La lettre juridique n°286 du 20 décembre 2007 : Baux commerciaux

[Jurisprudence] La portée de l'exigence de l'immatriculation du preneur d'un bail commercial

Réf. : Cass. civ. 3, 11 décembre 2007, n° 06-21.926, Mme Danielle Touche, divorcée Brocher, F-D (N° Lexbase : A0805D39)

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par Julien Prigent, Avocat à la cour d'appel de Paris

le 07 Octobre 2010

Le défaut d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ne peut avoir pour effet que de priver le locataire du droit au renouvellement de son bail. Tel est le rappel opéré par la Cour de cassation dans un arrêt du 11 décembre 2007. En l'espèce, le propriétaire de locaux à usage commercial les avait donnés à bail le 1er juillet 1986. Le 7 août 2001, il avait délivré congé à son preneur pour le 31 octobre 2001 puis l'avait assigné en validité du congé. Les juges du fond ayant fait droit à cette demande, le preneur s'était alors pourvu en cassation, amenant la Haute juridiction à rappeler la portée de l'exigence de la condition de l'immatriculation du preneur d'un bail commercial.

I - La nécessité d'une immatriculation - principe et exceptions

Aux termes de l'article L. 145-1, I, du Code de commerce (N° Lexbase : L5729AIZ), "les dispositions du présent chapitre s'appliquent aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité, que ce fonds appartienne, soit à un commerçant ou à un industriel immatriculé au registre du commerce et des sociétés, soit à un chef d'une entreprise immatriculée au répertoire des métiers, accomplissant ou non des actes de commerce [...]".

Le chapitre visé à cet article est le chapitre V du titre IV du livre Ier du Code de commerce, c'est-à-dire celui relatif au bail commercial.

Le statut des baux commerciaux envisage également son application à certains baux sans évoquer expressément la nécessité d'une immatriculation du preneur. Sont ainsi concernés, notamment :

- les baux de locaux ou d'immeubles accessoires à l'exploitation d'un fonds de commerce quand leur privation est de nature à compromettre l'exploitation du fonds et lorsqu'ils appartiennent au propriétaire du local ou de l'immeuble où est situé l'établissement principal. En cas de pluralité de propriétaires, les locaux accessoires doivent avoir été loués au vu et au su du bailleur en vue de l'utilisation jointe (C. com., art. L. 145-1). Dans cette hypothèse, il n'est pas nécessaire que le preneur soit immatriculé du chef des lieux accessoires (Cass. civ. 3, 30 nov. 1988, n° 87-13.487, Société Hôtel de Lisbonne c/ Société Usit voyages N° Lexbase : A7777AG7). Il doit, en revanche, être immatriculé du chef des lieux constituant un établissement secondaire (Cass. civ. 3, 13 octobre 1999, n° 97-22.258, M. Henri Maillebuau et autres c/ Société Copitherm GMS, société anonyme et autres N° Lexbase : A8955AGR) ;

- les baux des locaux ou immeubles abritant des établissements d'enseignement (C. com., art. L. 145-2 N° Lexbase : L3989HBD), la Cour de cassation ayant précisé que le statut des baux commerciaux est alors applicable quelle que soit la forme juridique sous laquelle le preneur exerce son activité et sans qu'il soit nécessaire qu'il soit immatriculé (Cass. civ. 3, 21 février 2007, n° 06-11.832, FS-P+B N° Lexbase : A4188DUN).

- les baux consentis à des artistes admis à cotiser à la caisse de Sécurité sociale de la maison des artistes et reconnus auteurs d'oeuvres graphiques et plastiques, tels que définis par l'article 98 A de l'annexe III du Code général des impôts (N° Lexbase : L2271HM3) (C. com., art. L. 145-2), la Haute juridiction ayant précisé qu'une activité de création devait être développée dans les lieux loués et qu'il n'était également pas nécessaire, dans ce cas, que le preneur soit immatriculé (Cass. civ. 3, 21 février 2007, n° 06-12.491, FS-P+B+I N° Lexbase : A2689DU7).

La question se pose en dehors de ces cas, lorsque l'immatriculation du preneur pour les lieux loués est exigée, de la portée de cette exigence.

II - Les effets de l'absence d'immatriculation

Les termes de l'article L. 145-1 du Code de commerce semblent ériger l'immatriculation du preneur au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers en une condition de l'application du statut des baux commerciaux.

L'absence d'immatriculation ne peut donc être sanctionnée par la résiliation du bail, sauf stipulation contraire (Cass. civ. 3, 15 mai 1996, n° 94-16.908, Epoux Hulin c/ Mme Deluard N° Lexbase : A9941ABS et Cass. civ. 3, 29 avril 1997, n° 95-11.785, Mme Rebiha Hassani. c/ Mme Germaine Bertrand, née Lecuir N° Lexbase : A6891AHP).

