La lettre juridique n°431 du 10 mars 2011 : Avocats/Champ de compétence

[Focus] Avocat mandataire en transactions immobilières : modalités pratiques

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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la rédaction

le 27 Mars 2014

Historiquement, c'est la loi "Hoguet" du 2 janvier 1970 (loi n° 70-9 N° Lexbase : L7536AIX) qui est venue réglementer les activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, et vise essentiellement les agents immobiliers. Professionnel de l'immobilier, l'agent immobilier doit, pour exercer son activité remplir certaines conditions requises par la loi. Sont visées certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce exercées par les personnes physiques ou morales qui, de manière habituelle, se livrent ou prêtent leur concours aux opérations portant sur les biens d'autrui relatives notamment à :
- l'achat et la vente d'immeubles, la conclusion de contrats de location d'immeubles ;
- l'achat, la vente et la location de fonds de commerce ;
- la souscription, l'achat, la vente d'actions ou de parts de sociétés immobilières ;
- l'achat, la vente de parts sociales non négociables lorsque l'actif social comprend un immeuble ou un fonds de commerce ;
- la gestion immobilière.
Toutefois, l'article 2 de la loi prévoit qu'elle ne s'applique pas aux avocats "pour les opérations qu'ils sont régulièrement habilités à réaliser dans le cadre de la réglementation de leur profession" en considération du contrôle dont leur activité professionnelle fait l'objet ainsi que des garanties financières qu'ils offrent pour l'exercice de cette activité. La France n'est pas la première à avoir permis à ses avocats d'exercer cette activité : en Belgique, au Danemark, en Espagne ou encore aux Pays-Bas, cette activité est, parfois depuis plus de dix ans, accessibles à d'autres professions (que les agents immobiliers) et notamment aux avocats. Il en est naturellement de même dans les pays de Common Law, où les solicitors ont une activité bien plus large que les avocats français, ou aux Etats-Unis, puisque dans la majorité des Etats, l'avocat est autorisé à exercer l'activité d'entremise immobilière sans avoir de licence d'agent immobilier.

C'est le conseil de l'Ordre du barreau de Paris qui, le premier, est venu, le 21 avril 2009, préciser les modalités d'intervention de l'avocat mandataire en transactions immobilières par l'adoption d'un nouvel article P.6.2.0.4 ainsi que de l'annexe XV du règlement intérieur du barreau de Paris. Le Conseil national des barreaux a considéré, les 5 et 6 février 2010, que cette mission de mandataire en transactions immobilières entre dans le champ d'activité des avocats.

Lexbase Hebdo - édition professions vous propose cette semaine de revenir sur les modalités d'exercice de cette activité.

Un avocat peut-il recevoir un mandat de rechercher pour le compte d'un client un acquéreur ou un vendeur, plus généralement un co-contractant, et de négocier la conclusion de l'acte juridique objet du mandat ? Pour répondre à cette question, le CNB a pris un avis, adopté en assemblée générale du 6 février 2010, afin de rappeler les limites de l'intervention de l'avocat tenant au caractère accessoire de cette activité dans le cadre d'un mandat confié à l'avocat par son client. Cette activité rentre parfaitement, selon le CNB, dans le cadre de celles qui sont décrites et balisées par le règlement intérieur national (N° Lexbase : L4063IP8). En effet, l'article 6.3 du RIN prévoit que l'avocat peut recevoir mandat de "négocier, d'agir et de signer au nom et pour le compte de son client".

L'avocat peut donc exercer l'activité de mandataire en transactions immobilières dans les limites autorisées par la loi (vente d'immeubles). Mais il doit en faire la déclaration à l'Ordre par lettre adressée au Bâtonnier. Cette activité doit être pratiquée en vue de la rédaction d'un contrat ou avant-contrat et constitue pour l'avocat une activité accessoire. A cet égard, l'avocat doit ouvrir un sous-compte spécial à la Carpa pour accomplir sa mission de "mandataire en transactions immobilières" soumis au contrôle de l'Ordre.

Dans son activité de mandataire en transactions immobilières, l'avocat reste tenu de respecter les principes essentiels de sa profession et les règles du conflit d'intérêts ; il ne pourra intervenir que pour l'une des parties et ne percevra des honoraires que de celle-ci.

