La lettre juridique n°409 du 23 septembre 2010 : Procédure

[Textes] La procédure de dématérialisation devant les juridictions du fond

Réf. : Décret n° 2010-434 du 29 avril 2010, relatif à la communication par voie électronique en matière de procédure civile (N° Lexbase : L0190IHI) et arrêté du 5 mai 2010 (N° Lexbase : L3316IKZ)

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par Cédric Tahri, Directeur de l'Institut Rochelais de Formation Juridique (IRFJ), Chargé d'enseignement à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

le 04 Janvier 2011

Après la dématérialisation de la procédure devant la Cour de cassation (1), la Chancellerie a décidé de s'attaquer à la dématérialisation de la procédure civile devant les juridictions du fond (2). Prévisible, cette évolution est le fruit d'un partenariat avec le Conseil national des barreaux (CNB) qui a fait oeuvre de propositions en la matière. En effet, le ministère de la Justice et le CNB ont signé, le 16 juin 2010, le renouvellement de la convention cadre nationale du 28 septembre 2007 organisant l'usage des nouvelles technologies dans le débat judiciaire entre juridictions et avocats, tant en matière civile que pénale. Par cette signature, ils ont rappelé leur implication et manifesté leur volonté commune de poursuivre le développement des échanges par voie électronique et la dématérialisation des procédures dans l'objectif d'apporter à l'ensemble des acteurs de cette communication un gain de temps, une diminution des déplacements, une accélération de la transmission des informations, et une meilleure gestion des affaires. Il faut dire que la dématérialisation de la procédure présente de nombreux avantages. D'abord, le justiciable peut espérer que son dossier soit traité plus rapidement et de manière plus transparente. Ensuite, l'avocat réduit considérablement ses allées et venues au Palais ; il n'est plus contraint par les horaires d'ouverture des greffes. Le magistrat, quant à lui, dispose d'un accès permanent au dossier et à ses pièces sans avoir à passer par le rapporteur de l'affaire. Enfin, les tâches d'accueil et de renseignement du greffe vers les avocats sont allégées puisque les avocats peuvent consulter via e-barreau l'intégralité des informations concernant leur dossier. Autant dire que la communication par voie électronique permet de redonner du temps utile à tous les professionnels du droit concernés. Mais cette évolution vers le "tout numérique" suscite des interrogations, voire même des inquiétudes par certains de ses aspects. D'une part, la dématérialisation trouve ses limites pour les procédures dans lesquelles l'oralité des débats prévaut. D'autre part, cette "révolution culturelle" (3) nécessite un profond changement des pratiques professionnelles.

Aussi, examinerons-nous successivement la dématérialisation de la procédure civile devant les juridictions du premier (I) et du second degré (II).

I - La procédure dématérialisée devant les juridictions du premier degré

Depuis le 1er janvier 2008, tous les tribunaux de grande instance sont équipés en matériel de numérisation. Cependant, les textes réglementaires récents clarifient les modalités d'établissement (A) et de transmission (B) des actes dématérialisés devant les juridictions du premier degré.

A - L'établissement des actes dématérialisés

La lettre du décret du 29 avril 2010. Le décret n° 2010-434 du 29 avril 2010, relatif à la communication par voie électronique en matière de procédure civile, précise que "vaut signature, pour l'application des dispositions du code de procédure civile aux actes que les auxiliaires de justice assistant ou représentant les parties notifient ou remettent à l'occasion des procédures suivies devant les juridictions des premier et second degrés, l'identification réalisée, lors de la transmission par voie électronique, selon les modalités prévues par les arrêtés ministériels pris en application de l'article 748-6 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L8588IAC)". Autrement dit, l'identification de l'auxiliaire de justice réalisée lors de la transmission par voie électronique (RPVA), selon les modalités prévues par arrêté du Garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Libertés, vaut signature.

L'esprit du décret du 29 avril 2010. Adoptées sur proposition du Conseil national des barreaux, les dispositions du décret sont opportunes car les textes antérieurs ne régissent que la transmission des actes de procédure et non leur établissement qui, en vertu des règles de procédure, doit nécessairement s'accompagner d'une signature. Applicables jusqu'au 31 décembre 2014, elles assurent la mise en oeuvre du dispositif avec les règles de procédure, dans l'attente de l'adaptation des applications métiers des juridictions leur permettant de lire la signature électronique apposée au moyen de dispositifs sécurisés de création électronique, telle que prévue au sens du décret n° 2001-272 du 30 mars 2001 pris pour l'application de l'article 1316-4 du Code civil (N° Lexbase : L0630ANN) et relatif à la signature électronique (N° Lexbase : L1813ASX).

