La lettre juridique n°348 du 30 avril 2009

La lettre juridique - Édition n°348

Éditorial

Les Misérables II, le retour de Cosette et de Marius : entre droit moral et liberté de création

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 27 Mars 2014


"On a renoncé à me demander l'autorisation de dire mes Oeuvres sur les théâtres. On les dit partout sans me demander la permission. On a raison. Ce que j'écris n'est pas à moi. Je suis une chose publique".

Ces quelques mots de Victor Hugo auraient pu suffire à écarter tout débat sur l'appropriation par le public de l'oeuvre de l'exilé de Guernesey et, par suite, tuer dans l'oeuf toute contestation relative à une adaptation théâtrale ou cinématographique, comme celle relative à la publication d'une suite romanesque. Pourtant, malgré les voeux du grand auteur, on ne peut empêcher une certaine frilosité, voire une aversion, à l'encontre de l'écriture de telles suites ; les "gardiens du temple de la littérature française" considérant, souvent à raison, qu'elles portent atteinte à la mémoire, parfois même à la cohérence et à la philosophie de l'oeuvre originelle. C'est cette apparente contradiction sui generis née de l'exercice d'un droit moral et d'un droit de suite attachés à une oeuvre tombée dans le domaine public que les juges entendent anéantir, à travers un arrêt de la Cour de cassation du 30 janvier 2007, auquel fait écho, pour mieux en caractériser les principes, l'arrêt de la cour d'appel de renvoi du 19 décembre 2008.

La sentence est sans ambages : "sous réserve du respect du droit au nom et à l'intégrité de l'oeuvre adaptée, la liberté de création s'oppose à ce que l'auteur de l'oeuvre ou ses héritiers interdisent qu'une suite lui soit donnée à l'expiration du monopole d'exploitation dont ils ont bénéficié". Et de rappeler que "le droit moral n'est pas absolu et doit s'exprimer au service de l'oeuvre en accord avec la personnalité de l'auteur telle que révélée et exprimée de son vivant". Ainsi, la liberté de création "confère à tout un chacun la faculté de s'essayer à concevoir et à formaliser une suite, une fois l'oeuvre tombée dans le domaine public". Ite missa est ? Vraisemblablement non, comme le souligne Isabelle Camus, avocat associée du cabinet Atem, spécialisée en propriété littéraire et artistique, avec laquelle Lexbase Hebdo - édition privée générale s'est entretenu cette semaine. Des garde-fous en faveur du respect et de la fidélité à l'oeuvre originelle sont ainsi posés.

Et, pour en revenir à l'opposition entre droit moral, droit de suite et liberté de création, souvenons-nous de la polémique née, il y a une quinzaine d'année, autour de Scarlett, suite d'un monument de la littérature américaine (prix Pulitzer en 1937), Autant en emporte le vent. Une polémique à laquelle les héritiers de Margaret Mitchell tentaient de mettre fin avec la sortie, en 2007, du Clan Rhett Butler, "suite officielle" de l'oeuvre écrite en 1936. Et, un nouveau concept d'éclore, celui de "suite officielle" donc, qui tentait de faire la synthèse pratique entre la liberté de création et le droit de propriété littéraire et artistique... Ce qui relève de la cocasserie lorsque l'on sait que l'auteur des Choses vues écrivit : "Que mes descendants n'autorisent pas d'oeuvres choisies. Tout choix dans un esprit est un amoindrissement. L'eunuque est un homme dans lequel on a choisi". Nous voilà donc bien heureux que les magistrats n'aient pas suivi la voie de la "suite officielle", pour lui préférer celle d'une appréciation in concreto du respect global de l'oeuvre originelle.

Le mieux étant, encore, que l'auteur originel prévoit lui-même la suite de son Oeuvre, comme Alexandre Dumas le fit avec Vingt Ans après et Le Vicomte de Bragelonne suites non moins glorieuses des Trois Mousquetaires. Et, l'on se souviendra que Roger Nimier avait écrit, en 1962, D'Artagnan amoureux ou Cinq ans avant, sans encourir la censure : autres temps, autres moeurs... autres intérêts financiers !

Enfin, imagine-t-on rétrospectivement condamner Molière pour avoir repris, en grande partie, la trame de La marmite de Plaute à travers son Avare, ou La Fontaine pour avoir remis au goût du jour (au XVIIème siècle s'entend) la fable du Corbeau et du renard de Julien ? Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme, nous rappelle Anaxagore de Clazomènes (maxime injustement attribuée à Lavoisier ; ah ! le droit d'auteur est décidément bel et bien une vieille chimère...).

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Propriété intellectuelle

[Questions à...] Peut-on imaginer une suite aux Misérables ? Liberté de création versus respect du droit moral - Questions à Isabelle Camus, avocate associée du cabinet Atem

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par Anne Lebescond, Journaliste juridique

Le 07 Octobre 2010

"Ce que j'écris n'est pas à moi. Je suis une chose publique" (1). C'est, notamment, en ces termes que Victor Hugo introduisait, en 1878, le Congrès littéraire international de Paris. Présage des conflits à naître de l'exploitation et de l'utilisation de ses écrits, les arrêts de la Cour de cassation du 30 janvier 2007 (2) et de la cour d'appel de renvoi du 19 décembre 2008 (3), portant sur son oeuvre la plus célèbre, Les Misérables, statuèrent dans le sens du grand auteur. Ils furent rendus à l'occasion du litige qui opposait le journaliste et écrivain François Cérésa et son éditeur, la société Plon, à l'un des héritiers de l'illustre auteur. Le conflit était né à l'occasion de la publication, en 2001, de deux ouvrages se présentant comme la suite du célèbre roman : Cosette ou le temps des illusions et Marius ou le fugitif.
Pierre Hugo invoquait, en sa qualité d'héritier, le droit d'agir à l'encontre de l'éditeur pour atteinte au droit moral de l'auteur et, plus précisément, au droit au respect de l'oeuvre que protège l'article L. 121-1 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3346ADB). Il fut débouté en première instance, son action ayant été jugée irrecevable pour défaut de qualité à agir (4). Mais, en appel, il obtint un euro symbolique de dommages et intérêts, la cour d'appel de Paris ayant considéré que Les Misérables, "véritable monument de la littérature mondiale", oeuvre "à jamais achevée" procédant "d'une démarche philosophique et politique", ne pouvait pas connaître de suite (CA Paris, 4ème ch., sect. A, 31 mars 2004, n° 2003/06582, Monsieur Pierre Hugo c/ SA Plon N° Lexbase : A4585DCS). Cet arrêt fut, toutefois, censuré par la Cour de cassation au visa des articles L. 121-1, L. 123-1 (N° Lexbase : L3373ADB) du Code de la propriété intellectuelle et 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L4743AQQ). Si la Cour admet que les juges du fond aient pu accueillir l'action d'un héritier éloigné pour défendre le droit moral de l'auteur, ainsi que l'intervention volontaire de la Société des gens de lettres à l'instance, elle estime, en revanche, que la liberté de création, sous réserve du respect du droit au nom et à l'intégrité de l'oeuvre adaptée, permet de donner une suite à une oeuvre littéraire tombée dans le domaine public.

La cour d'appel de Paris, sur renvoi, a récemment mis un point final aux péripéties juridiques connues par Les Misérables et aux deux romans que l'oeuvre a inspirés. Elle a accueilli favorablement tous les principes formulés par la Haute cour et s'est livrée à un examen de chacun des ouvrages et de leurs auteurs respectifs. Pour faire la lumière sur l'issue de ce litige, Lexbase Hebdo - édition privée générale s'est entretenue avec Isabelle Camus, avocat associée du cabinet Atem, spécialisée en propriété littéraire et artistique.

Lexbase : L'arrêt de la cour d'appel de Paris du 19 décembre 2008 a été rendu sur renvoi de la Cour de cassation. Dans quel sens cette dernière a-t-elle jugé le litige qui lui était soumis ?

Isabelle Camus : La Cour de cassation, appelée à statuer sur la licéité des suites apportées aux oeuvres romanesques, s'est, tout d'abord, prononcée sur la recevabilité de l'action en réparation intentée par l'héritier du célèbre écrivain, ainsi que sur celle de l'association Société des gens de lettres de France, intervenante à l'instance. Au visa de l'article L. 121-1 du Code de la propriété intellectuelle, elle a jugé, que l'héritier est autorisé à agir en réparation du préjudice résultant de l'atteinte au droit moral post mortem de l'auteur de l'oeuvre initiale. La solution résulte de la loi : ce droit, bien qu'attaché à la personne, est perpétuel et donc transmissible à cause de mort aux héritiers de l'auteur ou à un tiers, en vertu d'un testament. Ce droit moral permet à l'auteur, de son vivant, ou à ses ayants droit, après sa mort, de lutter contre "toute déformation, mutilation ou autre modification [...] préjudiciable à l'honneur ou à la réputation" de l'auteur (5). L'exercice de ce droit moral ne doit, toutefois, pas être abusif (hypothèse d'un auteur qui ferait valoir son droit moral dans le seul but de négocier un avantage pécuniaire ou encore d'un héritier qui refuserait de divulguer l'oeuvre d'un auteur alors même que la collectivité y aurait un intérêt important). L'intervention volontaire de l'association avait, quant à elle, été déclarée recevable par les juges du fond, sur le fondement de l'article 31 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2514ADH). La solution sera confirmée par la Haute juridiction, les suites des oeuvres romanesques "étant susceptibles de porter atteinte à l'intérêt collectif de la profession".

Sur le fond de l'affaire, la Cour de cassation, rattachant la suite au droit d'adaptation, énonce que "sous réserve du respect du droit au nom et à l'intégrité de l'oeuvre adaptée, la liberté de création s'oppose à ce que l'auteur de l'oeuvre ou ses héritiers interdisent qu'une suite lui soit donnée à l'expiration du monopole d'exploitation dont ils ont bénéficié". En d'autres termes, les juges consacrent le droit de réaliser une suite, dès lors que l'oeuvre est tombée dans le domaine public. La solution est rendue au visa de l'article L. 123-1 du Code de propriété intellectuelle, qui rappelle le caractère temporaire des droits patrimoniaux et la vocation de l'oeuvre à devenir une chose commune, au sens de l'article 714 du Code civil (N° Lexbase : L3323ABP). Tant que ces droits existent, celui qui envisage de réaliser une suite (et, donc, d'adapter l'oeuvre) devra recueillir l'autorisation préalable de la part de l'auteur ou du titulaire de ces droits. En revanche, à l'expiration du monopole d'exploitation -soit après les soixante-dix années suivant l'année en cours au moment du décès de l'auteur- le principe de liberté de création prévaut. Le visa de l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme justifie, également, le sens de la décision : la liberté d'expression (dont l'une des composantes est la liberté de création) est le principe, les monopoles d'exploitation, les exceptions.

Lexbase : Est-ce à dire que toute oeuvre, une fois tombée dans le domaine public, peut faire l'objet d'une suite ?

Isabelle Camus : Toute oeuvre, une fois tombée dans le domaine publique, peut, en effet, faire l'objet d'une adaptation (donc, d'une suite). Telle est la solution de la Cour de cassation dans son arrêt du 30 janvier 2007. C'est, d'ailleurs, pour cette raison qu'elle a censuré la cour d'appel, qui avait refusé la possibilité de prévoir une suite aux Misérables. Les juges du fond avaient, en effet, estimé qu'une telle interdiction "ne pouvait constituer une atteinte au principe de la libre création puisque, en l'espèce, cette oeuvre, véritable monument de la littérature mondiale, d'une part, n'était pas un simple roman en ce qu'elle procédait d'une démarche philosophique et politique, ainsi que l'avait explicité Victor Hugo et, d'autre part, était achevée". Aucune suite ne pourrait, ainsi, être réalisée sans porter atteinte au droit moral de l'auteur. Or, selon la première chambre civile, le rôle du juge n'est pas d'apprécier "le genre ou le mérite d'une oeuvre" ou "son caractère achevé", mais d'examiner les oeuvres litigieuses et de constater si celles-ci altèrent l'oeuvre de l'auteur ou entraînent une confusion sur leur paternité. Victor Hugo l'avait, d'ailleurs, énoncé : "les hommes qui font des lois quelquefois s'y connaissent ; ils ne s'y connaissent pas en matière littéraire". La cour d'appel de renvoi reprend le principe, en des termes plus explicites encore que ceux utilisés par la Haute cour : "il n'appartient pas à la cour de conduire une analyse littéraire de ce roman mais de dégager, à partir des éléments et commentaires versés aux débats, ce qui en constitue les caractères et l'esprit", puisque, dans tous les cas, la liberté de création "prévaut quelles que soient la qualité de l'oeuvre, sa place dans le patrimoine littéraire et sa construction, quand bien même serait-elle structurée comme une progression tendue vers un accomplissement final conçu par l'auteur pour être un aboutissement ultime". Le juge n'avait aucune légitimité à apprécier la qualité littéraire d'un ouvrage et à distinguer ceux susceptibles d'être adaptés ou de faire l'objet d'une suite, de ceux qui ne le sont pas. La Cour de cassation, en 1966, avait d'ailleurs estimé, concernant l'adaptation au cinéma du Dialogue des Carmélites de Bernanos qu'"une certaine liberté pouvait être reconnue à l'adaptateur cinématographique, dont le rôle consiste à trouver, sans en dénaturer le caractère, une expression nouvelle de la substance d'une oeuvre mettant celle-ci à la portée d'un public nouveau" (6).

Pour autant, la liberté de création de l'auteur de la suite n'est pas absolue. Son usage peut être abusif et porter atteinte au droit moral de l'auteur, droit perpétuel. La Haute juridiction casse, justement, l'arrêt d'appel sur ce point : les juges du fond n'ont pas caractérisé si de telles atteintes existaient en l'espèce.

Lexbase : Quelles sont les atteintes susceptibles d'être portées au droit moral de l'auteur ? La cour d'appel de renvoi en a-t-elle caractérisées dans les suites de François Cérésa ?

Isabelle Camus : Selon les termes de la Cour de cassation, la liberté de création prévaut "sous réserve du respect du droit au nom et à l'intégrité de l'oeuvre adaptée". La cour d'appel de renvoi s'est servie de ces clefs pour déterminer si le droit moral de Victor Hugo sur son oeuvre Les Misérables avait subi des atteintes.

Les juges du fond évacuent rapidement la question du respect du droit au nom, relevant que "la présentation de la maquette de la première et de la dernière de couverture des ouvrages Marius et Cosette ne peut générer un quelconque risque de confusion dans l'esprit du lecteur non averti sur l'auteur de ces suites".

La question du respect de l'intégrité de l'oeuvre fait l'objet d'une analyse beaucoup plus approfondie de la part de la cour. Pour déterminer si aucune atteinte n'a été portée au droit moral de Victor Hugo, les juges cherchent, dans un premier temps, à savoir quel était l'avis de l'auteur sur la possibilité d'adapter ses écrits car "le droit moral n'est pas absolu et doit s'exprimer au service de l'oeuvre en accord avec la personnalité de l'auteur telle que révélée et exprimée de son vivant" (7). Ils constatent, que "la position de Victor Hugo sur la possibilité de voir ses oeuvres prolongées par d'autres auteurs qui les utiliseraient comme point de départ de leur propre travail romanesque ne peut être établie avec certitude". En effet, bien que ce dernier, notamment dans son discours d'ouverture du Congrès littéraire international de Paris, se soit beaucoup exprimé sur l'accès du public à ses romans, qu'"il voulait le plus aisé possible", et sur l'utilisation ou l'appropriation par certains des oeuvres en général, "il n'apparaît pas qu'il se soit exprimé précisément sur l'hypothèse d'une suite donnée à ses romans et spécialement aux Misérables".

Mais, quelle qu'aurait été sa position sur la question, la cour rappelle que l'auteur n'aurait pu interdire la création d'une suite à ce roman. Les juges précisent, ainsi, le contenu du droit moral sur l'oeuvre tombée dans le domaine public, en en excluant la possibilité d'interdire les suites. La volonté de l'auteur n'est, en fait, qu'un outil permettant de révéler l'existence d'une atteinte. En définissant le droit moral, la cour définit la liberté de création : elle "confère à tout un chacun la faculté de s'essayer à concevoir et à formaliser une suite, une fois l'oeuvre tombée dans le domaine public".

Le droit moral impose, en revanche, à "l'auteur de la suite d'être fidèle à l'oeuvre dont il se réclame, d'en respecter l'esprit, ce qui n'exclut pas pour autant une certaine liberté d'expression et de conception". C'est, en effet, "dans l'exercice de cette liberté que l'auteur de la suite fera oeuvre originale, en se gardant toutefois de dénaturer l'oeuvre première". Enfin, "il est indifférent que la suite s'exprime dans le même genre ou dans un genre distinct de celui de l'oeuvre dont elle se réclame". La création implique nécessairement que la personnalité de l'auteur s'exprime tant sur le fond, que sur la forme, quand bien même, elle reposerait sur une oeuvre existante. N'oublions pas que toute création s'inspire nécessairement de l'existant ; il est, effectivement, difficile d'envisager une oeuvre sans aucune influence, serait-elle infime.

L'analyse subjective portant sur la volonté de l'auteur n'apportant rien, la juridiction s'est penchée sur la question des atteintes qui auraient pu être portées à l'oeuvre des Misérables en tant que telle. La cour doit, ici, déterminer si la suite respecte les caractères et l'esprit de l'oeuvre qu'elle prolonge. Mais, encore faut-il, pour ce faire, les définir. L'un des principaux moyens soulevés par les requérants tenait à la méconnaissance du contexte social et des valeurs portées par le roman de Victor Hugo, "mais aussi et surtout, à une transformation des personnages principaux qui confine à leur inversion et change totalement la perspective de l'oeuvre". Les juges relèvent que l'oeuvre initiale "s'inscrit dans un contexte politique et social précis -celui de la Monarchie de juillet, lorsque Paris est en proie à une grande misère"- et prône une philosophie et un idéal fondé sur "l'amour que chacun porte aux autres et la force du pardon", moteur de transformation de l'Homme et de la société. L'oeuvre de François Cérésa débute là où celle de Victor Hugo se termine. L'époque est plus tardive et le contexte social, politique et économique a changé, ce qui justifie que les personnages évoluent au contact de situations nouvelles. L'auteur étant libre de faire le choix de prolonger une histoire, il ne peut lui être fait grief de ne pas explorer tous les registres de Victor Hugo, de ne pas coller à la structure de son oeuvre et aux caractères donnés à ses personnages. Quant à la "résurrection de Javert" dans la suite -qui avait beaucoup choqué l'héritier et la Société des gens de lettres, alors qu'indéniablement, il s'est suicidé dans l'oeuvre initiale-, suivie de sa métamorphose, elle n'est "susceptible que d'affaiblir la suite elle même en l'éloignant de l'oeuvre première, sans pour autant affecter en le dénaturant l'esprit général des Misérables qui ne se réduit pas en effet au destin de Javert mais embrasse un projet philosophique et social bien plus ample".

La cour d'appel de renvoi conclut, donc, à l'absence d'atteinte portée à l'intégrité de l'oeuvre initiale. Le droit moral de Victor Hugo, transmis à son héritier, ayant été préservé, la demande d'indemnisation de ce dernier est rejetée.

Lexbase : Qu'en est-il de la portée des arrêts de la Cour de cassation et de la cour d'appel de renvoi ?

Isabelle Camus : Indéniablement, ces arrêts encouragent les auteurs à s'essayer à des suites ou des adaptations d'oeuvres existantes, en décourageant les héritiers d'abuser du droit moral qui leur a été transmis en le détournant à des fins personnelles. Dans l'espèce en question, l'héritier sollicitait une réparation à hauteur de 700 000 francs (environ 106 714 euros). Même la cour d'appel initialement saisie, qui a relevé l'atteinte au droit moral, a fixé la réparation à un euro symbolique. Les intimés ont, par ailleurs, constaté que Les Misérables ont déjà fait l'objet de nombreuses adaptations au cinéma ou pour la télévision et même d'une suite publiée en 1996 par les Editions JC Lattès, dans laquelle Jean Valjean, renaît, "sans que les appelants ne s'en fussent émus", alors qu'ils condamnaient la "résurrection de Javert".

Ces arrêts sanctionnent, en réalité, le maintien artificiel de monopoles d'exploitation qui n'ont plus lieu d'être.


