à l'annulation de son licenciement en raison d'un harcèlement moral dont elle se disait avoir été la victime.

Elle avait été déboutée en appel, la cour ayant considéré que chaque incident invoqué comme autant de faits susceptibles de laisser supposer qu'elle avait été victime de harcèlement était, en réalité, justifié par des considérations exclusivement professionnelles.

Cet arrêt avait été cassé par la Chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt inédit du 13 février 2013 (6), qui avait reproché aux juges du fond d'avoir procédé "à une appréciation séparée de chaque élément invoqué par la salariée, alors qu'il lui appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral, et dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral".

Reprenant la formule, devenue de style après 2011, et rappelée dans l'arrêt du 13 février 2013 (7), la cour de renvoi devait, à son tour, écarter la qualification de harcèlement moral, après avoir pris en compte les allégations de la salariée, les documents médicaux produits émanant de son médecin traitant, mais aussi les explications de l'employeur fournissant, pour chaque épisode litigieux, des explications parfaitement plausibles (8).

La salariée avait donc formé un nouveau pourvoi contre cette décision de nouveau défavorable, mais n'aura, cette fois-ci, pas gain de cause.

Définition des nouvelles consignes. Après avoir rappelé la définition légale du harcèlement moral (9) et les éléments relatifs à sa preuve en justice (10), la Chambre sociale de la Cour de cassation précise la méthode que les juges du fond devront désormais respecter pour statuer sur la demande du salarié : "pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0724H9P) ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement".

Identification des éléments de nouveauté. La comparaison entre la formule légale de l'article L. 1152-1 du Code du travail, et celle donnée par la Haute juridiction, montre les deux éléments spécifiques, soulignés par la Cour, que les juges du fond doivent prendre en compte de manière particulière : "les documents médicaux éventuellement produits" et l'appréciation d'"ensemble" des éléments de faits établis par le salarié.

La nouveauté résulte, par ailleurs, et surtout, de la référence nouvelle au pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond pour apprécier la qualification même de harcèlement : "sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement" (11).

Mise en oeuvre des nouvelles consignes. La Cour met immédiatement en oeuvre cette nouvelle méthodologie d'un contrôle à deux vitesses dans cette affaire.

En premier lieu, elle vérifie que les juges du fond ont bien respecté les règles relatives à l'administration de la preuve et relève que la Cour de renvoi avait "exactement rappelé le mécanisme probatoire prévu par l'article L. 1154-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0747H9K)".

En second lieu, et contrairement à ce que prétendait le demandeur, elle considère que la Cour ne s'est pas contredite en considérant que les faits rapportés laissaient présumer l'existence d'un harcèlement, mais que les justifications apportées par l'employeur permettaient d'écarter cette qualification dans la mesure où les faits allégués se justifiaient par des éléments étrangers à toute idée de harcèlement.

Enfin, la Haute juridiction considère que la cour d'appel "a décidé, dans l'exercice des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1154-1 du Code du travail, qu'aucun harcèlement moral ne pouvait être retenu".

II - Les leçons d'un contrôle

Les raisons du revirement. Il n'y sans doute qu'à dénombrer les centaines d'arrêts rendus par la Chambre sociale de la Cour de cassation depuis 2008 pour comprendre à quel point le renforcement du contrôle exercé par la Haute juridiction sur la qualification de harcèlement était une fausse bonne idée. Sauf lorsque les juges du fond ne respectaient pas les éléments juridiques de définition du harcèlement, notamment en refusant de l'appréhender comme un phénomène global, c'est-à-dire comme la répétition, ad nauseam, de petites mesquineries qui, prises séparément, peuvent ne pas suffire à déstabiliser un salarié, la plupart des pourvois invitait, en réalité, la Haute juridiction à statuer comme troisième degré de juridiction, ce qui est à la fois contraire à la mission de la Cour de cassation et totalement impossible à mettre en oeuvre, tant les débats sont, pour l'essentiel, factuels (12).

Il était donc nécessaire de mettre un terme à ce phénomène de harcèlement de la Cour de cassation par les plaideurs et de ramener le contrôle à de plus justes proportions.

L'effectivité du revirement en question. Reste à déterminer si les nouvelles modalités du contrôle, ainsi définies par la Cour, parviendront à réduire le flux des pourvois, tout en permettant à la Haute juridiction de continuer à surveiller la manière de juger le harcèlement par les cours d'appel.

Le moins que l'on puisse dire est que la Haute juridiction semble effectivement désireuse de se retirer presque totalement du contrôle de la qualification, à regarder de plus près cette première affaire symptomatique. Dans cette affaire, en effet, le rejet du pourvoi conduit à la mise à l'écart de la qualification de harcèlement, alors que la juridiction de renvoi avait statué dans le même sens que la première cour d'appel qui, elle, s'était fait censurer. La cour de renvoi s'était, certes, explicitement située par référence aux exigences de la Cour de cassation, en reprenant la formule selon laquelle le harcèlement moral doit s'apprécier dans sa globalité, mais la lecture de la décision de renvoi montre que l'essentiel des motifs tient à une analyse minutieuse des griefs de la salarié qui étaient contredits, point par point, par l'employeur, qui les avaient justifié séparément.

On peut donc en déduire que les seules décisions des juges du fond qui devraient, désormais, être censurées, sont celles qui considèreraient que les griefs du salarié sont avérés (le salarié subit donc un "mauvais traitement", mais aucun fait ne suffit à lui-seul à démontrer que la ligne blanche a été franchie) et refuseraient donc de considérer que c'est l'accumulation de petits brimades qui constituerait précisément le harcèlement.

On peut également penser, s'agissant des constatations médicales versées au dossier, que celles-ci devront être prises en compte lorsque le médecin établira que le salarié souffre de symptômes laissant à penser qu'il vit une situation de forte souffrance au travail. Bien entendu, et comme d'ailleurs cela avait été dit devant la cour de Nîmes dans cette affaire, le médecin traitant qui délivre pareil certificat n'a pas pu analyser les causes du harcèlement, et notamment la réalité des "agressions" dont le salarié se dit la victime. On sait, d'ailleurs, que de très nombreux salariés se pensent "harcelés" alors que les comportements incriminés n'entrent pas dans la catégorie "harcèlement", mais révèlent une fragilité psychologique particulière du salarié qui peut parfaitement souffrir d'une situation professionnelle non pathologique. Dans toutes ces hypothèses, seule une étude globale de la situation au travail est susceptible de conduire les juges à qualifier les faits, et la Cour de cassation ne peut que vérifier que les bons outils d'analyse ont été mobilisés.


(1) Cass. soc., 9 avril 1998, n° 96-44.214, inédit (N° Lexbase : A2395CQR).
(2) Cass. soc., 27 octobre 2004, n° 04-41.008, F-P+B (N° Lexbase : A7443DDZ), Bull. civ., V, n° 267, pour un harcèlement moral. Lire Rapp. Cour de cassation, 2004, La Documentation française, 2004, p. 181.
(3) Cass. soc., 26 mai 2010, n° 08-43.372, F-D (N° Lexbase : A7229EXZ) : l'arrêt est cassé, la Cour affirmant, pour la première fois, "qu'il appartient au juge de décider si les faits matériellement établis par le salarié, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral". La solution ne sera reprise dans un arrêt publié qu'en 2011 dans une formule désormais classique, "attendu qu'en application de ces textes, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement" : Cass. soc., 25 janvier 2011, n° 09-42.766, FS-P+B+R (N° Lexbase : A8506GQ4), et les obs. de H. Willmann, Lexbase, éd. soc., n° 428, 2011 (N° Lexbase : N4911BRC).
(4) Cass. soc., 24 septembre 2008, n° 06-45.747, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A4540EAE).
(5) P. Adam, Un contrôle dans quel dessein ?, SSL, n° 1368, p. 13 ; A. Martinel, (rapp. de), Harcèlement moral et contrôle de la Cour de cassation, SSL, n° 1368, p. 12 ; P. Adam, Dr. ouvr., 2008, p. 545.
(6) Cass. soc., 13 février 2013, n° 11-28.201, F-D (N° Lexbase : A0663I83).
(7) "Il résulte des articles L.1152-1 (N° Lexbase : L0724H9P) et suivants du Code du travail que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement".
(8) CA Nîmes, 7 janvier 2014, n° 13/00890 (N° Lexbase : A0353KTA).
(9) "Aux termes de l'article L. 1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel".
(10) "En vertu de l'article L. 1154-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0747H9K), lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 (N° Lexbase : L8840ITL) à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement".
(11) La Cour de cassation faisait déjà référence au pouvoir souverain des juges du fond dans des décisions antérieures, mais il ne s'agissait pas des éléments constitutifs du harcèlement mais seulement des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, notamment pour considérer que les allégations du salarié étaient suffisantes pour contraindre l'employeur à sa justifier : dernièrement Cass. soc., 7 avril 2016, n° 14-23.705, F-D (N° Lexbase : A1501RCL) ; Cass. soc., 3 mai 2016, n° 14-26.250, F-D (N° Lexbase : A3390RNU). Les juges du fond appréciaient également souverainement les "préjudices liés aux faits de discrimination et de harcèlement retenus à l'encontre de l'employeur", Cass. soc., 29 septembre 2014, n° 12-28.679, FS-P+B (N° Lexbase : A7971MXI).
(12) P. Adam, SSL, n° 1727, 13 juin 2016.

Décision

Cass. soc., 8 juin 2016, n° 14-13.418, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A0806RSN).

Rejet (CA Nîmes, 7 janvier 2014, n° 13/00890 N° Lexbase : A0353KTA, rendu sur renvoi après cassation : Cass. soc., 13 février 2013, n° 11-28.201, F-D N° Lexbase : A0663I83).

Textes : C. trav., art. L. 1152-1 (N° Lexbase : L0724H9P) à L. 1152-3 et L. 1153-1 (N° Lexbase : L8840ITL) à L. 1153-4.

Mots-clefs : harcèlement moral ; qualification.

Lien base : (N° Lexbase : E0282E7L).

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Domaine public

[Jurisprudence] L'admission sous conditions du bail à construction sur le domaine public (à propos de l'incinérateur de Fos-sur-Mer)

Réf. : CE 2° et 7° ch-r., 11 mai 2016, n° 390118, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6849RNY)

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par Pierre Bourdon, Maître de conférences, Ecole de droit de la Sorbonne, Université Paris I Panthéon-Sorbonne

Le 23 Juin 2016

Dans une décision rendue le 11 mai 2016, le Conseil d'Etat reconnaît la faculté pour une personne publique de conclure sur le domaine public un bail à construction de l'article L. 251-1 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L1055HPR). Il a toutefois constaté l'irrégularité dans la présente affaire du bail relatif à l'incinérateur de Fos-sur-Mer, dans le département des Bouches-du-Rhône. La décision laisse cependant une voie ouverte à la régularisation dudit bail, ce qui devrait satisfaire la métropole d'Aix-Marseille-Provence qui a tout récemment remplacé la communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole dans le paysage administratif local. La métropole d'Aix-Marseille-Provence (AMP) a été officiellement créée le 1er janvier 2016. Elle regroupe 92 communes et compte à peu près 1,8 million d'habitants, ce qui représente déjà 37 % de la population de la région PACA (4,965 millions), et même 93 % de celle du département des Bouches-du-Rhône (1,993 million). Les jours de ce département semblent donc comptés tant ses limites territoriales et sa population sont proches de celles de la toute nouvelle métropole.

Mais avec la création de la métropole AMP en 2016, ce sont avant tout six intercommunalités qui ont disparu de la carte au profit de ce nouvel établissement public de coopération intercommunale (EPCI) (1). Les compétences des anciennes intercommunalités vont être progressivement prises en charge par la métropole AMP. L'une de ces compétences, la gestion des déchets ménagers, a d'ailleurs été tout récemment l'objet d'un litige -et même, peut-on dire, d'un énième litige.

