La lettre juridique n°184 du 6 octobre 2005

La lettre juridique - Édition n°184

Éditorial

François, Ronsard et les autres versus AMF : où il faut faire montre de raison...

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N9272AIA

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

Le 27 Mars 2014


L'affaire n'est pas vraiment neuve, mais elle suscite toujours l'émoi ; car il y a quelque chose de viscéral, en France, avec l'emploi de la langue française qui ne peut laisser de marbre lorsque se trouve devant elle, toujours et encore, la perfide albion. Jugeant que la concurrence de l'anglais représentait une réelle menace pour le français et que les importations anglo-américaines dans notre lexique devenaient trop massives, les autorités gouvernementales avaient pourtant été amenées, depuis une trentaine d'années, à compléter le dispositif traditionnel de régulation de la langue. En 1972, des commissions ministérielles de terminologie et de néologie ont été constituées. Elles s'emploient, depuis lors, à indiquer, parfois même à créer, les termes français qu'il convient d'employer pour éviter tel ou tel mot étranger, ou encore pour désigner une nouvelle notion ou un nouvel objet encore innommés. Ces termes s'imposent alors à l'administration. En 1975, la loi "Bas-Lauriol" rendait l'emploi du français obligatoire dans différents domaines, comme l'audiovisuel ou le commerce (publicité, modes d'emploi, factures, etc.), et dans le monde du travail. Par ailleurs, la loi du 4 août 1994, dite "Toubon", élargissait les dispositions de la loi de 1975 et le décret du 3 juillet 1996 instituait une nouvelle commission générale de terminologie et de néologie, étoffant ainsi le dispositif d'enrichissement de la langue française. Alors, lorsqu'une autorité de régulation française préconise dans son règlement général d'employer l'anglais pour établir certains prospectus inhérents aux offres au public en France, cela ne peut que faire mouche. Il nous avait pourtant semblé que depuis le Serment de Strasbourg, premier texte écrit en français en 842 et, surtout, l'édit de Villers-Cotterêts, en 1539, la langue administrative et judiciaire commune à l'ensemble du royaume, en remplacement du latin, était le français. Les relations entre le droit et le langage étaient définies par cette nécessité "qu'ils soient faits et écrits si clairement, qu'il n'y ait, ni puisse avoir, aucune ambiguïté ou incertitude, ni lieu à demander interprétation", "afin qu'il n'y ait cause de douter sur l'intelligence des arrêts de justice" (édit de Villers-Cotterêts, art. 110). Ainsi, "tous les arrêts, ensemble toutes autres procédures, soit de nos cours souveraines et autres subalternes et inférieures, soit de registres, enquêtes, contrats, commissions, sentences, testaments, et autres quelconques actes et exploits de justice, [devaient être] prononcés, enregistrés et délivrés aux parties, en langage maternel français et non autrement" (édit de Villers-Cotterêts, art. 111). Mais, les membres de la "Pléiade" ont beau se retourner dans leurs tombes, pour que la place financière française demeure compétitive, il fallait impérativement s'employer à favoriser "la langue usuelle dans la sphère financière internationale", c'est-à-dire, à notre corps défendant, l'anglais. Toutefois, rappelons qu'en la matière, une grande partie des mécanismes financiers sont empruntés aux places anglo-saxonnes et que la majorité des publications scientifiques en ce domaine se fait en langue anglaise. De là à considérer l'anglais comme langue vernaculaire du droit boursier et financier... On ne saurait donc être étonné que les prospectus financiers des opérations les plus importantes puissent être rédigés en cette langue et que demeure sous l'empire de notre langue romane les descriptifs à l'adresse des consommateurs nécessitant un maximum de protection contre les abus linguistiques d'une documentation technique. C'est tout le savant dosage orchestré par l'Autorité des marchés financiers afin de satisfaire toutes les ambitions et d'assurer son rôle de régulateur et de prometteur de la place parisienne. Sur ce sujet, de manière bien plus pratique, les éditions juridiques Lexbase vous proposent de lire, cette semaine, le commentaire de Guilain Hippolyte, avocat à la Cour, Parlez-vous prospectus ?.

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Concurrence

[Textes] Bulletin d'actualités en droit de la concurrence n° 22 : panorama de la législation communautaire (première partie) - Freshfields Bruckhaus Deringer

Lecture: 14 min

N8889AI3

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par Freshfields Bruckhaus Deringer Paris

Le 07 Octobre 2010

Tous les deux mois, le cabinet Freshfields Bruckhaus Deringer, en partenariat avec les éditions Lexbase, sélectionne l'essentiel de la législation communautaire en droit de la concurrence (cf. Bulletin d'actualités en droit de la concurrence n° 22 : panorama de la législation communautaire (seconde partie) - Freshfields Bruckhaus Deringer N° Lexbase : N6357AKN).
  • Directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur (N° Lexbase : L5072G9Q) (1)

Le Parlement européen et le Conseil ont adopté la directive 2005/29/CE le 11 mai 2005, afin de renforcer la protection des consommateurs et de faciliter les échanges commerciaux transfrontaliers. La directive vise à contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur et à harmoniser les règles des Etats membres relatives aux pratiques commerciales des entreprises vis-à vis des consommateurs.

La directive s'applique à toutes les transactions des entreprises conclues avec un consommateur lorsque des pratiques commerciales influencent directement les décisions des consommateurs à l'égard des produits. Les consommateurs bénéficieront d'une protection identique contre les pratiques commerciales déloyales que l'achat soit effectué dans un magasin local ou sur un site Web hébergé dans un autre Etat membre.

L'article 5 de la directive fixe les critères généraux pour déterminer si une pratique commerciale est déloyale. Dans la plupart des hypothèses, les pratiques sont considérées comme étant déloyales lorsqu'elles entraînent une altération anormale du comportement du consommateur moyen (2). La directive interdit spécifiquement les pratiques commerciales trompeuses (3) et agressives (4). Les pratiques commerciales trompeuses consistent soit à ne pas fournir les renseignements minimums dont le consommateur moyen a besoin avant l'achat, soit à l'induire en erreur. Les pratiques commerciales agressives telles que la vente forcée sont des pratiques qui consistent à altérer de manière significative la liberté de choix ou de conduite du consommateur moyen à l'égard d'un produit et l'amène à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement.

En outre, l'annexe 1 fixe une sorte de "liste noire" des pratiques commerciales réputées déloyales en toutes circonstances, telles que la vente pyramidale. Des dispositions sont également prévues pour prévenir l'exploitation des consommateurs particulièrement vulnérables comme les enfants (5).

La directive a été publiée le 11 juin 2005 au Journal Officiel et devrait être transposée au plus tard le 12 juin 2007 dans tous les Etats membres, en vue d'une application au plus tard le 12 décembre 2007.

  • La Commission européenne a présenté, le 7 juin 2005, une réforme exhaustive, sur cinq ans, de la politique dans le domaine des aides d'Etat visant à promouvoir la croissance, l'emploi, la cohésion sociale et la protection de l'environnement (6)

La Commission a adopté, le 7 juin dernier, un plan d'action dans le domaine des aides d'Etat. Ce plan d'action expose les principes qui vont guider la réforme, dans les cinq années à venir, des règles et procédures relatives aux aides d'Etat.

Ce plan d'action constitue la base de la consultation publique lancée par la Commission. La Commission ne présentera des propositions de changement concrètes qu'à l'issue de cette consultation. Les parties intéressées avaient jusqu'au 15 septembre 2005 pour communiquer leurs observations sur le plan d'action.

La Commission souhaite utiliser les règles sur les aides d'Etat définies dans le Traité CE, afin d'encourager les États membres à contribuer à la réalisation des objectifs de Lisbonne. Il s'agira de développer les aides qui contribuent à l'amélioration de la compétitivité de l'industrie européenne et à la création d'emplois durables en facilitant l'attribution d'aides pour la R&D, l'innovation et le capital-investissement destiné aux petites entreprises (7), pour la garantie de la cohésion sociale et régionale ainsi que pour l'amélioration des services publics. La Commission a également pour objectif de rationaliser et de simplifier les procédures afin de rendre les règles plus claires, de diminuer le nombre des aides à notifier et d'accélérer la prise de décision.

Afin d'atteindre au mieux ces objectifs, la réforme des aides d'Etat repose sur les principes suivants :

· la Commission souhaite que les aides d'Etat soient mieux ciblées sur les domaines où il y a une défaillance de marché. L'objectif est en effet d'améliorer l'efficience économique, de générer plus de croissance et d'emplois durables, d'augmenter la cohésion sociale et régionale, d'améliorer les services d'intérêt économique général et de favoriser le développement durable et la diversité culturelle ;

· la Commission souhaite adopter une approche économique plus affinée, de façon à ce que les aides qui faussent moins la concurrence puissent être approuvées plus facilement et plus rapidement, notamment lorsqu'il est moins facile d'obtenir des fonds sur les marchés financiers, et que la Commission puisse concentrer ses ressources sur les affaires susceptibles de créer les distorsions les plus graves sur la concurrence et les échanges ;

· la Commission entend développer des procédures plus rationnelles et plus efficaces, une meilleure application des règles, une plus grande prévisibilité et une transparence accrue, notamment en envisageant l'adoption d'une exemption par catégorie générale qui exemptera certaines catégories d'aides de l'obligation de notification à la Commission ;

· enfin, la Commission souhaite instaurer un meilleur partage des responsabilités avec les Etats membres. Selon elle, les règles et les pratiques ne pourront pas être améliorées dans le domaine des aides d'Etat sans le soutien actif des Etats membres et sans que ceux-ci ne s'engagent pleinement à respecter leur obligation de notifier toutes les aides envisagées et d'appliquer les règles correctement.

Le plan d'action aborde également le sujet des aides d'Etat à caractère régional. La Commission souhaite qu'elles soient destinées aux régions les moins développées. La Commission a d'ailleurs adopté le 15 juillet dernier un projet de lignes directrices en matière d'aides régionales reflétant les orientations du plan d'action.

Dans le cadre de ce plan d'action, la Commission a adopté le 15 juillet dernier une série de mesures concernant le financement des services d'intérêt économique général (SIEG) (8). Une décision de la Commission, un encadrement communautaire et une modification de la directive sur la transparence exposent ces mesures (9).

En introduisant le plan d'action sur les aides d'Etat, Neelie Kroes, Commissaire en charge de la concurrence, a proposé la création d'un réseau "aides d'Etat" qui comprendrait des correspondants des Etats membres ainsi que des membres des Etats membres.

Ce réseau constituerait en quelque sorte le pendant au réseau européen des autorités de concurrence (European Competition Network). Il aurait pour tâche de faciliter la communication entre les différentes autorités lors du traitement quotidien des aides d'Etat, de fournir aux administrations nationales une aide et des conseils sur l'application de la réglementation relative aux aides d'Etat et de servir de forum de discussion sur la politique de développement dans ce domaine.

Texte du plan d'action

  • Ouverture par la Commission, le 13 juin 2005, d'une enquête sectorielle dans les domaines du gaz et de l'énergie (10)

L'article 17 du Règlement (CE) n° 1/2003 (N° Lexbase : L9655A84) (11) autorise la Commission à mener une enquête sur un secteur particulier de l'économie ou sur un type particulier d'accords dans différents secteurs lorsque l'évolution des échanges entre Etats membres, la rigidité des prix ou d'autres circonstances, font présumer que la concurrence peut être restreinte ou faussée à l'intérieur du marché commun. Ainsi, la Commission a décidé d'ouvrir une enquête concernant l'état de la concurrence sur les secteurs du gaz et de l'électricité, à la suite de préoccupations exprimées par les consommateurs et de nouveaux arrivants sur le marché quant à l'évolution des marchés de gros et au choix limité de fournisseurs dont disposent les consommateurs.

L'enquête est actuellement menée par les Directions générales de la concurrence et de l'énergie et couvre le territoire de chacun des Etats membres. Cette enquête vient s'ajouter à la surveillance, actuellement mise en oeuvre par la Commission, concernant la transposition des directives européennes sur le gaz et l'électricité.

L'enquête doit établir les raisons des récentes hausses du prix de l'énergie. Les prix du gaz et de l'électricité ont en effet augmenté en 2005 et selon les prévisions, de nouvelles hausses sont à craindre (particulièrement pour le gaz). La Commission estime que cette situation représente un risque pour tous les acheteurs, mais en particulier pour les industries grosses consommatrices d'énergie.

L'enquête porte donc essentiellement sur :

· le fonctionnement des marchés de gros et les modalités de fixation des prix ;

· l'intégration entre les marchés nationaux qui est lente et le fonctionnement des interconnecteurs transfrontaliers ;

· les flux transfrontaliers qui apparaissent insuffisants pour restreindre les écarts de prix entre les Etats membres ;

· les barrières potentielles à l'entrée sur le marché (en effet, le nombre de nouveaux arrivants est très faible et la concentration du marché encore très importante), telles que les accords à long terme et l'accès aux acheteurs de gaz ; et sur

· les liens entre les opérateurs de réseau et leurs filiales.

Pour mener à bien son enquête, la Commission doit se renseigner auprès des opérateurs du marché de l'énergie (12), ainsi que des régulateurs nationaux, des ministères, des associations professionnelles ou des consommateurs et des experts. La Commission a indiqué qu'il s'agissait d'une enquête de grande ampleur ; des milliers de questionnaires ont été ainsi distribués aux catégories de personnes précitées.

Les principaux résultats seront publiés courant 2006, avec un rapport intermédiaire, prévu pour la fin de cette année, portant sur les résultats de la surveillance concernant l'application de la législation communautaire par les Etats Membres en matière d'énergie.

Si les résultats de l'enquête révèlent l'existence de pratiques ou d'accords anticoncurrentiels, la Commission ainsi que les autorités nationales de concurrence devront prendre les mesures nécessaires afin de rétablir la concurrence sur les marchés en cause.

Texte de la Communication de la Commission

  • Ouverture par la Commission, le 13 juin 2005, d'enquêtes sectorielles concernant les services financiers (13)

En vertu des dispositions prévues à l'article 17 du Règlement (CE) n° 1/2003 (14) la Commission a décidé de mener des enquêtes sectorielles concernant les services financiers et plus particulièrement les secteurs de la banque de détail (15) et de l'assurance des entreprises (16).

Ces enquêtes sont lancées dans le contexte de la réalisation des objectifs de la stratégie de Lisbonne, parmi lesquels figure notamment l'amélioration de la compétitivité de l'économie européenne. Neelie Kroes, Commissaire chargée de la concurrence, a identifié le secteur des services financiers comme un secteur clé pour la compétitivité. Ces enquêtes sont motivées par le constat de la Commission que les marchés financiers sont insuffisamment intégrés, fortement concentrés et peu transparents et que les opérateurs de ce secteur sont encore peu sensibilisés aux questions de concurrence. Elles visent à déterminer si la concurrence joue sur ces marchés et si ceux-ci sont suffisamment concurrentiels pour produire tous leurs avantages pour les consommateurs et in fine à garantir l'émergence d'un véritable marché unique intégré pour les services financiers. Elle pourrait aboutir à l'adoption d'une nouvelle réglementation sectorielle et à une application plus stricte des règles de concurrence par les autorités communautaires.

L'intégration des marchés financiers européens s'est déjà considérablement développée grâce à la législation visant à garantir la liberté d'établissement et la liberté de prestation de services entre les Etats membres, notamment dans le cadre du plan d'action pour les services financiers (PASF). En outre, un Livre vert de la Commission européenne (17) propose des mesures complémentaires en vue de consolider les avancées réalisées dans la mise en place d'un marché financier européen intégré (18).

Par le biais de ces enquêtes et de ses initiatives législatives, la Commission cherche notamment à atteindre un accroissement de la transparence en matière de fixation des prix et des pratiques générales des marchés financiers. Ainsi, les consommateurs pourraient faire leur choix en meilleure connaissance de cause, ce qui contribuerait à renforcer leur pouvoir de négociation, et par là-même, à accroître la pression concurrentielle sur le comportement des banques et des assureurs. La Commission cherchera également à comprendre le fonctionnement du secteur afin d'identifier l'existence d'ententes ou d'abus de position dominante que la Commission ou les autorités nationales de concurrence peuvent sanctionner conformément aux articles 81 et 82 du traité CE. Si les enquêtes confirment l'existence de pratiques anticoncurrentielles, la Commission est déterminée à prendre les mesures qui s'imposent en vue de rétablir la concurrence sur les marchés concernés.