(1) V. Hugo, Discours d'ouverture du Congrès littéraire international de Paris, Le domaine public payant, Ed. Calmann-Lévy, 1878, p. 20.
(2) Cass. civ. 1, 30 janvier 2007, n° 04-15.543, Société Plon, FS-P+B (N° Lexbase : A7034DTP) et lire N. Baillon-Wirtz, Suite et fin (?) des Misérables, Lexbase Hebdo n° 249 du 21 février 2007 - édition privée générale (N° Lexbase : N0709BAI).
(3) CA Paris, 4ème ch., sect. B, 19 décembre 2008, n° 07/05821, Association La Société des Gens de Lettres de France et autres c/ SA Les Editions Plon (N° Lexbase : A0325ECZ).
(4) TGI Paris, 12 septembre 2001, JCP éd. G, 2001, II, 10636, note C. Caron ; A. Lucas-Schloetter, Cosette ou le temps des désillusions : de la prétendue perpétuité du droit moral en droit français, Dr. fam. 2002, chron. n° 6 : le décès de Victor Hugo étant survenu plus de 70 ans avant la consécration légale du droit moral de l'auteur (loi du 11 mars 1957), les juges parisiens avaient estimé que la demande du descendant de l'auteur devait être appréciée au regard du droit commun des successions en vigueur à la date du décès. Ce dernier devait ainsi démontrer qu'aucune renonciation à la succession n'avait eu lieu dans la ligne successorale remontant jusqu'à Victor Hugo. L'héritier ne faisant pas cette démonstration, sa demande fut rejetée.
(5) Convention de Berne du 9 septembre 1886, art. 6 bis.
(6) Cass. civ. 1, 22 novembre 1966, "Le Dialogue des Carmélites" (N° Lexbase : A6189EGC).
(7) Cass. civ. 1, 24 octobre 2000, n° 98-11.796, M. Malausséna c/ Editions Gallimard et autre (N° Lexbase : A7660AH8).

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Institutions

[Textes] Présentation du projet de loi organique relatif à l'application de l'article 61-1 de la Constitution

Réf. : Projet de loi organique relatif à l'application de l'article 61-1 de la Constitution

Lecture: 8 min

N0497BKM

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par François Brenet, Professeur de droit public à l'Université Paris VIII Vincennes Saint-Denis

Le 07 Octobre 2010

Parmi les nombreuses modifications introduites dans notre Constitution par la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008, de modernisation des institutions de la Vème République (N° Lexbase : L7298IAK), celle instaurant un mécanisme de question préjudicielle de constitutionnalité est assurément fondamentale, et cela à plus d'un titre. Politiquement, tout d'abord, l'on imagine bien que le pouvoir en place est sûrement ravi d'être parvenu à réformer le système de contrôle de constitutionnalité des lois là où ses prédécesseurs avaient malheureusement échoué, en 1990, tout d'abord, en 1993, ensuite. Au-delà de ce premier aspect, c'est, bien évidemment, sur le plan juridique que la réforme opérée est essentielle. En effet, le nouvel article 61-1 de la Constitution (N° Lexbase : L5160IBQ) dispose que, "lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé". Avec cette disposition, le pouvoir constituant vient combler un angle mort de notre contrôle de constitutionnalité des lois, et permet à notre ordre juridique de s'aligner sur la plupart de nos voisins européens.

La France, patrie des droits de l'Homme, permet enfin aux justiciables, non de saisir directement le Conseil constitutionnel, mais d'alerter le juge ordinaire sur leurs doutes quant à la constitutionnalité d'une loi promulguée, lequel juge pourra alors, s'il estime ces doutes fondés, renvoyer la question de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. Le contrôle de constitutionnalité des lois n'est donc plus seulement un contrôle a priori et abstrait pouvant être déclenché par des autorités de saisine limitativement déterminées. Il devient, également, un contrôle a posteriori (1) et concret pouvant être déclenché à la demande des requérants ordinaires, dès lors qu'ils invoquent un manquement aux droits et libertés constitutionnellement protégés (2).

L'introduction, dans notre droit, de ce mécanisme de question préjudicielle de constitutionnalité (et non d'exception d'inconstitutionnalité comme on le soutient parfois, cette appellation devant être réservée aux Etats dans lesquels la question de constitutionnalité peut être posée et réglée par tout juge, comme c'est le cas aux Etats-Unis) (3) est susceptible, à terme, de modifier profondément les relations entre les juges ordinaires et le juge constitutionnel mais, également, de changer radicalement le rôle du Conseil constitutionnel.

Fort logiquement, la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 ne pouvait pas (et ne devait pas, d'ailleurs) préciser l'ensemble des règles procédurales applicables à la nouvelle question préjudicielle de constitutionnalité. Aussi, le nouvel article 61-1 de la Constitution prévoyait-il l'intervention d'une loi organique déterminant les conditions de son application. Très attendu, ce projet de loi organique a été adopté en Conseil des ministres le 8 avril 2009, et déposé à l'Assemblée nationale le même jour où il doit être examiné dans les prochaines semaines. S'il est évident que les débats parlementaires permettront de l'enrichir, ce texte apporte déjà des précisions importantes, tant en ce qui concerne la question de constitutionnalité (I), que la réponse à cette question (II).

I - Poser la question de constitutionnalité

La question de constitutionnalité peut être posée devant une juridiction ordinaire "inférieure" (A), mais aussi directement devant les juges suprêmes que sont le Conseil d'Etat et la Cour de cassation (B). Le projet de loi organique prévoit, en effet, d'insérer après le chapitre II du titre II de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel (N° Lexbase : L0276AI3), un chapitre II bis qui distingue les deux hypothèses ici reprises.

A - Devant une juridiction ordinaire "inférieure"

Devant une juridiction ordinaire "inférieure" relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, le projet de loi prévoit que le moyen selon lequel une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution pourra être soulevé à toute hauteur de l'instance, y compris en appel. En revanche, la question ne pourra pas être relevée d'office par le juge. Cela signifie, très concrètement, que le juge ordinaire ne se livrera pas à un examen systématique de la constitutionnalité de la loi promulguée, il ne le fera qu'à la demande du requérant.

La matière pénale présente ici quelques particularités. Si la question de constitutionnalité pourra être soulevée au cours de l'instruction, celle-ci sera portée devant la Chambre de l'instruction, ni le juge de l'instruction, ni le juge des libertés et de la détention n'ayant le pouvoir d'annuler un acte ou une pièce de la procédure d'instruction. A cette première spécificité s'en ajoute une autre, tenant à l'impossibilité de soulever une question de constitutionnalité devant la Cour d'assises. Cela s'explique, évidemment, par la composition particulière de cette juridiction pénale et par le souci de ne pas perturber le procès criminel par des questions de droit et de procédure. Il ne faut, toutefois, pas en déduire que la personne poursuivie pour crime ne pourra pas bénéficier des vertus du nouveau dispositif. Elle pourra le faire en amont du procès pénal, au cours de la phase d'instruction. Elle pourra, également, le faire en aval du procès pénal puisque le projet de loi organique prévoit que la question de constitutionnalité pourra être posée, en cas d'appel, au moment de la déclaration d'appel. Dans ce dernier cas, cette question sera alors transmise à la Cour de cassation, qui l'examinera avant l'ouverture du procès d'assises en appel.

Permettre à un requérant ordinaire de poser la question de constitutionnalité d'une loi promulguée est, de toute évidence, une avancée remarquable en termes de protection des droits fondamentaux et de respect de l'Etat de droit. Il reste que le projet de loi organique ne néglige pas le risque qu'il peut y avoir à ce que la question de constitutionnalité soit posée à des fins dilatoires, c'est-à-dire pour repousser une échéance judiciaire. Pour éviter qu'un tel scénario ne se produise, le projet de loi organique oblige la juridiction saisie de la question de constitutionnalité à examiner trois points.

Il lui appartiendra, tout d'abord, de s'assurer que la disposition contestée commande l'issue du litige, la validité de la procédure, ou constitue le fondement des poursuites. Il lui appartiendra, également, de s'assurer que la disposition contestée n'a pas été préalablement déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Il lui reviendra, enfin, d'apprécier le caractère sérieux de la question. C'est seulement si la réponse à ces trois questions est positive que la juridiction devra alors transmettre la question de constitutionnalité à la juridiction suprême dont elle relève. Dans tous les cas, la décision de transmettre la question ne sera pas susceptible de recours. La partie adverse pourra, néanmoins, faire valoir ses droits en soutenant devant le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation que les conditions fixées par la loi organique ne sont pas réunies.

La décision de transmettre la question se traduit automatiquement par un sursis à statuer jusqu'à la décision du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation et, s'il a été saisi, jusqu'à la décision du Conseil constitutionnel. Dans le premier cas, la durée du sursis sera limitée à trois mois, tandis qu'elle sera limitée à six mois en cas de saisine du juge constitutionnel. Le projet de loi organique tient compte du fait que le prononcé du sursis à statuer peut, dans certaines hypothèses, porter atteinte au fonctionnement normal de la justice. Ainsi prévoit-il que le cours de l'instruction ne sera pas suspendu par la transmission de la question de constitutionnalité, et que le juge pourra toujours prendre des mesures provisoires ou conservatoires. Plus encore, lorsque cela sera strictement nécessaire, notamment lorsque la transmission de la question peut avoir des conséquences irrémédiables pour les droits d'une partie, la juridiction saisie aura le pouvoir de statuer sur les points devant être immédiatement tranchés.

Malgré ces précautions, il va de soi que les délais d'examen de la question de constitutionnalité (trois mois pour le Conseil d'Etat et la Cour de cassation, et six mois pour le Conseil constitutionnel) sont difficilement conciliables avec certaines procédures juridictionnelles imposant au juge de statuer dans un délai déterminé (l'on pense, par exemple, aux procédures d'urgence devant le juge administratif, ou aux demandes de mise en liberté des personnes placées en détention provisoire devant le juge judiciaire). Pour cette raison, le projet de loi organique organise la possibilité, dans ces hypothèses, de poser la question de constitutionnalité, sans pour autant prononcer le sursis à statuer.

B - Devant la Cour de cassation ou le Conseil d'Etat

La question de constitutionnalité sera nécessairement posée devant la Cour de cassation ou le Conseil d'Etat, soit parce qu'elle leur aura été transmise par une juridiction inférieure (cf supra), soit parce qu'elle aura été posée, pour la première fois, devant eux par un justiciable. Dans les deux cas, les juridictions suprêmes joueront le rôle de filtre, et il leur appartiendra donc de vérifier la réalisation des conditions précitées.

La question de constitutionnalité pourra donc être soulevée pour la première fois devant le Conseil d'Etat, statuant comme juge de cassation, comme juge d'appel, ou comme juge de premier et dernier ressort, ou devant la Cour de cassation.

Alors que les différentes formations du Conseil d'Etat statuant au contentieux pourront se prononcer et, éventuellement, décider de transmettre la question au Conseil constitutionnel, le projet de loi organique prévoit l'institution d'une formation nouvelle devant la Cour de cassation. Celle-ci sera composée du premier président, des présidents des chambres et de deux conseillers appartenant à chaque chambre spécialement concernée. Cette nouvelle chambre aura vocation prioritaire à examiner les questions de constitutionnalité soulevées, mais le premier président pourra toujours décider de renvoyer la question devant une formation restreinte (composée de lui, du président, et d'un conseiller de la chambre concernée).

Le projet de loi organique ne règle malheureusement pas toutes les questions. Il ne dit rien, par exemple, de la question de constitutionnalité qui pourrait être posée devant le Tribunal des conflits. Même si ce dernier n'a pas vocation à se prononcer sur le fond, mais seulement sur la compétence, il serait finalement regrettable de ne pas permettre à un requérant de soulever la question de constitutionnalité devant lui. Dans le même ordre d'idées, le projet de loi organique ne règle pas la question de savoir si la question de constitutionnalité pourra être posée directement devant le Conseil constitutionnel statuant en tant que juge électoral.

II - Répondre à la question de constitutionnalité

C'est un mécanisme de question préjudicielle de constitutionnalité, et non d'exception d'inconstitutionnalité, que la loi du 23 juillet 2008 a introduit au nouvel article 61-1 de la Constitution. En effet, les juridictions inférieures et les juridictions suprêmes ne disposent pas du pouvoir de se prononcer sur la constitutionnalité de la loi promulguée, et la jurisprudence "Arrighi" du Conseil d'Etat (4), récemment réaffirmée (5), conserve donc toute son actualité. Ce pouvoir reste "le monopole du Conseil constitutionnel" (6).

Une fois saisie de la question, le Conseil constitutionnel devra respecter certaines règles procédurales. Il devra, tout d'abord, informer le Président de la République, le Premier ministre, et les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat de sa saisine. Cette obligation s'explique par le fait que ces autorités pourront alors formuler des observations au Conseil constitutionnel. Il devra, ensuite, assurer le contradictoire et le caractère public de la procédure.

Il appartiendra au Conseil constitutionnel de rendre sa décision dans un délai de trois mois. Celle-ci sera alors notifiée aux parties et communiquée au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, ainsi qu'à la juridiction devant laquelle la question aura été préalablement soulevée. Elle sera, également, notifiée au Président de la République, au Premier ministre et aux présidents des assemblées, et sera publiée au Journal officiel.

Il faut ici rappeler, même si ce n'était pas l'objet de la loi organique annoncée par l'article 61-1 de la Constitution, qu'une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de cet article est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Il revient, alors, au Conseil constitutionnel de déterminer les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause.


(1) Doit-on rappeler qu'il existait déjà une forme de contrôle a posteriori et abstrait depuis l'admission en 1985, par le Conseil constitutionnel, d'un contrôle de constitutionnalité des lois promulguées à l'occasion du contrôle a priori d'une loi en modifiant, en complétant ou en affectant le domaine (Cons. const., Décision n° 85-187 DC du 25 janvier 1985, Loi relative à l'état d'urgence en Nouvelle-Calédonie N° Lexbase : A8109ACC).
(2) Il s'agit donc d'un contrôle de constitutionnalité a posteriori matériellement limité. Il ne sera pas possible, par exemple, d'invoquer la violation d'une règle procédurale constitutionnelle.
(3) T. Renoux, L'exception, telle est la question, RFDC, 1990, p. 651.
(4) CE, 6 novembre 1936, Arrighi, Rec. CE, p. 966.
(5) CE 7° s-s., 31 décembre 2008, n° 318461, M. Legros (N° Lexbase : A1505ECQ), AJDA, 2009, p. 148, chron. S.-J. Liéber et D. Botteghi ; CE 4° et 5° s-s-r., 5 janvier 2005, Mlle Deprez (N° Lexbase : A2306DGI), Rec. CE, p. 1, AJDA, 2005, p. 845, note L. Burgorgue-Larsen, RFDA, 2005, p. 56, note B. Bonnet.
(6) M. Verpeaux, Question préjudicielle et renouveau constitutionnel, AJDA, 2008, p. 1879, et spéc., p. 1885.

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Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Chronique] Chronique TVA - avril 2009

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par Thierry Lambert, Professeur à l'université Paul Cézanne - Aix Marseille 3

Le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité en matière de TVA réalisée par Thierry Lambert, Professeur à l'Université Paul Cézanne - Aix Marseille 3. Cette chronique revient, d'abord, sur la question de l'option d'assujettissement pour des locaux nus donnés en location, avec un arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 4 mars 2009 (CE 3° et 8° s-s-r., 4 mars 2009, n° 296470, SARL Leimmo). Elle traite, ensuite, d'un arrêt rendu par la Haute juridiction administrative le 5 février 2009, à propos de l'exonération de la location de logements pour étudiants (CE 3° et 8° s-s-r., 5 février 2009, n° 307077, Société Distex). Enfin, cette chronique revient sur un arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Lyon, au sujet des conditions d'exonération d'une acquisition intracommunautaire d'un véhicule d'occasion (CAA Lyon, 2ème ch., 8 janvier 2009, n° 05LY01908, M. Didier Gagnol).
  • Option d'assujettissement pour des locaux nus donnés en location (CE 3° et 8° s-s-r., 4 mars 2009, n° 296470, SARL Leimmo N° Lexbase : A5742EDZ)

En droit, l'option peut se définir comme la faculté de choisir entre diverses propositions.

La location d'immeubles nus est exonérée de TVA par l'article 261 D-2° du CGI (N° Lexbase : L7826HWR). Celle-ci s'applique à toutes les opérations de locations dès lors qu'elles s'analysent en des opérations de caractère civil.

Les locaux nus s'entendent des locaux qui ne sont pas munis de l'essentiel des équipements immobiliers et mobiliers et du matériel nécessaires à l'exploitation à laquelle ils sont destinés. Il en va ainsi des locaux munis d'équipements et du matériel utile à une activité qui n'est pas celle du preneur et dépourvus de ceux indispensables à l'activité de ce dernier (CAA Lyon, 5ème ch., 23 octobre 2003, n° 98LY00407, SA ICG N° Lexbase : A6231DD7, RJF, 2004, 10, comm. 981).

Toutefois, l'article 260-2° du CGI (N° Lexbase : L5223HLZ) ouvre la possibilité aux personnes qui donnent en location des locaux nus, dans des conditions qui sont définies par ce texte, d'acquitter sur leur demande la TVA lorsque le bail fait mention de l'option par le bailleur. Il ne faut pas que ces locaux soient destinés à l'habitation ou à un usage agricole.

L'option peut porter sur des locaux que les preneurs utilisent pour les besoins de leurs activités situées dans le champ d'application de la TVA, que ces activités soient imposées ou non, comme de celles qui sont hors du champ d'application de la taxe (instruction du 15 octobre 2004, BOI 3 A-6-04 N° Lexbase : X4169ACE). L'option est possible, par exemple, pour les locaux à usage de bureaux donnés en location à une collectivité locale qui les utilise pour des activités non soumises à la TVA en application de l'article 256 B du CGI (N° Lexbase : L5161HLQ).

A suivre la jurisprudence, pour être valablement exercée, l'option nécessite une déclaration expresse. Le fait pour le bailleur d'avoir effectivement facturé, déclaré et acquitté la TVA ne vaut pas option (CE, 9° et 8° s-s-r., 22 juillet 1977, n° 96598, Société des Dhuits N° Lexbase : A5335B84, RJF, 1977, 10, comm. 539). L'article 195 de l'annexe II au CGI (N° Lexbase : L0763HNL), qui renvoie au 1° de l'article 286 du CGI (N° Lexbase : L5564HLN), exige l'utilisation d'un modèle de déclaration d'option fourni par l'administration.

A l'occasion d'une vérification de comptabilité, l'administration a contesté l'option en faveur de la TVA, en application du 2° de l'article 260 du CGI, exercée par une société au motif qu'il s'agissait, au cas particulier, d'une activité de location de locaux nus. En conséquence de quoi l'administration a remis en cause des crédits de TVA.

Les requêtes formées par la société ont été rejetées tant par le tribunal administratif d'Amiens que par la cour administrative d'appel de Douai (CAA Douai, 3ème ch., 8 juin 2006, n° 05DA00853, SCI Coquimmo N° Lexbase : A5570DQD). Il restait à la société à se pourvoir en cassation.

Il résulte de ces dispositions, prises dans le cadre de la faculté ouverte aux Etats membres par l'article 13 C de la 6ème Directive-TVA du 17 mai 1977 (N° Lexbase : L9279AU9), pour déterminer les modalités de l'option pour la TVA, que la validité d'une option formulée par le propriétaire de locaux qu'il destine à la location n'est assurée qu'à compter de la date à laquelle sont souscrits, aux fins de location immédiate ou future, des engagements contractuels de nature à établir la conformité de l'opération avec ces dispositions.

D'un point de vue communautaire, la location peut se définir comme étant l'opération consistant à conférer à une personne, pour une durée convenue et contre rémunération, le droit d'occuper un immeuble comme si elle en était propriétaire et d'exclure toute autre personne du bénéfice de ce droit (CJCE, 18 novembre 2004, aff. C-284/03, Temco Europe SA N° Lexbase : A9123DDA, RJF, 2005, 2, comm. 206). La location au sens de la 6ème Directive-TVA englobe la sous-location.

La jurisprudence considère, de façon constante et depuis fort longtemps, que, pour être valablement exercée, l'option visée par l'article 260-2° du CGI, nécessite une déclaration expresse, le fait pour le bailleur d'avoir effectivement facturé, déclaré et même acquitté la TVA ne valant pas option (CE, 22 juillet 1977, n° 96598 précité, RJF, 1977, 10, comm. 539). L'option déclarée avant la signature du bail doit être regardée comme ayant été valablement exercée à la date de prise d'effet de celui-ci (CAA Nancy, 2ème ch., 11 mars 1999, n° 94NC01417, SCI GRG N° Lexbase : A6244BGD, RJF, 1999, 7, comm. 850). Elle est subordonnée à la mise en location effective des locaux (CE Plénière, 21 décembre 1979, n° 13230, SA Crédit Foncier Immobilier N° Lexbase : A9631AIK, RJF, 1980, 2, comm. 104).

