Jurisprudence : CJCE, 29-11-2001, aff. C-366/99, Joseph Griesmar c/ Ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie

CJCE, 29-11-2001, aff. C-366/99, Joseph Griesmar c/ Ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie

A5833AXC

Référence

CJCE, 29-11-2001, aff. C-366/99, Joseph Griesmar c/ Ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1076839-cjce-29112001-aff-c36699-joseph-griesmar-c-ministre-de-leconomie-des-finances-et-de-lindustrie
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ARRÊT DE LA COUR

29 novembre 2001 (1)

«Politique sociale - Égalité de traitement entre hommes et femmes - Applicabilité de l'article 119 du traité CE (les articles 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE) ou de la directive 79/7/CEE - Régime français des pensions civiles et militaires de retraite - Bonification pour enfants réservée aux fonctionnaires féminins - Admissibilité eu égard à l'article 6, paragraphe 3, de l'accord sur la politique sociale ou aux dispositions de la directive
79/7/CEE»

Dans l'affaire C-366/99,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 234 CE, par le Conseil d'État (France) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Joseph Griesmar

et

Ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie,

Ministre de la Fonction publique, de la Réforme de l'État et de la Décentralisation,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 119 du traité CE (les articles 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE) et 6, paragraphe 3, de l'accord sur la politique sociale (JO 1992, C 191, p. 91), ainsi que de la directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale (JO 1979, L 6, p. 24),

LA COUR,

composée de M. G. C. Rodríguez Iglesias, président, M. P. Jann, Mmes F. Macken et N. Colneric, et M. S. von Bahr, présidents de chambre, MM. A. La
Pergola, J.-P. Puissochet, L. Sevón, M. Wathelet, V. Skouris (rapporteur) et J. N. Cunha Rodrigues, juges,

avocat général: M. S. Alber,


greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,

considérant les observations écrites présentées:

- pour M. Griesmar, par Me H. Masse-Dessen, avocat,

- pour le gouvernement français, par Mme K. Rispal-Bellanger et M. A. Lercher, en qualité d'agents,

- pour le gouvernement belge, par M. P. Rietjens, en qualité d'agent,

- pour la Commission des Communautés européennes, par Mme H. Michard, en qualité d'agent,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de M. Griesmar, représenté par Me H. Masse-Dessen, du gouvernement français, représenté par Mme C. Bergeot, en qualité d'agent, et de la Commission, représentée par Mme H. Michard, à l'audience du 9 janvier 2001,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 22 février 2001,

rend le présent

Arrêt

1. Par décision du 28 juillet 1999, parvenue à la Cour le 4 octobre suivant, le Conseil d'État a posé, en application de l'article 234 CE, deux questions préjudicielles relatives à l'interprétation des articles 119 du traité CE (les articles 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE) et 6, paragraphe 3, de l'accord sur la politique sociale (JO 1992, C 191, p. 91), ainsi que de la directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale (JO 1979, L 6, p. 24).

2. Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant M. Griesmar au ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie ainsi qu'au ministre de la Fonction publique, de la Réforme de l'État et de la Décentralisation, au sujet de la légalité de l'arrêté qui a concédé à M. Griesmar une pension de retraite.

Le cadre juridique

Le droit communautaire

3. L'article 119, premier et deuxième alinéas, du traité dispose:

«Chaque État membre assure au cours de la première étape, et maintient par la suite, l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins pour un même travail.

Par rémunération, il faut entendre, au sens du présent article, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier.»

4. L'accord sur la politique sociale est entré en vigueur à la même date que le traité CE, à savoir le 1er novembre 1993.

5. L'article 6, paragraphes 1 et 2, de l'accord sur la politique sociale rappelle les règles fixées par l'article 119 du traité. L'article 6, paragraphe 3, de cet accord précise:

«Le présent article ne peut empêcher un État membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par les femmes ou à prévenir ou compenser des désavantages dans leur carrière professionnelle.»

6. Depuis le 1er mai 1999, l'article 141 CE dispose:

«1. Chaque État membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur.

[...]

4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un État membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle.»

7. La directive 79/7 prévoit en son article 3, paragraphe 1, sous a):

«La présente directive s'applique:

a) aux régimes légaux qui assurent une protection contre les risques suivants:

- [...]

- [...]

- vieillesse,

[...]»

8. L'article 4 de cette directive dispose:

«1. Le principe de l'égalité de traitement implique l'absence de toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement par référence, notamment, à l'état matrimonial ou familial, en particulier en ce qui concerne:

- le champ d'application des régimes et les conditions d'accès aux régimes,

- l'obligation de cotiser et le calcul des cotisations,

- le calcul des prestations, y compris les majorations dues au titre du conjoint et pour personne à charge et les conditions de durée et de maintien du droit aux prestations.

2. Le principe de l'égalité de traitement ne fait pas obstacle aux dispositions relatives à la protection de la femme en raison de la maternité.»

9. L'article 7 de la même directive énonce:

«1. La présente directive ne fait pas obstacle à la faculté qu'ont les États membres d'exclure de son champ d'application:

a) la fixation de l'âge de la retraite pour l'octroi des pensions de vieillesse et de retraite et les conséquences pouvant en découler pour d'autres prestations;

b) les avantages accordés en matière d'assurance vieillesse aux personnes qui ont élevé des enfants; l'acquisition de droits aux prestations à la suite de périodes d'interruption d'emploi dues à l'éducation des enfants;

[...]