Le secteur de la banque de détail

Les principaux axes de cette enquête sont notamment :

· les modalités de fixation des prix des produits et services bancaires de détail ;

· le degré d'ouverture des différents marchés du secteur de la banque de détail et les conditions d'accès à ces marchés des nouveaux entrants ;

· les raisons des divergences importantes existant d'un pays à l'autre de la Communauté dans le secteur de la banque de détail, notamment en termes de prix et de nature des services et produits proposés et de rentabilité des activités bancaires ;

· le niveau de concentration élevé constaté dans le secteur ;

· les possibilités de coordination entre les opérateurs du secteur de la banque de détail ;

· l'étendue du choix de produits et de services offert aux consommateurs et aux PME ;

· les conditions de concurrence s'agissant des infrastructures communes et réseaux, tels que les systèmes de paiement (interopérabilité des systèmes existants, modalités d'accès, coûts et prix, etc) ; et

· la réglementation spécifique applicable à ce secteur.

Secteur de l'assurance des entreprises

Les principaux axes de cette enquête sont notamment :

· les conditions d'entrée sur le marché (par exemple, accès aux données de risque, accès aux statistiques, accès aux circuits de distribution, réglementation existante, structure de marché) ;

· l'existence d'éventuels accords verticaux entre assureurs et courtiers ou autres intermédiaires d'assurance et de réassurance ;

· l'étendue des accords de pools d'assurance ;

· l'accord sur l'emploi de clauses types ; et

· le partage des données pertinentes concernant les risques (accès aux bases de données).

Questionnaires d'enquête

Afin de mener à bien ces enquêtes, la Commission peut réclamer des informations, documents ou déclarations notamment sur les tarifs, les politiques de prix, les ratios de rentabilité et données relatives aux coûts, les spécifications des produits et les conditions types, la gamme de produits, les produits parallèles et les produits spéciaux, les modalités contractuelles avec les clients, ainsi que les fournisseurs et autres opérateurs du marché.

Les divers acteurs à contacter comprennent les établissements bancaires et autres institutions financières fournissant des produits et services bancaires de détail, les entreprises d'assurance, les réassureurs et autres fournisseurs de produits et services d'assurance, ainsi que les associations professionnelles des secteurs bancaires et des assurances, les intermédiaires de services financiers, les utilisateurs de services financiers, y compris les organisations de consommateurs, les autorités nationales de concurrence, et les gouvernements des Etats membres.

Concernant le secteur de la banque de détail, la Commission a procédé, le 15 juillet dernier, à l'envoi de questionnaires à un échantillon de 300 banques de l'Union européenne. Ces questionnaires concernent seulement les cartes de paiement. Les banques destinataires devaient répondre à ce questionnaire avant le 18 août 2005.

Toujours dans le cadre de son enquête sur le secteur de la banque de détail, la Commission a envoyé, le 11 août dernier, des questionnaires aux réseaux de cartes de paiement situés dans les 25 Etats membres. Les réseaux ayant reçu les questionnaires avaient jusqu'au 15 septembre 2005 pour répondre.

Concernant le secteur de l'assurance des entreprises, la Commission a envoyé, le 16 août dernier, des questionnaires à des syndicats d'assureurs. Les associations ayant reçu les questionnaires avaient jusqu'au 15 septembre 2005 pour répondre.

Les premiers résultats seront ensuite publiés sur le site de la Commission et les parties intéressées pourront présenter leurs observations. Les principaux résultats des enquêtes seront publiés en 2006.

Texte de la communication de la Commission

  • La Commission assure une meilleure sécurité juridique pour le financement des services d'intérêt économique et général (19)

La Commission européenne, dans le cadre de sa politique visant à assurer l'accès des citoyens et des entreprises à des services d'intérêt général de haute qualité dans un grand marché européen ouvert, vient d'adopter un train de mesures garantissant une meilleure sécurité juridique pour le financement des services d'intérêt économique général (SIEG). Ces mesures annoncées dans le Livre blanc sur les services d'intérêt général de la Commission de mai 2004 (20) sont les premières mesures d'application du plan d'action dans le domaine des aides d'Etat  (21).

Ces textes détaillent les conditions dans lesquelles les entreprises pourront recevoir un financement public pour couvrir l'ensemble des coûts supportés, y compris un profit raisonnable, pour la réalisation des missions de service public tout en garantissant qu'il n'y aura pas de compensation excessive susceptible de fausser la concurrence. Les Etats membres seront ainsi en mesure de garantir une compensation aux services publics de faible étendue, aux hôpitaux et aux logements sociaux sans en notifier la Commission. Selon la Commission, la sécurité juridique, pour ce qui est des compensations versées pour des milliers de petits services publics, souvent locaux, conformément à l'arrêt rendu par la Cour de justice dans l'affaire Altmark (22), en sortira renforcée.

Ces mesures ne s'adressent qu'aux entreprises ayant des activités économiques, dans la mesure où les aides financières accordées à des entités qui n'ont pas d'activité économique (par exemple les régimes obligatoires de sécurité sociale) ne constituent en tout état de cause pas des aides d'État.

Ces mesures figurent dans une décision de la Commission, un encadrement communautaire des aides d'État sous forme de compensation de service public et une modification de la directive sur la transparence des relations financières.

La lecture de ces différents textes révèle que la Commission opère une lecture extrêmement rigoureuse de l'article 86 § 2 du traité , qui semble par certains de ses aspects aller au-delà de la jurisprudence de la Cour. Il n'est ainsi pas certain que l'objectif d'une sécurité juridique accrue ait réellement été atteint.

Décision relative aux conditions à remplir afin de s'assurer de la compatibilité de la compensation accordée aux sociétés chargées de SIEG

La décision de la Commission prise sur le fondement de l'article 86 § 3 du traité CE, énonce les conditions en vertu desquelles les aides d'Etat sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général doivent être considérées comme compatibles avec le marché commun et exemptées de l'obligation de notification prévue à l'article 88 § 3 du traité . Cette décision s'applique aux aides (i) octroyées par le biais d'un ou plusieurs actes officiels définissant clairement et précisément la mission confiée, (ii) et octroyant une compensation dont le montant ne peut excéder ce qui est nécessaire pour couvrir les coûts occasionnés par l'exécution des obligations de service public, compte tenu des recettes y relatives ainsi que d'un bénéfice raisonnable sur les capitaux propres nécessaires pour l'exécution de ces obligations.

Dans ce cadre, sont considérées comme compatibles les compensations d'un montant inférieur à 30 millions d'euros par an, à condition que leurs bénéficiaires réalisent un chiffre d'affaires annuel inférieur à 100 millions d'euros. Indépendamment des montants concernés, bénéficient également de la décision : (i) les compensations accordées aux hôpitaux, (ii) les entreprises de logement social pour des services d'intérêt économique général, et (iii) les compensations accordées pour les liaisons aériennes ou maritimes avec des îles ou aux aéroports ou ports qui ne dépassent pas certains seuils en termes de nombre de passagers.

Encadrement de la Commission sur les conditions dans lesquelles les compensations non couvertes par la décision sont compatibles

La Commission précise les conditions dans lesquelles les compensations non couvertes par la décision seront appréciées au regard des règles en matière d'aides d'Etat. D'une part, ces compensations devront être notifiées à la Commission préalablement à leur mise en oeuvre. D'autre part, l'encadrement prévoit que les compensations excédant les coûts du service public ou utilisées par les sociétés sur d'autres marchés ouverts à la concurrence seront jugées incompatibles avec les dispositions relatives aux aides d'Etat du Traité.

Modification de la directive sur la transparence (80/723/CEE) de la Commission

Les sociétés bénéficiant de compensations et opérant à la fois dans le secteur des services publics et sur d'autres marchés doivent tenir des comptabilités séparées pour leurs différentes activités, afin de rendre possible la vérification de l'absence de compensation excessive.

Texte du communiqué de presse

Texte du projet de décision de la Commission

Texte de l'encadrement communautaire des aides d'Etat sous forme de compensation de service public

Pour la seconde partie de ce panorama, lire (N° Lexbase : N6357AKN)

Jacques-Philippe Gunther : jacques-philippe.gunther@freshfields.com
Jérôme Philippe : jerome.philippe@freshfields.com
Mathilde Mason : mathilde.mason@freshfields.com

newsid:78889

Rel. collectives de travail

[Jurisprudence] Erreur matérielle affectant une convention collective : le nécessaire respect de la force obligatoire de l'accord et de la commune intention des parties

Réf. : Cass. soc., 20 septembre 2005, n° 04-46.441, Société Castorama France c/ M. Rodolphe Aucher et autres, FS-P+B (N° Lexbase : A5271DKG)

Lecture: 7 min

N9130AIY

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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

Comme tout acte juridique et sans doute plus que d'autres en raison de sa complexité, la convention collective de travail est souvent affectée d'une ou de plusieurs erreurs matérielles. Sauf à être corrigées par les parties elles-mêmes, de telles erreurs sont fréquemment invoquées devant le juge à l'occasion d'un litige individuel. Ainsi que l'indique la Cour de cassation dans un important arrêt en date du 20 septembre 2005, il appartient alors au juge de rechercher ce qui a été convenu entre les signataires de l'accord. Une telle solution est difficilement contestable dans la mesure où il ne faut jamais l'oublier, la convention collective est un contrat qui, comme tel, doit se voir reconnaître une pleine force obligatoire entre ses parties signataires.


Décision

Cass. soc., 20 septembre 2005, n° 04-46.441, Société Castorama France c/ M. Rodolphe Aucher et autres, FS-P+B (N° Lexbase : A5271DKG)

Cassation (CA Poitiers, Chambre sociale, 22 juin 2004)

Textes visés : C. civ., art. 1134 (N° Lexbase : L1234ABC) ; NCPC, art. 12 (N° Lexbase : L2043ADZ)

Mots-clefs : accord collectif ; erreur matérielle ; rectification par l'employeur ; validité ; force obligatoire ; recherche de la commune intention des parties.

Liens bases :

Résumé

Il appartenait à la cour d'appel, dès lors qu'une erreur matérielle était invoquée, de rechercher quels étaient les coefficients de salaires des "vendeurs experts" convenus entre les signataires de l'accord.

Faits

1. Le 10 avril 1997, la société Castorama et le syndicat CFTC ont signé un accord portant sur "la création de nouveaux métiers et la modification de certains métiers existant dans la grille des métiers et des qualifications applicables au sein de la société Castorama". L'accord et la grille des nouvelles qualifications ont été notifiés à toutes les organisations syndicales et déposés, le 27 juin 1997, au conseil de prud'hommes compétent et à la direction départementale du travail et de l'emploi, conformément à l'article L. 132-10 du Code du travail (N° Lexbase : L4697DZY).

2. La société Castorama, faisant valoir qu'une erreur matérielle affectait la grille des nouveaux métiers en ce sens que les coefficients de salaire des "vendeurs experts" n'étaient pas les leurs mais ceux de leurs supérieurs hiérarchiques, les chefs de rayon, a notifié le 31 juillet 1997 à toutes les organisations syndicales et déposé le 10 octobre de la même année, une grille rectifiant cette erreur. Par la suite, tous les vendeurs experts ont été rémunérés selon la grille indiciaire ainsi rectifiée. Toutefois, en octobre 2002, certains d'entre eux ont assigné leur employeur en paiement de rappels de salaire correspondant à la première grille en soutenant que sa rectification par l'employeur était illicite.

3. L'arrêt attaqué a fait droit à cette demande en estimant que le processus de rectification de l'erreur invoquée par l'employeur était irrégulier dès lors qu'il n'avait pas appelé à en discuter toutes les organisations syndicales intéressées et que la seule signature, au demeurant contestée, de la rectification par le syndicat CFTC était insuffisante, peu important qu'il s'agisse d'une erreur matérielle. En conséquence, seule la grille initiale était applicable.

Solution

1. Cassation pour violation des articles 1134 du Code civil et 12 du Nouveau Code de procédure civile.

2. "En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait, dès lors qu'une erreur matérielle d'appréciation était invoquée, de rechercher quels étaient les coefficients de salaires des 'vendeurs experts' convenus entre les signataires de l'accord, la cour d'appel, qui a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, n'a pas donné de base légale à sa décision".

Observations

1. Les pouvoirs du juge

  • Prétentions des parties

Ainsi que nous le verrons plus avant, il appartient au juge de qualifier les prétentions qui ne le seraient pas et de vérifier, au besoin, les conditions d'application de la règle de droit invoquée par les parties. Il est, par suite, nécessaire de revenir brièvement sur les prétentions des parties en l'espèce.

Rappelons que le litige trouvait son origine dans le fait que, postérieurement à la signature d'un accord collectif d'entreprise instituant une nouvelle grille des métiers, l'employeur partie à l'accord s'était très rapidement aperçu que celui-ci était affecté d'une erreur matérielle. Il avait, en effet, constaté que les coefficients de salaire des "vendeurs experts" n'étaient pas les leurs mais ceux de leurs supérieurs hiérarchiques, les chefs de rayon. Aussi, moins de 4 mois après la signature de l'accord, l'employeur avait-il notifié à toutes les organisations syndicales une grille rectifiant cette erreur et rémunéré par la suite tous les vendeurs experts en fonction de la grille indiciaire ainsi modifiée.

Cinq années plus tard, certains d'entre eux ont opportunément assigné leur employeur en paiement de rappels de salaire correspondant à la première grille, en soutenant que sa rectification par l'employeur était illicite.

  • Règles de droit applicables

Les juges d'appel ont accédé aux demandes de ces salariés en estimant que le processus de rectification de l'erreur invoquée par l'employeur était irrégulier dès lors qu'il n'avait pas appelé à en discuter toutes les organisations syndicales intéressées et que la seule signature, au demeurant contestée, de la rectification par le syndicat CFTC était insuffisante, peu important qu'il s'agisse d'une erreur matérielle. En conséquence, la cour d'appel a décidé que la grille initiale était seule applicable. C'était là, pour le moins, aller un peu vite en besogne.

Ainsi que le commande l'article 12 du Nouveau Code de procédure civile, dont on doit rappeler qu'il figure dans le visa de l'arrêt commenté, il appartient au juge de statuer conformément aux règles de droit applicable. Plus précisément, il lui est ainsi fait obligation de qualifier, en l'absence de toute précision sur le fondement juridique de la demande ou de requalifier si la qualification des parties est inexacte.

S'il est ici permis d'hésiter quant au fait de savoir si les parties avaient véritablement donné un fondement juridique à leur demande, il est en revanche certain que, pour reprendre les termes de la Cour de cassation, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs. Il est, en effet, évident que les juges d'appel n'ont pas appliqué la règle de doit adéquate, si tant est qu'ils aient appliqué une règle de droit.

On admettra, à leur décharge, que le Code du travail n'envisage en aucune façon la question de la rectification de l'erreur matérielle affectant un accord collectif. Il serait, en outre, erroné de lui étendre le régime juridique de la révision des conventions et accords collectifs de travail, tel que fixé par l'article L. 132-7 du Code du travail (N° Lexbase : L4696DZX) dans sa version applicable à l'époque des faits.

En d'autres termes, le droit des conventions et accords collectifs de travail était impuissant à résoudre le problème soulevé dans le cas d'espèce qui nous intéresse. Il fallait donc rechercher ailleurs la règle de droit applicable à savoir, ainsi que nous l'indique la Chambre sociale, dans le Code civil.

2. La force obligatoire des conventions et accords collectifs de travail

  • La nature contractuelle de la convention collective

On sait que, depuis les travaux de Paul Durand (Le dualisme de la convention collective, RTD civ. 1939, p. 353), la convention collective est à la fois un contrat source d'obligations et un règlement générateur de normes. Sans doute ce dernier aspect prend-il souvent le pas sur le premier.