Ce conflit prend sa source dans le grand port maritime de Marseille, au niveau des dépendances du port situées sur le territoire de la commune de Fos-sur-Mer. C'est là qu'à la fin de l'année 2003, le conseil de la communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole (MPM) (l'une des six intercommunalités fusionnées) a décidé d'implanter un nouveau centre de traitement des déchets par incinération. La délibération, prise le 20 décembre 2003, prévoyait également de déléguer à un tiers la gestion du nouvel équipement.

Les habitants de la commune de Fos-sur-Mer et les autorités communales elles-mêmes n'ont pas vu d'un bon oeil cette décision d'implantation. D'autant plus que la commune n'était pas membre de la communauté urbaine MPM, mais d'une autre intercommunalité, le syndicat d'agglomération nouvelle Ouest Provence. Autrement dit, MPM donnait l'impression de venir brûler ses déchets à Fos, petite ville d'à peine 16 000 habitants, située à une cinquantaine de kilomètres à l'est du Vieux-Port de Marseille (2). Un recours devant la juridiction administrative a été déposé contre la délibération du 20 décembre 2003. Ce recours a finalement été rejeté (3).

Une délibération du 9 juillet 2004 est allée plus loin. Elle a autorisé la conclusion d'un bail à construction de l'article L. 251-1 du Code de la construction et de l'habitation (ci-après, le "Code de la construction") entre la communauté urbaine MPM et le grand port maritime de Marseille. L'une des clauses de ce bail, signé en 2005, prévoit la possibilité d'une cession temporaire dudit bail par MPM au tiers gestionnaire de l'incinérateur. Il semble qu'aucun recours n'avait été dirigé contre la délibération de 2004, ce qui est pour le moins surprenant.

L'identité du gestionnaire de l'incinérateur -un groupement d'entreprises- et la cession du bail à ce dernier ont été approuvées par une délibération du 13 mai 2005. Des recours ont été déposés contre cette délibération. Ils ont conduit à une annulation par le tribunal administratif de Marseille. La cause d'irrégularité de la délibération était le défaut d'information des conseillers communautaires au moment du vote de celle-ci (4).

La communauté urbaine MPM n'a pas interjeté appel. Le conseil de la communauté a préféré reprendre une délibération le 19 février 2009 en tentant de ne pas réitérer les vices dont était entachée la délibération précédemment annulée par le tribunal administratif. Par une seconde délibération du même jour, des modifications ont aussi été apportées au contrat de délégation de service public liant MPM et le gestionnaire de l'incinérateur. Des recours ont été déposés par la commune de Fos-sur-Mer, deux associations et même deux contribuables marseillais contre ces délibérations. Par un jugement du 4 juillet 2014, le tribunal administratif de Marseille a annulé les deux délibérations du 19 février 2009.

Cette fois, la communauté urbaine MPM a interjeté appel devant la cour administrative d'appel de Marseille. Mais par un arrêt du 12 mars 2015, tout en annulant le jugement du tribunal administratif pour un vice de procédure, la cour administrative d'appel a annulé la première délibération du 19 février 2009 et estimé que la seconde délibération était inapplicable (5).

La communauté urbaine MPM a persisté. Elle s'est pourvue en cassation devant le Conseil d'Etat. Mais par la décision rapportée, la Haute juridiction administrative a, elle aussi, annulé la première délibération du 19 février 2009 et estimé que la seconde délibération était inapplicable.

Dans la présente affaire, parmi les questions de droit soulevées aux membres du Conseil d'Etat, l'une d'entre elles mérite une attention particulière. Il s'agit de la question de savoir si la conclusion d'un bail à construction sur le domaine public est légale. Le Conseil d'Etat a répondu positivement à cette question tout en assortissant la conclusion d'un tel bail de certaines conditions, à savoir le respect des règles de la domanialité publique.

Ainsi, la décision commentée reconnaît la faculté pour une personne publique de conclure un bail à construction sur le domaine public (I). Elle constate toutefois l'irrégularité dans la présente affaire du bail relatif à l'incinérateur de Fos-sur-Mer. La décision laisse cependant une voie ouverte à la régularisation dudit bail (II).

I - La conclusion d'un bail à construction sur le domaine public

Le Conseil d'Etat a rejeté le moyen mettant en cause le principe même de la conclusion d'un bail à construction sur le domaine public (A). En même temps, le Conseil a reconnu le caractère d'ordre public d'un tel moyen (B).

A - Le rejet du moyen mettant en cause la conclusion d'un bail à construction sur le domaine public

Dans l'affaire ici rapportée, les requérants critiquaient deux délibérations prises le 19 février 2009 par le conseil de la communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole. Il était reproché à ces délibérations leur lien avec le bail à construction de l'incinérateur de Fos-sur-Mer. Les requérants estimaient qu'un tel bail était illégal en ce qu'il concernait des terrains appartenant au domaine public.

L'appartenance des terrains au domaine public était indiscutable, même si en défense la communauté urbaine MPM a tenté de la discuter. Certes, jusqu'au jour de la conclusion du bail à construction, le 21 mars 2005, le terrain sur lequel devait être construit l'incinérateur appartenait au domaine privé du grand port maritime de Marseille. En effet, ce terrain n'était affecté ni à l'usage du public, ni au service public, conditions d'appartenance d'un bien au domaine public. Toutefois, le terrain allait appartenir au domaine public sous l'effet du bail à construction, l'incinérateur devant contribuer au service public du traitement des déchets. Cette domanialité publique "anticipée" ou "virtuelle", issue de la célèbre jurisprudence "Eurolat" (6), suffisait à considérer les terrains comme appartenant au domaine public au jour de la conclusion du bail à construction. L'on sait que la théorie de la domanialité publique virtuelle a disparu le 1er juillet 2006, date d'entrée en vigueur du Code général de la propriété des personnes publiques (7). Mais la conclusion du bail à construction était bel et bien antérieure à cette date (points n°s 11 à 13 de la décision). De toute façon, quand bien même le bail aurait-il été conclu après 2006, une décision du Conseil d'Etat rendue très récemment semble avoir ressuscité la théorie de la domanialité publique virtuelle (8)...

Plus discutable était l'admission de la conclusion d'un bail à construction sur un terrain appartenant au domaine public. Une telle admission n'était pas évidente.

Les articles L. 251-1 et suivants du Code de la construction apportent des précisions sur le régime du bail à construction. Il s'agit d'un contrat, et plus précisément d'un bail, par lequel le preneur s'engage à édifier des constructions sur le terrain du bailleur. Jusqu'ici, le bail à construction ne pose pas de difficulté juridique particulière pour les personnes publiques.

Toutefois, les biens du domaine public sont, selon une formule devenue classique, "inaliénables et imprescriptibles" (9). Or, le bail à construction peut conférer, voire transférer au preneur, des droits du propriétaire. A titre d'illustration, l'article L. 251-3 du Code de la construction (N° Lexbase : L1057HPT) dispose que "le bail à construction confère au preneur un droit réel immobilier". En outre, l'article L. 251-1 prévoit explicitement que "le bail à construction est consenti par ceux qui ont le droit d'aliéner et dans les mêmes conditions et formes".

A priori, un bail à construction ne pouvait pas être conclu sur le domaine public. Il existe toutefois des exceptions, prévues par le législateur, permettant de contourner cette impossibilité. Ainsi, depuis la loi n° 94-631 du 25 juillet 1994, complétant le Code du domaine de l'Etat et relative à la constitution de droits réels sur le domaine public (N° Lexbase : L7939DND), l'article L. 34-1 du Code du domaine de l'Etat (N° Lexbase : L2104AA8), devenu L. 2122-6 du Code général de la propriété des personnes publiques (N° Lexbase : L2021GUE), l'occupant du domaine public de l'Etat a "un droit réel sur les ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier qu'il réalise pour l'exercice d'une activité". Ces dispositions s'appliquent "aux conventions de toutes natures" (10). A ce stade, un bail à construction pouvait donc être conclu sur le domaine public d'un établissement public de l'Etat comme le grand port maritime de Marseille.

Cependant, et encore a priori, le régime du bail à construction est apparemment plus "ambitieux" que celui de l'occupation du domaine public de l'Etat. L'étendue du droit réel dans le bail à construction inclut le terrain d'assiette, c'est-à-dire le sol accueillant les ouvrages, constructions et installations. Ce point a été jugé par le Conseil d'Etat en matière fiscale (11). Or, lorsque l'on s'en tient à la lettre des textes, le droit réel de l'occupant du domaine public de l'Etat porte sur les seuls "ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier". Quid du terrain d'assiette pour l'occupant du domaine public d'un établissement public de l'Etat comme le grand port maritime de Marseille ? Il faut savoir que la doctrine, presque unanime (12), considérait déjà que le droit réel de l'occupant du domaine public porte, à la fois, sur les ouvrages et sur la dépendance domaniale elle-même (13).

Dans la présente affaire, les juges de première instance et d'appel n'avaient pas admis la conclusion d'un bail à construction sur le domaine public du grand port maritime de Marseille. La question de savoir si l'occupant du domaine pouvait être titulaire d'un droit réel sur le terrain d'assiette ne se posait donc pas. Au contraire, dans la décision commentée, le Conseil d'Etat effectue une interprétation de la loi de 1994 favorable au bail à construction et donc à l'inclusion du terrain d'assiette dans le droit réel de l'occupant. Le Conseil a jugé que les dispositions du Code du domaine de l'Etat, reprises dans le Code général de la propriété des personnes publiques, autorisent la conclusion d'un bail à construction sur le domaine public (points n°s 2 à 5 de la décision).

Au passage, le Conseil d'Etat a eu l'occasion de préciser que la mise en cause d'un contrat sur le domaine public est un moyen d'ordre public.

B - Le caractère d'ordre public du moyen mettant en cause la conclusion d'un contrat sur le domaine public

La communauté urbaine MPM soutenait devant le Conseil d'Etat le caractère inopérant de la mise en cause du bail à construction. Pour mémoire, le tribunal administratif de Marseille avait soulevé d'office (sans que les parties au procès le lui ait demandé) l'irrégularité de la conclusion d'un bail à construction sur le domaine public. Cependant, d'après l'argumentation de MPM, plusieurs décisions de justice rendues avant le jugement du tribunal administratif de Marseille avaient eu l'occasion d'apprécier une telle irrégularité. Ces décisions s'étant "abstenues de juger le moyen fondé", il fallait considérer l'irrégularité du contrat comme devenue inopérante (point n° 16 de la décision).

Si l'on compare avec un autre domaine, le droit de la responsabilité administrative, l'on constate que la responsabilité sans faute de l'administration est un moyen d'ordre public (14). Le juge administratif ou l'une des parties au procès peuvent soulever un moyen tiré de la responsabilité sans faute de l'administration à tout moment de la procédure. Ainsi, le demandeur en première instance peut soulever ce moyen pour la première fois en appel (15). Cependant, lorsque dans une instance, ni le juge administratif, ni les parties, n'ont soulevé un moyen tiré de la responsabilité sans faute de l'administration, un tel moyen doit être considéré comme non fondé. Cette jurisprudence est à la fois ancienne (16) et constante (17). Fallait-il étendre cette jurisprudence à l'irrégularité de la conclusion d'un bail à construction sur le domaine public ? Le Conseil d'Etat a répondu négativement à cette question.

En effet, dans l'affaire ici rapportée, des décisions de justice rendues dans des instances antérieures avaient écarté explicitement l'irrégularité invoquée. Pas moins de deux jugements du tribunal administratif de Marseille (18), et un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille (19), rendus à propos de la délibération de 2005 ou sur le permis de construire de l'incinérateur, avaient écarté explicitement l'irrégularité soulevée d'office par le tribunal administratif dans la présente affaire. Le principe de sécurité juridique ne pouvait-il, ne devait-il pas justifier que ne soit plus mis en cause un montage contractuel dont l'irrégularité avait été écartée dans des décisions de justice désormais définitives ? .