2. Les États membres procèdent périodiquement à un examen des matières exclues en vertu du paragraphe 1, afin de vérifier, compte tenu de l'évolution sociale en la matière, s'il est justifié de maintenir les exclusions en question.»

Le droit national

10. Le régime français de retraite des fonctionnaires est fixé par le code des pensions civiles et militaires de retraite (ci-après le «code»). Le code actuellement en vigueur résulte de la loi n° 64-1339, du 26 décembre 1964 (JORF du 30 décembre 1964), remplaçant l'ancien code annexé au décret n° 51-590, du 23 mai 1951, ainsi que de diverses modifications ultérieures.

11. L'article L. 1 du code prévoit:

«La pension est une allocation pécuniaire personnelle et viagère accordée aux fonctionnaires civils et militaires et, après leur décès, à leurs ayants cause désignés par la loi, en rémunération des services qu'ils ont accomplis jusqu'à la cessation régulière de leurs fonctions.

Le montant de la pension, qui tient compte du niveau, de la durée et de la nature des services accomplis, garantit en fin de carrière à son bénéficiaire des conditions matérielles d'existence en rapport avec la dignité de sa fonction.»

12. Selon l'article L. 12, sous b), du code:

«Aux services effectifs s'ajoutent, dans les conditions déterminées par règlement d'administration publique, les bonifications ci-après:

[...]

b) Bonification accordée aux femmes fonctionnaires pour chacun de leurs enfants légitimes, de leurs enfants naturels dont la filiation est établie ou de leurs enfants adoptifs et, sous réserve qu'ils aient été élevés pendant neuf ans au moins avant leur vingt et unième année révolue, pour chacun des autres enfants énumérés au paragraphe II de l'article L. 18.»

13. Les enfants visés à l'article L. 18, paragraphe II, du code sont:

«Les enfants légitimes, les enfants naturels dont la filiation est établie et les enfants adoptifs du titulaire de la pension;

Les enfants du conjoint issus d'un mariage précédent, ses enfants naturels dont la filiation est établie et ses enfants adoptifs;

Les enfants ayant fait l'objet d'une délégation de l'autorité parentale en faveur du titulaire de la pension ou de son conjoint;

Les enfants placés sous tutelle du titulaire de la pension ou de son conjoint, lorsque la tutelle s'accompagne de la garde effective et permanente de l'enfant;

Les enfants recueillis à son foyer par le titulaire de la pension ou son conjoint, qui justifie, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État, en avoir assumé la charge effective et permanente.»

14. L'article R. 13 du code dispose:

«La bonification prévue à l'article L. 12, b, en faveur des femmes fonctionnaires est d'une année pour chacun de leurs enfants légitimes, naturels reconnus ainsi que pour chacun des autres enfants qui, à la date de la radiation des cadres, ont été élevés dans les conditions et pendant la durée prévues audit article.»

15. Pour ce qui concerne la détermination du montant de la pension, les articles L. 13 à L. 15, premier alinéa, du code disposent:

«Article L. 13

La durée des services et bonifications admissibles en liquidation s'exprime en annuités liquidables. Chaque annuité liquidable est rémunérée à raison de 2 p. 100 des émoluments de base afférents à l'indice de traitement déterminé à l'article L. 15.

Article L. 14

Le maximum des annuités liquidables dans la pension civile ou militaire est fixé à trente-sept annuités et demie.

Il peut être porté à quarante annuités du chef des bonifications prévues à l'article L. 12.

Article L. 15

Les émoluments de base sont constitués par les derniers émoluments soumis à retenue afférents à l'indice correspondant à l'emploi, grade, classe et échelon effectivement détenus depuis six mois au moins par le fonctionnaire ou militaire au moment de la cessation des services valables pour la retraite [...]»

Les faits au principal et les questions préjudicielles

16. M. Griesmar, magistrat, père de trois enfants, s'est vu octroyer une pension de retraite par arrêté du 1er juillet 1991, en application du code.

17. Pour le calcul de cette pension, ont été prises en considération les années de services effectifs accomplies par M. Griesmar, mais il n'a pas été tenu compte de la bonification prévue à l'article L. 12, sous b), du code, dont les fonctionnaires féminins bénéficient pour chacun de leurs enfants.

18. Par requête enregistrée le 7 septembre 1992, complétée par un mémoire du 25 novembre 1992, M. Griesmar a attaqué devant le Conseil d'État l'arrêté du 1er juillet 1991 et a demandé son annulation en tant que cet arrêté n'a pris en compte que les annuités correspondant à ses années de services effectifs, sans y ajouter la bonification prévue à l'article L. 12, sous b), du code au bénéfice des fonctionnaires féminins pour chacun de leurs enfants.

19. À l'appui de son recours, M. Griesmar a notamment soutenu que l'article L. 12, sous b), du code méconnaissait l'article 119 du traité, les objectifs de la directive 86/378/CEE du Conseil, du 24 juillet 1986, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes dans les régimes professionnels de sécurité sociale (JO L 225, p. 40), et les objectifs de la directive 79/7.

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