Mais, et l'arrêt commenté le démontre, on ne saurait oublier que la convention ou l'accord collectif de travail comporte un véritable aspect contractuel (v. en dernier lieu, S. Le Gach-Pech, La figure contractuelle en droit du travail, D. 2005, chron., p. 2250), que l'on ne saurait d'ailleurs limiter au seul stade de la conclusion de l'acte en cause (v. contra, J. Pélissier, A. Supiot, A. Jeammaud, Droit du travail, Dalloz, 22ème éd., 2004, § 767).

Ainsi que le soulignent cependant à juste titre ces derniers auteurs (op. et loc. cit.), en tant qu'elle est un contrat, la convention collective "doit en respecter les conditions de formation et la force obligatoire vis-à-vis de ses signataires. Comme tout contrat [...] son interprétation relève du pouvoir du juge judiciaire".

C'est ce que tend précisément à rappeler en l'espèce la Cour de cassation en visant, d'une part, l'article 1134 du Code civil et en affirmant, d'autre part, qu'il appartenait aux juges "de rechercher quels étaient les coefficients de salaires des 'vendeurs experts' convenus entre les signataires de l'accord".

En d'autres termes, les juges d'appel auraient dû rechercher quelle était la commune intention des parties.

  • La commune intention des parties

Si la question de la méthode d'interprétation des conventions et accords collectifs de travail reste discutée en doctrine (G. Lhuilier, Le dualisme de la convention collective devant la Cour de cassation, Dr. soc. 1995, p. 162 ; M. Moreau, L'interprétation des conventions collectives de travail : à qui profite le doute ? : Dr. soc. 1995, p. 171 ; J.-Y. Frouin, L'interprétation des conventions et accords collectifs de travail : RJS 3/96, p. 137), nous restons pour notre part persuadés que l'on ne saurait faire abstraction de l'intention des partenaires sociaux dans l'interprétation d'un acte juridique qui, pour présenter des effets réglementaires, n'en conserve pas moins un irréductible aspect contractuel (v., notre chron., La force juridique des préambules des conventions et accords collectifs de travail : TPS, mars 2004, p. 7).

Dans cette perspective, le juge peut suivre les conseils que lui donne le Code civil en faisant, par exemple, application de l'article 1156 (N° Lexbase : L1258AB9), qui professe que l'"on doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes", ou encore de l'article 1161 (N° Lexbase : L1263ABE), aux termes duquel "toutes les clauses des conventions s'interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier".

Au total, on aura compris que lorsque est invoquée une erreur matérielle affectant une convention ou un accord collectif de travail, il appartient seulement au juge de déterminer ce qui avait été convenu entre les parties, afin de résoudre le litige qui se présente à lui. Ce n'est que la conséquence logique de la règle selon laquelle, doit-on le rappeler, le contrat est la loi des parties.

newsid:79130

Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] A rupture illicite, sanction exemplaire

Réf. : Cass. soc., 21 septembre 2005, n° 03-44.855, Association Languedoc aides et services c/ Mme Christelle Guibal, FS-P+B+I (N° Lexbase : A5078DKB)

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N9149AIP

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par Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

Dans cette espèce ayant donné lieu à un arrêt du 21 septembre 2005 largement publié, l'employeur avait procédé à la rupture du contrat de travail d'une salariée à la suite de la déclaration partielle d'inaptitude effectuée par le médecin du travail lors de la visite médicale d'embauche. Le contrat prévoyant 2 mois d'essai, l'employeur se trouvait toujours dans les temps pour mettre fin au contrat sans tomber sous le coup du licenciement. C'était sans tenir compte de la convention collective, qui prescrivait 1 mois de préavis et se substituait de plein droit aux stipulations du contrat, moins favorables. L'employeur avait donc licencié la salariée et non pas, comme il le croyait, exercé sa faculté de rupture unilatérale en cours d'essai. Le motif retenu était donc parfaitement illicite (l'état de santé du salarié), le licenciement prohibé et l'indemnisation majorée. Le licenciement prohibé ouvrait droit au profit du salarié et ce malgré sa faible ancienneté, outre les indemnités de licenciement (indemnité compensatrice de préavis et indemnité légale ou conventionnelle de licenciement) à une indemnité destinée à réparer le préjudice résultant du caractère illicite de la rupture égale à 6 mois de salaires minimum. Cette solution n'est pas surprenante. Elle se situe dans la droite ligne des décisions antérieurement rendues en la matière et constitue, de ce point de vue, une simple confirmation de jurisprudence. Son intérêt se trouve donc ailleurs, dans l'affirmation de l'universalité de cette indemnisation qui, comme elle la Cour l'affirme, est applicable "en toute hypothèse".
Décision

Cass. soc., 21 septembre 2005, n° 03-44.855, Association Languedoc aides et services c/ Mme Christelle Guibal, FS-P+B+I (N° Lexbase : A5078DKB)

Cassation partielle (CA Montpellier, 13 mai 2003)

Mots-clefs : rupture du contrat de travail ; motif illicite ; droit à réintégration ou à indemnisation.

Textes visés : C. trav., art. L. 122-45 (N° Lexbase : L1417G9D) ; C. trav., art. L. 122-14-4 (N° Lexbase : L8990G74)

Liens bases : ;

Résumé

La rupture du contrat de travail postérieurement à l'expiration de la période d'essai, survenue sans motif ou pour un motif illicite, est nulle et ouvre droit au profit du salarié à sa réintégration ou à indemnisation. Dans cette hypothèse le salarié peut prétendre, outre à des indemnités de rupture (indemnité de licenciement et de préavis), à une indemnité d'au moins 6 mois de salaire en réparation du préjudice résultant du caractère illicite de la rupture.

Faits

Une salariée a été engagée par contrat à durée indéterminée pour exercer des fonctions de garde à domicile. Son contrat prévoyait une période d'essai de 2 mois. Au moment de la visite médicale d'embauche, soit un peu plus d'un mois après qu'elle ait commencé à travailler, le médecin du travail l'a déclarée partiellement inapte à cet emploi et a proposé le maintien du contrat avec allègement des horaires de travail. L'employeur a alors rompu le contrat de travail. Contestant cette rupture, la salariée a saisi la juridiction prud'homale.

Selon les juges du second degré, l'employeur ayant rompu le contrat après l'expiration de la période d'essai conventionnelle, la rupture doit s'analyser en un licenciement. Cette rupture, fondée sur l'état de santé de la salariée, est illicite. Elle ouvre droit, au profit de la salariée qui ne souhaite pas être réintégrée, en sus des indemnités de rupture, à une indemnité destinée à compenser l'illicéité de la rupture. La cour d'appel a cependant limité le montant de cette indemnité à 1 mois de salaire, compte tenu des "circonstances de la rupture et des éléments factuels".

Solution

1. Cassation partielle sans renvoi

1er moyen pourvoi principal de l'employeur

2. "Attendu que les renseignements relatifs à l'état de santé du candidat à un emploi ne peuvent être confiés qu'au médecin chargé, en application de l'article R. 241-48 du Code du travail (N° Lexbase : L4196GTL), de l'examen médical d'embauche ; que lorsque l'employeur décide que le salarié recruté avec une période d'essai prendra ses fonctions avant l'accomplissement de cet acte médical, il ne peut se prévaloir d'un prétendu dol du salarié quant à son état de santé ou à son handicap, que ce dernier n'a pas à lui révéler ; que la cour d'appel n'avait dès lors pas à répondre à un moyen inopérant".

1er moyen pourvoi incident du salarié

3. "Attendu cependant que le salarié dont le licenciement est nul et qui ne demande pas sa réintégration a droit, en toute hypothèse, outre les indemnités de rupture, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à 6 mois de salaires".

Observations

1. Une indemnisation logique

  • Rupture du contrat de travail

L'employeur ne peut, sauf exception, rompre librement le contrat de travail de ses salariés. Lorsque le contrat de travail prévoit une période d'essai, l'employeur comme le salarié peuvent, pendant toute sa durée, sans formalité et sans condition, se dégager de leurs obligations (C. trav., art. L. 122-4, al. 2 N° Lexbase : L5554ACP).

Lorsque la période d'essai prend fin, les règles applicables au licenciement régissent alors la rupture du contrat de travail (C. trav., art. L. 122-4 et s.). Celle-ci doit donc être justifiée par une cause réelle et sérieuse et ne doit pas survenir pour un motif prohibé par la loi. Le législateur énumère limitativement certaines hypothèses dans lesquelles le licenciement est interdit sous peine de nullité.

  • Licenciement prohibé

Est un licenciement prohibé le licenciement discriminatoire (C. trav., art. L. 122-45 N° Lexbase : L1417G9D), le licenciement de la femme enceinte pendant la période de grossesse, le congé maternité, ainsi que les quatre semaines qui suivent l'expiration du congé maternité (C. trav., art. L. 122-25-2, al. 1 N° Lexbase : L5495ACI), le licenciement motivé par l'exercice d'une action en justice du salarié (C. trav., art. L. 123-5, al. 1 N° Lexbase : L5594AC8), le licenciement des salariés victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles (C. trav., art. L. 122-32-2, al. 1 N° Lexbase : L5519ACE), le licenciement portant atteinte à la liberté d'expression (C. trav., art. L. 461-1, al. 1 N° Lexbase : L6536AC3), le licenciement faisant suite à des agissements de harcèlement sexuel (C. trav., art. L. 122-46, al. 1 N° Lexbase : L5584ACS), le licenciement fondé sur l'exercice du droit de grève (C. trav., art. L. 521-1 N° Lexbase : L5336ACM).

Or, la sanction des licenciements fondés sur l'un de ces motifs est la nullité.

  • Sanction du licenciement prohibé

Cette nullité ouvre au salarié le choix de réintégrer l'entreprise ou d'être indemnisé. Dans ce dernier cas, il perçoit des indemnités de licenciement (indemnité de licenciement et indemnité compensatrice de préavis) et une indemnité destinée à compenser le préjudice résultant pour le salarié de l'illicéité de la rupture de son contrat de travail (Cass. soc., 27 juin 2000, n° 98-43.439, Mme Andrée Renou, publié N° Lexbase : A9183AG9).

Son montant est souverainement apprécié par les juges du fond, dans la mesure où ils respectent le plancher minimum de 6 mois de salaire (Cass. soc., 16 octobre 2002, n° 00-45.874, F-D N° Lexbase : A2566A3G).

Ce sont ces principes que vient, une nouvelle fois, rappeler la Haute juridiction dans la décision commentée pour les généraliser. Elle pose, dans cette décision, un principe général d'indemnisation susceptible d'être appliqué à toute rupture illicite du contrat de travail.

  • Espèce

C'est, en effet, au double visa des articles L. 122-14-4 (N° Lexbase : L8990G74) et L. 122-45 (N° Lexbase : L1417G9D) du Code du travail que la Cour de cassation affirme que "le salarié dont le licenciement est nul et qui ne demande pas sa réintégration a droit, en toute hypothèse, outre les indemnités de rupture, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à 6 mois de salaires".

L'emploi des termes "en toute hypothèse" vient donc définitivement fermer toute possibilité d'adaptation et de réduction de l'indemnisation en dessous du minimum de 6 mois de salaire.

2. Une indemnisation partiellement égalitaire

  • Conformité avec la jurisprudence antérieure

Toutes les décisions rendues en matière de licenciement illicite en appellent à l'article L. 122-14-4 du Code du travail et à l'indemnisation minimale de 6 mois de salaire (Cass. soc., 27 juin 2000, n° 98-43.439, Mme Andrée Renou, publié N° Lexbase : A9183AG9 ; Cass. soc., 16 octobre 2002, n° 00-45.874, F-D N° Lexbase : A2566A3G).

La référence à l'article L. 122-14-4 du Code du travail ne doit toutefois pas tromper. Il ne s'agit pas ici d'indemniser un licenciement sans cause réelle et sérieuse mais un licenciement prohibé. L'appel à l'article L. 122-14-4 du Code du travail ne se justifie que comme source de l'indemnité minimale de 6 mois de salaire. Dans cette mesure il n'y pas lieu, comme c'est le cas en présence d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de distinguer selon l'ancienneté du salarié dans l'entreprise, comme semblaient vouloir le faire les juges du fond.

L'indemnité pour licenciement illicite est de 6 mois de salaire minimum quelle qu'ait été la situation du salarié dans l'entreprise au moment de la rupture.

  • Une justification théorique

L'objet de l'indemnité de 6 mois de salaire versée au salarié dont le contrat de travail a été rompu pour motif illicite interdit toute réduction quelle qu'en soit la cause, fut-elle fondée sur la faible ancienneté du salarié. Cette indemnité est uniquement destinée à réparer le préjudice résultant de l'illicéité de la rupture.

La rupture est interdite, l'employeur ne peut y procéder. Le fait de transgresser l'interdiction emporte la sanction. La sanction doit donc être la même pour tous les salariés puisqu'elle trouve exclusivement son fondement dans l'interdiction faite par le législateur de rompre le contrat. Elle est donc totalement extérieure à la personne du salarié, sa place, sa fonction ou son ancienneté dans l'entreprise. Par conséquent, l'indemnité minimale est due, comme vient le confirmer la Cour de cassation dans la décision commentée, "en toute hypothèse".

  • Une adaptation possible

L'adaptation de l'indemnité aux circonstances reste possible mais seulement lorsqu'elle a pour effet de porter l'indemnisation du salarié à une somme supérieure à 6 mois de salaire. Les juges restent libres de prendre en compte la situation du salarié et, notamment, son ancienneté limitée dans l'entreprise pour fixer l'indemnisation au minimum légal.

D'un point de vue théorique, la solution semble irréprochable. D'un point de vue pratique, en revanche, elle peut sembler disproportionnée... 

  • Une source d'inégalité pratique

La position des juges du fond était, d'un point de vue pratique, parfaitement défendable. Ces derniers avaient accordé à la salariée une indemnité d'un mois de salaire qui avait été déterminée compte tenu de "l'ancienneté de la salariée, des circonstances de la rupture et des éléments factuels de préjudice".

Cette indemnité était certainement inspirée de celle prévue à l'article L. 122-14-5 du Code du travail (N° Lexbase : L5570ACB) qui prévoit l'attribution aux salariés licenciés sans cause réelle et sérieuse ayant moins de 2 ans d'ancienneté d'une indemnité dont le montant varie en fonction du préjudice subi.

Ils semblaient ainsi établir, en matière de licenciement illicite, la même distinction que celle posée par le législateur en matière de licenciement sans cause réelle et sérieuse et fondée sur l'ancienneté du salarié dans l'entreprise (C. trav., art. L. 122-14-4 ; C. trav., art. L. 122-14-5). Ne pouvait-on pas envisager de procéder à la même distinction en cas de licenciement illicite ?

Ne peut-on pas, en outre, voir dans cette solution un accroissement de l'inégalité existant entre les salariés licenciés sans cause réelle et sérieuse et les salariés licenciés pour un motif illicite ? Alors que pour les premiers la réintégration n'est qu'une simple faculté, elle devient une obligation pour les seconds. L'indemnisation est fonction du préjudice subi pour les salariés licenciés sans cause réelle et sérieuse lorsqu'ils ont moins de 2 ans d'ancienneté alors qu'elle est de 6 mois au moins pour les salariés licenciés pour un motif illicite, sans autre condition.

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Concurrence

[Jurisprudence] Bulletin d'actualités en droit de la concurrence n° 22 : panorama de la jurisprudence communautaire (première partie) - Freshfields Bruckhaus Deringer

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N9266AIZ

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par Freshfields Bruckhaus Deringer Paris

Le 07 Octobre 2010

Tous les deux mois, le cabinet Freshfields Bruckhaus Deringer, en partenariat avec les éditions Lexbase, sélectionne l'essentiel de la jurisprudence communautaire en droit de la concurrence (cf. deuxième partie N° Lexbase : N7387AKS ; troisième partie N° Lexbase : N7388AKT ; et quatrième partie N° Lexbase : N7391AKX). I - Décisions de la Commission européenne en matière de concentrations
  • La Commission autorise la création de deux entreprises communes entre Alcatel et Alenia Spazio (1)

La Commission a autorisé (suite aux engagements proposés par les parties) la création de deux entreprises communes de plein exercice, permettant ainsi à la société française d'électronique Alcatel de fusionner ses activités spatiales avec celles d'Alenia Spazio et de Telespazio, qui font partie de la société italienne du secteur de la défense de l'ingénierie Finmeccanica.

