Thèse : L'aménagement des longues peines privatives de liberté, Angela Beye, Université d'Aix-Marseille, 13-04-2023

L'aménagement des longues peines privatives de liberté, Angela Beye, Université d'Aix-Marseille, 13-04-2023

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Avertissement

L’Université n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans cette thèse. Celles-ci doivent être considérées comme propres à leur auteur.

Cet ouvrage reproduit le texte intégral de la thèse établi à la date de soutenance ou dans sa version amendée à la suite des éventuelles observations du jury de thèse. Des notes de version sont susceptibles d’être insérées dans cet ouvrage de manière distincte.

Remerciements

J’adresse mes plus chaleureux remerciements à Madame le Professeur Muriel Giacopelli. Après m’avoir fait découvrir la matière pénale en deuxième année de licence et m’avoir initiée au droit de l’exécution des peines en Master, il était plus qu’évident pour moi de lui demander de bien vouloir diriger cette thèse. Aussi, je tiens à lui exprimer mon entière gratitude pour avoir favorablement répondu à ma demande et m’avoir fait confiance. Je la remercie surtout pour son humanité, sa disponibilité, ses encouragements et sa bienveillance à mon égard dans les moments plus difficiles, ainsi que son exigence m’ayant conduit à sans cesse me questionner et persévérer. Ce fut un honneur et un réel plaisir de travailler sous sa direction.

Je tiens évidemment à remercier mes proches et particulièrement mes parents, mes frère et sœurs pour leur soutien et leur compréhension durant toutes ces années. J’espère vous avoir rendus un peu fiers.

Enfin, je remercie Armand sans qui cette thèse n’aurait pu voir le jour. Pour les sacrifices que tu as faits afin de me permettre d’achever ce travail sereinement. Pour le temps passé auprès de nos fils depuis trois ans. Pour le soutien sans faille depuis une décennie. Pour avoir cru en moi. J’espère à présent pouvoir te rendre au moins un peu de ce que tu m’as offert.

Liste des principales abréviations

AJ Pénal Actualité juridique pénal

Al. Alinéa

ARSE Assignation à résidence avec surveillance électronique

Art. Article

Bull. crim. Bulletin des arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation

C. Contre

CA Cour d’appel

CAA Cour administrative d’appel

CAP Commission de l’application des peines

Crim. Chambre criminelle de la Cour de cassation

CDPC Comité européen pour les problèmes criminels

CE Conseil d’État

CEDH Cour européenne des droits de l’Homme

Cf. Confer : voir

CGLPL Contrôleur général des lieux de privation de liberté

CHAP Chambre de l’application des peines

Chron. Chronique

CNCDH Commission nationale consultative des droits de l’Homme

CNE Centre national d’évaluation

Coll. Collection

Comm. EDH Commission européenne des droits de l’homme

Cons. constit. Conseil constitutionnel

Constitutions Revue constitutions

Conv. EDH Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales🏛

CP Code pénal

CPMS Commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté

CPP Code de procédure pénale

CPT Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants

D. Recueil Dalloz

DC Contrôle de constitutionnalité a priori des lois ordinaires

DDHC Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen

DDSE Détention à domicile sous surveillance électronique

Dir. Sous la direction de

Droit pénal Revue droit pénal

Ed. Édition

Et s. Et suivant(e)s

Fasc. Fascicule

Gaz. Pal. Gazette du Palais

Ibid., Ibidem : au même endroit

In Dans

Infra Ci-dessous

JAP Juge de l’application des peines

JCP G La semaine juridique - Juris-Classeur Périodique, édition générale

J. -Cl. Pén Juris-Classeur Pénal

J. -Cl. Proc. Pén Juris-Classeur Procédure pénale

JORF Journal officiel de la République française

LC Libération conditionnelle

LGDJ Librairie générale du droit et de jurisprudence

N° Numéro

NPAP Nouvelle procédure d’aménagement de peine

Obs. Observation

Op. cit. Opus citatum : ouvrage précédemment cité

P. Page(s)

PC-CP Conseil de coopération pénologique du Conseil de l’Europe

Préc. Précité

Procédures Revue Procédures

PSAP Procédure simplifiée d’aménagement de peine

PSE placement sous surveillance électronique

PSEM placement sous surveillance électronique mobile

PUF Presses universitaires de France

QPC Question prioritaire de constitutionnalité

Rép. pén. Répertoire de droit pénal et de procédure pénale

Req. Requête(s)

RSC Revue de science criminelle et de droit pénal comparé

SEFIP Surveillance électronique de fin de peine

SMP Suspension médicale de peine

Spéc. Spécialement

SPIP Service pénitentiaire d’insertion et de probation

Supra Ci-dessus

TAP Tribunal de l’application des peines

V. Voir

Vol. Volume

Table des matières

Avertissement

Remerciements

Liste des principales abréviations

Table des matières

Introduction

Première partie : La restriction de l’accès aux aménagements des longues peines

Titre 1 : Un accès aux aménagements retardé

Chapitre 1 : Un accès mécaniquement retardé

Section 1 : La compatibilité de la libération conditionnelle

§1 - La libération conditionnelle : un contenu adapté aux longues peines

A°) Des conditions matérielles adaptées à une détention de longue durée

B°) Un régime adapté à une détention de longue durée

1°) L’accompagnement de condamnés ayant subi une longue incarcération

2°) Le contrôle de condamnés ayant commis une infraction grave

§2 - La libération conditionnelle : un accès retardé des longues peines

A°) L’exécution d’un temps d’épreuve : une condition temporelle adaptée à la temporalité des longues peines

1°) Un temps d’épreuve proportionnel pour les peines temporaires

2°) Un temps d’épreuve fixe pour les peines perpétuelles

B°) L’exécution d’un temps d’épreuve : des causes d’exonération peu compatibles avec la temporalité des longues peines

Section 2 : La complémentarité des aménagements de peine sous écrou

§1 – L’utilité des aménagements de fin de peine

A°) L’intérêt reconnu des aménagements de fin de peine

1°) Présentation succincte des aménagements de fin de peine

2°) Le contrôle et l’accompagnement renforcés des aménagements de fin de peine

B°) La double temporalité des aménagements de fin de peine

1°) Des aménagements de fin de peine inadaptés à la temporalité des longues peines

2°) Des aménagements de peine probatoires utiles à la sortie progressive du condamné

§2 – L’utilité des permissions de sortir

A°) Les restrictions déplorées des permissions de sortir

1°) L’accès retardé des longues peines au régime général des permissions de sortir

2°) L’accès aléatoire des longues peines au dispositif dérogatoire des permissions de sortir

B°) La relance souhaitée des permissions de sortir

1°) La revalorisation nécessaire d’un aménagement de peine de premier plan

2°) L’assouplissement du cadre juridique des permissions de sortir envisagé

Conclusion du chapitre 1

Chapitre 2 : Un accès juridiquement retardé

Section 1: L’instauration d’une période de sûreté

§1 - Un mécanisme contestable

A°) Un mécanisme attentatoire au principe d’individualisation de la peine

1°) L’adoption d'un dispositif figeant la longue peine

a. La neutralisation des condamnés dangereux

b. Le renforcement de la répression d’infractions graves

2°) L’instauration d’une liste d’infractions concernées

B°) Un mécanisme contreproductif

§2 – Un formalisme critiquable

A°) Le caractère obligatoire de la période de sûreté

B°) Le caractère automatique de la période de sûreté

1°) L’absence de prononcé de la période de sûreté de plein droit

2°) L’absence de motivation de la période de sûreté de plein droit

Section 2 : Le renforcement de la période de sûreté des réclusionnaires à perpétuité

§1 - Une libération difficilement envisageable

A°) L’instauration d’une réclusion criminelle à perpétuité incompressible

B°) La complexification du relèvement de la période de sûreté

1°) La complexification du relèvement en cas de crimes de nature sexuelle et violente

2°) Le verrouillage du relèvement en matière de terrorisme

§2 - Une libération à envisager

A°) Des préconisations européennes exigeantes

1°) L’inconventionnalité des peines perpétuelles incompressibles

a. L’exigence d’une compressibilité de jure et de facto

b. Le plafonnement de la durée minimale de détention suggéré

2°) Le droit à la vie : justification conventionnelle d’une détention indéterminée

B°) Une proposition doctrinale intéressante

1°) La commutation : un mécanisme ancien de réduction des peines perpétuelles

2°) La conversion : une nouvelle piste d’aménagement des peines perpétuelles

Conclusion du chapitre 2

Conclusion du titre premier

Titre 2 : Un accès aux aménagements de peine limité

Chapitre 1 : Un accès limité pour l’ensemble des longues peines

Section 1 : Un accès réduit aux aménagements à visée humanitaire

§1 - Un accès quasi-impossible aux fractionnement et suspension de la peine traditionnels

A°) Le caractère humanitaire du fractionnement et de la suspension de peine

1°) La particularité des conditions d’octroi

2°) L’assouplissement des conditions d’octroi

B°) Le caractère limité du fractionnement et de la suspension de peine

1°) L’instauration d’un critère de distinction entre les peines de différentes natures

2°) L’intervention tardive du fractionnement et de la suspension de la peine

§2 - Un accès permis à la suspension de peine médicale spéciale

A°) Une suspension médicale applicable aux longues peines

B°) Une suspension strictement encadrée

Section 2 : Un accès refusé aux procédures simplifiées d’aménagement

§1 – La création de procédures simplifiées visant les courtes peines

A°) Des critères temporels excluant les longues peines

B°) Des procédures dérogatoires au droit commun

1°) Des procédures quasi-juridictionnelles

a. La quasi-disparition du juge de l’application des peines dans les procédures simplifiées antérieures

b. La quasi-disparition du débat contradictoire

2°) Des aménagements quasi-automatiques.

§2 - L’inadéquation entre les procédures simplifiées et les longues peines

A°) La résolution de problématiques étrangères aux longues peines

1°) La lutte contre les sorties « sèches » de prison inhérentes à la temporalité des courtes peines

2°) La lutte contre le surpeuplement carcéral structurel des maisons d’arrêts

B°) L’intégration artificielle des longues peines aux procédures simplifiées

Conclusion du chapitre 1

Chapitre 2 : Un accès limité pour les auteurs d’infractions terroristes

Section 1 : Le contexte juridique de la limitation des aménagements de peine

§1 - L’adaptation du droit pénal au terrorisme

A°) L’adaptation du droit pénal formel

B°) L’adaptation du droit pénal matériel

§2 - La création d’un régime pénitentiaire spécial pour les détenus « radicalisés »

A°) La détection de personnes détenues radicalisées

B°) Le traitement des personnes détenues radicalisées

Section 2 : La détermination de la limitation des aménagements de peine

§1 - Le champ de la limitation

A°) La limitation des réductions de peine

1°) L’exclusion du feu crédit de réduction peine

2°) Le plafonnement des nouvelles réductions de peine

B°) La limitation des aménagements de fin de peine

1°) L’accès inutilement limité au fractionnement et à la suspension de peine

2°) L’accès étonnement limité à la semi-liberté et au placement à l’extérieur

§2 - Les critères de la limitation des aménagements de peine

A°) La nature de l’infraction : critère principal de non-aménagement de la peine

1°) La limitation de la réduction de la peine en raison de circonstances aggravantes.

2°) La limitation des aménagements de peine en raison de la seule nature de l’infraction

B°) Le trouble grave à l’ordre public : critère subsidiaire de non-aménagement de la peine

Conclusion du chapitre 2

Conclusion du titre deuxième

Conclusion de la première partie

Deuxième partie : La complexification de l’amenagement des longues peines

Titre 1 : Un accès conjointement réfléchi

Chapitre 1 : Un accès préalablement évalué.

Section 1 : L’obligation de l’évaluation de la dangerosité du condamné.

§1 - L’objectif légal d’évaluation de la dangerosité du condamné

A°) Une définition complexe de la dangerosité

B°) La présomption de dangerosité des personnes condamnées à une longue peine

§2 - Les modalités d’évaluation de la dangerosité

A°) L’évaluation individuelle de la dangerosité du condamné

1°) L’expertise réalisée par un expert-psychiatre

2°) L’évaluation par le conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation

B°) L’évaluation collective de la dangerosité du condamné

1°) L’évaluation pluridisciplinaire au sein du centre national d’évaluation

Section 2 : Les limites de l'évaluation de la dangerosité du condamné

§1 - Les contraintes pratiques rencontrées

A°) Le ralentissement de la procédure d’aménagement de la peine

B°) Les solutions apportées par le législateur

§2 - La qualité de l’évaluation contestée

A°) L’absence de consensus sur les outils d’évaluation

B°) La remise en cause de la fiabilité de l’évaluation

Conclusion du chapitre 1

Chapitre 2 : Un accès spécifiquement décidé

Section 1 : La volonté d’instaurer un décisionnaire spécial

§1 - Les décisionnaires spéciaux antérieurs

A°) La compétence antérieure du garde des Sceaux

B°) La compétence éphémère des juridictions spéciales de libération conditionnelle

§2 - La création du tribunal de l’application des peines

A°) Une prise de décision collégiale

B°) Des critères complexes de répartition

Section 2 : Le renforcement de la spécialisation du décisionnaire

§1 - Un renforcement applicable aux longues peines

A°) Un renforcement indirectement lié aux longues peines

B°) Un renforcement directement lié aux longues peines

§2 - Un renforcement applicable aux auteurs d’actes de terrorisme

A°) La centralisation du contentieux terroriste

B°) L’extension de la compétence exclusive du tribunal de l’application des peines

Conclusion du chapitre 2

Conclusion du titre premier

Titre 2 : Un accès excessivement sécurisé

Chapitre 1 : Un accès conditionné au traitement du condamné

Section 1 : Un traitement imposé par le législateur

§1 - Une contrainte aux soins introduite par le suivi socio-judiciaire

A°) L’instauration du suivi socio-judiciaire

B°) L’évolution de l’injonction de soins

§2 - Une contrainte aux soins étendue à la phase de l’aménagement de la peine

A°) Les manifestations de la contrainte aux soins

B°) Les répercussions de la contrainte aux soins

Section 2 : Un traitement limité par la pratique

§1 - L’efficacité questionnée du traitement pénalement ordonné

A°) Une efficacité questionnée au regard de la contrainte aux soins

B°) L’évaluation complexe de l’efficacité des méthodes de traitement employées

§2 - L’exigence du traitement appliquée au monde carcéral

A°) L’exigence du traitement confrontée à une offre de soins inadaptée en prison

B°) L’exigence du traitement confrontée aux difficultés quotidiennes du monde carcéral

Chapitre 2 : Un accès révélant la méfiance du législateur

Section 1 : La dénaturation de la libération conditionnelle accordée aux longues peines

§1 - Le renforcement de la mise à l’épreuve des condamnés

A°) L’instauration d’aménagements de peine probatoires obligatoires

B°) La complexification de l’articulation des régimes spéciaux de libération conditionnelle

§2 - L’extension du contrôle du condamné

A°) L’extension matérielle du contrôle du condamné

B°) L’extension temporelle du contrôle du condamné

Section 2 : Le risque de disparition progressive de l'aménagement des longues peines

§1 - Le développement de mesures de sûreté post-pénales

A°) La volonté de surveiller le condamné après la peine

B°) La volonté de prendre en charge le condamné après la peine

§2 - L’incidence du développement des mesures de sûreté sur l’aménagement des longues peines privatives de liberté

A°) Le rapprochement entre les mesures de sûreté et les aménagements des longues peines

B°) L’avenir incertain de l’aménagement des longues peines face au développement des mesures de sûreté

Conclusion du chapitre 2

Conclusion du titre deuxième

Conclusion de la deuxième partie

Conclusion générale

Bibliographie

Table chronologique de jurisprudence

Index thématique

Introduction

« Il n’y a pas de peine irrémédiable, sauf la mort[1] ».

