La lettre juridique n°302 du 24 avril 2008

La lettre juridique - Édition n°302

Éditorial

Pension de réversion : quelle nature pour quelle équité ?

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N7843BE9

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

Le 27 Mars 2014


Avec 3,8 millions de bénéficiaires, pour un montant de 17,7 milliards d'euros dont 7,7 milliards pour le seul régime général, le régime des pensions de réversion est l'un des piliers fondamental de la solidarité sociale, mais l'un des cadres juridiques les plus complexes du régime de retraite par répartition à appréhender. Car les questions suscitées par la nature même de ces pensions tendent à ressurgir à chaque fois qu'est évoquée la nécessité d'en améliorer et d'en étendre le régime.

En effet, rien de plus ambigu que le droit d'un conjoint survivant à se voir servir une partie de la pension de retraite d'un assuré décédé, surtout lorsque ce versement est conditionné à l'importance de ses ressources personnelles, de son âge et de la durée de son mariage. S'agit-il d'une restitution, à la communauté matrimoniale, d'une partie du capital non thésaurisé, car non thésaurisable dans le cadre d'un régime de retraite par répartition et non par capitalisation, sous forme de rente viagère ? Ou d'une prolongation du devoir de secours à l'adresse d'un conjoint dépendant financièrement, prenant également la forme d'une rente viagère ? Encore que le terme "rente viagère" soit à proscrire puisqu'il ne s'agit pas, du moins pour ce qui concerne le régime général des retraites et par métonymie celui des pensions de réversion, d'une rémunération, mais d'une prestation sociale relevant pleinement du régime de la Sécurité sociale. La première branche de l'alternative, si elle présente les vertus de théorie de l'apparence, en ce qu'il apparaît que le conjoint survivant est bien le bénéficiaire d'une pension au titre et aux droits de son conjoint décédé, parce que ce conjoint n'a pas pu exercer pleinement son droit au versement de sa retraite, alors qu'il avait bien cotisé tout au long de sa vie professionnelle, est, bien entendu, à bannir au sein d'un régime de retraite par répartition intergénérationnelle. La seconde branche pose, alors, la question des fondements d'une perduration du devoir de secours, surtout lorsque le conjoint survivant divorcé et remarié peut percevoir cette pension, depuis 2004, sous certaines conditions. Finalement, quelle que soit la branche de l'alternative, la notion de droit à un "capital" retraite semble régulièrement faire surface au grand dam de la philosophie actuelle du régime de retraite français fondée sur une solidarité intergénérationnelle déconnectée de toute capitalisation publique de la retraite.

Illustration de cette ambiguïté nous a été donnée à travers un contentieux sensible : celui du versement d'une pension de réversion à l'adresse du "partenaire de vie", dans le cadre d'une relation homosexuelle stable. Et une fois encore, c'est la Cour de justice des Communautés européennes qui surprend tout le monde en affirmant qu'un partenaire de même sexe peut bénéficier d'une pension de veuvage octroyée dans le cadre d'un régime de prévoyance professionnelle, dans un arrêt du 1er avril 2008, sur lequel revient, cette semaine, Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen. Est-ce à dire que la France, comme l'Allemagne dans le cas d'espèce, est condamnée à adapter sa législation et à étendre le régime de la réversion au partenaire survivant d'un Pacs ?

L'électrochoc serait pourtant de bon sens. Rappelons que la mission d'évaluation et de contrôle de la Sécurité sociale (Mecss) du Sénat n'avait pas manqué, le 22 mai 2007, dans son Rapport d'information n° 314, de souligner l'iniquité de la prise en charge des conjoints survivants, d'envisager des pistes de réflexion et d'ouvrir le débat sur certaines questions sensibles, voire taboues, telle l'harmonisation, à terme, des règles des différents régimes, l'extension de la réversion aux nouvelles formes de vie en couple ou le calcul plus juste des droits à accorder aux anciens conjoints divorcés. Certes, l'extension au partenaire survivant d'un Pacs du régime de la réversion constituait l'avant-dernière proposition de la Mecss (soulignée par elle dans son rapport, comme pour en dénier l'urgence) ; et cette décision, trop rapidement lue, laisserait penser que tous les pacsés pourraient demander à percevoir la pension de réversion de leur conjoint décédé. Ce serait mal interpréter le dispositif prononcé par la CJCE.

C'est dans le cadre d'une relation de travail, prévoyant un régime conventionnel de cotisations professionnelles de retraite que la Cour s'appuie sur la Directive relative à l'égalité salariale et à l'absence de discrimination fondée, notamment, sur l'orientation sexuelle. C'est-à-dire qu'en aucun cas le régime de base de la réversion n'est touché par cette décision. Cet arrêt est applicable à certains régimes complémentaires, et à toute prestation sociale qui dépend directement de l'entreprise ou des conventions collectives (prime de mariage au versement d'un capital décès pour le conjoint survivant, ou octroi d'une pension de réversion au titre des régimes complémentaires qui dépendent directement des entreprises).

En sept ans, le nombre de Pacs a plus que quintuplé, passant de 20 000 en 2001 à plus de 100 000 en 2007. Aussi, le régime de base des retraites ne pourra se passer, sans aucun doute, d'une réforme afin de garantir l'égalité des droits entre les pacsés et les mariés, dont le trait commun est l'assistance financière des conjoints. C'est ce que préconisent de plus en plus d'experts, dont la HALDE.

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Responsabilité

[Jurisprudence] Responsabilité civile et liberté d'expression

Réf. : Cass. civ. 1, 8 avril 2008, n° 07-11.251, Association Greenpeace France, FS-P+B+I (N° Lexbase : A8043D7Z)

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N7822BEG

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par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit

Le 07 Octobre 2010

L'occasion a déjà été donnée d'évoquer, ici même, une tendance assez nettement perceptible en jurisprudence consistant dans le refoulement de la responsabilité civile délictuelle pour faute de l'article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ) en cas de dommages causés par voie de presse. Le constat est avéré lorsque les faits reprochés relèvent de la loi du 29 juillet 1881, sur la liberté de la presse (N° Lexbase : L7589AIW). A la question de savoir si les abus de la liberté d'expression, prévus et réprimés par la loi, peuvent être réparés sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, lequel dispose que "tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer", l'Assemblée plénière de la Cour de cassation, par un arrêt du 12 juillet 2000, a, en effet, décidé, opérant un revirement, que "les abus de la liberté d'expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 ne peuvent être poursuivis et réparés sur le fondement de l'article 1382 du Code civil" (1). La règle a été, ensuite, à plusieurs reprises réaffirmée. Mieux, une nouvelle étape a été franchie par un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 27 septembre 2005, écartant la responsabilité civile pour faute de l'article 1382 du Code civil, alors même qu'aucun délit de presse ne serait caractérisé (2). L'arrêt avait, en effet, considéré que les abus de la liberté d'expression envers les personnes ne peuvent être poursuivis sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, sans plus viser les abus "prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881" (3). Aussi bien, la question paraît-elle entendue : en dépit d'un arrêt récent ayant pu laisser penser qu'une solution moins catégorique n'était peut-être pas définitivement exclue (4), la jurisprudence semble tout de même bien vouloir faire reculer le droit commun de la responsabilité civile pour faute en cas de dommages causés par voie de presse. Une même tendance d'abaissement du seuil de la responsabilité, réalisée par un effacement de la faute, paraît au demeurant s'imposer, même dans des hypothèses dans lesquelles le droit spécial de la presse, en l'occurrence la loi du 29 juillet 1881, ne trouverait pas à s'appliquer. Un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 8 avril dernier, à paraître au Bulletin et en ligne sur le site de la Cour, mérite, nous semble-t-il, à ce titre d'être au moins rapidement signalé.

En l'espèce, lors de campagnes de défense de l'environnement, les associations Greenpeace France et Greenpeace New-Zealand avaient reproduit sur leurs sites internet la lettre "A" stylisée de la marque de la Société des participations du Commissariat à l'énergie atomique Areva et la dénomination "A Areva" en les associant, toutes les deux, à une tête de mort, le logo étant placé sur le corps d'un poisson mort ou malade. La société a assigné en référé les associations pour faire supprimer toute reproduction imitation et usage de ses marques et toute référence illicite à celles-ci puis, au fond, en contrefaçon pour reproduction et par imitation des deux marques et pour des actes fautifs distincts, estimant que les mentions de deux marques ainsi caricaturées sur les sites discréditaient et dévalorisaient l'image de ces marques. On passera assez vite sur la première branche du moyen qui reprochait à l'arrêt de la cour d'appel de Paris (CA Paris, 4ème ch., sect. B, 17 novembre 2006, n° 04/18518 N° Lexbase : A5233DTY) d'avoir dit qu'en associant des images de mort à la reproduction des marques, dont la société Areva était titulaire, les associations avaient commis des actes de dénigrement au préjudice de cette dernière et d'avoir, en conséquence, interdit la poursuite de ses agissements sous astreinte, condamné ces associations à payer des dommages et intérêts à la société et autorisé celle-ci à faire publier le dispositif de l'arrêt. Le pourvoi faisait, en effet, valoir que les abus de la liberté d'expression envers les personnes ne peuvent être poursuivis sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, contrairement à ce qu'auraient décidé les juges du fond qui, de ce fait, auraient violé l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881. L'argumentation est rejetée, aux motifs que "la cour d'appel a exactement retenu que les actes reprochés aux associations par l'utilisation litigieuse de ses marques ne visaient pas la société mais les marques déposées par elle et en conséquence les produits ou services qu'elle servent à distinguer, de sorte qu'il était porté atteinte à ses activités et services et non à l'honneur ou à la considération de la personne morale".

La seconde branche du moyen critiquait, elle, le fait que, pour condamner les associations à payer la somme d'un euro à titre de dommages et intérêts à la société et autoriser celle-ci à faire publier le dispositif de l'arrêt, la cour d'appel avait considéré que la représentation des marques de la société associées à une tête de mort et à un poisson malade, symboles que les associations admettaient avoir choisis pour frapper immédiatement l'esprit du public sur le danger du nucléaire, en ce qu'elle associait les marques en cause à la mort, conduisait à penser que tout produit ou service diffusé par la société était mortel. En somme, en raison de la généralisation qu'elles introduisaient sur l'ensemble des activités de la société, non limitées au nucléaire, les associations allaient au-delà de la liberté d'expression permise. Cette fois, la Cour de cassation exerce sa censure, sous le visa de l'article 1382 du Code civil, ensemble l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L4743AQQ). Elle décide, en effet, "qu'en statuant ainsi, alors que ces associations agissant conformément à leur objet, dans un but d'intérêt général et de santé publique par des moyens proportionnés à cette fin, n'avaient pas abusé de leur droit de libre expression, la cour d'appel a violé le texte susvisé".

La solution témoigne, après d'autres, d'un recul du seuil de la faute et, en définitive, d'une éviction de la responsabilité. On rappellera que, sur cette pente, il a été déjà été jugé que certains comportements n'engendrent pas une responsabilité civile lorsque sont en cause des émissions satiriques ou de caricatures n'entraînant aucun risque de confusion avec la réalité (5). Moyennant quoi, "de dérive en dérive" (6), la Cour de cassation a considéré que des dessins tournant "en dérision la religion catholique, les croyances et les rites de la pratique religieuse, mais [n'ayant] pas pour finalité de susciter un état d'esprit de nature à provoquer à la discrimination, la haine ou la violence, ne caractérisent pas l'infraction prévue par l'article 24, alinéa 6, de la loi du 29 juillet 1881" et, qu'en l'état de ces seuls motifs, aucune faute ne pouvait être retenue sur le fondement de l'article 1382 du Code civil (7).


(1) Ass. Plén., 12 juillet 2000, n° 98-11.155, Epoux X c/ M. Y et autres (N° Lexbase : A2599ATG), Bull. civ. n° 8, D., 2000, Somm., p. 463, obs. P. Jourdain.
(2) Cass. civ. 1, 27 septembre 2005, n° 03-13.622, Société du Figaro c/ M. Roger Legraverend, FS-P+B (N° Lexbase : A5767DKS), Bull. civ. I, n° 348.
(3) Pour une confirmation de la solution et, donc, une exclusion de l'article 1382 sans se référer aux délits de presse et dans des hypothèses dans lesquelles aucun d'eux n'était caractérisé : Cass. civ. 2, 25 janvier 2007, n° 03-20.506, M. Patrick Balkany, FS-P+B (N° Lexbase : A6729DTE), Bull. civ. II, n° 19, RTDCiv., 2007, p. 354, obs. P. Jourdain ; Cass. civ. 1, 31 mai 2007, n° 06-10.747, Société conception de presse et d'édition (SCPE), FS-P+B (N° Lexbase : A5122DWM), Bull. civ. I, n° 215.
(4) Cass. civ. 1, 31 janvier 2008, n° 07-12.643, M. Stéphane Favier, F-P+B (N° Lexbase : A6112D47).
(5) Ass. Plén., 12 juillet 2000, préc., JCP éd. G, 2000, II, 10439, note A. Lepage, RTDCiv., 2000, p. 842, obs. P. Jourdain.
(6) F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Droit civil, Les obligations, Précis Dalloz, 9ème éd., n° 738, p. 721.
(7) Cass. civ. 2, 8 mars 2001, n° 98-17.574, Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l'identit française et chrétienne (AGRIF) c/ M. Godefroy (N° Lexbase : A4951ARS), Bull. civ. I, n° 47.

newsid:317822

Droit social européen

[Jurisprudence] Du droit du partenaire homosexuel à une pension de réversion

Réf. : CJCE, 1er avril 2008, aff. C-267/06, Tadao Maruko c/ Versorgungsanstalt der deutschen Bühnen (N° Lexbase : A7276D7M)

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N7962BEM

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen

Le 07 Octobre 2010

La question de l'homosexualité, pour avoir été largement débattue en droit interne par le législateur (on se souvient des débats vifs qui ont précédé l'adoption de la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999, relative au pacte civil de solidarité (PACS) N° Lexbase : L7500AIM), la doctrine et devant les juges, reste encore une terra incognita en droit communautaire, du moins, en ses développements judiciaires. La décision rendue par la CJCE le 1er avril dernier n'en prend que plus de valeur et de portée. En l'espèce, un concubin homosexuel ayant conclu un "partenariat de vie" avec son partenaire, l'équivalent, en droit allemand, de notre PACS, s'était vu refuser le bénéfice d'une pension de veuf, au motif que le bénéfice de cette prestation était réservé aux conjoints mariés, et non "pacsés". La CJCE décide, par l'arrêt rapporté, que le débiteur de la prestation (Versorgungsanstalt der deutschen Bühnen, "Vddb") n'a pas respecté le principe communautaire d'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, au sens de la Directive 2000/78/CE. Une telle discrimination, fondée sur l'orientation sexuelle, est bien contraire au droit communautaire, dans la mesure où la CJCE considère que la Directive 2000/78/CE s'applique bien (I) et où la pension de veuf doit être assimilée à une "rémunération" au sens de la Directive 2000/78/CE (II), la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle étant qualifiée de "directe" (III).
Résumé

Une prestation de survie octroyée dans le cadre d'un régime de prévoyance professionnelle entre dans le champ d'application de la Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail (N° Lexbase : L3822AU4). Les articles 1 et 2 de la Directive 2000/78 s'opposent à la réglementation allemande en vertu de laquelle, après le décès de son partenaire de vie, le partenaire survivant ne perçoit pas une prestation de survie équivalente à celle octroyée à un époux survivant, alors que, en droit national, le partenariat de vie placerait les personnes de même sexe dans une situation comparable à celle des époux pour ce qui concerne ladite prestation de survie. Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si un partenaire de vie survivant est dans une situation comparable à celle d'un époux bénéficiaire de la prestation de survie prévue par le régime de prévoyance professionnelle allemand.

Commentaire

I - Le refus de versement d'une pension de veuf rentre-t-il dans le champ d'application de la Directive 2000/78/CE ?

Eu égard à la structure de la "VddB" et à l'influence décisive exercée par les entreprises théâtrales et les assurés sur son fonctionnement, la juridiction de renvoi pense que ladite caisse ne gère pas un régime assimilé à un régime public de Sécurité sociale, au sens de l'article 3 § 3 de la Directive 2000/78.

Au contraire, la "VddB" considère que le régime qu'elle gère est un régime légal de Sécurité sociale : la prestation de survie en cause ne peut être considérée comme une "rémunération" au sens de l'article 3, § 1, sous c), de la Directive 2000/78. Cette prestation échapperait donc à son champ d'application. En effet, la "VddB" est un organisme de droit public faisant partie de l'administration fédérale ; le régime de prévoyance en cause est un régime obligatoire, fondé sur la loi. La convention collective a valeur législative et a été intégrée, avec les statuts de la "VddB", dans le traité d'unification du 31 août 1990. La prestation de survie en cause serait liée non pas directement à un emploi déterminé, mais à des considérations générales d'ordre social. Elle ne dépendrait pas des périodes d'emploi accomplies et son montant ne serait pas calculé en fonction du dernier salaire.

Par l'arrêt rapporté, la CJCE s'est ralliée à la position défendue par la juridiction de renvoi et par la Commission. Il ressort de l'article 3 § 1, sous c), et 3, de la Directive 2000/78 que cette dernière s'applique à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne, notamment, les conditions de rémunération et qu'elle ne s'applique pas aux versements de toute nature effectués par les régimes publics ou assimilés, y compris les régimes publics de Sécurité sociale ou de protection sociale.

Le champ d'application de la Directive 2000/78 doit s'entendre comme ne couvrant pas les régimes de Sécurité sociale et de protection sociale dont les avantages ne sont pas assimilés à une rémunération, au sens donné à ce terme pour l'application de l'article 141 CE (N° Lexbase : L5147BCM), ni aux versements de toute nature effectués par l'Etat qui ont pour objectif l'accès à l'emploi ou le maintien dans l'emploi.

II - La pension de veuf est-elle une rémunération au sens de la Directive 2000/78/CE ?

La juridiction de renvoi demande à la CJCE si la prestation de survie en cause peut être considérée comme une "rémunération", au sens de l'article 3 § 1, sous c), de la Directive 2000/78, ce qui justifierait une application de cette dernière.

La CJCE rappelle que l'article 141 CE prévoit qu'il faut entendre par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimal et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier.

La CJCE s'est déjà prononcée sur la notion de "rémunération", en matière d'égalité de traitement et de non-discrimination (CJCE, 6 octobre 1993, aff. C-109/91, Gerardus Cornelis Ten Oever c/ Stichting Bedrijfspensioenfonds voor het Glazenwassers- en Schoonmaakbedrijf N° Lexbase : A9481AUP (1), point 8 (2) ; CJCE, 28 septembre 1994, aff. C-7/93, Bestuur van het Algemeen burgerlijk pensioenfonds c/ G. A. Beune N° Lexbase : A1952AW9 (3), Rec. p. I-4471, point 21 (4)) : la circonstance que certaines prestations sont versées après la cessation de la relation d'emploi n'exclut pas qu'elles puissent avoir un caractère de "rémunération" au sens de l'article 141 CE.

La CJCE a reconnu qu'une pension de survie prévue par un régime de pensions professionnel, créé par convention collective, relève du champ d'application de cet article. La circonstance qu'une telle pension, par définition, est payée, non pas au travailleur, mais à son survivant, n'est pas de nature à infirmer cette interprétation, dès lors qu'une telle prestation est un avantage qui trouve son origine dans l'affiliation au régime du conjoint du survivant, de sorte que la pension est acquise à ce dernier dans le cadre du lien d'emploi entre l'employeur et le conjoint et lui est versée en raison de l'emploi de celui-ci (CJCE, 6 octobre 1993, aff. C-109/91, préc., points 12 et 13 ; CJCE, 28 septembre 1994, aff. C-200/91, Coloroll Pension Trustees Ltd c/ James Richard Russell, Daniel Mangham, Gerald Robert Parker, Robert Sharp, Joan Fuller, Judith Ann Broughton et Coloroll Group plc N° Lexbase : A8041AYH, point 18 ; CJCE, 17 avril 1997, aff. C-147/95, Dimossia Epicheirissi Ilektrismou (DEI) c/ Efthimios Evrenopoulos N° Lexbase : A0154AWM (5), Rec. p. I-2057, point 22 (6) ; CJCE, 9 octobre 2001, aff. C-379/99, Pensionskasse für die Angestellten der Barmer Ersatzkasse VVaG c/ Hans Menauer N° Lexbase : A5835AXE, Rec. p. I-7275, point 18 (7)).

Pour apprécier si une pension de retraite, sur la base de laquelle est calculée, le cas échéant, la prestation de survie, entre dans le champ d'application de l'article 141 CE, la CJCE a précisé que seul le critère tiré de la constatation que la pension de retraite est versée au travailleur en raison de la relation de travail qui l'unit à son ancien employeur, c'est-à-dire le critère de l'emploi, peut revêtir un caractère déterminant (voir, en ce sens, CJCE, 28 septembre 1994, aff. C-7/93, préc., point 43 (8) ; CJCE 17 avril 1997, aff. C-147/95, préc., point 19 ; CJCE, 29 novembre 2001, aff. C-366/99, Joseph Griesmar c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A5833AXC (9), Rec. p. I-9383, point 28 ; CJCE, 12 septembre 2002, aff. C-351/00, Pirkko Niemi N° Lexbase : A3662AZN (10), Rec. p. I-7007, points 44 et 45 ; CJCE, 23 octobre 2003, aff. C-4/02, Hilde Schönheit c/ Stadt Frankfurt am Main N° Lexbase : A9760C9D et CJCE, 23 octobre 2003, aff. C-5/02, Silvia Becker c/ Land Hessen N° Lexbase : A9762C9G, Rec. p. I-12575, point 56). Certes, ce critère ne saurait avoir un caractère exclusif, puisque les pensions versées par des régimes légaux de Sécurité sociale peuvent, en tout ou en partie, tenir compte de la rémunération d'activité (CJCE, 28 septembre 1994, aff. C-7/93, préc., point 44 ; CJCE, 17 avril 1997, aff. C-147/95, préc., point 20 (11) ; CJCE, 29 novembre 2001, aff. C-366/99, préc., point 29 ; CJCE, 12 septembre 2002, aff. C-351/00, préc., point 46 ; CJCE, 23 octobre 2003, aff. C-4/02 et C-5/02, préc., point 57).

Cependant, il est de jurisprudence constante que les considérations de politique sociale, d'organisation de l'Etat, d'éthique ou, même, les préoccupations de nature budgétaire qui ont eu, ou qui ont pu, avoir un rôle dans la fixation d'un régime par le législateur national ne sauraient prévaloir si la pension n'intéresse qu'une catégorie particulière de travailleurs, si elle est directement fonction du temps de service accompli et si son montant est calculé sur la base du dernier traitement (CJCE, 28 sept. 1994, C-7/93, préc., point 45 ; CJCE, 17 avril 1997, aff. C-147/95, préc., point 21; CJCE, 29 novembre 2001, aff. C-366/99, préc., point 30 (12) ; CJCE, 12 septembre 2002, aff. C-351/00, préc., point 47, CJCE 23 octobre 2003, aff. C-4/02 et C-5/02, préc., point 58).

La CJCE relève que le régime obligatoire de prévoyance professionnelle géré par la "VddB" trouve sa source dans une convention collective de travail, ayant pour but de former un supplément aux prestations sociales dues en vertu de la réglementation nationale d'application générale. Ce régime est financé exclusivement par les travailleurs et les employeurs du secteur considéré, à l'exclusion de toute intervention financière publique. Ce régime est destiné, selon l'article 1er de la convention collective, au personnel artistique employé dans l'un des théâtres exploités en Allemagne.

Finalement, pour la CJCE (arrêt rapporté), la prestation de survie en cause découle de la relation de travail du partenaire de vie du requérant. Elle doit, en conséquence, être qualifiée de "rémunération" au sens de l'article 141 CE. Cette conclusion n'est pas remise en cause par la qualité d'organisme public de la "VddB" (voir, en ce sens, CJCE, 17 avril 1997, aff. C-147/95, préc., points 16 et 23), ni par le caractère obligatoire de l'affiliation au régime donnant droit à la prestation de survie en cause au principal (CJCE, 25 mai 2000, aff. C-50/99, Jean-Marie Podesta c/ Caisse de retraite par répartition des ingénieurs cadres & assimilés (CRICA) e.a N° Lexbase : A0231AWH (13), Rec. p. I-4039, point 32).

III - Le refus d'accorder une pension de veuf à un concubin homosexuel est-il une discrimination fondée sur l'orientation sexuelle, au sens de la Directive 2000/78/CE ?

Les dispositions des articles 1er et 2 § 2 sous a), de la Directive 2000/78 font-elles obstacle aux dispositions des statuts tels que ceux de la "VddB", en vertu desquelles, après le décès de son partenaire de vie, une personne ne perçoit pas de prestations de survie équivalentes à celles offertes à l'époux survivant, alors même que, à l'instar des époux, les partenaires de vie ont vécu au sein d'une communauté d'assistance et d'entraide constituée à vie de manière formelle ?

Pour la juridiction de renvoi, contrairement aux couples hétérosexuels qui peuvent se marier et bénéficier d'une prestation de survie, l'assuré concubin et le requérant ne pouvaient, en raison de leur orientation sexuelle, remplir la condition de mariage à laquelle le régime de prévoyance géré par la "VddB" subordonne le bénéfice de cette prestation. Dans le mêmes sens, le requérant et la Commission estiment que le refus d'octroyer la prestation de survie aux partenaires de vie survivants constitue une discrimination indirecte au sens de la Directive 2000/78, dans la mesure où deux personnes de même sexe ne peuvent pas se marier en Allemagne et ne peuvent pas bénéficier de cette prestation dont le bénéfice est réservé aux époux survivants. En revanche, pour la "VddB", il n'existe aucune obligation d'ordre constitutionnel de traiter de manière identique, du point de vue du droit social ou de la prévoyance, le mariage et le partenariat de vie. Il ne serait pas possible de déduire de la réglementation allemande une quelconque obligation d'égalité de traitement des partenaires de vie et des époux.