Alcatel est une société industrielle française qui produit des équipements de télécommunications, des satellites, des sous-systèmes spatiaux et fournit des services dans le secteur spatial. Finmeccanica est une société d'ingénierie diversifiée et contrôlée par l'Etat italien, qui produit des satellites et sous-systèmes et fournit des services dans le secteur des satellites, notamment la gestion de missions spatiales.

Alcatel Alenia Space, la première entreprise commune créée, serait chargée de la production de sous-systèmes satellites et de charge utile pour les satellites commerciaux (par exemple, des équipements de télécommunications) et les satellites institutionnels (missions scientifiques, satellites militaires, etc). La seconde, Telespazio, devrait se consacrer aux services dans le secteur spatial, notamment des services de contrôle de systèmes satellites.

Dans son étude des risques concurrentiels de l'opération proposée, la Commission s'est penchée, en premier lieu, sur le marché des maîtres d'oeuvre du secteur des systèmes de satellite. Il s'agissait de vérifier si Alcatel et Alenia Spazio, qui sont deux maîtres d'oeuvre du secteur des systèmes satellite, pourraient, à l'issue de l'opération, exclure du marché des maîtres d'oeuvre des intégrateurs concurrents ou avoir des répercussions négatives pour les utilisateurs de satellites. Toutefois, dans la mesure où Alcatel et Alenia Spazio sont confrontés, sur ce marché, à des concurrents crédibles, un tel risque a pu être écarté.

En ce qui concerne les satellites destinés aux acheteurs institutionnels, la Commission a observé que la puissance d'achat, le contrôle étendu exercé par l'Agence spatiale européenne (ASE), ainsi que l'application des règles de juste retour (2), empêcheraient les parties à la concentration d'agir de façon autonome et de nuire à la libre concurrence sur ce marché.

Toutefois, en ce qui concerne certains sous-systèmes satellites (installations de télémesure, de poursuite et de télécommande ou "TTC" et radars altimètres), la Commission a, dans un premier temps, mis en évidence de graves problèmes : il était en effet à craindre que, sur ces marchés, les entreprises communes permettent aux parties d'obtenir une position que pratiquement plus personne ne pourrait leur disputer.

Afin de résoudre ces problèmes potentiels, Alcatel Space et Alenia Spazio se sont engagés à accorder des licences pour la technologie TTC et la technologie des altimètres radars et à fournir des équipements TTC à des prix ne dépassant pas ceux facturés pour des équipements comparables.

Il est intéressant de relever qu'un tel remède a été considéré plus efficace et plus facile à mettre en oeuvre qu'un engagement de cession. En effet, les activités TTC et de radars altimètres concernées des parties étaient relativement limitées. Les actifs relatifs à ces activités étaient étroitement liés aux autres actifs des entreprises et pouvaient ainsi difficilement être isolés. En outre, une telle cession aurait dû s'accompagner d'un transfert d'employés et de savoir-faire nécessaires à l'exercice de ces activités, alors que ces derniers ne leur étaient pas spécifiquement dédiés. En conséquence, toute cession n'aurait pu se limiter à l'activité des systèmes TTC et des radars altimètres, et se serait avéré disproportionnée aux problèmes de concurrence visés, somme toute "restreints".

  • La Commission autorise Reuters à racheter son concurrent Telerate sous condition de l'engagement de conférer à Hyperfeed Technologies une licence mondiale exclusive à titre permanent portant sur la plate-forme d'information financière de Telerate

Le 23 mai dernier, la Commission a approuvé sous conditions, à l'issue d'une procédure de Phase 1, l'acquisition de Telerate par Reuters. La Commission a utilisé le système de renvoi de l'article 4(5) du Règlement n° 139/2004 relatif aux concentrations pour connaître de cette opération (N° Lexbase : L6036DNU). En effet, si l'opération n'était pas à l'origine de dimension communautaire, les seuils des articles 1(2) et 1(3) du Règlement précité n'étant pas atteints, elle était néanmoins notifiable dans 12 Etats membres, rendant ainsi possible la mise en oeuvre du mécanisme de renvoi à la Commission, prévu par l'article 4(5) dudit Règlement.

Reuters Limited, basé à Londres, est le principal fournisseur mondial d'informations financières et de nouvelles multimédias destinées aux professionnels des services financiers, des médias et des entreprises. Ses activités sont complémentaires de celles de son concurrent Bloomberg, qui se concentre quant à lui sur d'autres types d'actifs financiers et utilise d'autres procédés que les plates-formes d'information financière employées par Reuters.

Moneyline Telerate Holding, la cible de Reuters, basée à New York et contrôlée jusqu'ici par le fonds One Equity Partners de JP Morgan Chase, est également active sur le marché de l'information financière au niveau mondial, et plus particulièrement pour les informations en temps réel.

La Commission a identifié deux marchés affectés par la concentration horizontale qui lui était soumise :

- Tout d'abord,le marché de la fourniture d'informations concernant le marché en temps réel. Malgré la réduction à deux du nombre des principaux acteurs (Bloomberg et Reuters), la Commission n'a pas estimé que l'opération conduirait à la création ou au renforcement d'une position dominante individuelle ou collective, eu égard d'une part à la forte concurrence régnant sur ce marché et à l'absence de risque de comportement parallèle entre ses deux acteurs les plus significatifs et, d'autre part, au nombre suffisant d'autres fournisseurs plus modestes, garantissant ainsi une concurrence effective sur ce marché;

- Ensuite,le marché des plates-formes d'information financière à l'échelle mondiale. Ces plates-formes permettent aux utilisateurs d'informations en temps réel d'intégrer et de fournir des données provenant de différentes sources. Sur ce marché, la Commission a conclu que la réunion des plate-formes respectives de Reuters et Telerate leur confèrerait une position que pratiquement personne ne pourrait leur contester.

Afin de remédier à ce problème de concurrence, les parties ont proposé l'engagement consistant à octroyer, à titre permanent, à la société américaine Hyperfeed Technologies, une licence mondiale exclusive relative à la plate-forme de Telerate. Ainsi, Hyperfeed sera en mesure de se positionner comme un concurrent viable et effectif de la nouvelle entité.

Il est intéressant de noter que ce type d'engagement est relativement inhabituel, à plusieurs titres. Tout d'abord, la Commission n'a pas considéré un désinvestissement de la plate-forme pertinent et a préféré à ce remède celui du recours à un bénéficiaire de licence agréé préalablement à l'autorisation, dans la mesure où la gestion d'une plate-forme est indissociable de celle des données économiques dont elle permet la transmission. Un acheteur potentiel doit, par conséquent, posséder le contenu à délivrer aux utilisateurs par le biais de la plate-forme. Or, Hyperfeed offrait déjà à ses utilisateurs de nombreux services de données, et l'accès à cette plate-forme complétait ainsi son offre existante. Hyperfeed a également fait état à la Commission de son engagement de développer la plate-forme en place de Telerate.

D'autre part, la Commission a envisagé la possibilité que l'entreprise bénéficiant de la licence ne devienne pas un concurrent viable en se réservant la possibilité, si Hyperfeed ne parvenait pas à développer dans les deux ans une réelle offre alternative, de demander que la licence soit accordée à une autre entreprise.

Enfin, il convient de relever que la Commission européenne et le Department of Justice américain ont travaillé en étroite collaboration pour l'examen de cette opération et ont tous deux considéré suffisant l'engagement proposé par Reuters pour valider cette concentration.

Texte de la décision

  • La Commission a autorisé le rachat des Laboratoires Fournier par Solvay (3)

Le 13 juin 2005, la Commission s'est vue notifier le projet d'acquisition par Solvay des Laboratoires Fournier, société pharmaceutique familiale spécialisée dans les produits ciblant les troubles lipidiques et les maladies métaboliques et cardiovasculaires.

L'approche de la Commission, s'agissant de la définition des marchés concernés par l'opération, s'est révélée être en droite ligne avec sa pratique décisionnelle dans le secteur des produits pharmaceutiques. En effet, elle a rappelé que les médicaments pouvaient être distingués selon leur classe thérapeutique, par référence à la classification "Anatomical Therapeutic Chemical" (ATC) (4) et plus précisément par référence au troisième niveau de la classification ATC, ce niveau permettant de regrouper les médicaments en fonction de leurs indications thérapeutiques. En l'espèce, aucune définition alternative de marché n'a été proposée aussi bien par les parties que par la Commission, à l'exception du marché des G3C ("oestrogènes"). En effet, une définition plus large du marché concerné et comprenant les classes G3C, G3E et G3F a pu être envisagée. Toutefois, la Commission a laissé ouverte la question de la définition précise de ce marché dans la mesure où quelle qu'ait été la définition retenue, l'analyse concurrentielle de l'opération projetée ne s'en serait pas trouvée modifiée.

Dans le cadre de son enquête, la Commission a principalement porté son examen sur quatre marchés de produits définis sur la base de classes thérapeutiques ATC3, à savoir les marchés suédois des laxatifs (classe A6A) et des produits digestifs (A9A) OTC et les marchés français agents antiadrénergiques (C2A) et des oestrogènes (G3C) soumis à prescription.

La Commission a constaté que les activités des parties, largement complémentaires, étaient en outre confrontées à la concurrence de nombreux acteurs déjà établis sur les marchés concernés. De plus, relevant soit l'entrée désormais possible de médicaments génériques sur les marchés concernés en raison de l'arrivée à expiration des brevets déposés, soit de forts courants d'importation parallèle de médicaments, elle a conclu à l'absence de barrières significatives à l'entrée sur chacun des marchés concernés. Ainsi, selon la Commission, l'opération envisagée ne serait pas susceptible d'entraver de manière significative la concurrence sur les quatre marchés de produits existants identifiés.

Par ailleurs, la Commission s'est également intéressée à deux autres marchés, à savoir le marché des produits pharmaceutiques futurs ("pipeline products") et le marché des substances actives. Là encore, elle a pu constater que sur chacun de ces marchés, l'opération envisagée n'était pas de nature à soulever des problèmes de concurrence.

S'agissant du marché des produits pharmaceutiques futurs, la Commission a rappelé, à titre liminaire, que l'analyse concurrentielle d'une opération de concentration dans le secteur pharmaceutique ne saurait être complète sans que soient examinés les produits pharmaceutiques futurs des parties dont le développement se trouve à un stade avancé (Phase II et Phase III du processus de développement), mais dont la commercialisation n'a pas encore été autorisée. En l'espèce, elle s'est attachée à déterminer si les produits futurs des parties qui se trouvent actuellement à un stade avancé de développement étaient susceptibles de se substituer aux médicaments déjà existants et commercialisés par ces dernières. A ce titre, l'enquête menée par la Commission a confirmé qu'aucun produit des parties se trouvant à un stade avancé de développement n'était substituable aux médicaments déjà commercialisés par leurs soins.

Sur le marché des substances actives, la Commission s'est penchée sur les éventuelles restrictions verticales pouvant résulter de la concentration envisagée. A cet égard, elle a noté que si chacune des parties produisait des substances actives, la majeure partie de cette production était destinée à leurs besoins propres, le surplus étant réservé à la vente aux tiers.

La Commission a, par conséquent, autorisé la concentration au terme de la première phase d'examen, sans requérir d'engagement.

  • La Commission a approuvé l'acquisition de Gillette par Procter & Gamble, sous condition de certains désinvestissements

Fin janvier 2005, la direction de Procter & Gamble (P&G) a annoncé l'acquisition de Gillette pour la somme de 57 milliards de dollars. La fusion ainsi proposée devrait créer l'un des plus importants producteurs de biens de consommation dans le monde avec un chiffre d'affaires d'environ 50 milliards d'euros. P&G a une forte présence dans le champ des soins de beauté, des soins pour enfants, des soins familiaux et des produits d'entretien. Les marques de Procter & Gamble incluent Ariel,Pringles, Oil of Olaz, Tampax, Always, Fairy, Head & Shoulders et Pantene. De son côté, Gillette est une multinationale productrice de biens de consommation, active dans les secteurs des lames de rasoirs et des rasoirs, des produits de soins buccaux et des piles, en utilisant des noms de marque tels que Gillette, Oral B, et Duracell. A la suite de la fusion, les parties posséderaient 21 marques générant chacune un chiffre d'affaires de plus d'un milliard de dollars.

Ainsi, et en raison de la taille des entreprises concernées et de leurs importantes parts de marché, cette opération a été soumise à l'autorisation de plusieurs autorités de concurrence, y compris la Commission européenne et la Commission fédérale du commerce des États-Unis (FTC).

Le 18 juillet dernier, la Commission européenne a autorisé l'acquisition de Gillette par P&G après un examen approfondi (dit de "Phase II"), réservé aux affaires plus complexes et potentiellement anti-concurrentielles. L'enquête de la Commission s'est orientée sur trois grands axes : les marchés où existaient des chevauchements, les "effets portefeuille" et les effets potentiels du category management opéré par les parties.

En ce qui concerne les chevauchements d'activités éventuels, la Commission a constaté que les activités des deux entreprises se recouvraient à un degré important seulement sur le marché des brosses à dents à piles, sur lequel P&G offrait des produits sous la marque Spinbrush, alors que Gillette vendait des brosses à dents à piles sous sa marque Oral B. Au vu de ces conclusions, P&G a proposé à la Commission de céder toute son activité de brosses à dents Spinbrush et d'octroyer une licence pour les co-marques utilisées sur ces brosses à dents. La Commission a été satisfaite par ce désinvestissement, puisqu'il recouvrait la filière brosse à dents à piles de P&G dans son ensemble et a estimé qu'il était suffisant pour résoudre les problèmes de concurrence ainsi identifiés.

La Commission a également enquêté sur la question de savoir si la concentration entraînerait des effets anti-concurrentiels congloméraux. Tel pourrait être le cas si la nouvelle entité, en se servant de son "portefeuille de marques" particulièrement fourni, avait pu obliger les détaillants à stocker seulement certaines marques comme condition d'entreposer également d'autres marques dans la gamme de produits du même fournisseur. L'enquête s'est donc concentrée, en particulier, sur la possibilité d'exclusion injustifiable des produits des concurrents au détriment des consommateurs finaux, notamment par le biais d'offres liées, de rabais ou de promotions.

Toutefois, la Commission a conclu qu'un tel "effet portefeuille" serait contrebalancé à la fois par les concurrents de la nouvelle entité, qui disposent également de bouquets de marques, et par le contre-pouvoir des détaillants, qui utiliseraient leur poids sur le marché pour négocier des prix avantageux.

En définitive, la Commission a examiné si l'implication des parties dans la gestion des décisions d'attribution de rayonnages (category management) pouvait leur permettre de contrôler les étagères des détaillants, en nuisant ainsi aux concurrents et aux consommateurs. La participation des vendeurs dans l'activité de category management des détaillants est souvent due à la meilleure expertise technique et commerciale du producteur, qui dispose de plus de spécialistes et de ressources dans un domaine précis. Ainsi, le détaillant préfère lui confier un droit de regard sur un rayon particulier, voire sur un groupe de rayons, en incluant même les produits concurrents qui y sont offerts. Ce producteur est qualifié de category captain et dispose d'un pouvoir important sur la gamme des produits exposés dans les rayons qui lui sont confiés, parfois sous la supervision d'un autre producteur qui agit en tant que "valideur" des choix opérés par le premier producteur.

Sur de tels marchés, une fusion pourrait être anticoncurrentielle, même en l'absence de chevauchements significatifs ou de parts de marché agrégées élevées. Plus particulièrement, il pourrait être soutenu que la réduction du nombre des category captains potentiels à la suite de la concentration aurait un effet d'exclusion allant au -delà des effets coordonnés classiques (5). De telles opérations pourraient aussi déboucher sur la disparition des entreprises servant de "valideurs", ainsi qu'à la création de super category captains, contrôlant plusieurs gammes et types de produits, et disposant d'importants pouvoirs d'exclusion des concurrents.

Toutefois, en l'espèce, la Commission n'a pas souscrit à cette analyse, en notant que de tels effets anti-concurrentiels étaient peu probables car les détaillants conservaient le contrôle final sur leurs rayonnages.

