La lettre juridique n°286 du 20 décembre 2007 : Contrats et obligations

[Jurisprudence] Conséquences attachées à la restitution de la chose après résolution de la vente pour défaut de conformité

Réf. : Cass. com., 30 octobre 2007, n° 05-17.882, Société Anciens Etablissements Branger (AEB), FS-P+B (N° Lexbase : A2281DZI)

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par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit

le 07 Octobre 2010

L'occasion a été donnée, à plusieurs reprises, d'insister sur l'une des difficultés essentielles du droit de la vente tenant à la distinction de l'obligation de délivrance du vendeur, d'une part, définie par l'article 1604 du Code civil (N° Lexbase : L1704ABQ) comme "le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur", et qui suppose, précisément, que le vendeur lui délivre une chose conforme à ce à quoi il s'est engagé, et, d'autre part, de l'obligation de garantie des vices cachés de l'article 1641 (N° Lexbase : L1743AB8) du même code, aux termes duquel "le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminue tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus". Et nul n'ignore que les enjeux pratiques attachés à la distinction sont considérables, ne serait-ce que parce que, s'agissant du délai de prescription de l'action, l'action en garantie des vices cachés, qui, autrefois, devait être engagée à "bref délai", doit, depuis une ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005, relative à la garantie de la conformité du bien au contrat due par le vendeur au consommateur (N° Lexbase : L9672G7D), être exercée dans les "deux ans à compter de la découverte du vice" (C. civ., art. 1648 N° Lexbase : L8779G8N), délai distinct du délai de droit commun applicable à l'action en défaut de conformité. Tout cela est parfaitement entendu. Moins classique peut-être, mais tout aussi essentielle, la question se pose, également, en jurisprudence de savoir quelles sont les conséquences attachées aux restitutions consécutives soit à la rédhibition dans l'action en garantie des vices cachés, soit à la résolution dans l'action en défaut de conformité ? Un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 30 octobre dernier, à paraître au Bulletin, mérite d'y insister. En l'espèce, une société avait acheté à une autre un ensemble constitué d'une pelle et d'une pince, le montage de la pince sur la pelle étant effectué par le vendeur, après acquisition des deux éléments. Faisant valoir un défaut de conformité du matériel fourni à la commande (autrement dit une non-conformité de la chose aux spécifications contractuelles), l'acquéreur a assigné le vendeur en résolution de la vente. Si l'existence d'un défaut de conformité ne faisait pas réellement débat, et donc, par suite, le principe d'une action en responsabilité contractuelle contre le vendeur pour manquement à son obligation de délivrance, les conséquences attachées à la restitution du bien vendu étaient, elles, plus discutées. Le vendeur, auquel le bien était restitué en contrepartie du prix, réclamait, en effet, à l'acquéreur une indemnité correspondant à la dépréciation subie par la chose à raison de l'utilisation qu'il en avait faite. Or, sur ce point, la Cour de cassation approuve les juges du fond d'avoir rejeté la demande, et fait valoir "qu'en raison de l'effet rétroactif de la résolution de la vente, le vendeur n'est pas fondé à obtenir une indemnité correspondant à la seule utilisation de la chose ; qu'ayant relevé que le bien vendu n'avait fait l'objet d'aucune dégradation, la cour d'appel a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision".

La Chambre commerciale confirme, ainsi, la solution retenue par un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 21 mars 2006, arrêt dans lequel la Haute juridiction avait considéré que "si l'effet rétroactif de la résolution d'une vente pour défaut de conformité permet au vendeur de réclamer à l'acquéreur une indemnité correspondant à la dépréciation subie par la chose en raison de l'utilisation que ce dernier en a faite, il incombe au vendeur de rapporter la preuve de l'existence et de l'étendue de cette dépréciation" (1). Autrement dit, comme le relève justement la Chambre commerciale dans l'arrêt du 30 octobre dernier et, peut-être, d'ailleurs, plus nettement encore que ne l'avait fait la première chambre civile, ce n'est pas la "seule utilisation de la chose" par l'acquéreur qui peut autoriser le vendeur à lui réclamer, après la résolution de la vente et, donc, les restitutions croisées auxquelles procèdent les parties, une indemnité ; encore faut-il, pour que le vendeur ait droit à cette indemnité, que l'utilisation de la chose faite par l'acquéreur avant la restitution ait entraîné une dégradation de la chose et, donc, une dépréciation. Et, bien entendu, l'acquéreur ne peut prétendre à ladite indemnité qu'à la condition qu'il rapporte la preuve de l'existence et de l'étendue de cette dépréciation, ce qu'il n'a pas fait en l'espèce, pas plus d'ailleurs qu'il n'était parvenu à le faire dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt précité de la première chambre civile du 21 mars 2006.

On rappellera, pour terminer, qu'une différence subsiste selon que l'action de l'acquéreur est une action en défaut de conformité, comme en l'espèce, ou une action rédhibitoire en garantie des vices cachés : alors, en effet, on vient de le rappeler, que la résolution de la vente pour défaut de conformité peut permettre au vendeur qui démontrerait l'existence et l'étendue de la dépréciation subie d'obtenir une indemnité de l'acquéreur, la solution est inverse en cas de rédhibition consécutive à l'exercice d'une action en garantie des vices. On a pu s'étonner de cette distinction, d'autant que, comme la résolution, la rédhibition entraîne, elle aussi, l'anéantissement rétroactif de la vente. Nous pensons, après d'autres, que cette différence peut pourtant s'expliquer par des considérations concrètes tenant à la cause de l'anéantissement du contrat, distincte d'un cas à l'autre. La mise en oeuvre de la garantie des vices cachés supposant un défaut de la chose la rendant impropre à l'usage auquel elle est destinée (C. civ. art. 1641), on peut assez légitimement considérer que le fait "que l'utilisation de cette chose l'ait éventuellement en outre usée importe peu puisqu'elle est de toute façon viciée et impropre à son usage" (2), alors qu'il en va autrement en cas de défaut de conformité, la chose, certes non-conforme aux spécifications convenues, pouvant parfaitement convenir à un autre acquéreur, de telle sorte qu'il peut paraître juste de tenir compte de la dépréciation qu'elle a pu subir et d'indemniser, dans ce cas, le vendeur.


(1) Cass. civ. 1, 21 mars 2006, n° 02-19.236, Safirauto c/ Société Sonauto-Hyundaï, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A6388DNW), Contrats, conc., consom. 2006, n° 130, obs. L. Leveneur.
(2) L. Leveneur, obs. préc..

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