La lettre juridique n°431 du 10 mars 2011 : Marchés publics

[Doctrine] Avocats : comment se porter candidat aux marchés publics de prestations juridiques ?

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par Vincent Corneloup, Avocat associé, spécialiste en droit public, docteur en droit public, SCP Dufay-Suissa-Corneloup

le 14 Mars 2012

Les avocats sont des opérateurs économiques qui fournissent des prestations de service. Dès lors, comme tout opérateur économique, ils ne peuvent pas intervenir librement pour le compte des personnes publiques et, notamment, les collectivités territoriales. Le seuil de la mise en concurrence ayant été ramené à 4 000 euros par le Conseil d'Etat dans une décision rendue le 10 février 2010 (CE 2° et 7° s-s-r., 10 février 2010, n° 329100 N° Lexbase : A7061ERX) (1), au-delà de ce dernier montant, les collectivités territoriales doivent susciter le dépôt d'offres et comparer celles-ci. Si le montant annuel estimé de la prestation demeure peu élevé, 5 000 euros par exemple, il est possible pour le pouvoir adjudicateur de se contenter de demander des devis à trois avocats ou plus. Mais lorsque la prestation est d'un montant plus élevé, une consultation plus vaste s'impose, par le biais d'une publicité préalable et d'une procédure de mise en concurrence auxquelles les avocats intéressés devront se plier. Cette procédure restera toujours assez simple. En effet, quel que soit le montant de la prestation en cause, c'est une procédure adaptée qui sera suivie, aucune procédure formalisée (du type appel d'offre) n'étant obligatoire à propos des marchés de prestations juridiques (en application des articles 29 N° Lexbase : L2693ICQ et 30 N° Lexbase : L2220IGC du Code des marchés publics). L'objet de la présente analyse est de rappeler la procédure applicable en la matière à tous les avocats qui souhaiteraient présenter leur candidature à des personnes publiques lorsqu'elles organisent des consultations, ce qui les fait entrer dans un domaine qui, hormis pour les avocats intervenant régulièrement ou exclusivement en droit public, leur est souvent étranger (étant précisé que les besoins en droit privé des collectivités territoriales sont loin d'être négligeables : gestion du domaine privé, gestion des services publics industriels et commerciaux, etc.). Pour répondre à une consultation de prestations juridiques, l'avocat devra tenir compte de deux types de contraintes : celles relatives à tout opérateur économique (I), et celles spécifiques à la profession d'avocat (II).

I - Les contraintes relatives à tout opérateur économique

Il est impératif que l'avocat candidat à un marché public troque momentanément sa casquette d'auxiliaire de justice contre celle d'opérateur économique afin de présenter sa candidature conformément aux exigences du pouvoir adjudicateur.

- Distinction de la candidature et de l'offre

L'avocat devra présenter sa candidature pour démontrer qu'il est en mesure d'être titulaire du marché, c'est-à-dire qu'il a la structure juridique idoine, l'expérience requise, et les capacités financières, matérielles et humaines nécessaires. Ensuite, il devra présenter son offre pour démontrer qu'il fait la meilleure proposition sur le fond pour répondre précisément aux besoins du pouvoir adjudicateur en cause (il montrera alors qu'il est le moins cher et/ou le plus diligent et/ou le plus compétent, etc.). Sur ce point, il n'y a pas à proprement parler de règles à respecter, si ce n'est de tenir impérativement compte des demandes du pouvoir adjudicateur formulées en principe dans le règlement de la consultation et d'être le meilleur.

- Les déclarations du candidats (formulaires DC) DC1 et DC2

Pour présenter sa candidature, l'avocat devra, en principe, renseigner deux documents : les DC1  et DC2  (qui, jusqu'au 16 septembre 2010, étaient les DC4 et DC5) (2). Ces deux documents permettent de fournir des informations nécessaires à propos de la candidature sans avoir à multiplier les attestations diverses et variées. A ce titre, il faut savoir que ces documents (téléchargeables, avec une notice d'emploi, sans difficulté sur internet s'ils ne sont pas remis par le pouvoir adjudicateur) peuvent être utilisés par l'avocat pour présenter sa candidature, même si le pouvoir adjudicateur ne les vise pas. Mais, le plus souvent, la question ne se pose pas puisque la grande majorité des personnes publiques exige que ce soit ces deux formulaires qui soient utilisés, exigence à laquelle tout candidat potentiel devra se plier (de bonne grâce puisqu'il faut insister sur le fait qu'ils vont lui faciliter la tâche).