Malgré la décision d'autorisation de la Commission, l'opération demeure, à ce jour, en suspens en raison de l'enquête toujours en cours de la FTC.

En mars 2005, les autorités américaines ont émis une "seconde demande d'informations" (6) (l'équivalent de la "Phase II" en droit communautaire) et tout porte à croire que la FTC pourrait exiger des engagements plus substantiels que ceux que les parties ont pris vis-à-vis de la Commission européenne. Même si pour l'instant la FTC refuse tout commentaire, il est probable que les chevauchements plus importants sur le marché américain contraignent les parties à céder une partie de leurs marques de déodorants.

Les analystes évoquent également le désinvestissement des productions de brosses à dents manuelles de P&G, ainsi que de dentifrices et de fil dentaire de Gillette. Un examen des effets de gamme et une enquête sur les éventuels effets anti-concurrentiels découlant du category management pourraient également faire partie de l'analyse de la FTC.

La décision des autorités américaines est attendue pour l'automne 2005, à la suite de laquelle les parties comptent finaliser l'opération - avant la fin de l'année 2005.

Pour la deuxième partie de cet article, lire ([LXB=N7387AKS])

newsid:79266

Concurrence

[Textes] Bulletin d'actualités en droit de la concurrence n° 22 : panorama de la législation communautaire (seconde partie) - Freshfields Bruckhaus Deringer

Lecture: 5 min

N6357AKN

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par Freshfields Bruckhaus Deringer Paris

Le 07 Octobre 2010

Tous les deux mois, le cabinet Freshfields Bruckhaus Deringer, en partenariat avec les éditions Lexbase, sélectionne l'essentiel de la législation communautaire en droit de la concurrence (cf. Bulletin d'actualités en droit de la concurrence n° 22 : panorama de la législation communautaire (première partie) - Freshfields Bruckhaus Deringer N° Lexbase : N8889AI3).
  • Publication par la Commission, le 18 juillet 2005, des orientations sur la clôture de la procédure de contrôle d'une opération de concentration après l'abandon du rapprochement par les parties

Le Règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil relatif au contrôle des concentrations (N° Lexbase : L6036DNU) a introduit à l'article 6 une nouvelle disposition relative à la clôture des procédures de contrôle des concentrations sans décision finale, après que la Commission a engagé la procédure sur le fondement de l'article 6 § 1 point c), première phrase (23). Cette nouvelle disposition stipule que "sans préjudice de l'article 9, cette procédure sera close par voie de décision conformément à l'article 8 § 1 à 4, à moins que les entreprises concernées n'aient démontré, à la satisfaction de la Commission, qu'elles ont abandonné la concentration" (24). Il convient de relever que cette disposition nouvelle ne trouve pas à s'appliquer en l'absence de l'engagement d'une procédure de Phase 2.

Le 18 juillet 2005, afin de préciser les conditions requises pour la mise en oeuvre de cette disposition, la DG concurrence a publié des orientations.

À titre de principe général, les conditions requises pour établir la preuve de l'abandon de la concentration doivent correspondre à celles exigées, en termes de forme légale, de format, d'intensité, etc., pour que l'acte initial ait été considéré comme suffisant pour rendre la concentration notifiable. Dans l'hypothèse où, à partir de cet acte initial, les parties renforceraient leurs liens contractuels en concluant, par exemple, un accord contraignant après avoir notifié, sur la base de leur bonne foi, l'opération à la Commission, les conditions requises pour faire la preuve de l'abandon doivent correspondre au dernier acte en date (à savoir, un accord contraignant dans cet exemple).

Conformément à ce principe, en cas de réalisation de la concentration avant une décision de la Commission, le rétablissement du statu quo ante doit être démontré.

Dans les autres cas, le simple retrait de la notification ne saurait être considéré comme une preuve suffisante de l'abandon de la concentration au sens de l'article 6 § 1 point c). De la même manière, des modifications mineures qui seraient apportées à la concentration, par exemple en ce qui concerne la période convenue pour la réalisation de l'opération ou des modifications mineures dans la répartition du capital qui ne concernent ni un changement dans le contrôle ni la qualité de ce changement, ne sauraient être considérées comme un abandon de l'opération de concentration originelle (25).

Les orientations publiées par la Commission précisent les conditions nécessaires à la mise en oeuvre de cette nouvelle clause en présence d'un "accord contraignant", d'une "intention de conclure un accord de bonne foi", de l'"annonce publique d'une offre publique ou d'une intention de faire une offre publique" et de "concentrations réalisées" :

· Accord contraignant : la preuve de l'annulation, légalement obligatoire, de l'accord sous la forme envisagée par l'accord initial (il s'agira en principe d'un document signé par toutes les parties) sera exigée. L'expression de l'intention d'annuler l'accord ou de ne pas réaliser la concentration notifiée ainsi que les déclarations unilatérales des parties ne seront pas considérées comme suffisantes.

· Intention de conclure un accord de bonne foi : en cas de lettre d'intention ou de protocole d'accord reflétant une telle intention de bonne foi, des documents démontrant que le fondement de l'engagement de bonne foi a été annulé seront exigés. Quant aux autres formes possibles pouvant prouver l'intention de bonne foi, l'abandon de l'opération doit renverser cette intention de bonne foi et correspondre, en termes de forme et d'intensité, à l'expression initiale de l'intention.

· Annonce publique d'une offre publique ou de l'intention de faire une offre publique : une annonce publique mettant un terme à la procédure d'offre sera requise. La forme de l'annonce et le public touché par celle-ci doivent être comparables à la forme et au public touché par la publicité initiale.

· Réalisation de la concentration : dans l'hypothèse où la concentration aurait été réalisée avant une décision de la Commission, les parties devront prouver que la situation prévalant avant la réalisation de la concentration a été rétablie.

Il revient aux parties de soumettre la documentation nécessaire pour répondre à ces exigences.

Il est intéressant de rapprocher ces orientations de l'arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 28 septembre 2004, MCI Inc contre Commission (N° Lexbase : A4427DDC) (26).

Pour rappel, dans cette affaire, MCI avait demandé au TPICE d'annuler la décision de la Commission du 28 juin 2000, interdisant la fusion entre les entreprises américaines de télécommunications MCI (Worldcom à l'époque des faits) et Sprint.

En effet, le 27 juin 2000, les parties notifiantes avaient informé les services de la Commission de ce qu'elles n'avaient plus l'intention de mettre en oeuvre le projet de concentration sous la forme présentée dans leur notification. Pourtant, le 28 juin, la Commission adoptait une décision déclarant l'opération en cause incompatible avec le marché commun, clôturant ainsi l'enquête de Phase II (27).

Par la suite, Worldcom a donc introduit un recours en annulation devant le TPICE contre la décision de la Commission, estimant notamment que la déclaration des parties du 27 juin constituait "un retrait formel de l'accord de fusion" notifié à la Commission.

La Commission a refusé de considérer la déclaration des parties notifiantes du 27 juin 2000 comme constitutive d'un retrait formel de l'accord de fusion notifié et a estimé que ces dernières se réservaient "la possibilité de fusionner leurs activités sous une autre forme à l'avenir". Pour sa part, le TPICE a considéré que le retrait de la notification ne concernait que l'accord décrit et identifié dans le plan de fusion, à l'exclusion de toute autre opération de concentration.

En revanche, les positions du TPICE et de la Commission divergent quant à la portée de ce retrait sur l'opération : alors que la Commission considère que, dans la mesure où les parties restaient libres de réaliser la fusion sous une autre forme, le dossier restait toujours ouvert, le Tribunal a opté pour un respect plus strict de l'autonomie des procédures, en soulignant qu'une déclaration pouvait valoir retrait de la notification, quand bien même les entreprises concernées poursuivraient leurs négociations en vue de la conclusion d'un accord sous une autre forme (lequel ferait, le cas échéant, l'objet d'une nouvelle notification à la Commission).

Par conséquent, il semble que l'adoption de la nouvelle disposition de l'article 6 du Règlement 139/2004, qui précise que les parties doivent démontrer, "à la satisfaction de la Commission, qu'elles ont abandonné la concentration", vient mettre un terme aux débats de l'arrêt du TPICE et rend la jurisprudence MCI caduque. En outre, il apparaît désormais clair qu'un simple retrait de l'opération de concentration par les parties ne suffira plus. Ces dernières devront en effet respecter le parallélisme des formes et se conformer aux exigences de la Commission telles qu'exprimées dans les lignes d'orientation précité

Texte des orientations de la Commission (en anglais)

Jacques-Philippe Gunther : jacques-philippe.gunther@freshfields.com
Jérôme Philippe : jerome.philippe@freshfields.com
Mathilde Mason : mathilde.mason@freshfields.com


(1) Directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le Règlement (CE) n° 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil ("directive sur les pratiques commerciales déloyales"), JOUE du 11 juin 2005, L. 149/22.
(2) Le consommateur moyen est une personne normalement informée et raisonnablement attentive et avisée, compte tenu des facteurs sociaux, culturels et linguistiques.
(3) Articles 6 et 7.(4) Articles 8 et 9.
(5) Article 5.
(6) Voir communiqué de presse de la Commission IP/05/680.
(7) A cet égard, la Commission devrait adopter, dans le courant de l'année 2005, une communication sur les aides d'Etat et l'innovation. Voir également Bulletin n° 19 .
(8) Voir communiqué de presse de la Commission IP/05/937.
(9) Voir article ci-dessous intitulé La Commission assure une meilleure sécurité juridique pour le financement des services d'intérêt économique et général.
(10) Voir communiqué de presse de la Commission IP/05/716.
(11) JO L 1, 4 janvier 2003.
(12) - Opérateurs du secteur de l'électricité : producteurs, négociants en électricité ou en droits d'accès (ou en leurs dérivés financiers), propriétaires et exploitants de réseaux de transmission et de distribution, bourses d'électricité, exploitants des interconnecteurs "marchands", grossistes et agrégateurs, sociétés de vente au détail.- Opérateurs du secteur du gaz : producteurs de gaz (dont certains sont en dehors de l'Union européenne), importateurs, négociants en gaz ou en droits d'accès (ou en leurs dérivés financiers), propriétaires et exploitants de systèmes de transmission à haute pression et de distribution à basse pression, exploitants d'interconnecteurs "marchands" et agrégateurs, exploitants de stockage, intermédiaires, sociétés de vente au détail.
(13) Voir communiqué de presse de la Commission IP/05/719.
(14) Voir supra.
(15) Dans sa première phase, l'enquête porte uniquement sur les cartes de paiement. La deuxième étape de l'enquête pourrait intervenir à l'automne et concerner les services de la banque de détail.
(16) L'enquête sur ce secteur concernera la fourniture de produits et services d'assurance (dont la réassurance aux entreprises).
(17) Livre Vert de la Commission du 3 mai 2005 faisant partie d'un plan d'action sur les services financiers.
(18) Voir communiqué de presse de la Commission IP/05/527.
(19) Voir communiqué de presse de la Commission IP/05/937.
(20) Voir communiqué de presse de la Commission IP/04/638.
(21) Voir communiqué de presse de la Commission IP/05/680.
(22) Affaire C 280/00 du 24 juillet 2003 (N° Lexbase : A2343C9N).
(23) Pour rappel, le texte relatif à l'article 6 § 1 pt c), première phrase, sur l'ouverture d'une procédure de phase 2 relative à une enquête approfondie de l'opération, stipule : "sans préjudice du paragraphe 2, si la Commission constate que la concentration notifiée relève du présent Règlement et soulève des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide d'engager la procédure".
(24) Article 6 § 1 pt c) deuxième phrase.
(25) La qualification de modification "mineure" au sens de ce paragraphe ne préjuge pas du point de savoir si la modification en cause constitue des informations nouvelles devant être portées à la connaissance de la Commission en vertu l'article 5 (3) du Règlement n° 802/2004 (N° Lexbase : L1967DYI).
(26) Affaire T-310/00 - Voir le Bulletin d'actualités en droit de la concurrence n° 19 section "Jurisprudence communautaire - TPICE", p. 22.
(27) Décision de la Commission 2003/790/CE du 28 juin 2000.

newsid:86357

Fiscalité des entreprises

[Jurisprudence] Cadeau, réduction de prix et TVA

Réf. : CAA Lyon, 2ème ch., 13 juillet 2005, n° 99LY02844, SA Igol Centre Etablissements Gallois c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie (N° Lexbase : A3499DKS)

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N9092AIL

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par Yolande Sérandour, Professeur à la Faculté de droit de Rennes, Directrice du Master de Droit Fiscal des Affaires de Rennes et du département Droit fiscal du CDA

Le 07 Octobre 2010

La SA Igol Centre Etablissements Gallois a pour activité la fabrication et la vente de lubrifiants de marque Igol. Elle a acheté des matériels haute-fidélité, vidéo, photo, téléviseurs, bicyclettes, scooters, appareils électroménagers qu'elle a apparemment revendus à ses clients tout en émettant à leur profit des avoirs correspondant à des remises quantitatives sur leurs achats de lubrifiants. L'administration fiscale a rejeté la déductibilité de la TVA ayant grevé les objets susmentionnés aux motifs qu'il s'agissait de cadeaux sans lien avec l'objet social et exclus du droit à déduction par l'article 238 de l'annexe II au CGI . La notification adressée à la société Igol indiquait que le dispositif utilisé ne correspondait pas à la réalité économique dans la mesure où il présentait l'apparence de la vente de biens en contrepartie de l'octroi de remises sur les quantités de lubrifiants achetés par les clients. Il était également précisé que la facturation accompagnée d'une réduction de prix cachait seulement la volonté de récupérer abusivement la taxe supportée lors de l'acquisition des biens concernés. En conséquence, selon l'administration fiscale, les factures de ventes adressées aux clients et les factures d'avoirs émises à leur profit étaient fictives et devaient être écartées.
La cour administrative d'appel de Lyon y voit un abus de droit rampant. Elle décide en effet que "l'administration fiscale ne s'est pas bornée, contrairement à ce que soutient le ministre, à tirer les conséquences du procédé utilisé au regard des règles fiscales applicables, mais a invoqué implicitement, mais nécessairement, un abus de droit ; qu'il est constant que le vérificateur n'a pas avisé la SA Igol Centre Etablissements Gallois que le redressement litigieux avait pour fondement l'article L. 64 du LPF (N° Lexbase : L5565G4U) et qu'il a, dans sa réponse aux observations du contribuable du 20 février 1996, rayé la mention relative à la faculté de saisine du Comité consultatif pour la répression des abus de droit prévue dans le cadre de cette procédure ; que la requérante est ainsi fondée à soutenir en appel que le complément de taxe sur la valeur ajoutée en litige a été établi à la suite d'une procédure irrégulière". Il ne suffit pas d'invoquer implicitement l'abus de droit, encore faut-il l'établir explicitement dans les formes requises par la loi.

1. L'abus de droit implicite

L'article 238 de l'annexe II au CGI exclut du droit à déduction la TVA ayant grevé les biens autres que ceux de très faible valeur cédés sans rémunération, notamment à titre de cadeaux. L'administration fiscale fixe le seuil de déductibilité à 31 euros (Doc. adm. 3 D 1535, n° 36). Elle s'inspire des prélèvements aux fins de cadeaux soumis à LASM . Cette limite peut paraître fort modeste à un entrepreneur désireux de manifester une véritable reconnaissance à un client important. Parmi les techniques de contournement de l'article 238 de l'annexe II au CGI figure la réduction de prix d'un montant égal (ou presque) à celui de l'objet susceptible de satisfaire le client malgré la facturation de son prix. Ainsi, l'entrepreneur ne fait pas un cadeau mais accorde une remise exclue de l'assiette de la TVA par l'article 11 A § 3 b de la sixième directive-TVA (N° Lexbase : L9279AU9) transposé sous l'article 267-II-1° du CGI (Yolande Sérandour, L'échange biens contre publicité confronté à la TVA, JCP, éd. E, 1998, p.1872 ; Yolande Sérandour, Vraies et fausses réductions de prix affectant l'assiette de la TVA, Lexbase Hebdo n° 110, du 4 mars 2004 - édition fiscale N° Lexbase : N0748ABC et N° Lexbase : N0749ABD).