Plusieurs arguments faisaient sans doute obstacle à l'application du principe de sécurité juridique et justifiaient de mettre en cause la conclusion irrégulière d'un bail à construction sur le domaine public, quand bien même une telle irrégularité avait été écartée dans des décisions de justice désormais définitives.

En premier lieu, les conditions permettant de faire jouer l'autorité de chose jugée des décisions de justice n'étaient pas remplies. C'est en tout cas ce qu'a estimé le Conseil d'Etat de façon très implicite. En principe, ces conditions sont au nombre de deux dans le contentieux, comme en l'espèce, de l'excès de pouvoir. D'une affaire à l'autre, il faut une identité (i) de cause et (ii) d'objet des litiges (20). En l'occurrence, la cause des litiges n'était pas identique. Comme le relève le Conseil d'Etat, les litiges antérieurs portaient "sur des actes distincts de ceux présentement en cause" (point n° 16 de la décision). Voilà qui peut être discuté. Certes, formellement, les actes étaient distincts. Il s'agissait de quatre actes juridiques différents : une délibération prise en 2005, un permis de construire et deux délibérations de 2009. Toutefois, un même acte juridique était critiqué à travers ces délibérations et permis de construire. Il s'agit du bail à construction conclu sur le domaine public. Cela ne pourrait-il pas suffire à faire jouer l'autorité de chose jugée ? Cela n'est pas certain puisque l'autorité de chose jugée en excès de pouvoir concerne l'annulation, non la seule déclaration d'irrégularité (21), et donc encore moins le seul rejet d'un moyen d'irrégularité (22).

Il faut dire aussi qu'en second lieu, et de façon plus déterminante, le droit de la domanialité publique commande de faire jouer certaines exigences spécifiques et très protectrices. Ces exigences ont été évoquées en amont du présent commentaire. On peut les rappeler. Les biens du domaine public sont "inaliénables et imprescriptibles" (23). Ici également, ces exigences ne ressortent pas -même pas implicitement- de la décision du Conseil d'Etat. Mais elles ont très certainement justifié de mettre en cause la conclusion irrégulière d'un contrat sur le domaine public, quand bien même une telle irrégularité avait été écartée dans des décisions de justice désormais définitives.

En conséquence, le Conseil d'Etat a jugé que "l'illégalité d'un tel contrat, tirée de l'impossibilité d'accorder des droits réels au preneur sur le domaine public, peut être invoquée à tout moment de la procédure" (point n° 16 de la décision).

Sur le plan théorique, la décision ici rapportée confirme que l'irrégularité d'un contrat peut être un moyen d'ordre public, y compris dans le contentieux de l'excès de pouvoir. Ce point n'a jamais été explicitement admis par la jurisprudence. Le Conseil d'Etat et les autres juges administratifs rechignent généralement à soulever d'office l'irrégularité d'un contrat dans le contentieux de l'excès de pouvoir (24).

ien qu'il ait admis la conclusion d'un bail à construction sur le domaine public, le Conseil d'Etat a cependant estimé qu'un tel bail était illégal dans la présente affaire concernant l'incinérateur de Fos-sur-Mer.

II - L'irrégularité du bail à construction de l'incinérateur conclu sur le domaine public à Fos-sur-Mer

Plusieurs motifs d'irrégularité du bail à construction ont été relevés par le Conseil d'Etat dans la décision commentée (A). Malgré l'absence de conclusions en ce sens de la part des parties au procès, le Conseil a aussi envisagé les conséquences à tirer de l'irrégularité du bail (B).

A - Les causes de l'irrégularité du bail à construction sur le domaine public

Par la décision ici commentée, le Conseil d'Etat précise que, tout admissible qu'un bail à construction puisse être sur le domaine public, c'est "à condition toutefois que les clauses de la convention ainsi conclue respectent [...] les dispositions applicables aux autorisations d'occupation temporaires du domaine public de l'Etat constitutives de droits réels, qui s'imposent aux conventions de toute nature ayant pour effet d'autoriser l'occupation du domaine public" (point n° 14 de la décision).

En conséquence, le bail à construction sur le domaine public doit respecter un certain nombre de règles du droit public énoncées dans le Code général de la propriété des personnes publiques, interprétées et appliquées par le juge administratif, et notamment par le Conseil d'Etat. Au point n° 15 de sa décision, le Conseil évoque "le droit du domaine public". Ces dispositions se distinguent de certaines règles du droit privé énoncées au Code de la construction, interprétées et appliquées par le juge judiciaire, et notamment par la Cour de cassation.

Ainsi, du point de vue du droit privé, le Code de la construction prévoit que :

i) le juge du bail à construction est le juge judiciaire, en principe le tribunal de grande instance (CCH, art. L. 251-5 N° Lexbase : L1059HPW) ;

ii) le bail à construction a une durée comprise entre 18 et 99 ans ; elle est librement fixée à l'intérieur de ces bornes (CCH, art. L. 251-1) ;

iii) aucune clause du bail à construction ne peut soumettre la cession du droit réel conféré au preneur à l'agrément du bailleur (CCH, art. L. 251-3 et L. 251-8 N° Lexbase : L1062HPZ) (25) ;

iv) l'hypothèque de son droit réel ou des constructions édifiées par le preneur dans le bail à construction est libre ; elle n'est soumise à aucune condition particulière (CCH, art. L. 251-3).

En revanche, du point de vue du droit public, le Code général de la propriété des personnes publiques prévoit que :

i) le juge des contrats comportant occupation du domaine public, "quelle que soit leur forme ou leur dénomination", est le juge administratif, en principe le tribunal administratif (C. gen. prop. pers. pub., art. L. 2122-7 N° Lexbase : L6624KUU) ;

ii) le contrat comportant occupation du domaine public et constitutif de droits réels a une durée qui ne peut pas dépasser 70 ans ; elle est fixée dans cette limite en fonction de l'activité de l'occupant et des ouvrages construits (C. gen. prop. pers. pub., art. L. 2122-6) ;

iii) la cession de son droit réel par l'occupant du domaine public est soumise à l'agrément de l'autorité propriétaire du domaine (C. gen. prop. pers. pub., art. L. 2122-7) (26) ;

iv) l'hypothèque de son droit réel ou des constructions édifiées par l'occupant du domaine public n'est possible "que pour garantir les emprunts contractés par le titulaire de l'autorisation en vue de financer la réalisation, la modification ou l'extension des ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier situés sur la dépendance domaniale occupée" (C. gen. prop. pers. pub., art. L. 2122-8 N° Lexbase : L4522IQK).

En l'espèce, le bail à construction de l'incinérateur de Fos-sur-Mer était légal s'agissant de sa durée (70 ans). Cependant, plusieurs irrégularités ont été constatées par ailleurs. Toutes s'expliquent par une application du droit privé, au détriment du droit du domaine public.

D'une part, le bail ne prévoyait qu'une "notification [...] à" -et non un agrément de- à l'autorité domaniale en cas de cession du droit réel conféré à l'occupant. D'autre part, l'occupant du domaine public pouvait librement -sans condition particulière- hypothéquer son droit réel ou les constructions édifiées par ses soins.

Enfin, le bail était entaché de deux autres irrégularités en ce qu'il permettait à l'occupant, premièrement, de consentir des servitudes sur le domaine public et, secondement, de conclure un contrat de crédit-bail pour la construction des ouvrages et installations. Certes, en l'état actuel du droit, ces deux dernières facultés sont légales et offertes à l'occupant du domaine public. Mais tel n'était pas le cas en 2005, lorsque le bail à construction de l'incinérateur de Fos-sur-Mer a été conclu.

En raison du nombre d'irrégularités entachant le bail à construction, pas moins de quatre, l'on pouvait s'attendre à ce que le juge se prononce en faveur de la résiliation, voire de l'annulation, du contrat. Cependant, les opposants à l'incinérateur, parties au procès, n'ont pas pris la peine de présenter -ou n'ont pas voulu présenter ?- une telle demande. Malgré l'absence de demande en ce sens, le Conseil d'Etat a quand même pris soin d'apporter des précisions sur les conséquences à tirer de l'irrégularité du bail à construction de l'incinérateur de Fos-sur-Mer.

B - Les conséquences de l'irrégularité du bail à construction sur le domaine public

Les irrégularités entachant le bail à construction de l'incinérateur de Fos-sur-Mer ont, sans surprise, conduit le Conseil d'Etat à annuler la délibération attaquée prise le 19 février 2009 par le conseil de la communauté urbaine MPM. Seule la première délibération, celle concernant la cession du bail à construction au gestionnaire de l'incinérateur, a été "annulée". La seconde délibération du même jour, celle relative à la modification du contrat liant le gestionnaire et MPM, a été considérée comme ne pouvant "trouver application", ce qui revient en réalité à lui anéantir tout effet juridique comme si elle était formellement annulée.

Le Conseil d'Etat est allé plus loin, ce qui ne manque pas d'intérêt dès lors, notamment, que les parties au procès ne lui avaient, semble-t-il, rien demandé en ce sens.

En principe, le juge administratif de l'excès de pouvoir est le juge des actes administratifs unilatéraux, mais pas le juge des contrats administratifs. Il n'y a que dans des cas très précis que le juge de l'excès de pouvoir peut connaître des contrats administratifs, à savoir :

- lorsqu'il est saisi d'un recours dirigé contre une clause réglementaire d'un contrat (27) ;

- lorsqu'il est saisi d'un recours dirigé contre un contrat de recrutement d'un agent public (28).

Jusqu'à récemment, les autres clauses et contrats administratifs pouvaient aussi être critiqués, mais à l'occasion de recours pour excès de pouvoir contre des actes administratifs unilatéraux détachables de ces clauses et contrats (29). Cette voie de recours contre les actes détachables est désormais fermée devant le juge de l'excès de pouvoir pour les contrats signés à compter de la date de lecture de la décision du Conseil d'Etat "Tarn-et-Garonne", c'est-à-dire les contrats signés le 4 avril 2014 et ultérieurement (30).

Dans la présente affaire, c'est ce type de recours pour excès de pouvoir contre des actes détachables qu'avaient pu former les requérants opposés au projet d'incinérateur, le bail à construction ayant été signé en 2005. Les actes critiqués par les requérants étaient les deux délibérations du conseil de la communauté urbaine MPM du 19 février 2009. Ces délibérations ont pu être considérées comme détachables du bail à construction en ce qu'elles prévoyaient, notamment, la cession de ce bail au groupement d'entreprises, le gestionnaire de l'incinérateur de Fos-sur-Mer.

Dans le cadre du recours pour excès de pouvoir contre des actes détachables du contrat, les requérants ne peuvent obtenir que l'annulation des actes détachables. Eventuellement, l'annulation des actes peut avoir des conséquences sur le contrat sous réserve que les requérants demandent au juge administratif de tirer de telles conséquences sur le fondement de l'article L. 911-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3329ALU). Le juge de l'excès de pouvoir peut alors se muter en juge de l'exécution et tirer les conséquences de l'annulation d'un acte détachable sur le contrat lui-même.

A ce titre, l'on sait depuis une décision "Société OPHRYS" de 2011 qu'"il appartient au juge de l'exécution, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité commise, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties, soit, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, d'enjoindre à la personne publique de résilier le contrat, le cas échéant avec un effet différé, soit, eu égard à une illégalité d'une particulière gravité, d'inviter les parties à résoudre leurs relations contractuelles ou, à défaut d'entente sur cette résolution, à saisir le juge du contrat afin qu'il en règle les modalités s'il estime que la résolution peut être une solution appropriée" (31).

Toutefois, dans la présente affaire, les requérants opposés au projet d'incinérateur n'ont déposé aucune conclusion sur le fondement de l'article L. 911-1 précité. C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat n'a pas, en tout cas pas formellement, tiré de conséquences de l'annulation de la délibération du 19 février 2009 du point de vue du bail à construction. Cependant, le Conseil s'est quand même permis obiter dictum de donner des précisions sur les conséquences de l'annulation de la délibération du point de vue du contrat.