B - La transmission des actes dématérialisés

L'arrêté du 7 avril 2009. Devant le tribunal de grande instance, la communication par voie électronique des actes de procédure est prévue par les articles 748-1 (N° Lexbase : L8378IAK) à 748-6 du Code de procédure civile, entrés en vigueur le 1er janvier 2009. Ces dispositions sont précisées par l'arrêté du 7 avril 2009, relatif à la communication par voie électronique devant les tribunaux de grande instance (N° Lexbase : L0193IEU).

Ce dernier fixe les garanties auxquelles devront répondre les envois, remises et notifications de ces actes, des pièces, avis, avertissements ou convocations, des rapports, des procès-verbaux ainsi que des copies et expéditions revêtues de la formule exécutoire des décisions juridictionnelles, "lorsqu'ils sont effectués par voie électronique entre avocats ou entre un avocat et la juridiction, dans le cadre d'une procédure devant le tribunal de grande instance". L'arrêté généralise ainsi à l'ensemble des tribunaux de grande instance l'application des dispositions relatives aux procédés techniques propres à garantir la fiabilité et la sécurité de ces échanges dématérialisés (4), qui avait d'ores et déjà été mises en oeuvre de manière anticipée devant 68 tribunaux de grande instance par l'arrêté du 25 septembre 2008.

Le "ComCi TGI". Le système de communication électronique mis à disposition des agents du ministère de la Justice chargés du traitement et de l'exploitation des informations recueillies ou expédiées par la voie électronique, conformément aux dispositions de l'article 748-1 du Code de procédure civile, est un système d'information fondé sur les procédés techniques d'une messagerie automatisée dénommé "ComCi TGI", composante de l'application informatique de la chaîne civile "WinCi TGI", adossée sur le réseau privé virtuel justice (RPVJ). Son accès est contrôlé par un identifiant strictement personnel (5).

Le RPVA. L'accès des avocats au système de communication électronique mis à disposition des juridictions se fait par l'utilisation d'un procédé de raccordement à un réseau indépendant privé opéré sous la responsabilité du Conseil national des barreaux, dénommé "réseau privé virtuel avocat" (RPVA). Le contrôle de l'accès des avocats au RPVA fait l'objet d'une procédure d'habilitation au moyen d'une application informatique hébergée par une plate-forme de services de communication électronique sécurisée dénommée "e-barreau". Cette plate-forme est opérée par un prestataire de services de confiance qualifié, agissant sous la responsabilité du Conseil national des barreaux. Le RPVA dispose d'un point de terminaison sécurisé autorisant une interconnexion avec le RPVJ. L'interconnexion entre les points de terminaison sécurisés du RPVA et du RPVJ est opérée par un prestataire de services de confiance du Conseil national des barreaux.

A noter, enfin, que les courriers électroniques expédiés par les agents habilités de la juridiction ou les avocats, ainsi que le journal de l'historique des échanges, sont enregistrés et conservés au moyen de dispositifs de stockage mis à disposition de chaque juridiction.

II - La procédure dématérialisée devant les juridictions du second degré

Le décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009, relatif à la procédure d'appel avec représentation obligatoire en matière civile (N° Lexbase : L0292IGW) (A) et l'arrêté du 5 mai 2010 relatif à la communication par voie électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d'appel (B), introduisent la dématérialisation des procédures et fixent les modalités de communication et de transmission électroniques des actes.

A - La procédure d'appel avec représentation obligatoire

Le décret du 9 décembre 2009. Le décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009, relatif à la procédure d'appel avec représentation obligatoire en matière civile, met en oeuvre un grand nombre des préconisations du rapport sur "la célérité et la qualité de la Justice devant la cour d'appel", remis par le Premier Président Magendie au Garde des Sceaux, ministre de la Justice, le 23 juin 2008.

L'obligation de communication par voie électronique. S'agissant de la dématérialisation de la procédure, le texte envisage le cas où un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit. Ainsi, le nouvel article 748-7 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0423IGR) pose que "lorsqu'un acte doit être accompli avant l'expiration d'un délai et ne peut être transmis par voie électronique le dernier jour du délai pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, le délai est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant". Cette disposition, qui sécurise les échanges par voie électronique devant l'ensemble des juridictions, est d'application immédiate. En revanche, les autres dispositions relatives à la communication électronique entreront en vigueur à une date fixée par un arrêté du Garde des Sceaux à paraître ou au plus tard au 1er janvier 2013. Parmi elles, se trouve le nouvel article 930-1 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0362IGI) (6). Selon ce texte, les actes de procédure doivent être remis à la cour d'appel par voie électronique "à peine d'irrecevabilité relevée d'office". Lorsqu'un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, il est établi sur support papier et remis au greffe. En ce cas, la déclaration d'appel est remise au greffe en autant d'exemplaires qu'il y a de parties destinataires, plus deux. La remise est constatée par la mention de sa date et le visa du greffier sur chaque exemplaire, dont l'un est immédiatement restitué. Du reste, l'article 930-1 indique que les avis, avertissements ou convocations sont remis aux avoués des parties par voie électronique, sauf impossibilité pour cause étrangère à l'expéditeur.