« Seulement à ne s’envisager aucun futur, on ne s’installe pas non plus dans le présent. On est assis sur sa chaise mais ailleurs, prisonnier des limbes de la déploration, un temps qui ne passe pas, une sorte de perpétuité, un sentiment de torture qu’on ferait payer à n’importe qui, et au prix fort[2] ».

1. Les longues peines privatives de liberté : un sujet d’actualité. Aborder la question de l’aménagement des longues peines privatives de liberté renvoie inévitablement à celle de la place de la prison dans notre système pénal. De nos jours, la décision de priver un individu de sa liberté d’aller et venir, via son incarcération, peut répondre à deux finalités distinctes. D’une part, il est possible de placer un individu en détention provisoire. Cela concerne toute personne mise en examen encourant une peine criminelle ou une peine correctionnelle d’une durée minimale de trois ans d’emprisonnement, ainsi que toute personne mise en examen n’ayant pas respecté les obligations de son contrôle judiciaire ou de son assignation à résidence avec surveillance électronique[3]. Cet emploi de la prison en tant que « lieu de sûreté[4] » n’est pas récent, la privation de liberté étant employée à titre préventif dès le Moyen-Âge[5]. D’autre part, l’établissement pénitentiaire peut être le lieu d’exécution d’une peine d’emprisonnement ou de réclusion ou détention criminelle. Cet usage de la privation de liberté, en tant que modalité de sanction pénale, est cependant moins ancien. La prison n’a pas toujours été « l’ultime degré de la répression[6] » ni même la peine de référence[7] qu’elle représente aujourd’hui. En effet, l’arsenal pénal était auparavant constitué de divers châtiments corporels, de travaux forcés exécutés au sein des bagnes, ou plus radicalement de la peine de mort. C’est le Code pénal de 1791 qui intègre la privation de liberté[8] au « cœur de la pénalité[9] », répondant ainsi à une volonté d’adoucissement des peines. Si le législateur s’est progressivement emparé de la question des modalités d’exécution de la peine privative de liberté, notamment via l’instauration de la libération conditionnelle en 1885[10], il est à noter qu’il ne s’est jamais véritablement intéressé aux particularités de l’exécution d’une peine de longue durée. Cela peut s’expliquer historiquement par l’invisibilisation antérieure des longues peines, lorsque les condamnés étaient relégués dans des bagnes coloniaux. En outre, jusqu’à l’abolition de la peine de mort, le nombre de condamnations à une longue peine était naturellement moins élevé. Or, de nos jours, il n’est plus possible de dissimuler l’importance des longues peines, en particulier face au phénomène d’allongement de la durée de la peine.

2. L’invisibilisation antérieure des longues peines par l’éloignement du condamné. Aux termes du premier article de la loi du 27 mai 1885 relative aux récidivistes[11], était instituée la peine accessoire[12] de relégation, consistant en « l’internement perpétuel sur le territoire de colonies ou possessions françaises[13] des condamnés que la présente loi [avait] pour objet d’éloigner de France[14] ». La peine de relégation traduisait l’objectif d’élimination du délinquant récidiviste à l’égard duquel était opposée une « présomption irréfragable d’incorrigibilité[15] » en raison du nombre de condamnations antérieurement prononcées et de la nature des infractions commises. Les peines d’emprisonnement successives étant demeurées sans incidence sur un éventuel amendement du condamné, il était alors envisagé, dans un but de protection sociale, d’exclure définitivement le condamné de la société[16] et de l’éloigner des « honnêtes gens » en le reléguant loin de la métropole, ce qui conférait à cette peine des allures de mesure de sûreté[17]. Cette peine répondait néanmoins à des conditions strictes et complexes. En effet, les condamnés éligibles à la peine de relégation devaient avoir encouru dans un intervalle de dix ans soit deux condamnations aux travaux forcés ou à la réclusion, soit une de ces condamnations ainsi que deux condamnations à une peine d’emprisonnement pour un crime ou à une peine excédant trois mois d’emprisonnement pour certains délits, soit quatre condamnations à l’emprisonnement pour des crimes ou quatre condamnations excédant trois mois d’emprisonnement pour certains délits, soit enfin sept condamnations dont deux au moins susvisées et les autres pour certains délits si deux de ces derniers avaient conduit à une peine d’emprisonnement excédant trois mois[18]. Toutefois, les mineurs de vingt-et-un an et les personnes âgées de plus de soixante ans à l’expiration de leur peine ne pouvaient se voir appliquer une relégation[19]. Si cet internement perpétuel n’empêchait pas le condamné à être autorisé à quitter provisoirement le territoire de la relégation[20], dans les faits, l’espérance de vie des relégués ne dépassait pas six ans compte tenu des conditions de vie difficiles au sein du bagne, en particulier dans le cadre de la relégation collective, forme principale de cette peine[21]. Il convient toutefois de noter que malgré la radicalité de la relégation, certains mécanismes permettaient au condamné d’échapper à cette peine[22]. Cela demeurait dans les faits une possibilité théorique rarement mise en œuvre[23] et la fonction éliminatrice de la peine de relégation était globalement assurée, ce qui a notamment conduit à son abolition. C’est par la loi du 17 juillet 1970[24] et au terme d’un processus de longue haleine que le législateur décidait d’abolir officiellement la peine de relégation[25], cette peine étant devenue quasiment ineffective depuis quelques années[26]. Le retour des condamnés relégués dans l’hexagone et la nouvelle impossibilité d’éloigner les personnes condamnées à une peine perpétuelle rompent alors avec l’invisibilisation d’une partie de la population pénale et auraient pu permettre d’ouvrir un débat relatif aux modalités d’exécution des longues peines. Si tel n’a pas été le cas, la question du devenir des longues peines apparait encore plus prégnante depuis l’abolition de la peine de mort.

3. La visibilité accentuée des longues peines depuis l’abolition de la peine de mort. Bien qu’apparaissant comme l’une des premières peines de l’Histoire[27], la peine de mort fit régulièrement, malgré sa longévité, l’objet de critiques[28]. Cesare Beccaria, dénonçant la cruauté des châtiments, prônait déjà sa disparition au XVIIIème siècle[29]. Plusieurs tentatives d’abolition ont d’ailleurs marqué l’Histoire[30]. Si au début du XXème siècle, le Président Armand Fallières usait largement de son pouvoir de grâce à l’égard des condamnés[31], l’histoire de l’abolition de la peine de mort n’est cependant pas linéaire. D’ailleurs, le champ d’application de cette peine n’a eu de cesse de se restreindre et de s’étendre[32]. Pour autant, l’on assiste au déclin de la mise en œuvre de la peine capitale dès 1953[33] et ce, jusqu’à son abolition par la loi du 9 octobre 1981🏛[34] marquant l’aboutissement de vifs débats[35] et la volonté du législateur – malgré un Sénat mitigé[36] - de se conformer au progrès civilisationnel auquel de nombreux pays voisins avaient d’ores et déjà adhéré. Cette abolition, ayant depuis été consacrée constitutionnellement[37], a cependant inexorablement conduit à l’accroissement du nombre de longues peines. En effet, la loi du 9 octobre 1981🏛 prévoyait que toutes les infractions faisant auparavant encourir une condamnation à la peine de mort, feraient dorénavant encourir une condamnation à la peine de réclusion criminelle à perpétuité[38]. Cela concernait de nombreuses infractions alors prévues par le Code pénal de 1810 telles que des crimes de trahison et d’espionnage[39], des crimes portant atteinte aux intérêts de l’État[40], des crimes contre les personnes[41] comme l’assassinat ou l’empoisonnement, ou encore des crimes contre la propriété[42] comme le vol à main armée ou l’incendie de certains édifices[43]. Dans les faits néanmoins, l’augmentation du nombre de personnes condamnées à une longue peine en raison de l’abolition de la peine de mort devait être nuancée par l’ineffectivité progressive de la peine de mort d’ores et déjà substituée par le prononcé de longues peines. Une étude portant sur 1746 exécutions entre 1825 et 1923, démontrait que la peine de mort n’était effectivement prononcée qu’à la suite de la commission de huit crimes précis. Il s’agissait des crimes d’assassinat, de meurtre accompagné d’un crime ou d’un délit, de parricide, d’empoisonnement, d’incendie, d’infanticide, d’attentat contre la sûreté de l’État et de vol aggravé[44]. Une seconde étude portant sur 298 condamnations sur la période de 1944 à 1974 faisait référence aux mêmes infractions, à ceci près que les crimes d’attentat contre la sûreté de l’État disparaissaient et que les infractions de viol et coups mortels apparaissaient dans l’analyse. C’est donc principalement à l’égard de ces infractions que l’abolition de la peine de mort eut un effet. Si ce dernier peut être relativisé, l’accroissement du nombre de longues peines peut également être analysé à l’aune de l’allongement de la durée des peines encourues. L’abolition de la peine de mort en est d’ailleurs un facteur indirect. En effet, le bouleversement causé par la disparition de la peine capitale a conduit à la création d’une nouvelle peine de trente ans de réclusion criminelle dans un souci de cohérence de l’échelle pénale[45]. Toutefois, le mouvement d’allongement de la durée des peines ne se limite pas à l’apparition d’un nouvel échelon de la peine privative de liberté.

4. L’allongement constant de la durée des peines privatives de liberté. La nécessité pour le législateur de s’adapter aux nouvelles formes de délinquance et de criminalité l’a conduit à développer un certain nombre de circonstance aggravantes allongeant inévitablement la durée des peines encourues[46]. Il a, par exemple, fallu s’adapter à l’utilisation des nouvelles technologies à des fins illégales. Ainsi, depuis la loi du 21 juin 2004🏛[47], le maximum de la peine privative de liberté encourue est relevé lorsqu’il est fait usage d’un moyen de cryptologie en vue de commettre ou de participer à la commission d’un délit ou d’un crime[48]. Du reste, l’usage d’un moyen électronique de télécommunication aggrave notamment la peine encourue en cas de viol s’il a permis de mettre en relation l’auteur et la victime[49]. Outre les outils employés, les modalités de la commission de l’infraction peuvent également constituer une circonstance aggravante, en particulier lorsque le délit ou le crime a été réalisé en bande organisée au sens de l’article 132-71 du Code pénal🏛[50]. C’est notamment le cas du vol[51], de l’extorsion[52], de l’abus de confiance[53] mais également du meurtre[54] ou encore de l’évasion[55]. L’émergence d’une nouvelle forme de terrorisme à compter des attentats du 11 septembre 2001 a également nécessité l’adaptation du législateur et l’a conduit à élargir le champ d’application de l’article 421-4 du Code pénal🏛. Ce dernier prévoit l’aggravation de la peine encourue lorsque certaines infractions « sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur ». Depuis la loi du 15 novembre 2001🏛[56], le blanchiment et le délit d’initié ont intégré la liste exhaustive des infractions visées. Par ailleurs, la qualité de la victime peut également aggraver la peine encourue[57]. Si la prise en compte du lien de parenté n’est pas nouvelle[58], le lien de conjugalité entre l’auteur et la victime peut durcir la sanction encourue depuis la loi du 4 avril 2006🏛[59]. C’est notamment le cas en matière de meurtre[60]. Enfin, l’allongement de la peine résulte également du renforcement des modalités de son exécution. C’est ainsi que le Code pénal de 1994 durcit la période de sûreté assortissant la peine en cas de meurtre aggravé commis sur une victime mineure de quinze ans ou une personne dépositaire de l’autorité publique[61], et que la loi du 3 juin 2016🏛[62] durcit celle assortissant la peine en matière de terrorisme[63]. Le durcissement de la législation pénale s’observe d’ailleurs concrètement puisqu’entre 2011 et 2021, le quantum moyen des peines d’emprisonnement est passé de 7 mois[64] à 9,6 mois[65] tandis que celui des peines de réclusion criminelle hors réclusion criminelle à perpétuité est passé de 14,8 ans[66] à 15,3 ans[67]. En définitive, sans prétendre à l’exhaustivité, les mécanismes ayant contribué à la mise en exergue des longues peines permettent aujourd’hui d’émettre quelques interrogations autour de cette dernière. La longue peine peut ainsi être abordée sous divers angles. Tout d’abord, la légitimité du prononcé d’une longue peine peut être questionnée. Si la gravité des faits semble justifier le prononcé d’une condamnation de longue durée, il demeure toutefois permis - tout comme cela fut le cas lors des débats précédant l’abolition de la peine de mort - d’éprouver l’échelle des peines et spécifiquement la peine de réclusion criminelle à perpétuité[68]. En effet, cette dernière n’est pas intangible et d’ailleurs certains États d’Europe ne la prévoient pas[69]. Par conséquent, l’idée d’un plafonnement de la longue peine privative de liberté peut être formulée. Il conviendrait alors de s’entendre sur la détermination du quantum maximal encouru. Sans modification de l’échelle pénale, il semble que l’enjeu des longues peines se situe vraisemblablement après le prononcé de ces dernières. A ce titre, le droit pénitentiaire occupe une place particulière puisqu’il lui appartient d’adapter le régime carcéral du condamné non seulement à sa personnalité et à la nature de l’infraction mais également à la temporalité de sa peine[70]. C’est effectivement au droit pénitentiaire qu’il convient d’agir notamment dans le cadre du parcours de l’exécution des peines[71] mais aussi de la lutte contre l’oisiveté des personnes détenues ou encore de la mise en œuvre des soins idoines[72]. Enfin, et c’est le choix opéré ici, la longue peine peut être questionnée par le prisme de son aménagement, lequel matérialise la fonction de réinsertion inhérente à toute peine.