Il faut toutefois veiller à l'unité de temps et de nature de l'opération. Le cadeau déguisé doit avoir un lien avec la prestation principale. Ajouter des tapis à la livraison d'un camion ne saurait surprendre. En revanche, facturer un collier de diamants avec 100 camions pourrait susciter la perplexité d'un contrôleur. L'article L. 64 du  LPF dispose que "Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses [...] qui permettent d'éviter, en totalité ou en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d'affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution d'un contrat ou d'une convention. L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du Comité consultatif pour la répression des abus de droit [...]". Le Comité consultatif des abus de droit mentionne, dans son rapport pour 2001, un montage destiné à permettre de dissimuler, sous couvert de ventes, des remises de cadeaux dans le seul but de contourner l'exclusion du droit à déduction des biens remis sans rémunération (instruction du 22 février 2002, BOI n° 13 L-1-02 N° Lexbase : X0340AB9). Les biens en cause n'avaient aucun lien avec l'activité principale du vendeur ni avec celle des clients. Les entrepreneurs et leurs conseils doivent en tirer les conséquences.

En l'espèce, l'arrêt n'indique pas si les cadeaux facturés avaient ou non un lien avec les activités des destinataires. Afin de prévenir les abus, le décret n° 2003-632 pris en Conseil d'Etat le 7 juillet 2003 et relatif aux obligations de facturation en matière de taxe sur la valeur ajoutée et modifiant l'annexe II au CGI et la deuxième partie du LPF (N° Lexbase : L6850BH8) précise les modalités d'application de la loi relative aux nouvelles règles de facturation, notamment la liste des mentions obligatoires. Seuls "les rabais, remises, ristournes ou escomptes acquis et chiffrables lors de l'opération et directement liés à cette opération" peuvent désormais figurer sur la facture . Il n'est plus possible de remettre un objet totalement étranger à l'activité du fournisseur ou de son client. Il devient également impossible de gratifier un client après réalisation du fait générateur, livraison ou achèvement d'un service.

La cour administrative d'appel de Lyon ne s'attarde pas sur le déroulement précis des faits. Avec raison car le non-respect de la procédure de l'abus de droit par l'administration, malgré l'accusation suffisamment précise, même implicite suffisait pour rejeter l'appel du ministre du Budget. Certes, le Conseil d'Etat considère qu'il n'y a pas d'abus de droit implicite lorsque l'administration ne conteste pas la réalité d'un fait mais se borne à écarter l'apparence créée par un acte juridique pour prendre en considération la situation réelle. Ainsi, est-il possible d'imposer directement l'associé d'une EURL quoique l'activité ait été apparemment celle de cette dernière (CE, 11 juillet 1991, n° 69831, M. Lelouch c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A9550AQR ; lire Olivier Fouquet, conclusions sous l'arrêt, DF, 1993, n° 5, comm. 171). Néanmoins, ce refus de sanctionner l'abus de droit rampant peut difficilement être transposé à la TVA sans s'exposer au regard sévère de la CJCE. Il est vraisemblable qu'elle sanctionnerait l'abus de droit non explicitement établi.

2. L'abus de droit non explicite

La Cour de Luxembourg ne rejette pas le recours à l'abus de droit en matière de TVA. A propos de l'article 13 B de la sixième directive-TVA, elle a décidé qu'"Il résulte de ce texte que la lutte contre la fraude, l'évasion fiscale et les abus éventuels est un objectif reconnu et encouragé par la sixième directive-TVA" (CJCE, 29 avril 2004, aff. C-487/01, Gemeente Leusden c/ Staatssecretaris van Financiën N° Lexbase : A9952DB9). L'article 27 prévoit que "1. Le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, peut autoriser tout Etat membre à introduire des mesures particulières dérogatoires à la présente directive, afin de simplifier la perception de la taxe ou d'éviter certaines fraudes ou évasions fiscales. Les mesures destinées à simplifier la perception de la taxe ne peuvent influer, sauf de façon négligeable, sur le montant de la taxe due au stade de la consommation finale. 2. L'Etat membre qui souhaite introduire des mesures visées au paragraphe 1 en saisit la Commission et lui fournit toutes les données utiles d'appréciation". La prévention de la fraude ou de l'évasion fiscale ne peut justifier l'adoption de mesures nationales dérogatoires que dans le cadre de la procédure prévue par cet article 27 (CJCE, 21 septembre 1988, aff. C-50/87, Commission des Communautés européennes c/ République française, § 22 N° Lexbase : A7265AHK ; CJCE, 11 juillet 1991, aff. C-97/90, Hansgeorg Lennartz c/ Finanzamt München III, § 35 N° Lexbase : A7275AHW ; CJCE, 20 janvier 2005, aff. C-412/03, Hotel Scandic Gåsabäck AB c/ Riksskatteverket, § 26 N° Lexbase : A3119DGM ; lire Yolande Sérandour, La fourniture de repas moyennant une contrepartie inférieure au prix de revient n'est pas une livraison ou un service à soi-même, Lexbase Hebdo n° 153, du 3 février 2005 - édition fiscale N° Lexbase : N4492ABY).

L'existence de l'abus de droit dans la sixième directive-TVA, nonobstant son absence formelle demeure à établir. Les conclusions de monsieur l'Avocat général M. M. Poiares Maduro, présentées le 7 avril 2005, sur l'affaire C-255/02, Halifax plc, Leeds Permanent Development Services Ltd, County Wide Property Investments Ltd orientent vers une réponse positive. Néanmoins, compte tenu de l'article 27 précité et des principes communautaires de sécurité juridique et de confiance légitime (CJCE, 8 juin 2000, aff. C-396/98, Grundstückgemeinschaft Schlossstrasse GbR c/ Finanzamt Paderborn, § 44 N° Lexbase : A1801AWM ; CJCE, 29 avril 2004, aff. C-487/01, Gemeente Leusden c/ Staatssecretaris van Financiën, § 58, 65 et 69, précité ; CJCE, 29 avril 2004, aff. C-17/01, Finanzamt Sulinge c/ Walter Sudholz N° Lexbase : A9948DB3, la procédure de notification susmentionnée devrait, dans certains cas être respectée. La question se poserait particulièrement au sujet des opérations répondant à des objectifs autres que fiscaux. Il semble que la distinction française entre l'abus par simulation et l'abus par fraude soit également opérationnelle en matière de TVA. Monsieur l'Avocat général M. M. Poiares Maduro considère que la possibilité de choisir entre différentes solutions offertes par la sixième directive-TVA nécessite le respect de son article 27. Il souhaite ainsi éviter qu'un principe général de prohibition de l'abus de droit puisse permettre à un Etat membre de sanctionner tout choix de la voie la moins imposée.

En l'espèce, la société Igol a vendu des objets différents de ceux habituellement commercialisés et accordé des réductions de prix. Si la recherche d'un avantage fiscal paraît probable, échapper à l'application de l'article 238 de l'annexe II au CGI , il n'en demeure pas moins que la facturation permettait de collecter de la TVA. Or , toute dépense affectée à des opérations imposables ouvre droit à déduction (sixième directive-TVA, art. 17) et l'octroi de réduction de prix diminue l'assiette (sixième directive-TVA, art. 11 A § 3 b). Comment concilier le respect de ces deux textes lorsqu'ils se traduisent par la méconnaissance d'une simple exclusion interne du droit à déduction ? La clause de gel justifie peut-être l'article 238 susmentionné (sixième directive-TVA, art. 17 § 6 al. 2). Le doute est permis au regard de l'absence de réévaluation administrative du seuil de déductibilité des cadeaux depuis 1982 et de l'admission d'un seuil supérieur en faveur des présentoirs publicitaires. La France a vraisemblablement aggravé la situation des assujettis, ce que n'accepte pas la CJCE (CJCE, 14 juin 2001, aff. C-40/00, Commission des Communautés européennes c/ République française N° Lexbase : A6444ATT) ; lire E. Desmorieux, DF 2001, n° 39, comm. 861 ; Adde, Yolande Sérandour, Le droit à déduction de la TVA selon la Cour de justice des Communautés européennes : après les frais de représentation, le gazole, JCP, éd. E., 2001, 1998 ; CJCE, 19 septembre 2000, aff. C-177/99, Ampafrance SA c/ Directeur des services fiscaux de Maine-et-Loire (C-177/99) et Sanofi Synthelabo contre Directeur des services fiscaux du Val-de-Marne (C-181/99) N° Lexbase : A7225AH3 ; lire F. Deboissy, RTD com. 2001, p. 280, chr. ;  Adde, J. Turot, Attention, ne jamais recongeler un produit décongelé, DF 2000, p. 1404 ; instruction du 13 novembre 2000, BOI n° 3 D-2-00 N° Lexbase : X0350AA9).

A supposer que l'article 238 de l'annexe II au CGI, tel qu'interprété par notre administration fiscale soit conforme à la sixième directive-TVA, l'existence d'un choix soulève la question de savoir si la France a ou non présenté une demande spécifique à la Commission, dans les formes requises. En cas de réponse positive, il serait intéressant de connaître la position du juge communautaire à l'égard de la facturation de biens différents de ceux habituellement vendus mais susceptibles de favoriser le commerce. La liberté contractuelle doit-elle céder devant un seuil de déduction ? Si l'on ajoute que les prélèvements aux fins de cadeaux sont des livraisons à soi-même taxables, l'analyse se complique !

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Procédures fiscales

[Le point sur...] La note en délibéré à l'épreuve des conclusions du commissaire du Gouvernement

Réf. : QE n° 16980 de M. Michel Charasse, JOSEQ, 7 avril 2005, p. 967, min. Just., réponse publ. 7 juillet 2005, p. 1836, 12ème législature (N° Lexbase : L6037HCL)

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N9123AIQ

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par Jean-Marc Priol, Avocat au Barreau de Paris, Landwell & Associés

Le 07 Octobre 2010

Le contribuable non averti de la procédure devant les juridictions administratives et non assisté d'un conseil éprouve, généralement, une certaine frustration de ne pouvoir, à l'audience à laquelle il a été régulièrement convoqué, répliquer oralement aux conclusions du commissaire du Gouvernement appelé à émettre un avis sur son dossier à la formation de jugement. Le conseil averti, en revanche, s'il juge opportun, répliquera en déposant une note en délibéré comme moyen d'attirer l'attention de la formation de jugement sur les points de fait ou de droit qui méritent la production de compléments d'observations. Il est rappelé qu'aux termes de l'article L. 7 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L2614ALE) "un membre de la juridiction, chargé des fonctions de commissaire du Gouvernement, expose publiquement, et en toute indépendance, son opinion sur les questions que présentent à juger les requêtes et sur les solutions qu'elles appellent". On cherchera en vain dans le CJA les textes régissants la note en délibéré, alors que la procédure civile dispose d'un texte, l'article 443 du Nouveau code de procédure civile (N° Lexbase : L2682ADP), la reconnaissant et l'organisant. Ainsi, devant les juridictions administratives, la pratique de la note en délibéré constitue un usage s'intégrant dans le débat contradictoire. Le principe du contradictoire se trouve rappelé aux termes des dispositions de l'article L. 5 du CJA (N° Lexbase : L2612ALC), suivant lesquelles l'instruction des affaires est contradictoire et les exigences de la contradiction sont adaptées à celle de l'urgence. L'article L. 6 du même code (N° Lexbase : L2613ALD) souligne que les débats ont lieu en audience publique.
1. Il n'est pas inutile de rappeler à cet endroit les étapes de la procédure devant les juridictions administratives qui aboutissent à l'audience et au délibéré.

Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close, envoyée à toutes les parties en cause quinze jours au moins avant cette date (CJA, art. R. 613-1 N° Lexbase : L1579DY7).

Dans l'hypothèse où le président de la formation n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience (CJA, art. R. 613-2 N° Lexbase : L3133ALM).

Enfin, dans le cas prévu à l'article R. 711-2 du CJA (N° Lexbase : L1578DY4) ou en raison de l'urgence (CJA, art. R. 613-2 N° Lexbase : L3133ALM), situations dans lesquelles le président de formation, par une décision expresse, réduit à deux jours le délai de convocation à l'audience, l'instruction est close, soit après que les parties ou leurs mandataires ont formulé leurs observations orales, soit, si ces parties sont absentes ou ne sont pas représentées, après appel de leur affaire à l'audience.

Il s'ensuit que les mémoires produits après la clôture de l'instruction (CJA, art. R. 613-3 N° Lexbase : L3134ALN) ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction (CE, Contentieux, 18 octobre 1978, n° 8159, Sieur xxxxx c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A5697AIT ; CE, Contentieux, 28 juillet 2000, n° 189260, M. et Mme Francom c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A7310ATW ; CE, 3° et 8° s-s., 17 novembre 2000, n° 193290, SA d'habitations à loyer modéré Notre Logis c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A9577AH8). Toutefois, si les parties présentent avant la clôture de l'instruction des conclusions nouvelles ou des moyens nouveaux, la juridiction ne peut les adopter sans ordonner un supplément d'instruction (CE, 26 mars 2003, req. n° 241.642, Sté d'exploitation des Haras c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie).

Dans ce cas, le président de la formation de jugement peut rouvrir l'instruction (CJA, art. R. 613-4 N° Lexbase : L3135ALP). Il doit être observé que la réouverture de l'instruction peut résulter, également, d'un jugement ou d'une mesure d'investigation ordonnant un supplément d'instruction. Les mémoires qui auraient été produits pendant la période comprise entre la clôture et la réouverture de l'instruction sont communiqués aux parties.

Devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, l'audience se déroule en trois étapes (CJA, art. R. 731-3 N° Lexbase : L3192ALS). Après le rapport qui est fait sur chaque affaire par un membre de la formation de jugement (première étape), les parties peuvent présenter soit en personne, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, soit par un avocat, des observations orales (deuxième étape) à l'appui de leurs conclusions écrites. Les agents de l'administration peuvent être, également, entendus par la formation de jugement ou appelés devant elle pour fournir des explications. Devant le tribunal administratif, le Président de la formation peut, au cours de l'audience et à titre exceptionnel, demander des éclaircissements à toute personne présente dont l'une des parties souhaiterait l'audition. Enfin, le commissaire du Gouvernement prononce ses conclusions (troisième étape), auxquelles les requérants ne peuvent répliquer par de nouvelles observations orales (CE, Contentieux, 3 juin 1996, n° 163366, M. Bourgais c/ Ministre de l'Economie, Finances et l'Industrie N° Lexbase : A9843ANU).

L'affaire est ensuite mise en délibérée.

C'est, donc, la jurisprudence qui a eu à connaître des difficultés pratiques soulevées par la note en délibéré, le plus souvent lors des litiges sur l'absence de communication des conclusions du commissaire du Gouvernement et sur la remise en cause de sa fonction et de son rôle.

2. Les conclusions du commissaire du Gouvernement ne sont pas, en effet, communicables (CE, 9° et 7° s-s., 9 décembre 1970, n° 79282, Dame Veuve Jame c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A2963AUB ; CE 15 avril 1998, Vincent c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, Rec. CE, p. 145) avant l'audience pour deux raisons.

En premier lieu, parce que les conclusions n'étant pas détachables de la procédure juridictionnelle, elles n'ont pas le caractère de documents administratifs au sens des dispositions de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 (loi n° 78-753, 17 juillet 1978, portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal N° Lexbase : L6533AG3) et qu'elles sont, en second lieu, la propriété des commissaires du Gouvernement en vertu du principe de l'indépendance de ces derniers (CE, 10 juillet 1957, Gervaise c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, Rec. CE, p. 466).

C'est, ainsi, que la jurisprudence a considéré "qu'eu égard au rôle [du commissaire du Gouvernement] et à la nature de ses conclusions qu'il présente oralement à la juridiction, l'absence de communication de ses conclusions aux parties [...] ne porte pas atteinte au caractère contradictoire de la procédure" (CAA Paris, 17 octobre 1991, SA Hellot c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, Rec. CE, p. 569).

Par ailleurs, la communication aux parties des conclusions du commissaire du Gouvernement n'est pas sans soulever du point de vue d'une bonne administration de la justice des difficultés de procédure tenant à l'alourdissement de cette dernière ainsi qu'à sa longueur par l'instauration d'un nouveau débat contradictoire.