En l'espèce, le Conseil d'Etat a envisagé deux possibilités (point n° 17 de la décision) :

i) "la possibilité pour les parties de décider de régulariser le contrat en mettant en conformité les stipulations de la convention conclue le 21 mars 2005 avec les dispositions du Code général de la propriété des personnes publiques aujourd'hui applicables" ;

ii) "celle, pour le juge de l'exécution, s'il est saisi, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité commise, de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible sous réserve d'une telle régularisation".

Finalement, au-delà des précisions apportées à propos de la conclusion d'un bail à construction sur le domaine public, la décision rapportée est intéressante à au moins deux autres points de vue. D'une part, elle témoigne d'une différence persistante entre le droit privé et le droit public, notamment en ce qui concerne les biens -en particulier, s'agissant des biens du domaine public. Le Code de la construction prévoit certes des règles applicables au bail à construction. Mais lorsqu'un tel contrat est conclu sur le domaine public, l'intérêt général -tout particulièrement, l'intérêt du domaine public- commande que des règles adaptées s'appliquent. D'autre part, la décision commentée rappelle aussi le souci du juge administratif à l'égard des effets de ses propres décisions. C'est certainement ce qui explique que le Conseil d'Etat se soit permis de donner des précisions sur les conséquences de l'annulation de la délibération de 2009 du point de vue du bail à construction de l'incinérateur de Fos-sur-Mer.


(1) La métropole AMP a été créée par la fusion de six intercommunalités des Bouches-du-Rhône, à savoir :
- la communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole ;
- la communauté d'agglomération du Pays d'Aix, dont une commune est située dans le Vaucluse ;
- la communauté d'agglomération Agglopole Provence ;
- la communauté d'agglomération du Pays d'Aubagne et de l'Etoile, dont une commune est située dans le Var ;
- le syndicat d'agglomération nouvelle Ouest Provence ;
- enfin, la communauté d'agglomération du Pays de Martigues.
(2) La décision qui fait l'objet du présent commentaire reconnaît d'ailleurs que "le projet de centre de traitement des déchets faisant l'objet de la délégation de service public est susceptible d'avoir des répercussions importantes sur la qualité de vie et sur l'environnement dans le golfe de Fos-sur-Mer" (point n° 2).
(3) Cf. CE, 4 juillet 2012, n° 350752 (N° Lexbase : A4714IQN), Tables, p. 599.
(4) TA Marseille, 18 juin 2008, n° 0504408, 0504518 (N° Lexbase : A2898D99).
(5) CAA Marseille, 6ème ch., 12 mars 2015, n° 14MA03803 (N° Lexbase : A0729NRG).
(6) CE, 6 mai 1985, n° 41589, 41699 (N° Lexbase : A3186AMX), Rec., p. 141.
(7) Cf. CE, 8 avril 2013, n° 363738 (N° Lexbase : A7216KBU), Rec., p. 58.
(8) Cf. CE, 13 avril 2016, n° 391431 (N° Lexbase : A7216KBU), Rec., à paraître.
(9) C. gen. prop. pers. pub., art. L. 3111-1 (N° Lexbase : L7752IPS).
(10) C. gen. prop. pers. pub., art. L. 2122-11 (N° Lexbase : L4525IQN).
(11) CE, 23 décembre 2011, n° 313306, 313308 (N° Lexbase : A8063H87), Tables, p. 886.
(12) Cf. contra F. LLorens, P. Soler-Couteaux, Les occupations privatives du domaine public : un espoir déçu, RFDA, 2006, p. 941.
(13) C. Maugüe, G. Bachelier, Genèse et présentation du Code général de la propriété des personnes publiques, AJDA, 2006, p. 1082 ; Y. Gaudemet, Les droits réels sur le domaine public, AJDA, 2006, p. 1097 ; P. Delvolve, Les dispositions relatives aux droits réels sur le domaine des personnes publiques : l'incohérence, RFDA, 2010, p. 1129 ; F. Brenet, Commentaire sous l'article L. 2122-6, Code général de la propriété des personnes publiques, 3ème édition, LexisNexis, coll. Les Codes bleus, Paris, 2014, p. 210.
(14) CE, 21 mai 1920, n° 52010, 55703, Rec., p. 532.
(15) CE, 20 décembre 1974, n° 90229 (N° Lexbase : A4091B8Z), Tables, p. 1161.
(16) CE Sect., 29 novembre 1974, n° 89756 (N° Lexbase : A0136B9W), Rec., p. 599, concl. contraires Bertrand.
(17) CE, 30 juillet 1997, n° 148902 (N° Lexbase : A0748AEG), Rec., p. 308.
(18) TA Marseille, 29 juin 2007, n° 0603422 ; TA Marseille, 29 juin 2009, n° 0505543.
(19) CAA Marseille, 20 novembre 2009, n° 07MA03601 (N° Lexbase : A2215EPQ).
(20) Cf. CE, 28 décembre 2001, n° 205369 (N° Lexbase : A9800AXA), Rec., p. 673.
(21) CE, 3 juillet 1996, n° 112171 (N° Lexbase : A0069APA), Rec., p. 259.
(22) Cf. contra TA Marseille, 29 juin 2009, n° 0505543, préc..
(23) C. gen. prop. pers. pub., art. L. 3111-1, préc..
(24) Nos obs., Le contrat administratif illégal, Thèse Paris 1, Dalloz, coll. Nouvelle bibliothèque de thèses, Paris, 2014, n°s 820-821.
(25) Cf. Cass. civ. 3, 24 septembre 2014, n° 13-22.357, FS-P+B (N° Lexbase : A3143MXP), Bull. civ. III, 2014, n° 111.
(26) Cf. CE, 6 mai 1985, n° 41589, 41699, Rec., p. 141, préc..
(27) CE Ass., 10 juillet 1996, n° 138536 (N° Lexbase : A0215APN), Rec., p. 274.
(28) CE Sec., 30 octobre 1998, n° 149663 (N° Lexbase : A8280ASH), Rec., p. 385.
(29) CE, 12 juillet 1918, n° 48397 (N° Lexbase : A8775B77), Rec., p. 698.
(30) CE Ass., 4 avril 2014, n° 358994 (N° Lexbase : A6449MIP), Rec., p. 70.
(31) CE, 21 février 2011, n° 337349, 337394 (N° Lexbase : A7022GZ4), Rec., p. 54.

newsid:453279

Électoral

[Brèves] Distribution massive et à des conditions inhabituelles de colis de Noël par le CCAS de la commune : manquement substantiel aux règles de financement entraînant l'inéligibilité du candidat

Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 13 juin 2016, n° 394675, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7773RSP)

Lecture: 1 min

N3295BWX

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Le 23 Juin 2016

La distribution massive et à des conditions inhabituelles de colis de Noël par le CCAS aux personnes âgées de la commune constitue un manquement substantiel aux règles de financement entraînant l'inéligibilité du candidat. Ainsi statue le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 13 juin 2016 (CE 2° et 7° ch.-r., 13 juin 2016, n° 394675, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A7773RSP). Les dispositions de l'article L. 118-3 du Code électoral (N° Lexbase : L7953I7P) permettent au juge de l'élection, même en l'absence de manoeuvres frauduleuses, de prononcer l'inéligibilité d'un candidat s'il constate un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales. Pour déterminer si un manquement est d'une particulière gravité au sens de ces dispositions, il incombe au juge de l'élection d'apprécier, d'une part, s'il s'agit d'un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales, d'autre part, s'il présente un caractère délibéré (CE, 23 juillet 2012, n° 357453 N° Lexbase : A0776IR8). En cas de manquement aux dispositions de l'article L. 52-8 du Code électoral (N° Lexbase : L9947IP4), il incombe, en outre, au juge de tenir compte de l'importance de l'avantage ou du don irrégulièrement consenti et de rechercher si, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, il a été susceptible de porter atteinte, de manière sensible, à l'égalité entre les candidats. En l'espèce, la distribution massive de ces colis par le CCAS dont le conseil d'administration est présidé par le membre du binôme élu mis en cause en sa qualité de maire, jusqu'à une date proche du scrutin départemental et dans la commune la plus importante de la circonscription départementale doit être regardée comme une manoeuvre susceptible d'altérer les résultats du scrutin, ce qui justifie l'annulation de ce dernier. En outre, le manquement commis par le candidat doit être qualifié de manquement d'une particulière gravité au sens et pour l'application de l'article L. 118-3, ce qui justifie que l'intéressé soit déclaré inéligible pour une durée de six mois (cf. l’Ouvrage "Droit électoral" N° Lexbase : E8433D3Q).

newsid:453295

Energie

[Brèves] Abrogation des dispositions dont devait résulter une hausse de tarifs réglementés de vente de l'électricité pour cause de méconnaissance du principe de sécurité juridique

Réf. : CE 9° et 10° ch-r., 15 juin 2016, n° 383722, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1105RT4)

Lecture: 1 min

N3326BW4

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Le 24 Juin 2016

Le principe de sécurité juridique implique l'abrogation des dispositions dont devait résulter une hausse de tarifs réglementés de vente de l'électricité trois jours avant la hausse prévue. Telle est la solution d'un arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 15 juin 2016 (CE 9° et 10° ch-r., 15 juin 2016, n° 383722, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A1105RT4). En vertu des dispositions de l'article 6 de l'arrêté du 26 juillet 2013, relatif aux tarifs réglementés de vente de l'électricité (N° Lexbase : L5044IX4), les ministres chargés de l'Economie et de l'Energie devaient adopter un nouvel arrêté fixant les tarifs réglementés "bleus" applicables à compter du 1er août 2014. Cet arrêté devait prévoir une évolution de ces tarifs conforme aux principes découlant des articles L. 337-5 (N° Lexbase : L3343KGW) et L. 337-6 (N° Lexbase : L3344KGX) du Code de l'énergie et de l'article 3 du décret n° 2009-975 du 12 août 2009 (N° Lexbase : L6523IEC). Dans l'hypothèse où l'application de ces principes aurait conduit à une hausse moyenne des tarifs "bleus" inférieure à 5 %, l'arrêté du 26 juillet 2013 imposait de fixer le niveau de cette hausse, en moyenne pour l'ensemble des tarifs "bleus", à 5 %. L'arrêté du 28 juillet 2014 (N° Lexbase : L8528I3A) a abrogé ces dispositions trois jours seulement avant le 1er août, à une date où les fournisseurs d'électricité avaient pu déjà anticiper pleinement les effets de leur mise en oeuvre. Dans ces circonstances particulières, et compte tenu de l'importance du niveau des tarifs réglementés "bleus" sur l'activité des fournisseurs d'électricité et le contenu des offres qu'ils proposent, cet arrêté du 28 juillet 2014 a été pris en méconnaissance du principe de sécurité juridique, alors même qu'un communiqué de presse du 19 juin 2014 en avait annoncé le principe.

newsid:453326

Experts-comptables

[Manifestations à venir] La gestion de patrimoine - Congrès national ECF

Lecture: 1 min

N3375BWW

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Le 24 Juin 2016

Les 27 et 28 juin 2016, le syndicat ECF, Experts-comptables et Commissaires aux comptes de France, présidé par Julien Tokarz, organise son grand congrès annuel à Marseille.
En 2016, le Congrès ECF de Marseille traitera de la gestion de patrimoine : 10 missions clés en main pour la profession. Sujet d'actualité, car les activités des experts-comptables sont appelées à se diversifier rapidement et sujet d'opportunité car l'expert-comptable est sans doute le mieux placé pour investir ce marché. Maud Saccucci et Laurent Benoudiz proposeront à tous leurs confrères un vaste choix d'ateliers pour assouvir leur soif de connaissances et des cas pratiques pour maîtriser 10 missions de la gestion de patrimoine clés en main (formation/lettre de mission/outils/savoir-faire et faire savoir). A cette occasion, les meilleurs spécialistes aborderont de nombreux thèmes en orientant leur intervention sur les missions possibles pour un cabinet : immobilier d'entreprise, transmission d'entreprise, stratégie ISF, mission fiscalité personnelle (IR/ISF), démembrement, optimisation de rémunération, holding animatrice, transmission familiale, FBO, OBO, réduction de capital, audit prévoyance et mutuelle, etc..
Le choix de cette thématique a pour objectif principal d'aider les cabinets d'experts-comptables à se saisir de ce marché à fort potentiel en leur fournissant l'ensemble des outils nécessaires.
  • Programme