5. La consécration légale de la fonction de réinsertion de la peine. Si la fonction de réinsertion de la peine n’est pas nouvelle, sa consécration légale demeure récente et résulte de la prise de conscience du législateur de l’importance de la phase de l’application des peines. En effet, longtemps négligée, cette phase a progressivement été érigée en « nouvel axe du procès pénal[73] » via un double-mouvement de judiciarisation et de juridictionnalisation. Dans un premier temps, le décret du 13 mars 1911[74] a transféré la tutelle de l’administration pénitentiaire, relevant auparavant du ministère de l’Intérieur, au ministère de la Justice dans le but de susciter l’intérêt du juge dont la continuité de l’intervention était assurée jusqu’au dernier stade de la procédure pénale[75]. Il faut néanmoins attendre 1945 et l’institution de la Commission de réforme menée par Paul Amor, directeur de l’administration pénitentiaire, pour que l’idée d’un juge chargé de l’exécution des peines mûrisse[76]. Ce n’est cependant que l’ordonnance du 23 décembre 1958[77] qui officialise la création d’un juge de l’application des peines au sein de l’article 722 du Code de procédure pénale🏛[78]. Toutefois, malgré l’instauration d’un juge de l’application des peines, la judiciarisation de l’application des peines n’était pas acquise en raison, d’une part, de la compétence maintenue du ministre de la Justice en matière de libération conditionnelle des longues peines[79] et, d’autre part, de la nature des décisions rendues par le juge de l’application des peines constituant un obstacle à son accès[80]. Si la loi du 15 juin 2000🏛[81] franchit une première étape[82], celle du 9 mars 2004[83] parachève la création d’un véritable droit de l’application des peines[84] en instaurant un cadre juridictionnel cohérent composé de juridictions de premier et de second degré[85]. Aux côtés du juge de l’application des peines, siège désormais un tribunal de l’application des peines principalement compétent pour les peines de longue durée[86]. En outre, la chambre de l’application des peines est créée pour accueillir les appels formés à l’encontre des décisions rendues en première instance, selon deux formations distinctes en fonction de la juridiction compétente pour rendre la décision d’origine[87]. Cependant, malgré la quasi-disparition de la notion de « mesures d’administration judiciaire[88] », la dualité du formalisme des décisions rendues par le juge de l’application des peines demeure critiquable[89] puisque les ordonnances et les jugements obéissent encore à des règles procédurales distinctes[90]. Pour autant, l’un des intérêts majeurs de la loi du 9 mars 2004🏛 réside en l’établissement de principes directeurs spécifiques à la phase de l’application des peines en complément de ceux établis par l’article préliminaire du Code de procédure pénale[91]. C’est ainsi que la réécriture de l’article 707 du Code de procédure pénale🏛 l’érige en phare guidant l’application des peines. Bien que régulièrement modifié, cet article garantit aujourd’hui encore le rôle du juge dans la phase exécutoire, le caractère effectif de l’exécution des peines et la promptitude de la mise à exécution ainsi que la préservation des intérêts tripartites de la société, du condamné et de la victime. Surtout, l’article 707 énonce que « le régime d'exécution des peines privatives et restrictives de liberté vise à préparer l'insertion ou la réinsertion de la personne condamnée ». Cette consécration légale était attendue puisque le juge constitutionnel reconnaissait dès 1994 l’objectif de réinsertion de l’exécution des peines[92]. Enfin, la loi du 15 août 2014[93] a inséré un article 130-1 au sein du Code pénal🏛 disposant que l’une des fonctions de la peine - et non plus seulement son régime d’exécution – est de favoriser l’amendement, l’insertion ou la réinsertion du condamné. La notion de réinsertion, souvent associée à la prévention de la récidive en ce qu’elle en constituerait le moyen adéquat[94], n’a cependant pas été définie par le législateur. Toutefois, la réinsertion en tant qu’« action de réinsérer[95] » semble renvoyer à la «  [réintégration] dans un groupe social, professionnel[96] ». Il ne s’agit pas, au demeurant, uniquement d’une réintégration physique du corps du condamné quittant l’établissement pénitentiaire mais bien d’une « [réadaptation] à la vie sociale[97] ». Pour mettre en œuvre cette fonction, le législateur souligne le caractère évolutif de la peine privative de liberté prononcée et consacre le principe de l’aménagement de cette dernière chaque fois que cela est possible[98]. C’est ainsi que l’aménagement de la peine a pu être qualifié de « donnée obligatoire du procès pénal[99] ». Il est à présent largement admis que l’aménagement de la peine privative de liberté constitue un moyen d’assurer la réinsertion du condamné. D’ailleurs, la fonction de réinsertion de la peine et de son exécution inclut a priori l’ensemble des peines, sans distinction.

6. L’application de la fonction de réinsertion à la longue peine. Il convient, tout d’abord, d’observer que la consécration légale de la fonction de réinsertion de la peine et de son exécution ne fait pas référence au quantum de la peine encourue ou prononcée. Il s’agit d’une fonction inhérente à toute peine, notamment privative de liberté. Aucune distinction ni limite n’ont été fixées par le législateur. Au surplus, il ne faut pas oublier que la réinsertion du condamné ayant commis une grave infraction constituait l’un des arguments tendant à l’abolition des peines de relégation et de mort. Ainsi, le mécanisme éliminatoire instauré par la peine de relégation a pu être contesté par l’Armée du Salut évoquant l’objectif d’amendement des condamnés[100]. Cette dernière réfutait l’idée de l’incorrigibilité de ces condamnés récidivistes et prônait la mise en œuvre d’un réel travail d’accompagnement à la réinsertion. D’ailleurs, la tutelle pénale ayant remplacé la relégation n’était plus une peine perpétuelle mais accompagnait la peine principale pour une durée de dix ans et était exécutée en établissement pénitentiaire ou sous le régime de la libération conditionnelle[101], ce qui laissait une place à la réinsertion du condamné. En ce qui concerne la peine de mort, l’argument tenant à la réinsertion du condamné, et ainsi à la nécessité d’abolir une peine éliminatrice, occupait une place importante lors des travaux préparatoires de la loi du 9 octobre 1981🏛. A cet égard, le député Louis Odru indiquait : « La peine de mort n'est pas de même nature que les autres peines prévues par le Code pénal. Les peines de réclusion, fussent-elles à perpétuité, ne font pas obstacle (…) à la possibilité d'amendement du condamné, à sa réinsertion sociale (…) Ce sont des peines privatives de liberté mais qui (…) n’expriment pas de jugement philosophique ou moral définitif sur le devenir d’un individu et sa capacité de modifier son comportement social, de recréer sa personnalité (…) Comment peut-on prétendre qu'il y aurait des êtres humains irrécupérables, incapables d'échapper au crime, si dangereux que la société ne pourrait s' en protéger qu’en les mettant à mort ?[102] ». Pour la députée Odile Sicard, « Ne pas condamner à mort le pire criminel, c'est déjà donner une autre mission à la peine que celle d'une vengeance collective ou d'une expiation, c'est affirmer que la peine doit non seulement punir mais également changer[103] ». La députée Florence d’Harcourt inscrivait, quant à elle, l’abolition de la peine de mort dans une philosophie plus globale se fondant sur l’objectif de réinsertion de la peine et nécessitant une réforme du système pénal : « Cette réforme doit se donner deux objectifs : rénover le rôle de l'emprisonnement qui doit être autant réadaptation que sanction ; créer les moyens de la réinsertion des hommes rendus à la société après qu'ils ont purgé leur peine. Sans cette réinsertion toute réforme du régime pénitentiaire est vouée à l’échec[104] ». Plus récemment, c’est en matière de peines de réclusion criminelle à perpétuité que la Cour européenne des droits de l’Homme s’est exprimée en consacrant le « droit à l’espoir[105] » des condamnés, se traduisant par la compressibilité de jure et de facto de ces peines. Les juges de Strasbourg imposent ainsi aux États-membres, non seulement l’ouverture d’une voie de droit au condamné en vue de son élargissement anticipé, mais également la mise à disposition d’outils lui permettant de préparer sa réinsertion[106], tels que l’instauration d’un programme individualisé tenant compte de ses besoins et des attentes de la société en vue d’une éventuelle sortie[107]. L’implication des instances européennes sur ce sujet n’est pas nouvelle puisque le Conseil de l’Europe avait déjà pu dégager quelques principes devant assortir l’exécution des longues peines, notamment ceux d’individualisation et de progression de l’exécution de la peine, de normalisation de la vie en détention et de responsabilisation des condamnés[108]. Il insistait en 1976 sur la nécessité d’instaurer une politique de réadaptation des personnes détenues au sein des États-membres[109]. Par conséquent, si la réinsertion de la personne condamnée à une longue peine est en principe recherchée, il ne devrait exister aucun obstacle à l’aménagement de celle-ci[110], le législateur érigeant effectivement l’aménagement de la peine en instrument idoine au service de la réinsertion. En réalité, de nombreuses difficultés semblent pourtant apparaitre et cette étude entend les répertorier.

7. Intérêt de l’étude de l’aménagement des longues peines. Bien que depuis quelques années, certains ouvrages se soient spécifiquement intéressés à la question des longues peines privatives de liberté dont le nombre s’est accru[111] et qu’une recherche ait récemment été menée sur ce sujet[112], l’aménagement des longues peines n’a toujours pas suscité l’intérêt du législateur[113]. Or, les effets néfastes d’une détention de longue durée sur la personne du condamné d’un point de vue physique, psychique et social, sont aujourd’hui pleinement reconnus[114]. Le lien entre la problématique du vieillissement carcéral et la longueur des peines est également établi[115]. Lors de la réforme pénale adoptée sous l’impulsion de Christiane Taubira[116], il avait pu être espéré que les longues peines seraient intégrées à la philosophie revendiquée d’individualisation de la peine et de réintroduction de sens à la peine. Il est vrai que le projet de loi indiquait trouver son fondement dans les recommandations formulées par le jury de la conférence de consensus[117]. Pour autant, si ce dernier proposait de revaloriser la libération conditionnelle, de supprimer les mesures de sûreté, l’automaticité de la période de sûreté prononcée en matière criminelle et la durée obligatoire des aménagements de peine probatoires[118], le législateur s’est vraisemblablement focalisé sur les peines d’une durée n’excédant pas cinq ans[119]. Ainsi, les longues peines sont demeurées les grandes oubliées de la réforme pénale de 2014[120]. A ce jour et depuis cette occasion manquée, la position du législateur n’a pas évolué[121]. Or, s’il est cohérent que les personnes condamnées à de longues peines en raison de la commission d’une infraction grave soient soumises à un régime d’aménagement plus sévère que celles ayant commis des faits de moindre gravité, il convient toutefois de s’assurer que la fonction de réinsertion de la peine demeure effective afin de préserver le sens de la condamnation pénale[122]. De surcroit, l’intérêt de l’aménagement de la peine est renforcé pour cette population pénale par la durée de la privation de liberté. Il apparait effectivement nécessaire d’accompagner le condamné vraisemblablement désinséré via des mesures d’aide et d’assistance, tout en le soumettant à des obligations, interdictions et mesures de contrôle. Or, non seulement aucune politique pénale de valorisation de l’aménagement des longues peines n’a été décidée, mais certains auteurs alertent au surplus sur le « difficile aménagement des longues peines[123] ». En effet, s’il importe en théorie de tout mettre en œuvre pour réintégrer les condamnés dans la société, indépendamment de la gravité de l’infraction commise[124], il semblerait qu’en pratique, la multiplicité des régimes dérogatoires au droit commun, applicables en fonction du quantum de la peine et de la nature de l’infraction, affaiblissent nettement cet objectif, conduisant à ôter tout espoir de réinsertion à certains condamnés. Ces derniers seraient alors confrontés à la fonction strictement sanctionnatrice de la peine et à son objectif de neutralisation préventive sur lequel se fonde une forme de « justice de précaution[125] ». Avant de vérifier le bien-fondé des inquiétudes formulées, il convient cependant dans un premier temps de déterminer précisément les termes du sujet étudié.

8. Précisions quant à la notion d’aménagement de peine. Si l’on s’en tient à une définition terminologique, l’aménagement de la peine peut être défini comme « l’action d’aménager[126] », laquelle désigne le fait de « transformer, modifier [une chose][127] », en l’occurrence la peine. Qualifiés de mécanismes juridiques modifiant ou adaptant la peine[128], les aménagements de la peine privative de liberté se sont ainsi développés à compter de la fin du XIXème siècle, notamment via l’instauration de la libération conditionnelle par la loi du 14 août 1885[129]. Ce vocable désignant les mesures visant à limiter la place de l’emprisonnement[130] est parfois appréhendé comme « une notion devenue catégorie à tout faire[131] ». Il est vrai qu’il s’agit d’une notion générique regroupant plusieurs mesures s’inscrivant pourtant dans des cadres juridiques distincts[132]. D’une part, il existe diverses méthodes pour limiter la place de l’emprisonnement[133]. D’autre part, cette limitation peut répondre à des objectifs divers[134]. Il convient toutefois de ne pas confondre les aménagements de peine avec la notion voisine de « peines alternatives à l’emprisonnement ».

9. Aménagements de peine et peines alternatives à l’emprisonnement. Les aménagements de la peine privative de liberté ne doivent effectivement pas être confondus avec les peines alternatives à la peine d’emprisonnement, puisque pour aménager une peine privative de liberté, encore faut-il que cette dernière ait été prononcée. Aussi, lorsque le législateur prévoit que la juridiction de jugement peut prononcer une autre peine à la place de la peine d’emprisonnement, cette nouvelle peine ne constitue pas un aménagement de la peine privative de liberté mais une alternative à la peine d’emprisonnement[135]. Peuvent ainsi substituer une peine d’emprisonnement : les peines de détention à domicile sous surveillance électronique[136], de jours-amende, de stages[137], ainsi que des peines restrictives de liberté telles que la suspension du permis de conduire, l’interdiction de détenir une arme soumise à autorisation ou l’interdiction d’entrer en contact avec certaines personnes notamment[138]. La peine d’emprisonnement peut également être substituée par un travail d’intérêt général[139] ou une sanction-réparation[140]. Une peine d’emprisonnement peut toutefois sanctionner le non-respect des obligations et interdictions imposées. Il convient également de distinguer ces substituts à l’emprisonnement des mécanismes de sursis simple[141] et de sursis probatoire[142] par le biais desquels la juridiction de jugement décide de mettre en suspens l’exécution d’une peine privative de liberté prononcée, sous réserve que le condamné adopte un comportement idoine, puisque le cas échéant, la condamnation est réputée non avenue au terme d’un certain délai. S’il est entendu que ces peines prononcées par la juridiction de jugement ne peuvent être considérées comme des aménagements de la peine privative de liberté, cette même juridiction peut néanmoins prononcer expressément une peine d’emprisonnement et l’aménager ab initio. Il ne s’agit pas ici de subordonner l’exécution de la peine à l’action ou l’inaction du condamné mais de décider que cette peine sera exécutée autrement. Il s’agit alors d’aménagements de la peine prenant la forme d’alternatives à l’incarcération.

10. Aménagements de peine sous la forme d’alternatives à l’incarcération. Les articles 132-19 et 132-25 du Code pénal🏛🏛 prévoient une obligation d’aménager la peine d’emprisonnement inférieure ou égale à six mois sauf impossibilité[143]. Cette peine doit alors être exécutée sous le régime de la détention à domicile sous surveillance électronique, de la semi-liberté ou du placement à l’extérieur. Le second alinéa dudit article prévoit que la juridiction de jugement statue sur un éventuel aménagement total ou partiel de toute peine d’emprisonnement dont le quantum est compris entre six mois et un an, via les modalités susvisées. Dans le cas où la juridiction de jugement n’aurait pas mis en œuvre le mécanisme d’aménagement de la peine ab initio, le juge de l’application des peines peut, avant toute mise à exécution d’une peine d’emprisonnement n’excédant pas un an ou dont le reliquat à exécuter n’excède pas un an[144], décider d’aménager celle-ci en prononçant une semi-liberté, un placement à l’extérieur ou une détention à domicile sous surveillance électronique. Le législateur ajoute ici la possibilité de recourir à un fractionnement ou une suspension de peine, à une libération conditionnelle mais aussi à une conversion de peine[145]. Dans le cadre d’une peine d’emprisonnement ou d’un reliquat de peine n’excédant pas six mois, le législateur ne laisse plus le choix au juge de l’application des peines mais lui impose d’aménager cette dernière afin qu’elle soit exécutée sous le régime de la détention à domicile sous surveillance électronique, d’une semi-liberté ou d’un placement à l’extérieur[146]. Qu’il s’agisse d’une mesure prononcée par la juridiction de jugement ou celle d’application de la peine, l’aménagement prononcé constitue une alternative à l’incarcération du condamné puisque l’objectif poursuivi est d’éviter son entrée en détention[147]. C’est d’ailleurs ainsi que les aménagements de peine ont pu être exclusivement envisagés en tant que « mesures destinées à éviter l’exécution des courtes peines d’emprisonnement [pouvant] être prononcées tant par les juridictions de jugement que par les juridictions de l’application des peines[148] ». S’il est vrai qu’au regard des quanta de peines d’emprisonnement prononcées visés par le législateur, ces mesures ne semblent concerner que des courtes peines, la définition retenue parait incomplète puisque les peines privatives de liberté peuvent également être aménagées après leur mise à exécution, c’est-à-dire lorsque le condamné est incarcéré, en tant qu’alternatives au maintien en détention.