L'option pour la TVA prévue pour les locations de locaux nus à usage professionnel ne prend effet qu'à la date de souscription des engagements contractuels aux fins de location, immédiate ou future de ces locaux (CE 9° et 10° s-s-r., 13 janvier 2006, n° 253404, SCI Les Alizés N° Lexbase : A5278DMG, RJF, 2006, 4, comm. 366). Toutefois, l'administration autorise les bailleurs ayant opté pour la taxation des loyers de locaux nus à usage professionnel à exercer leur droit à déduction immédiatement même s'ils n'ont pas encore conclu de baux ou perçu de loyers (lettre DLF, 20 juin 2006).

En l'espèce, il est fait état d'une promesse de bail lors de l'acquisition de locaux aux fins d'en faire un gîte rural. Mais, le permis de construire ne prévoyait qu'un usage d'habitation et rien ne permet d'affirmer qu'il existait un projet d'activité économique. En conséquence, la Haute assemblée considère que l'objet du litige porte sur une location de locaux nus à usage d'habitation.

Rappelons que l'option prévue par l'article 260-2° du CGI pour l'assujettissement à la TVA de la location de locaux nus à usage professionnel doit, conformément à l'article 193 de l'annexe II du CGI (N° Lexbase : L4033IAM), être distinctement exercée pour chaque immeuble par les personnes qui en donnent plusieurs en location.

A noter que, depuis le 1er janvier 2007, toutes les locations de locaux nus ou meublés consenties, par bail commercial ou non, aux exploitants d'un établissement d'hébergement sont soumises à la TVA, même si le preneur exploitant bénéficie, à un autre titre, d'une exonération ou est un non-assujetti (instruction 23 janvier 2007, BOI 3 A-1-07 N° Lexbase : X8044ADB).

  • Exonération en matière de location de logements pour étudiants (CE 3° et 8° s-s-r., 5 février 2009, n° 307077, Société Distex N° Lexbase : A9338ECT)

A l'occasion d'une vérification de comptabilité, portant sur la période du 1er janvier 1993 au 30 juin 1996, l'administration a contesté l'assujettissement à la TVA d'une société pour son activité de location meublée.

La société donnait en location quatre-vingt quatorze studios destinés aux étudiants. Un seul employé était affecté au gardiennage, à l'accueil et à l'entretien. Les résidents pouvaient prendre leur petit déjeuner en utilisant un automate qui distribue boissons et croissants. Les résidents pouvaient se procurer du linge de maison, sans que ceci soit précisé dans les contrats de location, et bénéficier de diverses prestations. Ces éléments ont permis au Conseil d'Etat de conclure que ces prestations ne sont pas identiques à celles proposées dans les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle.

La location visée par le 2° de l'article 261 D du CGI s'entend de la concession faite à un preneur, pour une durée et moyennant une rémunération convenues, du droit d'occuper des locaux à titre exclusif, quelle que soit la qualité en laquelle le donneur a la faculté d'accorder ce droit (CE 9° et 10° s-s-r., 16 novembre 2005, n° 257532, SCI Genty Immobilier N° Lexbase : A6281DL9, RJF, 2006, 2, comm. 130).

Les dispositions du B b §1 de l'article 13 de la 6ème Directive-TVA imposent aux Etats membres de maintenir en dehors du champ de l'exonération prévue en ce qui concerne, notamment, les locations de logements meublés celles d'entre elles qui correspondent à des opérations d'hébergement, soit hôtelières, soit assimilables à ces dernières. Ceci ne s'oppose pas à ce que soient taxables, au titre des opérations d'hébergement effectuées dans le cadre de secteurs ayant une fonction analogue au secteur hôtelier, les opérations d'hébergement de courte durée de personnes autres que les proches (CJCE, 12 février 1998, aff. C-346/95, Elisabeth Blasi N° Lexbase : A0307AWB, RJF, 1998, 4, comm. 522).

Retenons que la Cour de justice des Communautés européennes affirme que la notion communautaire de location de biens immeubles a un caractère autonome par rapport aux droits civils des Etats membres et invite le juge national à rechercher les éléments caractéristiques de l'opération, sans s'arrêter à la qualification donnée par les parties dans le contrat (CJCE, 18 novembre 2004, aff. C-284/03, Temco europe SA N° Lexbase : A9123DDA, RJF, 2005, 2, comm. 206).

Le Conseil d'Etat a déclaré les dispositions de l'article 261 D-4° b du CGI incompatibles avec la 6ème Directive-TVA car celui-ci subordonne l'assujettissement des locations de logements meublés à la fourniture de prestations cumulatives accessoires (CE 9° et 10° s-s-r., 20 novembre 2002, n° 229671, Minefi c/ Mutuelle de Santé N° Lexbase : A0767A48, RJF, 2003, 2, comm. 164). Toutefois, il appartient toujours au juge d'apprécier si une location peut être ou non assimilée à une activité hôtelière.

Chaque Etat membre fixe les critères utiles à la distinction entre la location d'un logement meublé susceptible d'être exonérée et la mise à la disposition d'un tel logement dans des conditions s'apparentant à un hébergement hôtelier et, de ce fait, obligatoirement soumise à la TVA. Ces critères doivent être de nature à garantir que ne soient exonérés de la taxe que des assujettis dont l'activité ne remplit pas les fonctions essentielles d'une entreprise hôtelière (TA Grenoble, 22 mars 2001, n° 99-476, Claret, RJF, 2001, 10, comm. 1212). Il faut faire une application du principe général d'application de la TVA qui veut que les exonérations sont d'interprétation stricte, alors que les exceptions aux dérogations sont, au contraire, d'interprétation large. Autrement dit, un Etat membre peut restreindre la portée d'une exonération, mais il ne peut pas l'élargir.

Des locations meublées consenties dans une résidence pour étudiants moyennant des baux à l'année ne constituent pas une activité assimilable à une activité hôtelière entrant dans le champ d'application de la TVA (TA Rennes, 30 mai 2002, n° 98-243, SARL Phipi, RJF, 2003, 2, comm. 165).

La cour administrative d'appel de Nantes a jugé que n'entre pas dans le champ d'application de l'exception à l'exonération de TVA des locations meublées consenties par bail commercial à l'exploitant d'un hôtel de tourisme classé, la location de chambres meublées consentie à un exploitant d'hôtel qui met ces locaux à la disposition de son personnel (CAA Nantes, 1ère ch., 12 mars 2003, n° 98NT02361, Minefi c/ Sarl Courtimmo N° Lexbase : A0125C9I, RJF, 2003, 7, comm. 827). La cour a considéré qu'il était impossible d'assimiler à des prestations d'hôtellerie la fourniture de logements meublés, au surplus gratuite, par l'hôtelier à son personnel.

Enfin, un point mérite d'être signalé : l'administration s'est fondée sur la réalité des prestations offertes par la société sans pour autant remettre en cause les contrats qu'elle avait conclus avec les locataires. En conséquence, le Conseil a jugé que l'administration ne s'était pas placée, même implicitement, sur le terrain de l'abus de droit.

L'article 18 de la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002, de finances rectificative pour 2002 (N° Lexbase : L9372A8M) a redéfini les critères d'assujettissement à la TVA des locations meublées. Seules sont imposables :

1 - les prestations d'hébergement fournies dans les hôtels de tourisme classés ;
2 - les prestations d'hébergement fournies dans les villages de vacances classés ou agréés ;
3 - les prestations d'hébergement fournies dans les résidences de tourisme classées lorsque celles-ci sont destinées à l'hébergement des touristes et sont louées par un contrat d'une durée d'au moins neuf ans à un exploitant ayant souscrit un engagement de promotion touristique à l'étranger ;
4 - les maisons de retraite, les résidences pour étudiants, les gîtes ruraux, les chambres d'hôtes, les maisons et appartements quand l'exploitant, ou son mandataire, offre des conditions similaires à celles proposées par les établissements hôteliers professionnels ;
5 - la location de locaux nus, meublés ou garnis consentie à l'exploitant d'un établissement d'hébergement susmentionné ;
6 - les prestations fournies dans les villages résidentiels de tourisme s'ils sont loués par un contrat d'une durée au moins égale à neuf ans par un exploitant, ces villages doivent s'inscrire dans une opération de réhabilitation de l'immobilier de loisirs (C. urb., art. L. 318-5 N° Lexbase : L2391ATQ).

  • Condition d'exonération d'une acquisition intracommunautaire d'un véhicule d'occasion (CAA Lyon, 2ème ch., 8 janvier 2009, n° 05LY01908, M. Didier Gagnol N° Lexbase : A5031EDP)

Ils sont nombreux les contribuables qui, comme M. G., achètent un véhicule au Portugal, ou dans un autre pays de l'Union européenne, par l'intermédiaire d'une société spécialisée à cet effet. L'objectif des acheteurs est de chercher à bénéficier du statut d'acquéreur d'un véhicule d'occasion et d'échapper ainsi à la TVA.

Le principe en la matière est connu. Lorsqu'une personne résidant ou établie en France achète un moyen de transport neuf dans un autre Etat membre de l'Union européenne, elle est redevable en France de la TVA sur son acquisition. A l'inverse, les livraisons de ces biens expédiés de France ou transportés dans un autre Etat membre sont exonérées de la TVA française.

Tout acquéreur d'un moyen de transport en provenance d'un autre Etat membre de l'Union européenne est tenu de faire viser par l'administration fiscale un certificat attestant que celui-ci est en situation régulière au regard de la TVA. Cette obligation s'impose, y compris pour l'acquisition d'un véhicule d'occasion.

La cour administrative d'appel de Lyon apporte une précision intéressante quant à la date à prendre en considération pour l'acquisition intracommunautaire d'un véhicule. En effet, elle a jugé qu'il convient de retenir celle de la livraison en France, quand bien même celle-ci aurait lieu au siège de l'établissement qui s'est entremis au nom et pour le compte de l'acquéreur, qui est le redevable légal.

Est considérée comme une acquisition intracommunautaire, l'obtention du pouvoir de disposer comme propriétaire d'un bien meuble corporel expédié en France par le vendeur à destination de l'acquéreur à partir d'un Etat membre (CGI, art. 256 bis N° Lexbase : L5651H98). En outre, le fait générateur de la TVA intervient au moment où la livraison de l'acquisition intracommunautaire du bien est faite (CGI, art. 269 N° Lexbase : L7828HWT).

Dans l'espèce qui nous occupe, M. G. a acheté au Portugal, par l'intermédiaire d'une société spécialisée, un véhicule qui a été soumis au taux de TVA (12 %) du pays d'origine. Il ressort de l'affaire que le véhicule a été mis en service le 20 décembre 1999, puis livré en France, au mandataire, le 10 avril 2000. L'acheteur, arguant du fait qu'il n'a pris possession du véhicule que le 29 juillet 2000, soutient qu'il s'agit d'un véhicule d'occasion, au sens de l'article 298 sexies CGI (N° Lexbase : L5758HLT), qui ne doit pas être soumis à la TVA. L'administration fiscale, pour sa part, considère, au contraire, qu'il s'agit d'un véhicule neuf à la date de livraison qui doit être imposé à la TVA.

Il appartient au redevable de la TVA, qui se prévaut de l'exonération, d'apporter par tous moyens la preuve que le bien a été effectivement expédié ou transporté sur le territoire d'un autre Etat membre de l'Union européenne. Cette preuve peut résulter d'un faisceau d'indices et de documents (CAA Bordeaux, 4ème ch., 22 janvier 2004, n° 01BX00634, Société Garage Etoile 86 N° Lexbase : A2486DBP, RJF, 2004, 5, comm. 467).

La cour administrative d'appel considérant que le véhicule a été livré au mandataire, intermédiaire transparent, moins de six mois après sa première mise en circulation, l'administration était fondée à appliquer l'article 298 sexies CGI et à soumettre l'opération à la TVA.

La cour, en outre, se refuse à donner une portée rétroactive à une réponse ministérielle du 7 juillet 2005 (QE n° 16832 de Philippe Richert, réponse publiée au JO Sénat, 7 juillet 2005, p. 1825 N° Lexbase : L8246G9B), c'est-à-dire après la mise en recouvrement de l'imposition concernée. Il faut souligner que cette réponse ministérielle fixe les choses de la façon suivante : au sens du droit communautaire, constituent des moyens de transports neufs les véhicules terrestres ou à moteur dont la livraison est effectuée dans les six mois suivant la première mise en service ou qui ont parcouru moins de 6 000 kilomètres. Ces principes sont aujourd'hui repris sous l'article 298 sexies, III-2-b, du CGI (N° Lexbase : L5758HLT). En conséquence, les véhicules qui ne répondent pas à ces critères sont considérés comme des biens d'occasion soumis à la taxe dans le pays de départ. En pratique, l'administration veille à ce que seules soient imposées en France les acquisitions intracommunautaires portant sur des moyens de transport qui ont été mis à la disposition de l'acquéreur moins de six mois après leur première mise en circulation.

Enfin, elle n'accorde, à juste titre, aucun crédit à l'argument du contribuable selon lequel un contribuable placé dans une situation analogue aurait bénéficié d'un abandon du rappel de droits mis à sa charge.

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Bancaire

[Jurisprudence] Les distorsions du temps bancaire

Réf. : Cass. com., 24 mars 2009, n° 08-12.530, Mme Béatrice Pascual, FS-P+B (N° Lexbase : A2120EEA)

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par Alexandre Bordenave, Avocat au Barreau de Paris, Chargé d'enseignement à l'Ecole Normale Supérieure de Cachan

Le 07 Octobre 2010

"Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre. [...] Il y eut un soir, et il y eut un matin : ce fut le premier jour" (1). C'est en ces termes que la Bible associe intrinsèquement le temps et le monde ; cela demeure vérifié, quelle que soit l'origine qu'on choisit de lui attribuer (2). Partant, la maîtrise du monde par l'Homme est aussi une maîtrise du temps, laquelle repose sur son organisation, sa normalisation. Ces règles (de droit) applicables au temps sont synthétisées dans un calendrier dont l'intérêt est de repérer des dates.
En la matière, l'époque actuelle voit la majeure partie du monde faire référence au calendrier grégorien (3), construit en se basant sur une durée de révolution de la Terre autour du Soleil d'environ 365,24 jours (4) de 24 heures. A l'instar de toute norme juridique, et même si elle est d'un genre particulier, la règle de calendrier n'a rien d'universel : elle est variable dans le temps, comme dans l'espace. Ainsi, le calendrier grégorien n'est entré en vigueur dans le monde chrétien qu'à compter de 1582, en remplacement du calendrier julien. Depuis lors, il a fait l'objet de contestations, notamment liées à son caractère chrétien : un exemple célèbre est sa mise à l'index par la Révolution française une douzaine d'années durant au profit du calendrier républicain, avant que le sénatus-consulte du 22 fructidor an XIII (qui correspond au 9 septembre 1805) ne le restaure à compter du 1er janvier 1806. Aujourd'hui encore, des systèmes alternatifs demeurent -comme le calendrier hégirien (5)- ou sont parfois proposés (6). Curieusement, le monde bancaire et financier résiste encore -certes, marginalement- au calendrier grégorien ; pour de pures raisons pratiques et certainement parce que "le temps réel échappe aux mathématiques" (7). On peut penser, notamment, au calendrier dit "TARGET" (8) qui donne la mesure sur le marché monétaire en euro, en fixant une liste commune de jours non ouvrés. Sans doute plus remarquable et sensible pour l'usager profane du système bancaire est l'usage perpétué par les établissements de crédit de ramener l'année bancaire à une année théorique de 360 jours afin de simplifier un certain nombre de calculs (9).

Pour le banquier prêteur, le temps constitue un actif (10), grâce au principe de l'intérêt. Evidemment, c'est aussi un risque qu'il lui faut savoir gérer (en se faisant constituer des sûretés, par exemple). Surtout : pour le client emprunteur, le temps est un coût ; son écoulement vient alourdir le prix du financement obtenu. C'est en ce sens que l'ordre public économique de protection se doit d'appréhender la question du temps bancaire, notamment s'agissant de la durée de l'année retenue pour calculer la charge d'endettement et, plus généralement, les coûts des services bancaires.

La jurisprudence de la Chambre commerciale de la Cour de cassation fait apparaître que l'année bancaire est à durée variable, selon ce qui est considéré : si en matière de taux effectif global (TEG), l'année bancaire doit invariablement correspondre à l'année civile (grégorienne, donc) (I), elle peut être d'une durée différente en matière de taux d'intérêt conventionnel (II).

I - Le caractère impératif de l'année civile en matière de taux effectif global

Par nature, grossièrement, le TEG est un instrument destiné à éclairer le consentement du consommateur de services bancaires (A), pour cette raison le seul temps qui peut lui être appliqué doit être celui que constitue une référence universelle (B).

A - Le taux effectif global, institution de formalisme informatif

Les dispositions de l'article L. 313-2 du Code de la consommation (N° Lexbase : L1518HI3) (11) imposent, que "dans tout écrit constatant un contrat de prêt", soit mentionné le "taux effectif global" qui consiste en l'addition du taux d'intérêt conventionnel et des "frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels" (12).

L'objet du TEG est de délivrer l'emprunteur de sa rationalité limitée, mise en lumière par l'économiste Herbert Simon : il s'agit de favoriser la clarté de l'information délivrée à l'emprunteur et lui donner la possibilité de procéder à une comparaison des offres de crédit bancaire.

En complément de la sanction pénale prévue par le Code de la consommation (13), il est aujourd'hui bien établi que la sanction d'une mention erronée du TEG est la substitution au taux d'intérêt conventionnel du taux d'intérêt légal (14) : ce dernier étant fixé par décret au Journal officiel, il est connu de tous (15). Cette jurisprudence a le mérite d'aller dans le sens de l'information parfaite de l'emprunteur (16), mais aussi de la sanction du banquier dispensateur de mauvaises informations (l'intérêt légal étant, par construction, inférieur à l'intérêt conventionnel).

B - Le nécessaire corollaire de la référence à l'année civile

Le pendant du formalisme informatif du TEG est l'uniformité de sa méthode de calcul. En ce sens, il aurait été utile que soit données, au niveau réglementaire, des précisions sur les éléments entrant dans le TEG ; ce n'est toujours pas le cas aujourd'hui, ce qui est source d'un important contentieux. Outre ce regrettable vide législatif (que la jurisprudence s'emploie péniblement à combler (17)), les vertus du TEG comme vecteur d'une information permettant de comparer les conditions de financement offertes par différents établissements de crédit se trouveraient encore un peu plus réduites à néant si son calcul pouvait se référer à une période choisie au cas par cas par l'établissement prêteur.

C'est pourquoi l'article R. 313-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L6959ABD) dispose que "le taux effectif global d'un prêt est un taux annuel" (18). Cependant, la référence à l'année n'est pas suffisante : encore faut-il savoir sur quel type d'année on se fonde. En la matière, depuis environ quinze ans, la jurisprudence constante de la Cour de cassation estime (sans grande surprise) que "le taux annuel de l'intérêt doit être déterminé par référence à l'année civile, laquelle comporte 365 ou 366 jours" (19). En toute logique, la Cour de cassation assimile, aujourd'hui, un TEG calculé par référence à une année de 360 jours à un TEG erroné : la sanction est donc l'application du taux d'intérêt légal (20).

Il n'y a absolument rien de choquant à cette position prise par la Cour de cassation, en dépit de la pratique bancaire. En premier lieu, considérer qu'une année ne se compose que de 360 jours est un simple usage au sens du droit commercial (21), donc inopposable (sauf à le faire entrer dans le champ contractuel) à un cocontractant autre qu'un établissement de crédit. En deuxième lieu, le TEG devant être rangé parmi les institutions de l'ordre public de protection, il n'y a pas lieu d'admettre que son calcul puisse être de nature contractuelle ; d'ailleurs, à défaut d'être calculé sur l'année civile, le TEG ne pourrait plus être utilement comparé au taux de l'usure (22), lui-même calculé à partir du taux d'intérêt légal qui est un taux annuel. Enfin, il n'y a rien à redire au fait que la Cour de cassation choisisse de se référer à l'année civile (grégorienne) : c'est évidemment moins un acte de prosélytisme (23) qu'un réflexe de pragmatisme. Ce qui importe, c'est que la référence à l'année soit comprise uniformément par tous : le calendrier grégorien fournit, à cet égard, en France, un référentiel idéal.

L'année bancaire prise pour calculer le TEG est donc nécessairement une année de 365 ou 366 jours ; l'arrêt du 24 mars 2009 le rappelle. Au demeurant, cette décision a un mérite supplémentaire : celui de préciser que l'année bancaire peut être d'une durée convenue contractuellement en matière de taux d'intérêt conventionnel.