Pourtant, la Directive 2000/78 a pour objet de combattre, en matière d'emploi et de travail, certains types de discriminations (dont celle fondée sur l'orientation sexuelle) en vue de mettre en oeuvre, dans les Etats membres, le principe de l'égalité de traitement. On entend par principe de l'égalité de traitement l'absence de toute discrimination directe ou indirecte. Selon l'article 2 § 2, sous a), de la Directive 2000/78, une discrimination directe se produit lorsqu'une personne est traitée de manière moins favorable que ne l'est une autre se trouvant dans une situation comparable, sur la base de l'un des motifs visés à l'article 1er de cette Directive. Le § 2, sous b, i, du même article 2 prévoit qu'une discrimination indirecte se produit lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour des personnes d'une religion ou de convictions, d'un handicap, d'un âge ou d'une orientation sexuelle donnés par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires.

La CJCE relève que, à partir de 2001, la République fédérale d'Allemagne a adapté son ordre juridique pour permettre aux personnes de même sexe de vivre au sein d'une communauté d'assistance et d'entraide constituée à vie de manière formelle. La RFA a institué, pour les personnes de même sexe, un régime distinct, le partenariat de vie, dont les conditions ont été progressivement assimilées à celles applicables au mariage. La loi du 15 décembre 2004 a contribué au rapprochement progressif du régime mis en place pour le partenariat de vie avec celui applicable au mariage. Le partenariat de vie est assimilé au mariage pour ce qui concerne la pension de veuve ou de veuf.

Compte tenu de ce rapprochement entre mariage et partenariat de vie, la juridiction de renvoi considère que le partenariat de vie place les personnes de même sexe dans une situation comparable à celle des époux pour ce qui concerne la prestation de survie en cause. Or, le bénéfice de cette prestation de survie est limité, selon les dispositions des statuts de la "VddB", aux seuls époux survivants et est refusé aux partenaires de vie survivants.

Par l'arrêt rapporté, la CJCE déduit que ces partenaires de vie sont donc traités de manière moins favorable que les époux survivants s'agissant du bénéfice de la prestation de survie (point 71). La réglementation du "VddB" doit, en conséquence, être considérée comme constitutive d'une discrimination directe fondée sur l'orientation sexuelle, au sens des articles 1er et 2 § 2 sous a, de la Directive 2000/78.

Pour finir, les dispositions des articles 1er et 2 de la Directive 2000/78 s'opposent à la réglementation du "VddB", en vertu de laquelle, après le décès de son partenaire de vie, le partenaire survivant ne perçoit pas une prestation de survie équivalente à celle octroyée à un époux survivant, alors que, en droit national, le partenariat de vie placerait les personnes de même sexe dans une situation comparable à celle des époux pour ce qui concerne ladite prestation de survie.

Il faut relever que, en droit interne, en cas de décès de l'assuré, son conjoint survivant a droit à une pension de réversion si ses ressources personnelles ou celles du ménage n'excèdent pas des plafonds fixés par décret (CSS, art. L. 353-1 N° Lexbase : L7651DKL). La loi n° 2003-775 du 21 août 2003, portant réforme des retraites (N° Lexbase : L9595CAM), a assimilé le conjoint divorcé, qu'il soit ou non remarié, à un conjoint survivant pour le bénéfice de la pension de réversion. Mais, la condition de non remariage a été supprimée pour les pensions de réversion prenant effet à compter du 1er juillet 2004 (circ. CNAV n° 2005/17 du 11 avril 2005, Réforme des pensions de réversion N° Lexbase : L2595G8M). Un assuré qui, au moment de la demande de pension de réversion et/ou à la date d'effet de la pension de réversion, est remarié, peut demander une pension de réversion du chef d'un précédent conjoint ou ex-conjoint décédé. De même, la condition de durée du mariage, pour pouvoir bénéficier de la pension de réversion, a été supprimée (décret n° 2004-857 du 24 août 2004, relatif aux droits à l'assurance vieillesse des conjoints survivants et modifiant le Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L1595GTA). Pour conclure, le partenaire d'un conjoint décédé, lié par un PACS, ne peut, en droit interne, prétendre au bénéfice d'une pension de réversion, en l'état actuel du droit positif.


(1) P. Vielle, Régimes professionnels de pension : vers l'égalité parfaite ?, Revue internationale du travail, 1993, p. 487 ; RJS, 1993, p. 738 ; R. Garavagno, Cahiers genevois et romands de Sécurité sociale, 1993, nº 10, p. 97 et p. 105 ; D. Simon, Chronique de jurisprudence du Tribunal et de la Cour de justice des Communautés européennes. Institutions et ordre juridique communautaire, Journal du droit international, 1994, p. 480 ; M. De Vos, La notion de "Rémunération" au sens de l'article 119 du Traité de Rome et son application dans le temps au regard de l'arrêt Barber et des arrêts postérieures de la Cour de justice des Communautés européennes, Revue de droit social, 1995, p. 156.
(2) La notion de rémunération, figurant au deuxième alinéa de l'article 119 du Traité de Rome (article 141 CE), comprend tous les avantages en espèces ou en nature, actuels ou futurs, pourvu qu'ils soient payés, serait-ce indirectement, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. La circonstance que certaines prestations soient versées après la cessation de la relation d'emploi n'exclut pas qu'elles puissent avoir un caractère de rémunération au sens de cet article (CJCE, 17 mai 1990, aff. C-262/88, Douglas Harvey Barber c/ Guardian Royal Exchange Assurance Group, point 12 N° Lexbase : A7282AH8).
(3) P. Laigre, L'application du principe de l'égalité entre les hommes et les femmes aux régimes de retraite professionnels, RJS, 1994, p. 803 ; Journal des tribunaux du travail, 1995, p. 209 ; D. Simon, Chronique de jurisprudence du Tribunal et de la Cour de justice des Communautés européennes. Institutions et ordre juridique communautaire, Journal du droit international, 1995, p. 435.
(4) En ce sens, CJCE, 13 mai 1986, aff. C-170/84, Bilka - Kaufhaus GmbH c/ Karin Weber von Hartz (N° Lexbase : A8290AUL), Rec., p. 1607 ; CJCE, 17 mai 1990, aff. C-262/88, préc., point 12 ; CJCE, 6 octobre 1993, aff. C-109/91, préc., point 8 : la circonstance que certaines prestations sont versées après la cessation de la relation d'emploi n'exclut pas qu'elles puissent avoir un caractère de rémunération au sens de l'article 119 du Traité de Rome (article 141 CE).
(5) E. Prévédourou, L'influence de l'obligation du recours administratif préalable sur l'action en justice, Revue française de droit administratif, 1998, p. 1023.
(6) Une pension de survie prévue par un régime professionnel de pension est un avantage qui trouve son origine dans l'affiliation au régime du conjoint du survivant et relève donc du champ d'application de l'article 119 du Traité de Rome (article 141 CE) (CJCE, 6 octobre 1993, C-109/91, préc., points 13 et 14 ; CJCE, 28 septembre 1994, C-200/91, préc., point 18).
(7) Une pension de survie prévue par un tel régime relève du champ d'application de l'article 119 du Traité de Rome (article 141 CE). La circonstance que ladite pension, par définition, n'est pas payée au travailleur, mais à son survivant, n'est pas de nature à infirmer cette interprétation, dès lors qu'une telle prestation est un avantage qui trouve son origine dans l'affiliation au régime du conjoint du survivant, de sorte que la pension est acquise à ce dernier dans le cadre du lien d'emploi entre l'employeur et ledit conjoint et lui est versée en raison de l'emploi de celui-ci (CJCE, 6 octobre 1993, aff. C-109/91, préc., points 12 et 13 ; CJCE, 28 septembre 1994, C-200/91, précité, point 18 ; CJCE, 17 avril 1997, aff. C-147/95, préc., point 22).
(8) Seul le critère tiré de la constatation que la pension est versée au travailleur en raison de la relation de travail entre l'intéressé et son ancien employeur, c'est-à-dire le critère de l'emploi, tiré des termes mêmes de l'article 119 du Traité de Rome (article 141 CE), peut revêtir un caractère déterminant.
(9) D. Ritleng, Europe, janvier 2002, Comm. nº 9, p.15 ; M.-T. Lanquetin, L'égalité entre hommes et femmes dans le régime spécial de retraite des fonctionnaires, Dr. soc., 2002, p. 178 ; C. Moniolle, Le principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de retraite dans la fonction publique, JCP éd. G, 2002, II, 10102.
(10) F. Kessler, Age de départ à la retraite et égalité de rémunération entre hommes et femmes, RJS, 2002, p. 991.
(11) La CJCE a reconnu que l'on ne saurait donner à ce critère un caractère exclusif, puisque les pensions versées par des régimes légaux de Sécurité sociale peuvent, en tout ou en partie, tenir compte de la rémunération d'activité (CJCE, 28 sept. 1994, C-7/93, préc., point 44).
(12) La pension versée par l'employeur public est comparable à celle que verserait un employeur privé à ses anciens salariés (CJCE, 28 sept. 1994, C-7/93, préc., point 45).
(13) RJS, 2001, p. 272.
(14) Jurisprudence sous l'empire des textes antérieurs : Cass. civ. 1, 12 avril 2005, n° 02-13.762, Union de retraite des cadres, anciennement dénommée Union de prévoyance des cadres, F-D (N° Lexbase : A8588DHK). Le bénéfice d'une pension de réversion était réservé au conjoint survivant non remarié, en raison des obligations ayant existé entre les époux du fait du mariage et que la situation juridique du conjoint remarié différait, par les obligations qu'elle emporte, de celle des concubins ou des personnes liées par un pacte civil de solidarité, c'est à bon droit et par une décision motivée que la cour d'appel a retenu que la suppression de cette prestation en cas de remariage, dès lors qu'elle s'appliquait sans distinction et de manière objective à une même catégorie de personnes n'était pas discriminatoire au sens de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L4747AQU).

Décision

CJCE, 1er avril 2008, aff. C-267/06, Tadao Maruko c/ Versorgungsanstalt der deutschen Bühnen (N° Lexbase : A7276D7M)

Texte visé : Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, art. 1er, 2, paragraphe 2, sous a) et b), i), et 3, paragraphes 1, sous c), et 3 (N° Lexbase : L3822AU4).

Mots-clefs : égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ; prestations aux survivants prévues par un régime obligatoire de prévoyance professionnelle ; notion de "rémunération" ; refus d'octroi en raison de l'absence de mariage ; partenaires de même sexe ; discrimination fondée sur l'orientation sexuelle.

Lien base : (N° Lexbase : E8082ADP)

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Famille et personnes

[Jurisprudence] La prohibition des expertises génétiques post-mortem est d'application immédiate et générale

Réf. : Cass. civ. 1, 2 avril 2008, n° 06-10.256, Mme Aurore Ceretta, FS-P+B+I (N° Lexbase : A7385D7N)

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par Adeline Gouttenoire, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directrice de l'Institut des Mineurs de Bordeaux

Le 07 Octobre 2010

L'arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 2 avril 2008 précise le régime de l'expertise génétique et plus particulièrement la portée de l'article 16-11 du Code civil (N° Lexbase : L8778G8M), issu de la loi dite bioéthique n° 2004-800 du 6 août 2004 (N° Lexbase : L0721GTU) (1), en vertu duquel il ne peut être procédé à l'identification génétique d'une personne après son décès que si elle a consenti à cette identification de son vivant. En l'espèce, une jeune fille de seize ans, Aurore X, représentée par sa mère, avait demandé dans le cadre d'une action en recherche de paternité, qu'il soit procédé à une expertise génétique à partir des échantillons de sperme que son père prétendu, Marc Y, avait déposé au centre d'études et de conservation des oeufs et du sperme (CECOS) avant son décès en 2001. La Cour de cassation considère que cette demande ne peut être satisfaite, puisqu'elle ne remplit pas les conditions de l'article 16-11 du Code civil qui est immédiatement applicable aux situations en cours. Cette solution, quoique tout à fait logique (I), risque toutefois de placer le régime de l'expertise génétique en contradiction avec les exigences européennes (II). I - L'application logique de l'article 16-11 du Code civil

Procédure relative à la filiation. Le recours à l'expertise génétique en matière civile est strictement encadré par l'article 16-11, alinéa 2, du Code civil, relayé par le droit pénal qui incrimine l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques en dehors des hypothèses autorisées par la loi (2). Le recours à l'expertise génétique est, tout d'abord, limité aux actions relatives à la filiation, ce qui exclut la possibilité de procéder à une telle expertise en dehors d'une procédure judiciaire. L'impossibilité de faire procéder à une identification génétique dans un cadre privé est toutefois contournée par le recours au "tests de paternité sauvages" (3) à l'étranger, favorisé d'ailleurs par le recours à l'internet. La prise en compte du résultat d'un de ces tests, par hypothèse effectué en violation de l'article 16-11 du Code civil, dans le cadre d'une action judiciaire ultérieure, n'est pas totalement exclue. En effet, si, en théorie, le juge doit écarter cette preuve en raison de son illégalité, il n'est pas certain qu'en pratique il n'en tienne pas du tout compte au moins de manière implicite.

Consentement de la personne. L'article 16-11, alinéa 2, du Code civil, précise, ensuite, que l'identification par les empreintes génétiques d'une personne ne saurait être effectuée qu'avec le consentement de cette dernière. Cette condition, fondée sur le droit à la vie privée, concerne aussi bien le prélèvement que l'analyse génétique. La portée de cette condition est toutefois relative, dans la mesure où le refus du père prétendu de se soumettre à l'expertise génétique peut être -et est fréquemment- retenu contre lui par les juges (4). L'exigence du consentement de la personne a évidemment suscité des interrogations lorsque l'identification concernait une personne décédée comme l'a illustré l'affaire "Montand" (5) pour laquelle l'expertise génétique post-mortem a justement été le seul moyen d'aboutir à une solution juridique conforme à la vérité biologique. En l'espèce, l'exhumation et l'expertise génétique post-mortem avaient été acceptées par la famille du chanteur. On aurait pu penser que la conclusion de cette affaire inciterait le législateur à admettre l'expertise post mortem (6), c'est le contraire qui s'est produit au nom de la paix des morts...

Prohibition de l'expertise génétique post-mortem. La loi du 6 août 2004 est allée dans le sens de ceux qui considéraient que le respect des morts devait l'emporter sur le droit de l'enfant de connaître ses origines et de voir sa filiation établie. Le texte subordonne l'identification par expertise génétique "au consentement exprès de la personne manifesté de son vivant". Cette manifestation de volonté positive paraissant relever d'une hypothèse d'école, l'article 16-11, alinéa 2, du Code civil aboutit, en réalité, à fermer définitivement la porte de l'expertise génétique lorsque le géniteur prétendu est décédé. Si l'on peut comprendre que l'exhumation d'Yves Montand ait pu marquer les esprits et inciter les parlementaires à voter un texte interdisant qu'un tel acte se reproduise, il en va différemment lorsqu'une telle atteinte à la paix des morts n'est pas nécessaire pour procéder à l'identification par empreintes génétiques.

L'application de la prohibition à l'expertise sans prélèvement. L'arrêt du 2 avril 2008 revêt un caractère particulier au regard de la prohibition de l'article 16-11 du Code civil puisqu'il concernait une hypothèse dans laquelle on disposait de matériel génétique du père prétendu, à savoir des échantillons de sperme détenus par le CECOS. Cette particularité ne permet toutefois pas -comme d'ailleurs la Cour de cassation l'admet implicitement- d'écarter la prohibition de l'article 16-11 qui concerne l'identification par empreintes génétiques et pas seulement le prélèvement d'ADN. En revanche, cette interdiction, si l'on s'en tient aux termes de la loi, ne semble pas s'appliquer à l'examen comparé des sangs -du père prétendu et de l'enfant- ce qui peut, au demeurant, constituer une incohérence critiquable (7). La prohibition de l'article 16-11 du Code civil ne s'applique pas non plus à la simple communication d'éléments biologiques, notamment des échantillons sanguins prélevés lors d'une opération chirurgicale, même si cette communication est destinée à permettre une analyse médico-légale dans le cadre d'une action en recherche de paternité intentée à l'étranger (8).

L'application immédiate de la prohibition. L'auteur du pourvoi a tenté d'échapper à la prohibition de l'article 16-11 du Code civil en prétendant que la loi du 6 août 2004 n'était pas applicable à une action intentée avant son entrée en vigueur et concernant un homme qui, par hypothèse, était décédé avant cette date. De manière tout à fait logique, la Cour de cassation balaie l'argument en affirmant que la loi du 6 août 2004 est "applicable aux situations en cours". Cette affirmation est conforme au principe posé à de nombreuses reprises par la Cour de cassation, notamment en matière de filiation (9), selon lequel les lois nouvelles sont d'application immédiate. Cette règle s'applique d'autant plus aux règles de preuve, ce qui est le cas en l'espèce. Une solution contraire aurait abouti à une inégalité critiquable des enfants selon la date du décès de leur père prétendu et aurait contribué à une remise en cause dommageable de l'uniformité de la mise en oeuvre de la règle de droit dans un domaine sensible. Il est clair, désormais, que le décès du géniteur exclut définitivement toute possibilité de recourir à ses empreintes génétiques pour prouver sa paternité conformément, sans doute, aux souhaits du législateur de 2004.

La possibilité limitée d'établir la filiation par un autre moyen. L'interdiction de recourir à une expertise génétique pour établir la paternité de la personne décédée n'empêche évidemment pas le demandeur d'apporter d'autres preuves. En réalité, toutefois, il est difficile, en l'absence de preuves scientifiques, de convaincre le juge de la réalité du lien de filiation surtout lorsque, comme en l'espèce, le père prétendu avait de son vivant refusé de reconnaître l'enfant. Il est certes évident, contrairement à ce que prétendait le pourvoi, que ces manifestations de volonté négative n'ont pas suffi à la cour d'appel pour rejeter la demande en recherche de paternité. Il n'en reste pas moins que l'absence de possession d'état -qui semble ressortir des faits- conjuguée à la volonté très claire du père prétendu de ne pas reconnaître l'enfant, ajoutée à l'absence de preuves scientifiques, pouvaient difficilement conduire les juges du fond à conclure à la présence "d'indices graves et concordants de la paternité de Marc Y à l'égard d'Aurore X".

II - Un régime de l'expertise génétique contraire aux exigences européennes

Atteinte au droit de l'enfant de connaître ses origines. Les efforts conjugués du législateur et de la Cour de cassation aboutissent à limiter dans le temps le droit de l'enfant de connaître ses origines, tel que consacré par la Cour européenne des droits de l'Homme dans les arrêts "Gaskin c/ Royaume Uni" du 7 juillet 1989 (10) et "Odièvre c/ France" (11). Ce droit, dès lors qu'il implique le recours à une expertise génétique, comme c'est souvent le cas, ne peut, en effet, être exercé que du seul vivant du parent prétendu.

Contrariété avec le droit de recourir à une expertise génétique. Or, la Cour européenne associe le droit de connaître ses origines et celui de recourir à une expertise génétique (12). Plus généralement, et indépendamment de la question de l'établissement de la filiation, la Cour européenne considère que toute personne doit avoir accès à une expertise génétique pour connaître l'identité de ses père et mère, et ensuite faire établir sa filiation. Elle a pu en déduire dans l'arrêt "Jäggi c/ Suisse" du 13 juillet 2006 (13) que le refus opposé à un homme de faire exhumer son père prétendu pour procéder à une expertise génétique et savoir s'il était bien son géniteur, constitue une atteinte disproportionnée au droit de l'enfant -en l'espèce un homme de près de soixante-dix ans- de connaître ses origines. La Cour affirme que "les personnes essayant d'établir leur ascendance ont un intérêt vital, protégé par la Convention, à obtenir les informations qui leur sont indispensables pour découvrir la vérité sur un aspect important de leur identité personnelle". Ni la paix des familles, ni la paix des morts n'ont suffi à justifier l'atteinte portée au droit du requérant de connaître ses origines.

L'absence de conformité du droit français. Cette décision peut sérieusement faire douter de la conformité du droit français aux exigences de la Cour européenne en matière de droit de connaître ses origines. L'interdiction des expertises post-mortem pourrait, en effet, ne pas trouver grâce aux yeux de la Cour de Strasbourg, même si celle-ci a admis, notamment dans l'arrêt "Odièvre", que le droit de connaître ses origines n'est pas absolu.


(1) JO du 7 août 2004, p. 14040.
(2) C. pén., art. 226-8 (N° Lexbase : L2257AMK).
(3) M. Lamarche, Tests de paternité "sauvages" : le droit et l'internationalisation des pratiques, Dr. fam., 2007, Focus n° 22.
(4) Par exemple : Cass. civ. 1, 31 janvier 2006, n° 03-13.642, M. Jean-Jacques Arlin c/ Mme Fernanda Da Silva, F-D (N° Lexbase : A6450DMT), P. Murat (dir.), Droit de la famille, D. Action, 2008, n° 211.46.
(5) CA Paris, 17 décembre 1998, D., 1999, p. 746, note B. Beignier ; P. Catala, La jeune fille et la mort, Dr. fam., 1997, chron. n° 12 ; Cass. civ. 1, 27 novembre 2001, n° 99-20.740, Mlle Aurore Drossart, FS-D (N° Lexbase : A2900AXP).
(6) En ce sens, J. Hauser, RTDCiv., 2004, p. 714 qui considère que "cette revanche posthume de Montand est [...] une victoire à la Pyrrhus des hypocrites de tout poil".
(7) J. Hauser, J.-Cl. civ., art. 311-19 et 311-20, Fasc. unique : Filiation - Identification génétique, n° 15.
(8) Cass. civ. 1, 4 juin 2007, n° 04-15.080, Mme Géraldine Thomson épouse, Muchova, FS-P+B (N° Lexbase : A5468DWG), RTDCiv., 2007, p. 555, obs. J. Hauser.
(9) Notamment, pour la loi du 15 juillet 1955, Cass. civ. 1, 11 juillet 1957, Bull. civ. I, n° 326 ; D., 1957, p. 630.
(10) CEDH, 7 juillet 1989, Req. 2/1988/146/200, Gaskin (N° Lexbase : A8359AWI), JDI, 1990, p. 715, obs. P. Tavernier ; RUDH, 1990 p. 361, chron., P. Lambert.
(11) CEDH, 13 février 2003, Req. 42326/98, Odièvre (N° Lexbase : A9676A47), JCP éd. G, 2003, II, 10049, obs. A. Gouttenoire et F. Sudre ; RTDCiv., 2003, p. 276, obs. J. Hauser et p. 375 obs. J.-P. Marguénaud.
(12) CEDH, 7 février 2002, Mikulic c/ Croatie, RTDCiv., 2002, p. 866, obs. J.-P. Marguénaud ; dans le même sens CEDH, 30 mai 2006, Ebru et Tayfun Engin Volak c/ Turquie (N° Lexbase : A7181DPN) ; CEDH, 10 octobre 2006, Paulik c/ Slovaquie.
(13) RTDCiv., 2006, p. 727, obs. J.-P. Marguénaud ; RTDCiv., 2007 p. 99, obs. J. Hauser.

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Institutions

[Textes] La réforme du Conseil d'Etat - Acte I

Réf. : Décret n° 2008-225 du 6 mars 2008, relatif à l'organisation et au fonctionnement du Conseil d'Etat (N° Lexbase : L8328H3T)

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par François Brenet, Maître de Conférences en droit public à la Faculté de droit et des sciences sociales de l'Université de Poitiers-Institut de droit public

Le 07 Octobre 2010

La réforme du Conseil d'Etat se poursuit ! Telle est la conclusion qui ressort de la lecture du décret n° 2008-225 du 6 mars 2008, relatif à l'organisation et au fonctionnement du Conseil d'Etat, publié au Journal officiel du 7 mars 2008 (1). Ce texte, signé par le Premier ministre et contresigné par le ministre de la Justice et par le ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique, s'inscrit, en effet, dans le mouvement réformateur que le vice-président Jean-Marc Sauvé a indiqué vouloir poursuivre après Marceau Long et Renaud Denoix de Saint-Marc dès son discours d'installation prononcé le 3 octobre 2006. Nul doute que ce texte en annonce d'autres car, comme le soulignait Jean-Marc Sauvé au début de l'année 2008 dans un éditorial au titre annonciateur (Réformer la justice administrative), "l'année 2007 a permis d'élaborer une stratégie. L'année 2008 sera celle de sa réalisation" (2). Le processus réformateur était programmé dès la prise de fonction du nouveau vice-président. Celui-ci avait, en effet, rapidement constitué neuf groupes de travail au sein du Conseil d'Etat qui ont remis leurs rapports en juin 2007. Parallèlement, il est vite apparu nécessaire de mettre en place sept groupes de réflexion pour les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, lesquels ont remis leurs rapports à la fin de l'année 2007. Entre temps et dès mars 2007, le vice-président du Conseil d'Etat avait dévoilé dans les colonnes de l'AJDA plusieurs axes de réformes (3). Parmi ceux-ci figuraient la réforme de la section du contentieux, la réforme de l'organisation et du fonctionnement des formations consultatives, la fixation de règles déontologiques, le renforcement des garanties procédurales offertes aux justiciables à partir de la notion de procès équitable, l'implication de la juridiction administrative dans l'édification de l'Europe de la justice et le souci d'accroître le rayonnement et la responsabilité sociale du Conseil d'Etat, en pratiquant une sorte de politique de compte-rendu et de débat. Dès septembre 2007, Bernard Stirn, Président de la Section du contentieux, avait adressé une instruction aux présidents de sous-section comportant certaines règles d'organisation interne du travail, règles qui ne nécessitaient aucun texte spécifique et pouvaient donc être prises par voie d'instruction (mise en place d'une cellule d'aide à la décision accompagnée du doublement du nombre d'assistants de justice et d'un effort de rationalisation de la politique de recrutement des stagiaires, développement des méthodes de tri des dossiers, développement de l'oralité avec les audiences d'instruction et les enquêtes à la barre). Plus récemment, et dans une optique d'approfondissement, trois nouveaux groupes de travail ont été institués pour réfléchir sur le contentieux fiscal (groupe de travail présidé par le Président Philippe Martin), sur l'élaboration d'un nouveau guide du rapporteur sous forme électronique (travaux dirigés par le Président Jean Arrighi de Casanova) et sur les recours administratifs préalables obligatoires (groupe dirigé par le Président Olivier Schrameck). Annoncé en 2006, programmé en 2007, réalisé en 2008, le mouvement de réforme qu'initie le décret du 6 mars 2008 est donc tout sauf une surprise. Il l'est d'autant moins que le vice-président du Conseil d'Etat avait pris soin d'affiner, dans les colonnes du premier numéro de l'AJDA de l'année 2008, les axes de réforme dévoilés dans la même revue en mars 2007 et avait clairement annoncé l'intervention prochaine du décret commenté : "un premier décret sur l'organisation et le fonctionnement du Conseil d'Etat va être pris dans les prochaines semaines" (4).