11. Aménagements de peine sous la forme d’alternatives au maintien en détention. A compter de la mise à exécution de la peine privative de liberté stricto sensu, les aménagements qui interviennent ne constituent plus des alternatives à l’incarcération du condamné mais des alternatives à son maintien en détention. Ils ne sont d’ailleurs plus limités aux courtes peines contrairement à la définition retenue par Serge Guinchard et Thierry Debard. Concernant les modalités de l’aménagement, ces dernières peuvent revêtir la forme d’un placement temporaire, permanent ou restreint du condamné, en milieu ouvert ou semi-ouvert, conformément à la classification établie par Martine Herzog-Evans[149]. A ce titre, l’on peut recenser la libération conditionnelle, la semi-liberté, le placement à l’extérieur, la détention à domicile sous surveillance électronique, les suspensions et fractionnement de peine mais également les permissions de sortir et autorisations de sortie sous escorte. Ces deux dernières mesures quasi-juridictionnelles sont rarement évoquées au titre des aménagements de la peine privative de liberté. Or, dès lors qu’elles permettent au condamné de quitter, même temporairement - et sous surveillance pour les secondes – l’établissement pénitentiaire, il semble que l’on puisse qualifier ces mesures d’aménagements en ce qu’elles transforment, si ce n’est la peine, du moins les modalités de son exécution. De la même façon, si les réductions de peine n’ont pas pour but d’entraîner une libération immédiate du condamné, il n’en demeure pas moins qu’elles réduisent en principe la durée de la peine et doivent, à ce titre, être considérées comme des mesures d’aménagement de la peine. A contrario, l’amnistie, ayant pour effet d’effacer la condamnation pénale[150], et la grâce ayant pour effet de dispenser le condamné de son exécution[151], ne sauraient être considérées comme des mesures d’aménagement de la peine[152]. Il en va également ainsi de la réhabilitation du condamné intervenant après exécution ou extinction de la peine[153].

12. Domaine de l’étude quant aux aménagements de peine. L’objet de cette étude étant de rendre compte des possibilités d’aménagement de la longue peine privative de liberté, ne seront donc pas évoquées les peines alternatives à l’emprisonnement qui, comme indiqué, ne constituent pas un aménagement de la peine privative de liberté mais un substitut à celle-ci. Par ailleurs, les mesures alternatives à l’incarcération, intervenant par définition avant la mise à exécution d’une peine d’emprisonnement, ne seront pas non plus traitées. En effet, compte tenu des critères relatifs au quantum de la peine d’emprisonnement prononcée exigés par le législateur, l’emploi de ces mesures semble réservé à des peines de courte durée. Pour les longues peines, il appert que les seules possibilités d’aménagement interviennent après leur mise à exécution et ne peuvent être accordées que par une juridiction de l’application des peines. Seront donc uniquement étudiés les aménagements post-sentenciels accordés par ces juridictions aux personnes condamnées à de longues peines et se présentant sous la forme d’alternatives au maintien en détention du condamné. Pour ce faire, il convient néanmoins de définir le deuxième terme du sujet de cette étude, à savoir : la longue peine privative de liberté.

13. La notion complexe de « longue peine privative de liberté ». Il n’est pas évident d’apporter une définition objective de la longue peine en ce sens que ce qui est « étendu dans le temps[154] » résulte vraisemblablement de la perception qui en est faite. Par conséquent, la détermination du quantum à partir duquel l’on peut qualifier une longue peine n’est pas aisé tant la perception peut être différente selon la place occupée. Il est, par exemple, peu probable que le condamné et la partie civile partagent la même perception de la longueur de la peine prononcée. L’on observe notamment qu’en interrogeant un échantillon de 181 personnes, aucun consensus ne semble se dégager autour du quantum permettant de déterminer une longue peine[155]. En effet, bien que la majorité du panel, à savoir 33,7% des personnes interrogées, fixe la longue peine à dix ans, pour 22,1% de l’échantillon une peine de cinq ans constitue déjà une longue peine. Par ailleurs, lorsque 16% des personnes interrogées estiment que le quantum minimal d’une longue peine est de huit ans, 10,5% fixent ce quantum minimal à quinze ans. Pour les besoins de la présente étude, il convient donc de retenir un quantum reposant sur des données objectives et non sur la perception de la longue peine. A cet égard, plusieurs seuils peuvent être relevés.

14. Peine privative de liberté supérieure à cinq ans. Afin de déterminer le seuil à partir duquel il convient de qualifier une peine privative de liberté de « longue peine » il est tout d’abord possible de se référer au quantum retenu par le Conseil de l’Europe. Selon ce dernier, « un détenu de longue durée est une personne purgeant une ou plusieurs peines de prison d’une durée totale de cinq ans ou plus[156] ». Ce seuil de cinq ans apparait également à plusieurs reprises au sein du Code de procédure pénale. Tout d’abord, il s’agit du seuil à partir duquel une période de sûreté - durant laquelle la peine est quasiment figée - peut être prononcée[157]. D’autre part, au-delà de ce seuil, la libération sous contrainte n’est plus envisageable[158]. Il est d’ailleurs prévu un examen obligatoire de la situation des personnes exécutant une peine d’une durée supérieure à cinq ans afin de compenser cette exclusion[159]. Il est à noter que les anciennes procédures simplifiées telles que la « nouvelle procédure d’aménagement de peine[160] », la « surveillance électronique de fin de peine[161] » ou encore la « procédure simplifiée d’aménagement des peines[162] » excluaient également de leur mise en œuvre les condamnations supérieures à cinq ans[163]. Par ailleurs, il est régulièrement fait référence à ce seuil en matière de permissions de sortir afin de privilégier les personnes condamnées à une peine n’excédant pas cinq ans[164]. En outre, lorsque la peine prononcée est égale ou supérieure à cinq ans, la place accordée à la partie civile lors de la phase exécutoire est plus importante. En effet, l’avocat de cette dernière peut assister au débat contradictoire ayant lieu devant la juridiction de l’application des peines en cas de demande de libération conditionnelle et ainsi formuler des observations[165]. En définitive, le seuil de cinq ans constitue un quantum récurrent sur lequel le législateur semble se fonder pour établir une distinction entre les condamnés lors de la phase des aménagements de la peine. Néanmoins, il ne s’agit pas du seul seuil auquel il est fait référence.

15. Peine privative de liberté supérieure à dix ans. Afin de déterminer la durée minimale d’une longue peine, il faut également s’intéresser au seuil de dix ans. En premier lieu, il renvoie à la classification tripartite des infractions établie par le Code pénal. Trois types d’infractions sont prévues en fonction de leur gravité, à savoir : les contraventions, les délits et les crimes. Les contraventions étant les infractions les moins graves, elles ne font plus encourir de peine d’emprisonnement depuis la loi du 19 juillet 1993🏛[166]. Les délits constituent les infractions intermédiaires tandis que les infractions les plus graves sont qualifiées de crimes. La peine de réclusion criminelle minimale encourue en cas de commission d’un crime est de dix ans[167]. Il s’agit également de la peine maximale encourue en cas de commission d’un délit[168]. Ce quantum constitue donc un seuil symbolique marquant le passage entre les délits les plus graves et les crimes. D’ailleurs, c’est à partir de ce quantum que la mise en œuvre la période de sûreté devient obligatoire en cas de commission de certaines infractions[169]. De plus, d’un point de vue strictement pénitentiaire, une fois la peine minimale de dix ans prononcée, il appartient exclusivement au ministre de la Justice d’affecter la personne condamnée en maison centrale[170]. Par ailleurs, au stade de l’aménagement de la peine, le régime spécial de libération conditionnelle applicable en vertu de l’article 730-2 du Code de procédure pénale🏛 peut être mis en œuvre en cas de commission de certaines infractions à partir de ce seuil. Enfin, la compétence d’attribution du tribunal de l’application des peines en matière de libération conditionnelle et de suspension médicale de peine[171] se fonde également sur un critère de répartition relatif au quantum de dix ans de la peine prononcée. D’ailleurs, si le reliquat de peine à exécuter est en principe pris en considération, pour certaines infractions le tribunal de l’application des peines est exclusivement compétent pour accorder une libération conditionnelle dès lors que la durée de la peine prononcée est au moins égale à dix ans[172]. Enfin, après exécution de la peine, l’on peut observer que la réhabilitation de plein droit du condamné est exclue en présence d’une peine d’emprisonnement excédant dix ans en cas de condamnation unique[173].

16. Peine privative de liberté supérieure à quinze ans. Malgré les dispositions semblant consacrer la spécificité du seuil de dix ans, le seuil quinze ans semble également se démarquer au sein du Code de procédure pénale. Dans un premier temps, à la suite du prononcé d’une peine de réclusion criminelle d’une durée minimale de quinze ans, le condamné est obligatoirement admis au sein du centre national d’évaluation durant six semaines en vue de « déterminer les modalités de la prise en charge sociale et sanitaire au cours de l’exécution de sa peine[174] ». Cette admission obligatoire au sein d’un service spécialisé démontre que les peines privatives de liberté de quinze ans au moins ne sont pas des peines « comme les autres ». C’est d’ailleurs ce quantum qui est retenu pour la mise en œuvre de la rétention de sûreté, mesure de sûreté permettant le placement de l’individu en centre socio-médico-judiciaire de sûreté pour une durée d’un an renouvelable après exécution de la peine privative de liberté[175]. En définitive, compte tenu de l’ensemble de ces dispositions, il n’est pas évident de déterminer un quantum permettant de qualifier une longue peine privative de liberté sans recourir à une certaine forme d’arbitraire. Par ailleurs, la doctrine ne semble pas unanime sur la notion de longue peine. Si Yvan Laurens et Pierre Pedron paraissent retenir le seuil européen de cinq ans en estimant qu’à partir de dix ans, la condamnation devient une « très longue peine[176] », tel n’est pas le cas de Nicolas Derasse qui situe la longue peine au « seuil minimal de la peine de réclusion criminelle[177]». Il en va également ainsi pour la commission présidée par Bruno Cotte ayant remis un rapport au Garde de Sceaux en 2015 promouvant une refonte du droit des peines[178]. Sans viser la nature criminelle de la peine, Annie Kensey et Caroline Jeangeorges fixent également la durée de la longue peine à dix ans[179].

17. Domaine de l’étude quant à la longue peine privative de liberté. Malgré l’absence de définition légale de la « longue peine » et les divergences doctrinales entourant la notion, il semble que le seuil de dix ans puisse être retenu dans le cadre de cette étude et ce à plusieurs égards. Tout d’abord, il correspond à la durée de la peine minimale encourue en matière criminelle. Or, la corrélation entre la longue peine et la gravité de l’infraction est inéluctable. En se fondant sur la classification tripartite des infractions sur laquelle repose le droit pénal, le seuil de dix ans permet de cibler les plus graves infractions dont les auteurs sont, semble-t-il, soumis à un traitement spécifique. En effet, si le seuil de cinq ans n’est pas sans conséquence, c’est véritablement à partir du seuil de dix ans que les dispositifs dérogatoires au stade de l’aménagement de la peine sont instaurés, ce qui laisse à penser que le législateur souhaite marquer son caractère significatif. D’ailleurs, en deçà, la période de sûreté figeant pour partie la peine n’est que facultative. Du reste, si les peines excédant quinze ans peuvent effectivement être qualifiées de « longues peines », il serait restrictif de retenir ce seuil comme point de départ des peines de longue durée. En effet, au sein des travaux préparatoires de la loi du 10 mars 2011[180] instaurant l’article 730-2 du Code de procédure pénale🏛, il est indiqué que le régime spécial introduit prévoit le « renforcement des conditions du prononcé de la libération conditionnelle pour les personnes condamnées à de longues peines[181] ». Or, certaines peines privatives de liberté égales à dix ans sont incluses dans ce régime. De la même manière, les travaux préparatoires de la loi du 9 mars 2004🏛[182] précisent que le tribunal de l’application des peines est compétent pour statuer en matière de « longues peines » tout en fixant le seuil de la peine prononcée à dix ans[183]. Plus récemment, l’appel à projet du GIP Mission de recherche Droit et justice portant sur « les longues peines » auquel ont répondu Evelyne Bonis et Nicolas Derasse, vise les peines supérieures à dix ans. Au demeurant, il convient de préciser que le seuil retenu pour la présente étude fait bien entendu référence à la peine prononcée. En effet, au stade de l’aménagement de la peine, la peine encourue n’est plus qu’une abstraction qui ne correspond pas à la peine dont il est principalement tenu compte[184]. C’est effectivement à partir de la peine prononcée que le calcul des conditions temporelles d’accès aux mesures d’aménagement peut être réalisé, tout comme celui des réductions de peine éventuelles. Si la peine à exécuter est parfois prise en compte par le législateur[185], elle demeure trop instable pour constituer le support de la présente étude puisque sa durée est modifiable au gré des réductions ou encore des grâces accordées. Enfin, il importe de préciser que la présente étude ne porte que sur l’aménagement de longues peines prononcées à l’égard de personnes majeures.

18. Justification de l’exclusion des condamnés mineurs. Outre le quantum de la peine et la nature de l’infraction, le droit de l’application des peines tient compte de la personne du condamné et notamment de sa nationalité, de son état de santé ou de son âge. Si le difficile aménagement des longues peines parait affecter le condamné étranger, malade ou âgé[186], il semblerait que les condamnés mineurs ne soient pas soumis à l’ensemble des obstacles rencontrés par leurs homologues majeurs. En effet, la philosophie du droit pénal des mineurs se définit par l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs délinquants et la primauté de l’éducatif sur le répressif[187] conformément à l’esprit de feue l’Ordonnance de 1945 relative à l’enfance délinquante[188] et de l’actuel Code de la justice pénale des mineurs. Cette philosophie a d’ailleurs été constitutionnellement consacrée en 2002 par la mise en exergue d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice pénale des mineurs[189]. Ces dispositions éloignent ainsi l’objectif de neutralisation du condamné et offrent de facto une place prépondérante à sa réinsertion. En pratique, l’échelle des peines privatives de liberté encourues est obligatoirement réduite de moitié lorsque le mineur discernant pénalement responsable[190] n’a pas atteint l’âge de seize ans. Dans ce cas, lorsque la réclusion criminelle à perpétuité est encourue, la durée de la peine prononcée ne peut excéder vingt ans[191]. Si au-delà de seize ans, la diminution de l’échelle pénale devient facultative[192], la réclusion criminelle à perpétuité ne peut plus être prononcée à l’égard de ces mineurs depuis la loi du 18 novembre 2016🏛[193], imposant une durée maximale de trente ans. Cette réduction de l’échelle des peines démontre la volonté du législateur de ne pas exclure définitivement de la société le mineur auteur d’une infraction. En ce sens, les mineurs condamnés sont proportionnellement moins concernés par les longues peines que les majeurs. A titre d’exemple, au 31 décembre 2021, l’on pouvait constater que la durée des peines privatives de liberté fermes prononcées excédait cinq ans pour 3% des mineurs condamnés contre 24% chez les majeurs condamnés[194]. Surtout, les peines prononcées à l’égard de condamnés mineurs ne peuvent pas être assorties d’une période de sûreté[195]. C’est ici la principale différence entre condamnés majeurs et mineurs puisqu’aucun mécanisme juridique n’est prévu pour figer la peine et bloquer l’accès des condamnés mineurs aux aménagements de cette dernière[196]. Le droit pénal des mineurs s’illustre également par la désignation de juridictions de l’application des peines spécialisées puisqu’en la matière il appartient au juge des enfants[197] et au tribunal pour enfant[198] d’exercer les fonctions dévolues au juge et au tribunal de l’application des peines. Par ailleurs, l’aménagement de peine prononcé à l’égard d’un condamné mineur peut être assorti de modalités particulières[199]. En outre, le placement sous surveillance électronique mobile à titre de mesures de sûreté n’est pas applicable aux condamnés mineurs[200]. Par conséquent et bien que le droit commun soit « dans une très large mesure applicable au mineur délinquant[201] », le « particularisme du droit des mineurs[202] » au regard de l’approche spécifique du législateur, justifie l’exclusion de cette branche dérogatoire du droit de l’application des peines de la présente étude.