En revanche, il aurait pu être déduit des termes de l'article L. 145-1 du Code de commerce qu'en l'absence d'immatriculation, le bail, bien que non susceptible d'être résilié pour cette raison, ne devait pas être soumis aux dispositions du statut des baux commerciaux.

Il serait alors régi par ses propres stipulations et par le seul droit commun (C. civ., art. 1708 et suiv. N° Lexbase : L1831ABG).

La durée de neuf ans ne serait plus impérative et il pourrait être mis fin à tout moment au bail ou au terme contractuellement prévu, s'il existe, sans avoir à respecter les formes requises par le statut des baux commerciaux (C. com., art. L. 145-9 N° Lexbase : L5737AIC).

Sauf si le bail le stipule, il ne deviendrait plus nécessaire d'impartir un délai d'un mois minimum au preneur pour régulariser un manquement à une obligation contractuelle sous peine d'acquisition de la clause résolutoire (C. com., art. L. 145-41 N° Lexbase : L5769AII) ou l'ouverture d'une procédure collective à l'égard du preneur ne devrait plus faire obstacle à la pleine efficacité de clause résolutoire, même en l'absence d'une décision de justice en constatant l'acquisition ayant acquis force de chose jugée avant le jugement d'ouverture (Cass. com., 3 juillet 2007, n° 05-20.519, F-D N° Lexbase : A0732DXE).

Ce n'est toutefois pas la position de la Cour de cassation, réitérée dans l'arrêt rapporté.

La Haute juridiction avait ainsi jugé que la résiliation du bail par lettre recommandée à la suite de la délivrance d'un commandement était inefficace, même si le preneur n'était pas immatriculé, au motif que l'immatriculation n'est "une condition du bénéfice du statut des baux commerciaux que pour le renouvellement du bail"  (Cass. civ. 3, 1er octobre 1997, n° 95-15.842, Syndicat mixte pour l'aménagement touristique de la montagne c/ Epoux Mathot N° Lexbase : A1903ACH).

Dans le même sens, elle avait ensuite affirmé que le défaut d'immatriculation ne pouvait avoir pour effet que de priver le preneur de son droit au renouvellement (Cass. civ. 3, 1er octobre 2003, n° 02-10.381, FS-P+B N° Lexbase : A6682C9D).

L'arrêt rapporté se situe dans la droite ligne de ces décisions.

En l'espèce, le bailleur soutenait qu'en raison du défaut d'immatriculation du preneur, le droit commun du bail devait s'appliquer au contrat. Le bail étant verbal, il se prévalait, en conséquence, de la possibilité de délivrer congé à tout moment en respectant un délai de préavis raisonnable. Cette argumentation est rejetée par la Cour de cassation qui rappelle, selon la formule employée dans l'arrêt précité du 1er octobre 2003, que "le défaut d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ne peut avoir pour effet que de priver la locataire du droit au renouvellement de son bail". Le bail étant verbal, le bailleur ne pouvait donc délivrer congé qu'à l'expiration d'un délai de neuf ans (C. com., art. L. 145-12 N° Lexbase : L5740AIG) ou à tout moment en cours de tacite prorogation sous réserve du respect d'un délai de préavis de six mois et suivant les usages locaux (Cass. civ. 3, 7 décembre 2004, n° 03-19.226, Société La Belle Bleue c/ Société civile immobilière (SCI) Billancourt, F-P+B N° Lexbase : A3705DEX).

Si cette solution se justifie difficilement au regard de la lettre de l'article L. 145-1 du Code de commerce, ses conséquences doivent être relativisées puisque le droit au renouvellement est le droit essentiel conféré par le statut des baux commerciaux au preneur et que le défaut d'immatriculation le privera de ce droit. Elle a, par ailleurs, le mérite de la simplicité puisque l'immatriculation est une condition "dynamique", susceptible de varier dans le temps, et que la question se poserait alors de savoir à quel moment elle doit être appréciée en fonction du droit en cause. S'agissant du droit au renouvellement, la jurisprudence semble fixée : le preneur devra être immatriculé à la date de délivrance du congé (Cass. civ. 3, 18 octobre 2005, n° 04-15.348, F-D N° Lexbase : A0309DLZ) ou de sa demande de renouvellement (Cass. civ. 3, 12 juillet 2000, n° 99-10.455, Société Continent Hypermarchés c/ Société Lenault N° Lexbase : A9131AGB) et jusqu'à la date d'expiration du bail, mais non pendant le cours de la procédure en fixation du loyer du bail renouvelé (Cass. civ. 3, 29 septembre 2004, n° 03-13.997, FS-P+B+R+I {"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 2201471, "corpus": "sources"}, "_target": "_blank", "_class": "color-sources", "_title": "Cass. civ. 3, 29-09-2004, n\u00b0 03-13.997, publi\u00e9, Cassation partielle.", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: A4861DDE"}}).

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