Jurisprudence : Cass. crim., 18-01-2000, n° 99-80.318, Cassation

Cass. crim., 18-01-2000, n° 99-80.318, Cassation

A3244AUP

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COUR DE CASSATION
Chambre criminelle
Audience publique du 18 Janvier 2000
Pourvoi n° 99-80.318
Société nationale des chemins de fer français (SNCF)
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
CASSATION sur le pourvoi formé par la société nationale des chemins de fer français (SNCF), contre l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes, chambre correctionnelle, en date du 15 décembre 1998, qui, pour homicide involontaire, l'a condamnée à 50 000 francs d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-2, 221-6 et 221-7 du Code pénal, 19 de la loi du 15 juillet 1845, 591 et 593 du Code de procédure pénale
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné la SNCF pour homicide involontaire à une amende de 50 000 francs et a statué sur les intérêts civils des consorts ... ;
" aux motifs que la SNCF est tenue aux obligations de sécurité générale ; que la gare de Gallargues a été classée par la SNCF en "point d'arrêt non géré" et qu'à ce titre aucun agent ne se trouvait sur place pour assurer la surveillance de la traversée des voies par les voyageurs () ; que l'information a établi que le TER avait 11 minutes de retard et le TGV 2 ou 3 ; que Jérôme ... était l'unique voyageur descendant du TER ; que le TGV circulait à 149 km/h et que son conducteur avait actionné l'avertisseur avant le choc ; que lors du croisement le TER a pu masquer le TGV et que le bruit provoqué par le démarrage du TER a pu atténuer l'audition du signal sonore du TGV ; que la victime n'avait pas d'autre possibilité que d'utiliser le passage situé sur la voie ; que l'agent qui se trouvait dans le TER pouvait pressentir le danger du passage du TGV à une heure inhabituelle ; qu'il appartenait à la SNCF de prendre en compte le risque prévisible lié au trafic et aux retards, alors, au surplus, que la réfection des voies de circulation avait permis une progression de la vitesse et une augmentation des rythmes de passage des trains ; que la SNCF, par l'intermédiaire de ses ingénieurs et responsables locaux, avait bien évalué l'existence des dangers et pris la mesure des risques en préconisant bien avant l'accident un programme d'aménagements et plus particulièrement l'implantation d'un pictogramme au niveau du passage piétons en gare de Gallargues ; que la situation de cette gare et les accidents survenus en d'autres sites auraient dû conduire la SNCF à prendre des mesures de sauvegarde allant au besoin jusqu'à la fermeture ; que la SNCF a commis soit par elle-même, soit par ses agents qui avaient la maîtrise des décisions, des négligences, imprudences, manquements aux obligations de sécurité qui ont concouru à la réalisation de l'accident ; qu'il y a lieu de confirmer le jugement sur les sommes allouées aux parties civiles ;
" alors, d'une part, que la responsabilité pénale des personnes morales ne peut être engagée que si la loi le prévoit ; que l'homicide involontaire dans l'enceinte des gares est réprimé par l'article 19 de la loi du 15 juillet 1845, qui ne s'applique pas aux personnes morales ; qu'en condamnant néanmoins la SNCF pour homicide involontaire et en statuant sur l'action civile des ayants droit de la victime, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" alors, d'autre part, que la responsabilité pénale d'une personne morale ne peut être retenue que du fait personnel de ses organes ou représentants ; qu'en se bornant à viser les ingénieurs, responsables locaux et agents ayant la maîtrise des décisions, sans dire en quoi ils auraient été un organe ou un représentant de la SNCF, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" alors, en outre, que la caractérisation du fait personnel des organes ou représentants d'une personne morale suppose qu'ils soient nommément désignés ; qu'en restant muette sur l'identité des agents visés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" alors, enfin, subsidiairement, que l'article 19 de la loi du 15 juillet 1845 prévoit une peine d'amende maximale de 25 000 francs ; qu'en condamnant la SNCF à payer une amende de 50 000 francs, la cour d'appel a prononcé une peine dépassant le maximum légal " ;
Sur le moyen pris en sa première branche
Attendu qu'il résulte de l'arrêt confirmatif attaqué et des pièces de procédure, que l'enfant Jérôme ... a été heurté par un train à grande vitesse, en gare de Gallargues-le-Montueux, alors qu'il traversait les voies ferrées sur le passage réservé aux piétons ; qu'il est aussitôt décédé ;
Qu'à l'issue d'une information judiciaire ouverte par le ministère public contre personne non dénommée du chef d'homicide involontaire, infraction prévue et réprimée par les articles 221-6 et 221-7 du Code pénal, la SNCF, personne morale, a été renvoyée de ce chef devant le tribunal correctionnel ;
Que par l'arrêt confirmatif attaqué, la cour d'appel est entrée en voie de condamnation sur le fondement des dispositions précitées ;
Attendu qu'en faisant application des articles 221-6 et 221-7 du Code pénal, l'arrêt attaqué n'encourt pas le grief allégué ;
Qu'en effet, ces textes sont applicables lorsque la responsabilité pénale d'une personne morale est engagée, nonobstant les dispositions spéciales de l'article 19 de la loi du 15 juillet 1845 réprimant l'homicide involontaire sur les chemins de fer ou dans les gares ou stations ;
Mais sur le moyen pris en sa deuxième branche
Vu l'article 121-2 du Code pénal ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que les personnes morales ne peuvent être déclarées responsables que s'il est établi qu'une infraction a été commise, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ;
Attendu que, pour déclarer la SNCF, personne morale, coupable d'homicide involontaire, la cour d'appel retient que, par l'intermédiaire de ses ingénieurs et responsables locaux, la prévenue avait évalué les dangers existant dans les gares telles que celle où l'accident a eu lieu, et que cette situation aurait dû la conduire à prendre des mesures de sauvegarde ; que les juges en déduisent que la SNCF a commis, soit par elle-même, soit par ses agents qui avaient la maîtrise des décisions, des négligences, imprudences, manquements aux obligations de sécurité qui ont concouru à la réalisation de l'accident ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si les négligences, imprudences et manquements aux obligations de sécurité énoncés avaient été commis par les organes ou représentants de la SNCF, au sens de l'article 121-2 du Code pénal, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nîmes, en date du 15 décembre 1998 ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon.

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