19. Ambition et méthodes de l’étude. L’ambition de la présente étude consiste à éprouver l’effectivité du principe légal d’aménagement de la peine à l’égard des longues peines privatives de liberté. En étudiant les régimes dérogatoires applicables, il importera, en effet, de vérifier si les personnes condamnées à une longue peine privative de liberté peuvent concrètement accéder à un aménagement de cette dernière. Pour ce faire, il sera procédé à une analyse du droit commun de l’aménagement des peines et à un relevé des spécificités éventuellement prévues pour les longues peines. Il sera également tenu compte des motivations du législateur à travers l’étude des travaux préparatoires afin de comprendre les contraintes qu’il doit prendre en compte mais aussi la politique pénale qu’il entend définir vis-à-vis des personnes condamnées pour avoir commis de graves infractions. Ainsi, deux axes semblent d’ores et déjà se dégager. Dans un premier temps, il apparait que les longues peines privatives de liberté sont confrontées à une restriction de l’accès aux aménagements dont l’ampleur reste à mesurer (première partie). Enfin, lorsqu’elles y sont éligibles, la complexification de l’aménagement envisagé (deuxième partie) permet de s’interroger sur sa pertinence.

Première partie : La restriction de l’accès aux aménagements des longues peines

20. L’aménagement de la longue peine privative de liberté : un principe général théorique. En théorie, la condamnation à une peine privative de liberté de longue durée n’exclut pas le condamné du bénéfice de l’aménagement de sa peine. En effet, l’article 707 du Code de procédure pénale🏛 posant les principes directeurs de l’exécution des peines précise que : « toute personne condamnée incarcérée en exécution d'une peine privative de liberté bénéficie, chaque fois que cela est possible, d'un retour progressif à la liberté […] afin d'éviter une remise en liberté sans aucune forme de suivi judiciaire[203]». Le législateur, via cette disposition générale, promeut autant que faire se peut l’aménagement de l’ensemble des peines privatives de liberté lorsque les conditions d’accès sont réunies. En pratique, néanmoins, force est de constater la restriction de l’accès des personnes condamnées à une longue peine privative de liberté aux aménagements. Celle-ci semble résulter d’un obstacle mécanique lié à la durée de la peine mais également d’une volonté du législateur d’empêcher, dans certains cas, une individualisation de la peine prononcée, contrairement au principe général d’aménagement affiché. Cela peut se traduire par l’instauration d’un frein temporaire à l’aménagement de la peine via l’instauration d’une période de sûreté mais également, de manière plus pérenne, par le choix de limiter le panel des mesures accessibles aux personnes ayant été condamnées à une longue peine privative de liberté. Il convient alors d’observer que malgré la promotion des aménagements de peine, les « longues peines » paraissent constituer une catégorie pénale à la marge, accédant tardivement aux aménagements (titre 1) et dont l’éventail des mesures leur étant proposées est limité (titre 2).

Titre 1 : Un accès aux aménagements retardé

21. Un accès doublement retardé. L’accès tardif des personnes condamnées à une longue peine privative de liberté aux mesures d’aménagements résulte de plusieurs facteurs. Tout d’abord, la temporalité spécifique de la longue peine est de nature à retarder mécaniquement toute individualisation post-sentencielle de celle-ci. Par conséquent, il convient, dans un premier temps, de confronter les conditions temporelles d’accès de chaque mesure à cette temporalité spécifique et de s’interroger sur l’opportunité de les assouplir afin que les « longues peines » puissent en bénéficier plus tôt (chapitre 1). Outre cet obstacle inhérent au quantum de la peine, le législateur participe activement au retard observé en ce qu’il impose parfois à la juridiction de jugement de figer la longue peine privative de liberté via l’instauration d’une période de sûreté régulièrement renforcée. La pertinence du maintien de ce mécanisme en sa forme actuelle doit donc également être questionnée (chapitre 2).

Chapitre 1 : Un accès mécaniquement retardé

22. Effets des aménagements de peine. Les aménagements de peines privatives de liberté peuvent être classifiés en trois catégories en fonction de leurs effets. Premièrement, les réductions de peine raccourcissent en principe la durée de la peine, bien que leur caractère « abréviatif[204] » puisse être remis en question à certains égards[205]. Les mesures de fractionnement et de suspension de peine présentent quant à elles un effet « interruptif de l’exécution de la peine[206] ». Enfin, la libération conditionnelle, la semi-liberté, le placement à l’extérieur, la détention à domicile sous surveillance électronique, les permissions de sortir et les autorisations de sortie sous escorte engendrent un effet « suspensif du régime de l’exécution des peines[207] », c’est-à-dire que ces mesures modifient le régime d’exécution de la peine de manière provisoire ou plus durable sans en réduire la durée. Ces dernières intéressent particulièrement le condamné en ce qu’elles s’imputent sur la durée de la peine et permettent son élargissement immédiat. C’est la raison pour laquelle il convient d’éprouver leur compatibilité avec les longues peines privatives de liberté. S’il semble que la libération conditionnelle soit particulièrement adaptée à la temporalité des longues peines (Section 1), les aménagements de peine sous écrou peuvent se révéler utiles dans le cadre de la progressivité du retour à la vie en société du condamné (Section 2).

Section 1 : La compatibilité de la libération conditionnelle

23. La libération conditionnelle : aménagement a priori idoine des longues peines. Compte tenu du temps passé en prison et des effets d’une détention de longue durée, il est difficile d’exiger de la personne condamnée à une longue peine qu’elle remplisse les mêmes conditions qu’un individu condamné à quelques mois d’emprisonnement. Bien souvent, les liens avec l’extérieur sont altérés lorsqu’ils ne sont pas rompus et le condamné nécessite un accompagnement à la sortie plus intense. Si, en raison de la gravité de l’infraction commise, il est nécessaire d’imposer des obligations et des interdictions au condamné et de le soumettre à des mesures de contrôle, il importe néanmoins que la contrainte exercée soit mesurée afin qu’elle demeure supportable et ne conduise pas à multiplier les risques d’incidents. C’est ainsi que la libération conditionnelle semble concilier ces divers intérêts et constituer la mesure idoine d’aménagement des longues peines (§1). Pourtant, ces dernières n’en demeurent pas moins confrontées à l’exigence de l’exécution d’un temps d’épreuve avant de pouvoir bénéficier de cette mesure. Proportionnel ou fixe, le temps d’épreuve renvoie le condamné à la difficulté mécanique de voir sa peine aménagée, malgré l’instauration de quelques cas d’exonération prévus par le législateur. Face à cet accès retardé, il n’est cependant pas forcément opportun de réduire la durée du temps d’épreuve représentant la partie punitive de la peine par ailleurs nécessaire à la démonstration des efforts sérieux de réinsertion du condamné (§2).

§1 - La libération conditionnelle : un contenu adapté aux longues peines

24. Naissance et définition de la libération conditionnelle. Le 14 août 1885, est créée en France la mesure de libération conditionnelle[208]. Il est désormais prévu « un régime disciplinaire, basé sur la constatation journalière de la conduite et du travail […] en vue de favoriser l’amendement des condamnés et de les préparer à la libération conditionnelle[209]». L’objectif affiché étant la préparation à la libération conditionnelle, il semble que le législateur projetait déjà, à l’époque, d’ériger cette mesure en mode normal d’exécution de la peine privative de liberté comme cela est, à nouveau, souhaité plus d’un siècle plus tard[210]. Au cours de la présentation de sa proposition de loi, notamment inspirée de l’expérience anglaise, le sénateur Bérenger évoque une mesure initialement prévue à l’usage exclusif des longues peines. Si celles-ci ne sont pas expressément définies, elles semblent concerner les peines au moins égales à cinq années d’emprisonnement[211]. La libération conditionnelle est alors présentée selon lui comme : « l’acte par lequel on accorde au condamné qui a mérité cette récompense par son application au travail et sa bonne conduite, sa mise en liberté anticipée, à charge de continuer à se conduire honnêtement, et sous la condition qu'il sera réintégré pour achever de subir sa peine s'il donne de nouveaux sujets de plaintes[212] ». Si l’origine de la récompense a quelque peu évolué - la bonne conduite ayant été substituée par les efforts sérieux de réinsertion moins portés sur le comportement du condamné en détention que sur les preuves d’une réadaptation post-sentencielle - le mécanisme fondateur n’a pas changé : un condamné méritant peut bénéficier d’un élargissement anticipé sous réserve d’adopter un comportement respectueux des règles en société, faute de quoi il peut être réincarcéré. Depuis sa création, cet aménagement suscite l’intérêt du législateur. En effet, en observant les évolutions législatives depuis près de quarante ans, l’on ne dénombre pas moins d’une dizaine de modifications des dispositions de l’article 729 du Code de procédure pénale🏛, siège actuel de la libération conditionnelle. Cet intérêt s’explique sans doute par son efficacité communément admise. Qu’il s’agisse, en interne, des membres de la conférence de consensus qui, en 2013, faisaient l’éloge de cet aménagement dans le cadre de la lutte contre la récidive des condamnés[213], ou dix ans plus tôt du Conseil de l’Europe « reconnaissant que la libération conditionnelle est une des mesures les plus efficaces et les plus constructives pour prévenir la récidive et pour favoriser la réinsertion sociale des détenus dans la société, selon un processus programmé, assisté et contrôlé[214]», les juristes semblent unanimes sur l'intérêt de cette mesure[215].

25. Plan. Si le bénéfice de la libération conditionnelle n’est pas réservé aux longues peines, il n’en demeure pas moins que ses conditions matérielles d’accès (A) et son régime d’application (B) tels qu’issus du droit commun permettent de l’ériger en aménagement principal des peines de longue durée.

A°) Des conditions matérielles adaptées à une détention de longue durée

26. Travail et bonne conduite : des conditions matérielles autrefois nécessaires et suffisantes. Avant d’accorder un aménagement de peine, le juge de l’application des peines tient compte de l’objectif de réinsertion du condamné mais également du risque de récidive de ce dernier[216]. En ce qui concerne la libération conditionnelle, l’article 729 du code de procédure pénale🏛 affirmait dans sa rédaction issue de la loi du 15 juin 2000🏛[217], en son premier alinéa, que : « la libération conditionnelle tend à la réinsertion des condamnés et à la prévention de la récidive ». Outre ces critères généraux d’appréciation, des conditions spéciales d’admission à la libération conditionnelle sont prévues. Lors de la création de cette mesure au XIXème siècle, le législateur prévoyait deux conditions : à savoir, le constat de la bonne conduite et du travail en détention du condamné[218]. La proposition de loi indiquait déjà que : « tout condamné à une peine emportant privation de la liberté qui s'est rendu digne d'indulgence par sa bonne conduite, ses témoignages de repentir et son travail peut, à titre d'épreuve, être mis conditionnellement en liberté, si la durée de la peine prononcée est d'au moins six mois, et s'il en a subi plus de la moitié[219] ». Aujourd’hui encore, l’octroi de la libération conditionnelle répond à un comportement actif du condamné et les termes définissant les conditions matérielles ont été scrupuleusement déterminés par la loi. Pour autant, ces dernières ne sont plus les mêmes qu’au XIXème siècle. En effet, l’application au travail et la bonne conduite en détention, conditions visées par la loi du 14 août 1885, ne sont aujourd’hui plus exclusives. Tout d’abord, si le travail pénitentiaire constituait une exigence préalable à une libération conditionnelle, il convient de rappeler qu’il s’agissait alors d’une modalité obligatoire de l’exécution de la peine privative de liberté, ce qui n’est plus le cas depuis la loi du 22 juin 1987🏛 relative au service public pénitentiaire[220]. Bien que l’abolition du travail forcé permît au droit interne de se conformer aux dispositions supranationales, la pénurie d’emplois pénitentiaires a favorisé la démarche du législateur en ce sens[221]. Aujourd’hui, le travail pénitentiaire demeure toutefois pris en compte dans le cadre de la sollicitation d’un aménagement de peine[222]. Pour autant, malgré la règle pénitentiaire européenne énonçant que « les autorités pénitentiaires doivent s’efforcer de procurer un travail suffisant et utile[223]», et les velléités affichées au sein des dispositions générales du Code pénitentiaire[224], les personnes détenues sont confrontées à une réelle difficulté de mise en œuvre du travail carcéral[225]. L’offre de travail a d’ailleurs pu être qualifiée de « décalée et peu efficace[226] » en raison notamment d’une part, du manque d’investissement des chefs d’établissements faisant face à d’autres priorités que la gestion du travail pénitentiaire et d’autre part, de l’absence de diversification de l’offre d’emplois afin de l’adapter aux mutations de la société[227]. Néanmoins, « afin de favoriser l’attractivité de l’emploi en détention[228] », le législateur a récemment créé un contrat d’emploi pénitentiaire remplaçant l’acte unilatéral d’engagement, dans un objectif plus large de développement et de protection des droits sociaux des personnes détenues[229]. Enfin, en ce qui concerne la bonne conduite du condamné en détention, si elle est appréciée, il est communément admis qu’elle ne préfigure pas nécessairement d’une réadaptation sociale acquise[230]. C’est pourquoi, le législateur s’est orienté vers de nouveaux critères. S’il a, dans un premier temps opté pour le terme de « gages sérieux de réadaptation sociale », la loi du 15 juin 2000🏛 opère un tournant terminologique en y substituant celui d’ « efforts sérieux de réadaptation sociale » au sein de l’article 729 du Code de procédure pénale🏛, siège de la libération conditionnelle. Depuis la loi du 22 décembre 2021🏛[231], c’est néanmoins la formule d’ « efforts sérieux de réinsertion » qui est retenue, dans un souci d’unification des termes employés en la matière.