Le DC1 est la lettre de candidature par laquelle l'avocat se présente et indique s'il intervient seul ou en groupement (un avocat pouvant répondre à un marché public avec des confrères pour apporter une réponse sur toutes les branches du droit, ou pour pouvoir couvrir tout le territoire concerné). Il contient, également, une déclaration sur l'honneur par laquelle l'avocat indiquera qu'il n'entre pas dans un des cas l'interdisant de soumissionner prévus à l'article 43 du Code des marchés publics (N° Lexbase : L2703HPS). Le DC1 atteste aussi (car c'est le seul à être signé par le candidat) de l'exactitude de l'ensemble des renseignements fournis dans le formulaire DC2 qui doit, également, être transmis.

Pour sa part, le DC2 présente un contenu plus fourni. En effet, c'est avec ce document que l'avocat va porter à la connaissance du pouvoir adjudicateur notamment les éléments suivants :

- forme juridique du candidat (opérateur individuel, SCP, SELARL, etc.) ;

- personne habilitée à présenter une offre (le gérant d'une SCP, par exemple) ;

- chiffre d'affaires hors taxes des trois derniers exercices disponibles et pourcentage de ce chiffre d'affaires pour des prestations similaires à celle faisant l'objet de la consultation ;

- attestation sur l'honneur de ne pas être en redressement judiciaire sans habilitation à poursuivre l'activité durant la durée d'exécution du marché ;

- et, en annexe, l'ensemble des renseignements ou documents demandés dans l'avis public à la concurrence (c'est-à-dire la publicité), le règlement ou la lettre de consultation, justifiant des capacités professionnelles, techniques et financières de l'avocat candidat, de ses éventuels co-traitants ou sous-traitants.

Cette annexe du DC2 est essentielle puisque c'est dans son cadre que l'avocat pourra (en fonction de la demande précise qui sera faite par le pouvoir adjudicateur à ce propos) montrer qu'il a l'expérience, l'équipe, et les références nécessaires pour mener éventuellement à bien les missions qui pourraient lui être confiées. Cette annexe doit donc faire l'objet du plus grand soin de la part de l'avocat candidat (voir, à ce propos, ci-dessous, les contraintes spécifiques à la profession d'avocat).

Il est essentiel de relever qu'aucun autre document n'a à être fourni au stade de la candidature (hormis en ce qui concerne spécifiquement la profession d'avocat), sauf si le pouvoir adjudicateur prend (illégalement) des libertés par rapport à l'arrêté du 28 août 2006, fixant la liste des renseignements et des documents pouvant être demandés aux candidats aux marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs (N° Lexbase : L6697HKA), portant application de l'article 45 du Code des marchés publics (N° Lexbase : L0605IDR), qui fixe la liste des renseignements ou documents pouvant être demandés aux candidats pour évaluer leur expérience et leurs capacités professionnelles, techniques et financières.

- Le NOTI2

C'est uniquement si son offre est retenue et qu'il est pressenti pour devenir titulaire du marché que l'avocat devra présenter le formulaire NOTI2 (ancien DC7) par lequel il justifiera de la régularité de sa situation fiscale et sociale (la fourniture de ce document évite d'avoir à présenter toutes les attestations et certificats fiscaux et sociaux). Pour ce faire, l'avocat doit se procurer (sur internet) le formulaire NOTI2 qu'il transmettra dûment complété au Trésorier payeur général ou au receveur général des finances qui indiquera, après vérifications auprès de toutes les administrations concernées, que la situation fiscale et sociale de l'avocat est régulière. Même si ce document visé par le Trésorier payeur général ou le receveur général des finances n'aura à être fourni éventuellement qu'après l'analyse des offres par le pouvoir adjudicateur, il est vivement recommandé de le solliciter à chaque début d'année civile pour pouvoir en disposer en temps voulu.

II - Les contraintes spécifiques à la profession d'avocat

L'avocat n'est pas un opérateur économique comme les autres et devra, à ce titre, se plier à quelques contraintes spécifiques. Le plus souvent, le pouvoir adjudicateur lui demandera la preuve qu'il est inscrit à l'un des barreaux français et, éventuellement, qu'il possède la (ou les) spécialisation(s) qu'il revendique. Dans la mesure où la réponse à des consultations doit souvent se faire en urgence (parfois le délai de réponse entre la date à laquelle a lieu la publicité et la date de remise des offres n'est que de trois semaines, voire parfois seulement de deux semaines, l'avocat pouvant n'avoir connaissance de cette publicité que tardivement), il est vivement recommandé à tout avocat intéressé de demander à l'avance les attestations correspondantes à son Ordre. Il en va de même pour l'attestation d'assurance (indiquant le montant des sinistres couverts) qui est parfois demandée et qui doit être communiquée au préalable par l'Ordre des avocats concerné, l'assurance étant, en effet, contractée collectivement par le biais des Ordres. Si l'avocat dispose d'une assurance complémentaire qui lui est propre, il devra, également, le cas échéant, produire une attestation.