II - Le caractère supplétif de l'année civile en matière de taux d'intérêt conventionnel

En estimant que "rien n'interdit aux parties de convenir d'un taux d'intérêt conventionnel calculé sur une autre base [que l'année civile]", l'arrêt rendu par la Chambre commerciale le 24 mars 2009 ouvre la voie à la contractualisation (24) de la durée de l'année bancaire (A) dont on peut penser, malgré tout, qu'elle devrait être sujette à précautions (B).

A - La possible contractualisation de l'année bancaire

Dans l'espèce ici étudiée, un établissement de crédit avait consenti un prêt à une société commerciale. L'acte constatant le prêt (25) stipulait un intérêt conventionnel au taux de 4,60 % "calculés sur 360 jours" et un TEG de 4,69 %. Lorsque la société emprunteuse fut placée sous procédure collective, l'établissement de crédit prêteur déclara sa créance de prêt. Cette déclaration fut contestée par les organes de la procédure et la société elle-même, au motif que, calculant l'intérêt conventionnel sur 360 jours, l'établissement prêteur n'avait pu communiquer qu'un TEG erroné : en conséquence, ne pouvait pas être admise à la procédure collective de la société une créance incluant les intérêts au taux conventionnellement convenu.

Echouant à convaincre les juges du fond, les demandeurs formèrent un pourvoi devant la Cour de cassation dont la Chambre commerciale rejeta les prétentions en jugeant que "si le TEG doit être calculé sur la base de l'année civile, rien n'interdit aux parties de convenir d'un taux d'intérêt conventionnel calculé sur une autre base". Ce faisant, la Haute juridiction invite les parties à une distinction qui, en pratique, peut s'avérer subtile.

- Le TEG ne peut jamais être calculé en prenant pour base de calcul une durée autre que l'année civile. Comme nous l'avons précédemment exposé, en tant que référentiel commun pour l'emprunteur, le TEG ne peut être établi que sur la base d'éléments communs.

- En revanche, le taux d'intérêt conventionnel peut être calculé selon toutes modalités "librement convenues entre les parties". A notre sens, cette possibilité n'avait pas été entièrement condamnée par l'arrêt rendu le 17 décembre 2006 (26) ; désormais, les choses ont le mérite d'être des plus claires. Sous réserve des dispositions relatives à l'usure (27), le taux d'intérêt est librement déterminable par les parties : cette liberté s'étend tant au nominal du taux qu'à sa période de référence. Elle n'entre pas nécessairement en contradiction avec les dispositions relatives au TEG : en effet, ce n'est pas parce que le taux d'intérêt conventionnel -composante principale du TEG- est stipulé sur 360 jours que le TEG calculé à partir de ce taux ne peut être établi sur la durée réelle de l'année civile.

Aussi, les parties peuvent-elle faire entrer dans le champ de leurs accords contractuels la durée de l'année bancaire. D'ailleurs, à la lecture de l'arrêt du 24 mars 2009, rien ne les empêche de retenir une durée fantaisiste (28). Toutefois, en pratique, il y a fort à parier que la durée retenue devrait être (et, d'ailleurs, est déjà) celle d'une année de 360 jours : le contrat devient alors (aussi) un acte d'adhésion du client de la banque aux pratiques séculaires de son établissement de crédit. Dernier point d'importance : cette durée dérogatoire au calendrier commun ne peut résulter que d'une démarche volontaire du client de la banque ; autrement dit, à la lecture de l'arrêt que nous commentons, l'usage de l'année de 360 jours ne peut jamais être opposé à l'emprunteur (29).

B - Les précautions liées à la contractualisation de l'année bancaire

L'espace de liberté que laisse la Cour de cassation aux parties en matière de temps bancaire est le bienvenu dans un système juridique qui demeure mû par le principe de la liberté contractuelle. Cela étant, il appelle deux remarques, deux précautions qui doivent être prises en la matière.

La première précaution a un fondement calculatoire : elle a trait à la technique permettant l'établissement d'un TEG calculé sur l'année civile à partir d'un taux d'intérêt conventionnel calculé sur 360 jours. Rien de très difficile en la matière, si ce n'est à opérer convenablement la conversion : certes, on peut calculer un TEG sur l'année civile à partir d'un taux d'intérêt sur 360 jours ; encore faut-il le faire correctement. A notre sens, il n'est pas souhaitable d'y procéder en ramenant préalablement le taux d'intérêt sur l'année civile puisque cela reviendrait à diminuer la charge qui en résulte pour le bénéficiaire du crédit. Il paraît plus juste de calculer le coût lié à l'application de ce taux puis d'y ajouter "les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects [...]" avant d'exprimer le total de ce coût sous la forme d'un pourcentage annuel de la somme empruntée. C'est un point important, car une erreur en la matière conduirait certainement la Cour de cassation à considérer que le TEG indiqué est erroné.

La seconde précaution est plus directement juridique : elle tient à l'articulation entre les règles applicables en matière de TEG et celles concernant les clauses abusives (30). En effet, calculer l'intérêt sur 360 jours est clairement susceptible de créer, au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L2482IBK), "au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat", dans la mesure où cela revient à dissimuler indirectement un surplus de coût de financement. Pour cette raison, la Commission des clauses abusives, dans sa recommandation n° 05-02 (31), a préconisé que soient éliminées des conventions de compte de dépôt souscrites par des consommateurs ou des non-professionnels les clauses ayant pour objet ou pour effet de "permettre à l'établissement de crédit de calculer les intérêts sur une année de 360 jours sans que le consommateur soit mis à même d'en apprécier l'incidence financière". Autrement dit, en matière de contrat avec un consommateur, la contractualisation de la période de référence pour le calcul des intérêts dus (au moins dans les conventions de compte de dépôt (32)) devra se faire pédagogique : l'impact en termes de coût du calcul des intérêts sur une durée différente de l'année civile devrait être mis en évidence. Le plus simple serait, sans doute, de proposer dans le contrat (33) un exemple comparant un intérêt calculé sur 365 jours et un intérêt calculé sur 360 jours (34). Dans l'arrêt commenté, il ne semble pas que le droit de la consommation ait été applicable : la société s'était vraisemblablement endettée pour les besoins de son activité, ce qui explique certainement que l'argument efficace des règles applicables aux clauses abusives n'ait pas été mobilisé dans le pourvoi.

Contrairement à ce que l'on a pu affirmer (35), l'année bancaire de 360 jours n'a pas vécu. Toute désuète qu'elle puisse sembler à l'ère des transactions dématérialisées, "désintermédiées", mondialisées et "over-the-counter", le juge français lui laisse une place. Alors que l'on plaide pour un retour à une finance moins structurée, cette reconnaissance -même limitée- d'un système sexagésimal (36) et simplifié peut résonner comme un authentique acte de foi. Que les banques prennent la bonne résolution de s'en servir avec discernement et l'on sera conquis... Une bonne résolution dont il faudrait, dans un univers idéal, qu'elle ne soit pas tel un chèque tiré sur une banque où l'on a pas de compte courant (37).


(1) Genèse, 1.1 à 1.5.
(2) Cf. S. Hawkins, Une brève histoire du temps, 1988.
(3) En référence à son principal instigateur, le Pape Grégoire XIII.
(4) Très précisément : 365,24221935 jours.
(5) Ou calendrier musulman, utilisé (entre autres) à l'exclusion de tout autre calendrier en Arabie Saoudite : il s'agit d'un calendrier lunaire dont les années se composent de 12 mois de 29 à 30 jours, et dont l'année de référence est celle de l'Hégire (en 622 de l'ère chrétienne).
(6) A l'image du calendrier dit "universel" ou "perpétuel" dont le projet a été adopté en 1954 par le Conseil économique et social de l'Organisation des Nations Unies.
(7) Bergson, La Pensée et le Mouvant, 1907.
(8) Pour Trans-European Automated Real-time Gross settlement Express Transfer system, qui est le système de paiement de montants élevés en euros. Depuis le 19 novembre 2007, il est remplacé par le système "TARGET 2".
(9) Usage dont on attribue l'origine aux puissantes banques lombardes au Moyen-âge.
(10) Cf. Carbonnier, Les Temps du Droit - Un an et un siècle, in Flexible Droit - Pour une sociologie du droit sans rigueur, LGDJ, 10ème éd., 2001, p. 210.
(11) Dispositions que reprend l'article L. 313-4 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L1520HI7).
(12) C. consom., art. L. 313-1 (N° Lexbase : L1517HIZ).
(13) C. consom., art. L. 313-2 (N° Lexbase : L1518HI3) : une amende de 4 500 euros.
(14) Sans que cela n'aille de soi : cf. D. R. Martin, H. Synvet, Droit Bancaire/Janvier 2008 - Décembre 2008, D., 2009, p. 1044.
(15) Nemo censetur ignorare legem.
(16) Mais aussi de la diminution de ses charges de remboursement, l'intérêt légal étant par construction moindre que l'intérêt conventionnel.
(17) Les arrêts de l'année précédente ont ajouté : les frais de forçage (Cass. com., 5 février 2008, n° 06-20.783, F-P+B N° Lexbase : A7222D4A), RTDCom., 2008, 399, obs. D. Legeais) et le coût de l'assurance incendie (Cass. civ. 1, 13 novembre 2008, n° 07-17.737, F-P+B N° Lexbase : A2325EBQ, D., 2008, AJ, 3006, obs. V. Avena-Robardet).
(18) C'est nous qui soulignons.
(19) Cass. com., 10 janvier 1995, n° 91-21.141, Société Invitance c/ Crédit du Nord, publié (N° Lexbase : A4626ABX), D., 1995, Jur. 229, note C. Gavalda, JCP éd. G, 1995, II, 22475, note. F. Auckenthaler.
(20) Cass. com., 17 janvier 2006 n° 04-11.100, M. Hassen Ben Sadok Cherif c/ Crédit lyonnais, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A5342DMS).
(21) Rappelons que, aux termes de l'article L. 110-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L5545AI9), les opérations de banque sont des actes de commerce.
(22) C. consom., art. L. 313-3 (N° Lexbase : L1519HI4) et C. mon. fin., art. L. 313-5 (N° Lexbase : L4275HCC).
(23) Que certains esprits malins et tortueux pourraient être tentés de dénoncer.
(24) Ou, à tout le moins, la confirme.
(25) Pour reprendre les termes du Code de la consommation et du Code monétaire et financier.
(26) Idem, même si l'arrêt laissa la doctrine partagée : RTDCom., 2006, 460, obs. D. Legeais, contra V. Avena-Robardet, Feu l'année bancaire de 360 jours, D., 2006, p. 439.
(27) Cf. supra.
(28) D'ailleurs, et sans que ce soit précisément fantaisiste, cela pourrait être utile au développement en France de la finance islamique (cf. nos obs., Les "charmes exotiques" de la loi de modernisation de l'économie, Lexbase Hebdo n° 315 du 31 juillet 2008 - édition privée générale N° Lexbase : N7052BGB) : une banque islamique française pourrait choisir d'appliquer dans ses produits correspondant économiquement à des prêts le calendrier musulman.
(29) Il est intéressant d'observer qu'un arrêt de la Cour de cassation belge en date du 11 septembre 2008 a statué en sens exactement contraire : pour le juge belge, à défaut de convention contraire, l'établissement de crédit peut imposer une année comportant 360 jours à ses clients.
(30) Dont nous nous étions déjà fait l'écho : nos obs., Taux effectif global et taux d'intérêt variable : à propos de quelques évolutions récentes, Lexbase Hebdo n° 292 du 14 février 2008 - édition privée générale (N° Lexbase : N0760BEU).
(31) Commission des clauses abusives, recommandation n° 05-02 du 14 avril 2005.
(32) Lesquelles peuvent donner lieu à la facturation d'agios et donc correspondre à des prêts.
(33) Ou, à la rigueur, dans un document pré-contractuel.
(34) Ce qui risque de s'avérer peu glorieux pour celui calculé sur 360 jours... qui rentrera donc peut-être moins aisément dans le champ contractuel.
(35) V. Avena-Robardet, op. cit..
(36) En base 60.
(37) Aphorisme que l'on attribue à Oscar Wilde.

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Contrat de travail

[Focus] La jurisprudence de la Cour de cassation rendue en 2008 à la lumière du Rapport de la Cour de cassation : contrat de travail

Réf. : Rapport 2008 de la Cour de cassation

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Le 07 Octobre 2010


Jeudi 26 mars 2009, la Cour de cassation rendait public son désormais classique Rapport annuel, consacré, cette année, aux discriminations dans la jurisprudence de la Haute juridiction. Jugé abscons par ses détracteurs, l'exercice mérite, cependant, de refléter parfaitement l'évolution du droit français et de plonger au coeur même d'une réalité juridique dont il paraît nécessaire de reprendre les grands ajustements. Le Rapport pour l'année 2008 comporte donc, de façon très traditionnelle, des suggestions de modifications législatives ou réglementaires, l'analyse des principaux arrêts et avis, ainsi qu'une étude réalisée par des magistrats sur le thème des discriminations, oeuvre collective orchestrée par le Professeur Edouard Verny. A la suite de cette récente diffusion, Lexbase Hebdo - édition sociale vous propose, cette semaine, un numéro spécial consacré au Rapport 2008 de la Cour de cassation et vous invite à retrouver les commentaires des éclairages apportées par la Haute juridiction sur les arrêts ayant marqué le droit social l'année dernière.
  • Clauses du contrat de travail

- Clause de mobilité : Cass. soc., 23 janvier 2008, n° 07-40.522, Mme Marie-France Garcia, FS-P+B+R (N° Lexbase : A1079D4Q) (1)

Le refus, par le salarié dont le contrat de travail contient une clause de mobilité, de la modification de son lieu de travail constitue, en principe, un manquement à ses obligations contractuelles, mais ne caractérise pas, à lui seul, une faute grave.

La Cour de cassation manifeste, ici, son désir de contrôler la qualification de faute grave, privative du droit au préavis et de l'indemnité de licenciement, et de préciser aux juges du fond le cadre méthodologique dans lequel ils doivent se situer lorsqu'est en cause le refus d'exécuter une clause de mobilité.

On sait depuis longtemps que, sauf exceptions (harcèlement notamment (2)), la Cour de cassation refuse d'apprécier la faute grave in abstracto et impose aux juges du fond un examen pragmatique de l'affaire, au regard des données de l'espèce. Comme le rappelle la Haute juridiction dans le Rapport, le refus injustifié de la mise en oeuvre du pouvoir de direction de l'employeur, dont fait partie la mise en oeuvre de la clause de mobilité, "ne constitue pas 'à lui seul' une faute grave" (3).

Cet arrêt a donc pour intérêt de confirmer, dans une décision publiée, une jurisprudence particulière rendue en matière de clause de mobilité, qui avait surtout été illustrée, jusqu'à présent et depuis la redéfinition de la faute grave (4), par des arrêts non publiés (5).

  • Droits et obligations des parties au contrat de travail

- Salariés à temps partiel : priorité pour la reprise d'un emploi à temps complet : Cass. soc., 24 septembre 2008, n° 06-46.292, Mme Nigelle Durand-Gasselin, FS-P+B+R (N° Lexbase : A4855EA3)

Le salarié à temps partiel qui souhaite occuper ou reprendre un emploi à temps complet, ou accroître son temps de travail dans le même établissement ou, à défaut, dans la même entreprise, a priorité pour l'attribution d'un emploi ressortissant à sa catégorie professionnelle ou d'un emploi équivalent. L'article L. 212-4-9, alinéa 1er (N° Lexbase : L9588GQ8), devenu L. 3123-8 (N° Lexbase : L0417H9C) du Code du travail, n'exclut pas que la priorité d'emploi qu'il prévoit puisse s'exercer sur un emploi à durée déterminée, alors d'autre part, que la salariée n'entendait pas cumuler les deux emplois à temps partiel, de sorte que, dès l'instant qu'elle remplissait les conditions prescrites, l'employeur avait l'obligation d'accéder à sa demande.

La Cour de cassation a affirmé que la priorité d'emploi du salarié à temps partiel peut s'exercer sur d'autres emplois à temps partiel, dès lors qu'ils lui permettent d'augmenter son volume horaire, et y compris lorsqu'il s'agit d'un CDD et ce, alors que le ou la salarié(e) est titulaire d'un CDI à temps partiel.

La solution adoptée par la Cour de cassation dans cet arrêt en date du 24 septembre 2008 avait pu surprendre, car elle affirmait que le salarié à temps partiel pouvait revendiquer une priorité sur tous les emplois, à temps plein comme à temps partiel, et que ces derniers soient attribués dans le cadre d'un CDI ou d'un CDD.

Comme le rappelle, dans le Rapport, la Haute juridiction, la priorité, qui figure désormais à l'article L. 3123-8 du Code du travail (N° Lexbase : L0417H9C), avait déjà été appliquée de manière extensive à des hypothèses où un salarié à temps partiel revendique, non pas l'octroi d'un emploi à temps plein en lieu et place de son actuel travail à temps partiel, mais un emploi à temps partiel en plus de son actuel emploi et lui permettant d'accroître sa durée de travail, "sous réserve que les conditions d'exercice de ces deux emplois soient compatibles entre elles, notamment en ce qui concerne l'horaire, la durée et la répartition du travail avec l'emploi occupé" (6).

C'est bien dans le cadre de cette application extensive de la priorité d'emploi que se situe ce nouvel arrêt, même si, en l'espèce, il ne s'agissait pas de cumuler deux emplois mais d'abandonner un CDI à temps partiel pour occuper un CDD à temps partiel, pour permettre à la salariée d'obtenir un volume d'heures de travail plus important. Le commentaire au Rapport annuel montre, également, l'influence de la Directive communautaire servant de base à la solution puisque l'accord-cadre pris sur son fondement assimilait temps plein et accroissement de la durée du travail dans le cadre d'un travail à temps partiel, ce qui justifiait la conception extensive retenue par la Cour de cassation (7).

Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

  • Rupture de CDD

- Emploi et formation : Cass. soc., 23 janvier 2008, 3 arrêts, n° 05-41.070, M. Mazzoncini, FS-P+B (N° Lexbase : A0889D4P) ; n° 06-44.197, Mme Caroli, FP-P+B+R (N° Lexbase : A1016D4E) ; n° 06-43.040 (N° Lexbase : A0999D4R) (8)

Lorsqu'un salarié rompt un contrat de travail à durée déterminée en invoquant des manquements de l'employeur, il incombe au juge de vérifier si les faits sont, ou non, constitutifs d'une faute grave.

S'il résulte du Code du travail que, dans les secteurs d'activité définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats de travail à durée déterminée, lorsqu'il est d'usage constant de ne pas recourir à un contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère, par nature temporaire, de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent en ce cas être conclus avec le même salarié, l'accord cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en oeuvre par la Directive 1999/70/CE du 28 juin 1999 (N° Lexbase : L0072AWL), en ses clauses 1 et 5, qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs est justifié par des raisons objectives, qui s'entendent de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi.

Par les arrêts rapportés, la Cour de cassation complète le régime contentieux des CDD. Dans les secteurs d'activité définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, certains emplois peuvent être pourvus par des CDD lorsqu'il est d'usage constant de ne pas recourir à un CDI, en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère, par nature temporaire, de ces emplois. Des CDD successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié. Mais l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 19 mars 1999 et mis en oeuvre par la Directive 1999/70/CE du 28 juin 1999 (N° Lexbase : L0072AWL) impose de vérifier que le recours à l'utilisation de contrats successifs est justifié par des raisons objectives qui s'entendent de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère, par nature temporaire, de l'emploi.

Encourt donc la cassation l'arrêt d'une cour d'appel qui, pour rejeter les demandes de requalification en CDI formées par un journaliste pigiste engagé par une succession de CDD pour des émissions télévisées, s'est déterminée, par des motifs inopérants tirés du caractère temporaire des programmes de télévision, sans rechercher si l'emploi de journaliste pigiste occupé par le salarié dans le secteur de l'audiovisuel faisait partie de ceux pour lesquels il est d'usage constant de ne pas recourir au CDI et si l'utilisation de CDD successifs était justifiée par l'existence d'éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi (pourvoi n° 06-43.040).

De même, justifie légalement sa décision une cour d'appel qui, après avoir relevé que l'enseignement figurait dans les secteurs d'activité où il peut être recouru à des CDD dits "d'usage", a constaté que le salarié avait occupé le même emploi de formateur (professeur d'éducation artistique) pendant quatorze années scolaires successives et que cet emploi n'avait pas un caractère temporaire, la conclusion de CDD successifs n'étant, ainsi, pas justifiée par des raisons objectives (pourvoi n° 06-44.197).