27. Efforts sérieux de réinsertion : une condition matérielle actuellement exigée. Jusqu’à l’adoption de la loi du 22 décembre 2021🏛, le législateur renvoyait à la notion d’« efforts sérieux de réadaptation sociale ». Le choix de ce terme par le législateur du 15 juin 2000 s’inscrivait dans une volonté de relancer la libération conditionnelle. En effet, lors des travaux parlementaires, le caractère restrictif de la formulation alors en vigueur, à savoir les « gages de réadaptation sociale » était déploré en ce qu’il semblait constituer l’un des facteurs de l’octroi parcimonieux de cet aménagement[232]. Il est vrai que, tandis que le gage peut être défini comme étant « ce qui représente une garantie[233]», la notion d’effort renvoie plutôt à l’« activité d'un être conscient qui emploie ses forces pour vaincre une résistance[234] ». Il s’agissait donc de passer d’une sorte d’« obligation de résultat » à une « obligation de moyens ». La loi du 22 décembre 2021🏛, si elle fait toujours référence à des « efforts », a remplacé la notion de « réadaptation sociale » par celle de « réinsertion » bien plus usitée de nos jours, permettant ainsi une uniformisation avec la plupart des textes relatifs aux aménagements de peine. Par ailleurs, si le législateur n’avait pas énuméré les « gages sérieux de réadaptation sociale » que le juge de l’application des peines pouvait prendre en considération, la loi du 15 juin 2000🏛 ajoutait au sein de l’article 729 du Code de procédure pénale🏛 une illustration de la nouvelle terminologie. Cet article faisait ainsi référence à quatre types de critères. Tout d’abord, un critère lié à la situation professionnelle du condamné à savoir : l’exercice d’une activité professionnelle mais également le suivi d’un enseignement, d’une formation professionnelle, d’un stage, ou l’exercice d’un emploi temporaire. Compte tenu des réalités socio-économiques mais également aux fréquentes carences d’employabilité de la population pénale, le législateur n’a pas souhaité restreindre l’octroi d’une libération conditionnelle en la subordonnant uniquement à l’obtention d’un emploi mais a, a contrario, retenu une acceptation large de l’activité professionnelle du condamné. Il incombe, toutefois, au juge de l’application des peines de vérifier la pertinence du projet professionnel présenté. Ainsi, une demande de libération conditionnelle a pu être rejetée lorsque ce projet ne correspondait pas au « cursus scolaire » ni aux « aspirations professionnelles » du condamné[235]. Cette décision peut toutefois surprendre compte tenu des difficultés que l’on peut rencontrer dans une recherche d’emploi, a fortiori après avoir subi une incarcération de longue durée. Le deuxième critère est lié à la situation familiale du condamné puisque ce dernier peut solliciter une libération conditionnelle en raison d’une participation essentielle à sa vie de famille. En raison du caractère « essentiel » de la participation, nul doute que le juge fasse une appréciation scrupuleuse de la situation familiale du condamné ainsi que de la véracité et de l’étendue de son implication (familiale et financière par exemple). Pour autant, il semble évident que dans le cas d’une incarcération de longue durée, il soit plus difficile de démontrer cette participation essentielle alors que les relations familiales se sont souvent distendues au fil des années, parfois même en raison de la gravité de l’infraction. Le troisième critère est lié à la situation médicale du condamné, à savoir : la nécessité de subir un traitement. Ce critère ne doit pas être confondu avec la suspension médicale de peine issue de l’article 720-1-1🏛 du Code de procédure pénale🏛 visant une situation médicale grave et constituant une exception à l’exécution de la peine[236]. Ici, le législateur exige la nécessité de subir un traitement mais ne prévoit pas de conditions particulières quant à la gravité de la pathologie. Il faut ajouter à cette liste un quatrième critère concernant les efforts d’indemnisation de la victime de l’infraction. Compte tenu de la place désormais acquise de cette dernière dans la procédure pénale, le législateur se préoccupe évidemment de son indemnisation. A ce titre, l’article D325 du Code de procédure pénale🏛 prévoit une indemnisation obligatoire prélevée sur le pécule du condamné[237]. De son côté, le juge de l’application des peines veille à ce que le condamné ne néglige pas le volet indemnitaire de sa condamnation. Il tient donc compte des versements supplémentaires réalisés spontanément en vue d’accorder ou non une libération conditionnelle. Toutefois, bien que seuls des « efforts » d’indemnisation soient requis, une demande de libération conditionnelle a pu être rejetée lorsque le condamné n’avait pas procédé au règlement de la totalité des dommages-intérêts dus à la victime[238], ce qui peut paraitre quelque peu sévère. Enfin, il a fallu attendre la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009[239] pour que soit ajoutée la mention de « tout autre projet sérieux d’insertion ou de réinsertion » à laquelle la juridiction de l’application des peines peut désormais se référer, élargissant ainsi ses possibilités d’appréciation. En effet, bien que l’adverbe « notamment » jusque-là usité laissait penser que cette liste n’était pas exhaustive, il était tout de même reproché au législateur de limiter l’appréciation du juge de l’application des peines. La nouvelle rédaction incluant « tout autre projet » corrige donc cette interprétation et permet notamment aux personnes condamnées à une longue peine privative de liberté, qui ne correspondent pas forcément aux cas de figure prévus par le Code de procédure pénale, de présenter une demande de libération conditionnelle plus individualisée.

28. Efforts sérieux de réinsertion : analyse des critères légalement définis. L’analyse des critères d’efforts sérieux de réinsertion légalement définis permet de s’interroger sur la cohérence de cette liste. En effet, il est surprenant de voir apparaitre au titre des efforts sérieux de réinsertion la nécessité de subir un traitement qui renvoie à des considérations d’ordre médical correspondant davantage à l’objet de la demande voire au projet de sortie qu’aux efforts fournis. D’ailleurs, malgré leur inclusion au titre des efforts sérieux de réinsertion, le juge de l’application des peines n’est pas dupe et exige d’autres efforts en pareilles circonstances[240]. Néanmoins, les modifications intervenues via la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 permettent d’envisager le texte sous un autre angle. En effet, le législateur a supprimé l’adverbe « notamment » pour indiquer dorénavant que les condamnés peuvent obtenir une libération conditionnelle « s'ils manifestent des efforts sérieux de réinsertion et lorsqu’ils justifient » des critères alternatifs énumérés. Il semble alors que, depuis, les efforts sérieux de réinsertion se distinguent des illustrations susvisées et que le législateur exige le cumul des deux conditions. Il appartient donc au condamné de remplir l’un des critères énumérés (correspondant en réalité le plus souvent à des projets de sortie) mais, au surplus, d’illustrer par d’autres critères les efforts sérieux de réinsertion. En pratique, cette nouvelle rédaction ne semble pas modifier considérablement l’approche du juge. En effet, le travail et les formations pénitentiaires peuvent constituer ces efforts. A titre d’exemple, le premier alinéa de l’article 717-3 du Code de procédure pénale🏛 dispose que : « les activités de travail et de formation professionnelle ou générale sont prises en compte pour l'appréciation des gages de réinsertion et de bonne conduite des condamnés ». D’autre part, le juge de l’application des peines a, de tout temps, pris en considération d’autres éléments que ceux fixés légalement pour apprécier les efforts de réinsertion du condamné. Il tient, par exemple, compte de l’engagement du condamné dans un parcours de soins en vue de résoudre des problématiques d’alcoolisme ou de toxicomanie mais également de l’entreprise d’un travail thérapeutique expliquant le passage à l’acte[241]. L’évolution de la personnalité du condamné qui n’a fait l’objet d’aucune mesure disciplinaire durant son incarcération peut également être prise en considération[242]. Par ailleurs, il est intéressant de relever que si le juge de l’application des peines peut tenir compte de la reconnaissance de la gravité des faits par le condamné en y voyant une prise de conscience encourageante pour son avenir, surtout lorsqu’elle s’accompagne d’une volonté de repentance se caractérisant par une démarche d’indemnisation des victimes[243], la non-reconnaissance des faits et particulièrement le « positionnement critiquable » du condamné vis-à-vis de ceux-ci ne peuvent, a contrario, justifier le refus d’octroi d’une libération conditionnelle, cette condition supplémentaire n’étant pas prévue par le législateur[244]. Enfin, l’élection du domicile du condamné demeure prise en compte au titre de sa réinsertion. Il s’agit effectivement d’un choix crucial pouvant refléter les efforts qu’il manifeste. Tout d’abord, il est important que le condamné dispose d’un domicile fixe, même s’il est provisoire (par exemple, au sein d’un centre d’hébergement et de réinsertion sociale). Il faut également appréhender le lieu du domicile en fonction du type d’infraction commise. Il ne serait par exemple pas souhaitable que le condamné réintègre le domicile familial en cas de condamnation pour des faits de violences conjugales. Il ne serait pas non plus souhaitable qu’il retrouve un environnement familial parfois ancré dans la délinquance. En revanche, il est plus étonnant de constater que la chambre de l’application des peines de Reims a refusé d’accorder une libération conditionnelle lorsque le domicile était situé dans « un secteur socialement défavorisé[245] ». Quoiqu’il en soit, il faut reconnaitre que le juge de l’application des peines dispose d’une large palette pour apprécier les efforts sérieux de réinsertion du condamné. En ce qui concerne les personnes condamnées à de longues peines privatives de liberté, celles-ci rencontrent des difficultés plus importantes pour préparer leur libération et manifester leurs efforts de réinsertion. Contrairement aux autres condamnés qui, au sortir de l’établissement pénitentiaire, peuvent plus aisément disposer d’une promesse d’embauche, d’un entourage familial et amical et d’un hébergement, ceux ayant été condamnés à une peine de longue durée, doivent parfois s’orienter vers une structure d’accueil telle qu’un centre d’hébergement et de réinsertion sociale (C. H. R. S) en vue de bénéficier d’un accompagnement renforcé dans leur parcours de réinsertion. Deux arrêts de la juridiction régionale de la libération conditionnelle de Poitiers rendus le 11 juin 2001 illustrent parfaitement cette réalité, évoquant, pour deux personnes condamnées à la réclusion criminelle à perpétuité : « l’assistance d’une conseillère à l’insertion professionnelle » mais également « l’aide au logement temporaire dans la perspective d’une accession à une autonomie partielle » ou bien encore le fait que le foyer d’accueil « accepte [d’accueillir le condamné] et de lui assurer l’encadrement social et médico-psychologique dont il aura besoin[246] ». C’est la raison pour laquelle il est important que le magistrat décisionnaire puisse prendre en considération chaque effort de réinsertion fourni, chaque projet individuel présenté. A cet égard, les conditions matérielles d’octroi de la libération conditionnelle semblent être en adéquation avec la particularité des longues peines privatives de liberté. Il en va également ainsi du régime de cet aménagement.

B°) Un régime adapté à une détention de longue durée

29. Instauration d’un délai d’épreuve. Lorsque la libération conditionnelle est accordée, le condamné demeure placé sous main de justice durant une période que constitue le « délai d’épreuve » pendant laquelle il doit respecter un certain nombre de mesures. Prévu par l’article 732 du Code de procédure pénale🏛, la durée de ce délai varie en fonction de la peine puisqu’il correspond normalement à la partie de la peine non subie. Il peut, néanmoins, la dépasser d’un an sans toutefois excéder dix ans. Lorsqu’il s’agit d’une peine perpétuelle, le délai d’épreuve ne peut être inférieur à cinq ans ni excéder dix ans[247]. En tout état de cause, durant cette période, le condamné est soumis à des mesures d’assistance et de contrôle d’autant plus indispensables lorsqu’il s’agit de longues peines. Il convient, d’ailleurs, de rappeler le caractère fondamental de ces mesures d’assistance qu’il ne faudrait pas être tenté de négliger au profit uniquement de mesures de contrôle, comme le déplore notamment Pierette Poncela estimant que : « le temps de l’aide et de l’assistance aux libérés est révolu ». Et d’insister : « les mots eux-mêmes heurtent, en ce temps des responsables sommés d'avoir un projet et de s'y tenir contre les vents et marées de leur détresse sociale, affective ou psychique[248].

1°) L’accompagnement de condamnés ayant subi une longue incarcération

30. Nécessité d’une assistance du condamné à la suite d’une incarcération de longue durée. Il est reconnu qu’une longue incarcération entraine un certain nombre de conséquences de diverses natures sur le condamné. Qu’il s’agisse de stigmates physiques, psychiques ou sociaux, force est de constater que nul ne sort indemne d’une détention de longue durée. Si l’on s’inquiète souvent du choc carcéral ressenti par les personnes détenues à leur entrée en prison[249], l’on s’intéresse également au phénomène de « sur-adaptation carcérale » touchant particulièrement les longues peines[250]. Celle-ci peut se manifester par un isolement ou, a contrario, un investissement important du condamné en détention. En effet, le condamné n’est plus maître ni de la matérialité ni de la temporalité de ses activités en détention mais devient tributaire des choix de l’administration pénitentiaire et la disparition - au moins partielle - de son autonomie complexifie sa réinsertion future, malgré la volonté des politiques pénales de l’ériger en acteur principal de sa détention[251]. Le condamné ainsi déresponsabilisé entre les murs peut présenter quelques difficultés à réaliser, à nouveau, des démarches seul lors de sa sortie, à appréhender le cadre spatio-temporel ainsi que le rythme de la vie hors des murs. Or, il est évident qu’avant d’envisager une réinsertion, il est indispensable de garantir la réadaptation du condamné au monde extérieur. Celle-ci peut également être compromise par l’état de stress post-traumatique lié à un enfermement de longue durée[252] dans lequel se situe le libéré ayant notamment perdu toute estime de lui-même et ne parvenant plus à créer des relations sociales équilibrées. Des troubles de la personnalité et du comportement peuvent également apparaitre[253].

31. L’érosion de la mission traditionnelle d’assistance du SPIP. Si autrefois des sociétés de patronage étaient chargées d’accompagner les condamnés lors de leur sortie de prison[254], aujourd’hui le Code de procédure pénale et le Code pénitentiaire font référence au service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) mais également aux services étatiques, collectivités territoriale et organismes publics ou privés[255]. Si, effectivement certains organismes comme la Caisse d’allocations familiales (CAF) ou le Pôle emploi peuvent les assister financièrement et professionnellement, il ne faut pas oublier les nombreuses associations se consacrant aux condamnés souhaitant se réinsérer[256]. Cependant, le SPIP demeure l’auxiliaire officiel et principal des condamnés en milieu fermé comme en milieu ouvert. Celui-ci est né en 1999 de la fusion des anciens comités de probation et d’assistance aux libérés (CPAL) et des services socio-éducatifs des établissements pénitentiaires[257]. Dans le cadre de sa mission d’assistance[258], le SPIP apporte une aide matérielle aux condamnés libérés lui étant confiés[259]. En amont, il aide les condamnés à préparer leur réinsertion en favorisant « [leur] accès aux droits et aux dispositifs d’insertion de droit commun[260] », Il est notamment le lien entre les services sociaux, éducatifs et médicaux[261]. Par conséquent, le SPIP semble constituer un organe d’orientation du condamné vers les structures idoines. Cependant, en raison de l’accroissement et de la diversification des tâches attribuées au service pénitentiaire d’insertion et de probation[262] sans augmentation des moyens humains en conséquence[263], l’on assiste au dévoiement regretté de la mission de soutien et de travail social de cet acteur capital dont « les actions sociales concrètes […] ont progressivement cédé le pas à des actions essentiellement administratives et de mise en l’état[264] ». La circulaire du 19 mars 2008[265] opère un tournant conséquent en érigeant la prévention de la récidive « en finalité de l’action des SPIP », reléguant ainsi au second plan le travail social essentiel dont les « longues peines » ont particulièrement besoin. Enfin, il ne faut pas oublier que l’objectif du délai d’épreuve est également de contrôler sur une durée raisonnable mais certaine des individus ayant commis une infraction grave.

