Lexbase Affaires n°419 du 9 avril 2015 : Consommation

[Textes] Réforme de la réglementation relative aux annonces de réduction de prix à l'égard du consommateur

Réf. : Arrêté du 11 mars 2015, relatif aux annonces de réduction de prix à l'égard du consommateur (N° Lexbase : L2037I8X)

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par Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires

le 09 Avril 2015

Un arrêté du 11 mars 2015, publié au Journal officiel du 24 mars 2015, réforme la réglementation relative aux annonces de réduction de prix à l'égard du consommateur. Ce nouveau dispositif, entré en vigueur le 25 mars 2015, remplace donc les anciennes dispositions, issues d'un précédent arrêté du 31 décembre 2008 (arrêté du 31 décembre 2008, relatif aux annonces de réduction de prix à l'égard du consommateur N° Lexbase : L5764ICH), qui, conformément à un arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne dans le cadre d'une procédure concernant la Belgique, risquaient d'être déclarées contraires à la législation communautaire (CJUE, 10 juillet 2014, aff. C-421/12 N° Lexbase : A1878MU4).
  • La réglementation antérieure au 25 mars 2015 : l'arrêté du 31 décembre 2008 (arrêté du 31 décembre 2008, relatif aux annonces de réduction de prix à l'égard du consommateur)

L'arrêté du 31décembre 2008 soumettait toute publicité à l'égard du consommateur comportant une annonce de réduction de prix, au respect de diverses conditions distinguant celle faite hors des lieux de vente ou sur des sites électroniques non marchands de celle effectuée sur des lieux de vente ou des sites de cybercommerçants. Pour ceux-ci l'annonce de réduction de prix devait notamment mentionner le prix de référence.

Ce dernier, selon l'article 2 de l'arrêté du 31 décembre 2008 ne pouvait, selon la règle dite "des 30 jours", excéder le prix le plus bas effectivement pratiqué par l'annonceur pour un article ou une prestation similaire, dans le même établissement de vente au détail ou site de vente à distance, au cours des trente derniers jours précédant le début de la publicité. Le prix de référence ainsi défini pouvait être conservé en cas de réductions de prix annoncées de manière successive au cours d'une même opération commerciale, dans la limite d'un mois à compter de la première annonce de réduction de prix, ou au cours d'une même période de soldes ou de liquidation. L'annonceur devait alors pouvoir justifier de l'ensemble des prix qu'il a effectivement pratiqués au cours de cette période.

Il pouvait également utiliser comme prix de référence le prix conseillé par le fabriquant ou l'importateur du produit ou le prix maximum résultant d'une disposition de la réglementation économique.

Enfin, dans le cas où un article similaire n'avait pas été vendu précédemment dans le même établissement ou sur le même site de vente à distance, et où cet article ne faisait plus l'objet d'un prix conseillé par le fabriquant ou l'importateur, les annonces de réductions de prix pouvaient être calculées par référence au dernier prix conseillé, sans que celui-ci ne puisse être antérieur à trois ans avant le début de la publicité, l'annonceur devant alors porter, à côté du prix de référence, la mention "prix conseillé" accompagnée de l'année à laquelle ce prix se rapporte.

  • La réglementation européenne : la Directive 2005/29/CE du 11 mai 2005, sur les pratiques commerciales déloyales (Directive "PCD" N° Lexbase : L5072G9Q) et l'arrêt de la CJUE du 10 juillet 2014

La Directive "PCD" a pour objet de rapprocher les législations des Etats membres relatives aux pratiques commerciales déloyales, y compris la publicité déloyale, portant atteinte directement aux intérêts économiques des consommateurs et, par conséquent, indirectement aux intérêts économiques des concurrents légitimes. Dans le cadre d'une procédure en manquement initiée par la Commission contre la Belgique, la CJUE a, dans son arrêt du 10 juillet 2014, apporté quelques précisions sur les annonces de réduction des prix à l'égard des consommateurs. A l'instar des règles françaises, la législation belge en cause prévoyait que toute annonce de réduction de prix devait faire référence à un prix défini par la loi, en l'occurrence, le prix le plus bas appliqué durant le mois précédant le premier jour de l'annonce en question. En outre, ces dispositions interdisaient, d'une part, l'annonce de réduction de prix au-delà d'un mois et, d'autre part, en principe, que de telles annonces soient faites pour une durée inférieure à une journée.