La Cour de cassation avait fixé sa jurisprudence en 2003 (9). Pour qu'il soit régulièrement recouru au CDD dans le cadre de l'article L. 1242-2, 3°, du Code du travail (N° Lexbase : L1430H9T), deux conditions devaient être remplis : relever de l'un des secteurs d'activité définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu ; et que soit constatée, par une appréciation souveraine des juges du fond, l'existence, dans ce secteur, d'un usage constant permettant, pour l'emploi concerné, de ne pas recourir au CDI. Puis, en 2006, la CJCE a rendu un arrêt relatif à l'application de l'accord-cadre sur le CDD (conclu le 18 mars 1999 et mis en oeuvre par la Directive 1999/70/CE, du 28 juin 1999). Dans son arrêt "Konstantinos Adeneler et autres" du 4 juillet 2006 (10), la CJCE, a rappelé qu'en application de la clause 5, point 1 de l'accord-cadre, afin de prévenir les abus résultant de l'utilisation de CDD successifs, les Etats membres doivent introduire dans leur ordre juridique, quand il n'existe pas de mesures légales équivalentes visant à prévenir les abus, l'obligation d'introduire une ou plusieurs mesures détaillées par la clause, dont celle, relative à l'exigence de raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats de travail à durée déterminée successifs (clause 5, point 1, a de l'accord-cadre). La notion de "raisons objectives" au sens de la clause concernée, requiert que le recours à ce type particulier de relations de travail, tel que prévu par la réglementation nationale, soit justifié par l'existence d'éléments concrets tenant notamment à l'activité en cause et aux conditions de son exercice (point 75 de l'arrêt).

Cette jurisprudence de la CJCE a amené la Chambre sociale à considérer que la formulation de la position exprimée dans ses arrêts du 26 novembre 2003 était incomplète au regard des exigences résultant de la jurisprudence communautaire. C'est pourquoi, intégrant ces exigences, l'attendu de principe des deux arrêts du 23 janvier 2008 énonce qu'afin de prévenir les abus résultant de l'utilisation de CDD successifs, il appartient au juge de vérifier que le recours à l'utilisation de contrats successifs est justifié par des raisons objectives qui s'entendent de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi.

  • Contrats particuliers

Contrats nouvelles embauches : Cass. soc., 1er juillet 2008, n° 07-44.124, M. Philippe Samzun, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A4245D94) (11)

En déclarant non applicables les articles L. 122-4 (N° Lexbase : L5554ACP) à L. 122-11, L. 122-13 (N° Lexbase : L5564AC3) à L. 122-14-14 et L. 321-1 (N° Lexbase : L8921G7K) à L. 321-17 du Code du travail, tels qu'alors en vigueur, au licenciement des salariés engagés par un contrat nouvelles embauches et survenant pendant les deux années suivant la conclusion de ce contrat, l'article 2 de l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005, devenu l'article L. 1223-4 du Code du travail (N° Lexbase : L0831H9N), abrogé par l'article 9 de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 (N° Lexbase : L4999H7B), en ce qu'il écarte les dispositions générales relatives à la procédure préalable de licenciement, à l'exigence d'une cause réelle et sérieuse, à son énonciation et à son contrôle, et prive, ainsi, le salarié du droit de se défendre préalablement à son licenciement et fait exclusivement peser sur lui la charge de prouver le caractère abusif de la rupture, ne satisfait pas aux exigences de la Convention n° 158 de l'OIT.

Par son arrêt rendu le 1er juillet 2008, la Cour de cassation s'est ralliée à une jurisprudence majoritaire, développée par les juges du fond (12), refusant d'admettre la compatibilité des textes réglementaires français relatifs au contrat nouvelles embauches (ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005), avec le droit international. Selon l'article 2, § 2 b, de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT), un pays membre peut exclure du champ d'application de l'ensemble, ou de certaines des dispositions de ladite convention, les travailleurs effectuant une période d'essai ou n'ayant pas la période d'ancienneté requise, à condition que la durée de celle-ci soit fixée d'avance et qu'elle soit raisonnable, ou, selon l'article 2, § 5, et pour autant qu'il soit nécessaire, d'autres catégories limitées de travailleurs salariés au sujet desquelles se posent des problèmes particuliers revêtant une certaine importance, eu égard aux conditions d'emploi particulières des travailleurs intéressés, à la taille de l'entreprise qui les emploie ou à sa nature.

L'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 (art. 2), qui ne vise pas une catégorie limitée de salariés pour lesquels se posent des problèmes particuliers revêtant une certaine importance eu égard à la taille de l'entreprise qui les emploie, ne distingue pas selon les fonctions pour lesquelles ils ont été engagés et ne limite pas, autrement que par un délai d'attente de trois mois, la possibilité de les engager de nouveau par un contrat de nature identique à celui précédemment rompu par le même employeur, ne peut être justifié par application desdites dispositions de la convention internationale. Doit, dès lors, être rejeté le pourvoi qui reproche à une cour d'appel d'avoir dit que l'article 2 de l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 était contraire aux dispositions de la Convention n° 158 de l'OIT et que la rupture du contrat nouvelles embauches d'un salarié restait soumise aux règles d'ordre public du code du travail de sorte que le licenciement non motivé de ce salarié était sans cause réelle et sérieuse.

La Cour de cassation met, ainsi, un terme à des incertitudes judiciaires et de nombreux débats, alors même que quelques semaines plus tôt, le législateur avait abrogé le dispositif (C. trav., art. L. 1223-4 N° Lexbase : L0831H9N, abrogé par l'article 9 de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008) (13). Elle reprend, ainsi, à son compte l'analyse de l'ordonnance n° 2005-893, jugée contraire à la convention OIT n° 158 par la cour d'appel de Paris (14 ), le Bureau international du travail (fin 2007) (15), le législateur, certaines juridictions du premier (16) et du second degré, une partie de la doctrine (17) et implicitement, les partenaires sociaux (18), contre la position défendue par le Conseil d'Etat (19), le pouvoir réglementaire (qui avait, par ordonnance, institué le contrat nouvelles embauches), le Conseil constitutionnel et une partie de la doctrine.

Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l’Ouvrage "Droit de la Sécurité sociale"


(1) Lire La clause de mobilité... questions à Maître Le Dimeet, avocat spécialisé en droit social, Lexbase Hebdo n° 300 du 9 avril 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N6554BEH).
(2) Cass. soc., 5 mars 2002, n° 00-40.717, Société La Louisiane c/ M. Daniel Alzas, FS-P+B (N° Lexbase : A1864AYP), RJS, 2002, n° 528.
(3) Cass. soc., 23 février 2005, n° 03-42.018, M. Bernard Fort Cros c/ M. Bernard Sanchez, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8789DGM) et nos obs., La bonne foi de l'employeur et la mise en oeuvre de la clause de mobilité, Lexbase Hebdo n° 158 du 9 mars 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N4888ABN) ; Cass. soc., 11 mai 2005, n° 03-41.753, Société Devismes c/ Mme Francine Pelletier, F-P+B (N° Lexbase : A2319DIQ) et les obs. de Ch. Alour, Les conséquences du refus du changement des conditions de travail, Lexbase Hebdo n° 169 du 25 mai 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N4648AIY). Expression préférée à "ne constitue pas 'nécessairement' une faute grave" (Cass. soc., 4 juin 1998, n° 96-41.414, Société La Voix du Nord c/ M. Prum N° Lexbase : A5615ACX).
(4) Abandon à la référence à l'impossibilité de demeurer dans l'entreprise "pendant la durée du préavis" (Cass. soc., 2 février 2005, n° 02-45.748, F-P+B+R+I N° Lexbase : A3499DGP et les obs. de G. Auzero, Le versement volontaire d'une indemnité compensatrice de préavis ne prive pas l'employeur du droit d'invoquer la faute grave du salarié, Lexbase Hebdo n° 155 du 16 février 2005 - édition sociale N° Lexbase : N4619ABP).
(5) Cass. soc., 12 juillet 2006, n° 04-46.035, M. Jean-Michel Fabre, F-D (N° Lexbase : A4422DQT) ; Cass. soc., 17 octobre 2006, n° 04-46.400, Mme Rachida Jebli, F-D (N° Lexbase : A9610DRD).
(6) Cass. soc., 26 octobre 1999, n° 97-41.551, Mme Parre c/ M. Darnes (N° Lexbase : A6669AHH).
(7) Clause 5 de l'accord-cadre sur le travail à temps partiel conclu le 6 juin 1997 et mis en oeuvre par la Directive 1997/81/CE du 15 décembre 1997 (N° Lexbase : L8293AUP), qui énonce que les employeurs doivent, autant que possible, prendre en considération "les demandes de transfert des travailleurs à temps partiel à un travail à temps plein ou d'accroissement de leur temps de travail".
(8) Lire les obs. de S. Martin-Cuenot, Contrat de travail à durée déterminée et office du juge, Lexbase Hebdo n° 291 du 7 février 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N0464BEW).
(9) Cass. soc., 26 novembre 2003, 4 arrêts, n° 01-47.035, Association Accord c/ Mlle Nathalie Calvet, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A2403DAA) ; n° 01-42.977, Société nationale de télévision France 2 c/ M. Mohamed Mebtoul, F-P+B+R+I (N° Lexbase : A2399DA4) ; n° 01-44.263, Société Acerep c/ M. Jean-Noël Valade, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A2401DA8) ; et n° 01-44.381, Société d'économie mixte AS Cannes Volley Ball c/ M. Thierry Glowacz, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A2402DA9). Ces quatre arrêts constituent une rupture radicale par rapport à la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation, relativement à l'office du juge saisi d'une demande de requalification d'un contrat à durée déterminée d'usage en contrat en durée indéterminée. Voir les obs. de G. Auzero, Demande de requalification de contrats à durée déterminée d'usage : précisions quant à l'office du juge, Lexbase Hebdo n° 97 du 4 décembre 2003 - édition sociale (N° Lexbase : N9618AAH).
(10) CJCE, 4 juillet 2006, aff. C-212/04, Konstantinos Adeneler c/ Ellinikos Organismos Galaktos (N° Lexbase : A1488DQ8), Recueil, 2006, p. I-06057 ; lire les obs. de O. Dubos, Les contrats de travail dans la fonction publique : entre droit français et droit communautaire, Lexbase Hebdo n° 11 du 18 octobre 2006 - édition publique (N° Lexbase : N4031ALU) ; Hélène Tissandier, L'actualité de la jurisprudence communautaire et internationale, RJS, 2006, p. 759-762 ; Laurence Idot, Sur l'usage abusif des contrats de travail à durée déterminée, Europe, 2006, p. 17-18 ; Françoise Bousez, Accord-cadre européen sur le travail à durée déterminée : une interprétation extensive, JCP éd. S, 2006, n° 1966, p. 24-25 ; Christophe Vigneau, Le régime des contrats à durée déterminée en droit communautaire, Droit social, 2007, p. 94-97 ; Françoise Bousez, Accord-cadre européen sur le travail à durée déterminée : une interprétation extensive, JCP éd. A, 2007, n° 1197 p. 39-40.
(11) Lire nos obs., Après le législateur, la Cour de cassation invalide à son tour le CNE, Lexbase Hebdo n° 315 du 31 juillet 2008 - édition sociale (N° Lexbase : A4245D94).
(12) CA Paris, 18ème ch., sect. E, 6 juillet 2007, n° 06/06992, Monsieur Le Procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Evry c/ Mademoiselle Linde de Wee (N° Lexbase : A1564DX9).
(13) Lire nos obs., Article 9 de la loi portant modernisation du marché du travail loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 : abrogation du CNE, Lexbase Hebdo n° 312 du 9 juillet 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N5334BGN).
(14) Lire nos obs., Le contrat nouvelles embauches contraire à la Convention OIT n° 158, Lexbase Hebdo n° 268 du 12 juillet 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N7948BBY). Cette décision n'est, en réalité, qu'un épisode dans un feuilleton judiciaire lancé en 2006 (CPH Longjumeau, sect. Activités diverses, 28 avril 2006, n° 06/00316, Mlle De Wee c/ M. Samzun N° Lexbase : A3873DTM) et poursuivi en 2007 (T. confl., 19 mars 2007, n° 3622, Samzun c/ L. De Wee N° Lexbase : A7097DUE) : le Tribunal des conflits confirmant la compétence du juge judiciaire, c'est donc bien devant la cour d'appel de Paris que les parties ont pu contester la conventionalité de l'ordonnance du 2 août 2005.
(15) Lire nos obs., Contrairement au Conseil d'Etat, l'OIT invalide le contrat nouvelles embauches, Lexbase Hebdo n° 283 du 29 novembre 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N2230BDX).
(16) Lire nos obs., Contrat nouvelles embauches : un nouveau contrat de travail ou une réforme du droit du licenciement ?, Lexbase Hebdo n° 207 du 23 mars 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N5993AK8).
(17) T. Aubert-Monpeyssen, Contrat nouvelles embauches' et droit du travail : quelques interrogations techniques, JCP éd. E, 2005, 1495 ; P. Bouaziz, Un contrat nommé nouvelles embauches', D., 2005, chr. p. 2907 ; Katel Berthou, Contrat nouvelles embauches et droit communautaire, SSL, 2005, n° 1224, p. 8 ; M. Del Sol et P. Turquet, Déréguler le licenciement pour mieux sécuriser les personnes : les ambiguïtés de la flexicurité - Retour sur le rapport Cahuc-Kramarz relatif à la sécurité sociale professionnelle, RDSS, 2007, p. 528, spéc. p. 538 ; B. Gomel, Contrat nouvelles embauches : un retour vers quel emploi ?, Dr. soc., 2005, p. 1120 ; T. Grumbach, P. Lanquetin, P. Lyon-caen, C. Michel et C. Zbinden, Contrat nouvelles embauches : un leurre pour les salariés et les employeurs, SSL, 20 février 2006, p. 9 ; A. Mazeaud, Du contrat nouvelles embauches, de la flexisécurité, etc..., Dr. soc., 2006, p. 591 ; P. Morvan, Le contrat de travail nouvelles embauches, JCP éd. S, 2005, n° 11, p. 7 ; C. Pierchon, Le contrat de travail nouvelles embauches : quel contentieux prud'homal ?, D., 2005, p. 2982 ; C. Roy-Loustaunau, Le contrat nouvelles embauches : la flexi-sécurité à la française, Dr. soc., 2005, p. 1103 ; F. Saramito, Une régression : le contrat nouvelles embauches', Dr. ouvr., février 2006, p. 65 ; J. Savatier, La rupture pour motif disciplinaire des contrats nouvelles embauches, Dr. soc., 2005, p. 957 ; Y. Viala, Contrat nouvelles embauches et CPE : des projets similaires en Allemagne, JCP éd. S, 2006, n° 1534, p. 12.
(18) Lire nos obs., Commentaire des articles 15 à 18 de l'accord sur la modernisation du marché du travail : encouragement du retour à l'emploi et réforme du régime d'assurance chômage, Lexbase Hebdo n° 289 du 24 janvier 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N8398BDE).
(19) CE Contentieux, 19 octobre 2005, n° 283471, Confédération générale du travail et autres (N° Lexbase : A9977DKQ), RJS, 12/05, n° 1240 ; JCP éd. E, 2005, n° 1652, note P. Morvan ; JCP éd. S, 2005, n° 1317, p. 37, R. Vatinet ; D., 2005, p. 629, note G. Borenfreund ; G. Koubi, L'ordonnance de l'incertitude sociale..., Dr. ouv., février 2006, p. 75 ; et nos obs., Le Conseil d'Etat valide le contrat nouvelles embauches, Lexbase Hebdo n° 188 du 3 novembre 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N0289AKW).

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Environnement - Bulletin d'actualités n° 3

[Textes] Bulletin droit de l'environnement du Cabinet Savin Martinet Associés : actualités "Règlement REACH : contrôles et sanctions applicables en droit français"

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N0494BKI

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Le 07 Octobre 2010

Le Règlement n° 1907/2006 du 18 décembre 2006 concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques ainsi que les restrictions applicables à ces substances (N° Lexbase : L0078HUG), dit "REACH" (ci-après "le Règlement"), constitue l'un des piliers de la réglementation européenne relative aux produits chimiques. Son article 126 impose aux Etats membres de prévoir les sanctions applicables en cas de violation du Règlement, celles-ci devant être notifiées à la Commission au plus tard le 1er décembre 2008. Avec un peu de retard, la France a précisé les modalités de contrôle et les sanctions prévues en cas de violation du texte européen, dans l'ordonnance n° 2009-229 du 26 février 2009 (ordonnance prise pour l'application de l'article 12 de la loi n° 2008-757 du 1er août 2008 relative à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement N° Lexbase : L9688ICS). Après un bref rappel des dispositions principales du Règlement (I), seront exposées les modalités de contrôle fixées par l'ordonnance du 26 février 2009, ainsi que les sanctions administratives et pénales encourues (II).

I - Rappel des obligations imposées par le Règlement "REACH"

Les dispositions du Règlement visent à "assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l'environnement ainsi que la libre circulation des substances [...] tout en améliorant la compétitivité et l'innovation". Elles comprennent des procédures visant, notamment, à encadrer la fabrication et l'importation des substances chimiques (A) et accordent une place prépondérante à la circulation de l'information entre les acteurs économiques concernés (B).

A - Les procédures de gestion des produits chimiques

Le Règlement s'articule à travers quatre procédures, qui forment l'acronyme anglais "REACH" (Registration, Evaluation, Autorisation, Restriction) : l'enregistrement (1), l'évaluation (2), l'autorisation (3) et les restrictions (4).

1. L'enregistrement

Conformément au chapeau de l'article 5 du Règlement "pas de données, pas de marché", les substances fabriquées ou importées en quantités supérieures à une tonne ou plus par an et par fabricant et/ou importateur doivent faire l'objet d'un enregistrement.

Pour qu'une substance soit enregistrée, le fabricant ou l'importateur doit constituer un dossier comprenant :

- un dossier technique sur la substance ;
- un rapport sur la sécurité chimique (pour les substances fabriquées ou importées en quantités supérieures à 10 tonnes).

L'Agence européenne des produits chimiques (ci-après "ECHA" selon l'acronyme anglais) vérifie le caractère complet du dossier pour attribuer au dossier du déclarant un numéro et une date d'enregistrement.

2. L'évaluation

Font ainsi l'objet d'une évaluation les dossiers (a) et les substances (b).

a) L'évaluation des dossiers

L'ECHA sélectionne au moins 5 % des dossiers reçus pour chaque fourchette de quantité afin d'évaluer leur conformité (art. 41 du Règlement). Dans le cadre de l'évaluation des dossiers, l'ECHA contrôle également les propositions d'essais (art. 40 du Règlement).

b) L'évaluation des substances

L'évaluation des substances est menée par les autorités compétentes des Etats membres, qui ont le choix des substances à évaluer, dans le cadre du "plan d'action continu communautaire". Ce plan inclut les substances constituant un risque pour la santé ou l'environnement. L'ECHA coordonne le processus d'évaluation (art. 45 du Règlement).

3. L'autorisation

Les substances considérées comme extrêmement préoccupantes font l'objet d'une procédure d'autorisation. Cette autorisation est accordée par la Commission européenne, si le risque d'utilisation de la substance est "valablement maîtrisé". Pour certaines substances, notamment celles présentant des caractéristiques de persistance, bioaccumulabilité et toxicité, l'autorisation ne sera accordée que si les avantages socio-économiques l'emportent sur les risques et s'il n'existe pas de substance ou de technologie de remplacement (art. 60 du Règlement).

Outre la prévention du risque, la procédure d'autorisation a pour finalité le remplacement progressif des substances les plus préoccupantes par de nouvelles substances ou technologies alternatives. Ainsi, dans le cas où une solution de remplacement existe, le titulaire de l'autorisation doit présenter un plan de remplacement avec un calendrier (art. 62 du Règlement).

4. Les restrictions

Une substance faisant l'objet d'une restriction fixée par la Commission européenne devra être fabriquée, mise sur le marché et utilisée dans le respect des conditions prévues par cette restriction. Une procédure de restriction peut être lancée à l'initiative de la Commission, de l'ECHA ou des Etats membres lorsqu'ils estiment :

- qu'une substance représente un risque non valablement maîtrisé ;
- que les mesures déjà mises en place ne sont pas suffisantes.

La décision finale des mesures de restrictions revient à la Commission, assistée par un comité de réglementation avec contrôle composé des représentants des Etats membres et présidé par le représentant de la Commission.