2°) Le contrôle de condamnés ayant commis une infraction grave

32. Une durée adaptée à la commission de faits graves. Il importe de rappeler que la très grande majorité des condamnés est amenée à quitter un jour l’enceinte de l’établissement pénitentiaire l’hébergeant. En cas de condamnation à une longue peine privative de liberté, cette échéance est, bien que plus ou moins lointaine, à tout le moins certaine[266]. Or, s’agissant d’une population ayant gravement troublé l’ordre public, une inquiétude quant à une éventuelle récidive est légitime. Il convient donc de tester hors des murs la pertinence des efforts de réinsertion fournis en détention. Ce test est réalisé lors du délai d’épreuve dans le cadre de la libération conditionnelle. L’intérêt de cet aménagement est que la durée du test - durant lequel le condamné doit respecter des obligations et des interdictions et est soumis à des mesures de contrôle - peut être relativement longue en fonction du moment où la libération conditionnelle est octroyée. Plus tôt cette dernière est envisagée, plus long sera le suivi du condamné à l’extérieur, permettant ainsi à la société d’être rassurée sur la solidité de sa réinsertion. Cet intérêt est reconnu depuis longtemps puisque le sénateur Bérenger louait déjà l’intérêt d’une certaine durée du délai d’épreuve. Il souhaitait, d’ailleurs, instaurer une durée minimale d’une année dans « l’intérêt du condamné aussi bien que [dans] celui de la société[267] ». Bien entendu, le bénéfice d’un suivi de longue durée ne saurait pas conduire à l’élargissement prématuré du condamné.

33. Un large panel de mesures de contrôle envisageable[268]. En ce qui concerne les mesures de contrôle et les obligations et interdictions applicables pendant le délai d’épreuve, le législateur renvoie à celles prévues en matière de sursis probatoire au sein des articles 132-44 et 132-45 du Code pénal🏛🏛. Il s’agit des obligations classiques de répondre aux convocations et visites du SPIP et du juge de l’application des peines, de prévenir voire d’obtenir une autorisation avant tout changement de situation, mais il s’agit également d’interdictions particulières comme celles de détenir une arme, de fréquenter les débits de boissons, de paraitre en tout lieu désigné ou encore d’entrer en relation avec certaines personnes. Le respect de ces mesures permettant un suivi sérieux du condamné est controlé par le SPIP assistant le juge de l’application des peines[269]. D’ailleurs, il est tenu compte de la nature des faits - et donc de leur gravité - ainsi que de la personnalité du condamné pour décider ou non de renforcer le suivi par le SPIP, comme en dispose l’article D533-1 du Code de procédure pénale🏛[270]. L’intensité du suivi est donc individualisée en fonction des besoins identifiés et ce dernier peut être particulièrement contraignant. Ainsi, le juge de l’application des peines peut moduler la liberté d’aller et venir du libéré et exercer un contrôle physique sur ce dernier en fixant sa résidence en un lieu déterminé[271], en lui interdisant de paraitre en certains lieux et en le soumettant à une demande d’autorisation pour tout changement de résidence et/ou d’emploi. Il permet aussi aux victimes de ne pas être importunées par la présence du condamné lorsqu’une interdiction de rentrer en contact est prononcée[272]. A cet effet, un dispositif mobile anti-rapprochement peut être installé si des violences ont été commises au sein du couple[273]. Le juge de l’application des peines lutte aussi contre l’éventuelle oisiveté du sortant de prison en le contraignant à exercer une activité professionnelle, suivre un enseignement ou une formation. En définitive, compte tenu des conditions matérielles d’octroi et du régime applicable à la libération conditionnelle, force est de constater une adéquation entre cet aménagement et les longues peines privatives de liberté. Malgré tout, l’accès de ces dernières à cette mesure peut se révéler assez lointain

§2 - La libération conditionnelle : un accès retardé des longues peines

34. Un accès conditionné à l’exécution d’un temps d’épreuve. Si le prononcé d’une libération conditionnelle répond à des conditions matérielles, il dépend également d’une condition temporelle, à savoir l’exécution d’un temps d’épreuve[274]. Bien que retardant l'accès à la libération conditionnelle, ce temps d’épreuve semble compatible avec la temporalité des longues peines (A). Pour des considérations humanitaires tenant à l’âge, à la situation familiale ou encore médicale du condamné, le législateur a néanmoins prévu trois dérogations à l'exécution de cette condition temporelle mais ces dernières ne semblent pas toutes adaptées à la temporalité des longues peines (B).

A°) L’exécution d’un temps d’épreuve : une condition temporelle adaptée à la temporalité des longues peines

35. Modes de détermination du temps d’épreuve. Il convient d’observer que l’accès à la libération conditionnelle des personnes condamnées à une peine temporaire dépend de l’exécution d’un temps d’épreuve proportionnel à la durée de la peine prononcée (1). Il en va différemment des réclusionnaires à perpétuité pour qui le législateur a dû, en raison du caractère indéterminée de la durée de leur peine, instaurer un temps d’épreuve fixe (2).

1°) Un temps d’épreuve proportionnel pour les peines temporaires

36. Un temps d’épreuve mécaniquement plus long pour les longues peines. Avant de pouvoir bénéficier d’une libération conditionnelle, le législateur exige l’exécution d’une durée minimale de la peine constituant le temps d’épreuve. A l’issue de celui-ci, la juridiction de l'application des peines dispose de la faculté d’accorder une libération conditionnelle, laquelle n’est pas octroyée d’office. Ce temps d’épreuve a pour fonction « d'assurer qu'une sanction suffisante de l'intéressé a été exécutée[275] » avant d’envisager un retour du condamné dans la vie en société. Il peut être rapproché de la « partie punitive » ou encore de l’ « élément punitif » de la peine[276] évoqués par la Cour européenne des droits de l’Homme[277]. Il appartient alors au législateur de fixer un temps d’épreuve équilibré, n’excédant pas la partie punitive de la peine que le condamné doit exécuter afin de ne pas empêcher tout travail de réinsertion, sans a contrario être trop court, ce qui reviendrait à vider la peine de sa substance par la possibilité d’un élargissement prématuré. En l’occurrence, le troisième alinéa de l’article 729 du Code de procédure pénale🏛 dispose que « la libération conditionnelle peut être accordée lorsque la durée de la peine accomplie par le condamné est au moins égale à la durée de la peine lui restant à subir. Dans le cas prévu au présent alinéa, le temps d'épreuve ne peut excéder quinze années ou, si le condamné est en état de récidive légale, vingt années ». Initialement, le sénateur Bérenger souhaitait fixer ce temps d’épreuve à la moitié de la peine prononcée[278]. De nos jours, si le critère de mi-peine est retenu, il s’agit plutôt de prendre en compte la peine exécutée[279]. Il convient de remarquer que si le législateur n’opère aucune distinction entre les différents quanta de peines temporaires prononcées et requiert l’exécution de la « moitié » de la peine pour l’ensemble des condamnés, il plafonne tout de même la durée de ce temps d’épreuve à quinze ans pour les non-récidivistes. L’on pourrait penser qu’il souhaitait limiter les effets de la temporalité des peines de longue durée et favoriser l’accès de ces condamnés à la libération conditionnelle. En réalité, la peine temporaire encourue la plus sévère s’élevant à trente années de réclusion criminelle, le plafond de quinze années correspond effectivement à la moitié de cette peine. Il s’agit donc plus d’une constatation du temps d’épreuve légalement fixé que d’une limitation volontaire. En tout état de cause, lorsqu’une peine de trente années de réclusion criminelle est prononcée en raison de la commission de faits graves, il semble cohérent qu’un temps d’épreuve de quinze années soit fixé. Si la durée du temps d’épreuve est concevable, il en va, en revanche, différemment de la réalité carcérale et du caractère occupationnel de la peine pendant cette période. A titre d’exemple, il est indiqué que le régime pénitentiaire en maison centrale est un régime renforcé[280] en vertu duquel le condamné demeure la plupart du temps dans sa cellule[281]. Chaque sortie du condamné de la cellule doit être justifié par « l'accès à la promenade, par un rendez-vous qui lui est fixé, par une convocation qui lui est adressée ou par une inscription à une activité[282] ». Or, hormis les promenades quotidiennes, les activités en détention manquent cruellement[283], tant et si bien que le temps de la peine a pu être qualifié de « temps mort[284]». De son côté, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté déplore régulièrement la pénurie d’activités ainsi que le faible nombre d’offres d’emploi et de formations professionnelles[285]. Il n'hésite, d’ailleurs pas, à dénoncer le traitement discriminatoire opéré quant à l’affectation des activités, vis-à-vis des personnes condamnées pour des faits liés au terrorisme islamiste ou des personnes détenues radicalisées[286]. Le « désœuvrement » des activités en détention constitue une problématique majeure[287] contribuant au sentiment d’une attente interminable tandis que le temps d’épreuve légalement fixé, bien que mécaniquement plus long pour les peines de longue durée pourrait être converti en un temps utile. Au regard de ces éléments, l’on peut s’interroger quant à la pertinence du rehaussement du temps d’épreuve tenant compte de l’état de récidive des personnes condamnées aux peines de trente années de réclusion criminelle et de réclusion criminelle à perpétuité.

37. Prise en compte de l’état de récidive des longues peines. Si les personnes condamnées à une longue peine privative de liberté voient leur accès à la libération conditionnelle mécaniquement retardé, un paramètre juridique indirect ne doit pas être éludé. Il s’agit de l’état de récidive du condamné. Cet état était pris en considération dans le calcul du temps d’épreuve jusqu’au 1er janvier 2015. Ce dernier était alors porté aux deux-tiers de la peine en vue de sanctionner plus sévèrement les récidivistes. Depuis l’adoption de la loi du 15 août 2014🏛, le législateur n’a que partiellement supprimé ce durcissement puisque si le temps d’épreuve correspond désormais à la moitié de la peine, indépendamment de l’état de récidive ou non du condamné, le plafond du temps d’épreuve est toujours rehaussé à vingt années en cas de récidive. Cela signifie que dans le cas d’une peine de trente années de réclusion criminelle, le condamné en état de récidive devra exécuter un temps d’épreuve de vingt années. Cette disposition peut étonner en ne visant que les personnes condamnées à la plus haute peine à temps. En maintenant ce traitement différencié, le législateur participe donc au recul de l’accès à la libération conditionnelle d’une partie des longues peines privatives de liberté. Toutefois, si ces dispositions ne sont pas envisagées comme retardant directement l'accès des longues peines à la libération conditionnelle, c’est en raison de la volonté initiale du législateur de prendre en compte l’état de récidive du condamné et non la durée de la peine. En effet, le législateur ne souhaitait pas durcir les conditions d'accès à la libération conditionnelle spécifiquement pour les longues peines mais pour les récidivistes, quand bien même il n’a pas étendu, en 2014, l'adoucissement de la durée du temps d’épreuve aux personnes en état de récidive condamnées à une peine de trente ans de réclusion criminelle, consacrant ainsi un retard juridique indirect. Il en va d’ailleurs de même concernant les réclusionnaires à perpétuité.

2°) Un temps d’épreuve fixe pour les peines perpétuelles

38. Allongement justifié du temps d’épreuve des réclusionnaires à perpétuité non-récidivistes. En raison du caractère indéterminé de la fin de la peine de réclusion criminelle à perpétuité, le législateur ne peut fixer la fin du temps d’épreuve à la moitié de la peine comme cela est le cas pour les peines à temps. C’est pour cette raison que lors de son adoption, la libération conditionnelle n’était pas prévue pour les peines perpétuelles tant que ces dernières n’avaient pas été commuées[288]. Par conséquent, lors de l’extension de cet aménagement aux réclusionnaires à perpétuité, il incombait au législateur d’établir la durée du temps d’épreuve à exécuter. Celle-ci a été fixée à quinze années pour être étendue à dix-huit années en 2005[289]. Cette extension s’inscrit dans le cadre d’un durcissement plus général du régime applicable aux récidivistes en matière d’exécution des peines mais les réclusionnaires à perpétuité non-récidivistes y ont été assimilés. Quoi qu’il en soit, bien que ce temps d’épreuve soit allongé, il apparait en cohérence avec l’échelle des peines prévues par le Code pénal. En effet, il faut rappeler que le temps d’épreuve à exécuter pour une peine de trente années de réclusion criminelle est de quinze ans. Or, cette peine encourue n’est que récente et procède de la « reconstruction des peines » du nouveau Code pénal de 1994 faisant suite à l’abolition de la peine de mort[290]. Avec la création de cette peine, et jusqu’en 2005, une personne condamnée à une peine de réclusion criminelle à perpétuité pouvait bénéficier du même temps d’épreuve à exécuter qu’une personne condamnée à une peine de trente ans de réclusion criminelle[291]. Cela posait donc une difficulté d’équité. Depuis 2005, un équilibre est restauré par l’allongement du temps d’épreuve des réclusionnaires à perpétuité. En revanche, il est à noter qu’ici encore l’état de récidive reste pris en compte pour les réclusionnaires à perpétuité dont le temps d’épreuve est rehaussé à vingt-deux ans. Néanmoins, il convient de relever que les réclusionnaires à perpétuité peuvent bénéficier d’une réduction de leur temps d’épreuve.

39. Possibilité de réduction du temps d’épreuve sur le fondement des réductions de peine. En raison du caractère indéterminé de la réclusion criminelle à perpétuité, il est impossible, en pratique, de procéder au calcul de réductions de peine. Néanmoins, afin de lutter contre l’attente passive des réclusionnaires, le législateur prévoit, aux termes de l’article 729-1 du Code de procédure pénale🏛, la possibilité, par le truchement du mécanisme des réductions de peine, de réduire la durée du temps d’épreuve en vue de l’octroi de la libération conditionnelle[292], bien que certains contestent l’application concrète de ce dispositif[293]. En outre, si le principe est louable, il convient d’apporter quelques observations quant à sa portée, en distinguant les divers régimes applicables, à savoir, celui en vigueur avant l’adoption de la loi du 9 mars 2004🏛[294], celui appliqué après cette loi jusqu’à celle du 22 décembre 2021, et enfin celui instauré par la loi du 22 décembre 2021🏛.