On aura compris, au regard de ces quelques précisions, que si la volonté de réformer le Conseil d'Etat et plus largement l'ensemble des juridictions administratives est forte, celle de rendre-compte l'est tout autant. Le Conseil d'Etat veut se moderniser et s'adapter et il veut le faire savoir. Cela n'est pas critiquable en soi. C'est au contraire un signe fort qui est adressé aux justiciables, aux juridictions administratives européennes et aux juridictions régionales, et spécialement à la Cour européenne des droits de l'Homme. Au-delà de cet élément, et avant d'en venir à un examen plus détaillé du contenu du décret, on peut sans doute regretter qu'un texte aussi important soit difficilement compréhensible si l'on ne dispose pas du Code de justice administrative à portée de main. A une époque où l'on invoque bien volontiers, et sans doute abusivement parfois, les exigences d'intelligibilité et d'accessibilité au droit, est-il encore légitime d'édicter un décret dont les vingt-quatre articles usent et abusent de la technique des guillemets pour ajouter ou retrancher aux dispositions existantes (5). Sans doute serait-il préférable de reprendre les articles dans leur intégralité dans le corps du décret en mettant en exergue les éléments modifiés. Sa compréhension en serait forcément améliorée.

Il reste que les considérations formelles ne doivent pas cacher l'essentiel : le décret du 6 mars 2008 implique, en effet, des changements importants, tant en ce qui concerne l'organisation et le fonctionnement de la section du contentieux (I), que l'organisation et le fonctionnement des formations consultatives du Conseil d'Etat (II).

I - L'organisation et le fonctionnement de la section du contentieux du Conseil d'Etat

L'un des changements les plus symboliques réside sans aucun doute dans l'article 10 du décret qui complète le Code de justice administrative en lui ajoutant deux nouveaux articles relatifs à la règle du déport. On se souvient que l'article 20 de la "grande" (6) loi du 24 mai 1872, portant réorganisation du Conseil d'Etat (N° Lexbase : L4875HTQ) avait disposé que "les membres du Conseil d'Etat ne peuvent participer au jugement des recours dirigés contre les décisions qui ont été préparées par les sections auxquelles ils appartiennent, s'ils ont pris part à la délibération". Suspendue par un décret du 4 octobre 1939, cette disposition a, ensuite, été abrogée par la loi du 18 décembre 1940, en raison du nombre important de membres du Conseil d'Etat mobilisés et de la difficulté à en assurer le respect. La règle du déport est cependant réapparue sous la forme d'une pratique que le nouvel article R. 122-21-1 du Code de justice administrative consolide, en disposant que "sans préjudice des dispositions de l'article R. 721-1 [N° Lexbase : L3181ALE lequel concerne l'impartialité subjective ou personnelle d'un membre du Conseil d'Etat], les membres du Conseil d'Etat ne peuvent participer au jugement des recours dirigés contre les actes pris après avis du Conseil d'Etat, s'ils ont pris part à la délibération de cet avis". Le nouvel article R. 122-21-2 vient compléter ce dispositif, en prévoyant la possibilité pour un requérant ayant saisi le Conseil d'Etat d'un recours contre un acte pris après avis d'une de ses formations consultatives, de demander communication de la liste des membres ayant pris part à la délibération de cet avis. Avec ces deux dispositions, le Conseil d'Etat se prémunit du reproche de partialité structurelle, en même temps que le justiciable est armé d'un moyen utile lui permettant de s'assurer de toute interférence directe entre la fonction consultative et la fonction contentieuse. Surtout, il répond aux attentes de la Cour européenne des droits de l'Homme, pour qui l'impartialité implique que les membres du tribunal ne manifestent subjectivement aucun préjugé personnel, mais il offre, également, des garanties objectives suffisantes pour exclure tout doute légitime (7).

Le décret n° 2008-225 du 6 mars 2008, relatif à l'organisation et au fonctionnement du Conseil d'Etat (N° Lexbase : L8328H3T) concrétise encore cette volonté d'établir une cloison plus étanche entre ces deux fonctions par son article 9. Celui-ci modifie, en effet, l'article R. 122-21 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L2675ALN) sur des points essentiels. Le 1° de cet article dispose qu'en cas d'empêchement du vice-président du Conseil d'Etat, la présidence de l'assemblée du contentieux est exercée par le président de la section du contentieux. Pour compléter l'assemblée, le décret ajoute que le vice-président sera désormais suppléé par l'un des présidents adjoints de la section du contentieux dans l'ordre du tableau, et non plus par le président de la section administrative le premier inscrit au tableau. Le 2° du même article ajoute qu'en cas d'empêchement, le président de la section du contentieux est suppléé, pour compléter l'assemblée, par les présidents adjoints de ladite section dans l'ordre d'ancienneté de leurs fonctions. Le décret ajoute que "ces derniers, ainsi que les présidents de sous-section mentionnés au 5° de l'article R. 122-20 [N° Lexbase : L2674ALM les quatre présidents de sous-section les plus anciens dans leurs fonctions], sont suppléés dans l'ordre d'ancienneté de leurs fonctions par les présidents de sous-section autres que ceux siégeant en application des 4° [le président de la sous-section sur le rapport de laquelle l'affaire est jugée ou, si l'instruction a été faite dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article R. 611-20 N° Lexbase : L3115ALX, le président de la sous-section à laquelle l'affaire a été initialement attribuée] et 5° du même article". Le 3° de l'article R. 122-21 du Code de justice administrative est complètement modifié pour tenir compte des changements induits par les 1° et 2°. Celui-ci dispose, désormais, qu'en cas d'empêchement d'un président de section administrative, ce dernier est suppléé par l'un des présidents adjoints de cette section dans l'ordre du tableau (sur ces présidents adjoints, voir infra). Enfin, le 4° du même article ajoute un 5° à l'article R. 122-21, qui prévoit que "lorsque l'assemblée du contentieux est saisie d'un recours contre un acte pris après avis du Conseil d'Etat, le président de la section administrative qui a eu à délibérer de cet avis ne siège pas. Il est suppléé par le plus ancien dans l'ordre du tableau des présidents adjoints des autres sections administratives, à l'exception de ceux siégeant en application du premier et du troisième alinéas".

Une autre modification remarquable est opérée par l'article 8 du décret du 6 mars 2008. La composition de l'assemblée du contentieux, formation suprême de jugement du Conseil d'Etat, est modifiée pour être portée à un effectif total de dix-sept membres (alors qu'il était auparavant de treize membres), dont une très large majorité sont issus de la "branche contentieuse" : au vice-président du Conseil d'Etat, aux présidents de section, aux trois présidents adjoints de la section du contentieux, au président de la sous-section sur le rapport de laquelle l'affaire est jugée et au rapporteur s'ajoutent, dorénavant, les quatre présidents de sous-section les plus anciens dans leurs fonctions en dehors de celui appartenant à la sous-section ayant rapporté sur l'affaire à juger. Parallèlement, la voix prépondérante du président de l'assemblée du contentieux en cas de partage des voix est supprimée.

Enfin, on doit relever que le décret du 6 mars 2008 consacre, en ses articles 2 et 3, de nouvelles exceptions au principe de la double appartenance des membres du Conseil d'Etat aux formations administratives et juridictionnelles. Il est, en effet, prévu que les conseillers d'Etat en service ordinaire peuvent être affectés à deux sections administratives (CJA, art. R. 121-3 modifié). Parallèlement, l'article R. 121-4, modifié par l'article 3 du décret, dispose que les maîtres des requêtes qui comptent plus de quatre années au Conseil peuvent être affectés uniquement à la section du contentieux, à une section administrative ou à deux sections administratives.

II - L'organisation et le fonctionnement des formations consultatives du Conseil d'Etat

Si la transformation du Conseil d'Etat au cours des vingt dernières années (depuis 1987 pour être plus précis) est incontestable, il est tout aussi certain que celle-ci a d'abord concerné la fonction juridictionnelle. En effet, les besoins les plus criants concernaient les formations contentieuses devant lesquelles les délais de jugement s'allongeaient inexorablement. Néanmoins, il est progressivement apparu que les formations consultatives du Conseil d'Etat méritaient, elles aussi, d'être réformées pour répondre à l'inflation normative et à la dégradation de la qualité des textes l'accompagnant (8). Il leur devenait, en effet, de plus en plus difficile de faire face à la surcharge de travail causée par l'augmentation importante du nombre de projets de loi et par la croissance exponentielle des ordonnances. Dès 2004, un important décret du 21 décembre (décret n° 2004-1387 du 21 décembre 2004, relatif à l'assemblée générale du Conseil d'Etat et modifiant la partie réglementaire du Code de justice administrative N° Lexbase : L5060GUX) est venu modifier l'article R. 123-20 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L5410G7I) pour permettre au vice-président du Conseil d'Etat, sur proposition du président de la section ou de la commission compétente, de décider de ne pas porter à l'ordre du jour de l'assemblée générale les projets de décret pris en vertu de l'article 37 de la Constitution (N° Lexbase : L1297A9W), les projets de loi ayant "pour objet principal" la ratification d'une ordonnance ou autorisant la ratification ou l'approbation d'une convention internationale ou portant extension et, le cas échéant, adaptation de dispositions législatives à une ou plusieurs collectivités d'outre-mer ou à la Nouvelle-Calédonie. Etaient, également, concernés les projets de loi ou d'ordonnance ayant pour objet principal la transposition en droit interne d'une Directive communautaire, ou procédant à la codification de la législation.

Le décret du 6 mars 2008 s'inscrit assurément dans le droit fil du décret du 21 décembre 2004 en s'efforçant de rationnaliser le travail des sections administratives du Conseil d'Etat. Mais il va, également, plus loin que lui en le dotant d'une nouvelle section. Est, en effet, créée une sixième section de l'administration (CJA, art. R. 123-2, al. 5) qui disposera, selon le communiqué de presse diffusé par le Conseil d'Etat, "d'un bloc de compétences homogène et d'une vision transversale des enjeux globaux de la réforme de l'Etat". Elle sera chargée de traiter de la fonction publique, des relations entre administration et usagers, de la procédure administrative non contentieuse, de la défense nationale, des contrats publics et des propriétés publiques. Il s'agit, au total, de faire de la section de l'administration "la section en charge des instruments de la gestion publique".

Pour accroître l'efficacité de l'activité consultative du Conseil d'Etat, le décret du 6 mars 2008 édicte, également, diverses mesures visant à rationaliser le travail des sections administratives. Est, ainsi, prévue la mise en place dans chaque section administrative d'une formation ordinaire aux effectifs restreints chargée de l'examen des affaires les moins complexes. Le nouvel article R. 123-6-1 du Code de justice administrative dispose, en effet, que "chaque section administrative se réunit en formation plénière lorsque son président estime que l'importance des affaires inscrites à l'ordre du jour le justifie. Dans les autres cas, elle se réunit en formation ordinaire dans une composition fixée par son président. La formation ordinaire comprend au moins sept membres" (9). De la même façon, il est, désormais, prévu que les affaires seront distribuées entre les sections en fonction des "secteurs" auxquels elles se rapportent, et non plus en fonction des départements ministériels dont elles relèvent. Enfin, un effort est réalisé dans le sens du renforcement de la collégialité. Les membres de la section ont voix délibérative dans toutes les affaires (CJA, art. R. 123-6-4°) alors que tel n'était le cas auparavant que pour les conseillers d'Etats, les maîtres des requêtes et auditeurs ayant voix consultative à l'exception des affaires dans lesquelles ils étaient rapporteurs. Dans le même esprit, la composition de l'assemblée générale siégeant en formation ordinaire est modifiée puisqu'elle est, désormais, complétée par les présidents adjoints des sections administratives (CJA, art. R. 123-14-3°). Ces derniers sont des conseillers d'Etat en service ordinaire nommés par arrêté du vice-président du Conseil d'Etat pris après avis des présidents de section (10), et ont pour mission d'assister le président de la section dans l'exercice de ses attributions, et de le suppléer en tant que de besoin.

Comment ne pas relever, enfin, la suppression de l'article R. 123-15 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L2698ALI) qui disposait que "les ministres ont rang et séance à l'assemblée générale du Conseil d'Etat. Chacun a voix délibérative pour les affaires qui dépendent de son département".

Au total, le décret du 6 mars se présente comme "la première pierre de l'ambitieuse réforme en cours au Conseil d'Etat" (formule employée par le communiqué de presse en ligne sur le site internet du Conseil d'Etat). Nul doute que les prochaines étapes sont attendues, et que la plus importante d'entre elles, du point de vue symbolique tout au moins, sera sans doute le changement du nom du commissaire du Gouvernement.


(1) Pour les premiers commentaires : Pascale Gonod, Le Conseil d'Etat à la croisée des chemins ?, AJDA, 2008, p. 630 ; Frédéric Rolin, La "procolisation" du Conseil d'Etat : Bref aperçu sur le décret n° 2008-225 du 6 mars 2008 relatif à l'organisation et au fonctionnement du Conseil d'Etat ; Florian Roussel, Le Conseil d'Etat face aux nouvelles exigences d'efficacité et d'impartialité, JCP éd. A, 2008, n° 13, 24 mars 2003, p. 3.
(2) Jean-Marc Sauvé, Réformer la justice administrative, AJDA, 2008, p. 1.
(3) Jean-Marc Sauvé, AJDA, 2007, p. 556-558 (propos recueillis par Sévérine Brondel et Marie-Christine de Monteclerc).
(4) Jean-Marc Sauvé, AJDA, 2008, p. 1. Intervention du décret également annoncée par Bernard Stirn dans le même numéro de l'AJDA, p. 5.
(5) Prenons l'exemple de l'article 2 du décret : "L'article R. 121-3 est modifié ainsi qu'il suit : 1° Après les mots : 'soit à la section du contentieux', sont insérés les mots : 'soit à deux sections administratives' ; 2° Les mots : 'soit à la fois à la section du rapport et des études et à une autre section administrative' sont supprimés".
(6) Bernard Pacteau, Le Conseil d'Etat et la fondation de la justice administrative française au XIXème siècle, PUF, coll. Léviathan, 2003, p. 183.
(7) CEDH, 28 septembre 1995, Req. 27/1994/474/555, Procola c/ Luxembourg (N° Lexbase : A8397AWW) ; CEDH, 6 mai 2003, Req. 39343/98, Kleyn c/ Pays-Bas (N° Lexbase : A9169B4D) et, plus récemment et plus directement pour la France : CEDH, 9 novembre 2006, Req. 65411/01, Sacilor-Lormines (N° Lexbase : A2652DSZ), RFDA 2007, p. 342, note J.-L. Autin et F. Sudre ; AJDA, 2007, p. 902, chron. J.-F. Flauss.
(8) Yves Jégouzo, A propos de la fonction consultative du Conseil d'Etat, Mélanges en l'honneur de Daniel Labetoulle, Dalloz, 2007, p. 505.
(9) Voir, aussi, le nouvel article R. 123-20-g qui complète les dispositions introduites par le décret déjà cité du 21 décembre 2004 en précisant que le vice-président du Conseil d'Etat peut, dans les conditions que l'on sait, décider de ne pas porter à l'ordre du jour de l'assemblée générale certains "projets de loi ou d'ordonnance ne soulevant pas de difficulté".
(10) On doit noter, pour être complet, que sont de droit présidents adjoints de la section administrative à laquelle ils sont affectés les présidents de section maintenus en activité, en application de l'article 1er de la loi n° 86-1304 du 23 décembre 1986, relative à la limite d'âge et aux modalités de recrutement de certains fonctionnaires civils de l'Etat (N° Lexbase : L7948G8U). Cet article dispose que "Les membres du Conseil d'Etat, les magistrats de la Cour des comptes et les membres de l'inspection générale des finances, lorsqu'ils atteignent l'âge limite résultant de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984, relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public (N° Lexbase : L1097G87), sont, sur leur demande, maintenus en activité, en surnombre, jusqu'à ce qu'ils atteignent la limite d'âge qui était en vigueur avant l'intervention de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 précitée, pour exercer respectivement les fonctions de conseiller d'Etat, de conseiller maître à la Cour des comptes ou, s'ils n'ont pas atteint ce dernier grade, celles de conseiller référendaire et d'inspecteur général des finances".

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Entreprises en difficulté

[Chronique] Chronique mensuelle de droit des entreprises en difficulté

Lecture: 14 min

N7479BEQ

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Le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition privée générale vous propose, cette semaine, la chronique de Pierre-Michel Le Corre et Emmanuelle Le Corre-Broly, retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de procédures collectives. Se trouve, au premier plan de cette actualité, une décision rendue par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 18 mars 2008, portant sur l'application dans le temps de la loi de sauvegarde et la question de la résolution des plans de continuation. Une décision d'un grand intérêt a, également, été rendue par cette même chambre le 1er avril dernier, concernant l'absence d'incidence de l'extinction de la créance sur la revendication du vendeur réservataire.
  • L'application dans le temps de la loi de sauvegarde et la question de la résolution des plans de continuation (Cass. com., 18 mars 2008, n° 06-21.306, M. Gérard Boudin de l'Arche, FS P+B+I+R N° Lexbase : A4155D7Z)

La loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005 (loi n° 2005-845 N° Lexbase : L5150HGT) a modifié en profondeur la question de la résolution des plans de continuation, aujourd'hui dénommés plans de redressement.

Les plans de redressement empruntent leur régime aux plans de sauvegarde, sous une double réserve. D'abord, les conditions des licenciements économiques sont assouplies en plan de redressement, alors qu'il y a lieu d'appliquer le droit commun dans le plan de sauvegarde. Ensuite, une discrimination nette, qui constitue une prime à la sauvegarde, intéresse les garants personnes physiques, qui bénéficient des dispositions du plan de sauvegarde, alors qu'ils n'en bénéficient pas dans le cadre des plans de redressement.

En ce qui concerne spécialement la résolution des plans de redressement et de sauvegarde, l'article L. 626-27 du Code de commerce (N° Lexbase : L4076HBL) innove à deux égards : celui des conditions du prononcé de la résolution des plans et celui des effets de cette même résolution.

Sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985 (loi n° 85-98 N° Lexbase : L7852AGW), l'article L. 621-82 du Code de commerce (N° Lexbase : L6934AIN) pose un principe général : l'inexécution du plan de continuation emporte sa résolution. Certes, le tribunal dispose d'un pouvoir d'appréciation sur la gravité des manquements constatés, à l'instar d'une juridiction chargée de statuer sur la résolution d'un contrat. Mais, dès lors qu'il estime l'inexécution suffisamment grave, il a l'obligation de prononcer la résolution du plan de continuation, sans se préoccuper de savoir si le débiteur est ou non en état de cessation des paiements.

Au contraire, l'article L. 626-27-I du Code de commerce (N° Lexbase : L4076HBL) distingue clairement deux hypothèses : celle où le tribunal, saisi de la demande de résolution du plan, constate la cessation des paiements et celle où il constate que ce même état de cessation des paiements fait défaut. Dans le premier cas, l'article L. 626-27-I, alinéa 2, du Code de commerce indique que "lorsque la cessation des paiements du débiteur est constatée au cours de l'exécution du plan, le tribunal qui a arrêté ce dernier décide, après avis du ministère public, sa résolution et prononce la liquidation judiciaire". La résolution est, ici, obligatoire. Dans le second cas, l'article L. 626-27-I, alinéa 1er, du même code dispose que "le tribunal qui a arrêté le plan peut, après avis du ministère public, en décider la résolution si le débiteur n'exécute pas ses engagements dans les délais fixés par le plan". Il est donc clair qu'en l'absence de cessation des paiements, la résolution est une simple faculté pour le tribunal.

Les différences, qui existent au stade du prononcé de la résolution, se poursuivent lorsque l'on s'intéresse aux effets de la résolution du plan.

Sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985, lorsque le tribunal prononce la résolution du plan, il ouvre une procédure de liquidation judiciaire, dans tous les cas. L'article L. 621-82, alinéa 1er, du Code de commerce est, ici, sans ambiguïté.

La loi de sauvegarde des entreprises prolonge, au niveau des effets, la distinction qu'elle établit au stade des conditions de la résolution du plan. Lorsque la résolution du plan est facultative, c'est-à-dire lorsqu'il n'y a pas cessation des paiements, l'article L. 626-27-I, alinéa 1er, du Code de commerce observe le mutisme complet sur les conséquences de cette résolution. Faut-il comprendre qu'il y aura place à ouverture d'une nouvelle procédure, qui pourrait être un redressement judiciaire ? La solution est inconcevable si le plan résolu est un plan de sauvegarde. Faut-il comprendre que la résolution du plan ne s'accompagne pas de l'ouverture d'une nouvelle procédure et qu'il n'y a donc pas, ici, place au prononcé d'une liquidation judiciaire ? Les travaux préparatoires de la loi de sauvegarde répondent plus clairement à la question : "une fois le plan résolu, le débiteur ne ferait pas nécessairement l'objet d'une procédure collective. Toutefois, si l'effet de la résolution était de le conduire à la cessation des paiements, il ferait alors l'objet d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire" (1). Ainsi, la résolution du plan n'entraînera pas ouverture d'une procédure collective. Le débiteur n'étant pas en cessation des paiements pourrait obtenir l'ouverture d'une conciliation ou d'une sauvegarde (2). En pratique, il faut bien admettre, cependant, que la résolution du plan devrait, le plus généralement, entraîner la cessation des paiements (3), puisque les délais du plan prendront fin, ce qui aura des conséquences sur la composition du passif exigible, donc sur l'état de cessation des paiements. En ce cas, le débiteur pourra obtenir un redressement judiciaire pouvant déboucher sur un second plan de redressement (4).

Les solutions nuancées issues de la loi de sauvegarde des entreprises, et plus spécialement de l'article L. 626-27-I du Code de commerce, sont applicables, en vertu de l'article 191-2° de la loi du 26 juillet 2005, aux procédures en cours au jour de l'entrée en vigueur de cette loi, soit le 1er janvier 2006. Elles s'appliquent, donc, à la résolution des plans de continuation arrêtés en application de procédures ouvertes avant cette date.

En l'espèce, un plan de continuation a été arrêté en 2004 au profit d'une personne physique. N'ayant pas exécuté correctement son plan et, spécialement, ayant laissé impayés des dividendes, le tribunal a prononcé, le 27 décembre 2005, la résolution de ce plan de continuation et l'ouverture d'une liquidation judiciaire. Le débiteur reprochait au tribunal d'avoir ainsi statué, alors que ce dernier n'avait pas constaté l'état de cessation des paiements du débiteur. La cour d'appel n'avait pas été sensible au reproche. Devant la Cour de cassation, la problématique de l'application de la loi de sauvegarde dans le temps était au coeur du débat. Le débiteur reprochait à la cour d'appel d'avoir méconnu les dispositions de l'article L. 626-27-I du Code de commerce, applicables, selon lui, "à toutes les procédures en cours au 1er janvier 2006".

La question posée à la Cour de cassation était, donc, de savoir si l'article L. 626-27-I du Code de commerce, dans la rédaction que lui donne la loi de sauvegarde des entreprises, a vocation à s'appliquer lorsque la résolution du plan a été prononcée entre le 27 juillet 2005, date de promulgation de la loi de sauvegarde des entreprises, et le 1er janvier 2006, date d'entrée en vigueur de cette même loi ? C'est à cette question que répond l'arrêt de la Chambre commerciale du 18 mars 2008, décoré de toutes les médailles possibles (il s'agit d'un arrêt FS-P+B+I+R), qui est, en conséquence, appelé à la diffusion la plus large, afin que nul ne l'ignore.

La Cour de cassation apporte à la question posée une réponse négative : "ayant constaté que le plan de continuation arrêté par le jugement du 8 juin 2004 avait ordonné le remboursement du passif sur dix ans et relevé que, faute par M. B. d'avoir réglé les échéances dues à compter du 8 décembre 2004, un jugement du 27 décembre 2005 avait prononcé la résolution du plan, la cour d'appel a fait une exacte application de l'article L. 621-82 du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, dès lors que le plan de continuation de M. B. avait été résolu avant le 1er janvier 2006".

La notion de procédures en cours au 1er janvier 2006 est, ici, au centre des débats. Peut-on considérer qu'un plan de redressement résolu le 27 décembre 2005 et ayant donné lieu à ouverture d'une liquidation judiciaire à cette même date est une procédure en cours au 1er janvier 2006 ? Une réponse négative s'impose assurément. La solution de la Cour de cassation apparaît, donc, indiscutable. Certes, il y a bien, au 1er janvier 2006, une procédure en cours. C'est la procédure de liquidation judiciaire. Ce n'est pas la procédure de redressement judiciaire ayant conduit à l'arrêté du plan de continuation. En conséquence, les dispositions de l'article L. 626-27-I du Code de commerce ne peuvent régir la résolution d'un plan de continuation antérieure au 1er janvier 2006. Elles ne régiront que les résolutions de plans de continuation intervenant après cette date. Il n'y a aura pas lieu de se placer au jour de la saisine de la juridiction aux fins de résolution du plan, mais seulement au jour où la juridiction prononce la résolution. C'est cette date qui permettra de déterminer si la procédure est en cours au 1er janvier 2006.

Dès lors que le tribunal statue sur la résolution avant le 1er janvier 2006 et qu'il prononce la résolution avant cette date, il ne doit appliquer que les règles qui gouvernent, sous l'empire de la législation antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises, la résolution du plan. Le tribunal n'a pas à constater l'état de cessation des paiements et, s'il prononce la résolution, il est contraint de prononcer la liquidation judiciaire. Au contraire, si au 1er janvier 2006, le tribunal n'a pas encore statué sur la résolution du plan de continuation, il doit appliquer, en vertu de l'article 191-2° de la loi du 26 juillet 2005, l'article L. 626-27-I du Code de commerce. En conséquence, il doit se demander s'il y a ou non cessation des paiements. S'il n'y a pas cessation des paiements, il aura la faculté de prononcer ou non la résolution du plan de continuation, qui n'entraînera pas l'ouverture d'une nouvelle procédure de liquidation judiciaire. Le plan prendra fin, ce qui entraînera la disparition des délais de paiement et des remises de dettes. Si, au contraire, en statuant sur la demande de résolution du plan de continuation, le tribunal constate que le débiteur est en état de cessation des paiements, il est contraint de prononcer la résolution du plan et d'ouvrir une liquidation judiciaire.