Les dispositions du Règlement relatives aux restrictions entrent en vigueur le 1er juin 2009. L'ordonnance du 26 février 2009 permet d'adopter au niveau national des mesures de restriction avant cette entrée en vigueur. Ces restrictions nationales restent en vigueur jusqu'au 1er juin 2013.

B - La place importante de la circulation des informations

Les détenteurs d'information, à savoir les acteurs industriels, sont au coeur du dispositif institué par le Règlement. Il convient, à ce titre, de noter l'un des apports fondamentaux du Règlement qui est le renversement de la charge de la preuve. Ainsi, il incombe aux acteurs industriels de démontrer la maîtrise valable des risques des substances chimiques qu'ils fabriquent, mettent sur le marché ou utilisent, et non plus aux autorités publiques de prouver leur dangerosité.

Le rôle central des acteurs industriels s'appuie sur une bonne circulation des informations, tout au long de la chaîne d'approvisionnement, l'outil principal permettant la circulation des informations étant la fiche de données de sécurité (art. 31 du Règlement).

La mise en oeuvre effective du Règlement repose, en premier lieu, sur l'implication des acteurs industriels, tout au long du processus de gestion des produits chimiques. Elle repose, en second lieu, sur le régime de sanction mis en place au niveau de chaque Etat membre (II).

II - La sanction des manquements aux obligations imposées par le Règlement "REACH" en droit français

L'ordonnance du 26 février 2009 a modifié, dans le titre II du Code de l'environnement, relatif aux produits chimiques et biocides, les dispositions des sections relatives au contrôle et à la constatation des infractions (C. envir., art. L. 521-12 N° Lexbase : L9704ICE à L. 521-16) (A) et aux sanctions administratives et pénales (C. envir., art. L. 521-17 N° Lexbase : L9707ICI à L. 521-24) (B).

A - Les modalités du contrôle des acteurs de la filière des produits chimiques

L'ordonnance n'apporte pas de changement concernant les autorités compétentes pour contrôler les éventuels manquements aux dispositions relatives aux produits chimiques, et donc aux manquements au Règlement. Il s'agit, notamment :

- des officiers et agents de police judiciaire ;
- des agents appartenant aux services de l'Etat chargés de l'environnement, de l'agriculture et des transports ;
- des inspecteurs des installations classées pour la protection de l'environnement.

L'ordonnance précise les textes dont l'application peut faire l'objet de contrôles. Outre les obligations imposées par le Règlement, peut être contrôlé le respect des dispositions d'autres textes communautaires dans le domaine des produits chimiques, il s'agit des Règlements relatifs :

- à certains gaz à effet de serre fluorés (Règlement n° 842/2006 du 17 mai 2006 N° Lexbase : L0205HKS) ;
- aux polluants organiques persistants (Règlement n° 850/2004 du 29 avril 2004 N° Lexbase : L1356IEX) ;
- aux exportations et importations de produits chimiques dangereux (Règlement n° 689/2008 du 17 juin 2008 N° Lexbase : L1355IEW) ;
- et à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone (Règlement n° 2037/2000 du 29 juin 2000 N° Lexbase : L6759AUU).

L'ordonnance organise les modalités de recueil des informations par les agents chargés du contrôle. Ces derniers sont autorisés à se communiquer entre eux les renseignements et documents recueillis dans le but de permettre une coordination et une meilleure efficacité des contrôles.

Les agents chargés du contrôle ont la possibilité :

- de prélever des échantillons en vue d'analyses ou d'essais, dans des conditions qui seront précisées par décret en Conseil d'Etat ;
- de procéder à une mesure de consignation des produits chimiques, pour une durée maximale de 15 jours, pouvant être prorogée ;
- de procéder à une mesure de saisie, sur ordonnance du président du tribunal de grande instance.

B - Les sanctions encourues

Les sanctions encourues sont essentiellement administratives (1), les sanctions pénales étant réservées aux infractions les plus graves (2).

1. Les sanctions administratives

Des sanctions administratives pour manquement à la réglementation relative aux produits chimiques peuvent être prononcées après mise en demeure préalable. A compter de la constatation du manquement, l'autorité administrative dispose :

- d'un délai de trois mois pour inviter la personne concernée à prendre connaissance du dossier et à présenter ses observations ;
- d'un délai de six mois pour procéder à la mise en demeure.

L'autorité administrative peut ordonner le paiement d'une amende plafonnée à 15 000 euros et d'une astreinte journalière de 1 500 euros maximum. Ces sanctions ne peuvent pas porter sur des faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été accompli dans ce délai aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction.

Elle peut, également, interdire l'importation, la fabrication ou la mise sur le marché des produits chimiques concernés par le manquement.

Elle peut procéder à des injonctions pour des opérations menées en méconnaissance des dispositions du Règlement relatives à l'enregistrement des substances, à l'autorisation et aux restrictions :

- injonction à l'importateur d'effectuer le retour du produit en dehors du territoire de l'Union européenne ou d'en assurer son élimination ;
- injonction au fabricant d'assurer leur élimination.

En cas d'inexécution, l'autorité prend les dispositions utiles, les dépenses correspondantes étant mises à la charge de l'importateur ou du fabricant.

L'autorité administrative peut également faire procéder à la consignation d'une somme pesant sur :

- l'importateur pour l'établissement des données, tests et études à réaliser dans le cadre de la procédure d'enregistrement ;
- l'utilisateur en aval pour l'établissement des données, tests et études à réaliser dans le cadre de la procédure d'autorisation ou de l'établissement du rapport sur la sécurité chimique (art. 37 du Règlement).

La somme correspondant à ces opérations devra être restituée au fur et à mesure de l'exécution des tests et études ou de la production des données demandées.

Pour certains manquements, des sanctions pénales peuvent se cumuler aux sanctions administratives.

2. Les sanctions pénales

L'ordonnance du 26 février 2009 prévoit les sanctions pénales en cas de :

- fabrication ou importation d'un produit chimique sans enregistrement préalable et emploi de moyens frauduleux aux fins d'obtenir un numéro d'enregistrement ;
- défaut d'autorisation ;
- non-respect de mesures de restrictions.

Ces infractions sont qualifiées de délits et punies de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 75 000 euros pour les personnes physiques (375 000 euros pour les personnes morales).

Le rapport du ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement durable et de l'Aménagement du territoire au Président de la République, relatif à l'ordonnance du 26 février 2009 précise que cette dernière a pour objectif d'harmoniser la police des produits chimiques. C'est dans cette perspective d'harmonisation que les infractions à d'autres textes relatifs aux produits chimiques sont passibles des mêmes sanctions que celles prévues à l'encontre des infractions aux principales dispositions du Règlement. Il s'agit des Règlements relatifs :

- à certains gaz à effet de serre fluorés (préc.) ;
- aux polluants organiques persistants (préc.) ;
- aux exportations et importations de produits chimiques dangereux (préc.) ;
- et à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone (préc.).

L'ordonnance prévoit, par ailleurs, que le non-respect des obligations du Règlement en matière de transmission et de gestion des fiches de données de sécurité est un délit puni de trois mois d'emprisonnement et d'une amende de 20 000 euros pour les personnes physiques (100 000 euros pour les personnes morales).

Dans le contexte d'une gestion européenne des produits chimiques qui connaît encore des évolutions importantes (le système général harmonisé de classification, d'étiquetage et d'emballage venant d'être adopté avec le Règlement n° 1272/2008 du 16 décembre 2008 N° Lexbase : L4612ICS), la mise en oeuvre d'une politique européenne de gestion des produits chimiques efficace et exigeante en matière d'environnement et de santé vient de connaître, au niveau national, un pas décisif avec le régime de sanctions défini par l'ordonnance du 26 février 2009.

Savin Martinet Associés - www.smaparis.com - Cabinet d'avocats-conseils
Contacts :
Patricia Savin (savin@smaparis.com)
Yvon Martinet (martinet@smaparis.com)

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Rel. collectives de travail

[Focus] La jurisprudence de la Cour de cassation rendue en 2008 à la lumière du Rapport de la Cour de cassation : relations collectives de travail

Réf. : Rapport 2008 de la Cour de cassation

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N0469BKL

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Le 07 Octobre 2010


Jeudi 26 mars 2009, la Cour de cassation rendait public son désormais classique Rapport annuel, consacré, cette année, aux discriminations dans la jurisprudence de la Haute juridiction. Jugé abscons par ses détracteurs, l'exercice mérite, cependant, de refléter parfaitement l'évolution du droit français et de plonger au coeur même d'une réalité juridique dont il paraît nécessaire de reprendre les grands ajustements. Le Rapport pour l'année 2008 comporte donc, de façon très traditionnelle, des suggestions de modifications législatives ou réglementaires, l'analyse des principaux arrêts et avis, ainsi qu'une étude réalisée par des magistrats sur le thème des discriminations, oeuvre collective orchestrée par le Professeur Edouard Verny. A la suite de cette récente diffusion, Lexbase Hebdo - édition sociale vous propose, cette semaine, un numéro spécial consacré au Rapport 2008 de la Cour de cassation et vous invite à retrouver les commentaires des éclairages apportées par la Haute juridiction sur les arrêts ayant marqué le droit social l'année dernière.
  • Accords et conventions collectifs

Dénonciation d'une convention collective : Cass. soc., 5 mars 2008, n° 07-40.273, Société Oce Business services, FS-P+B+R (N° Lexbase : A3373D73)

Il résulte des articles L. 431-5 (N° Lexbase : L8867G7K) et L. 432-1 (N° Lexbase : L3116HIA) du Code du travail que le comité d'entreprise doit être consulté sur la dénonciation, par le chef d'entreprise, d'un accord d'entreprise qui intéresse l'organisation, la gestion ou la marche générale de l'entreprise. A défaut, la dénonciation demeure sans effet jusqu'à l'accomplissement de cette formalité.

Ainsi que nous avions pu le relever dans notre commentaire publié dans la présente revue (lire nos obs., Le comité d'entreprise doit être consulté sur la dénonciation d'un accord d'entreprise, Lexbase Hebdo n° 297 du 20 mars 2008 - édition sociale N° Lexbase : N4357BE4), la solution retenue par la Cour de cassation dans cet important arrêt en date du 5 mars 2008 était largement prévisible et attendue. Désormais, la dénonciation par l'employeur d'un accord collectif d'entreprise qui intéresse l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise constitue une décision qui doit donner lieu à consultation du comité d'entreprise.

Ainsi que le souligne le rapport, il va de soi que cette consultation doit avoir lieu avant la dénonciation, conformément aux dispositions de l'article L. 2323-2 du Code du travail (N° Lexbase : L2722H9P).

Le principe de la consultation du comité d'entreprise avant la dénonciation d'un accord collectif d'entreprise étant acquis, reste la question de la sanction applicable en cas de non-respect de cette obligation par l'employeur. Ainsi que nous le révèle ce même arrêt, la dénonciation demeure sans effet jusqu'à l'accomplissement de cette formalité. Le défaut de consultation du comité d'entreprise, auquel doit être assimilée la consultation irrégulière, n'entraîne donc pas la nullité de la dénonciation qu'aucun texte ne prévoit. On peut considérer, cependant, que le résultat est le même et l'absence d'effet de la dénonciation présente d'indéniables vertus que nous résume le rapport de la Cour de cassation : "il s'agit, ici, d'assurer l'effectivité des prérogatives du comité d'entreprise, objectif que ne peuvent réaliser ni une sanction pénale prononcée pour délit d'entrave au fonctionnement régulier du comité d'entreprise, ni des dommages-intérêts réparant le préjudice subi. Au demeurant, le chef d'entreprise, ainsi incité à remédier sans délai à l'irrégularité, se trouvera, sans doute, moins exposé aux risques d'une sanction pénale ou civile. La règle énoncée par l'arrêt est ainsi, d'une certaine manière, également protectrice de ses intérêts".

Au-delà de cette affirmation, le Rapport annuel de la Cour de cassation présente le grand intérêt de mettre en relief trois questions que laisse ouvertes la décision rapportée et qui sont, pour l'essentiel, liées à l'articulation de la solution retenue avec les dispositions de l'article L. 2261-9 du Code du travail (N° Lexbase : L2434H9Z). La première question est de savoir si le point de départ du délai de préavis mentionné par ce texte se trouve différé jusqu'au jour de la consultation régulière du comité d'entreprise. La deuxième conduit à se demander si, compte tenu de ce que la validité et la force obligatoire d'un accord collectif sont soumises aux règles qui lui sont propres, lorsqu'un nouvel accord d'entreprise est conclu pour être substitué à l'accord dénoncé, le nouvel accord ne doit pas entrer en vigueur nonobstant le défaut de consultation par l'employeur du comité d'entreprise préalablement à sa décision de signer un accord collectif d'entreprise. La troisième et dernière question porte sur le point de savoir si la sécurité juridique n'exige pas d'enfermer le droit d'agir en suspension des effets d'une dénonciation irrégulière dans un délai dont la durée, tout en étant suffisante pour permettre à toute partie y ayant intérêt d'engager une action, éviterait que soient remises en cause, après leur entrée en vigueur, les mesures nouvelles décidées unilatéralement par l'employeur.

On aurait évidemment souhaité que le rapport de la Cour de cassation apporte des réponses à ces questions pour le moins importantes. En leur absence, nous pouvons essayer d'esquisser quelques pistes de réflexion. Tout d'abord, et en commençant par la fin, on ne voit pas comment, dans le silence de la loi, la Cour de cassation pourrait imposer d'enfermer le droit d'agir en suspension des effets d'une dénonciation irrégulière dans un délai précis, si ce n'est le délai de prescription de droit commun de cinq ans. Cela étant, on avouera ne pas bien comprendre en quoi les mesures unilatérales décidées par l'employeur seraient remises en cause. Tout au plus, celles-ci entreraient en concours avec la norme irrégulièrement dénoncée, ce qui n'entraîne pas à proprement parler leur "remise en cause".

Ensuite, et pour ce qui est de la réponse à la deuxième question, elle nous paraît devoir être liée à la solution retenue, selon laquelle la dénonciation irrégulière n'est pas nulle, mais privée d'effets. L'acte n'étant pas été anéanti, on ne voit pas pourquoi le point de départ du délai de préavis mentionné par l'article L. 2261-9 serait différé jusqu'au jour de la consultation régulière du comité d'entreprise. La dénonciation est bien intervenue, mais elle est privée d'effets tant que le comité n'a pas été consulté. En revanche, il nous semble que le délai de survie de l'accord de 12 mois ne peut commencer à courir qu'à la date de consultation du comité, puisqu'antérieurement nous ne sommes pas en présence d'une "survie" de l'accord, faute pour la dénonciation de pouvoir produire ses effets, mais d'une application normale de l'acte juridique. Quant à la première question, elle nous paraît mal posée. En effet, dans la mesure où la dénonciation est privée d'effets tant que le comité d'entreprise n'a pas été consulté, il ne saurait être question d'accord de substitution au sens de l'article L. 2261-9 du Code du travail. Sans doute cet accord sera-t-il valable et applicable, mais il entrera alors en concours avec l'acte irrégulièrement dénoncé. On peut, cependant, se demander si cette affirmation n'entre pas en contradiction avec le fait que la dénonciation n'est pas nulle. Mais il est vrai qu'elle est, néanmoins privée, d'effets.

Une dernière remarque s'impose dans le droit fil du Rapport. Ainsi que celui-ci l'indique, il n'est pas exclu qu'à l'avenir, il soit exigé de l'employeur qu'il consulte le comité d'entreprise avant de dénoncer un usage ou un engagement unilatéral intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise (v., déjà en ce sens, notre commentaire préc.). Quoique la formulation puisse laisser place au doute ("il n'est pas exclu qu'à l'avenir"), la mise en garde à destination des employeurs est pour le moins évidente !

Cumul d'avantages conventionnels : Ass. plén., 24 octobre 2008, n° 07-42.799, Syndicat Syser CFDT de l'Hérault c/ Syndicat mixte pour le traitement de l'information et les nouvelles technologies Cogitis, P+B+R+I (N° Lexbase : A9271EAM)

En cas de concours d'instruments conventionnels collectifs, les avantages ayant le même objet ou la même cause ne peuvent, sauf stipulations contraires, se cumuler, le plus favorable d'entre eux pouvant seul être accordé.

Les jours de récupération, qui sont acquis par le salarié au titre d'un accord d'aménagement et de réduction du temps de travail, n'ont ni la même cause, ni le même objet que les congés payés d'ancienneté auxquels il a droit, en sus de ses congés annuels, ils doivent donc simultanément être appliqués.

Cette décision, qui n'appelait guère de commentaires dans la mesure où elle ne faisait que rappeler le champ d'application du principe de faveur (v., en ce sens, les obs. de S. Martin-Cuenot, Confirmation du champ du principe de faveur, Lexbase Hebdo n° 326 du 13 novembre 2008 - édition sociale N° Lexbase : N7023BHL), n'en suscite pas plus postérieurement à sa mention dans le rapport annuel de la Cour de cassation. Il convient simplement de souligner que, dans cet arrêt, la Cour de cassation confirme la jurisprudence de la Chambre sociale affirmant l'autonomie du régime des jours de repos au titre d'une réduction du temps de travail par rapport à ceux acquis par les salariés à d'autres titres (Cass. soc., 13 décembre 2006, n° 05-42.528, FS-P+B N° Lexbase : A9157DSX, Bull. civ. V, n° 384 ; Cass. soc., 11 juillet 2007, n° 06-40.567, Société Crédit industriel d'Alsace et de Lorraine (CIAL), FS-P+B+R N° Lexbase : A3115DXN, Bull. civ. V, n° 124). Par voie de conséquence, les jours de congés payés qui ont pour but la protection de la santé du salarié et les jours de récupération du temps de travail qui ne sont que la compensation d'un dépassement de l'horaire légal ou conventionnel du travail dans l'entreprise, n'ont ni le même objet, ni la même cause. Ils peuvent donc se cumuler.

Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

- Conventions collectives/Principe du maintien des avantages individuels acquis : Cass. soc., 1er juillet 2008, 2 arrêts, n° 06-44.437, Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance (CNCEP), FP-P+B (N° Lexbase : A4826D9M) et n° 07-40.799, Caisse d'épargne et de prévoyance Rhône-Alpes Lyon, FP-P+B+R (N° Lexbase : A4995D9U) (1)

La structure de la rémunération résultant d'un accord collectif dénoncé constitue, à l'expiration des délais prévus par le troisième alinéa de l'article L. 132-8 du Code du travail (N° Lexbase : L5688ACN, art. L. 2261-10, recod. N° Lexbase : L3731IBS) alors en vigueur, un avantage individuel acquis qui est incorporé au contrat de travail des salariés employés par l'entreprise à la date de la dénonciation.

La Cour de cassation se livre, dans le Rapport annuel, à un exercice de justification de cette évolution importante de la notion d'"avantage individuel acquis", qui s'étend désormais à la structure de la rémunération (2).

La première raison est que la structure de la rémunération est "indissociable" des éléments permettant de déterminer le montant de la rémunération, de telle sorte qu'il semble difficile de garantir le maintien d'un niveau de rémunération sans garantir le maintien de la structure.

La seconde, que nous avions également relevé, tient aux effets de la solution qui, renforçant l'impact du principe du maintien des avantages individuels acquis, incitera l'employeur à conclure, dans les 12 mois, un accord de substitution, qui paralysera le maintien des avantages individuels acquis.

Enfin, et comme le relève très justement le Rapport, le maintien du niveau de la rémunération n'est guère satisfaisant lorsque la part variable de la rémunération est très forte, puisque le niveau de la rémunération atteint au moment de la dénonciation de l'accord ne rend pas compte de l'aléa qui affecte naturellement ce montant. Le rapport ne dit pas si ce principe devrait conduire à favoriser une augmentation future du niveau de rémunération, mais cette possibilité résulte assez nettement du rapprochement réalisé par la Cour entre le niveau de la rémunération et sa structure.

Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

  • Représentation du personnel et élections professionnelles

Elections/Salariés mis à disposition : Cass. soc., 13 novembre 2008, 3 arrêts, n° 07-60.434, Syndicat de site CGT PCA Poissy, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2478EBE) ; n° 08-60.331 et 08-60.332, Société Endesa France, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2494EBY) ; n° 07-60.465, 07-60.469 à 07-60.472, Société Airbus France, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2479EBG)

L'employeur étant tenu d'établir la liste électorale, il lui appartient, en cas de contestation, de fournir les éléments nécessaires au contrôle de sa régularité.