Dimanche 26 juin
Journée détente
Soirée d'exception au MuCEM

Lundi 27 juin

Matin
Assemblée Générale ECF (réservée aux adhérents)
Séance d'ouverture
Ateliers

Après-midi
Ateliers
Soirée blanche à 360° sur Marseille

Mardi 28 juin

Matin
Ateliers
Conférence
Séance de clôture

Après-midi
Ateliers homologués
Dîner de clôture du congrès

  • Dates

27 et 28 juin 2016

  • Lieu

Palais du Pharo
58 boulevard Marcel Livon
13007 Marseille

  • Contact/Inscriptions

www.e-c-f.fr
Le détail des ateliers et conférences, réservés aux professionnels inscrits, ainsi que les conditions d'inscription, sont consultables sur : http://www.e-c-f.fr/doc/congres_ECF_2016.pdf

newsid:453375

Fiscalité des entreprises

[Jurisprudence] Sur l'exonération des plus-values à long terme afférentes aux titres de participation - Conclusions du Rapporteur public

Réf. : CE 3° et 8° ch., 20 mai 2016, n° 392527, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0965RQS)

Lecture: 14 min

N3350BWY

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par Emmanuelle Cortot-Boucher, Rapporteur public au Conseil d'Etat

Le 23 Juin 2016

Dans un arrêt rendu le 20 mai 2016, le Conseil d'Etat a été invité à préciser les conditions d'exonération des plus-values à long terme sur des titres de participation (CE 3° et 8° ch., 20 mai 2016, n° 392527, mentionné aux tables du recueil Lebon). Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose de retrouver les conclusions anonymisées du Rapporteur public, Emmanuelle Cortot-Boucher, sur cette décision. Il est à peine besoin de rappeler que, contrairement aux titres de placement, les titres de participation ouvrent droit à l'application du régime des plus ou moins-values à long terme. Il en résulte que, lorsqu'ils ont été détenus pendant au moins deux ans, le gain ou la perte qui résulte de leur cession échappe au droit commun de l'impôt sur les sociétés.

Pour les exercices ouverts depuis le 1er janvier 2007, les dispositions du a quinquies du I de l'article 219 du CGI (N° Lexbase : L6543K8T) prévoient ainsi que la plus-value à long terme afférente aux titres de participation est exonérée, sous réserve de l'imposition au taux normal de l'impôt sur les sociétés d'une quote-part de frais et charges lors de la cession de ces titres. En cas de moins-value, au contraire, l'application de ce régime spécial joue au détriment du contribuable, qui est alors empêché de déduire la perte réalisée de son résultat imposable.

Qu'elle joue en faveur ou aux dépens du contribuable, la qualification de titre de participation est, en toute hypothèse, lourde de conséquences sur le plan fiscal. L'affaire qui vous est soumise va vous amener à préciser les critères de cette qualification.

Au cas présent, le contribuable exerce la profession de chirurgien-urologue dans le cadre d'une société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) dont il est l'unique associé. Il opère ses patients à une clinique située à Reims, dont l'exploitation est assurée par une polyclinique SARL. Cette SARL est elle-même détenue à 100 % par une clinique SAS.

Le 3 juin 2003, il a acquis, pour le compte de la SELARL, 364 actions de la SAS, soit 0,88 % du capital de celle-ci. Ces titres ont été inscrits au compte "titres de participation" de la SELARL. Ils ont été revendus quatre ans et quatre mois plus tard, à un prix qui a fait apparaître une plus-value de 333 060 euros.

La SELARL a considéré que cette plus-value tombait sous le coup des dispositions du a quinquies du I de l'article 219 du CGI, et qu'elle était donc exonérée sous réserve d'une quote-part de frais et charge de 5 %.

A la suite d'une vérification de comptabilité de la SELARL, l'administration fiscale a remis en cause le droit au bénéfice de cette exonération au motif que les titres vendus ne pouvaient pas être regardés comme des titres de participation eu égard au très faible pourcentage du capital de la société émettrice qu'ils représentaient.

Des suppléments d'impôt sur les sociétés ont donc été assignés à la SELARL au titre de l'exercice clos en 2007, qui ont été contestés devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, avec succès (TA Châlons-en-Champagne, 24 mars 2014, n° 1201353). Le ministre a contesté la solution de décharge retenue par les premiers juges devant la cour administrative d'appel de Nancy. Mais cette dernière l'a débouté par un arrêt qui a été publié à la RJF (CAA Nancy, 25 juin 2015, n° 14NC00699 N° Lexbase : A2182NRA, RJF, 2016, n° 3), ainsi qu'aux Feuillets rapides comptables (11/2015).

Le ministre se pourvoit désormais en cassation et soulève trois séries de moyens.

1. Il soutient, en premier lieu, que la cour a entaché son arrêt d'une insuffisance de motivation et commis une erreur de droit en jugeant que les titres litigieux devaient être regardés comme des titres de participation sans rechercher s'ils permettaient à la société détentrice d'avoir le contrôle de la société émettrice ou, à tout le moins, d'avoir sur elle une influence notable.

C'est par renvoi au droit comptable que la loi fiscale, pour l'essentiel, définit la notion de titres de participation. Le troisième alinéa du a quinquies du I de l'article 219 du CGI dispose ainsi que "les titres de participation mentionnés au premier alinéa sont les titres de participation revêtant ce caractère sur le plan comptable", et cette connexion est en outre réaffirmée au a ter du I de l'article 219 du même code, ainsi qu'à l'article 39 (N° Lexbase : L3894IAH), relatif aux conditions dans lesquelles peuvent être constituées des provisions pour dépréciation de titres de participation.

Par une décision du 20 octobre 2010 (CE 3° et 8° s-s-r., 20 octobre 2010, n° 314247, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4483GCZ, RJF, 2011, n° 16 ; concl. E. Geffray, BDCF, 2011, n° 5), confirmées ensuite par une décision du 12 mars 2012 (CE 3° et 8° s-s-r., 12 mars 2012, n° 342295, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0915IMT, RJF, 2012, n° 564), vous avez pris le parti de faire jouer pleinement la connexion fiscalo-comptable instituée par les textes. Alors qu'il vous fallait appliquer les dispositions du a ter du I de l'article 219 du CGI, vous vous êtes ainsi référés à la définition des titres de participation donnée par le plan comptable général de 1982, approuvé par un arrêté interministériel du 27 avril 1982 (1). D'après celle-ci, "[constituent] des titres de participation les titres dont la possession durable est estimée utile à l'activité de l'entreprise, notamment parce qu'elle permet d'exercer une influence sur la société émettrice ou d'en assurer le contrôle".

C'est également cette définition issue du plan comptable de 1982 que la cour a appliquée en l'espèce, et vous devrez d'abord vous demander si elle était bien fondée à le faire. A la date des faits de l'espèce, en effet, le plan comptable applicable était celui de 1999 (2), lequel ne comporte aucune définition de la notion de titre de participation. La situation n'est donc pas la même que dans les précédents arrêts cités, où les impositions en litige se rattachaient à des années au cours desquelles le plan comptable général de 1982 était encore en vigueur. Nous vous proposons toutefois de considérer que, faute d'avoir été remplacée, la définition donnée par le plan comptable de 1982 reste pertinente, même si l'arrêté interministériel du 22 juin 1999 qui homologue le nouveau plan comptable prévoit explicitement l'abrogation de l'arrêté interministériel du 27 avril 1982, approuvant le plan comptable antérieur. A cet effet, il faut faire l'effort d'admettre que cette définition a acquis une valeur jurisprudentielle, ce qui ne nous paraît pas hors de portée.

En tout état de cause, vous pouvez vous référer à l'article R. 123-184 du Code de commerce (N° Lexbase : L9098KBL) qui définit la notion de participation en des termes qui ne diffèrent pas substantiellement de la définition donnée par le plan comptable de 1982. Dans sa rédaction applicable au litige, celui-ci indique en effet que "[constituent] des participations les droits dans le capital d'autres personnes morales, matérialisés ou non par des titres, qui, en créant un lien durable avec celles-ci, sont destinés à contribuer à l'activité de la société détentrice" (3). En lieu et place d'une référence à l'utilité, ces dispositions exigent ainsi une contribution à l'activité de la société détentrice, qui ne nous paraît pas fondamentalement différente.

Au cas d'espèce, la cour a réitéré la définition issue du plan comptable général de 1982 en y ajoutant toutefois un codicille. Elle a en effet précisé que l'utilité à laquelle se réfère ce plan pour définir les titres de participation "ne saurait se réduire à l'influence ou au contrôle de la société émettrice des titres" et qu'elle "peut également être caractérisée [dès lors que] les conditions d'achat des titres révèlent, au moment de l'acquisition, l'intention de l'acquéreur de créer un lien durable avec la société émettrice et que cette acquisition, notamment par les prérogatives juridiques qu'elle confère à l'acquéreur, contribue de façon significative à son activité".

La cour a donc considéré que la qualification de titre de participation s'appréciait au vu de deux critères, celui de possession durable et celui d'utilité, et que ce critère d'utilité pouvait être rempli alors même que les titres litigieux n'assurent à la société détentrice ni le contrôle, ni même une influence sur la société émettrice.

Le ministre conteste vigoureusement cette interprétation en faisant valoir que les notions de contrôle et d'influence sont prédominantes dans la détermination de la qualification de titre de participation. A l'appui de son propos, il invoque deux règles de présomption qui rendent automatique la qualification de titre de participation et qui sont centrées sur un critère de seuil de détention, donc sur la notion de contrôle et d'influence.

La première, posée par l'article L. 233-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L9086KB7) et reprise dans le plan comptable de 1982, veut que "lorsqu'une société possède dans une autre société une fraction du capital comprise entre 10 et 50 %, la première est considérée [...] comme ayant une participation dans la seconde".

La seconde est issue de la loi fiscale qui assimile à des titres de participation ceux qui ouvrent doit à l'application du régime des sociétés mères, lequel vise des participations supérieures à 5 %.

Le ministre invoque ainsi "le seuil comptable de 10 %" et "le seuil fiscal de 5 %", pour en déduire que des titres détenus en proportions inférieures à ceux-ci ne peuvent pas être regardés comme des titres de participation. Et il vrai que, pour de nombreux praticiens, ces seuils apparaissent comme décisifs dans la détermination de la qualification de titres.

Vous ne vous êtes à ce jour jamais prononcé sur le point de savoir si la qualification de titre de participation peut être retenue à propos de titres qui représentent une proportion inférieure à ces seuils dans le capital de la société émettrice. De vos jurisprudences précédentes de 2010 et 2012, il résulte en effet, pour l'essentiel, que la qualification de titres de participation s'apprécie à la date d'achat des titres, et que la qualification juridique de titre de participation peut être valablement retenue à propos de titres acquis dans le but d'obtenir une minorité de blocage, ainsi qu'à l'égard de titres représentant 50 % du capital de la société émettrice.