Pour leur part, les créanciers ont un intérêt tout particulier à ce que la résolution d'un plan de continuation soit prononcée après le 1er janvier 2006. L'article L. 626-27-II du Code de commerce conduit, en effet, à admettre au passif, sans déclaration de créance, les créanciers ayant été admis au passif de la première procédure (5). Seuls seront contraints de déclarer leur créance, les créanciers dont la créance est née après l'adoption du plan et ceux dont la créance est née après l'ouverture de la procédure collective. Au contraire, si la résolution du plan intervient avant le 1er janvier 2006, les créanciers admis au passif de la première procédure restent contraints de déclarer leur créance au passif de la liquidation judiciaire, l'admission au passif de la première procédure n'ayant pas autorité de chose jugée dans le cadre de la seconde procédure (6).

Ainsi, on le voit, l'intérêt de savoir s'il convient d'appliquer ou non à une résolution de plan de continuation les dispositions nouvelles de la loi du 26 juillet 2005 est majeur et l'importance de l'arrêt ici commenté apparaît, donc, capitale.

Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du CERDP (ex Crajefe)

  • L'absence d'incidence de l'extinction de la créance sur la revendication du vendeur réservataire de propriété et les effets de celle-ci (Cass. com., 1er avril 2008, n° 07-11.726, F-P+B N° Lexbase : A7699D7B)

Sous l'empire de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, l'absence de déclaration de la créance entraînait l'extinction de celle-ci (C. com., anc. art. L. 621-46, al. 4, N° Lexbase : L6898AIC). Cette sanction a fait naître plusieurs interrogations en matière de réserve de propriété. Le vendeur réservataire de propriété peut-il revendiquer le bien objet du contrat de vente nonobstant le défaut de déclaration de sa créance de prix ? Dans l'affirmative, doit-il, après avoir revendu le bien qu'il a revendiqué, restituer à la procédure la différence entre le montant de sa créance et le prix de vente du bien revendiqué, c'est-à-dire, si sa créance est éteinte, l'intégralité du prix de revente ? C'est sur cette dernière question que s'est prononcée la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans son arrêt rendu le 1er avril 2008.

En l'espèce, un vendeur avait vendu, sous clause de réserve de propriété, des marchandises. Dans la procédure de liquidation judiciaire, ultérieurement ouverte à l'égard de l'acquéreur, le vendeur réservataire avait omis de déclarer sa créance de prix de vente. Ce dernier, en sa qualité de propriétaire, avait, cependant, pris soin de procéder à la revendication du bien. La cour d'appel avait accueilli sa demande. Le liquidateur entendait, toutefois, demander la restitution des sommes que le vendeur réservataire de propriété aurait perçues en excédent par rapport à la créance restant due quant au prix. De façon parfaitement pertinente, le mandataire estimait que, puisque la créance de prix n'avait pas été déclarée et qu'elle était donc éteinte, le propriétaire devait, certes, être autorisé à revendiquer, mais devait restituer la fraction du prix de revente du bien revendiqué supérieur au montant de sa créance. Cela aurait donc a priori conduit à la restitution de la totalité du prix, la créance étant éteinte. Cette position ne devait, cependant, pas être entendue par les juges du fond, pas plus que par la Chambre commerciale de la Cour de cassation qui rejette le pourvoi formé par le liquidateur judiciaire. La position prise par les Hauts magistrats est parfaitement nette : la Cour considère qu'"ayant constaté que la valeur des biens restitués n'excédait pas le solde du prix restant dû, lequel devait s'entendre de la fraction du prix convenu entre les parties demeurée impayée, indépendamment d'une déclaration de créance y correspondant totalement ou partiellement, la cour d'appel en a exactement déduit qu'aucune somme n'était due par [le vendeur réservataire de propriété]".

On sait que le créancier réservataire de propriété qui a obtenu la revendication du bien et qui a, par la suite, procédé à la revente de celui-ci, doit restituer à la procédure collective l'excédent qui se dégage à la suite de la revente du bien (7). Mais, plus précisément, par rapport à quoi doit se dégager cet excédent ? La Chambre commerciale répond clairement qu'il doit émerger au regard "de la fraction du prix convenu entre les parties demeurée impayée" et non pas par rapport à la somme restant due quant au prix -laquelle est inexistante en cas d'extinction de la créance-.

La précision fondamentale apportée par la Chambre commerciale, dans cet arrêt du 1er avril 2008, se situe dans le prolongement d'une position qu'elle avait eu l'occasion d'adopter lorsqu'elle s'est prononcée sur la déclaration de créance comme condition d'acceptation de la revendication. La Cour de cassation avait répondu à cette question par la négative (8). La solution était somme toute logique au regard de la différence de nature des deux droits en question. En effet, si la déclaration de créance est effectuée en considération de la qualité de créancier, titulaire d'un droit personnel de créance, en revanche, la revendication l'est au regard du droit réel de propriété. Une barrière étanche était, a priori à juste titre, dressée par la Cour entre ces deux sphères. Toutefois, à y regarder de plus près, cette solution n'était pas évidente. En effet, la clause de réserve de propriété est analysée en une sûreté (9), par conséquent accessoire de la créance de prix de vente (10). Or, sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985, l'absence de déclaration de la créance entraînait l'extinction de celle-ci et, par voie de conséquence, aurait dû emporter, également, la disparition de l'accessoire que constitue la réserve de propriété sur laquelle était fondée l'action en revendication. Il aurait donc semblé logique de considérer que l'absence de déclaration de la créance de prix entraînait l'impossibilité pour le revendeur réservataire de revendiquer. Cependant, la Cour de cassation s'est prononcée en sens contraire (11), en considérant que l'extinction de la créance n'équivalait pas à son paiement et que, en conséquence, la condition suspensive du paiement du prix ne s'étant pas réalisée, le transfert de propriété n'était pas intervenu au profit de l'acheteur. Comme l'a souligné la doctrine, "la survivance de la clause de réserve de propriété, accessoire de la créance du prix, à la disparition de la créance, apparaît cependant bien difficile à justifier" (12).

Dans l'arrêt rapporté, la Chambre commerciale de la Cour de cassation confirme que la faculté de revendiquer est indépendante de l'existence préalable d'une déclaration de créance. En outre, elle tire les conséquences de la solution qu'elle avait adoptée, et donne, ainsi, toute la portée qu'elle souhaitait y attacher. Il aurait été parfaitement inutile de considérer que le vendeur réservataire de propriété ayant omis de déclarer sa créance pouvait revendiquer le bien, mais devait restituer l'intégralité du prix de revente de celui-ci après revendication dans la mesure où, en l'absence de déclaration de sa créance, aucune somme ne lui restait due quant au prix : cela aurait abouti à reprendre d'une main ce que l'on avait donné de l'autre ! Au contraire, la Chambre commerciale considère qu'après revendication du bien et revente de celui-ci, le vendeur réservataire de propriété n'a à restituer que la fraction excédentaire par rapport "à la fraction du prix convenu entre les parties demeurée impayée" et non pas par rapport à la somme restant due quant au prix, laquelle aurait été nulle dans l'hypothèse de l'extinction de la créance non déclarée. Ainsi, ce qui importe, ce n'est pas le montant de la créance du vendeur, mais le montant du prix convenu qui n'a pas été payé. Il faut, dès lors, bien se garder d'assimiler l'extinction de la créance à son paiement. Tout comme l'interdiction de paiement ne vaut pas paiement, l'extinction de la créance ne vaut pas davantage paiement.

La Cour de cassation se livre, ainsi, à des subtilités de langage, marquant une nette différence entre "prix convenu" et "somme due", pour justifier le paiement d'une créance éteinte auquel doit être assimilée la possibilité pour le créancier réservataire de conserver le prix de revente d'un bien, alors, pourtant, que la propriété réservée n'est que l'accessoire de sa créance... éteinte. Au regard de la nature de sûreté accessoire d'une créance de la réserve de propriété, la position adoptée par la jurisprudence peut paraître choquante, et ce, d'autant que le nouvel article 2371 du Code civil (N° Lexbase : L1198HI9) prévoit, d'une part, que "la valeur du bien repris est imputée, à titre de paiement, sur le solde de la créance garantie" (et non "du prix convenu") et, d'autre part, que "lorsque la valeur du bien repris excède le montant de la dette garantie encore exigible [ce que ne peut être une créance éteinte !], le créancier doit au débiteur une somme égale à la différence". Le caractère choquant de cette solution reste, cependant, cantonné aux espèces régies par la loi du 25 janvier 1985. En effet, désormais, le défaut de déclaration de la créance ne conduit plus à son extinction mais à une simple inopposabilité de la créance à la procédure collective (13). Il en résulte que s'efface alors toute difficulté : puisque la créance non déclarée n'est plus éteinte, il est logique que le créancier réservataire de propriété puisse revendiquer le bien puis en conserver le prix de revente à hauteur de sa créance, nonobstant le défaut de déclaration de celle-ci.

Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences des Universités, Directrice du Master 2 droit de la banque de la faculté de Toulon


(1) Voir rapport de J.-J. Hyest, n° 335, p. 289.
(2) Lire F. Pérochon et R. Bonhomme, Entreprises en difficulté Instruments de crédit et de paiement, LGDJ, 7ème éd., 2006, n° 385.
(3) En ce sens aussi, voir D. Voinot, Droit économique des entreprises en difficulté, LGDJ, 2007, n° 431.
(4) En ce sens aussi, voir Ph. Roussel Galle, Réforme du droit des entreprises en difficulté De la théorie à la pratique, 2ème éd., Litec, 2007, n° 651.
(5) Sur cette question, voir nos obs., Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz Action, 2008/2009, 4ème éd., n° 524.34.
(6) Voir Cass. com., 3 décembre 2003, n° 02-14.474, Mme Bernadette Baptiste, veuve Cultru c/ M. Hervé Dechriste, FS-P+B+I (N° Lexbase : A3722DA4), Bull. civ., IV, n° 190, D., 2004, AJ, p. 62 ; Act. proc. coll., 2004/2, n° 15, note C. Régnaut-Moutier ; RD banc. et fin., 2004, p. 103, n° 78, obs. F.-X. Lucas ; JCP éd. E, 2004, chron. 783, p. 858, n° 9, obs. Ph. Pétel ; RTD com., 2004, p. 373, n° 4, obs. A. Martin-Serf ; lire nos obs., Autorité de chose jugée de l'admission des créances au passif et résolution du plan de continuation, Lexbase Hebdo n° 103 du 15 janvier 2004 - édition privée générale (N° Lexbase : N0082ABN) ; voir Cass. com., 3 décembre 2003, n° 02-14.477, Mme Bernadette Baptiste, veuve Cultru c/ Société Sepac, FS-D (N° Lexbase : A3723DA7), Cass. com., 28 janvier 2004, n° 02-15.157, M. Christian Dumay c/ Caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) Alpes-Provence, F-D (N° Lexbase : A7461DDP), Cass. com., 28 septembre 2004, n° 02-21.351, M. Jean-Marie Dominici c/ Caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) Provence-Côte-d'Azur, F-D (N° Lexbase : A4711DDT), Cass. com., 24 janvier 2006, n° 04-19.304, Mme Paulette Thaurin, épouse Degoud c/ Crédit agricole mutuel de Franche Comté, F-D (N° Lexbase : A5554DMN), Cass. com., 24 janvier 2006, n° 04-19.305, Mme Paulette Thaurin, épouse Degoud c/ Caisse de crédit mutuel Dijon Darcy, F-D (N° Lexbase : A7223DMH) et Cass. com., 30 janvier 2007, n° 06-10.838, Société Paolini Corse "Sopac", F-D ([LXB=A7908DT3 ]).
(7) Voir Cass. com., 5 mars 1996, n° 93-12.818, Société Le Droff c/ M. Pernaud, ès qualités de mandataire-liquidateur de la liquidation (N° Lexbase : A1154ABD), Bull. civ., IV, n° 72 ; D., 1996, somm. 222, obs. F. Pérochon ; JCP éd. E, 1996, 584, n° 11, obs. M. Cabrillac ; RTD civ., 1996, p. 443, obs. P. Crocq ; solution reprise par l'ordonnance du 23 mars 2006 relative aux sûretés (N° Lexbase : L8127HHH), cf. C. civ., art. 2371, al. 3 (N° Lexbase : L1198HI9).
(8) Voir Cass. com., 20 octobre 1992, n° 90-18.867, SA Jamdis c/ Lemee et autre (N° Lexbase : A2237AZU), Rev. proc. coll., 1992, 425, n° 7, obs. B. Soinne ; Cass. com., 9 janvier 1996, n° 93-20.109, Société Robatherm, Société à responsabilité limitée c/ M. Jeannerot et autres (N° Lexbase : A0666CQQ) ; JCP éd. E, 1996, I, 554, n° 19, obs. M. Cabrillac ; Cass. com., 11 mars 1997, n° 94-20.069, Société Constructions navales d'Aquitaine c/ Société Sofice (N° Lexbase : A1548ACC) ; Rev. proc. coll., 1997, 196, n° 6, obs. B. Soinne ; Adde, C. Larroumet, Le vendeur bénéficiant d'une clause de réserve de propriété peut-il revendiquer sans avoir déclaré sa créance à la procédure collective de l'acheteur ?, D. Affaires, 1996, n° 20, p. 603.
(9) Voir Cass. com., 9 mai 1995, n° 92-20.811, M. Roger Leclerc, mandataire liquidateur c/ Société anonyme Diac Equipement (N° Lexbase : A2436AGC) ; Rev. proc. coll., 1995, 487, n° 28, obs. B. Soinne ; RTD civ., 1996, p. 441, obs. P. Crocq ; Cass. com., 23 janvier 2001, n° 97-15.817, M. Jean-Claude Masson, Act. proc. coll., 2001/4, obs. C. Régnaut-Moutier ; JCP éd. E, 2001, chron. 755, n° 13, obs. M. Cabrillac ; D., 2001, AJ, p. 702, obs. A. Lienhard ; la solution est reprise par l'article 2368 du Code civil (N° Lexbase : L1195HI4) issu de l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006, relative aux sûretés (N° Lexbase : L8127HHH).
(10) Voir Cass. com., 15 mars 1988, n° 85-18.623, Crédit général industriel (N° Lexbase : A7584AA7) ; D., 1988, p. 330, note F. Pérochon ; Banque, juin 1988, p. 699, obs. J.-L. Rives-Lange ; Gaz. Pal., 1988, I, 244, note B. Soinne ; JCP éd. G, 1989, II, 21348, note M.-L. Morançais-Demester ; RTD civ., 1988, p. 791, obs. M. Bandrac ; RD Banc. et Bourse, 1988, n° 7, p. 103, obs. F. Dekeuwer-Défossez ; RD Banc. et Bourse, 1988, n° 8, p. 129, obs. J. Credot et Y. Gerard.
(11) Voir Cass. com., 20 octobre 1992, n° 90-18.867, précité ; Cass. com., 9 janvier 1996, n° 93-20.109, précité ; Cass. com., 11 mars 1997, n° 94-20.069, précité.
(12) Lire P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz action, 2008/2009, nº 813.72 ; voir, également, F. Pérochon et R. Bonhomme, Entreprises en difficulté - Instruments de paiement et de crédit, LGDJ, 2006, 7ème éd., n° 288.
(13) Lire P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz action, 2008/2009, n° 665.75.

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Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] De quelques aspects pratiques des litiges relatifs à l'existence et au nombre d'heures de travail

Réf. : Cass. soc., 9 avril 2008, n° 07-41.418, M. Didier Segard et a. c/ M. Jacques Fleury et a., FS-P+B (N° Lexbase : A8961D7Z)

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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

Ainsi que l'exige l'article L. 212-1-1 du Code du travail (N° Lexbase : L5837AC8, art. L. 3171-4, recod. N° Lexbase : L1488HXE), en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Par un arrêt en date du 9 avril 2008, la Cour de cassation précise que l'employeur doit être en mesure de fournir ces éléments dans la limite de la prescription quinquennale. Ce dernier se doit donc de conserver les documents établissant les temps de travail des salariés durant cinq ans au moins, alors même que le Code du travail ne paraît imposer une telle conservation que pendant un an. Au-delà de cette conséquence pratique, la solution retenue laisse entendre que si l'employeur n'a pas seul la charge de la preuve des heures réalisées, il doit assumer le risque de cette preuve. La décision rapportée invite, en outre, à revenir sur les conditions de validité des conventions individuelles de forfait de droit commun et sur les conséquences de leur illicéité (1).
Résumé

Il résulte des dispositions combinées des articles L. 212-1-1, L. 143-14 (N° Lexbase : L5268AC4, art. L. 3245-1, recod. N° Lexbase : L1536HX8) du Code du travail et 2277 du Code civil (N° Lexbase : L5385G7L), qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit être en mesure de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié dans la limite de la prescription quinquennale.

La rémunération forfaitaire s'entend d'une rémunération convenue entre les parties au contrat de travail pour un nombre déterminé d'heures supplémentaires, soit pour une durée de travail supérieure à la durée légale. Même si le principe en est posé par la convention collective, le paiement des heures supplémentaires selon un forfait ne peut résulter que d'un accord particulier entre l'employeur et le salarié.

Commentaire

I - Le décompte de la durée du travail

  • Preuve de la durée effectuée

Selon l'article L. 212-1-1 du Code du travail (art. L. 3171-4, recod.), "en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, les mesures d'instruction qu'il estime utiles".

Introduit au sein du Code du travail en 1992, cet article a considérablement amélioré la situation du salarié. Antérieurement, en effet, la preuve des heures de travail effectuées était soumise au régime de l'article 1315 du Code civil (N° Lexbase : L1426ABG). En d'autres termes, la charge de la preuve pesait sur le demandeur et donc sur le salarié. Il n'est guère besoin de s'étendre sur les difficultés que pouvait présenter une telle preuve pour un salarié et l'on ne peut, dès lors, que se féliciter du changement apporté par l'article L. 212-1-1. Pour autant, il convient de ne pas se méprendre sur le sens de cette disposition qui n'a nullement renversé la charge de la preuve, afin de faire peser celle-ci sur l'employeur.

Ainsi que l'affirme, en effet, avec constance la Cour de cassation, "la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties" (v., par exemple, Cass. soc., 3 juillet 1996, n° 93-41.645, Mme Zunigo c/ Société Le Tisonnier, publié N° Lexbase : A9574AAT ; Cass. soc., 7 février 2001, n° 98-45.570, M. Eric Danel c/ M. Xavier Ribou N° Lexbase : A3652ARP). Elle en déduit que le juge ne peut rejeter la demande d'un salarié, qui prétend avoir effectué des heures niées par son employeur, au seul motif d'insuffisance des preuves qu'il propose.

Cela étant, si le salarié n'a pas à fournir la preuve de la durée du travail, il doit, à tout le moins, présenter au juge des éléments de nature à étayer sa demande (Cass. soc., 25 février 2004, n° 01-45.441, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A3356DBW et nos obs., La preuve des heures supplémentaires : les rôles respectifs de l'employeur et du salarié, Lexbase Hebdo n° 111 du 10 mars 2004 - édition sociale N° Lexbase : N0829ABC).

Ces principes de solution trouvent principalement à s'appliquer lors de litiges relatifs à l'accomplissement d'heures supplémentaires. Dans cette hypothèse, le salarié ne saurait se borner à soutenir qu'il a accompli des heures supplémentaires que l'employeur ne lui a pas rémunérées. Il se doit "d'étayer sa demande" en produisant, par exemple, des attestations de collègues ou de clients. Quant à l'employeur, il résulte de l'article L. 212-1-1 du Code du travail qu'il doit fournir au juge "les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié". Cette exigence renvoie aux obligations de l'employeur en matière de décompte du temps de travail, qui étaient au coeur de l'arrêt rapporté.

  • Les obligations de l'employeur en matière de décompte du temps de travail

Afin de permettre aux parties intéressées de connaître et de contrôler la durée du travail, l'employeur doit établir les documents nécessaires au décompte du temps de travail. En application de l'article L. 611-9 du Code du travail (N° Lexbase : L6650ACB, art. L. 3171-3, recod. N° Lexbase : L1487HXD (2)), les documents permettant de comptabiliser les heures de travail effectuées par chaque salarié doivent être tenus à la disposition de l'inspecteur du travail pendant un an.

En l'espèce, la société employeur et les représentants de la procédure collective s'appuyaient précisément sur ce dernier texte pour contester leur condamnation en rappel d'heures supplémentaires. Il était avancé que le salarié n'avait formulé une réclamation au titre des heures supplémentaires qu'il prétendait avoir accomplies qu'au mois de mars 2003, par la saisine du conseil de prud'hommes, alors qu'il avait fait l'objet d'un licenciement économique le 21 novembre 2001, en application d'un jugement du tribunal de commerce du 22 octobre 2001, portant homologation d'un plan de cession de la société. Or, du fait de cette procédure collective et du temps écoulé, les représentants de l'employeur s'étaient, ainsi, trouvés dans l'impossibilité de produire d'éventuels plannings et de justifier des temps de travail effectués par le salarié, ainsi que des modalités concrètes et des temps de récupération qui auraient pu lui être accordés.

La Cour de cassation refuse de tenir compte d'une telle argumentation, affirmant "qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 212-1-1, L. 143-14 du Code du travail et 2277 du Code civil, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit être en mesure de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié dans la limite de la prescription quinquennale".

Cette solution, que la Chambre sociale avait laissé entrevoir dans une précédente décision (3), doit être approuvée. Sans doute, l'article L. 611-9 du Code du travail ne paraît-il imposer la conservation des documents permettant de comptabiliser les heures de travail effectuées par chaque salarié que pendant un an (4). Cela ne saurait, cependant, faire oublier qu'en vertu de l'article L. 143-14 du Code du travail (art. L. 3245-1, recod.), "l'action en paiement du salaire se prescrit par cinq ans conformément à l'article 2277 du Code civil". Par suite, dans la mesure où un litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées va de pair avec une demande en rappel de salaire, l'employeur doit être en mesure de fournir les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié sur une période de cinq ans.

On l'aura donc compris, les documents établissant les temps de travail des salariés doivent être conservés pendant au moins cinq ans, durée de la prescription des salaires. Au-delà, la solution retenue nous semble confirmer l'idée que la règle précédemment mentionnée, selon laquelle le juge ne peut fonder sa décision sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié, ne peut être appliquée, de manière réciproque, à l'employeur. Ainsi que l'indique en effet un auteur, "l'insuffisance des preuves apportées par l'employeur est, pour ce dernier, une défaillance : l'article L. 212-1-1 lui imposant de 'fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés', il faut en déduire que, bien qu'il n'ait pas seul la charge de la preuve des heures réalisées, il doit assumer le risque de cette preuve. En cas de doute irréductible, c'est l'employeur qui sera, en conséquence, condamné" (5).

II - La validité des conventions de forfait

  • Principe et conditions de validité

Lorsqu'un salarié est amené à effectuer des heures supplémentaires de manière régulière, il est possible de convenir d'une rémunération forfaitaire incluant un nombre déterminé d'heures supplémentaires sur la semaine ou sur le mois. Si ce mécanisme peut être utilisé pour n'importe quel salarié, il fait l'objet de dispositions particulières pour les cadres et certains salariés non cadres (6).

De façon générale, et ainsi que le souligne la Cour de cassation dans l'arrêt rapporté, "la rémunération forfaitaire s'entend d'une rémunération convenue entre les parties au contrat de travail pour un nombre déterminé d'heures supplémentaires, soit pour une durée de travail supérieure à la durée légale, et [que], même si le principe en est posé par la convention collective, le paiement des heures supplémentaires selon un forfait ne peut résulter que d'un accord particulier entre l'employeur et le salarié".

La Chambre sociale ne fait, ici, que reprendre des solutions solidement ancrées dans sa jurisprudence relative à la validité du forfait. On sait, en effet, que pour être licite, celui-ci doit, tout d'abord, faire l'objet d'un accord particulier entre le salarié et l'employeur (7). Dans un arrêt très récent, commenté dans ces mêmes colonnes, la Cour de cassation a précisé, sur le fondement de l'article L. 212-15-3, I du Code du travail (N° Lexbase : L7755HBT, art. L. 3121-38, recod. N° Lexbase : L1169HXL), que la convention individuelle de forfait doit être nécessairement écrite (8). Ainsi que nous avons pu le souligner (9), on peut, toutefois, considérer que cette exigence nouvelle ne vaut que pour les conventions individuelles de forfait conclues avec des cadres intermédiaires, auxquels il conviendrait d'ajouter les "salariés itinérants non cadres dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée" et les salariés "qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées" (10). En d'autres termes, il est possible d'avancer que les conventions individuelles de forfait de droit commun continueraient d'être soumises au seul principe du consensualisme, dès lors qu'elles ne sont pas conclues avec les salariés précités (11).

L'arrêt commenté, qui ne reprend pas cette exigence, pourrait confirmer cette assertion. Il convient, toutefois, d'être prudent, dans la mesure où la Cour de cassation n'était nullement tenue d'examiner cette question en l'espèce. En tout état de cause, on ne saurait trop conseiller, aujourd'hui, de formaliser toutes les conventions individuelles de forfait par écrit.

Ensuite, et pour reprendre les termes de l'arrêt, la rémunération forfaitaire s'entend d'une rémunération convenue entre les parties au contrat de travail pour un nombre déterminé d'heures supplémentaires, soit pour une durée de travail supérieure à la durée légale. En d'autres termes, il ne peut y avoir de forfait que si le salarié accomplit des heures au-delà de la durée légale, heures supplémentaires qui doivent être déterminées (12).

  • Conséquences de l'illicéité du forfait

En l'espèce, non seulement le forfait n'avait pas fait l'objet d'un accord particulier entre l'employeur et le salarié, mais il semble, également, que le nombre d'heures supplémentaires n'était pas déterminé. En effet, l'accord d'entreprise applicable stipulait que "les ingénieurs et cadres, compte tenu des responsabilités inhérentes à leurs fonctions, sont rémunérés au forfait selon un horaire non contrôlé, mais au moins égal en moyenne à la durée légale de travail".