La spécificité la plus marquante en ce qui concerne la profession d'avocat est relative aux références professionnelles permettant de démontrer que le candidat a une expérience suffisante pour pouvoir prétendre à l'attribution du marché en cause. En effet, le principe étant qu'un avocat ne peut pas dévoiler le nom de ses clients, il doit produire une liste rendue anonyme des clients pour lesquels il a effectué des prestations similaires. Mais la liste peut vite devenir sans intérêt pour le pouvoir adjudicateur si, par exemple, l'avocat se contente d'indiquer qu'il a déjà travaillé pour seize communes, un département et trois établissements publics. Certes, le plus souvent, le pouvoir adjudicateur va demander une description des prestations effectuées au cours des trois dernières années avec l'indication du montant facturé. Mais la précision que l'avocat a travaillé dans le cadre de représentations en justice d'un département pour un montant annuel de 18 000 euros ne va pas avoir un intérêt bien plus grand.

Il est donc recommandé aux avocats de préciser la taille de la collectivité territoriale en cause (un département de 300 000 et 500 000 habitants), sa localisation géographique (dans le nord-est de la France), l'ancienneté des interventions (depuis 1996), le nombre de dossiers pris en charge chaque année (de 5 à 10), le type de dossier (droit des baux), etc..

Par ailleurs, l'avocat a le droit de communiquer le nom de ses clients avec lesquels il a conclu des marchés publics de prestations juridiques similaires, à condition que lesdits clients aient donné "leur accord exprès et préalable" (décision du Conseil national des barreaux du 28 avril 2007, et voir l'article 2.2 du Règlement intérieur national de la profession d'avocat N° Lexbase : L4063IP8) (3). Le pouvoir adjudicateur a, au demeurant, la possibilité d'imposer la communication de l'identité de ces clients (CE 2° et 7° s-s-r., 6 mars 2009, n° 314610 N° Lexbase : A5784EDL).

Il est même possible pour l'avocat de se prévaloir du nom des collectivités pour lesquelles il est intervenu antérieurement en qualité d'associé ou de collaborateur d'un autre cabinet (mais il faut alors que l'avocat en avise son ancien cabinet). Cela suppose, évidemment, une sollicitation des clients concernés à l'avance pour que l'avocat puisse fournir leurs attestations à temps dans le cadre des consultations auxquelles il répond.

En conclusion, pour bien répondre à un marché public, un avocat devra donc veiller à :

- fournir précisément tous les renseignements et documents demandés par le pouvoir adjudicateur, étant précisé que le plus souvent, ce sont toujours les mêmes ;

- demander à l'avance aux administrations concernées, à son Ordre et, éventuellement, à ses clients, toutes les attestations dont il aura besoin pour présenter sa candidature et qui ne pourront pas être délivrées en urgence lorsque l'avocat aura pris connaissance d'un marché public précis auquel il aura décidé de répondre ;

- au delà de la problématique de sa candidature abordée ici, faire la meilleure offre pour devenir titulaire du marché, ce qui suppose qu'il ait, comme tout opérateur économique, une parfaite conscience de ses atouts et faiblesses comme de ceux de ses concurrents, une bonne connaissance de son marché et surtout celle de sa spécialité dans un ressort géographique déterminé.


(1) Lire nos obs., Marchés publics : l'annulation par le Conseil d'Etat du seuil des 20 000 euros, Lexbase Hebdo n° 145 du 24 février 2010 - édition publique (N° Lexbase : N2516BNI).
(2) Caractéristiques et objectifs des nouveaux modèles de formulaires "déclarations du candidats" en matière de marchés publics - Questions à... Maître Nicolas Nahmias, associé d'AdDen avocats, cabinet d'avocats spécialisé en droit public, Lexbase Hebdon° 173 du 13 octobre 2010 - édition publique (N° Lexbase : N2796BQM).
(3) Le RIN passé au crible de la jurisprudence 2009-2010 - Le secret professionnel, Lexbase Hebdo n° 45 du 22 septembre 2010 - éditions professions (N° Lexbase : N0895BQ9).

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