Il nous semble toutefois, comme à la cour, qu'il ne faut pas confondre la règle comptable générale et les présomptions instituées pour des hypothèses particulières. La lettre du plan comptable général de 1982, en effet, fait bien apparaître les deux critères de lien durable et d'utilité qu'a retenus la cour comme étant les seuls propres à donner une définition générale de la notion de titre de participation. Si le contrôle et l'influence sur la société émettrice sont également évoqués, ils sont seulement présentés comme des hypothèses particulières dans lesquelles le critère d'utilité est "notamment" considéré comme rempli.

Cette lecture de la définition comptable rejoint l'opinion exprimée par Olivier Fouquet et Claude Lopater dans un article récemment paru à la RJF et consacré aux enjeux et aux incertitudes du contentieux des titres de participation. Ils y indiquent que "la seule lecture de la définition donnée par le [plan comptable général] de 1982 des titres de participation [...] fait ressortir à l'évidence le caractère restrictif de l'interprétation traditionnelle qui inverse l'ordre des facteurs. En effet, dans cette définition, les critères matériels (la possession durable) et subjectif (l'utilité pour l'activité de l'entreprise) constituent les critères prioritaires. La démonstration de cette utilité peut être fondée sur l'existence d'une participation d'un montant tel qu'il permette à la société d'exercer une influence ou un contrôle sur la société dont les titres sont détenus. Mais le montant de la participation n'est pas ( notamment ) le seul critère de l'utilité" (O. Fouquet et C. Lopater, Titres de participation : enjeux et incertitudes du contentieux, RJF, 2014, p. 953).

La doctrine administrative, d'ailleurs, ne dit pas le contraire. Une instruction publiée le 12 septembre 2012 (BOI-BIC-PVMV-30-10-20100912 N° Lexbase : X6478ALI) indique ainsi que si, en principe, la qualification de titre de participation au sens comptable pour des lignes de titres ne représentant qu'un très faible pourcentage du capital ne peut pas être retenue, faute d'éléments permettant de caractériser une influence ou un contrôle sur la société émettrice, il peut en aller différemment "si l'entreprise est à même de faire état de circonstances exceptionnelles permettant de caractériser un impact significatif sur l'activité de l'entreprise détentrice" (point 120).

La lecture retenue par la cour s'impose a fortiori si l'on s'en tient aux dispositions de l'article R. 123-184 du Code de commerce qui, quant à elles, ne mentionnent même pas les notions d'influence et de contrôle et ne visent que les titres qui, en créant un lien durable avec l'entreprise émettrice, sont destinés à contribuer à l'activité de la société détentrice.

Nous vous invitons donc à écarter le moyen d'erreur de droit du ministre qui estime que la cour aurait nécessairement dû se déterminer au vu des critères d'influence et de contrôle. Vous jugerez par suite que la cour n'a pas non plus entaché son arrêt d'insuffisance de motivation en se limitant à un examen au regard du critère tiré de l'utilité des titres pour la société détentrice.

2. Le ministre soutient, en deuxième lieu, que la cour a commis une erreur de droit et une erreur de qualification juridique des faits en jugeant que les titres litigieux devaient être regardés comme des titres de participation au seul motif qu'ils ne pouvaient pas être qualifiés de titres de placement financier à court ou moyen terme.

Selon lui, la cour n'a pas recherché si le critère d'utilité auquel elle s'est référée était rempli ou non. Elle s'est bornée à constater que "loin de ne constituer qu'un simple titre de placement financier à court ou moyen terme", la participation litigieuse avait contribué "de manière durable à l'exercice et au développement de l'activité de la SELARL".

Il est vrai que le régime fiscal des titres de participations est un régime dérogatoire au droit commun et que son bénéfice ne peut donc pas être acquis "par défaut", au motif que les conditions pour relever d'un autre régime ne seraient pas remplies.

Toutefois, la cour n'est pas tombée en l'espèce dans ce travers. Elle ne s'est en effet nullement bornée à écarter la qualification de titre de placement pour retenir celle de titre de participation. Au contraire, elle a précisément exposé les raisons pour lesquelles elle considérait que le critère de l'utilité était rempli, en détaillant notamment les prérogatives juridiques que conférait la participation litigieuse au contribuable pour exercer son activité dans le cadre de la SELARL. Vous pourrez donc écarter le moyen d'erreur de droit comme manquant en fait. Vous réserverez le même sort au moyen d'erreur de qualification juridique des faits, qui ne fait pas l'objet d'une argumentation autonome.

3. Vous pourrez alors en venir à la troisième et dernière série de moyens, qui est tirée de ce que la cour a dénaturé les pièces du dossier et commis une erreur de qualification juridique des faits en jugeant que les titres litigieux étaient utiles à l'activité de la SELARL.

En deçà du seuil comptable de 10 % et du seuil fiscal de 5 %, le contribuable ne peut se prévaloir d'aucune présomption irréfragable que les titres dont il dispose sont des titres de participation. Il n'en demeure pas moins que, lorsque des titres ont été inscrits dans un compte de participation, c'est à l'administration qu'il appartient d'apporter la preuve que cette inscription est erronée et que, partant, les titres en cause ne sont pas éligibles au régime fiscal défini par les dispositions du a quinquies du I de l'article 219 du CGI. Il en va ainsi, à tout le moins, dès lors que le contribuable s'est opposé, dans le délai légal, aux redressements qui lui ont été notifiés (CE, 26 juillet 1985, n° 40856, RJF, 1985, n° 1355).

Au cas d'espèce, la cour a considéré que la preuve requise n'était pas apportée par l'administration. A cet effet, elle s'est fondée sur l'article 2 du règlement intérieur de la clinique qui est intégré au contrat d'exercice conclu avec les praticiens exerçant dans les établissements détenus par la SAS.

D'une part, cet article prévoit qu'un droit de priorité est réservé aux praticiens actionnaires de la SAS pour l'accès aux lits d'hospitalisation et au plateau technique. Il énonce ainsi que "seuls les praticiens actionnaires [de la SAS] ont un droit de priorité sur les lits disponibles pour l'hospitalisation de leurs malades", et que les droits de priorité "sont répartis entre chaque praticien proportionnellement au nombre d'actions détenues directement ou par le biais d'une société". Il précise en outre que "les praticiens actionnaires ont un droit de priorité pour l'utilisation des vacations libres du plateau technique". D'autre part, l'article 2 impose à tout nouveau praticien, afin de pouvoir exercer dans la clinique, d'être propriétaire d'au moins 100 actions de la SAS ou de s'engager à le devenir dans un délai fixé en accord avec le conseil d'administration de la SAS.

La cour a déduit de ces éléments que la détention, par la SELARL, pendant environ quatre ans et demi, d'actions de la SAS avait permis au docteur d'exercer son activité dans la clinique dans des conditions privilégiées, et qu'elle avait donc présenté une utilité significative pour l'activité de la SELARL.

A l'inverse, le ministre fait valoir que ce contribuable, ancien praticien, n'était pas concerné par les dispositions du règlement intérieur applicables aux nouveaux entrants, et que les praticiens non actionnaires ont, en tout état de cause, un droit d'accès à un nombre de lits au moins égal au nombre moyen de lits occupés l'année précédente. Il en déduit que la détention des titres litigieux ne constituait en rien une condition nécessaire à la continuation ou au développement de l'activité de la SELARL.

Mais la position du ministre nous paraît difficile à concilier avec la définition comptable des titres de participation, et avec le critère d'utilité sur lequel celle-ci repose. Utile ne signifie pas nécessaire. Une participation peut ainsi être utile au développement d'une société alors même qu'elle n'est pas absolument nécessaire à la poursuite de son activité.

Certes, l'administration nous paraît fondée à exiger que l'utilité ne soit pas seulement alléguée, mais avérée, et ce de manière significative. En dessous des seuils prévus par le droit comptable et le droit fiscal, elle serait ainsi à notre avis légitime à remettre en cause la qualification de titres de participation à l'égard de titres qui ne procurent à leur détenteur qu'un avantage hypothétique. Elle le serait notamment si la société détentrice se prévalait d'une simple relation d'affaires avec la société émettrice. Mais il en va différemment, nous semble-t-il, lorsque les titres en cause ouvrent à leur détenteur, de manière certaine, des prérogatives juridiques qui sont en rapport direct avec les conditions d'exercice de son activité ou le volume de celle-ci.

Au cas d'espèce, il est certain que l'acquisition des titres litigieux a permis à la SELARL d'améliorer ses conditions d'accès aux lits et au plateau technique de la clinique dans laquelle le docteur officiait. Il est certain, également, qu'elle lui permettait d'envisager d'associer à son activité un nouveau praticien, auquel une partie des titres acquis aurait pu être revendue afin d'atteindre le seuil minimal de 100 actions prévu par le règlement intérieur.

Nous vous invitons donc à juger que la cour, qui n'a pas dénaturé les pièces du dossier, n'a pas non plus commis d'erreur de qualification juridique des faits.

Par ces motifs, nous concluons au rejet du pourvoi et à ce que l'Etat verse à la SELARL un somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du CJA (N° Lexbase : L3227AL4).


(1) Journal officiel 1982, p. 4355.
(2) Défini par le Règlement n° 99-03 du 29 avril 1999, publié au JO le 21 septembre 1999.
(3) Un décret n° 2015-903 du 23 juillet 2015 (N° Lexbase : L9249KB8) a ajouté la phrase suivante : "Sont présumés être des participations les titres représentant une fraction du capital supérieure à 10 %".

newsid:453350

Fiscalité des entreprises

[Brèves] Critères permettant de déterminer si des droits doivent suivre le régime fiscal des éléments incorporels de l'actif immobilisé de l'entreprise

Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 15 juin 2016, n° 375446, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1097RTS)

Lecture: 2 min

N3338BWK

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Le 24 Juin 2016

Sous réserve de dénaturation, il n'appartient pas au Conseil d'Etat, juge de cassation, de contrôler l'appréciation souveraine que portent, en vue de déterminer si des droits doivent suivre le régime fiscal des éléments incorporels de l'actif immobilisé de l'entreprise, les juges du fond sur le point de savoir si ces droits constituent une source régulière de profits, dotés d'une pérennité suffisante et susceptibles de faire l'objet d'une cession. Telle est la solution retenue par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 15 juin 2016 (CE 9° et 10° ch.-r., 15 juin 2016, n° 375446, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1097RTS). En l'espèce, par un contrat de licence, une personne a concédé à la SARL requérante le droit exclusif d'exploiter une marque. Toutefois, pour la Haute juridiction, qui a statué en faveur de l'administration, la cour a porté sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation souveraine exempte de dénaturation (CAA Versailles, 19 novembre 2013, n° 12VE01499 N° Lexbase : A6232RTY). En effet, les droits ainsi concédés devaient être regardés comme une source régulière de profits pour la société requérante, malgré l'absence dans le contrat d'une clause d'exclusivité de clientèle. De plus, les droits concédés à la société requérante devaient être regardés comme dotés d'une pérennité suffisante, alors même que la société requérante relevait que les recettes procurées par l'exploitation du contrat avaient connu une baisse et que la mode à l'origine de la création de la marque était passée. Enfin, ces droits restaient susceptibles de faire l'objet d'une cession par la société requérante en dépit de la signature d'un avenant au contrat prévoyant l'accord exprès du cédant pour la conclusion à l'international d'une licence ou d'un contrat de distribution ou la conclusion de tout contrat de sous-licence. Dès lors, en déduisant de l'ensemble des circonstances qu'elle avait relevées que les droits attachés au contrat litigieux devaient être regardés comme des éléments incorporels de l'actif immobilisé de la SARL, la cour a donné aux faits qui lui étaient soumis une exacte qualification juridique. Le Conseil d'Etat ne peut, par conséquent, intervenir sur le bien-fondé de la décision des juges versaillais. Hormis la question du contrôle du juge de cassation, le principe avait déjà été énoncé dans un arrêt rendu en 2009 par la cour administrative d'appel de Nancy (CAA Nancy, 13 mai 2009, n° 07NC01649 N° Lexbase : A9560EG8) .