B - Les procédures d'appel sans représentation obligatoire

La valse des arrêtés. L'arrêté du 5 mai 2010 relatif à la communication par voie électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d'appel encadre et organise les modalités pratiques liées aux communications effectués par voie électronique entre avocats ou entre un avocat et la juridiction du second degré. Il annule et remplace l'arrêté du 14 décembre 2009 publié six mois plus tôt !

Le contenu de l'arrêté. L'arrêté du 5 mai 2010 dispose que les actes dématérialisés doivent répondre à certaines garanties. Ces garanties concernent la forme des actes de procédure remis par voie électronique (format des fichiers notamment), la sécurité et la fiabilité du système (accès à l'application informatique, procédure d'habilitation), l'identification des parties à la communication électronique (dispositif d'identification, certificat électronique) ainsi que la sécurité des transmissions (confidentialité des informations communiquées).

Le "ComCi CA". Les articles 7 et 8 de l'arrêté indiquent que le système de communication électronique mis à disposition des agents du ministère de la justice chargés du traitement et de l'exploitation des informations recueillies ou expédiées par la voie électronique, conformément aux dispositions de l'article 748-1 du Code de procédure civile, est un système d'information fondé sur les procédés techniques d'une messagerie automatisée, dénommé "ComCi CA", composante de l'application informatique de la chaîne civile "WinCi CA", adossée sur le réseau privé virtuel justice (RPVJ). Son accès est contrôlé par un identifiant strictement personnel. Par ailleurs, lorsqu'un courrier électronique est émis par un service de la cour d'appel et a pour destinataire un auxiliaire de justice, l'utilisateur est authentifié et le courriel mis en forme par "WinCi CA" (7). Le dispositif mis en place présente donc toutes les garanties de fiabilité et de sécurité.

Dès lors, faut-il avoir peur de cette évolution vers le "tout numérique" ? Telle est la question que l'on peut légitimement se poser au terme de cette étude. Un éminent processualiste a écrit : "Avec l'arrivée de la communication électronique, la pratique procédurale deviendra l'utilisation d'un système de traitement automatisé d'informations. On assistera à une substitution de protocoles, le protocole juridique étant contaminé, si ce n'est absorbé, par le protocole informatique. La réglementation procédurale aura des allures de manuel d'utilisation d'un logiciel et les 'décrets de toilette' auxquels les processualistes s'étaient habitués seront remplacés par des mises à jour" (8). Sans doute ne faut-il pas être aussi alarmiste. Certes, la technique informatique bouscule la technique procédurale. Mais c'est vite oublier que le droit a la formidable capacité de s'adapter aux défis de son temps...


(1) La première signification dématérialisée d'un arrêt de la Cour de cassation a été réalisée le 3 décembre 2009. V. l'arrêté du 17 juin 2008 portant application anticipée pour la procédure devant la Cour de cassation des dispositions relatives à la communication par voie électronique (N° Lexbase : L0432INC). Ce texte met en oeuvre l'article 88 du décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005 relatif à la procédure civile, à certaines procédures d'exécution et à la procédure de changement de nom (N° Lexbase : L3298HEU).
(2) Pour la dématérialisation de la procédure pénale, v. décret n° 2007-1388, 26 septembre 2007 (N° Lexbase : L5422HYH), JCP éd. G, 2007, act. 433 ; décret n° 2007-1620, 15 novembre 2007 (N° Lexbase : L2972H3H), JCP éd. G, 2007, act. 570 ; JCP éd. G, 2008, act. 73 ; JCP éd. G, 2008, act. 91.
(3) V. G. Didier et G. Sabatier, Dématérialisation des procédures : une révolution culturelle est nécessaire, JCP éd. G, 2008, I, 118.
(4) Le fonctionnement des échanges sur deux réseaux privés virtuels, le RPVJ et le RPVA, donc en dehors d'Internet, évite toute intrusion de la part de personnes extérieures au système et non autorisées. Il préserve le secret professionnel de l'avocat.
(5) Les fonctions de sécurité du réseau privé virtuel justice (RPVJ) sont spécifiées par l'arrêté du 31 juillet 2000 portant création d'un traitement automatisé d'informations nominatives pour l'ensemble des agents du ministère de la justice relatif à la diffusion interne d'informations au titre de la communication ministérielle (N° Lexbase : L0433IND).
(6) De manière dérogatoire, l'article 15 du décret précise que les dispositions de l'article 930-1 du Code de procédure civile ne sont applicables qu'aux déclarations d'appel et aux constitutions d'avoué afférentes aux appels formés à compter du 1er janvier 2011.
(7) Au 1er juin 2010, l'ensemble des greffes des cours d'appel sont équipés du logiciel communiquant avec "e-barreau".
(8) V. H. Croze, Le progrès technique de la procédure civile, JCP éd. G, 2009, I, 108.

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