Exercice à titre accessoire. L'article 111 a) du décret du 27 novembre 1991 (décret n° 91-1197 N° Lexbase : L8168AID) dispose que "la profession d'avocat est incompatible avec toutes les activités à caractère commercial, qu'elles soient exercées directement ou par personne interposée". Ce texte n'interdit pas à l'avocat d'intervenir en qualité de mandataire en transactions. Il lui interdit toutefois d'exercer cette activité, si ses conditions et ses modalités d'exercice lui confèrent un caractère commercial. Tel n'est pas le cas si l'activité de mandataire en transactions reste une activité accessoire exercée en vertu d'un mandat de nature civile. L'avocat ne peut accepter le mandat de rechercher pour un client un acquéreur à un bien ou un bien pour son client et de négocier cette transaction que si cette mission est accessoire à une mission principale : assistance de son client dans le cadre d'un litige (règlement des conséquences patrimoniales d'un divorce ou d'une succession par exemple...), analyse de la situation en vue de lui apporter des conseils (audit professionnel, patrimonial, fiscal, création ou transmission d'entreprise, etc.), ou rédaction d'actes. Ceci implique qu'il ne peut agir que pour l'une des parties à la transaction envisagée et exclut toute activité de courtage qui le ferait tomber dans la commercialité.

Nécessité d'un mandat. Comme le prévoit l'article 6.3, alinéa 2, du RIN, l'avocat intervenant comme mandataire en transactions doit signer préalablement avec son client un mandat écrit. Le mandat doit déterminer la nature, l'étendue, la durée de la mission de l'avocat, les conditions et modes d'exécution de la fin de celle-ci. Le mandat doit prévoir précisément les modalités de la rémunération de l'avocat. Celle-ci ne peut être qu'à la charge exclusive de son client.

Le respect des principes essentiels. L'avocat qui exerce en qualité de mandataire en transactions doit respecter les principes essentiels rappelés à l'article 1.3 du RIN.

La publicité nécessaire à la bonne exécution du mandat de transaction pourra être faite à l'intérieur du cabinet ou à l'extérieur de celui-ci par la parution d'annonces notamment sur le site internet ou par panonceaux. Toutefois, l'affichage dans une vitrine formant devanture de boutique est interdit. La création de groupements destinés à mettre en commun des moyens permettant une meilleure diffusion de l'information sur les offres est permise, mais elle devra être portée à la connaissance du ou des Ordres des avocats concernés, les statuts ou règlements devant y être déposés. La publicité faite aux offres d'achats, de ventes ou de locations de biens, dont la transaction a été confiée à l'avocat doit avoir pour seul objet l'opération concernée.

La responsabilité encourue. Sur la base des règles rappelées ci-dessus, la responsabilité que peut encourir l'avocat lorsqu'il exerce l'activité de mandataire en transactions immobilières est multiple. Il peut tout d'abord engager sa responsabilité civile de droit commun -contractuelle ou délictuelle-. En effet, aux termes de son mandat, l'avocat est contractuellement responsable à l'égard de son client. De plus, comme l'a relevé Maître Chantal Meininger-Bothorel, lors d'un point présenté au conseil de l'Ordre du barreau de Paris en avril 2010, l'avocat doit, en outre, à son client un accompagnement matériel : réalisation d'un audit juridique ou technique du bien, organisation de visites, recherche de crédits, etc.. Il doit également "une sécurité juridique distincte de celle due en matière de rédaction d'actes puisqu'il a ici une double obligation d'information et de contrôle". L'obligation d'information est, ici, classique : l'avocat a le devoir se renseigner pour informer son client. L'obligation de contrôle, selon Maître Meininger-Bothorel, est plus large car en tant que mandataire en transactions immobilières, l'avocat va devoir vérifier la capacité, le consentement et le pouvoir des parties, ainsi que la conformité du bien avec sa désignation, l'existence éventuelle d'une interdiction préfectorale ou la solvabilité de l'acquéreur, etc..

Outre sa responsabilité civile, l'avocat mandataire peut voir engagée sa responsabilité disciplinaire, en cas, bien évidemment, la violation du secret professionnel ou encore des dispositions déontologiques inhérentes à la profession (violation des règles de conflits, acte de démarchage, etc.).

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