Ce particularisme a conduit dans un premier temps la jurisprudence (CE, 9 juillet 1998, Esclatine c/ Ministre de l'Economie, des Finances de l'Industrie, rec. CE, p. 320) à considérer que dès lors que "le commissaire du Gouvernement participe à la fonction de juger dévolue à la juridiction dont il émane [...] l'exercice de cette fonction n'est pas soumis au principe du contradictoire", ne laissant aucune place à la production d'observations mais, seulement, à une note en délibéré.

Puis, dans un second temps, sous l'effet de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH, 7 juin 2001, req. 39594/98, Kress c/ France N° Lexbase : A2964AUC), cette pratique s'est officialisée comme "une dérogation reconnue aux conséquences normales de la clôture de l'instruction"(voir René Chapus, Droit du Contentieux administratif, p. 830 et suivantes, Domat Droit public, 10ème éd., Montchrestien).

Dans son arrêt du 7 juin 2001, la Haute cour européenne reconnaît que la non communication préalable des conclusions du commissaire du Gouvernement n'est pas contraire au principe du procès équitable (CEDSH, art. 6-1 N° Lexbase : L7558AIR) et, notamment, de l'égalité des armes dans la mesure où ses conclusions sont présentées oralement à l'audience publique, à laquelle les parties qui en découvrent le sens et le contenu, ont la faculté de répliquer, par une note en délibéré.

Elle valide, ainsi, aux termes de sa jurisprudence l'existence d'une procédure contradictoire, dès lors qu'à son sens "les avocats qui le souhaitent peuvent demander au commissaire du Gouvernement avant l'audience, le sens général de ses conclusions" et "que les parties peuvent répliquer par une note en délibéré aux conclusions" de ce dernier, lequel s'il devait "invoquer oralement lors de l'audience un moyen non soulevé par les parties", devrait conduire la formation de jugement à ajourner l'affaire.

Par ailleurs, la même Cour a précisé dans deux décisions, en premier lieu, que la note en délibéré doit être expressément mentionnée dans les visas du jugement et, en second lieu, que les justiciables doivent disposer d'un délai suffisant pour rédiger une éventuelle note en délibéré (CEDH, 21 mars 2002, req. 38436/97, APBP c/ France N° Lexbase : A2926AYZ ; CEDH, 21 mars 2002, req. 38748/97, Immeubles Groupe Kosser c/  France N° Lexbase : A2924AYX).

La jurisprudence interne, qui a suivi l'arrêt de la CEDH, a confirmé cette officialisation en des termes plus mesurés, rappelant que si les parties ne peuvent pas prendre la parole à l'audience après que le commissaire du Gouvernement a prononcé ses conclusions (CE, Contentieux, 3 juin 1996, n° 163366, M. Bourgais c/ Ministre de l'Economie, Finances et l'Industrie, précité), elles ont seulement la faculté de produire une note en délibéré ayant pour objet de compléter leurs observations compte tenu, notamment, des arguments développés par celui-ci, étant observé que la juridiction en question n'est pas tenue de rappeler aux parties cette faculté, à peine d'irrégularité de la procédure (CE, 3° et 8° s-s., 30 septembre 2002, n° 237673, M. Vaille c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A9548AZN).

Quant au contenu de la note, cette même jurisprudence (CE, 3° et 8° s-s., 29 novembre 2002, n° 225356, M. Domergue c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A4715A4E), postérieure à celle de la CEDH, précise qu'elle contient soit l'exposé d'une circonstance de fait que la partie intéressée n'a pu faire valoir avant la clôture de l'instruction et que "le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts", soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office.

Restait à savoir quelles obligations impliquaient pour le juge la reconnaissance de la note en délibéré.

Selon le Conseil d'Etat (CE, 3° et 8° s-s., 29 novembre 2002, n° 225356, M. Domergue c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, précité ; CE, 5° et 7° s-s., 21 novembre 2003, n° 244820, Mme Biord-Genest c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A2863DAB), lorsque le juge administratif est saisi postérieurement à la clôture de l'instruction et au prononcé des conclusions du commissaire du Gouvernement, d'une note en délibéré émanant de l'une des parties à l'instance, il lui appartient dans tous les cas "d'en prendre connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision ; que s'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré, il n'est tenu de le faire, à peine d'irrégularité de sa décision, que si cette note contient une circonstance de fait ou de droit nouvelle". La méconnaissance de l'obligation de réouverture de l'instruction pourrait constituer, le cas échéant, sous réserve de la confirmation de la jurisprudence en ce sens, d'un cas d'ouverture du recours en révision (CE, 5° et 7° s-s., 12 juillet 2002, n° 236125, M. et Mme Leniau c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A1581AZL).

Ces précisions jurisprudentielles n'ayant pas fait l'unanimité, et devant une pratique incertaine de celles-ci par l'ensemble des juridictions, les modalités d'application de la note en délibéré ont été précisées par une réponse ministérielle (QE n° 16980 de M. Michel Charasse, JOSEQ, 7 avril 2005, p. 967, min. Just., réponse publ. 7 juillet 2005, p. 1836, 12ème législature N° Lexbase : L6037HCL) portant sur la procédure de communication des conclusions du commissaire du Gouvernement.

La question de la note en délibérée se trouve, en effet, intimement liée à celle des conditions et de l'esprit dans lesquels s'effectue, devant les juridictions administratives, la communication aux parties du sens général des conclusions du commissaire du Gouvernement.

Il a été, ainsi, répondu par le Ministre que "l'échange avec l'avocat, sur l'initiative de celui-ci, porte sur le sens des conclusions et non sur le détail du raisonnement du commissaire" précisant qu"intervenant dans les jours ou heures précédant l'audience, il y a lieu à un moment où, juridiquement l'instruction n'est pas nécessairement close", et que "l'usage veut, toutefois, que l'avocat, après s'être ainsi entretenu avec un commissaire du Gouvernement, s'interdise de produire un nouveau mémoire faisant valoir un moyen ou une argumentation supplémentaire. En revanche rien ne s'oppose à ce que l'entretien avec le commissaire du gouvernement incite l'avocat à présenter des observations orales ou à préparer une note en délibéré, initiatives qui ne peuvent modifier les conditions du débat contradictoire entre les parties, tel qu'il résulte de l'instruction écrite, mais seulement, le cas échéant, conduire la formation de jugement à rayer l'affaire pour rouvrir l'instruction".

Le Ministre poursuivait en faisant observer que dans les affaires dispensées d'avocat, le requérant qui le souhaite doit être en mesure de recevoir les mêmes informations de la part du commissaire du Gouvernement avant de conclure.

Il devait à cette occasion préciser qu'une note serait adressée à l'ensemble des juridictions administratives rappelant les principes applicables à la communication des conclusions du commissaire du gouvernement ainsi qu'à la pratique de la note en délibéré en réponse à ses conclusions, de manière à assurer une attitude homogène des juridictions administratives sur le sujet.

En conclusion, on pourra observer que si la note en délibéré est, désormais, reconnue comme un élément du contradictoire, ses conditions d'exercice demeurent, néanmoins, restrictives et qu'elle ne saurait constituer un moyen dilatoire de prolongation de l'instance.

newsid:79123

Droit financier

[Textes] Parlez-vous prospectus ?

Réf. : Arrêté du 1er septembre 2005, portant homologation de modifications du règlement général de l'Autorité des marchés financiers (N° Lexbase : L9585HBM)

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N9119AIL

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Le 07 Octobre 2010

L'obligation, pour les émetteurs, de faire traduire l'intégralité du prospectus dans toutes les langues officielles, décourage les offres au public et les négociations multinationales. Pour faciliter les offres transfrontalières, la directive Prospectus (1) a cherché à favoriser la reconnaissance des prospectus rédigés dans "une langue usuelle dans la sphère financière internationale" (2). De manière à se conformer au cadre normatif institué par le texte communautaire, les modifications du Règlement général de l'AMF liées à la transposition de la directive Prospectus introduisent, notamment, l'obligation de faire figurer un résumé au début du prospectus. Ce résumé présente les principales caractéristiques de l'émetteur, de l'opération envisagée ainsi que les facteurs de risques. Conformément aux dispositions de l'article 5 de la directive, le prospectus pourra, selon les cas, être rédigé en anglais avec un résumé traduit en français (1). Doit-on s'en réjouir (2) ? 1. Une transposition fidèle de la directive

La mise en place du système de passeport européen a conduit à la suppression des dispositions relatives aux demandes de reconnaissance de prospectus (3). Le résumé et la langue du prospectus sont désormais régis par les articles 212-7 (N° Lexbase : L5272G8R) et 212-8 (N° Lexbase : L5273G8S) du Règlement général de l'AMF.

Ce dernier article dispose que le prospectus visé par l'AMF est rédigé en français quand est "réalisée uniquement en France ou dans un ou plusieurs autres Etats membres de la Communauté européenne ou parties à l'accord sur l'Espace économique européen, y compris en France", une cession ou une émission portant sur :

- des titres de capital ;
- des titres donnant accès au capital au sens de l'article L. 212-7 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L9859GQ9) ;
- des titres de créance dont la valeur est inférieure à 1 000 euros et dont l'échéance est inférieure à 12 mois ;
- des instruments financiers autres que ceux mentionnés aux I et II de l'article L. 621-8 du Code monétaire et financier (4) (N° Lexbase : L8005HB4).

Le prospectus peut, néanmoins, être rédigé en anglais avec une traduction française du résumé :

- lorsque l'offre porte sur les titres de créance suivants :

  • les titres de créance dont le nominal est supérieur ou égal à 1 000 euros et l'échéance est inférieure à 12 mois, 
  • les warrants, 
  • les titres de créance ne donnant pas accès au capital de l'émetteur ;

- lorsque l'émetteur a son siège dans un pays non partie à l'accord sur l'Espace économique européen et que l'offre est réservée aux salariés des filiales françaises.

Lorsque l'admission sur un marché réglementé est prévue uniquement en France ou dans un ou plusieurs autres Etats membres de la Communauté européenne ou parties à l'accord sur l'Espace économique européen, y compris en France, le prospectus visé par l'AMF est rédigé en français ou en anglais avec un résumé traduit en français. En revanche, aucune traduction n'est requise lorsque l'admission concerne des titres de créance dont le nominal est supérieur à 50 000 euros ou à la contre-valeur de ce montant en devises.

Enfin, lorsque l'AMF n'est pas l'autorité compétente pour viser le prospectus mais que l'opération est prévue en France, le prospectus est rédigé et publié en français ou dans une autre langue usuelle en matière financière. Dans ce dernier cas, le résumé doit être traduit en français.

2. Une protection efficace de l'investisseur ?

La possibilité de demander une traduction a été mise en place dans un souci évident de protection des investisseurs non professionnels. A ce titre, MM. les professeurs Mousseron rappellent, à juste titre, que "l'enjeu de la langue tient en effet, à la protection effective des consommateurs". Ceci explique pourquoi cette faculté n'a pas été prévue pour les valeurs mobilières dont la valeur unitaire est au moins égale à 50 000 euros. S'agissant des valeurs mobilières négociées par des professionnels, une protection semble, en effet, inutile.

On peut, cependant, s'interroger sur la protection effective de l'investisseur non-professionnel en présence d'une traduction du résumé. On ne saurait perdre de vue que le résumé est limité à 2 500 mots et qu'il indique uniquement les principales caractéristiques et les principaux risques. En pratique, il semble vraisemblable que l'investisseur non professionnel fondera sa décision de souscrire à des titres sur les informations fournies par le résumé et donc, d'une certaine façon, sur "un prospectus au rabais" (5). En cas de contestation, ce dernier se verrait qualifié de négligeant puisque le résumé ne constitue qu'"une introduction au prospectus" (6) et que "toute décision d'investir dans les instruments financiers qui font l'objet de l'opération doit être fondée sur un examen exhaustif du prospectus" (7). Ce raisonnement, qui ne manquera pas d'être développé, est-il susceptible de "renforcer, conjointement aux règles de conduite, la protection des investisseurs" (8) ? On peut en douter, d'autant que l'objection consistant à soutenir que l'investisseur non professionnel ne consulte de toute manière pas le prospectus est critiquable : une absence fréquente de consultation ne justifie en rien une complication de la tâche, pour ceux souhaitant procéder à ce type d'examen.

En tout état de cause, en autorisant l'établissement du prospectus en anglais, sans qu'une traduction soit nécessaire, le Règlement général de l'AMF aboutit à mettre les "risques linguistiques" (9) à la charge de l'investisseur. Ces risques comprennent, notamment, les divergences d'interprétation de certains termes anglais dans différents pays ou plus simplement, l'absence d'équivalents de certains mécanismes anglo-saxon en droit français (10). Notons, enfin, que la responsabilité de l'émetteur ne pourra être recherchée que dans des hypothèses exceptionnelles, puisque l'article 212-8 du Règlement général de l'AMF (N° Lexbase : L5273G8S) précise que "les personnes qui ont présenté le résumé, y compris le cas échéant sa traduction et en ont demandé la notification au sens de l'article 212-42, n'engagent leur responsabilité civile que si le contenu du résumé est trompeur, inexact ou contradictoire par rapport aux autres parties du prospectus".

Aurait-il pu en être autrement ? Rien n'est moins sûr pour autant. On se souvient que la décision "Géniteau" (11) avait entraîné, selon un rapport du Sénat, une diminution par 3 ou 4 du nombre d'émissions réalisées à Paris (12). La compétitivité de la place financière française mérite, sans doute, quelques entorses aux velléités protectrices de l'AMF.

Guilain Hippolyte
Avocat à la cour


(1) Directive 2003/71/CE du 4 novembre 2003 concernant le prospectus à publier en cas d'offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l'admission de valeurs mobilières à la négociation (N° Lexbase : L4456DMY) et modifiant la directive 2001/34/CE (N° Lexbase : L8094AUC )
(2) Considérant 18 de la directive dite "prospectus". La COB avait indiqué, dès 1997, que la langue usuelle en matière financière ne saurait être que l'anglais (Les entretiens de la COB, Table ronde, 1997).
(3) En présence d'une demande de reconnaissance d'un prospectus pour l'admission de titres aux négociations, l'ancien article 211-20 du Règlement général de l'AMF, désormais supprimé, disposait que "le prospectus peut, dans ce cas, être rédigé dans une langue usuelle en matière financière autre que le français, à condition qu'il soit accompagné d'un résumé en Français". Exactement la même réglementation s'appliquait, en présence d'une demande de reconnaissance d'un prospectus, pour une offre faite au public en France aux termes de l'ancien article 214-18 du Règlement général de l'AMF (N° Lexbase : L5287G8C), désormais supprimé.
(4) Les titres donnant le droit d'acquérir ou de vendre tout autre titre ou donnant lieu à un règlement en espèces, notamment les warrants, seraient exclus.
(5) L. Ruet, L'usage du français n'est-il plus obligatoire en France s'agissant des marchés réglementés ?, Bulletin Joly Bourse, mars-avril 2001, p.145.
(6) RG AMF, art. 212-8, III, 1° (N° Lexbase : L5273G8S).
(7) RG AMF, art. 212-8, III, 2°.
(8) Considérant 18 de la directive dite "prospectus".
(9) J.M. et P. Mousseron, La langue du Contrat, Mélanges Cabrillac, Dalloz-Litec, 1999, p. 218.
(10) J.M. et P. Mousseron, précités. Ils citent à titre d'exemple le terme "termination" généralement traduit par résiliation mais qui pourrait tout aussi bien viser d'autres hypothèses de fin de contrat.
(11) CE, 20 décembre 2000, n° 213415, M. Géniteau (N° Lexbase : A1940AIP). Le Conseil d'Etat avait été saisi par un épargnant qui estimant que les dispositions des règlements violaient la loi n° 94-665 du 4 août 1994, relative à l'emploi de la langue française (N° Lexbase : L5290GUH), en ce qu'elles ouvraient la possibilité aux émetteurs de rédiger leurs prospectus dans une langue financière usuelle en matière financière et leur permettaient de n'établir qu'un résumé en langue française. Or, l'article 2 de la loi "Toubon" dispose que, "dans la désignation, l'offre, la présentation, le mode d'emploi ou d'utilisation, la description de l'étendue et des conditions de garantie d'un bien ou d'un service [...] l'emploi de la langue française est obligatoire". Plus loin, l'article 4 dispose que dans tous les cas où les mentions, annonces et inscriptions prévues, notamment à l'article 2 "sont complétées d'une ou plusieurs traductions, la présentation en français, doit être aussi lisible, audible ou intelligible que la présentation en langue étrangère" Sans qualifier précisément la nature du prospectus, le Conseil d'Etat avait estimé qu'il tombait sous le coup de cet article 2. Afin de se conformer à cet arrêt, la COB avait logiquement indiqué "qu'elle n'apposerait désormais plus son via sur des prospectus établis par des émetteurs tant français qu'étrangers que s'ils ne sont rédigés intégralement en Français". Un prospectus pouvait donc, suivant la jurisprudence du Conseil d'Etat, être rédigé en version bilingue français/anglais, sous réserve que la version française soit aussi lisible et intelligible que la version anglaise. Face aux risques de pertes de compétitivité du marché parisien en raison d'un surcoût et d'une perte de temps liés à la traduction, le législateur avait ainsi complété l'article L. 412-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L8024HBS) : "ce document doit être rédigé en français ou, dans les cas définies par le règlement mentionné ci-dessus, dans une autre langue usuelle en matière financière. Il doit alors être accompagné d'un résumé rédigé en français dans les conditions déterminées par le même règlement" (loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 dite "Murcef" N° Lexbase : L0256AWE).
(12) Voir H. de Vauplane et J.-J. Daigre, MURCEF, Prospectus, Utilisation de la langue Française, Banque et Droit, janvier-février 2002.