Le forfait étant doublement illicite, le salarié était donc en droit de réclamer la différence entre la rémunération qui lui est due compte tenu des heures supplémentaires réellement effectuées et le salaire forfaitairement versé. La cour d'appel saisie du litige avait apparemment fait droit à cette demande, considérant que la rémunération du salarié, afférente à 39 heures de travail hebdomadaires antérieurement à l'entrée en vigueur de la réduction de la durée légale de travail, avait été maintenue postérieurement, ce dont il résultait que l'intéressé ne pouvait prétendre qu'à la bonification des heures accomplies de la 36ème à la 39ème heure. La Cour de cassation lui reproche, cependant, de n'avoir pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et censure, par suite, sa décision sur ce point.

Si l'on comprend bien le sens de la décision, il semble que, pour la Chambre sociale, le rappel de salaire pour heures supplémentaires ne saurait être limité aux heures accomplies de la 36ème à la 39ème heure. C'est, à dire vrai, logique. Tout d'abord, et dans la limite de la prescription quinquennale, le salarié pouvait prétendre au paiement des heures accomplies au-delà de 39 heures, antérieurement à l'entrée en vigueur de la nouvelle durée légale de travail. Ensuite, et postérieurement à cette date, dans la mesure où le forfait est nul car illicite, le salarié est en droit de prétendre au paiement de toutes les heures supplémentaires réellement effectuées. Il appartient uniquement au juge de faire la différence entre la rémunération qui serait due compte tenu des heures supplémentaires réellement effectuées et le salaire forfaitaire versé.


(1) Cette décision est particulièrement riche d'enseignements puisque la Cour de cassation y souligne, en outre, "qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 143-11-1, L. 143-11-7, L. 143-11-8, L. 143-11-9 et D. 143-2 du Code du travail, que le montant maximum de la garantie de l'AGS s'entend du montant des avances versées pour le compte du salarié, peu important les remboursements perçus par cet organisme subrogé dans les droits du salarié".
(2) Cet article dispose, désormais, en son alinéa 2, que "la nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire".
(3) Cass. soc., 2 juin 2004, n° 02-46.811, M. Rémy Chabot c/ Société Groupe Cayon, FS-P+B (N° Lexbase : A5206DCS) : "l'employeur doit être en mesure de produire les feuilles d'enregistrement, dans la limite de la prescription quinquennale, lorsqu'il existe une contestation sur le nombre d'heures effectuées par le salarié".
(4) La prudence doit, ici, être de mise. En effet, cet article, qui relève d'un chapitre relatif à l'inspection du travail, peut tout aussi bien être interprété comme une limite aux pouvoirs de l'inspecteur du travail, qui ne pourrait pas exiger la communication des documents en cause au-delà d'une année.
(5) E. Dockès, Droit du travail, HyperCours Dalloz, 2ème éd., 2007, § 358.
(6) V., en dernier lieu sur cette question, nos obs., Les conventions individuelles de forfait dans le collimateur de la Cour de cassation, Lexbase Hebdo n° 300 du 10 avril 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N6557BEL).
(7) Le forfait ne peut donc résulter d'un usage d'entreprise (Cass. soc., 31 mars 1998, n° 96-41.878, Société Bristol MECI c/ M Devilliers et autre N° Lexbase : A9660AAZ, Bull. civ. V, n° 184) et, ainsi que le rappelle la Cour de cassation, un accord est nécessaire, même si le principe du forfait est posé par la convention collective (v., déjà, Cass. soc., 10 mars 2004, n° 01-46.369, FS-P+B N° Lexbase : A4840DBU et les obs. de S. Martin-Cuenot, Condition d'effectivité d'une convention de forfait et rémunération des heures d'astreinte, Lexbase Hebdo n° 113 du 24 mars 2004 - édition sociale N° Lexbase : N0963ABB).
(8) Cass. soc., 26 mars 2008, n° 06-45.990, M. Jean Genieis c/ Société Paindor Côte-d'Azur, FS-P+B+R (N° Lexbase : A6062D7N).
(9) Cf., nos obs., Les conventions individuelles de forfait dans le collimateur de la Cour de cassation, préc..
(10) Catégories de salariés visées par l'article L. 212-15-3, I du Code du travail (art. L. 3121-38, recod.).
(11) Tel est le sens de la jurisprudence antérieure, rendue précisément à propos des conventions de forfait de droit commun : Cass. soc., 11 janvier 1995, Joanne c/ Société Club Méditerrannée (N° Lexbase : A8637AGY), RJS, 2/95, n° 109.
(12) La convention de forfait doit, en outre, comporter une rémunération au moins aussi avantageuse pour le salarié que celle qu'il recevrait, en l'absence de convention, compte tenu des majorations pour heures supplémentaires. Ce qui rend nécessaire la détermination précise des heures supplémentaires effectuées.

Décision

Cass. soc., 9 avril 2008, n° 07-41.418, M. Didier Segard et a. c/ M. Jacques Fleury et a., FS-P+B (N° Lexbase : A8961D7Z)

Cassation partielle partiellement sans renvoi de CA Caen, 3ème ch., sect. Soc. 2, 19 janvier 2007

Textes visés : C. civ., art. 1134 (N° Lexbase : L1234ABC) et C. trav., art. L. 212-5 (N° Lexbase : L9589GQ9, art. L. 3121-22, recod. N° Lexbase : L1153HXY), ensemble l'accord d'entreprise du 29 novembre 1982 sur la durée du travail pour le personnel encadrant

Mots-clefs : décompte des heures de travail ; heures supplémentaires ; litige ; preuve ; obligations de l'employeur.

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Licenciement

[Jurisprudence] Salarié inapte : degré de précision de la lettre de licenciement

Réf. : Cass. soc., 9 avril 2008, n° 07-40.356, M. Striebel c/ Société Koehler, FS-P+B (N° Lexbase : A8939D79)

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par Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010



La protection exorbitante du droit commun contre le licenciement, dont bénéficient les salariés déclarés inaptes, n'a pas pour effet de les exclure des règles générales applicables à tout licenciement. L'employeur, dans l'impossibilité de reclasser un salarié déclaré inapte, est, en effet, tenu de respecter la procédure de licenciement et d'énoncer dans la lettre de licenciement les motifs qui conduisent à la rupture. Or, en la matière, la jurisprudence impose un certain degré de précision à l'employeur. Comme l'affirme la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 9 avril 2008, l'énonciation, comme motif du licenciement, de l'inaptitude du salarié à tout poste de travail dans l'entreprise, sans mention de l'impossibilité de reclassement, ne constitue pas un motif précis de licenciement. Cette solution, qui doit, en théorie, être approuvée manque, néanmoins, de précision.
Résumé

L'inaptitude physique du salarié, sans mention de l'impossibilité de reclassement, ne constitue pas l'énoncé d'un motif précis de licenciement.

Commentaire


I - Régime entourant la rupture du contrat de travail d'un salarié déclaré définitivement inapte à tout emploi dans l'entreprise


  • Reconnaissance de l'inaptitude du salarié


Le salarié, victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, doit faire l'objet, après une absence pour maladie professionnelle ou en cas d'absence d'au moins 8 jours pour accident du travail, d'un examen par le médecin du travail (C. trav., art. R. 241-51 N° Lexbase : L9928ACP). Cette visite, dite de reprise, doit avoir lieu au moment de la reprise du travail par le salarié ou au plus tard dans les 8 jours de cette reprise (C. trav., art. R. 241-51, al.3). Elle a pour objet de déterminer la capacité du salarié à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment (C. trav., art. R. 241-51, al. 2). Le médecin conclut, ainsi, soit à l'aptitude, soit à l'inaptitude du salarié. Dans ce dernier cas s'engage une procédure particulière.


L'article L. 122-32-5 du Code du travail (N° Lexbase : L5523ACK, art. L. 1226-10, recod. N° Lexbase : L9850HWQ), intégré dans un chapitre consacré aux accidents du travail et aux maladies professionnelles, dispose que si le salarié est déclaré, par le médecin du travail, inapte à reprendre, à l'issue des périodes de suspension, l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise et après avis des délégués du personnel, un autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail. L'inaptitude ne peut être reconnue qu'à l'issue de deux visites médicales espacées de 15 jours (C. trav., art. R. 241-51-1).


  • Obligation de reclassement de tout salarié inapte


L'article L. 122-32-5 du Code du travail (art. L. 1226-10, recod.) met à la charge de l'employeur d'un salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle déclaré inapte, une obligation de reclassement. Cette obligation a un champ particulièrement large puisqu'elle concerne l'entreprise dans laquelle travaille le salarié, mais, également, le groupe auquel elle appartient.

Le législateur précise que cette obligation s'impose à l'employeur dans tous les cas et, donc, même lorsque le médecin du travail a déclaré le salarié inapte à tout emploi dans l'entreprise .


Ce principe est appliqué de manière constante par la Cour de cassation, qui affirme que la déclaration d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise ne dispense pas l'employeur de rechercher des possibilités de reclassement par le biais de mutation, transformation ou aménagement du temps de travail (Cass. soc., 7 juillet 2004, n° 02-43.700, FS-P+B N° Lexbase : A0414DDP ; Cass. soc., 7 juillet 2004, n° 02-47.458, FS-P+B N° Lexbase : A0438DDL ; Cass. soc., 7 juillet 2004, n° 02-42.891, FS-P+B N° Lexbase : A0399DD7 ; Cass. soc., 7 juillet 2004, n° 02-43.141, Société Teinturerie de Tarare (TDT) c/ M. Mohamed Touil, FS-P+B N° Lexbase : A0403DDB ; Cass. soc., 7 juillet 2004, n° 02-45.350, Société Garnier c/ M. Bernard Mourier, FS-P+B N° Lexbase : A0435DDH). L'obligation de reclassement pèse, ainsi, sur l'employeur, quel que soit le degré de l'inaptitude, qu'il soit partiel ou total et que cette inaptitude soit temporaire ou définitive.


Si l'employeur se trouve dans l'impossibilité de reclasser, il lui appartient de faire connaître au salarié les motifs qui s'opposent à son reclassement . Le cas échéant, il s'expose à être condamné à verser au salarié des dommages et intérêts (Cass. soc., 12 novembre 2002, n° 00-45.560, F-D N° Lexbase : A7346A3H). L'employeur ne peut donc valablement rompre le contrat de travail d'un salarié déclaré inapte qu'après lui avoir notifié les motifs qui s'opposent à son reclassement (C. trav., art. L. 122-32-5, alinéa 4, art. L. 1226-12, recod.).

Ce n'est qu'une fois cette notification effectuée que la procédure de licenciement peut s'engager (Cass. soc., 25 octobre 1995, n° 91-43.808 M. Michel Vergnol c/ Société Spirit, société anonyme N° Lexbase : A9692AT7).


Quid de la motivation du licenciement et singulièrement de la lettre de licenciement ? L'employeur peut-il se contenter d'invoquer l'inaptitude du salarié ? Non, répond la Cour de cassation dans la décision commentée.


  • Espèce


Dans cette espèce, un salarié en maladie professionnelle avait été déclaré inapte définitivement à son poste et à tout poste de l'entreprise à l'issue de deux visites médicales diligentées par le médecin du travail.

A peine moins d'un mois plus tard, il avait été licencié pour "inaptitude à tous postes". Contestant cette rupture, il avait saisi la juridiction prud'homale.


Les juges du second degré avaient débouté le salarié de ses demandes, considérant que l'inaptitude à tout poste dans l'entreprise suffisait à motiver la rupture.


Cette décision est cassée par la Haute juridiction. Au visa des articles L. 122-14-2 (N° Lexbase : L5567AC8, art. L. 1232-6, recod. N° Lexbase : L9877HWQ) et L. 122-32-5 du Code du travail, elle affirme que l'inaptitude physique du salarié, sans mention de l'impossibilité de reclassement, ne constitue pas un motif précis justifiant le licenciement.


Cette solution, parfaitement justifiée eu égard aux règles du licenciement, laisse une question en suspens.


II - Motivation de la rupture du contrat de travail du salarié déclaré inapte à tout emploi dans l'entreprise


  • Corollaire du licenciement


Le salarié déclaré inapte par le médecin du travail peut être licencié. L'article L. 122-45 du Code du travail (N° Lexbase : L3114HI8, art. L. 1132-1, recod. N° Lexbase : L9686HWN), qui prohibe les discriminations, dispose qu'"aucun salarié ne peut être écarté d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié, en raison de son origine [...], ou sauf inaptitude constatée par le médecin du travail dans le cadre du titre IV du lire II du présent code, en raison de son état de santé". Cette disposition permet le licenciement du salarié régulièrement déclaré inapte par le médecin du travail, mais ne détermine aucun régime particulier (C. trav., art. L. 122-32-5, alinéa 5, art. L. 1226-12, alinéa 3, recod.).


En l'absence de dispositions particulières, ce sont donc les règles générales de tout licenciement qui trouvent à s'appliquer, qu'il s'agisse des règles de fond ou de procédure. Outre la procédure de licenciement (C. trav., art. L. 122-32-5, alinéa 5, art. L. 1226-12, alinéa 3, recod.), l'employeur, qui souhaite mettre fin au contrat de travail d'un salarié, doit donc énoncer dans la lettre de licenciement le ou les motifs du licenciement (C. trav., art. L. 122-14-2, alinéa 1er, art. L. 1232-6, recod).

La jurisprudence exige que les motifs figurant dans la lettre de licenciement soient précis (Cass. soc., 23 mai 2000, n° 98-40.633, Société Sofic c/ Mme Bultez et autre N° Lexbase : A6679AHT ; Cass. soc., 23 mai 2000, n° 98-40.635, Société Siva c/ Mme Bardet et autre N° Lexbase : A6680AHU, Bull. civ. V, n° 193). Ce degré de précision s'impose, également, au licenciement du salarié déclaré inapte, comme le rappelle la Haute juridiction dans la décision commentée. La référence à l'inaptitude du salarié n'est pas suffisante, elle fait, en outre, reposer la rupture sur le fait que le salarié est physiquement inapte et non sur le fait que l'employeur ne peut le reclasser, ce qui n'est pas tout à fait la même chose et est contraire à la lettre des textes relatifs à l'inaptitude.


Le législateur subordonne, en effet, le licenciement du salarié inapte à l'impossibilité devant laquelle se trouve l'employeur de le reclasser et non à l'inaptitude du salarié (C. trav., art. L. 122-32-5, alinéa 4, art. L. 1226-12, alinéa 2, recod.).


Il est donc normal que l'employeur, qui met un terme au contrat de travail d'un salarié inapte, fasse figurer comme motif, dans la lettre de licenciement, l'impossibilité de reclassement.


Une question reste entière : quel degré de précision doit revêtir la lettre de licenciement ?


  • Une imprécision


L'employeur peut-il se contenter, comme semble l'indiquer la Haute juridiction dans la décision commentée, de mentionner l'impossibilité de reclasser ? Doit-il, au contraire, reprendre les motifs rendant impossible le reclassement ?


La Haute juridiction ne répond pas à cette question. Elle se contente, en effet, d'affirmer que l'inaptitude physique du salarié sans mention de l'impossibilité de reclassement ne constitue pas un motif précis de licenciement.


L'application de la jurisprudence relative à la lettre de licenciement et, singulièrement, à sa motivation, semble militer dans le sens de la plus grande précision. Il est, en effet, de jurisprudence constante que c'est la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige et que l'employeur ne peut se contenter de se référer à un courrier antérieur ou postérieur pour motiver la rupture, à moins que ce courrier soit annexé à la lettre de licenciement (Ass. plén., 27 novembre 1998, n° 96-44.358, Comité économique agricole des fruits et légumes Rhône-Alpes N° Lexbase : A3017AGT).


Dans l'attente de plus de précision de la Cour de cassation, il semble utile de conseiller aux employeurs, soit de reprendre dans la lettre de licenciement l'intégralité de la lettre de notification de l'impossibilité de reclassement, soit d'annexer à la lettre de licenciement dans laquelle il sera fait mention de l'impossibilité de reclassement, la lettre de notification.


La sanction du défaut de motivation de la lettre étant particulièrement lourde, 12 mois de salaire minimum (C. trav., art. L. 122-32-7 N° Lexbase : L5525ACM art. L. 1226-15, recod. N° Lexbase : L9855HWW), mieux vaut prévenir que guérir.


Décision

Cass. soc., 9 avril 2008, n° 07-40.356, M. Striebel c/ Société Koehler, FS-P+B (N° Lexbase : A8939D79)

Cassation partielle de CA Colmar, ch. soc., sect. A, 6 avril 2006 et 23 novembre 2006

Mots clefs : inaptitude physique ; déclaration d'inaptitude à tout poste dans l'entreprise ; impossibilité de reclassement ; contenu de la lettre de licenciement ; degré de précision ; mention de l'impossibilité de reclassement ; insuffisance de la mention de l'inaptitude physique du salarié.

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Sociétés

[Jurisprudence] L'appréciation par les juges du fond de l'"utilité" de la désignation d'un expert de gestion demandée par un comité d'entreprise

Réf. : Cass. com., 12 février 2008, n° 06-20.121, Comité central d'entreprise de la Banque des Antilles françaises, F-P+B (N° Lexbase : A9212D4X)

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par Vincent Téchené, SGR - Droit des affaires

Le 07 Octobre 2010

"L'expertise de gestion une nouvelle fois à l'honneur du Bulletin de la Cour de cassation !" Tel est le titre qui aurait pu être choisi pour annoncer les observations qui vont suivre sur l'arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Haute juridiction le 12 février 2008. La solution retenue par la Cour régulatrice ne révolutionnera pas la matière, mais elle n'en est pas moins intéressante en ce que, d'une part, elle rappelle les pouvoirs des juges du fond pour apprécier la demande de nomination d'un expert de gestion et, d'autre part, elle traite d'une demande formulée par le comité d'entreprise de la société -suffisamment rare pour être remarquée-, nous permettant ainsi de revenir sur cette prérogative d'une institution représentative du personnel (IRP). Les faits de l'espèce étaient les suivants. Le comité central d'une banque (la société) a saisi le président du tribunal de grande instance statuant commercialement, sur le fondement de l'article L. 225-231 du Code de commerce (N° Lexbase : L6102AIT), pour que soit désigné un expert de gestion chargé de présenter un rapport sur deux opérations de gestion -l'arrêt de la Cour de cassation n'en disant pas plus, nous ne saurons pas quelles opérations étaient, en l'espèce, visées-. Un arrêt de la cour d'appel de Basse-Terre ayant rejeté le demande de désignation, le comité central d'entreprise a formé un pourvoi en cassation.

Au soutien de son pourvoi, le demandeur fait valoir, tout d'abord, que le comité d'entreprise peut solliciter la mise en oeuvre d'une expertise de gestion à chaque fois qu'une ou plusieurs décisions prises par les dirigeants apparaissent contraires à l'intérêt social de la société, peu important qu'il ait pu obtenir par d'autres moyens des informations sur les opérations en cause. Ainsi, selon lui, "en se bornant à relever que l'expert-comptable désigné par le comité central d'entreprise, avait d'ores et déjà recueilli des éléments suffisants et complets sur les acquisitions litigieuses, sans rechercher si ces opérations, compte tenu des difficultés rencontrées par la société, n'étaient pas susceptibles d'avoir porté atteinte à l'intérêt social de la banque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-231 du Code de commerce". Le demandeur au pourvoi soutient, ensuite, qu'en estimant inutile une expertise de gestion, après avoir relevé que, dans ses deux rapports, l'expert-comptable avait conclu n'avoir pas disposé d'éléments suffisants pour émettre une opinion valable sur les deux acquisitions litigieuses, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 225-231 du Code de commerce.

La Cour de cassation rejette, néanmoins, le pourvoi. Elle retient, pour ce faire, que la cour d'appel de Basse-Terre a souverainement estimé qu'une nouvelle expertise ne permettrait pas d'obtenir d'autres informations que celles qui figuraient déjà dans les deux rapports établis par l'expert-comptable désigné par le comité central d'entreprise, ce dont elle a exactement déduit que cette mesure était inutile. Dès lors, pour les Hauts magistrats, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche visée par la première branche, a légalement justifié sa décision.

A titre liminaire, on rappellera qu'aux termes de l'article L. 225-231 du Code de commerce, une association d'actionnaires, ainsi qu'un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital social peuvent poser par écrit au président du conseil d'administration ou au directoire des questions sur une ou plusieurs opérations de gestion de la société. A défaut de réponse dans un délai d'un mois ou à défaut de communication d'éléments de réponse satisfaisants, ces actionnaires peuvent demander en référé la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion.

Le ministère public, le comité d'entreprise et, dans les sociétés faisant publiquement appel à l'épargne, l'AMF peuvent, également, demander en référé la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion.

Il faut donc comprendre que la demande d'expertise de gestion se décompose en deux phases, lorsqu'elle émane des actionnaires ou d'une association d'actionnaires : une phase préalable, qui leur impose de poser des questions au président du conseil d'administration, ou, le cas échéant, au directoire, et une phase judiciaire, qui consiste à saisir le président du tribunal de commerce statuant en référé, lorsque le dirigeant interrogé n'a pas répondu aux questions posées ou lorsque sa réponse est insuffisante.

En revanche, lorsque le demandeur est une des personnes visées au troisième alinéa du texte, c'est-à-dire le ministère public, le comité d'entreprise, comme c'est le cas en l'espèce, ou l'AMF dans les sociétés cotées, la phase préliminaire ne s'impose plus et ceux-ci peuvent directement saisir le juge de leur demande de nomination d'un expert.

Quelle que soit la personne qui agit en justice pour voir désigner un expert de gestion, la jurisprudence a dégagé deux critères fondamentaux de recevabilité de l'action :
- l'opération visée doit être une opération de gestion ;
- la demande doit être sérieuse.

C'est sur ce dernier point que l'arrêt de la Cour de cassation du 12 février 2008 porte, puisque la Haute juridiction approuve les juges du fond d'avoir retenu que la nomination d'un expert serait inutile et que la demande est donc dénuée de sérieux. A ce titre, elle rappelle que l'appréciation du caractère sérieux de la demande relève, fort logiquement d'ailleurs, du pouvoir d'appréciation des juges du fond.

La Cour de cassation a, toutefois, posé certains principes en la matière.

Ainsi, la Chambre commerciale considère-t-elle que le caractère sérieux de la demande résulte de présomptions d'irrégularités affectant une ou plusieurs opérations de gestion déterminées (Cass. com., 22 mars 1988, n° 86-17.040, Consorts Fairier c/ Société Kaolinière Armoricaine et autres N° Lexbase : A3983AGM). Les juges exigent que l'opération pour laquelle l'expertise est demandée soit, au moins, suspecte.
Il en a, par exemple, été jugé ainsi dans les cas suivants :
- à l'occasion de difficultés concernant le recouvrement de créances sociales qui n'a fait l'objet d'aucune mesure des dirigeants (Cass. com., 10 mai 1988, n° 86-16.786, Société normande de transit et de consignation (SNTC) c/ Société Tramar SNTC N° Lexbase : A3982AGL) ;
- lorsque le commissaire aux comptes a émis des réserves sur les comptes sociaux, le caractère suspect des opération étant établi (Cass. com., 20 décembre 1988, n° 87-14.767, Société Escogypse et autre c/ Société anonyme La Rhénane N° Lexbase : A9830AAC) ;
- lorsque une cession de contrôle est intervenue de façon discrète et a empêché les minoritaires d'obtenir des informations (CA Paris, 14ème ch., 1er juin 1988, Droit des sociétés, 1988, n° 226).

Au contraire, la nomination d'un expert de gestion a été refusée, parce que les juges ont considéré que l'opération, pour laquelle l'expertise était demandée, n'était pas suspecte, par exemple :
- lorsque les opération sont des conventions courantes conclues à des conditions normales (Cass. com., 18 juin 1991, n° 89-20.610, Epoux Mignen c/ SA Les Grandes Moulins d'Aizenay N° Lexbase : A9603ATT) ;
- au seul motif qu'une société, détenant moins de 50 % du capital, soit à la fois administrateur et cliente de la société dont l'expertise est sollicitée (CA Paris,14ème ch., sect. A, 28 novembre 1990, SA Aurea c/ SA Guitel Etienne Mobilor, Bull. Joly, 1991, p. 180).

Si la demande doit porter sur une opération en apparence irrégulière, l'accueil favorable par les juges n'est, toutefois, pas subordonné à la preuve que les organes sociaux ont méconnu l'intérêt de la société et détourné leurs pouvoirs de sa finalité, puisque la mesure d'information et de contrôle organisée par l'article L. 225-231 du Code de commerce tend justement à l'établissement de cette preuve (Cass. com., 15 juillet 1987, n° 86-13.644, M. Delepine et autres c/ Consorts Duquesne et autres, publié N° Lexbase : A3943AG7).

D'ailleurs, la Cour de cassation contrôle que les juges du fond ont bien relevé que l'opération litigieuse était suspecte pour décider la nomination d'un expert de gestion ou, au contraire, que le demandeur ne rapporte pas une telle preuve pour refuser la demande de nomination (cf. par exemple, Cass. com., 9 février 1999, n° 96-17.581, M. Antoine Lurot et autres c/ Société Betjeman et Barton et autres N° Lexbase : A8739AYC). Certes, la Cour régulatrice vérifie que les juges du fond ont bien caractérisé l'existence de présomptions d'irrégularité, mais elle ne contrôle pas, pour autant, les motifs qui ont déterminé la solution adoptée par ceux-ci. C'est le rappel opéré par l'arrêt du 12 février 2008 : elle constate que les juges d'appel ont souverainement estimé qu'une nouvelle expertise était inutile.

En l'espèce, toutefois, la cour d'appel de Basse-Terre ne déduit pas le rejet de la demande de nomination de l'absence de risque. Le caractère non sérieux de la demande est fondé sur le fait qu'une nouvelle expertise ne permettrait pas d'obtenir des informations supplémentaires.