Sont intégrés de façon étroite et permanente à la communauté de travail, pour l'application des textes susvisés, les salariés mis à disposition par une entreprise extérieure qui, abstraction faite du lien de subordination qui subsiste avec leur employeur, sont présents dans les locaux de l'entreprise utilisatrice et y travaillent depuis une certaine durée, partageant, ainsi, des conditions de travail au moins en partie communes susceptibles de générer des intérêts communs.

Ainsi que le rappelle le rapport de la Cour de cassation, par ces trois arrêts relatifs à des litiges électoraux restant régis par les textes en vigueur antérieurement à la loi du 20 août 2008 (3), "la Chambre sociale poursuit la mise en oeuvre des principes posés par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 28 décembre 2006, au visa du principe de participation (alinéa 8 du Préambule de la Constitution N° Lexbase : L1356A94)".

On se souvient que, dans un arrêt "Peugeot" du 28 février 2007 (Cass. soc., 28 février 2007, n° 06-60.171, Syndicat CGT Peugeot Citroën automobiles (PCA) établissement de Poissy, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A4007DUX) et un arrêt "Hispano Suiza" du 1er avril 2008 (Cass. soc., 1er avril 2008, n° 07-60.287, FS-P+B N° Lexbase : A7751D79 et les obs. de S. Martin-Cuenot, Effectif et électorat des salariés mis à disposition : principe et conditions, Lexbase Hebdo n° 301 du 16 avril 2008 - édition sociale N° Lexbase : N7621BEY), la Chambre sociale a retenu que les salariés des entreprises extérieures mis à la disposition d'une entreprise utilisatrice, intégrés de façon étroite et permanente à la communauté de travail qu'elle constitue, et comptabilisés, à ce titre, dans les effectifs, au sens de l'article L. 1111-2 du Code du travail (N° Lexbase : L3822IB8), sont à ce même titre nécessairement électeurs pour la mise en place du comité d'entreprise et des délégués du personnel, dès lors qu'ils remplissent les conditions légales des articles L. 2314-15 (N° Lexbase : L2615H9Q) et L. 2324-14 (N° Lexbase : L2612H9M) du Code du travail.

Ces solutions exigeaient, pour le moins, d'être précisées et, surtout, il était attendu de la Cour de cassation qu'elle nous livre les critères permettant de déterminer à quel moment un salarié mis à disposition est "intégré de façon étroite et permanente à la communauté de travail" que constitue l'entreprise utilisatrice. Encore que l'affirmation puisse avoir quelque chose d'excessif, on peut dire que c'est chose faite avec les arrêts du 13 novembre 2008. Dans un attendu de principe commun aux trois décisions, la Chambre sociale énonce que "sont intégrés de façon étroite et permanente à la communauté de travail, pour l'application des articles L. 423-7 (N° Lexbase : L6367ACS), L. 433-4 (N° Lexbase : L6421ACS) et L. 620-1 (N° Lexbase : L6663ACR), devenus les articles L. 2314-15, L. 2324-14 et L. 1111-2 du Code du travail, dans leur rédaction applicable au litige, les salariés mis à disposition par une entreprise extérieure qui, abstraction faite du lien de subordination qui subsiste avec leur employeur, sont présents dans les locaux de l'entreprise utilisatrice et y travaillent depuis une certaine durée, partageant, ainsi, des conditions de travail au moins en partie communes susceptibles de générer des intérêts communs".

Ainsi que nous l'avions évoqué dans notre commentaire des décisions en cause (lire nos obs., La figure du salarié mis à disposition se précise, Lexbase Hebdo n° 328 du 27 novembre 2008 - édition sociale N° Lexbase : N7596BHS), le rapport de la Cour de cassation confirme que les critères de l'intégration étroite et permanente aux activités de l'entreprise sont, tant pour le calcul de l'effectif que pour l'inscription sur les listes électorales, uniquement ceux qui sont visés dans l'attendu de principe, la participation à des tâches essentielles ou nécessaires aux activités de l'entreprise étant, en revanche, indifférente. De même, le rapport souligne que le travail dans les mêmes locaux constitue un critère essentiel de l'intégration à la communauté de travail.

Par ailleurs, et bien que cela ne faisait guère de doute, le rapport prend soin de préciser qu'"indiquant que doivent être inclus dans les effectifs les salariés mis à disposition qui remplissent les critères de lieux et de durée de présence, partageant, ainsi, des conditions de travail pour partie communes susceptibles de générer des intérêts communs, les arrêts rapportés n'ajoutent pas une condition supplémentaire aux critères de lieu et de durée. Ils en explicitent la raison d'être au regard de l'effet utile du principe de participation. C'est en raison de leur présence dans les mêmes locaux pendant une certaine durée que les salariés mis à disposition ont des conditions de travail pour partie communes avec les salariés de l'entreprise d'accueil (et avec les salariés mis à disposition par d'autres entreprises) et qu'ils forment avec eux une communauté de travail au sens du principe de participation".

En précisant ainsi le fondement des critères retenus qui rappellent ceux caractérisant l'établissement distinct, les arrêts rapportés permettent de déterminer concrètement les conditions de l'intégration étroite et permanente, à partir d'un faisceau d'indices au regard de la situation des salariés et de régler, notamment, des difficultés pouvant naître de la définition des locaux de l'entreprise d'accueil (cas, par exemple, des salariés itinérants ou de ceux travaillant sur un chantier). Le rapport nous confirme, par ailleurs, que la solution retenue dans les arrêts du 13 novembre 2008 est compatible avec les dispositions des articles L. 1111-2, L. 2314-15, L. 2324-14 du Code du travail, tels qu'ils résultent de la loi du 20 août 2008, qui a précisé les conditions de durée de présence nécessaires tant pour la prise en compte dans le calcul des effectifs que pour la détermination des conditions d'électorat et d'éligibilité des salariés mis à disposition comme délégués du personnel ou membres du comité d'entreprise.

Rappelons, pour conclure, que l'un des arrêts en cause apporte une précision d'importance s'agissant de la charge de la preuve des effectifs et de la régularité de la liste électorale. L'organisation de l'élection incombant à l'employeur, c'est lui qui doit fournir les informations nécessaires au contrôle de la régularité des listes, et non pas au syndicat ou aux salariés qui les contestent.

Elections/Vacataires : Cass. soc., 24 septembre 2008, n° 07-60.310, Union locale CGT, FS-P+B+R (N° Lexbase : A5050EAB)

En application de la loi, sont électeurs les salariés ayant travaillé trois mois, au moins, dans l'entreprise. Remplissent cette condition les salariés "intermittents" ou vacataires qui, ayant travaillé dans l'entreprise de manière habituelle au cours des trois derniers mois, sont intégrés de manière étroite et permanente à la communauté de travail.

Ainsi que nous l'apprend le Rapport annuel de la Cour de cassation pour 2008, "la présente affaire posait la question de la prise en compte, en tant qu'électeurs, de salariés intervenant ponctuellement dans l'entreprise, en qualité d'extras". Or, cette notion n'étant pas une notion juridique, la première difficulté venait de la nécessité de cerner quelles catégories de salariés étaient concernées. La Chambre sociale a estimé que le terme pouvait recouvrir deux sortes de salariés, les "intermittents", travaillant, en général, très peu d'heures pour l'entreprise, mais de manière régulière, et les vacataires, appelés généralement à travailler de manière plus ponctuelle, mais un nombre d'heures plus élevé.

Cela étant précisé, il s'agissait ensuite, et surtout, de savoir dans quelle mesure ces catégories de salariés peuvent être considérées comme remplissant la condition, posée par les articles L. 2314-15 et L. 2324-14 du Code du travail pour être électeurs aux élections de représentants du personnel, d'avoir "travaillé trois mois au moins dans l'entreprise". Dans deux arrêts en date du 20 octobre 1999 (Cass. soc. 20 octobre 1999, n° 98-60.380, Syndicat AGRHIP-CFDT c/ M. Delloye N° Lexbase : A4832AG3) et du 6 février 2002 (Cass.soc., 6 février 2002, n° 00-60.309, Syndicat AGRHIP-CFDT c/ Groupement d'intérêt économique Paris mutuel hippodrome (PMH), FS-D N° Lexbase : A9252AXX), la Chambre sociale avait imposé la nécessité de considérer comme électeurs les salariés vacataires ayant travaillé dans l'entreprise "au moins à deux reprises dans les trois mois précédant l'élection".

Ainsi qu'il est souligné dans le Rapport, "un tel critère, qui s'expliquait logiquement par l'idée qu'un salarié, qui a travaillé au moins deux fois dans l'entreprise au cours des trois derniers mois, peut être considéré comme ayant un lien sérieux avec cette entreprise, paraissait, cependant, très figé au regard du texte légal, et éloigné des critères généraux que la Cour de cassation et le Conseil constitutionnel avaient tenté de dégager pour que l'électeur soit, avant tout, un salarié intégré de façon étroite et permanente à la communauté de travail de l'entreprise". On ajoutera que ce critère, pour être "logique" et "figé au regard du texte légal", était, surtout, difficile à déduire de celui-ci.

Désormais, étant entendu que sont électeurs les salariés ayant travaillé trois mois au moins dans l'entreprise, remplissent cette condition les salariés "intermittents" ou vacataires qui, ayant travaillé dans l'entreprise de manière habituelle au cours des trois derniers mois, sont intégrés de manière étroite et permanente à la communauté de travail. Si cette solution est, dans une certaine mesure, plus conforme aux textes en cause, elle reste pour le moins floue (v., en ce sens, nos obs., L'électorat des salariés "occasionnels", Lexbase Hebdo n° 321 du 9 octobre 2008 - édition sociale N° Lexbase : N3796BH3). Le rapport ne nous est malheureusement pas d'une grande aide pour cerner la notion de "travail habituel". Tout au plus est-il rappelé que l'intégration, s'agissant de ces vacataires ou "intermittents" doit être appréciée en considération de la variation des effectifs dans l'entreprise et compte tenu du caractère et de la nature de l'emploi de ce personnel d'appoint. Cela ne nous avance guère. Ce qui est, toutefois, certain, à notre sens et au regard des faits de l'arrêt en cause, c'est que la notion de travail habituel au cours des trois derniers mois, ne saurait être réduite à un nombre quelconque d'heures. Pour le reste, l'incertitude domine. Ainsi, et notamment, la Cour de cassation ne répond nullement à la question de savoir si un "extra" peut acquérir l'ancienneté requise de trois mois sur une plus longue période, ce que semble, toutefois, autoriser les textes applicables.

Effets de l'annulation de l'élection : Cass. soc., 2 décembre 2008, n° 07-41.832, M. Mohamed Kouki, FS-P+B+R (N° Lexbase : A5272EBU)

L'annulation d'un jugement reconnaissant l'existence d'une unité économique et sociale ne fait perdre aux salariés élus leur qualité de membre de l'institution représentative mise en place dans ce cadre qu'à compter du jour du jugement où elle est prononcée.

Ces salariés bénéficient, à partir de la date du jugement prononçant l'annulation du délai de protection de six mois prévu à l'article L. 2411-5, alinéa 2, du Code du travail (N° Lexbase : L0150H9G), de la protection accordée aux anciens délégués du personnel.

Cette affaire posait la question des conséquences de l'annulation d'une décision reconnaissant l'existence d'une unité économique et sociale entre plusieurs sociétés sur les institutions représentatives mises en place dans ce cadre et sur les mandats qui y sont attachés.

Selon la Cour de cassation, l'annulation d'un jugement reconnaissant l'existence d'une unité économique et sociale ne fait perdre aux salariés élus leur qualité de membre de l'institution représentative mise en place dans ce cadre qu'à compter du jour où elle est prononcée. La Chambre sociale ajoute que ces salariés bénéficient, à partir de cette date, du délai de protection de six mois prévu à l'article L. 2411-5, alinéa 2, du Code du travail (N° Lexbase : L0150H9G). Parfaitement justifiée, cette décision a le grand mérite de préserver l'intégrité et l'intégralité du statut protecteur du salarié qui pour être en quelque sorte déchu de son mandat, ne s'est pas moins découvert auprès de son employeur.

Le Rapport prend soin de souligner qu'"au delà de la seule question du statut protecteur, l'arrêt du 2 décembre 2008, en affirmant que l'annulation d'une élection ne fait perdre aux salariés élus leur qualité de membres de l'institution représentative qu'à compter du jour de l'annulation, consacre la validité des actes qui ont pu être antérieurement effectués dans le cadre de cette institution". Cette précision, que l'on doit prendre à sa juste valeur, parachève la mise à l'écart du caractère rétroactif de la nullité en la matière.

Institutions représentatives du personnel/Comité d'entreprise européen : Cass. soc., 16 janvier 2008, n° 07-10.597, Société Gaz de France-GDF, FS-P+B+R (N° Lexbase : A7784D3P)

Selon l'article 4-3 de l'accord instituant le comité d'entreprise européen du groupe Gaz de France, "en cas d'évènements exceptionnels susceptibles d'affecter gravement l'intérêt des salariés du groupe (fusion), le comité est réuni et il est, alors, consulté dans un délai suffisant pour que les éléments du débat ou l'avis puissent être intégrés au processus de décision". Ce délai doit permettre au comité de donner un avis au cours du processus devant aboutir à la décision, avant la tenue du conseil d'administration devant arrêter le projet de fusion qui est irréversible, selon les dispositions combinées des articles L. 236-6 du Code de commerce (N° Lexbase : L6356AIA) et 254 modifié du décret n° 67-236 du 23 mars 1967, sur les sociétés commerciales (N° Lexbase : L2613AHA).

Les procédures de consultation du comité d'entreprise et du comité d'entreprise européen d'entreprise n'ayant pas le même objet, ni le même champ d'application, les renseignements fournis lors de la réunion du comité d'entreprise n'assurent pas nécessairement une complète information du comité d'entreprise européen.

Cet arrêt apporte deux précisions inédites sur la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise européen. La première porte sur le moment de la consultation de cette institution pour qu'elle puisse avoir un effet utile, la seconde concerne les compétences respectives du comité d'entreprise national et du comité d'entreprise européen. Le Rapport annuel de la Cour de cassation n'apportant pas véritablement de précisions supplémentaires sur ces solutions, on se bornera à renvoyer à notre commentaire de cette décision, publié dans ces mêmes colonnes (lire nos obs., Consultation du comité d'entreprise européen sur la fusion GDF-Suez, Lexbase Hebdo n° 290 du 31 janvier 2008 - édition sociale N° Lexbase : N8504BDC).

Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

- Défense des intérêts collectifs de la profession : Cass. soc., 24 juin 2008, n° 07-11.411, Fédération nationale des mines et de l'énergie CGT, FS-P+B+R (N° Lexbase : A4114D9A)

Le défaut de réunion, d'information et de consultation des institutions représentatives du personnel, lorsqu'elles sont légalement obligatoires, porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession et ouvre, aux syndicats, le droit d'exercer une action judiciaire en application de l'article L. 2132-3 du Code du travail .

La nouvelle organisation des relations contractuelles entre l'entreprise et ses sous-traitants, ayant vocation à s'étendre sur tout le territoire national et à emporter des conséquences sur les emplois et les conditions de travail, implique la consultation du comité central d'entreprise, en application de l'article L. 2323-6 du Code du travail .

La loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, faisant obligation aux employeurs d'engager, tous les trois ans, une négociation sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, il en résulte que ces derniers disposent, en toute hypothèse, d'un délai expirant le 19 janvier 2008 pour y procéder.

A l'occasion du commentaire de cet arrêt publié dans ces colonnes, nous avions souligné que deux apports principaux pouvaient en être extraits (4).

La décision recouvrait d'abord un grand intérêt en ce qu'elle faisait une interprétation extensive des dispositions de l'article L. 2132-3 du Code du travail , lequel permet aux syndicats d'introduire des actions en justice afin d'"exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession". En effet, alors qu'un précédent arrêt de la Chambre sociale laissait penser qu'elle adopterait une conception plus restrictive de ce texte (5), la Cour de cassation juge que "le défaut de réunion, d'information et de consultation des institutions représentatives du personnel lorsqu'elles sont légalement obligatoires port[e] atteinte à l'intérêt collectif de la profession".

Occultant ce dernier arrêt rendu seulement quelques mois auparavant, le Rapport annuel énonce que l'arrêt rapporté s'inscrit "dans la tendance actuelle de la Chambre sociale à reconnaître aux syndicats, en leur qualité de défenseurs des intérêts collectifs de la profession, des prérogatives nouvelles".

Même si cela semblait aller de soi, le Rapport précise que cette prérogative est reconnue à tous les syndicats, qu'ils soient ou non représentatifs. Une telle solution est, d'ailleurs, en parfaite harmonie avec la loi du 20 août 2008 ayant sensiblement accru les prérogatives reconnues aux syndicats non représentatifs.

La décision nous semblait, ensuite, recouvrir un intérêt particulier s'agissant de la portée donnée à l'obligation faite à l'employeur d'engager tous les trois ans une négociation portant sur la mise en place d'un dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (6). En effet, par une incidente ajoutée à la motivation, la Chambre sociale nous semblait indiquer la manière dont elle entendait voir s'articuler cette obligation et l'engagement d'une procédure de licenciement pour motif économique (7). En jugeant "qu'en toute hypothèse", la négociation d'un dispositif de GPEC ne pouvait être anticipée avant l'expiration du délai triennal, la Chambre sociale paraissait refuser qu'une telle anticipation soit nécessaire en cas de licenciement pour motif économique, quand bien même aucun licenciement économique n'était en cause en l'espèce.

L'importance de cette précision doit cependant être sensiblement relativisée à la lecture du rapport annuel qui n'y voit qu'un "apport ponctuel". L'avenir dira s'il fallait ou non lire dans l'incise de la Chambre sociale l'énoncé d'une règle portant bien au-delà de ce litige.

Sébastien Tournaux, Docteur en droit, Chargé d'enseignement à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV

  • Droit syndical

- Liberté de communication des syndicats : Cass. soc., 5 mars 2008, n° 06-18.907, Société TNS Secodip, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1954D7I)

En ne recherchant pas si les informations litigieuses avaient un caractère confidentiel et si ce caractère était de nature à justifier l'interdiction de leur divulgation au regard des intérêts légitimes de l'entreprise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Cette décision a permis à la Cour de cassation de statuer, pour la première fois, sur l'étendue de la liberté de communication d'un syndicat sur un site internet. Il importe de préciser qu'était en cause, en l'espèce, la fédération CGT des sociétés d'études, qui avait ouvert un site internet sur lequel avaient été publiées des informations relatives à la société Secodip. Il n'était donc nullement question, ici, de communications syndicales internes à une entreprise par la voie électronique, dont on sait qu'elles doivent faire l'objet d'un accord collectif (C. trav., art. L. 2142-6 N° Lexbase : L2166H94). Partant, c'était, plus fondamentalement, la liberté d'expression qui était en cause.

Faisant valoir que la diffusion portait atteinte à ses intérêts et constituait une violation des règles légales de confidentialité, dès lors que, contrairement à un site intranet réservé au personnel de l'entreprise, les informations publiées étaient accessibles à tous, notamment, aux concurrents et clients, la société avait saisi le tribunal de grande instance pour que soit ordonnée la suppression des rubriques intitulées "syndicat", "rentabilité Secodip", "négociations", "travail de nuit" et "accords 35 heures". Ainsi que nous l'apprend le rapport annuel de la Cour de cassation pour 2008, par un jugement du 11 janvier 2005, le tribunal avait ordonné la suppression de certaines d'entre elles, au motif qu'un syndicat qui représente les salariés ne peut s'affranchir des règles de discrétion qui s'imposent à eux en application de l'article L. 1121-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0670H9P). La cour d'appel avait réformé ce jugement et débouté la société de sa demande, au motif que le syndicat, comme tout citoyen, a un droit d'expression libre sans être lié par les obligations de confidentialité qui pèsent sur les salariés, les membres du comité d'entreprise ou les experts du comité (des rapports de l'expert comptable du comité avait été mis en ligne), dès lors qu'il n'a aucun lien avec l'entreprise.

Le pourvoi était fondé sur la violation du paragraphe 2, de l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L4743AQQ), la liberté d'expression du syndicat ne lui permettant pas de diffuser au public des informations confidentielles.

La décision est censurée au visa de l'article 10 § 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 1er de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, pour la confiance dans l'économie numérique (N° Lexbase : L2600DZC). Eu égard à son importance, le motif de principe de l'arrêt de cassation mérite d'être intégralement rapporté : "attendu que, selon le premier de ces textes, des restrictions peuvent être prévues par la loi lorsqu'elles sont nécessaires à la protection des droits d'autrui, notamment, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles, de telles restrictions devant être proportionnées au but légitime poursuivi ; que, selon le second, l'exercice de la liberté de communication électronique peut être limitée dans la mesure requise notamment par la protection de la liberté et de la propriété d'autrui ; qu'il en résulte que, si un syndicat a le droit de communiquer librement des informations au public sur un site internet, cette liberté peut être limitée dans la mesure de ce qui est nécessaire pour éviter que la divulgation d'informations confidentielles porte atteinte aux droits des tiers". La Chambre sociale conclut en affirmant qu'en se déterminant comme elle l'a fait, sans rechercher si les informations litigieuses avaient un caractère confidentiel et si ce caractère était de nature à justifier l'interdiction de leur divulgation au regard des intérêts légitimes de l'entreprise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés.

