La lettre juridique n°675 du 10 novembre 2016 : Éditorial

"La ferme !"

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"La ferme !". Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/35728843--i-la-ferme-i-
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

le 10 Novembre 2016


Forte d'un retour en grâce de la ferme générale, avec l'imposition sur le revenu à la source recouvrée par les entreprises dès 2018, la mairesse de notre belle et embouteillée capitale a décidé de tenter l'expérience et d'aller encore plus loin : le retour des gabelous !

Constatant ou pestant contre un trop faible rendement de ses agents municipaux, préposés à la contredanse d'infortune, l'édile souhaite que, désormais, des entreprises privées, trois en l'occurrence selon un marché public à organiser, se chargent de dresser les procès-verbaux afférents aux infractions au stationnement dûment, ou pas d'ailleurs, constatées. En clair, pour faire entrer plus d'argent dans les caisses du Trésor municipal, rien de mieux que de privatiser la maréchaussée. Et ce, d'autant, que les agents actuellement affectés à cette cruelle, mais bien lucrative tâche, seraient alors déployés... à la surveillance des couloirs de bus et autres infractions au dépôt d'ordures ou à l'environnement... bref on reste tout de même dans le même giron : priorité au recouvrement de toujours plus de taxes pénales pour satisfaire les finances de la collectivité.

Certes, ni les entreprises chargées du recouvrement de la taille -pardon de l'impôt sur le revenu-, ni ces nouveaux gabelous, taxant le sel de l'emploi -le moyen d'aller de sa province enclavée à son lieu de travail- ne seront titulaires d'un bail à ferme. Autrement dit, les entreprises n'avanceront pas la recette de la perception à l'Etat ou à la mairie. Mais ne nous y trompons pas : elles seront sinon astreintes à un rendement, du moins tenues à une obligation de résultat quant au versement des deniers hautement espérés. Reste à savoir si ces régies du Nouveau régime percevront une prime sur l'excédent ponctionné par rapport au bail envisagé.

Mais, gardons à l'esprit que "l'art du politique est de faire en sorte qu'il soit de l'intérêt de chacun d'être vertueux" n'est-il pas ? -Claude Adrien Helvétius, fermier général, philosophe et poète de son état, dans Notes, maximes et pensées-.

Et l'article R. 1334-31 du Code de la santé publique pourra également inspirer nos officiers municipaux, s'ils veulent, à coup de matraque pénalo-fiscale, nous obliger à la vertu la plus incorrigible : aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme, dans un lieu public ou privé, qu'une personne en soit elle-même à l'origine ou que ce soit par l'intermédiaire d'une personne, d'une chose dont elle a la garde ou d'un animal placé sous sa responsabilité. Le texte peut prêter à sourire -surtout après quatre mois de travaux acharnés dans notre immeuble rue Ambroise Thomas- ; pourtant, la Cour de cassation ne rit pas -si vous voyez un jour une poilade de nos éminents Hauts magistrats, c'est que le ciel nous tombera sur la tête !- Le 8 mars 2016, la Chambre criminelle, (bien ?) inspirée énonça que les bruits de musique, de rires et d'éclats de voix ne constituent pas des bruits d'activités mais des bruits de comportement relevant de l'article R. 1337-7 du Code de la santé publique et ne nécessitant pas la réalisation de mesure acoustique. Dans cette affaire, une société exploitante d'un restaurant en zone touristique a été poursuivie du chef d'émission de bruit portant atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme par personne morale. La juridiction de proximité a relaxé la société au motif qu'elle était poursuivie sur le fondement des articles R. 1337-10, R. 1334-31 et R. 1334-32 du Code de la santé publique ; que l'article R. 1334 -31 n'était pas applicable aux établissements exerçant une activité professionnelle et que l'article R. 1334-32 du même code dispose que l'atteinte à la tranquillité du voisinage est caractérisée si le bruit est supérieur à certaines valeurs et qu'aucune mesure acoustique n'a été effectuée. A tort selon la Haute juridiction ! Toutefois, on apprenait le 10 octobre 2016 que la juridiction de proximité de Cannes, elle, faisait de la résistance. L'argument est simple : "nul n'est responsable que de son propre fait". Qui du patron ou des clients étai(en)t fautif(s) ? L'affaire n'est donc pas entendue...

On espère simplement que le restaurateur incriminé ne se sera pas compromis dans un "Ah... c'est vous qui vous occupez de mon dossier ? Je préférerais que ce soit un homme, vous voyez. Vous êtes très charmante, ce n'est pas le problème, mais un homme aura plus de poigne pour mener cette affaire" : un de ces propos sexistes que les avocates subissent au quotidien, comme le très courtois : "Comment est votre nouvelle collaboratrice ? - Bof, petits seins et pas de cul... - Je parlais de ses compétences" encore trop répandu, s'il l'on en croit deux avocates qui publient un blog qui, malheureusement, cartonne dans la Profession : "Paye ta robe" ou les chroniques du sexisme ordinaire chez les avocats (titre de l'article consacré par Juliette Branciard, dans Le Monde daté du 4 novembre 2016). Sous couvert d'anonymat, les avocates y recensent l'ensemble des remarques, discriminations, discourtoisies commises, car c'est une infraction le plus souvent, à leur encontre dans le cadre de l'exercice de leur profession. Elles qui rappellent que si les diplômés du barreau sont des femmes à plus de 50 %, seules 20 % d'entre elles accèdent au statut d'associée. Le ton humoristique de la plateforme entend fédérer et libérer la parole des avocates jusque-là tue par honte ou conformisme. On ne dit pas "La ferme" à une avocate... ce serait un comble !

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