La Cour rappelle que la Directive "PCD" procède à une harmonisation complète au niveau de l'Union des règles relatives aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs. Dès lors, comme le prévoit expressément l'article 4 de celle-ci, les Etats membres ne peuvent pas adopter des mesures plus restrictives que celles définies par ladite Directive, même aux fins d'assurer un degré plus élevé de protection des consommateurs. La Cour a ainsi pu considérer que la Directive s'oppose à une réglementation nationale qui prévoit une interdiction de principe, sans tenir compte des circonstances spécifiques du cas d'espèce, des pratiques commerciales faisant dépendre la participation des consommateurs à un concours ou à un jeu promotionnels de l'acquisition d'un bien ou d'un service. (CJUE, 14 janvier 2010, aff. C-304/08 N° Lexbase : A2663EQP). Ou, encore récemment, qu'est remise en cause la validité d'une disposition nationale prohibant de manière absolue l'interdiction de revente à perte (CJUE, ord. 7 mars 2013, aff. C-343/12 N° Lexbase : A5425KDB ; cf. P. Le More, in Chronique de droit de la concurrence et de la distribution - Mai 2013, Lexbase Hebdo n° 339 du 23 mai 2013 - édition affaires N° Lexbase : N7123BTY).

Dans son arrêt du 10 juillet 2014, la Cour relève que la Directive dresse, à son annexe I, une liste exhaustive de 31 pratiques commerciales qui, conformément à l'article 5 § 5 de cette Directive, sont réputées déloyales "en toutes circonstances". Ainsi que le précise expressément le considérant 17 de la Directive "PCD", seules ces pratiques commerciales sont susceptibles d'être considérées comme déloyales sans faire l'objet d'une évaluation au cas par cas au titre des dispositions des articles 5 à 9 de la Directive 2005/29. Ainsi, la Cour en conclut qu'une réglementation nationale interdisant de manière générale des pratiques non visées à l'annexe I de la Directive 2005/29, sans procéder à une analyse individuelle du caractère "déloyal" de celles-ci à la lumière des critères énoncés aux articles 5 à 9 de cette Directive, se heurte au contenu de l'article 4 de celle-ci et va à l'encontre de l'objectif d'harmonisation complète poursuivi par la Directive même lorsque cette réglementation vise à assurer un niveau de protection plus élevé des consommateurs.

Dès lors, et comme a pu l'indiquer la secrétaire d'Etat chargée du Commerce, de l'Artisanat, de la Consommation et de l'Economie sociale et solidaire, "à la suite de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) du 10 juillet dernier, la France a l'obligation d'abroger partiellement sa règlementation relative aux annonces de réduction de prix à l'égard du consommateur" (cf. communiqué de presse du 9 octobre 2014). La censure des dispositions françaises étaient d'autant plus attendues que la Chambre criminelle de la Cour de cassation a renvoyé la question préjudicielle suivante à la CJUE dans un arrêt du 9 septembre 2014 : "les dispositions des articles 5 à 9 de la Directive 2005/29 du 11 mai 2005 font-elles obstacle à ce que soient interdites, en toutes circonstances, quelle que soit leur incidence possible sur la décision du consommateur moyen, des réductions de prix qui ne seraient pas calculées par rapport à un prix de référence fixé par voie réglementaire ?". En effet, la Haute juridiction française avait alors relevé que la Directive 2005/29 établit une liste des pratiques commerciales réputées déloyales en toutes circonstances et prévoit, en ses articles 5 à 9, qu'en dehors de celles-ci une pratique commerciale ne peut être considérée comme déloyale qu'après une évaluation au cas par cas tendant à rechercher si elle constitue une pratique contraire aux exigences de la diligence professionnelle, et qui altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen (Cass. crim., 9 septembre 2014, n° 13-85.927, F-P+B+I N° Lexbase : A8486MW9 ; Interdiction, en toutes circonstances, des réductions de prix qui ne seraient pas calculées par rapport à un prix de référence fixé par voie réglementaire : renvoi d'une question préjudicielle, Lexbase Hebdo n° 395 du 25 septembre 2014 - édition affaires N° Lexbase : N3816BUU).