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Sociétés

[Manifestations à venir] Garanties de passif et d'actif

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N9267AI3

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Le 07 Octobre 2010

Edition Formation Entreprise (EFE) organise, les 6 et 7 décembre 2005, une formation sur le thème des "Garanties de passif et d'actif". Cette formation a, notamment, pour objectif d'encadrer avec précision le périmètre de la cession, de cerner les "bonnes clauses". En outre, elle permettra d'identifier les moyens amenant à assurer l'exécution de la garantie et de gérer au mieux le contentieux. Enfin, elle a, aussi, pour but de minimiser le risque fiscal, et de mesurer l'impact du régime fiscal sur les modalités à prévoir, comme l'indemnité ou la réduction de prix.
  • Programme

- Mardi 6 décembre 2005 : Rédigez des garanties de passif et d'actif efficaces

Quelle nécessité de négocier une convention de garantie ?
Décrire avec précision l'objet et le périmètre de la cession : la rédaction des déclarations
Encadrez l'étendue de votre garantie : quelles limites ? Quelles exceptions ? Quelle coopération garant / acheteur ?
L'impact des due diligences sur la négociation de la garantie : identifiez les domaines à risque et les informations stratégiques
La "garantie de la garantie" : comment se couvrir d'une insolvabilité éventuelle du vendeur ?
Comment assurer la mise en jeu de la garantie ? Contentieux de la garantie : comment le gérer et le limiter ?

- Mercredi 7 décembre 2005 : Optimisez fiscalement vos garanties de passif et d'actif

Le risque fiscal : quelles précautions prendre dans la rédaction de la garantie ?
Une approche de la problématique fiscale : l'indemnisation d'un préjudice fiscal
Indemnité de la garantie et TVA
Opérations internationales : comment minimiser les risques juridiques et fiscaux ?
Cession de contrôle et garantie de passif : identifiez les domaines à risque
L'impact du régime fiscal sur les modalités à prévoir : indemnité ou réduction de prix ? Quelles sont les incidences fiscales d'une clause de garantie ?
Quelles sont les incidences fiscales d'une clause de réduction de prix ?

  • Prix

1 jour : 950 euros H.T.
2 jours : 1 600 euros H.T.

  • Lieu

Paris

  • Renseignements / Inscriptions

EFE
50, av. de la Grande Armée
75848 Paris Cedex 17
Tél. : 01 44 09 17 58
Courriel : info@efe.fr

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Bancaire

[Jurisprudence] L'obligation de loyauté du banquier mandataire

Réf. : CA Paris, 3ème ch., sect. B, 30 septembre 2005, n° 96/12548, Société anonyme Crédit Lyonnais c/ Monsieur Bernard Tapie (N° Lexbase : A6115DKP).

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N9275AID

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Le 07 Octobre 2010

L'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris, le 30 septembre dernier, dans la célèbre affaire Adidas, est à bien des égards exceptionnel. La notoriété des parties, et la médiatisation de cette affaire (2), où pas moins de trois professeurs de droit, parmi les plus éminents, ont été consultés, lui donnent déjà un caractère extraordinaire. Mais c'est surtout l'ampleur des dommages-intérêts mis à la charge de la banque -135 millions d'euros-, et le fondement d'une telle indemnisation -la déloyauté-, qui gravera les mémoires. En l'espèce, une banque avait financé, en 1990 et 1991, la totalité de l'acquisition de 78 % du capital d'une société, dont 30 % par l'entremise de sa filiale. En décembre 1992, un mémorandum signé par l'acquéreur et la filiale de la banque décide la vente de la société et le remboursement de la banque : un contrat étant conclu quatre jours plus tard pour confier à la filiale de la banque la vente de la participation détenue par l'acquéreur au prix de 2 milliards 85 millions de francs. En février 1993, la cession de la participation à divers acquéreurs intervient pour le prix global convenu, mais l'un des acquéreurs se fait consentir une promesse de vente de la totalité du capital de la société pour 4 milliards 650 millions de francs, valable jusqu'au 31 décembre 1994. Celui-ci lève l'option 8 jours avant l'échéance, et moins d'un an plus tard introduit en bourse cette société avec une valorisation de 11 milliards de francs. Entre-temps le cédant et les différentes sociétés de son groupe devaient cesser leurs paiements et tomber en liquidation judiciaire. Le tribunal de commerce de Paris, le 7 novembre 1996, condamne la banque à verser une provision 91 millions d'euros, tandis que devant les juges d'appel, le 8 juin 2005, le parquet général stigmatise le "manque de transparence, de loyauté et de fidélité" de la banque envers son client.

On ne s'étendra pas ici sur les questions procédurales. Signalons simplement que si le débiteur est représenté par son liquidateur et ne peut être partie à l'instance ni intervenir à titre principal, son intervention volontaire accessoire, au sens de l'article 330 du Nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L2544ADL), est recevable en ce qu'elle est justifiée par son intérêt à voir réduit le passif de sa liquidation judiciaire. Les juges parisiens considèrent en outre que "le droit d'intervenir [des époux débiteurs], dans une procédure qui aura nécessairement des incidences sur la procédure collective dont il font l'objet à titre personnel et les conséquences de celle-ci non seulement patrimoniales, mais personnelles constitue un droit fondamental justifiant leur intervention".

Sur la responsabilité des banques, qui retiendra singulièrement l'attention, une première question se posait liminairement à la cour : celle de la qualification juridique des relations existant entre les banques et le cédant. Pour la cour d'appel de Paris, "l'utilisation répétée, par les parties, du mot mandat exprime leur volonté de qualifier leurs relations et la mission confiée, de mandat d'intérêt commun à titre onéreux irrévocable pour la période considérée". Et d'ajouter que "la lettre même des conventions caractérise le mandat ainsi que les opérations prévues [qui] correspondent parfaitement au contrat régi par les articles 1984 et suivants du Code civil (N° Lexbase : L2207ABD)". Pour leur décharge, les banques ont pu soutenir qu'il ne s'agissait que d'une simple promesse de vente, voire d'un contrat d'entreprise. Mais de telles qualifications ne pouvaient à la vérité prospérer. Comme le relève très pertinemment la cour, une promesse de vente suppose un bénéficiaire dénommé ; un contrat d'entreprise, une absence de représentation et des actes matériels.

Le contrat ainsi qualifié de "mandat" est loin d'être neutre pour la recherche de la solution (2). Il emporte pour le mandataire, ainsi que le rappelle la cour, "l'obligation de loyauté, de transparence, d'information, de rendre compte et l'obligation visée à l'article 1596 du Code civil (N° Lexbase : L1681ABU), sous forme d'interdiction pour le mandataire de se porter acquéreur lui-même ou par personne interposée, des biens qu'il est chargé de vendre".

La question de la qualification étant réglée, se posait celle des personnes tenues au respect des obligations en découlant. Or, la banque avait financé les différentes participations acquises par les cessionnaires -au rang desquels figuraient des propres filiales de la banque-, tout en s'abstenant d'informer son mandant. Plus précisément, sur le fait qu'un repreneur était disposé à acheter à un terme de deux ans au plus, pour un prix de 4 milliards 485 millions de francs, à comparer aux 2 milliards 85 millions de francs du mandat, et qu'elle-même était prête à financer l'opération.

Pour les juges d'appel, la banque "en se portant contrepartie par personnes interposées et en n'informant pas loyalement son client n'a pas respecté les obligations résultant de son mandat". Dès lors, le préjudice subi par le mandant doit être réparé.

Dans son principe, la solution posée par l'arrêt du 30 septembre 2005 doit, naturellement, recevoir approbation. A la question de savoir si le banquier mandataire peut réaliser une plus-value au préjudice de son client, en rachetant pour lui-même -fût-ce indirectement-, pour revendre, à l'insu du mandant, pour percevoir la plus-value de la cession au lieu et place de celui-ci, les juges parisiens ont, en effet, parfaitement répondu. Dans un arrêt qui a été largement commenté (3), la Cour de cassation a, d'ailleurs, déjà pris position sur ce point. Elle a, ainsi, pu décider, s'agissant d'un dirigeant mandaté pour reclasser la participation d'un associé, que le fait d'acquérir lui-même les titres à un certain prix, tout en s'abstenant d'informer le cédant des négociations parallèles qu'il avait engagées par l'entremise d'une banque pour la vente des mêmes actions à un prix très supérieur, caractérisait un manquement à son devoir de loyauté ; ce seul motif, permettant de retenir l'existence d'une réticence dolosive à son encontre. Evidemment, le fait que le mandant ait accepté la cession au prix qu'il conteste, par la suite, ne peut lui être opposé ; les Hauts magistrats observant, justement, que s'il avait été informé des négociations en cours, il n'aurait pas cédé ses actions à ce prix là (4). La situation du banquier mandataire n'a probablement pas la même nature ; l'exigence de loyauté du dirigeant social n'étant pas forcément celle du banquier. Mais, ce dernier est un professionnel aux obligations renforcées en matière de conflits d'intérêts, et la situation n'est pas si différente car dans les deux cas un mandat de cession est donné en confiance.

Cela étant, plusieurs questions viennent, quand même, à l'esprit. Normalement, la réticence dolosive du banquier mandataire devrait entraîner l'annulation de la cession. Certes, revenir au statu quo ante est assez inextricable s'agissant, ici, de titres admis aux négociations sur un marché réglementé, et on peut comprendre que les juges ne se soient pas engouffrés, plus avant, dans cette voie. D'autant qu'aujourd'hui, la capitalisation boursière d'Adidas est estimée à 5,9 milliards d'euros (5). Mais dans son principe, l'impossibilité technique de prononcer la nullité empêche-t-elle vraiment une réparation équivalente à celle qui résulterait des restitutions si la nullité était possible ?

Par ailleurs, parmi les obligations s'imposant au banquier mandataire existe, suivant le droit commun (6), celle qui l'oblige à mettre son mandant en mesure d'apprécier la bonne exécution de son mandat. Notamment, en lui rendant compte de sa gestion et, en lui faisant raison de tout ce qu'il a reçu en vertu de sa procuration ; quand bien même ce qu'il aurait reçu n'eût point été dû au mandant (7). On voit mal, dès lors, comment, en l'espèce, une clause de confidentialité a pu empêcher les partenaires de l'opération, dont la banque, de révéler ce qu'elle a effectivement gagné dans l'opération. Cela commandait, à tout le moins, de rechercher si cette clause n'était pas contemporaine du mandat. Le défaut de rendre compte pouvant aussi être constitutif du délit d'abus de confiance, il aurait été encore possible à l'autorité judiciaire (8), agissant dans le cadre d'une procédure pénale (9), d'obtenir du banquier les renseignements de nature à établir l'infraction (10). Mais il n'apparaît pas que les instances pénales en cours, qui dans cette affaire, ont donné lieu à une ordonnance de non-lieu partiel, aient permis d'obtenir une telle information.

Le raisonnement des juges, concernant le quantum, peut paraître, enfin, assez elliptique. Et ce, aussi bien sur la méthode d'actualisation que sur le calcul proprement dit. En effet, après avoir observé que "l'indice INSEE du coût de la vie depuis le 1er janvier 1995 a augmenté de 16,5 %, l'indice CAC 40 de 137 %, l'action Adidas de 370 %, une somme placée à taux fixe, à 7,5 % en 1995 à intérêt composé, de 206 %", les juges retiennent, sans plus d'explication, une actualisation correspondant à une augmentation de 202 %. Le calcul, lui-même, est aussi curieux : la différence entre le prix de cession de la participation en décembre 1994 (3 milliards 498 millions) et celui de février 1993 (2 milliards 85 millions), dont le tiers serait revenu au cédant, ne lui donne pas la somme de 438 000 000 francs, mais celle de 470 952 900 francs. Une actualisation à 202 % devrait alors déboucher sur des dommages-intérêts à hauteur de 145 156 715 euros et non pas de 135 000 000 euros.

Quoi qu'il en soit, ces chiffres, qui donnent le vertige même aux magistrats les plus aguerris, aboutissent à des dommages-intérêts considérables. Surtout pour le contribuable qui en assumera finalement la charge. Il n'est pas sûr pourtant, ainsi que le relèvent les juges, qu'ils soient suffisants pour permettre au débiteur de rembourser la totalité de ses dettes. Autant de raisons qui donnent à penser que l'arrêt du 30 septembre 2005 n'est peut-être pas l'épilogue judiciaire de cette affaire.

Richard Routier
Maître de Conférences à l'Université du sud Toulon-Var


(1) Libération, 12 novembre 2004 ; Le Monde, 9 juin 2005 ; L'Express, 13 juin 2005.
(2) Sur la responsabilité du banquier mandataire dans les mandats de cession : v. R. Routier, Obligations et responsabilités du banquier, spéc. n° 511.71, Dalloz référence (sous presse).
(3) Cass. com., 27 février 1996, n° 94-11.241, Vilgrain c/Alary (N° Lexbase : A2401ABK) ; D. 1996, somm. p. 342, obs. J.-C. Hallouin, Jur. p. 518, note Ph. Malaurie et p. 591, note J. Ghestin ; Defrénois 1996, p. 1205, note Y. Dagorne-Labbe ; JCP éd. N 1996, p. 1050, note J. Ghestin, et JCP éd. E 1996, n° 27, p. 168, note D. Schmidt et N. Dion ; LPA 17 févr. 1997, n° 21, p. 7, note D.-R. Martin ; JCP éd. E 1998, n° 39, p. 1486, note B. Daille-Duclos.
(4) Cass. com., 27 février 1996, précité.
(5) L'actualité des Fusions-Acquisitions, n° 135, 6 mai 2005.
(6) C. civ., art. 1984 s. (N° Lexbase : L2207ABD).
(7) C. civ., art. 1993 (N° Lexbase : L2216ABP).
(8) Cass. crim. 27 avril 1994, n° 93-82.976, Khalef Dalil (N° Lexbase : A8372ABP), D. 1994, p. 402, note C. Gavalda ; Bull. Joly Bourse 1994, p. 469, note T. Bonneau.
(9) C. pén., art. 132-22 (N° Lexbase : L2301AM8), obligeant les établissements financiers à communiquer aux organes de la juridiction répressive tous "renseignements utiles de nature financière ou fiscale, sans que puisse être opposée l'obligation au secret".
(10) TGI Paris, 20 nov. 1990, D. 1992, somm. p. 31, obs. M. Vasseur. CA Toulouse, 8 février 1993, Dr. et patr. 1993, n° 6, p. 37.

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