Cette décision, que l'on qualifiera d'équilibrée, doit être approuvée. En effet, si l'article 10 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales pose en règle de principe la liberté d'expression, son § 2 y apporte d'inévitables limites. Selon ce texte, "l'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire".

L'article 1er de la loi du 21 juin 2004, relative à la confiance dans l'économie numérique, dont on doit relever avec le rapport qu'il est appliqué pour la première fois en la matière, se fait en quelque sorte l'écho de cette stipulation. Après avoir affirmé que la communication au public par voie électronique est libre, il n'en dispose pas moins que "l'exercice de cette liberté ne peut être limité que dans la mesure requise, d'une part, par le respect de la dignité de la personne humaine, de la liberté et de la propriété d'autrui, du caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion et, d'autre part, par la sauvegarde de l'ordre public, par les besoins de la défense nationale, par les exigences de service public, par les contraintes techniques inhérentes aux moyens de communication, ainsi que par la nécessité, pour les services audiovisuels, de développer la production audiovisuelle".

En résumé, et ainsi que le précise le Rapport de la Cour de cassation, il résulte de l'article 10 § 2 de la Convention, que le caractère confidentiel d'une information peut être un obstacle à sa divulgation et de la loi sur la liberté de communication électronique, que tel peut être le cas lorsque la divulgation d'information confidentielle porte atteinte à la liberté ou à la propriété d'autrui. Autant de préceptes que la Cour de cassation met en oeuvre dans sa décision du 5 mars 2008.

Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV


(1) Lire nos obs., La structure conventionnelle de la rémunération, avantage individuel acquis, Lexbase Hebdo n° 314 du 23 juillet 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N6737BGM).
(2) Pour la justification de cette solution, reprenant les arguments avancés dans le Rapport annuel, notre commentaire, ibid..
(3) Loi n° 2008-789 du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (N° Lexbase : L7392IAZ).
(4) Lire nos obs., Consultations du comité d'entreprise et GPEC : entre petites précisions et grands présages..., Lexbase Hebdo n° 313 du 16 juillet 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N6459BGC).
(5) Cass. soc., 23 janvier 2008, n° 05-16.492, Société Amadeus France service, FP-P+B (N° Lexbase : A0883D4H) et nos obs., La limitation du droit d'ester en justice des syndicats pour la défense des intérêts collectifs de la profession, Lexbase Hebdo n° 291 du 7 février 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N0432BEQ).
(6) C. trav., art. L. 2242-15 et suivants .
(7) P.-H. Antonmattéi, GPEC et licenciement pour motif économique : le temps des confusions judiciaires, Dr. soc., 2007, p. 289 ; G. Auzero, GPEC et licenciement pour motif économique : la position de la cour d'appel de Paris, Lexbase Hebdo n° 255 du 5 avril 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N6192BAL).

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Rémunération

[Focus] La jurisprudence de la Cour de cassation rendue en 2008 à la lumière du Rapport de la Cour de cassation : rémunération

Réf. : Rapport 2008 de la Cour de cassation

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N0467BKI

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Le 07 Octobre 2010


Jeudi 26 mars 2009, la Cour de cassation rendait public son désormais classique Rapport annuel, consacré, cette année, aux discriminations dans la jurisprudence de la Haute juridiction. Jugé abscons par ses détracteurs, l'exercice mérite, cependant, de refléter parfaitement l'évolution du droit français et de plonger au coeur même d'une réalité juridique dont il paraît nécessaire de reprendre les grands ajustements. Le Rapport pour l'année 2008 comporte donc, de façon très traditionnelle, des suggestions de modifications législatives ou réglementaires, l'analyse des principaux arrêts et avis, ainsi qu'une étude réalisée par des magistrats sur le thème des discriminations, oeuvre collective orchestrée par le Professeur Edouard Verny. A la suite de cette récente diffusion, Lexbase Hebdo - édition sociale vous propose, cette semaine, un numéro spécial consacré au Rapport 2008 de la Cour de cassation et vous invite à retrouver les commentaires des éclairages apportées par la Haute juridiction sur les arrêts ayant marqué le droit social l'année dernière.
  • Retenue sur salaire

Salariés absents : Cass. soc., 16 janvier 2008, 2 arrêts, n° 06-43.124, Société Trigano VDL, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7429D3K) et n° 06-42.327, M. Xavier Pognant, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7428D3I)

Pour condamner la société au remboursement de la retenue sur salaire, ainsi qu'au paiement, par voie de conséquence, de rappels de prime d'ancienneté et de treizième mois, le jugement énonce que, si la loi du 30 juin 2004 (loi n° 2004-626, relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées N° Lexbase : L5185DZ3) pose le principe d'une journée supplémentaire de travail non rémunérée, elle n'aborde pas le problème de la retenue sur salaire et qu'une circulaire n'a pas force de loi ; que la liste légale des jours fériés n'a pas été modifiée et que la France a ratifié le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de l'ONU de 1966 prévoyant la rémunération des jours fériés ; qu'une retenue sur salaire est une sanction qui doit faire l'objet d'une procédure spéciale qui n'a pas été mise en oeuvre et que les sanctions pécuniaires sont interdites. En statuant ainsi, le conseil de prud'hommes a violé les textes susvisés.

Lorsque la journée de solidarité est fixée un jour férié précédemment chômé pour lequel le salarié aurait été rémunéré par l'effet de la mensualisation, l'absence pour grève de l'intéressé autorise l'employeur à pratiquer une retenue sur salaire, laquelle ne constitue pas une sanction pécuniaire.

Dans ces deux affaires, la Cour de cassation statuait, pour la première fois, sur l'application des dispositions de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004, relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées (N° Lexbase : L5185DZ3). Rappelons que cette loi a institué une journée de solidarité destinée à assurer le financement des actions en faveur de l'autonomie des personnes âgées ou handicapées.

Des salariés absents, pour grève dans un cas, pour absence injustifiée dans l'autre, soutenaient qu'eu égard aux dispositions de l'article L. 3133-7 du Code du travail (1) (N° Lexbase : L0502H9H), la journée de solidarité étant une journée de travail non payée, l'employeur ne peut, faute de contrepartie, effectuer une retenue sur le salaire des salariés absents ce jour-là sans prononcer une sanction pécuniaire prohibée

La Cour de cassation adoptait la position opposée en jugeant que "lorsque la journée de solidarité est fixée un jour férié précédemment chômé pour lequel le salarié aurait été rémunéré par l'effet de la mensualisation, l'absence de l'intéressé autorise l'employeur à pratiquer une retenue sur salaire, laquelle ne constitue pas une sanction pécuniaire".

Le Rapport annuel revient sur ces deux arrêts et explique que la Cour de cassation ne fait là que se placer dans sa jurisprudence classique s'agissant des retenues sur salaire des salariés grévistes ou des salariés dont l'absence est injustifiée. Le Rapport rappelle, ainsi, que le bénéfice des jours fériés ne peut être revendiqué par un salarié gréviste (2) ou le salarié dont l'absence un jour férié travaillé serait injustifiée (3). Elle ajoute que les retenues sur salaire auxquelles il peut alors être procédé ne constituent pas des sanctions pécuniaires prohibées par l'article L. 1331-2 du Code du travail (N° Lexbase : L1860H9R) (4).

Très pragmatiques, la solution rendue par la Cour de cassation comme l'explication qu'en fournit le Rapport n'emportent pourtant pas la conviction sur le plan des principes juridiques. En effet, la grève a pour effet de suspendre le contrat de travail et de dispenser l'employeur de rémunérer le salarié. De la même manière, par le jeu de l'exception d'inexécution, l'employeur n'est pas tenu de rémunérer un salarié dont l'absence est injustifiée. Cependant, dans le cas de la journée de solidarité, il s'agit d'une journée de travail non rémunérée. Dans ces conditions, il devient difficile de considérer qu'une retenue sur salaire doit être effectuée.

On l'aura bien compris, la solution rendue a surtout pour objectif de rendre effective la journée de solidarité créée en 2004. Si les salariés pouvaient faire grève ou être absents sans justification lors de cette journée sans subir de sanction, il est à peu près certain qu'une grande partie d'entre eux ne viendraient pas travailler.

Sébastien Tournaux, Docteur en droit, Chargé d'enseignement à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV

  • Calcul de la rémunération d'un jour férié non travaillé

Jour férié non travaillé/Salariés à temps partiel : Cass. soc., 5 juin 2008, n° 06-41.203, Institut Gustave Roussy, FS-P+B+R (N° Lexbase : A4670EA9)

En vertu des articles L. 3123-11 (N° Lexbase : L0420H9G) et L. 3123-10 (N° Lexbase : L0419H9E) du Code du travail, ensemble l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC) et l'accord d'entreprise du 8 juin 2000, si l'employeur doit accorder au salarié à temps partiel le nombre de jours fériés auquel celui-ci peut prétendre, en revanche, il est fondé à rémunérer ces jours fériés sur la base de la durée théorique journalière de travail du salarié à temps partiel. Dès lors, en condamnant l'Institut Gustave Roussy à rémunérer les jours fériés auxquels la salariée peut prétendre sur la base de 7 heures 30 par jour, le conseil de prud'hommes a violé les textes susvisés.

Dans cette affaire, la Cour de cassation tranchait la délicate question du calcul de la rémunération d'un jour férié non travaillé pour les salariés à temps partiel. En effet, par application des articles L. 3123-10 (N° Lexbase : L0419H9E) et L. 3123-11 (N° Lexbase : L0420H9G) du Code du travail, les salariés à temps partiel doivent bénéficier des droits reconnus aux salariés à temps complet. Ainsi, compte tenu de la durée de leur travail et de leur ancienneté dans l'entreprise, leur rémunération est proportionnelle à celle du salarié qui, à qualification égale, occupe à temps complet un emploi équivalent.

Deux méthodes peuvent être appliquées pour calculer la rémunération du salarié à temps partiel lorsqu'il ne travaille pas un jour férié. La première consiste à évaluer la durée qui doit lui être payée à hauteur de l'horaire effectivement pratiqué par le salarié lorsqu'il travaille. La seconde consiste à prendre en compte l'horaire journalier théorique de l'intéressé, concrètement en divisant la durée hebdomadaire de travail par cinq.

C'est la deuxième solution qui avait été retenue par la Cour de cassation dans cet arrêt. La Chambre sociale décidait, en effet, que "si l'employeur doit accorder au salarié à temps partiel le nombre de jours fériés auquel celui-ci peut prétendre, en revanche il est fondé à rémunérer ces jours fériés sur la base de la durée théorique journalière de travail du salarié à temps partiel".

Aux termes mêmes du Rapport annuel, il s'agit là d'une véritable innovation, laquelle nous semble devoir être approuvée en ce qu'elle permet de respecter l'exigence de proportionnalité imposée par l'article L. 3123-10 du Code du travail (N° Lexbase : L0419H9E) (5). En outre, la solution inverse aurait pu conduire à traiter différemment des salariés à temps partiel selon le nombre de jours travaillés dans la semaine et non selon la durée hebdomadaire effective de travail. Comme le rappelle régulièrement la Cour de cassation, l'égalité de traitement implique l'existence d'une situation identique.

Sébastien Tournaux, Docteur en droit, Chargé d'enseignement à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV

- Modalités de calcul prévues par le contrat de travail : Cass. soc., 18 juin 2008, n° 07-41.910, Société Corporate Express, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2113D97) (6)

Le salarié doit pouvoir vérifier que le calcul de sa rémunération a été effectué conformément aux modalités prévues par le contrat de travail.

Le Rapport annuel revient succinctement sur l'arrêt rendu par la Chambre sociale le 18 juin 2008 et par lequel la Cour de cassation avait énoncé, dans un chapeau interne, "que le salarié doit pouvoir vérifier que le calcul de sa rémunération a été effectué conformément aux modalités prévues par le contrat de travail". Par conséquent, l'employeur ne pouvait opposer au salarié l'intérêt de l'entreprise pour refuser de lui communiquer les éléments nécessaires à la transparence du calcul.

Cette décision avait été accompagnée de la publication d'un communiqué de presse dont nous avions souligné toute l'importance. Cette observation n'est pas démentie par le Rapport annuel qui précise que "la Chambre sociale a rejeté ce recours au motif que le salarié disposait du droit élémentaire de connaître les bases de calcul de son salaire, lequel était un élément essentiel du contrat de travail". Or, on peut remarquer qu'une telle motivation ne ressortait pas de l'arrêt lui-même, mais avait seulement été précisée par le communiqué.

Au-delà de la solution rendue, qui n'est guère plus commentée par le Rapport, la Cour de cassation démontre implicitement toute l'importance qu'elle donne désormais à ces nouveaux moyens de communication que sont les communiqués ou le Rapport annuel, lesquels se muent parfois en de véritables "motivations exogènes" (7).

Sébastien Tournaux, Docteur en droit, Chargé d'enseignement à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV

  • Egalité de traitement

- Différence de diplômes : Cass. soc., 16 décembre 2008, n° 07-42.107, Mme Nissrim Kassase, FS-P+B+R (N° Lexbase : A9149EBH)

Au regard de ce principe, la seule différence de diplômes, alors qu'ils sont d'un niveau équivalent, ne permet pas de fonder une différence de rémunération entre des salariés qui exercent les mêmes fonctions, sauf s'il est démontré par des justifications, dont il appartient au juge de contrôler la réalité et la pertinence, que la possession d'un diplôme spécifique atteste de connaissances particulières utiles à l'exercice de la fonction occupée.

Le commentaire de cette décision au Bulletin montre ce que nous nous sommes efforcés de démontrer à de nombreuses reprises depuis quelques mois ; de nombreuses censures s'expliquent essentiellement par des raisons disciplinaires, les juges du fond considérant comme justifiées des différences de traitement, sans retenir d'éléments de nature à justifier, en l'espèce, ces différences. Cette volonté de limiter, ainsi, la portée de la décision justifie sans doute que le Rapport éprouve le besoin, alors qu'en l'espèce, la différence de diplôme n'a pas été jugée comme pertinente, de rappeler le rôle que ces diplômes sont susceptibles de jouer. Ainsi, la Cour rappelle que la possession d'un diplôme est indispensable pour pouvoir bénéficier d'une classification lorsque la convention collective l'exige (8) et retient l'absence de possession du diplôme requis pour rejeter les prétentions d'un salarié au titre du principe à travail égal, salaire égal (9).

Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

  • Indemnités

- Indemnité de départ en retraite : Cass. soc., 30 janvier 2008, n° 06-17.531, M. Michel Guyot c/ Société Banque populaire Bourgogne-Franche-Comté, FS-P+B+R (N° Lexbase : A5997D4U) (10)

L'indemnité de départ en retraite versée au salarié qui quitte volontairement l'entreprise pour bénéficier du droit à une pension de vieillesse n'a pas pour objet de compenser un préjudice et constitue dès lors une rémunération, ce dont il résulte qu'elle est soumise aux règles de saisie prévues par le Code du travail.

Par l'arrêt rapporté, la Cour de cassation confirme sa jurisprudence sur la nature juridique de l'indemnité de départ en retraite versée au salarié qui quitte volontairement l'entreprise pour bénéficier du droit à une pension de vieillesse. Cette indemnité de départ en retraite n'a pas pour objet de compenser un préjudice et constitue, dès lors, une rémunération, ce dont il résulte qu'elle est soumise aux règles de saisie prévues par le Code du travail. Prive sa décision de base légale l'arrêt qui ne précise pas si la somme litigieuse a été versée au salarié en raison de son départ volontaire à la retraite ou de sa mise à la retraite par l'employeur.

En l'espèce, M. G. a demandé à un juge de l'exécution d'annuler une saisie-attribution pratiquée par une banque sur son compte ouvert dans une autre banque, en faisant valoir que cette saisie portait sur l'indemnité de départ en retraite qu'il avait perçue. L'arrêt de la cour d'appel retient, à tort, que cette indemnité n'est pas la contrepartie du travail fourni par l'employé et n'est donc pas un élément du salaire. La censure était d'autant plus attendue que la Chambre sociale de la Cour de cassation avait décidé, dès 1988 (11) que l'indemnité de départ en retraite a, dans tous les cas, le caractère de complément de salaire. Puis la Cour a reconnu un caractère indemnitaire à l'indemnité de départ en retraite lorsque la rupture est intervenue à l'initiative de l'employeur (12) ; lorsque le salarié a accepté de quitter l'entreprise dans le cadre d'une restructuration du volume des effectifs (13) ou d'un plan social (14).

La deuxième chambre civile (15) a opéré la même distinction quant à l'initiative de la rupture en jugeant que devaient être soumises à cotisation sociale des sommes versées à l'occasion de la rupture résultant d'un licenciement seulement apparent, complété d'une transaction entre les parties, en raison du départ volontaire du salarié à la retraite.

Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l’Ouvrage "Droit de la Sécurité sociale"


(1) "La journée de solidarité, instituée en vue d'assurer le financement des actions en faveur de l'autonomie des personnes âgées ou handicapées, prend la forme :
1° d'une journée supplémentaire de travail non rémunérée pour les salariés ;
2° se la contribution prévue au 1° de l'article L. 14-10-4 du Code de l'action sociale et des familles
(N° Lexbase : L3501HWL) pour les employeurs".
(2) Cass. soc., 14 mai 1999, n° 97-42.064, Société Malichaud c/ Mme Arnolin et autres (N° Lexbase : A4734AGG), RJS, 1999, n° 848.
(3) Cass. soc., 3 juin 1997, n° 94-42.197, Mme Joelle Gouriet et autres c/ Société Magasin Monoprix (N° Lexbase : A9624AAP).
(4) Cass. soc., 11 juillet 1989, n° 86-43.497, MM. Bobrie et Combeau c/ Société nouvelle des ateliers et chantiers de La Rochelle-Pallice (SNACRP) (N° Lexbase : A8773AA8) ; Cass. soc., 19 juillet 1994, n° 90-43.785, M. Dessauge c/ Société des Forges de Strasbourg (N° Lexbase : A3751AA8).
(5) En ce sens, v. L. Perrin, obs. sous Cass soc., 5 juin 2008, D., 2008, p. 2282.
(6) Lire nos obs., La rémunération, toujours et encore plus contractuelle !, Lexbase Hebdo n° 311 du 2 juillet 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N4903BGP).
(7) Sur cette question, lire F. Descorps Declère, Les motivations exogènes des décisions de la Cour de cassation, D., 2007, p. 2822.
(8) Cass. soc., 16 février 1999, n° 96-45581, Société Grand Garage du Boulevard c/ Mlle Scolaro (N° Lexbase : A6745CHB).
(9) Cass. soc., 11 juillet 2006, n° 05-40.527, Mme Danièle Amer Salem, épouse Breniaux, F-D (N° Lexbase : A4660DQN).
(10) Lire les obs. de O. Pujolar, Départ volontaire ou mise à la retraite : nature des indemnités et possibilités de saisie, Lexbase Hebdo n° 292 du 14 février 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N0835BEN).
(11) Cass. soc., 7 juillet 1988, n° 87-11.102, Société commerciale des eaux minérales du Bassin de Vichy c/ Comité d'entreprise de la société commerciale des eaux (N° Lexbase : A4009AGL).
(12) Cass. soc., 30 juin 1998, n° 96-41.443, Société Solvay France c/ M. Robert Derouineau (N° Lexbase : A5214C7A).
(13) Cass. soc., 23 mai 2000, n° 97-42444, M. Sence c/ Urssaf du Haut-Rhin et autre (N° Lexbase : A7048CIU).
(14) Cass. soc., 12 novembre 2003, n° 01-43.013, Société Mobil oil française c/ M. Gilbert Martinez, FS-P (N° Lexbase : A1276DAI) et nos obs., Exonérations sociales des indemnités versées dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, Lexbase Hebdo n° 96 du 26 novembre 2003 - édition sociale (N° Lexbase : N9556AA8).
(15) Cass. civ. 2, 15 novembre 2005, n° 04-30.279, Association Automobile club du Nord de la France et de Picardie (ACNF) c/ Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) de Roubaix Tourcoing, FS-D (N° Lexbase : A5640DLH).

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