Dans le même sens, la cour d'appel de Versailles, dans un arrêt du 14 février 2007 (CA Versailles, 14ème ch., 14 février 2007, n° 06/05831, Monsieur Guillaume Langlois c/ SA Gras Savoye Crédit N° Lexbase : A7350DXI), a rejeté la demande de nomination d'un expert de gestion, estimant le demandeur mal fondé, dès lors qu'il était directeur général de la société pendant plusieurs années, qu'il a arrêté les comptes en sa qualité d'administrateur et de directeur général, et les a approuvés en sa qualité d'actionnaire. Il semblait donc que, compte tenu des fonctions exercées par le demandeur, ce dernier n'obtiendrait pas plus d'informations dans le rapport d'un expert de gestion dont la nomination s'avérait de ce fait inutile.

Pour que la demande de nomination d'un expert de gestion soit recevable, le rapport que ce dernier est susceptible de rédiger doit donc contenir des informations que le demandeur n'a pas déjà en sa possession, soit en raison de ses fonctions -comme c'est le cas dans les fais de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles-, soit en raison des réponses qui lui ont déjà été fournies -comme c'est le cas dans les faits de l'arrêt de la Cour de cassation du 12 février 2008-. On peut rapprocher cette décision d'un arrêt de la Chambre commerciale du 17 janvier 2006 -la demande, émanant ici d'un actionnaire, était soumise aux deux phases identifiées supra-, dans lequel la Haute juridiction a retenu qu'il appartient au juge saisi, sur le fondement de l'article L. 225-231 du Code de commerce, d'une demande d'expertise formée par un actionnaire invoquant le défaut de communication d'éléments de réponse satisfaisants aux questions écrites posées par lui, de rechercher si les éléments de réponse communiqués présentent ou non un caractère satisfaisant (Cass. com., 17 2006, n° 05-10.167, F-P+B N° Lexbase : A5678DMA et nos obs. Les conditions préalables à la nomination d'un expert de gestion, Lexbase Hebdo n° 204 du 2 mars 2006 - édition affaires N° Lexbase : N5063AKQ). En d'autres termes, les juges du fond doivent apprécier la teneur des réponses données par le président du conseil d'administration ou le directoire pour statuer sur la recevabilité du demandeur. En fait, dans ce cas de figure, si les juges considèrent que les réponses sont suffisantes, et donc que l'actionnaire a eu une réponse satisfaisante, la demande d'expertise devient inutile et elle sera rejetée.

Dans l'arrêt du 12 février 2008, pour débouter le comité d'entreprise de sa demande, la cour d'appel de Basse-Terre estime que la nomination d'un expert n'a pas d'utilité, compte tenu des informations déjà récoltées par le demandeur grâce aux rapports établis par l'expert-comptable. On rappellera que la possibilité pour le comité d'entreprise de recourir à l'assistance d'un expert-comptable est expressément prévue par l'article L. 434-6 du Code du travail (N° Lexbase : L8967G7A, art. L. 2325-35 N° Lexbase : L0853HXU à L. 2325-42, recod.), lequel prévoit que le comité d'entreprise peut se faire assister d'un expert-comptable de son choix en vue de l'examen annuel des comptes et, dans la limite de deux fois par exercice, en vue de l'examen des documents prévisionnels (par renvoi à C. com., art. L. 232-2 N° Lexbase : L6282AII), des rapports d'analyse des documents prévisionnels établis par le conseil d'administration ou le directoire (par renvoi à C. com., art. L. 232-3 N° Lexbase : L6284AIL) et des rapports des commissaires aux comptes (par renvoi à C. com., art. L. 232-4 N° Lexbase : L6284AIL).

Il peut, également, se faire assister d'un expert-comptable lorsque la procédure de consultation prévue à l'article L. 321-3 du Code du travail (N° Lexbase : L8925G7P, art. L. 1233-30 N° Lexbase : L9915HW7 et L. 1233-31 N° Lexbase : L9916HW8, recod.) pour licenciement économique doit être mise en oeuvre.

Enfin, l'article L. 434-6 permet au comité d'entreprise de se faire assister d'un expert-comptable lorsqu'une entreprise est partie à une opération de concentration (renvoi à C. trav., art. L. 432-1 bis N° Lexbase : L3117HIB, art. L. 2323-20, recod N° Lexbase : L0723HX3) et lorsqu'il déclenche la procédure d'alerte (C. trav., art. L. 432-5 N° Lexbase : L6411ACG).

La mission de l'expert-comptable porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à l'intelligence des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise. Pour opérer toute vérification ou tout contrôle qui entre dans l'exercice de ces missions, l'expert-comptable a accès aux mêmes documents que le commissaire aux comptes.

Au vu de l'étendue des pouvoirs et des documents auxquels l'expert-comptable a accès, il semble, en effet, difficile de penser qu'un expert de gestion puisse donner des informations supplémentaires à celles contenues dans les rapport établis par l'expert-comptable désigné en application de l'article L. 434-6 du Code du travail, à moins, bien sûr, que ce dernier n'ait pas correctement rempli sa mission.

Enfin, l'arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation est intéressant en ce qu'il statue sur la nomination d'un expert de gestion à la demande du comité d'entreprise de la société. Cette possibilité est prévue par le troisième alinéa de l'article L. 225-231 du Code de commerce.

C'est la loi du 1er mars 1984 (loi n° 84-148, relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises N° Lexbase : L7474AGW) qui a ouvert l'expertise de gestion. En effet, la loi de 1966 (loi n° 66-537, sur les sociétés commerciales N° Lexbase : L6202AGS) ne la concevait que comme une "expertise de minorité" et elle ne pouvait être demandée que dans les sociétés anonymes.
La loi n° 84-148 l'a, d'une part, étendue aux sociétés à responsabilité limitées, et, d'autre part, ouverte à d'autres demandeurs que les seuls actionnaires : le comité d'entreprise et le ministère public.

L'expertise de gestion est, aujourd'hui, possible dans les seules sociétés visées par les articles L. 225-231 et L. 223-37 (N° Lexbase : L5862AIX) du Code de commerce. D'ailleurs, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a précisé, dans un arrêt en date du 30 novembre 2004, que la possibilité de demander l'expertise de gestion ne peut être étendue que par la loi à d'autres types de sociétés ou de personnes morales, peu importe le caractère commercial ou non de leurs activités (Cass. com., 30 novembre 2004, n° 01-16.274, FS-P+B N° Lexbase : A1156DEK). En l'espèce, le comité d'établissement d'une caisse de crédit agricole mutuel avait demandé en référé, sur le fondement de l'article L. 225-231 du Code de commerce, la désignation d'un expert chargé d'examiner quatre opérations de financement menées par cette caisse. Celui-ci faisait grief à la cour d'appel d'avoir rejeté sa demande et arguait que l'expertise judiciaire devait être "étendue à toutes les sociétés commerciales quelle que soit leur forme juridique, conformément à l'esprit de la loi du 1er mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises". L'expertise de gestion ne peut donc être demandée que dans les sociétés anonymes (C. com., art. L. 225-231), les sociétés à responsabilité limitée (C. com., art. L. 223-37) et les sociétés par actions simplifiées (C. com., art. L. 227-1 N° Lexbase : L6156AIT).

Dans tous les cas -sociétés visés par l'expertise de gestion ou non-, il est possible de saisir le juge des référés, sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2260AD3), relatif à l'expertise préventive in futurum.

Aux termes de ce texte, "s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé".

Comme le relève le professeur Guyon, "les actionnaires qui ne peuvent pas ou qui ne veulent pas demander la désignation d'un expert de gestion peuvent obtenir un résultat presque analogue en sollicitant une expertise in futurum sur la base de l'article 145 du Nouveau Code de procédure civile [Code de procédure civile depuis] qui organise le référé probatoire" (Y. Guyon, Droit des affaires, tome 1, Economica, 11ème éd., 2001, p. 481, n° 447).

La question se pose donc de savoir si, en l'espèce, le comité d'entreprise aurait eu plus de succès de voir sa demande accueillie, s'il l'avait fondée sur le droit commun. Cela nous semble peu probable. En effet, la Cour de cassation considère, comme en matière d'expertise de gestion, que l'appréciation de l'"intérêt légitime" relève du pouvoir souverain des juges du fond (Cass. com., 1er octobre 1997, n° 95-13.477, Groupe HBCH et autres c/ M. Moyrand, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société N° Lexbase : A1804ACS). Et il est fort à parier que le fondement du rejet de la demande de nomination en l'espèce, à savoir l'absence de caractère sérieux, aurait justifié le rejet pour défaut d'intérêt légitime. 

Quant à la coexistence de ces deux expertises, la cour d'appel de Paris a considéré que, même si un actionnaire détient la fraction de capital nécessaire pour demander une expertise de gestion sur le fondement de l'art. L. 225-231 du Code de commerce, il est recevable à demander une expertise préventive sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile. Cette solution a été critiquée et, à nos yeux, elle est critiquable, dans la mesure où le droit commun ne doit pas être un moyen de contourner les conditions de recevabilité posées par le Code de commerce. En effet, même si les finalités des deux actions sont différentes, la première tendant à préserver l'intérêt de la société et la seconde à la conservation de la preuve, le résultat peut, en matière d'acte de gestion, s'avérer être identique. Cette position est, d'ailleurs, partagée par certains juges, le tribunal de commerce de Paris ayant retenu, sur ce point, que "le juge ne saurait en aucun cas modifier, en accordant une mesure d'instruction parallèle, la portée de ce texte que le juge n'a pas le pouvoir de modifier en faisant usage d'un autre texte de portée générale" (T. com. Paris, référé, 27 juin 2002, n° 2002041735, Adam et autres c/ SA Vivendi Universal, cf., notamment, A. Couret, Bull. Joly sociétés, 2002, § 212, p. 942).

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Rémunération

[Jurisprudence] Retour sur le formalisme de la relation de travail rémunérée par chèque emploi-service

Réf. : Cass. soc., 9 avril 2008, n° 06-41.596, Mme Patricia Guilbert, épouse Heuze, FS-P+B (N° Lexbase : A8747D74)

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par Sébastien Tournaux, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

Destinée à faciliter les formalités sociales pour les particuliers employeurs, la rémunération des salariés par chèques emploi-service a, également, permis à ces personnes, parfois mal habituées aux formalités du droit du travail, d'en être dispensées. Tel était, notamment, le cas, lorsque la rédaction d'un écrit était exigée, ce qui est systématiquement le cas en dehors du contrat de travail à durée indéterminée. Le problème se pose particulièrement avec l'hypothèse d'une relation de travail à temps partiel, pour laquelle ce formalisme est singulièrement marqué. Le législateur a, néanmoins, réglé ce conflit en posant une limite de huit heures par semaine au-delà desquelles l'employeur est tenu de se conformer aux règles relatives aux contrats à temps partiel. C'est sur cette question que la Chambre sociale de la Cour de cassation confirme sa position traditionnelle par un arrêt rendu le 9 avril 2008. La Cour revient sur les effets de la durée de travail sur le formalisme de la relation rémunérée par chèque emploi-service (I), le régime probatoire en découlant se caractérisant par sa sévérité (II).

Résumé

En cas d'utilisation du chèque emploi-service, pour les emplois dont la durée de travail dépasse huit heures par semaine, un contrat de travail doit être établi par écrit et, pour satisfaire à l'exigence de l'article L. 212-4-3 du Code du travail (N° Lexbase : L7888HBR, art. L. 3123-14 et s. recod. N° Lexbase : L1246HXG), il doit mentionner la durée hebdomadaire ou mensuelle du travail convenue. A défaut, le contrat est présumé à temps complet, sauf preuve contraire incombant à l'employeur. Celui-ci, pour rapporter cette preuve, doit justifier de la durée exacte, hebdomadaire ou mensuelle, du travail convenue.

Commentaire

I - Les effets de la durée du travail sur le formalisme de la relation de travail rémunérée par chèque emploi-service

  • Formalisme de la relation de travail et chèque emploi-service

L'article L. 129-2 du Code du travail (N° Lexbase : L5660ACM, art. L. 7232-6 recod. N° Lexbase : L3143HXP), dans sa rédaction applicable au litige, prévoyait la possibilité, pour les particuliers employeurs, de rémunérer un salarié engagé à des tâches à caractère familial ou domestique par le biais de chèques emploi-service (1).

L'objectif de ce dispositif résidait dans la volonté d'alléger les formalités à la charge du particulier employeur. Si cette finalité se ressentait principalement sur le plan des déclarations et versements de cotisations sociales, elle était, également, prise en compte sur le plan, plus strict, du droit du travail. Ainsi, les relations de travail de ce type ne nécessitent pas qu'un contrat de travail soit écrit, à condition, toutefois, que la durée hebdomadaire de travail n'excède pas huit heures par semaine ou que la durée totale de la relation n'excède pas quatre semaines consécutives dans une année. Ces dispositions sont nettement dérogatoires du régime du travail à temps partiel dont le formalisme contractuel est certainement l'un des plus abouti (2).

Si ces conditions sont respectées, l'absence de contrat écrit est compensée par la remise du chèque, lequel joue, alors, le rôle de contrat de travail, à l'image du bulletin de salaire qui pallie, dans les relations de travail plus classiques à durée indéterminée, l'absence de contrat écrit pour la détermination du contenu de la relation contractuelle (3).

  • L'application des règles relatives au formalisme des contrats de travail à temps partiel

Au contraire, si la durée du travail excède les limites posées par le Code du travail, l'exigence d'un contrat de travail écrit ressurgit, à l'instar de l'ensemble des contrats de travail spéciaux qui, faisant exception au contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, nécessitent toujours l'existence d'un écrit (4). Pour autant, l'usage du chèque emploi-service comme mode de paiement n'en est pas, pour autant, remis en cause.

En effet, la Cour de cassation décide, de manière habituelle, que, dans cette hypothèse, ce sont seulement les règles de droit commun du contrat de travail à temps partiel qui reprennent leur empire (5). La violation de la règle selon laquelle le contrat de travail à temps partiel doit être conclu par écrit peut, potentiellement, emporter la requalification du contrat en contrat de travail à temps complet. En effet, dans ces conditions, le contrat est présumé avoir été conclu à temps complet (6), l'employeur conservant la possibilité de démontrer "la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue" et "que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur" (7). C'est cette solution qui est, ici, réitérée par la Chambre sociale de la Cour de cassation.

  • En l'espèce

Une salariée, employée de maison essentiellement affectée à la garde des deux enfants de l'employeur, sans contrat de travail écrit, était rémunérée par chèques emploi-service. Après avoir remis sa démission, elle saisit la juridiction prud'homale pour demander un rappel de salaire sur la base d'un contrat de travail à temps complet.

La cour d'appel, appliquant la jurisprudence de la Cour de cassation précitée, refusait la requalification en contrat de travail à temps complet, estimant que l'employeur écartait la présomption de contrat à temps plein, en démontrant "que la salariée ne travaillait que ponctuellement certains jours de la semaine, essentiellement les lundi, mercredi et vendredi, selon des modalités consensuelles et un planning qui tenait compte de l'activité des enfants et de son activité régulière chez un autre employeur".

Après un chapeau de tête rappelant la substance des règles relatives à l'exigence d'un écrit en matière de relation rémunérée par chèque emploi-service et de relation de travail à temps partiel, la Cour de cassation rejette, pourtant, cette argumentation. Elle casse l'arrêt de la cour d'appel, au visa des articles L. 129-2 (art. L. 7232-6 recod.) et L. 212-4-3 (art. L. 3123-14 et s. recod.) du Code de travail, en estimant qu'elle aurait dû rechercher "comme elle y était invitée, si l'employeur qui occupait la salariée plus de huit heures par semaine, sans contrat écrit, justifiait de la durée exacte, hebdomadaire ou mensuelle du travail convenue".

II - Le régime probatoire sévère de la durée de la relation de travail rémunérée par chèque emploi-service

  • La détermination exacte de la durée hebdomadaire ou mensuelle du travail

Il faut, d'ores et déjà, remarquer un hiatus entre la motivation de principe de la Cour de cassation et l'argumentation lui permettant de conclure à la cassation de l'arrêt des juges du fond. En effet, si la Cour reprend bien l'ensemble des éléments permettant à l'employeur de se dégager de la présomption de travail à temps plein dans son chapeau, elle semble se contenter, pour casser l'arrêt, d'observer que la cour d'appel a insuffisamment recherché l'existence de l'un des critères, à savoir celui de justifier d'une durée exacte, hebdomadaire ou mensuelle du travail convenue. Exit donc, dans cette affaire, les critères relatifs à l'impossibilité, pour le salarié, de prévoir les rythmes de travail et à la disposition permanente du salarié à son employeur.

Cette indigence dans l'argumentation n'est, pourtant, pas nécessairement à mettre au crédit d'une différence de régime entre la présomption pour un contrat de travail à temps partiel "de droit commun" et celui rémunéré par chèques emploi-service et, encore moins, d'un recul des exigences nécessaires au renversement de la présomption d'une manière générale. On peut plutôt imaginer que les critères laissés de côté par la Chambre sociale avaient convenablement été appréciés par les juges du fond, seul celui de l'établissement des durées exactes hebdomadaires et mensuelles faisant encore difficulté.

  • Un régime probatoire sévère

La question de la preuve de ces durées hebdomadaires ou mensuelles exactes risque de s'avérer sensiblement plus problématique lorsque la relation donne lieu à une rémunération sous forme de chèque emploi-service que pour un contrat de travail à temps partiel plus classique. En effet, le salarié assigné à la garde d'enfant ou à des tâches domestiques travaille dans un cadre bien plus fermé que celui du travailleur à temps partiel en entreprise. Les preuves testimoniales seront plus difficiles à réunir hors de l'entourage proche de l'employeur, cette proximité réduisant sensiblement la crédibilité de telles preuves. Il en va de même pour la preuve de la durée du travail établie par bulletins de salaire, substitut fréquemment utilisé pour le contrat à temps partiel de facture classique puisque, par définition, le salarié rémunéré en chèque emploi-service ne se fait remettre aucun bulletin de paie.

Autant dire que, dans cette hypothèse, la présomption induite par l'absence d'écrit sera très difficile à combattre, ce dont il nous semble qu'il faille se réjouir d'un strict point de vue juridique. En effet, la sanction de l'exigence d'un écrit pour une relation de travail rémunérée par chèque emploi-service au-delà de huit heures n'est pas envisagée par le Code du travail. Pour autant, la règle est autonome de celles prévues pour le contrat de travail à temps partiel et devraient donc trouver une spécificité à sa violation, spécificité que l'on perçoit, finalement, dans la difficulté de renverser la présomption, pourtant, tirée du régime de droit commun.

  • La diffusion potentielle à l'ensemble des rémunérations par "chèque service"

Reste à remarquer que la technique du chèque emploi tend à s'étendre bien au-delà de son champ initial. Ces règles devraient, tout d'abord, être, assez naturellement, applicables au chèque emploi-service universel, qui a remplacé le chèque emploi-service et le titre emploi-service à compter du 1er janvier 2007 (8). La technique a, également, été étendue aux associations, aux très petites entreprises dont l'effectif n'excède pas cinq salariés ou aux jeunes gens engagés durant les périodes d'été (9). Mais, pour l'ensemble de ces différentes hypothèses, le mécanisme de présomption inhérent au contrat de travail à temps partiel devrait poser de moindres difficultés, la présence d'autres salariés dans l'entreprise pouvant constituer une source de témoignages de la durée de travail bien plus fiable que pour le particulier employeur.


(1) Sur ce thème, voir l'accord paritaire du 13 octobre 1995. V., également, A. Lyon-Caen, Le chèque-service, Dr. soc., 1994, p. 109. Le chèque emploi-service ne peut, en revanche, être utilisé pour la rémunération des personnels qui consacrent tout ou partie de leur temps de travail à une activité contribuant à l'exercice de la profession de leur employeur (C. trav., art. L. 129-2, art. L. 7232-6 recod.).
(2) Le contrat de travail doit comporter un certain nombre de mentions : la qualification du salarié ; les éléments de la rémunération ; la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue ; sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ; les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Voir l'article L. 212-4-3 du Code du travail (N° Lexbase : L7888HBR, art. L. 1253-1 et s. recod. N° Lexbase : L0159HX8).
(3) Sur la confirmation jurisprudentielle de l'absence de nécessité d'écrit en deçà de huit heures hebdomadaires, v. Cass. soc., 27 octobre 2004, n° 03-48.234, Mme Jacqueline Pambout, épouse Schmitges c/ Mme Jeanne Meissein, F-P+B (N° Lexbase : A7428DDH), Dr. soc., 2005, p. 103, obs. C. Radé.
(4) V., par ex., pour le CDD, art. L. 122-3-1 du Code du travail (N° Lexbase : L9625GQK, art. L. 1242-12, recod. N° Lexbase : L0049HX4) ; pour le contrat de mission de travail temporaire, art. L. 124-3 du Code du travail (N° Lexbase : L9647GQD, art. L. 1251-42 et s. recod. N° Lexbase : L0128HXZ) ; ou, encore, le contrat d'apprentissage, art. L. 117-12 du Code du travail (N° Lexbase : L5405AC8, art. L. 6222-4 et s. recod. N° Lexbase : L2485HXC).
(5) Cass. soc., 13 juin 2007, n° 05-43.013, M. Surendar Atil, FS-P+B (N° Lexbase : A7855DWT) et les obs. de Ch. Willmann, Chèque emploi service : formalisme du contrat de travail, Lexbase Hebdo n° 267 du 5 juillet 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N7691BBH).
(6) Cass. soc., 14 mai 1987, n° 84-43.829, Mme Hallot c/ Société à responsabilité limitée Biscuits Roulet (N° Lexbase : A7455AAD), Dr. soc., 1988, p. 438, note J. Savatier ; Cass. soc., 2 février 2000, n° 97-44.418, Mlle Murielle Verhaghe c/ M. Simon, liquidateur amiable de la société à responsabilité limitée Vensi (N° Lexbase : A9267ATE).
(7) Cass. soc., 25 février 2004, n° 01-46.394, Mme Fabienne Servan, FS-P+B (N° Lexbase : A3753DBM) ; Bull. civ. V, n° 63 ; D., 2004, IR, p. 1286 ; RJS, 2004, p. 418, n° 623 ; Cass. soc., 26 janvier 2005, n° 02-46.146, Société Promag équipement de magasins c/ Mme Marie-France Houert, F-P+B (N° Lexbase : A2944DG7), D., 2005, IR, p. 858 ; Cass. soc., 9 mars 2005, n° 03-40.386, M. Hakim Boulesnane c/ Société Alpha Net, FS-P+B (N° Lexbase : A2650DHM), Dr. soc., 2005, p. 691, obs. C. Roy-Loustaunau.
(8) C. trav., art. L. 129-5 et s. (N° Lexbase : L8815HWE, art. L. 1271-1 et s. recod. N° Lexbase : L0205HXU). V. Ch. Willmann, Chèque emploi service : formalisme du contrat de travail, préc. ; J-Y. Kerbourc'h, Chèque emploi TPE, CESU et services à la personne : une politique législative de ciblage, JCP éd. S, 2005, n° 16, p. 1254.
(9) Chèque emploi association : C. trav., art. L. 128-1 (N° Lexbase : L4001HC8, art. L. 1272-1 et s. recod. N° Lexbase : L0222HXI) ; chèque emploi pour les très petites entreprises : CSS, art. L. 133-5-5 (N° Lexbase : L7559HBL) ; chèque emploi jeune d'été, article 3 de la loi n° 2003-442 du 19 mai 2003, relative à la création d'un chèque emploi associatif (N° Lexbase : L7841BGI).

Décision

Cass. soc., 9 avril 2008, n° 06-41.596, Mme Patricia Guilbert, épouse Heuze, FS-P+B (N° Lexbase : A8747D74)

Cassation partielle, CA Rennes, 5ème ch. prud'homale, 24 janvier 2006

Textes visés : C. trav., art. L. 129-2 en sa rédaction alors applicable (N° Lexbase : L5660ACM, art. L. 7232-6 recod. N° Lexbase : L3143HXP) et L. 212-4-3 (N° Lexbase : L7888HBR, art. L. 3123-14 et s. recod. N° Lexbase : L1246HXG).

Mots-clés : chèque emploi-service ; contrat de travail écrit ; durée du travail ; preuve.

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Fiscalité des particuliers

[Chronique] Chronique de fiscalité du patrimoine

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N7913BES

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par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris

Le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité en fiscalité du patrimoine réalisée par Daniel Faucher. Cette chronique débute par le régime fiscal des abandons d'usufruit, précisé par une réponse ministérielle (QE n° 00356 de M. Joël Bourdin, réponse publiée au JOSQ du 20 mars 2008, p. 548). En matière de droits de succession, d'une part, une réponse ministérielle précise les conséquences fiscales d'un "legs net de frais et droits" (QE n° 6993, de M. Vialatte Jean-Sébastien, réponse publiée au JOANQ du 11 mars 2008, p. 2076), d'autre part, la Cour de cassation a rendu un arrêt important concernant le point de départ du délai de dépôt de la déclaration de succession en cas de contestation de la dévolution successorale (Cass. com., 26 mars 2008, n° 07-11.703, Directeur général de l'Economie des Finances et de l'Industrie, FS-P+B). Enfin, il convient de revenir sur le montage de l'apport en nue-propriété de biens à une SCI suivi d'une donation des parts, au regard de l'abus de droit (Cass. com., 26 mars 2008, n° 06-21.944, Directeur général des impôts, FS-D).
  • Régime fiscal des abandons d'usufruit (QE n° 00356 de M. Joël Bourdin, réponse publiée au JOSQ du 20 mars 2008, p. 548 [LXB=L8776H3G])

L'administration vient de préciser qu'une renonciation à usufruit, acte unilatéral assujetti au moment de son enregistrement au droit fixe prévu à l'article 680 du CGI (N° Lexbase : L7766HL9), peut entraîner ultérieurement l'exigibilité des droits de donation.

1. Abandon d'usufruit, acte unilatéral

En dehors des hypothèses où l'usufruitier transmet son droit d'usufruit au nu-propriétaire, soit par voie de renonciation "in favorem", soit par voie de donation expresse, auquel cas les droits de mutation à titre gratuit entre vifs sont exigibles, l'usufruitier peut délaisser son droit, sans indication de bénéficiaire. Un tel acte, unilatéral, puisqu'il n'implique aucune collusion apparente entre l'usufruitier et le nu-propriétaire, constitue une renonciation abdicative. Cette renonciation est donc un acte nécessairement neutre, c'est-à-dire ni gratuit, ni onéreux. Un tel acte, valable, sans que le consentement du nu-propriétaire soit requis, éteint immédiatement l'usufruit. Par suite, une renonciation purement extinctive ou abdicative est assujettie au seul droit fixe prévu à l'article 680 du CGI.