  • Les nouvelles dispositions sur les annonces de réduction de prix à l'égard du consommateur

Selon le nouveau texte, toute annonce de réduction de prix est licite sous réserve qu'elle ne constitue pas une pratique commerciale déloyale au sens de l'article L. 120-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L2522IBZ) et qu'elle soit conforme aux exigences du présent arrêté (art. 1er). Ainsi, lorsqu'une annonce de réduction de prix est faite dans un établissement commercial, l'étiquetage, le marquage ou l'affichage des prix réalisés conformément aux dispositions en vigueur doivent préciser, outre le prix réduit annoncé, le prix de référence qui est déterminé par l'annonceur et à partir duquel la réduction de prix doit être annoncé (art. 2). En outre, il est prévu que lorsque l'annonce de réduction de prix est d'un taux uniforme et se rapporte à des produits ou services parfaitement identifiés, cette réduction peut être faite par escompte de caisse. Dans ce cas, cette modalité doit faire l'objet d'une information, l'indication du prix réduit n'est pas obligatoire et l'avantage annoncé s'entend par rapport au prix de référence (art. 3). Enfin, l'annonceur doit pouvoir justifier de la réalité du prix de référence à partir duquel la réduction de prix est annoncée (art. 4).

L'arrêté du 11 mars 2015 ne fixe donc plus les modalités de détermination du prix de référence, c'est là la grande nouveauté. Il est désormais fixé librement par l'annonceur, à condition de pouvoir justifier de la réalité de celui-ci. Bien entendu les commerçants pourront continuer à appliquer, si bon leur semble, les modalités de détermination du prix de référence prévues par l'ancien arrêté de 2008 ; ils pourront également s'en affranchir et opter pour d'autres modalités. Mais un risque perdure : celui que les pratiques en matière de prix réduits tombent sous le coup de l'interdiction des pratiques commerciales déloyales, d'autant que les annonceurs devront avoir à l'esprit que, depuis la loi "Hamon", (loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, relative à la consommation N° Lexbase : L7504IZX) les sanctions encourues ont été significativement alourdies.

Selon l'article L. 120-1 du Code de la consommation, une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère, ou est susceptible d'altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service et constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses et les pratiques commerciales agressives. Dès lors, si la règle des 30 jours prévue dans l'ancien arrêté a disparu, le fait pour un distributeur d'augmenter le prix d'un article pour ensuite le vendre à prix réduit en donnant au consommateur l'illusion d'une réduction de prix supérieure à celle réellement pratiquée, continuera assurément de constituer une pratique trompeuse. Aussi et bien que l'arrêté du 11 mars 2015 laisse plus de latitude aux annonceurs en la matière, cette liberté appelle une grande vigilance de leur part.

Enfin, ce nouveau dispositif appelle une autre remarque : alors que l'arrêt du 31 décembre 2008 visait les annonces de réduction de prix pratiquées "sur des lieux de vente ou sur des sites électroniques marchands", l'arrêté du 11 mars 2015 ne vise plus que l'annonce de réduction de prix faite "dans un établissement commercial". Doit-on dès lors considérer que les e-commerçants ne sont plus concernés par ces dispositions sur les annonces de réductions de prix ? Cela serait étonnant et rien ne semble justifier leur exclusion. Là encore la vigilance est de mise et, compte tenu de la lourdeur des sanctions encourues, il ne peut que leur être conseillé de s'y soumettre.

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