newsid:453338

[Jurisprudence] Preuve du caractère infondé de l'appel d'une garantie autonome

Réf. : Cass. com., 31 mai 2016, n° 13-25.509, FS+P+R+I (N° Lexbase : A2635RRZ)

Lecture: 5 min

N3288BWP

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par Gaël Piette, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directeur scientifique des Encyclopédies "Droit des sûretés" et "Droit des contrats spéciaux"

Le 23 Juin 2016

En 2008, une société cède à une autre sa participation dans le capital d'une société tierce. Cette cession, comme il est fréquent, est assortie d'une clause de garantie de passif et, pour l'exécution de celle-ci, d'une garantie autonome à première demande consentie par une banque. La société créancière, en 2009, a mis en oeuvre la garantie de passif et a appelé la garantie autonome. Le garant s'est exécuté, et a payé la somme de 100 000 euros, qu'elle a débitée du compte de la société débitrice. En 2010, la société bénéficiaire de la garantie autonome a été placée en redressement judiciaire. Estimant que l'appel de la garantie autonome était injustifié, la société donneur d'ordre a déclaré au passif de la procédure collective une créance égale à la somme versée par la banque. Cette créance a été admise à titre chirographaire. La société venant aux droits du bénéficiaire de la garantie et le commissaire à l'exécution du plan de redressement se pourvoient en cassation contre l'arrêt d'appel (1) ayant admis cette créance chirographaire de 100 000 euros, en avançant principalement que le donneur d'ordre ne rapporte pas la preuve que le paiement de la garantie autonome par la banque garante était indu.
La Chambre commerciale, dans un arrêt du 31 mai 2016, rejette ces pourvois, en retenant que les éléments de preuve produits par le bénéficiaire de la garantie étaient insuffisants. L'appel de celle-ci était donc indu, et la créance déclarée par le donneur d'ordre au passif du redressement judiciaire du bénéficiaire doit être admise.
L'intérêt de cet arrêt porte sur la détermination de la charge de la preuve du caractère indu de l'appel de la garantie (II). Mais avant d'examiner ce point, il convient de préciser rapidement les raisons pour lesquelles le donneur d'ordre entendait se retourner contre le bénéficiaire (I). I - La raison d'être du recours du donneur d'ordre contre le bénéficiaire

Bien souvent, les donneurs d'ordre qui estiment que le paiement de la garantie autonome était indu préfèrent agir contre le garant lui-même. Sur le fondement de la théorie de l'appel manifestement abusif (C. civ., art. 2321 N° Lexbase : L1145HIA), ils peuvent chercher à engager la responsabilité du garant qui aurait payé en réponse à un tel appel (s'ils n'ont pu bloquer le paiement en amont).

Mais pour ce faire, encore faut-il que l'appel de la garantie remplisse les conditions de l'appel manifestement abusif. En d'autres termes, il faut d'abord que le bénéficiaire n'ait pas de droit contre le donneur d'ordre (par exemple, l'événement contre lequel était garanti le bénéficiaire ne s'est pas réalisé ou s'est réalisé par son fait). Il faut ensuite que le bénéficiaire soit de mauvaise foi, c'est-à-dire qu'il ait eu conscience de son absence de droit contre le donneur d'ordre. Il faut enfin que l'abus soit manifeste.

Dans les faits ayant donné lieu à l'arrêt commenté, il apparaît très clairement que ces conditions n'étaient pas réunies.

Cependant, entre l'appel manifestement abusif et celui qui est bien fondé, il existe une catégorie intermédiaire: l'appel qui, sans être manifestement abusif, n'en demeure pas moins indu. Ce sera l'hypothèse d'un bénéficiaire qui pense légitimement être dans son droit et décide d'appeler la garantie. Si une analyse plus approfondie, ultérieurement, révèle que le bénéficiaire n'avait pas de droit pour appeler la garantie, son appel sera qualifié d'indu, sans pour autant être manifestement abusif.

En pareille hypothèse, qui est celle de l'arrêt du 31 mai 2016, la jurisprudence estime que le donneur d'ordre, après avoir subi le recours du garant, dispose lui-même d'un recours contre le bénéficiaire, afin d'obtenir remboursement de l'indu (2). Il s'agit ici de simplifier les recours : permettre au donneur d'ordre de recourir contre le garant, et permettre ensuite à ce dernier de recourir contre le bénéficiaire multiplierait inopportunément les recours.

C'est la raison pour laquelle, en l'espèce, le donneur d'ordre a entendu agir contre le bénéficiaire, estimant indu son appel. Le bénéficiaire faisant l'objet d'un redressement judiciaire, le donneur d'ordre était placé dans l'obligation de déclarer sa créance, sous peine de ne pas être admis dans les répartitions et les dividendes (C. com., art. L. 622-26 N° Lexbase : L8103IZ7).

II - La détermination de la charge de la preuve du caractère indu de l'appel de la garantie

Pour justifier le remboursement des sommes versées au titre de la garantie, encore fallait-il établir que l'appel de celle-ci était infondé. Les requérants soutenaient que la charge de la preuve de ce caractère indu pesait sur celui qui l'invoquait, à savoir le donneur d'ordre.

Leurs pourvois sont rejetés, au motif que "si, après la mise en oeuvre d'une garantie à première demande, le donneur d'ordre réclame au bénéficiaire de celle-ci le montant versé par le garant qu'il estime ne pas être dû, ce litige, eu égard à l'autonomie de la garantie à première demande, ne porte que sur l'exécution ou l'inexécution des obligations nées du contrat de base, de sorte qu'il incombe à chaque partie à ce contrat de prouver cette exécution ou inexécution conformément aux règles de preuve du droit commun".

Ainsi, sur le fondement de l'autonomie de la garantie, la Cour estime que les contestations qui peuvent s'élever, après paiement par le garant, entre le donneur d'ordre et le bénéficiaire de la garantie doivent être réglées "en interne", c'est-à-dire intrinsèquement au contrat de base, sans se référer à la garantie. A partir de cette idée, la suite logique est d'en déduire que, puisque le débat est centré sur l'exécution ou l'inexécution des obligations issues de ce contrat de base, la charge de la preuve qui incombe à chaque partie se détermine en application du droit commun de la preuve. En l'espèce, il appartenait donc au bénéficiaire qui estimait que la garantie de passif (elle-même garantie par la garantie à première demande litigieuse) devait jouer de rapporter la preuve des éléments qui justifient cette mise en oeuvre.

Par cette décision, la Cour complète une jurisprudence précédente, par laquelle elle considérait que le donneur d'ordre est recevable à demander la restitution du montant de la garantie au bénéficiaire, à charge pour lui d'établir que celui-ci en a reçu indûment le paiement, par la preuve de l'exécution de ses propres obligations contractuelles, par celle de l'imputabilité de l'inexécution du contrat à la faute du cocontractant bénéficiaire de la garantie ou par la nullité du contrat de base (3).

Ainsi, dans cette décision de 1994, la Cour, moins clairement que dans celle de 2016, plaçait la discussion dans le giron du droit commun de la preuve : la charge de celle-ci pèse sur celui qui invoque une prétention ou qui se prétend libéré (C. civ., art. 1315 N° Lexbase : L1426ABG). Si la décision de 1994 semble faire peser la charge de la preuve sur le seul donneur d'ordre, c'est en raison des prétentions par elle listées : exécution de ses obligations par le donneur d'ordre, ou inexécution justifiée par la nullité du contrat de base, ou encore par la faute du bénéficiaire. Or, ces trois arguments ont pour trait commun d'être nécessairement invoqués par le donneur d'ordre, lorsqu'il se prétend libéré de son obligation. C'est donc à lui d'en rapporter la preuve (C. civ., art. 1315, al. 2).

En revanche, dans les faits ayant amené l'arrêt du 31 mai 2016, le caractère fondé ou non de l'appel dépend de la question de savoir si la garantie de passif devait être mise en oeuvre. Or, le donneur d'ordre ne peut pas véritablement prouver que la garantie de passif n'a pas à être mise en oeuvre. C'est le bénéficiaire qui invoque des irrégularités susceptibles de déclencher le jeu de la clause de garantie de passif. C'est donc logiquement sur lui que doit peser la charge de la preuve.

Ainsi, au final, apparaît la transparence de la garantie autonome au regard de la preuve du caractère fondé ou infondé de l'appel. Ce caractère s'apprécie nécessairement au regard du contrat de base, et sans véritable prise en compte de la garantie elle-même, au nom de son autonomie. Que le donneur d'ordre souhaite qualifier l'appel de manifestement abusif ou qu'il entende obtenir la restitution des sommes versées au bénéficiaire, c'est au regard du droit commun de la preuve, et notamment de l'article 1315 du Code civil, que se règlera la question de la charge de celle-ci. Les éléments susceptibles d'établir l'abus ou le caractère indu de l'appel sont à rechercher dans le contrat de base, et non dans la garantie.

L'atteinte à l'autonomie de la garantie est mesurée. Lorsque l'appel est manifestement abusif, c'est généralement le donneur d'ordre qui va tenter d'obtenir le blocage du paiement par le garant. Lorsque l'appel est infondé, c'est également le donneur d'ordre qui cherchera à récupérer les sommes indûment obtenues par le bénéficiaire. Dans ces deux hypothèses, que le donneur d'ordre et le bénéficiaire, en fonction de celui sur lequel pèsera la charge de la preuve, doivent avancer des arguments tirés du contrat de base n'est pas attentatoire à l'autonomie de la garantie.


(1) CA Toulouse, 3 septembre 2013, n° 12/00422 (N° Lexbase : A3668KK3).
(2) Cass. com., 7 juin 1994, n° 93-11.340, publié (N° Lexbase : A4933ACP), Bull. civ. IV, n° 202 ; JCP éd. E, 1994, II, p. 637, note L. Leveneur.
(3) Cass. com., 7 juin 1994, n° 93-11.340, préc..

newsid:453288

Procédure pénale

[Brèves] CEDH : pas d'exigence de compétence universelle de nature civile en matière de torture !

Réf. : CEDH, 21 juin 2016, Req. 51357/07 (N° Lexbase : A6270RTE)

Lecture: 2 min

N3357BWA

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Le 24 Juin 2016

Un Etat ayant ratifié la Convention contre la torture, n'est pas tenu d'admettre une compétence universelle de nature civile. Le libellé de l'article 14 de la Convention de New-York du 10 décembre 1984, contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (N° Lexbase : L5272IYW) n'est pas sans équivoque quant à son application extra territoriale. Par conséquent, bien que le Comité contre la torture ait indiqué que l'application de l'article 14 ne se limite pas aux victimes de torture commise sur l'Etat partie ou par ou contre un ressortissant de cet Etat, les autorités suisses n'y étaient pas davantage obligées en vertu du droit coutumier, la pratique des Etats en faveur de l'existence d'une compétence universelle civile faisant clairement défaut. Telle est la substance d'un arrêt rendu par la CEDH le 21 juin 2016 (CEDH, 21 juin 2016, Req. 51357/07 N° Lexbase : A6270RTE). En l'espèce, M. N. a soutenu avoir été arbitrairement détenu et torturé à Tunis dans les locaux du ministère de l'Intérieur, du 24 avril 1992 au 1er juin 1992 sur ordre de M. A., alors ministre de l'Intérieur. Après avoir subi les tortures alléguées, M. N. a fui ce pays pour se réfugier en Suisse en 1993, où il demanda l'asile politique que les autorités suisses lui octroyèrent, le 8 novembre 1995. M. N. déposa le 14 février 2001 devant le procureur général du canton de Genève une plainte pénale avec constitution de partie civile contre le M. A., alors que ce dernier était hospitalisé en Suisse. Le 19 février 2001, le procureur général classa la plainte au motif que ledit ministre avait quitté le territoire suisse et n'avait pu être interpellé par la police. Le 8 juillet 2004, M. N. saisit le tribunal d'une demande en dommages-intérêts dirigée contre la Tunisie et M. A.. Le tribunal déclara la demande irrecevable au motif qu'il n'était pas compétent à raison du lieu. La compétence des tribunaux suisses au titre du for de nécessité n'était pas donnée en l'espèce, faute de lien de rattachement suffisant entre les faits et la Suisse. M. N. interjeta appel devant la cour de justice du canton qui rejeta son recours, estimant que les défendeurs bénéficiaient de l'immunité de juridiction. M. N. adressa ensuite au tribunal fédéral un recours en réforme qui fut rejeté. Le tribunal fédéral considéra que les tribunaux suisses n'étaient de toute façon pas compétents à raison du lieu. M. N. saisit alors la CEDH et, invoquant l'article 6 § 1 de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR), se plaint de ce que les tribunaux suisses ne se sont pas estimés compétents pour traiter le fond de son action en dommages-intérêts des actes de torture qui lui auraient été infligés en Tunisie. Enonçant le principe susvisé, la CEDH conclut qu'aucune obligation conventionnelle n'obligeait la Suisse à accepter l'action civile et qu'il n'y a donc pas eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention (cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E2069EU8).