2. L'abandon d'usufruit requalifié en donation

Il est incontestable que la renonciation unilatérale consolide les droits du nu-propriétaire. Ce dernier récupère l'intégralité des droits d'un plein propriétaire et notamment, dans le cas de biens fructifères, la perception des revenus que procure le bien. Or, fiscalement, les deux seuls cas où la réunion de l'usufruit à la nue-propriété s'opère sans le paiement d'aucun droit sont l'expiration du temps fixé pour l'usufruit et le décès de l'usufruitier (CGI, art. 1133 N° Lexbase : L9702HLW). En conséquence, à l'exception de l'hypothèse d'une donation ostensible de l'usufruit, auquel cas la perception des droits de donation est justifiée puisque leur exigibilité, subordonnée à l'acceptation expresse du donataire (C. civ., art. 932 N° Lexbase : L0089HPY), est constatée, se pose la question, en dehors des cas visés par l'article 1133 d'une éventuelle taxation à raison du fait que le nu-propriétaire recouvre les attributs d'une pleine propriété. Enfin, on signalera l'hypothèse dans laquelle la renonciation n'est pas taxée en elle-même, mais est retenue comme indice d'une donation antérieure en pleine propriété. Ce qui est le cas, par exemple, lorsque, à la suite d'une donation en nue-propriété, suivie d'une vente, les nus-propriétaires encaissent la totalité du prix de vente, alors que l'usufruitière n'avait pas perçu, entre la date de la donation et celle de la vente, les revenus des biens donnés en nue-propriété (Cass. com., 20 novembre 2007, n° 06-19.294 et n° 06-19.295, F-D N° Lexbase : A7146DZP).

2.1. La taxation d'une renonciation sans intention libérale

Selon une doctrine ancienne, exprimée dans le Traité alphabétique de l'enregistrement (Maguéro), l'administration n'a jamais élevé la prétention de percevoir le droit proportionnel tant que la renonciation unilatérale émanant de l'usufruitier investi de son droit n'aurait été acceptée par le nu-propriétaire car jusque-là il ne peut y avoir de mutation passible de l'impôt. La régie doit donc prouver la mutation, c'est-à-dire l'entrée en possession par le nu-propriétaire du droit délaissé par l'usufruitier. Cette analyse a été reprise dans une réponse ministérielle datant de 1987 (rép. min., Bernard, JOANQ du 23 février 1987, p. 994). La récente réponse vient confirmer la doctrine administrative en la précisant. En effet, selon cette réponse, en percevant les loyers du bien dont l'usufruit était abandonné, le nu-propriétaire manifeste son acceptation de l'usufruit. C'est l'avantage qui découle de la loi, à savoir la réunion de l'usufruit à la nue-propriété, qui permet la taxation au motif de l'acceptation implicite. Autrement dit, des droits de mutation à titre gratuit, en l'occurrence les droits de donation, sont-ils exigibles alors même que, formellement, l'intention libérale du renonçant n'est pas démontrée. En fait, dans certaines affaires dans lesquelles le juge a considéré que la perception des droits de donation était justifiée, c'est la notion d'avantage conféré sans contrepartie qui est mise en avant, et non le simple avantage lié à la consolidation. Ainsi, une personne qui abandonne son usufruit transmet à ses bénéficiaires, les nus-propriétaires, "un avantage financier certain, soit qu'ils puissent désormais vendre les biens sur lesquels ils ne disposaient auparavant que de la nue-propriété, soit qu'ils puissent désormais les louer à leur seul profit" (CA Aix-en-Provence, 6 janvier 2004, n° 02-6946). Cette notion d'importance des biens auxquels il est renoncé sans contrepartie permet aussi de caractériser l'intention libérale de celui qui abandonne ses droits (Cass. com., 31 octobre 2006, n° 04-10.796, F-D N° Lexbase : A1942DSQ).

2.2. L'exception

Ce n'est que dans l'hypothèse où l'usufruitier pourrait invoquer de trop lourdes charges, liées à l'usufruit, charges justifiant cet abandon, que la taxation au droit fixe serait validée. En effet, pour justifier l'exigibilité des droits de donation à la suite d'une renonciation pure et simple, le juge avait relevé que cette renonciation procédait d'une intention libérale, les enfants ayant encaissé les loyers, "sans qu'il soit invoqué de trop lourdes charges" pour justifier cette renonciation (Cass. com., 2 décembre 1997, n° 96-10.729, Monsieur Questembert c/ Directeur Général des Impôts N° Lexbase : A2171ACE). Autrement dit, lorsque les charges s'avèreront supérieures aux revenus procurés par le bien, ou lorsque, s'agissant d'un bien non loué, les charges absorberont une partie importante des revenus de l'usufruitier, la requalification en donation de l'abandon pourra être écartée.

  • Assiette des droits de succession : legs net de frais et droits (QE n° 6993, de M. Vialatte Jean-Sébastien, réponse publiée au JOANQ du 11 mars 2008, p. 2076 [LXB=L8777H3H])

L'administration vient de confirmer expressément que, lorsque les droits de mutation par décès dus sur un legs ont été mis par le testateur à la charge de la succession, cette disposition n'a pas pour effet d'augmenter la valeur du legs ni, par voie de conséquence, l'assiette taxable. Cependant, les conséquences fiscales d'un "legs net de frais et droits" ne sont avantageuses que pour le légataire et non pour l'héritier ou le légataire universel.

1. L'avantage pour le légataire

La clause d'un testament prévoyant qu'un legs est fait net de frais et droits ne constitue pas un supplément de libéralité au profit du légataire. Ainsi, pour le calcul des droits de mutation dus sur le legs, il n'y a pas lieu d'ajouter le montant des droits dus sur ces legs au montant de ces derniers (rép. min. Delalande, JOANQ du 15 septembre 1986, p. 3121). Le légataire, bénéficiaire du legs nets de frais et droits, n'est imposé que sur la valeur du bien légué. Cette libéralité indirecte, le fait d'imposer à une personne le paiement des droits dus par une autre, ne sera jamais taxée. Ainsi, dans l'exemple d'un legs de 100 au profit d'un légataire taxé à 60 %, les droits dus seront de 60 et non de 96 (soit 100 + 60 X 60 %). Bien entendu, la clause prévoyant la prise en charge par l'héritier ou le légataire universel n'a d'effet qu'entre les parties et ne saurait être opposée à l'administration (rép. min. Cazalet, JOANQ du 2 février 1981, p. 461). Le légataire, bénéficiaire de la prise en charge, reste le redevable légal des droits, mais il est en droit de se faire rembourser par l'héritier ou le légataire universel si le montant des droits dus par lui n'est pas acquitté directement par ces derniers.

2. La situation du légataire universel ou de l'héritier chargé de délivrer le "legs net de frais et droits"

Tout d'abord, le légataire ou l'héritier, chargé de délivrer le legs, ne peut déduire les droits grevant les legs particulier dont la charge est supportée par lui. Cette précision n'est que la conséquence de la doctrine selon laquelle les droits de succession, qui prennent naissance après le décès, ne sont pas déductibles de l'actif successoral. Cependant, globalement, le déplacement de l'impôt sur l'héritier ou le légataire principal permet de réaliser une économie d'impôt sur la succession. Cette économie est d'autant plus importante lorsque le légataire principal est exonéré de droits de succession. En effet, soit un legs stipulé "net de frais et droits" au profit d'un neveu par une personne qui a institué pour légataire universel une association cultuelle exonérée de droits, chargée de délivrer le legs. Ce legs est d'un montant de 100 000 euros et l'actif global de succession de 180 000 euros. Sur la part du neveu, après un abattement de 7 598 euros, l'association acquittera 50 821 euros. Le solde disponible de l'association est de 29 179 euros. Dans l'hypothèse où le défunt n'aurait pas pris de dispositions testamentaires, l'héritier, imposé sur la totalité de l'actif aurait acquitté des droits d'un montant de 94 821 euros et reçu un disponible de 85 179 euros. Soit moins que le legs net de frais et droits, qui, de surcroît, permet à une association exonérée de recevoir une quote-part non négligeable de la succession.

  • Déclaration de succession : point de départ du délai en cas de contestation de la dévolution successorale (Cass. com., 26 mars 2008, n° 07-11.703, FS-P+B N° Lexbase : A6101D74)

Le juge vient de confirmer que l'héritier, saisi de plein droit de la succession, doit déposer la déclaration de succession dans le délai légal (six mois, CGI, art. 641 N° Lexbase : L7673HLR) à compter du décès, sans attendre l'issue d'un litige qui porte sur la dévolution successorale. Au regard des obligations déclaratives, la situation de l'héritier, saisi, diffère donc de celle d'un légataire universel.

1. Héritier saisi face à un tiers qui invoque à son profit une disposition testamentaire

Pour l'administration, comme pour le juge, le fait que l'héritier soit saisi de plein droit des biens, droits et actions du défunt, en application des dispositions de l'article 724 du Code civil (N° Lexbase : L3332ABZ), lui interdit de se soustraire au dépôt immédiat de la déclaration alors que la dévolution est contestée. Dans l'affaire soumise récemment à la cour, le défunt ne laissait qu'un frère. Cependant, un tiers prétendait voir établie sa filiation à l'égard du défunt. Dans l'hypothèse où cette action aurait été couronnée de succès, le frère aurait été totalement évincé de la succession. Cette circonstance n'a pas influencé la décision de la cour, qui a considéré que cette action en recherche de paternité ne permettait pas à l'héritier de différer le dépôt de la déclaration de succession jusqu'à la date à laquelle le litige serait définitivement tranché.

2. Légataire universel qui n'est pas héritier, dont les droits sont contestés

La solution retenue pour l'héritier saisi n'est pas transposable au légataire universel. En effet, ce dernier ne peut invoquer la saisine plénière de l'article 724. La saisine prévue à son profit par l'article 1006 du Code civil (N° Lexbase : L0163HPQ) reste subordonnée, d'une part, a la nature de son legs, qui doit être effectivement universel, d'autre part, à l'absence d'héritier réservataire. De surcroît, un légataire universel institué par un testament olographe ou mystique est tenu de se faire envoyer en possession (C. civ., art. 1008 N° Lexbase : L0165HPS). En conséquence, lorsque les droits du légataire universel sont contestés, notamment par un héritier à réserve, le point de départ du délai pour déposer la déclaration de succession est reporté à la date à laquelle ses droits sont définitivement reconnus par une décision de justice passée en force de chose jugée (Cass. com., 1er avril 1997, n° 95-13.181, Mme Monique Talfournier c/ M. le ministère de l'Economie et des Finances N° Lexbase : A0028AUL, repris dans le BOI 7 G-11-98 du 10 juillet 1998 N° Lexbase : X8094ABE).

  • Apport en nue-propriété de biens à une SCI suivi d'une donation des parts : le spectre de l'abus de droit s'efface devant l'égalité du partage (Cass. com., 26 mars 2008, n° 06-21.944, FS-D N° Lexbase : A6041D7U)

Selon la Haute Juridiction, l'intérêt patrimonial de la constitution d'une SCI, par rapport à une indivision, permet d'écarter l'abus de droit.

1. Des avis du CCRAD...

L'opération est classique : il s'agit de l'apport en nue-propriété d'un immeuble à une SCI, suivie d'une donation des droits sociaux, reçus en contrepartie de l'apport, réalisée par les apporteurs au profit de leurs enfants. Avant l'entrée en vigueur de l'article 669 du CGI (N° Lexbase : L7730HLU), cette opération permettait de s'affranchir du barème de l'article 762 (N° Lexbase : L8123HLG), dont on sait qu'il surévaluait la nue-propriété. Cette dernière était évaluée selon une méthode économique. Ce schéma a perdu une partie de son intérêt puisque le nouveau barème a pris en compte, de façon plus satisfaisante, la valeur de l'usufruit. Face à de telles opérations, l'administration invoquait l'abus de droit. Depuis 1996, le Comité a rendu près d'une trentaine d'avis (la plupart favorables à l'administration fiscale) sur ce sujet. Cet organisme s'est toujours placé sur le terrain de la fictivité pour caractériser l'abus de droit, qui selon lui découlait d'un cumul de critères. Ces derniers sont, d'une part, la concomitance des opérations, la création de la SCI, l'apport de la nue-propriété de l'immeuble et la donation de la quasi-totalité des parts sociales, d'autre part, l'absence de fonctionnement réel de la société ou de nécessité économique, et, enfin, l'absence de revenus, ce qui empêchait la société d'assurer les charges de la propriété.

2. ... balayés par une jurisprudence en général favorable aux contribuables

Le juge se place, non pas sur le terrain de la fictivité, mais sur celui du but exclusivement fiscal. Ainsi selon les juges de Créteil et de Nanterre "la législation offre la possibilité de créer une SCI pour assurer la gestion des immeubles, qu'il s'agit d'éviter souvent, dans la pratique, les inconvénients de l'indivision en aménageant une organisation contractuelle dans laquelle chaque associé n'est tenu qu'à hauteur de ses parts sociales, ce qui permet la mise en place d'organes de gestion qui rendent des comptes de façon régulière, et qui justifient de manière structurée de la situation du bien et des fruits obtenus" (TGI Créteil, 20 juin 2000, n° 00446, Despouys ; TGI Nanterre, 16 janvier 2001, n° 99-14941, Bouvet). La Cour de cassation a, en dernier recours, validé ce type d'opérations : "L'opération litigieuse ne présentait pas une finalité exclusivement fiscale en raison des circonstances suivantes : l'opération permettait aux époux, tous les deux gérants de cette société et disposant d'une minorité de blocage, de transmettre à leurs enfants une partie des biens dont ils conservaient les revenus, et la transmission des parts permettait un partage équitable entre les descendants, les difficultés inhérentes à un partage en trois lots équivalents de biens de nature différente et d'entité distincte se trouvant évitées" (Cass. com., 3 octobre 2006, n° 04-14.272, F-D N° Lexbase : A7654DRW). Dans l'affaire examinée récemment par la cour, un père avait constitué avec ses deux enfants plusieurs sociétés civiles. Concomitamment à l'apport d'immeubles fructifères en nue-propriété, l'ascendant avait donné les parts reçues à ses enfants. Les statuts prévoyaient que l'apporteur disposait de tous les pouvoirs pour la durée de sa vie dans l'organisation des SCI. La cour a écarté l'abus de droit en retenant que le recours à la forme sociétaire avait permis à l'apporteur, d'une part, d'organiser les statuts de la manière la plus appropriée et, d'autre part, d'assurer la cohésion du patrimoine social après son décès. En effet, en mutualisant entre ses enfants les aléas locatifs et les écarts de rentabilité, la société constituait un cadre juridique présentant une stabilité beaucoup plus grande que l'indivision. Nul doute que la liberté offerte par le Code civil aux associés de sociétés civiles est bien plus importante que celle conférée aux coïndivisaires ! On ne voit pas comment des conventions de gestion entre indivisaires, nécessairement encadrées par l'article 1873-6 du Code civil (N° Lexbase : L2083ABR), pourraient égaler un pacte d'associés de société. De surcroît, si la nue-propriété des immeubles avait été directement donnée et partagée entre les descendants, cette situation aurait pu, au jour du décès du donateur faire apparaître une inégalité entre les héritiers, à raison d'une prise de valeur inégale des immeubles. La mise en société permettait d'écarter cette difficulté.

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Social général

[Panorama] Panorama des arrêts inédits rendus par la Cour de cassation - Semaine du 14 avril 2008 au 18 avril 2008

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N7908BEM

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Le 07 Octobre 2010

Retrouvez, chaque semaine, une sélection des arrêts inédits de la Cour de cassation, les plus pertinents, classés par thème.
  • Rupture du contrat de travail/Rétraction/Licenciement sans cause réelle et sérieuse

- Cass. soc., 18 avril 2008, n° 07-40.687, Société La Centrale Dia Fleurs, F-D (N° Lexbase : A9767D7U) : la cour d'appel, qui a constaté que l'employeur avait considéré, sans prononcer le licenciement, le contrat de travail de l'intéressé comme rompu, a exactement décidé, nonobstant la rétractation ultérieure, que cette rupture devait s'analyser comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse .

  • Engagement unilatéral/Dénonciation/opposabilité

- Cass. soc., 18 avril 2008, n° 07-41.475, M. Jean-Pierre Batard, F-D (N° Lexbase : A9777D7A) : l'engagement unilatéral, qui n'a pas été dénoncé postérieurement à la survenance d'un changement dans la personne de l'employeur à la suite d'une cession d'actions, reste opposable au nouvel employeur .

  • Exemple de retenue du lien de subordination

Cass. soc., 18 avril 2008, n° 06-45.958, Société Duvillard, F-D (N° Lexbase : A9624D7L) : le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. En outre l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs. Saisie d'une demande de requalification des relations contractuelles en un contrat de travail, la cour d'appel ne s'est prononcée, ni sur la légalité du contrat de location de taxi, ni sur l'organisation du service public des transports urbains et, appréciant les éléments de fait et de preuve produits devant elle, elle a caractérisé la situation effective de subordination de M. H. à l'égard de la société D. .

  • Lettre de licenciement énonçant des faits postérieurs à l'entretien préalable

-Cass. soc., 18 avril 2008, n° 07-40.630, M. Jacky Smadja, F-D (N° Lexbase : A9764D7R) : un second grief, relatif à un fait commis postérieurement à l'entretien préalable, ne peut être mentionné dans la lettre de convocation à l'entretien préalable. Le salarié faisait grief à l'arrêt d'avoir dit que le licenciement était fondé sur une insubordination commise après l'entretien préalable au licenciement et de l'avoir, en conséquence, débouté de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse .

  • Protection spéciale contre le licenciement/Salarié demandeur d'élections

- Cass. soc., 16 avril 2008, n° 07-40.252, Société Meda Pharma, FS-D (N° Lexbase : A9759D7L) : le salarié, qui a demandé à l'employeur d'organiser les élections au comité d'entreprise ou d'accepter d'organiser les élections, bénéficie des dispositions protectrices de l'article L. 436-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0044HDY, art. L. 2411-9, recod.N° Lexbase : L1027HXC) pendant une durée de six mois à compter de la demande aux mêmes fins d'une organisation syndicale. Cette procédure ne peut s'appliquer qu'à un seul salarié par organisation syndicale, ainsi qu'au premier salarié, non mandaté par une organisation syndicale, qui a demandé l'organisation des élections .

  • Unité économique et sociale/Délégué syndical

- Cass. soc., 16 avril 2008, n° 07-60.045, Société Rocca, F-D (N° Lexbase : A9781D7E) : lorsqu'une organisation syndicale désigne un délégué syndical au sein d'une unité économique et sociale constituée de plusieurs personnes morales, elle doit préciser la composition de cette unité dans la désignation qu'elle est tenue de notifier aux représentants légaux de chacune des personnes morales concernées. A défaut de ces notifications et de ces mentions, la désignation est nulle et le délai de forclusion ne commence pas à courir, peu important que les différentes sociétés soient dirigées par une même personne .

  • Défaut de mention sur la lettre de licenciement du délai restant pour accepter ou refuser la convention de conversion

Cass. soc., 16 avril 2008, n° 06-44.361, Mme Brigitte Atahias, FS-D (N° Lexbase : A9606D7W) : lorsque le licenciement pour motif économique est notifié au cours du délai de réflexion, la lettre mentionne le délai de réponse dont dispose encore le salarié pour accepter ou refuser la convention de conversion. La lettre de licenciement du 3 juin 1998, notifiée au cours du délai de réflexion, mentionnait le délai de 21 jours ayant couru à compter du jour de la remise des documents, sans préciser le délai dont disposait encore la salariée pour accepter ou refuser la convention de conversion. Dès lors, la cour d'appel a violé l'article L. 122-14-1 du Code du travail dans sa rédaction alors applicable (N° Lexbase : L5566AC7) en déboutant la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour défaut de mention sur la lettre de licenciement du délai de réponse relatif à la convention de conversion .

  • Fraude à l'incompatibilité entre un comité de groupe et une unité économique et sociale de même périmètre

Cass. soc., 16 avril 2008, n° 07-60.348, M. Pascal Abenza, ayant élu domicile à la société Accenture, 118 avenue de France, 75636 Paris cedex 13, F-D (N° Lexbase : A9786D7L : le tribunal a caractérisé l'existence d'une fraude en constatant qu'un comité de groupe avait été mis en place par accord pour suivre l'évolution du groupe, le périmètre de l'ancienne unité économique et sociale étant devenu trop étroit, et que les syndicats avaient délibérément exclu l'une des sociétés du périmètre de l'unité économique et sociale revendiquée pour faire échec à l'incompatibilité existant entre ce comité de groupe et une unité économique et sociale de même périmètre (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E2447ADY).

  • Reconnaissance judiciaire d'une UES et contestation de la désignation ultérieure d'un délégué syndical

Cass. soc., 16 avril 2008, n° 07-60.373, Centrale d'achats Zannier, F-D (N° Lexbase : A9788D7N) : si la reconnaissance judiciaire d'une unité économique et sociale n'est pas relative et se fonde sur des critères propres indépendants de la finalité des institutions en cause, cette reconnaissance ne rend pas irrecevable la contestation de la désignation ultérieure d'un délégué syndical dans le périmètre de l'UES judiciairement reconnue qui n'a pas le même objet. Il appartient au juge d'apprécier les éléments allégués à l'appui d'une telle contestation, en tenant compte du jugement de reconnaissance de l'unité économique et sociale .

  • Plan de sauvegarde de l'emploi/Contenu

- Cass. soc., 15 avril 2008, n° 06-46.129, F-D (N° Lexbase : A9626D7N) : le plan de sauvegarde de l'emploi doit comporter des mesures précises et concrètes pour faciliter le reclassement des salariés concernés par le licenciement. Il doit, à ce titre, préciser le nombre, la nature et la localisation des emplois affectés au reclassement du personnel. Ayant fait ressortir qu'il n'était pas établi que, dans sa dernière version ayant donné lieu à la conclusion d'un accord collectif, le plan de sauvegarde de l'emploi comportait en annexe une liste de postes disponibles pour assurer le reclassement des salariés et que la liste produite avait été communiquée aux représentants du personnel, la cour d'appel a pu en déduire que ce plan ne satisfaisait pas aux exigences de l'article L. 321-4-1 du Code du travail (N° Lexbase : L8926G7Q, art. L. 1233-61 s., recod. N° Lexbase : L9946HWB) .

  • Bureau de conciliation/Pouvoirs

- Cass. soc., 15 avril 2008, n° 07-41.139, Société Golfo Di Sogno, F-D (N° Lexbase : A9772D73) : le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes peut toujours, en vertu des dispositions de l'article R. 516-18, alinéa 2, du Code du travail (art. R. 1454-14, recod. N° Lexbase : L0619ADB), ordonner la délivrance d'un certificat de travail et de toute pièce que l'employeur est tenu légalement de délivrer, même en présence d'une contestation sérieuse sur l'existence du contrat de travail .

  • Obligation de non-concurrence

- Cass. soc., 15 avril 2008, n° 07-40.907, Société Tektronic, F-D (N° Lexbase : A9768D7W) : la clause incluse dans un contrat de travail aux termes de laquelle l'employeur se réserve la faculté, après la rupture de celui-ci, qui fixe les droits des parties, d'imposer au salarié une obligation de non-concurrence, est nulle et laisse le salarié dans l'incertitude de sa liberté de travailler .

  • Article L. 122-12, alinéa 2 du Code du travail

- Cass. soc., 15 avril 2008, n° 06-46.495, Mme Marie-Laëtitia Capel, F-D (N° Lexbase : A9631D7T) : en excluant dans l'acte de cession de son fonds le maintien des contrats de travail de plusieurs salariés avec le cessionnaire, la société cédante est à l'origine de la rupture de ces contrats, en violation de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail (N° Lexbase : L5562ACY, art. L. 1224-1, recod. N° Lexbase : L9765HWL) .

  • Modification de contrats de travail / Vice du consentement

- Cass. soc., 15 avril 2008, n° 07-40.675, Syndicat professionnel des pilotes de la Gironde, F-D (N° Lexbase : A9765D7S) : la cour d'appel a souverainement apprécié l'existence d'un vice du consentement tenant aux conditions dans lesquelles les propositions de modification des contrats de travail ont été faites. Les salariés avaient subi des pressions de la part de l'employeur en vue de leur faire accepter un projet d'avenant défavorable à leurs contrats de travail : l'avenant prévoyait "l'acceptation par eux d'astreintes au cas où elles "seraient établies légalement ou réglementairement ou dans le cas d'un accord d'entreprise"" .

  • Harcèlement moral

- Cass. soc., 15 avril 2008, n° 07-40.290, Mme Zohra Meghraoui, F-D (N° Lexbase : A9760D7M) : outre qu'un fait unique ne peut caractériser un harcèlement moral, l'arrêt, qui a retenu que le contrôle du travail de la salariée n'était destiné qu'à assurer sa formation à de nouvelles fonctions, n'encourt pas les griefs du moyen .