newsid:453357

Propriété intellectuelle

[Brèves] Caractérisation du délit de contrefaçon : reproduction illicite réalisée par un exécutant choisi par le contrefacteur

Réf. : Cass. crim., 14 juin 2016, n° 15-80.678, F-P+B (N° Lexbase : A5567RTD)

Lecture: 1 min

N3362BWG

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Le 28 Juin 2016

Se rend coupable du délit de contrefaçon, prévu par l'article L. 335-3 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3557IEH) celui qui concourt sciemment à la reproduction, sans autorisation, d'une oeuvre de l'esprit en la faisant réaliser par un exécutant de son choix. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 14 juin 2016 (Cass. crim., 14 juin 2016, n° 15-80.678, F-P+B N° Lexbase : A5567RTD). En l'espèce, des investigations diligentées par le parquet de Bordeaux ont mis en évidence l'existence d'une entreprise de contrefaçon d'oeuvres de grands designers industriels et d'un sculpteur, dont le maître d'oeuvre était à l'origine M. D., décédé le 26 juillet 2006, lequel était assisté d'un ouvrier ébéniste. Une information a été ouverte dans laquelle sa fille, Mme D., a été mise en examen puis renvoyée devant le tribunal correctionnel qui l'a déclarée coupable de contrefaçon par reproduction d'une oeuvre de l'esprit au mépris des droits d'auteur portant sur trois objets d'un sculpteur, complicité d'escroquerie et recel de biens contrefaisants. Cette dernière et le ministère public ont interjeté appel de la décision. La cour d'appel, pour confirmer le jugement et déclarer la prévenue coupable de contrefaçon, relève que le sculpteur, engagé par M. D. pour effectuer matériellement les reproductions sur ses directives, a, après le décès de celui-ci, poursuivi une activité délictueuse au cours du dernier trimestre 2006. Ils retiennent que la preuve est rapportée que la prévenue, qui avait une parfaite connaissance de l'activité délictueuse de son père, avait fait fabriquer, à cette époque, trois objets contrefaisants dont la réalisation avait été effectuée, avec le matériel mis à sa disposition, par le sculpteur engagé par M. D. qui avait accepté de prêter son concours. La Cour de cassation énonçant la solution précitée, rejette le pourvoi formé par la prévenue, retenant que la cour d'appel a fait l'exacte application de l'article 335-3 du Code de la propriété intellectuelle.

newsid:453362

Recouvrement de l'impôt

[Brèves] ATD : les obligations de l'administration dans le cas où, après paiement par le tiers, une décision de justice réduit le montant de la dette

Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 13 juin 2016, n° 390641, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7767RSH)

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Le 30 Juin 2016

Le Trésor public peut, en émettant un avis à tiers détenteur (ATD), demander au débiteur d'un contribuable de lui verser, en lieu et place de ce dernier, une somme que ce tiers doit au contribuable en cause, y compris lorsque la dette du tiers envers le contribuable procède d'une décision de justice qui n'est pas encore définitive. Dans le cas où, après paiement au Trésor par le tiers, une décision de justice constate l'inexistence de tout ou partie de la dette de ce tiers envers le contribuable, il appartient au Trésor public, après avoir procédé, ainsi qu'il y est tenu, au remboursement au tiers, à due concurrence, de la somme payée au vu de l'ATD, de faire valoir ses droits auprès du contribuable défaillant afin d'obtenir le paiement de la somme restant due par celui-ci. Telle est la solution retenue par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 13 juin 2016 (CE 3° et 8° ch.-r., 13 juin 2016, n° 390641, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7767RSH). En l'espèce, tirant les conséquences d'un arrêt ayant diminué le montant de la condamnation civile mise à la charge de tiers, le Trésor public a, d'une part, restitué la somme aux tiers et, d'autre part, demandé à la SCI requérante, par une mise en demeure valant commandement de payer, de lui payer cette même somme en règlement des droits et pénalités dont elle demeurait redevable envers l'Etat. La SCI a alors demandé la décharge de l'obligation de payer cette somme, ce qu'a refusé la Haute juridiction au cas présent. En effet, l'ATD notifié à la société tiers avait eu seulement pour conséquence de transférer à l'Etat la propriété de la créance détenue sur elle par la SCI et non d'éteindre définitivement la dette fiscale de celle-ci. Ainsi, à la suite de la réduction judiciaire du montant de la condamnation mise à la charge des tiers, et au reversement de cette somme par le Trésor public aux tiers, l'administration pouvait légalement mettre en demeure la SCI de payer cette somme, qui correspondait à des droits et pénalités dont celle-ci demeurait redevable envers l'Etat .

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Rel. collectives de travail

[Brèves] Du bénéfice des dispositions relatives à la reconduction des contrats à l'égard du comité d'entreprise eu égard à sa mission de contrôle ou de participation à la gestion des activités sociales et culturelles établies dans l'entreprise

Réf. : Cass. civ. 1, 15 juin 2016, n° 15-17.369, FS-P+B (N° Lexbase : A5496RTQ)

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N3321BWW

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Le 24 Juin 2016

Le comité d'entreprise qui assure, contrôle ou participe à la gestion de toutes les activités sociales et culturelles établies dans l'entreprise prioritairement au bénéfice des salariés ou de leur famille agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, en sorte que, non-professionnel, il bénéficie des dispositions de l'article L. 136-1 du Code de la consommation. (N° Lexbase : L7822IZQ). Telle est la solution dégagée dans un arrêt rendu le 15 juin 2016 par la première chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 15 juin 2016, n° 15-17.369, FS-P+B N° Lexbase : A5496RTQ).
En l'espèce, le 27 avril 2011, le comité d'entreprise de la société X a conclu avec la société Y, aux droits de laquelle vient la société Z, un contrat tacitement reconductible lui donnant accès à une offre culturelle en ligne. Il a, le 24 avril 2013, notifié la résiliation de ce contrat en se prévalant des dispositions de l'article L. 136-1 du Code de la consommation. Le 19 mai 2014, la société Z l'a assigné en paiement d'une somme correspondant au service annuel de la prestation convenue.
La juridiction de proximité ayant rejeté sa demande, la société Z s'est pourvue en cassation.
Cependant, en énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction rejette le pourvoi (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E1948ETC).

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Responsabilité médicale

[Brèves] Absence d'anormalité du dommage résultant des conséquences d'une intervention chirurgicale dont les effets ne sont pas notablement plus graves que les conséquences naturelles de la pathologie d'origine

Réf. : Cass. civ. 1, 15 juin 2016, n° 15-16.824, FS-P+B+I (N° Lexbase : A9421RSQ)

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N3278BWC

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Le 23 Juin 2016

La condition d'anormalité du dommage prévue par l'article L. 1142-1, II, du Code de la santé publique (N° Lexbase : L1910IEH), doit être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Dans le cas contraire, les conséquences de l'acte médical ne peuvent être considérées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible. Ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l'état de santé du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l'origine du dommage. Telle est la solution formulée par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 15 juin 2016 (Cass. civ. 1, 15 juin 2016, n° 15-16.824, FS-P+B+I N° Lexbase : A9421RSQ , voir en ce sens : CE 4° et 5° s-s-r., 15 avril 2015, n° 370309 N° Lexbase : A9515NGI). En l'espèce, après avoir subi une intervention chirurgicale destinée à remédier à des troubles du membre supérieur gauche, imputables à des lésions anatomiques, M. X a présenté un déficit complet du biceps, entraînant un taux d'atteinte permanente de 30 %. A la suite d'un avis de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) ayant, à l'issue d'une mesure d'expertise, écarté la possibilité d'une indemnisation de son dommage au titre de la solidarité nationale, M. X a assigné l'ONIAM aux fins d'obtenir une telle indemnisation. En première instance, M. X a été débouté de ses demandes et a, en conséquence, interjeté appel. La cour d'appel a rejeté sa demande au motif que la condition d'anormalité du dommage, telle que prévue par l'article L. 1142-1 du Code de la santé publique, n'était pas remplie (CA Lyon, 17 février 2015, n° 13/08300 N° Lexbase : A5224NB4). M. X a formé un pourvoi à l'appui duquel il soutenait que la condition d'anormalité du dommage était toujours remplie lorsque l'acte médical avait entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement ; et qu'il appartenait donc à la cour d'appel de rechercher si la monoplégie complète du bras gauche, dont il était atteint depuis l'intervention chirurgicale, constituait une conséquence notablement plus grave que l'évolution naturelle de sa maladie en l'absence d'intervention. A tort selon la première chambre civile qui, énonçant la solution précitée, et rappelant les conditions d'anormalité du dommage résultant d'un accident chirurgical, rejette le pourvoi de M. X (cf. l’Ouvrage "Droit médical" N° Lexbase : E5227E7Q).

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Sécurité sociale

[Brèves] Indemnités journalières : indemnisation en cas de prolongation de l'arrêt de travail conditionnée à la prescription de cette dernière par le médecin prescripteur de l'arrêt initial

Réf. : Cass. civ. 2, 16 juin 2016, n° 15-19.443, F-P+B+I (N° Lexbase : A1152RTT)

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N3282BWH

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Le 23 Juin 2016

Au regard de l'article L. 162-4-4 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L1381GUP), en cas de prolongation d'un arrêt de travail, l'indemnisation n'est maintenue que si la prolongation de l'arrêt est prescrite par le médecin prescripteur de l'arrêt initial ou par le médecin traitant, sauf impossibilité dûment justifiée par l'assuré et à l'exception des cas définis par l'article R. 162-1-9-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L7997G7C). Telle est la solution retenue par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 16 juin 2016 (Cass. civ. 2, 16 juin 2016, n° 15-19.443, F-P+B+I N° Lexbase : A1152RTT).
En l'espèce, M. X s'est vu prescrire par un autre médecin une prolongation de son arrêt de travail initial délivré par un praticien du centre hospitalier de la côte basque. Pour faire droit à sa demande d'indemnisation, le tribunal des affaires de Sécurité sociale retient notamment que l'intéressé justifiait de son "impossibilité" conformément à l'article L. 162-4-4 du Code de la Sécurité sociale dans la mesure où le protocole mis en place par son club l'invitait à consulter dès le lendemain du match le cabinet S. avec lequel avait été passé une convention de procédure médicale, pour poser un diagnostic rapide.
La caisse primaire d'assurance maladie forme alors un pourvoi en cassation auquel la Haute juridiction accède. En énonçant le principe susvisé, la Haute juridiction casse et annule le jugement. Par des motifs impropres à caractériser l'impossibilité pour l'assuré de faire prolonger son arrêt de travail par le médecin prescripteur de l'arrêt initial ou par son médecin traitant, le tribunal a violé les textes précités (cf. l’Ouvrage "Droit de la protection sociale" N° Lexbase : E9935BXA).

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