  • Liberté d'expression du salarié dans l'entreprise

Cass. soc., 15 avril 2008, n° 06-45.383, Société Editions Epsilon, F-D (N° Lexbase : A9621D7H) : le salarié qui indique à un nouvel employé qu'il reçoit dans son bureau, le premier jour de sa période d'essai, "qu'il a, à maintes reprises, demandé au dirigeant de l'entreprise de le laisser apporter des améliorations dans les méthodes de travail commerciales et qu'il a été, à chaque fois, confronté à un refus catégorique de celui-ci" fait une critique des méthodes commerciales en question et de l'employeur lui-même qui dépasse sa liberté d'expression dans l'entreprise, compte tenu de son rôle d'accueil et d'intégration des nouveaux attachés commerciaux, qui lui impose, dans ces circonstances, une obligation particulière de loyauté à l'égard de son employeur. La cour d'appel a violé l'article L. 122-43 du Code du travail (N° Lexbase : L5581ACP, art. L. 1333-1, recod. N° Lexbase : L0259HXU, L. 1333-2, recod. N° Lexbase : L0260HXW) en annulant la mise à pied disciplinaire et en condamnant l'employeur à payer un rappel de salaire et les congés payés afférents à ce titre .

newsid:317908

Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] La réparation des dommages consécutifs à une discrimination

Réf. : Cass. soc., 10 avril 2008, n° 06-45.821, M. François Jacquemard c/ Société Aventis Pharma, F-D (N° Lexbase : A8781D7D)

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N7818BEB

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010

Qu'elles soient fondées sur l'origine du salarié, son appartenance à l'un ou l'autre sexe, ou qu'elles sanctionnent l'activité syndicale dans l'entreprise, les discriminations, qui frappent les salariés sont traitées, aujourd'hui, avec toute la sévérité qu'elles méritent, à la fois, par la législateur et par la jurisprudence, qui n'hésite pas à amplifier l'effectivité des sanctions. C'est ce qu'illustre, de nouveau, la Chambre sociale de la Cour de cassation, dans cet arrêt inédit en date du 10 avril 2008. Après avoir rappelé les principes qui sanctionnent les discriminations syndicales et qui justifiaient, dans cette affaire, la condamnation de l'employeur (I), la Cour soutient que le juge doit, à la fois, indemniser le salarié et, le cas échéant, procéder à son reclassement et ce, afin de réparer intégralement le préjudice qu'il a subi (II).
Résumé

Les dispositions de l'article L. 412-2 du Code du travail (N° Lexbase : L6327ACC, art. 2141-5, recod. N° Lexbase : L0412HXK) ne font pas obstacle à ce que le juge ordonne le reclassement d'un salarié victime d'une discrimination prohibée, le principe de réparation intégrale d'un dommage obligeant à placer celui qui l'a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu.

Commentaire

I - La discrimination syndicale dans le déroulement de carrière

  • Le dispositif légal de lutte contre les discriminations

L'article L. 412-2 du Code du travail (art. 2141-5, recod.), mettant en oeuvre le principe de non-discrimination syndicale, également présent à l'article L. 122-45 (N° Lexbase : L3114HI8, art. L. 1132-1 N° Lexbase : L9686HWN), interdit à l'employeur "de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en ce qui concerne, notamment, [...] l'avancement [et] la rémunération".

Le salarié qui s'estime victime d'une discrimination syndicale doit fournir au juge "des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte" ; l'employeur devra, alors, "prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination", le juge formant "sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles" (1).

Le Code du travail prévoit deux types de sanctions si la discrimination est admise. L'article L. 122-45, alinéa 5, du Code du travail (N° Lexbase : L3114HI8, art. 1132-4, recod. N° Lexbase : L9689HWR), impose l'annulation de l'acte ou de la mesure, si cette annulation est, bien entendu, possible. L'article L. 412-2, alinéa 4, du Code du travail (N° Lexbase : L6327ACC, art. L. 2141-8, al. 2 N° Lexbase : L0415HXN), dispose, pour sa part, que "toute mesure [discriminatoire] prise par l'employeur [...] est considérée comme abusive et donne lieu à dommages et intérêts".

  • Les modalités de la réparation

Deux questions se posent, alors, auxquelles cet arrêt inédit rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation apporte des réponses : quels sont les chefs de préjudice réparables ? Le juge peut-il, pour réparer tout ou partie de ces préjudices, accorder une réparation en nature sous la forme d'un reclassement professionnel du salarié ?

  • L'affaire

Dans cette affaire, un salarié avait été engagé, en 1969, comme technicien de laboratoire, coefficient 140. Il avait été, par la suite, élu comme délégué du personnel, en 1984, puis désigné comme délégué syndical en 1989. Considérant qu'après cette désignation sa carrière professionnelle s'était arrêtée, il avait saisi la juridiction prud'homale de différentes demandes, singulièrement en réparation du préjudice subi du fait de cette discrimination et en reclassement au coefficient 300.

Sur le premier point, les juges du fond n'avaient fait que partiellement droit à ses demandes : après avoir considéré que l'employeur avait accepté de revaloriser le salaire du plaignant, ce qui suffisait à indemniser le préjudice financier et professionnel subi par le salarié, les juges avaient alloué au salarié une somme de 7 500 euros au titre du préjudice moral subi du chef du non-respect, par l'employeur, d'un accord d'entreprise auquel le salarié pouvait prétendre.

Sur le second point, ils l'avaient purement et simplement débouté, après avoir considéré que si le salarié avait connu, en raison de ses activités syndicales, une progression de carrière moindre, la revalorisation en application d'une moyenne proposée par l'employeur était "acceptable".

Le salarié avait, alors, formé un pourvoi contre l'arrêt d'appel et avait contesté, à la fois, le refus de réparer, par des dommages-intérêts spécifiques, le préjudice professionnel et financier subi, et le refus de le reclasser.

Sur le premier moyen, le pourvoi est rejeté, la Cour de cassation considérant que le préjudice invoqué par le salarié avait valablement été réparé par la revalorisation consentie par l'employeur. En revanche, sur le second moyen, l'arrêt est cassé en raison d'une insuffisance de motivation, la Cour rappelant le principe selon lequel "les dispositions de l'article L. 412-2 du Code du travail ne font pas obstacle à ce que le juge ordonne le reclassement d'un salarié victime d'une discrimination prohibée".

Cette solution est particulièrement intéressante dans la mesure où elle met en évidence, à la fois, les différents chefs de préjudices causé par une discrimination, mais aussi parce qu'elle permet de mieux cerner les différentes réparations auxquelles le salarié peut prétendre.

II - Le droit du salarié discriminé à la réparation en nature de son préjudice

  • La prescription applicable à l'action

Le salarié victime d'une discrimination dans le déroulement de sa carrière, quelle que soit, d'ailleurs, la nature de cette discrimination (syndicale, fondée sur le sexe ou l'origine du salarié), peut, tout d'abord, réclamer à son employeur des dommages et intérêts réparant le préjudice que constitue le retard de carrière. On sait, depuis l'arrêt "Monange" (2), qu'il s'agit bien d'une action en responsabilité civile et non en paiement d'arriérés de salaire ; bien que l'on puisse discuter de cette qualification, celle-ci conduit logiquement à écarter la prescription quinquennale de l'article L. 143-14 du Code du travail (N° Lexbase : L5268AC4, art. L. 3245-1, recod. N° Lexbase : L1536HX8), au profit de la prescription applicable en matière de responsabilité civile. Afin de renforcer l'efficacité de l'action, la Cour de cassation a, également, choisi de considérer qu'il s'agissait d'une action en responsabilité contractuelle, et non délictuelle, le salarié reprochant à son employeur d'avoir mal exécuté le contrat de travail en le discriminant. Même si nous persistons à penser que la discrimination présente un caractère évidemment délictueux, qui désignerait plutôt la responsabilité civile délictuelle, la qualification, très opportuniste, de responsabilité contractuelle permet de faire application de la très longue prescription trentenaire de l'article 2262 du Code civil (N° Lexbase : L2548ABY).

Dans ces conditions, et comme le rappelle, ici, la Cour de cassation, confirmant les termes d'une jurisprudence bien établie depuis 2005, c'est le principe de réparation intégrale qui doit s'appliquer, les juges du fond étant invités à déterminer souverainement l'étendue du ou des préjudices réparables (3).

  • La réparation du préjudice de carrière

Le premier préjudice est, ici, qualifié par l'arrêt de "professionnel et financier" ; il correspond, logiquement, à l'équivalent de l'ensemble des éléments de rémunération dont le salarié a été injustement privé (4).

Ce préjudice ne sera, toutefois, réparé que s'il n'a pas été indemnisé autrement, soit par une revalorisation proposée, à titre individuel, par l'employeur, soit par application d'un accord collectif organisant un rattrapage pour les salariés identifiés comme ayant subi des retards de carrière. C'est pour cette raison, ici, que le salarié a été débouté de ses demandes et le pourvoi rejeté, dans la mesure où l'employeur avait déjà compensé ce préjudice en revalorisant la rémunération du salarié pour la période litigieuse.

L'intérêt des accords collectifs conclus à cette fin, qu'il s'agisse de réparer des discriminations syndicales ou sexistes, apparaît, alors, puisqu'il empêchera, à condition d'avoir compensé intégralement les préjudices financiers et professionnels, le salarié de saisir ultérieurement le juge pour en obtenir, de nouveau, réparation, car il se heurtera, alors, au principe de réparation intégrale (5).

  • La réparation d'un préjudice moral

Le second préjudice est un préjudice moral réparant les conséquences personnelles de la discrimination pour le salarié. Dans cette affaire, il avait été évalué à 7 500 euros par les juges du fond.

  • La réparation en nature opérée par le biais du reclassement du salarié

Le salarié peut, également, demander à bénéficier d'une réparation en nature, pour l'avenir, et réclamer, soit sa réintégration dans ses fonctions antérieures, s'il avait été injustement déclassé (6), soit son reclassement dans les fonctions qu'il aurait normalement occupé, s'il n'avait pas été victime de la discrimination (7).

Cette mesure, à laquelle le juge s'était refusé, dans cette affaire, au prix d'une motivation des plus contestables, est parfaitement adaptée. Ce n'est, en effet, que par défaut que des dommages et intérêts sont attribuées à une victime, la meilleure réparation possible étant celle consistant à replacer la victime dans l'exacte position où elle se serait trouvée si elle n'avait pas subi le dommage. Dans la mesure où, pour l'avenir, le reclassement judiciaire est parfaitement possible et ne se heurte pas à l'obstacle que pourrait constituer l'article 1142 du Code civil, la solution s'impose logiquement (8).


(1) C. trav., art. L. 122-45, al. 4 (N° Lexbase : L3114HI8, art. L. 1134-1, recod. N° Lexbase : L9693HWW).
(2) Cass. soc., 15 mars 2005, n° 02-43.560, M. Patrick Monange, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A2741DHY) et nos obs., L'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination syndicale se prescrit par trente ans, Lexbase Hebdo n° 161 du 31 mars 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N2499AIE) ; Cass. soc., 26 avril 2006, n° 04-46.097, Société Manoir Industries c/ M. Jean-Pierre Marrey, F-D (N° Lexbase : A2139DPW) ; Cass. soc., 17 octobre 2007, n° 06-41.053, M. Francis Boullier, F-D (N° Lexbase : A8147DYE) ; Cass. soc., 22 mars 2007, n° 05-45.163, Société Alcatel, F-D (N° Lexbase : A7483DUP).
(3) Cass. soc., 23 novembre 2005, n° 03-40.826, M. Jean-Marie Toullec c/ Société Electricité de France (EDF), FS-P+B (N° Lexbase : A7454DLN) et les obs. de N. Mingant, Le refus d'avancement et le droit de la discrimination, Lexbase Hebdo n° 193 du 8 décembre 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N1763AKI).
(4) Ainsi, l'attribution à chaque salarié d'une somme de 35 000 euros pour une période non prise en compte par un accord de rattrapage (Cass. soc., 22 mars 2007, n° 05-45.163, préc.).
(5) Quelques accords ont été conclus pour régler la question de ces retards de carrière, notamment, chez PSA en 1998, chez Airbus en 2003, ou, encore, au sein de la SNECMA.
(6) Cass. soc., 23 juin 2004, n° 02-41.011, Société Appia c/ M. Ahmed Abdelmajid Khai, F-P+B (N° Lexbase : A8071DCW), Bull. civ. V, n° 181 et les obs. de Ch. Alour, Les sanctions des mesures discriminatoires, Lexbase Hebdo n° 128 du 8 juillet 2004 - édition sociale (N° Lexbase : N2216ABP) : le juge avait ordonné à l'employeur d'attribuer un véhicule de 15 tonnes au salarié sous astreinte. 
(7) Cass. soc., 23 novembre 2005, n° 03-40.826, préc. ; Cass. soc., 8 novembre 2006, n° 05-41.553, M. Pierre Vachon, F-D (N° Lexbase : A3119DSC) ; Cass. soc., 31 janvier 2007, n° 05-42.855, Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Saône-et-Loire, F-D (N° Lexbase : A7881DT3) ; Cass. soc., 12 février 2008, n° 06-42.066, Mme Marie-Claude Trumelet, F-D (N° Lexbase : A9245D48). Dans l'arrêt "Monange" (Cass. soc., 15 mars 2005, n° 02-43.560, préc.), d'ailleurs, la cour d'appel avait "ordonné le repositionnement du salarié au niveau III B au 31 décembre 2000 et condamné la société Renault à lui verser des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi sur le fondement de l'article L. 412-2 du Code du travail".
(8) Sur l'application de cet article en droit du travail, Ch. Radé et S. Tournaux, Réflexions à partir de l'application de l'article 1142 du Code civil en droit du travail, RDC, 2005, p. 197 et s..

Décision

Cass. soc., 10 avril 2008, n° 06-45.821, M. François Jacquemard c/ Société Aventis Pharma, F-D (N° Lexbase : A8781D7D)

Cassation partielle (CA Lyon, ch. soc., 26 septembre 2006)

Textes visés : C. trav., art. L. 412-2 (N° Lexbase : L6327ACC, art. 2141-5, recod. N° Lexbase : L0412HXK)

Mots clef : discrimination syndicale ; réparation ; reclassement.

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Rel. individuelles de travail

[Questions à...] L'abandon de poste...questions à Maître Sophie Jammet, avocat spécialisée en droit social au barreau de Paris

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N7844BEA

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par Charlotte Figerou, Juriste en droit social

Le 07 Octobre 2010

L'abandon de poste fait partie des aléas classiques de la vie d'une entreprise. Beaucoup d'employeurs doivent, au quotidien, faire face à ce risque et il n'est pas toujours évident de savoir quelle attitude adopter devant une telle situation. Pour faire le point sur ce sujet, Lexbase Hebdo - édition sociale a choisi d'interroger, cette semaine, Maître Sophie Jammet, avocat spécialisée en droit social au barreau de Paris. Lexbase : Qu'appelle-t-on abandon de poste ? La jurisprudence donne-t-elle une définition de l'abandon de poste ?

Maître Sophie Jammet : Il n'existe pas de définition légale de l'abandon de poste, mais la Cour de cassation a indiqué, dans différentes décisions, les situations dans lesquelles on peut considérer que l'abandon de poste est caractérisé. Il s'agit, par exemple, de l'absence du salarié alors que celle-ci a été refusée par l'employeur, de l'absence du salarié sans demande préalable, de la prolongation d'une absence, ou de la multiplication des absences et des retards (voir, par exemple, Cass. soc., 20 décembre 1990, n° 88-44.505, Société Roth, société anonyme c/ M. Mohamed Hamaji N° Lexbase : A9335AAY). En fin de compte, on peut dire, aujourd'hui, que l'abandon de poste correspond à la situation dans laquelle le salarié est absent de son poste de travail sans autorisation ou sans justification ; autrement dit, le salarié qui n'a pas de motif légitime pour justifier de son absence à son poste de travail.

Surtout, la Cour de cassation exige, pour que l'abandon de poste soit caractérisé, que les absences soient importantes et fréquentes.

Si ces éléments sont réunis, l'employeur est, par conséquent, fondé à sanctionner le salarié par une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement, dans les cas les plus graves.

Lexbase : Comment réagir face à un salarié qui ne se présente plus à son poste se travail ?

Maître Sophie Jammet : Il y a, ici, deux possibilités. Soit l'employeur réagit et prend l'initiative de lancer une procédure disciplinaire, soit il adopte une attitude passive et attend.

Si l'employeur reste passif et attend que le salarié manifeste sa volonté de revenir ou de démissionner, il peut parfaitement cesser de verser la rémunération. En effet, le salarié ne se rend pas à son poste de travail et n'exécute pas sa prestation de travail. L'employeur peut donc lui adresser un bulletin de salaire, avec le montant qui correspond au travail effectué et non effectué. En outre, si, en théorie, l'employeur n'est pas obligé d'adresser au salarié une lettre de mise en demeure de reprendre le travail, il lui est, néanmoins, conseillé de le faire afin de se garantir par un écrit.

De manière plus globale, dans tous les cas, l'attitude passive est peu recommandable en pratique ; en effet, en cas de contentieux, le salarié pourra toujours arguer de la tolérance, voire de l'accord tacite, de l'employeur passif quant à cette absence.

Si l'employeur réagit et prend l'initiative de lancer une procédure disciplinaire, il doit, alors, adresser au salarié un courrier, par lettre recommandée avec accusé de réception, pour le mettre en demeure de l'informer des raisons de son absence. Il faut expressément préciser, dans ce courrier, que, à défaut de justification, le salarié est mis en demeure de reprendre son travail ou, à tout le moins, si telle n'est pas son intention, de manifester son intention de démissionner. Cette lettre sera, pour l'employeur, la preuve, d'une part, de son absence de faute et, d'autre part, que son salarié ne s'est pas présenté à son poste et n'a pas justifié cette absence.

Lexbase : Quid si l'employeur attend pour mettre en oeuvre la procédure disciplinaire ?

Maître Sophie Jammet : Tout d'abord, il faut noter qu'il n'est pas possible de licencier immédiatement un salarié pour une absence instantanée. Une telle attitude précipitée serait source de risque, pour l'employeur, de voir le licenciement requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse. L'employeur a donc tout intérêt à attendre quelques semaines ou, du moins, quelques jours. En revanche, s'il attend plus d'un mois, voire plus de 2 mois, la Cour de cassation a admis que l'on ne peut pas en déduire pour autant que le licenciement est injustifié (Cass. soc., 13 janvier 2004, n° 01-46.592, F-P+B N° Lexbase : A7800DA7 ; lire les obs. de C. Radé, Abandon de poste : comment réagir ?, Lexbase Hebdo n° 104 du 22 janvier 2004 - édition sociale N° Lexbase : N0221ABS).

Selon la Cour suprême, le licenciement pour abandon de poste aura, malgré tout, une cause réelle et sérieuse. En effet, la situation est toujours délicate pour l'employeur, qui se retrouve pris en otage et qui n'est jamais à l'abri d'un salarié qui va lui présenter des arrêts maladie avec un sérieux retard !

Lexbase : L'abandon de poste peut-il être sanctionné différemment en fonction du poste occupé et du niveau hiérarchique du salarié ?

Maître Sophie Jammet : Côté employeur, on considère que celui-ci peut parfaitement licencier son salarié qui se met en abandon de poste dès lors que le licenciement est bien motivé. L'abandon de poste doit, pour constituer une cause valable de licenciement, porter préjudice à l'entreprise. Or, selon la mission du salarié et la nature de son poste, le préjudice est variable. En effet, si le salarié est chargé d'encadrer une équipe et s'absente régulièrement, il est bien évident que l'abandon de poste sera très préjudiciable à l'entreprise. Il en irait de même, par exemple, d'un responsable de la sécurité dans une usine ou dans une entreprise où sont traités des matériaux dangereux ou sensibles. Ces éléments entrent naturellement en ligne de compte et contribuent grandement à motiver le licenciement en cas d'abandon de poste.

A l'inverse, le salarié peut, quant à lui, invoquer la nature de son poste pour justifier son absence. Il en irait ainsi, par exemple, du salarié qui se trouve dans une salle non ventilée et qui manipule des matériaux fort dangereux pour sa santé. Dans une telle situation, l'abandon de poste sera justifié par le fait qu'il a voulu protéger sa sécurité. On est, alors, dans le cadre du droit de retrait.

Le droit de retrait est réglementé par l'article L. 231-8-1 du Code du travail (N° Lexbase : L3651HNK, art. L. 4131-3, recod. N° Lexbase : L1763HXL), selon lequel "aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un salarié ou d'un groupe de salariés qui se sont retirés d'une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou pour la santé de chacun d'eux". Dans ce cadre-là, le licenciement ne peut en aucun cas être envisagé. Le droit de retrait n'imposant aucun formalisme, le salarié ne sera pas tenu d'adresser au préalable un écrit à son employeur. Si l'on se situe dans les limites de ce droit de retrait, aucune sanction disciplinaire ne peut être prononcée à l'encontre du salarié et ses salaires doivent lui être versés.

En revanche, en cas de contentieux sur ce droit de retrait, il appartiendra aux magistrats d'apprécier si le droit de retrait est justifié. Si tel n'est pas le cas, l'employeur pourra, alors, opérer une retenue sur le salaire.

Si, par ailleurs, l'enquête démontre, après coup, l'absence de danger, le salarié doit reprendre immédiatement son travail et l'employeur peut demander réparation, en invoquant le préjudice que lui aura porté l'absence du salarié (Cass. soc., 23 avril 2003, n° 01-44.806, F-P N° Lexbase : A5898BME).

Lexbase : L'abandon de poste est-il toujours fautif ?

Maître Sophie Jammet : Dans certaines situations, l'abandon de poste peut être "excusé", parce qu'il y a un incident familial, un accident, une urgence qui nécessite que le salarié quitte son poste sur le champ sans avoir de document justificatif à présenter à son employeur. Dans ce cas, le salarié présentera ledit document dans les 24 ou 48 heures afin de régulariser sa situation. C'est la raison pour laquelle l'abandon de poste instantané ne peut pas constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement. Il faut nécessairement que l'abandon de poste soit prolongé dans le temps pour qu'il puisse justifier un licenciement.

De la même manière, lorsque le salarié se situe dans les limites du droit de retrait, il est tout à fait en droit de quitter son poste de travail et aucune faute ne pourra être retenue à son encontre.

Pour le reste, c'est-à-dire lorsque l'abandon de poste n'est pas excusé par le droit de retrait ou par un motif d'ordre personnel, on se situe, en effet, sur le terrain du droit disciplinaire. Le licenciement aura au minimum une cause réelle et sérieuse, voire reposera sur une faute grave dans les cas les plus extrêmes. En pratique, cependant, la plupart du temps, l'abandon de poste entraîne un licenciement pour cause réelle et sérieuse. La faute grave ne sera retenue que si le poste du salarié et la nature de ses fonctions causent un risque grave à la sécurité de l'entreprise. On en revient, au final, à la notion de préjudice causé à l'entreprise ou au service auquel appartient le salarié pour retenir ou exclure la faute grave.

Lexbase : Si l'abandon de poste doit persister dans le temps pour être caractérisé, quand démarre le délai de 2 mois pour engager les poursuites disciplinaires ?

Maître Sophie Jammet : Effectivement, il est toujours délicat de savoir à compter de quel moment il convient de faire jouer le délai de 2 mois. Rappelons, en effet, qu'aux termes de l'article L. 122-44 du Code du travail (N° Lexbase : L5582ACQ, art. 1332-4, recod. N° Lexbase : L0257HXS), "aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales".

Le délai ne peut pas démarrer le jour même de l'absence, puisque le salarié dispose de 48 heures pour envoyer son justificatif. En pratique, il est recommandé d'attendre quelques jours, 3 ou 4 par exemple, et, surtout, d'envoyer au salarié une lettre de mise en demeure de reprendre son poste de travail. L'employeur n'est jamais à l'abri, en effet, de l'envoi tardif par le salarié d'un justificatif.

Par ailleurs, rappelons que la Cour de cassation n'interdit pas le licenciement quand bien même le délai de 2 mois serait dépassé. Seule la faute grave est, ici, exclue, mais le licenciement ne sera pas, pour autant, dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 13 janvier 2004, n° 01-46.592, préc.).

Lexbase : Si le licenciement est prononcé pour faute sérieuse et non grave, qu'en est-il du sort de l'indemnité de préavis ?

Maître Sophie Jammet : Normalement, l'indemnité est due lorsque l'employeur dispense son salarié de son préavis ou lorsque c'est par le fait de l'employeur que le salarié ne peut pas exécuter son préavis.

En revanche, si le préavis n'est pas effectué du seul fait du salarié, en principe, l'indemnité n'est pas due. Une décision de la Cour suprême est même allée plus loin, décidant que le salarié est, alors, redevable de l'indemnité compensatrice envers son employeur (Cass. soc., 24 mai 2005, n° 03-43.037, F-P N° Lexbase : A4229DIH). Cette décision reste tout de même exceptionnelle, car il est très rare, en pratique, que le salarié soit, ainsi, condamné. La plupart du temps, le salarié sera privé de son indemnité compensatrice de préavis, mais ne devra rien à son employeur.

Lexbase : Est-ce que le fait de ne pas justifier d'une prolongation d'un arrêt de travail peut constituer un abandon de poste ?

Maître Sophie Jammet : Il n'existe pas de jurisprudence établie sur cette question. Dans ce cas de figure, il convient de regarder, à chaque fois, si la nature du poste, le temps de travail ou les missions du salarié entraîne ou non, lorsqu'il s'absente, des perturbations graves dans la vie de l'entreprise. Il faut, aussi, vérifier si ces absences sont ou non répétées et si elles sont justifiées (Cass. soc., 14 mai 1997, n° 94-44.385, M. Consuelo Sanchez c/ Société Julien Giraud et Cie N° Lexbase : A8700AGC ; Cass. soc., 9 juillet 2002, n° 00-40.236, F-D N° Lexbase : A1149AZL).

Lexbase : Dans quelle mesure un abandon de poste peut-il être assimilé à une démission ?

Maître Sophie Jammet : La démission ne se présumant pas, a priori, un abandon de poste ne peut, en aucun cas, être assimilé à une démission. L'employeur ne peut jamais, de ce fait, interpréter l'absence du salarié comme une démission.

Il faut, néanmoins, relever deux cas où la Cour de cassation a tranché en sens inverse, mais ces cas restent très exceptionnels. L'abandon de poste a pu être qualifié de démission lorsque l'absence s'est accompagnée d'autres éléments. Dans la première hypothèse, la salariée, qui avait abandonné son poste, avait développé une importante activité personnelle dans le même secteur d'activité (Cass. soc., 30 janvier 1997, n° 92-41.724, M. Franck Ros c/ Société Syg, société à responsabilité limitée N° Lexbase : A8516AGI). Dans une telle situation, en effet, la volonté claire et non équivoque de la part du salarié de démissionner était caractérisée.

Dans la seconde hypothèse, le salarié, après avoir exigé en vain d'être licencié, s'est montré très agressif et ne s'est plus présenté sur son poste de travail. La Chambre sociale a, ici, retenu la manifestation d'une intention claire et non équivoque de démissionner (Cass. soc., 13 juin 2001, n° 99-42.209, M. Eric Tran c/ Société Au Gourmet de Chine N° Lexbase : A5731AGD).

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