40. Réduction du temps d’épreuve fondée sur les régimes des réductions de peine ordinaires antérieurs à la loi du 22 décembre 2021🏛. Avant la loi du 9 mars 2004🏛, l’article 729-1 du Code de procédure pénale🏛 prévoyait des réductions du temps d’épreuve « dans les formes et les conditions prévues par les articles 721 et 721-1 ». Ces articles concernaient respectivement les réductions de peine accordées en cas de « preuves suffisantes de bonne conduite » et d’« efforts sérieux de réadaptation sociale ». Il existait donc deux types de réductions de peine et les réclusionnaires à perpétuité pouvaient ainsi bénéficier d’une réduction du temps d’épreuve par le biais de deux mécanismes distincts. A partir du 1er janvier 2005, le crédit de réduction de peine automatique a remplacé les réductions de peine traditionnelles accordées en cas de bonne conduite. Ce crédit était octroyé dès le prononcé de la peine mais pouvait être retiré par le juge de l'application des peines en cas de mauvaise conduite du condamné. Or, ce mécanisme inverse n’était pas sans incidence sur celui de réduction du temps d’épreuve des peines perpétuelles. En effet, le législateur, ne souhaitant pas accorder de réduction automatique du temps d’épreuve aux réclusionnaires à la perpétuité, avait tout simplement supprimé le visa de l’article 721, la réduction du temps d’épreuve ne pouvant plus se fonder que sur les dispositions de l’article 721-1 du Code de procédure pénale🏛. Dans les faits, le réclusionnaire à perpétuité ne pouvait plus obtenir une réduction du temps d’épreuve qu’en ayant fourni des efforts sérieux de réadaptation sociale, à savoir uniquement via des réductions supplémentaires de peine. Sa bonne conduite n’était donc plus prise en considération, comme cela était le cas auparavant. La durée maximale des réductions possibles n’avait pas été modifiée mais les éventualités de réductions étaient de facto restreintes. Or, il semble plus évident pour une personne condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité de faire preuve d’une bonne conduite en détention que de fournir des efforts de réinsertion tandis que la question d’une éventuelle réinsertion se pose par le prononcé d’une telle peine. Par conséquent, la modification de la législation sur les réductions de peine produisait des conséquences dommageables en troublant significativement les modalités de réduction du temps d’épreuve des réclusionnaires à perpétuité. Cela étant, la loi du 22 décembre 2021🏛 a permis indirectement de « réparer » ce dommage en revenant au droit antérieur.

41. Réduction du temps d’épreuve fondée sur le régime des réductions de peine ordinaires prévu par la loi du 22 décembre 2021🏛. La loi du 22 décembre 2021🏛[295] a conduit à la suppression du mécanisme du crédit de réduction de peine et a créé, au sein de l’article 721 du Code de procédure pénale🏛, un régime unique de réductions de peine accordées a posteriori[296]. Ces réductions de peine peuvent être octroyées aux condamnés ayant manifesté des « preuves suffisantes de bonne conduite » et des « efforts sérieux de réinsertion[297] ». S’agissant dorénavant de réductions intégralement accordées a posteriori, il est, à nouveau, possible pour les réclusionnaires à perpétuité de bénéficier d’une réduction du temps d’épreuve sur le fondement de l’ensemble des réductions de peine. Concrètement, la bonne conduite du condamné à une peine de réclusion criminelle à perpétuité peut, derechef, être prise en considération dans le calcul de la réduction du temps d’épreuve. Même si cela résulte de la disparition du crédit de réduction de peine et que le législateur n’avait pas particulièrement pour objectif de modifier le régime applicable aux réclusionnaires à perpétuité, force est de constater que les nouvelles dispositions rétablissent une certaine équité entre les condamnés. Cependant, il convient de souligner la complexité des règles d’application de ce nouveau dispositif. En effet, l’article 59 VI de la loi du 22 décembre 2021🏛 prévoit que : « les articles 717-1, 721, 721-1, 721-2 et 729-1 du code de procédure pénale🏛🏛🏛🏛🏛, dans leur rédaction résultant de l'article 11 de la présente loi, sont applicables aux personnes placées sous écrou à compter du 1er janvier 2023, quelle que soit la date de commission de l'infraction. Les personnes placées sous écrou avant cette date demeurent soumises au régime défini aux articles 717-1, 721, 721-1, 721-1-1, 721-2 et 729-1 du code de procédure pénale🏛🏛🏛🏛🏛🏛 dans leur rédaction antérieure à la présente loi ». Par conséquent, deux régimes coexistent depuis le 1er janvier 2023, y compris pour les réclusionnaires à perpétuité. Ces derniers, en fonction de la date de leur placement sous écrou bénéficieront ou non du régime plus favorable de réduction du temps d’épreuve. Ainsi, il semblerait que la bonne conduite du condamné soit prise en compte au titre de la réduction du temps d’épreuve uniquement pour ceux ayant été placés sous écrou à partir du 1er janvier 2023, les autres condamnés demeurant soumis au régime antérieur. Quoi qu’il en soit, la réduction du temps d’épreuve prévue aux termes de l’article 729-1 du Code de procédure pénale🏛 ne peut excéder un mois par année d’incarcération ou vingt jours si le condamné est en état de récidive légale.

42. Réduction du temps d’épreuve fondée sur les régimes des réductions de peine exceptionnelle. Deux types de réduction de peine exceptionnelle peuvent en outre réduire la durée du temps d’épreuve applicable aux réclusionnaires à perpétuité ayant d’une part, fait des déclarations ayant permis d’éviter ou de mettre fin à la commission d’infractions limitativement énumérées[298], et d'autre part, permis d'éviter ou de mettre fin à une action de nature à troubler le bon ordre de l'établissement pénitentiaire ou à porter atteinte à la vie ou à l'intégrité d'un personnel pénitentiaire ou d'une autre personne détenue[299]. Dans ces circonstances, la réduction du temps d’épreuve peut aller jusqu’à cinq ans. Enfin, si la réduction du temps d’épreuve n’est envisagée que pour les personnes condamnées à la réclusion criminelle à perpétuité, il existe trois cas d’exonération de l’exécution du temps d’épreuve prévus par le législateur. Dans ces cas, la condition d’exécution minimale de la partie punitive de la peine s’efface devant des considérations humanitaires, à savoir l’âge avancé du condamné, sa parentalité ou son état de santé. Le législateur exige toutefois que les conditions matérielles soient remplies ou a minima que soit écarté le risque d’un trouble à l’ordre public. Bien que les longues peines puissent théoriquement bénéficier de ces exonérations, la durée de la peine demeure quelquefois encore un obstacle mécanique à cette faculté.

B°) L’exécution d’un temps d’épreuve : des causes d’exonération peu compatibles avec la temporalité des longues peines

43. Exonération en raison de l’âge du condamné. Depuis un certain nombre d’années, la prison est confrontée à la problématique multifactorielle du vieillissement carcéral[300]. Bien qu’il reflète le vieillissement de la société dans laquelle l’espérance de vie a augmenté, des facteurs juridiques peuvent également être pointés du doigt tels que l’allongement des peines - en raison du prononcé de peines plus longues mais aussi de la complexification de l’accès aux aménagements de peine – et l’incarcération de condamnés plus âgés en raison des allongements de la durée et du point de départ de la prescription de l’action publique. Or, actuellement, l’administration pénitentiaire ne peut - et n’a pas vocation à - gérer quotidiennement la dépendance dans laquelle s’inscrivent certains détenus âgés qui bénéficieraient d’un accueil plus adapté en établissement spécialisé ou, à tout le moins, hors de l’enceinte d’une prison[301]. Ces personnes détenues ne sont pas exclusivement condamnées à de longues peines privatives de liberté, puisqu’il peut s’agir d’entrées tardives en détention. Néanmoins, factuellement, plus la peine prononcée est longue, plus il y a de risques de vieillir en détention, et c’est à ce titre qu’il convient d’évoquer une disposition plus favorable prévue par le législateur pour les condamnés âgés de plus de soixante-dix ans. En effet, si l’âge avancé du condamné n’est pas stricto sensu incompatible avec une vie carcérale, l’on ne peut éluder la question d’un élargissement anticipé[302]. Depuis l’adoption de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, ces condamnés bénéficient d’un régime plus favorable en ce qu’ils sont dispensés d’accomplir un temps d’épreuve pour solliciter une libération conditionnelle. Ce régime dérogatoire tient compte de la difficulté de la vie carcérale à compter d’un certain âge mais également de l’incidence de la prison sur le vieillissement prématuré des condamnés[303]. Il faut préciser que la suppression de l’exécution d’un temps d’épreuve ne suppose pas la disparition de toute exigence à l’endroit du condamné sollicitant une mesure de libération conditionnelle. Si la condition temporelle disparait, les conditions matérielles apparaissent renforcées. Tout d’abord, les efforts sérieux de réinsertion ne suffisent plus puisque l’insertion ou la réinsertion doit désormais être assurée. En revanche, il est clair qu’il n’est pas attendu du condamné qu’il construise un projet de réinsertion traditionnel en trouvant un emploi ou encore en suivant une formation ou un stage par exemple. Le législateur évoque « une prise en charge adaptée à sa situation » ou la garantie d’un « hébergement »[304]. Toutefois, et comme l’indique le sénateur Lecerf, il s’agit d’une condition moins souple qu’il n’y parait, compte tenu de la difficulté à trouver un hébergement, notamment en maisons de retraite[305]. Enfin, deux cas de figure excluent une telle libération conditionnelle, à savoir : l’existence d’un « risque grave de renouvellement de l’infraction » et l’hypothèseè dans laquelle la libération « est susceptible de causer un trouble grave à l’ordre public ». Si le juge de l'application des peines tient compte, de manière générale, dans ses décisions, du risque de commission de nouvelles infractions[306], il y est fait spécifiquement référence ici, comme pour bien le lui rappeler. Néanmoins, l’ajout de l’adjectif « grave » permet une caractérisation plus restrictive du risque de renouvellement de l’infraction et du trouble causé à l’ordre public. Le législateur a, semble-t-il, tenté de trouver un équilibre entre la volonté de ne pas trop assouplir les conditions d’octroi de la libération conditionnelle et celle de ne pas créer un régime plus favorable inutile car inapplicable en pratique. Dans les faits, cette disposition plus douce n’a toutefois pas entraîné une libération massive des condamnés âgés[307]. D’ailleurs, il est à noter que ce régime dérogatoire plus favorable se heurte, en particulier lorsqu’il s’agit d’une longue peine privative de liberté, à d’autres dispositions spéciales relatives, d’une part, à l’exécution d’une période de sûreté et, d’autre part, au régime dérogatoire plus sévère de la libération conditionnelle, toutes deux évoquées infra[308]. En effet, il conviendra d’observer l’incidence dommageable sur les condamnés des difficultés d’articulation entre les multiples régimes dérogatoires. Par ailleurs, une deuxième cause d’exonération d’exécution du temps d’épreuve est prévue par le Code de procédure pénale. Celle-ci tient compte de la parentalité du condamné.

44. Exonération en raison de la parentalité du condamné. Dès les années 2000, le droit pénitentiaire s’est intéressé à la question de la parentalité des personnes détenues. Cela s’inscrit, d’une part, dans une volonté plus large de normalisation de la vie carcérale, principe notamment consacré en 2006 au sein de la cinquième règle pénitentiaire européenne précisant que « la vie en prison est alignée aussi étroitement que possible sur les aspects positifs de la vie à l’extérieur de la prison[309] ». En ce sens, la question de la parentalité est une problématique qu’il convient de ne pas reléguer au second plan puisqu’il s’agit d’un enjeu important dans la réinsertion du condamné. Cela s’inscrit également et surtout dans un contexte croissant de prise en considération de l’intérêt de l’enfant. Martine Herzog-Evans rappelle justement à ce titre les dispositions de l’article 9-1 de la Convention relative aux droits de l’enfant, à savoir : « Les Etats parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l'intérêt supérieur de l’enfant[310] ». C’est donc à travers la loi du 15 juin 2000🏛, renforcée par celle du 15 août 2014, que le législateur consacre la libération conditionnelle « parentale » au sein de l’article 729-3 du Code de procédure pénale🏛. Celle-ci peut être accordée dans deux cas, à savoir : lorsque la personne condamnée « exerce l’autorité parentale sur un enfant de moins de dix ans ayant chez ce parent sa résidence habituelle » et lorsque la personne condamnée est une « femme enceinte de plus de douze semaines ». Il convient de souligner que ce régime dérogatoire, s’il dispense les condamnés concernés de l’exécution du temps d’épreuve, prévoit tout de même l’application de conditions temporelles. En effet, sont éligibles à la libération conditionnelle parentale les condamnés exécutant « une peine privative de liberté inférieure ou égale à quatre ans » ou dont « la peine restant à subir est inférieure ou égale à quatre ans ». Par ailleurs, les exigences de réalisation d’efforts sérieux de réinsertion sont maintenues[311]. Enfin, il est à noter que sont exclues d’office de cette mesure les personnes ayant été condamnées pour un crime ou un délit commis sur un mineur, ce qui se justifie au regard de l’intérêt de l’enfant évoqué[312]. En définitive, l’on ne peut nier l’intérêt de la mesure de libération conditionnelle parentale. Toutefois, son impact sur les longues peines demeure résiduel voire illusoire. En effet, dans un premier temps, la suppression du temps d’épreuve concerne les peines inférieures ou égales à quatre ans, excluant ainsi les longues peines. Dans un second temps, sont visées les peines dont il reste à exécuter quatre années, lesquelles peuvent donc effectivement être de longue durée. D’ailleurs, le législateur employant le terme de « peine privative de liberté », ne distingue pas entre les peines criminelles et les peines correctionnelles. Toutefois, en fixant le reliquat de peine à exécuter à quatre ans, il n’a rendu opportune la libération conditionnelle parentale que pour des peines de moyenne durée. En effet, plus la peine est longue, plus la libération conditionnelle de droit commun est préférable puisque le temps d’épreuve est légalement fixé à la moitié de celle-ci et que les efforts sérieux de réinsertion sont requis dans les deux cas[313].

De plus, le condamné peut solliciter une libération sur le fondement de la participation essentielle à la vie de famille, notion quelque peu voisine de la libération conditionnelle parentale. Il faut ajouter à cela que les conditions supplémentaires exigées se heurtent à la réalité des longues peines. En effet, dans la première hypothèse, l’enfant ne doit pas être âgé de plus de dix ans, ce qui dans le cadre de l’exécution d’une longue peine, constitue une condition limitative[314]. Surtout, si l’autorité parentale requise est maintenue, l’on peut s’interroger sur la probabilité que la résidence habituelle de l’enfant soit le domicile du parent condamné après une incarcération de longue durée. L’on comprend alors que les longues peines ne constituent pas le public visé par les dispositions de l’article 729-3 du Code de procédure pénale🏛 et qu’un contournement de l’exécution du temps d’épreuve par leur biais n’est pas sérieusement envisageable. Il reste, cependant, une situation dans laquelle cette mesure peut être intéressante : lorsqu’une femme enceinte de plus de douze semaines, condamnée à une longue peine n’a pas encore obtenu de libération conditionnelle alors que la peine restant à subir n’excède pas quatre ans. Il faut avouer qu’il s’agit d’un cas d’école puisque si les conditions temporelles et matérielles le permettent, elle peut obtenir une libération conditionnelle classique avant une libération conditionnelle parentale. L’on peut alors s’interroger sur les limites de la prise en compte de la parentalité et de l’intérêt de l’enfant. Dans les faits, il semble que si le législateur s’est penché sur ceux-ci via la consécration de la libération conditionnelle parentale, ils ne deviennent qu’accessoires lorsque la condamnation dépasse un certain quantum. Il existe ainsi une limite à partir de laquelle la gravité de l’infraction prend le pas sur les intérêts évoqués. En définitive, ce régime spécial ne présente que peu d’intérêt pour les longues peines. Enfin, le législateur prévoit un dernier cas d’exonération de l’exécution du temps d’épreuve. Celui-ci s’appuie sur l’état de santé du condamné.

45. Exonération en raison de l’état de santé du condamné. L’état de santé du condamné est un critère dont le législateur et le juge de l’application des peines tiennent compte à plusieurs égards. En l’occurrence, il permet parfois d’exonérer le condamné de l’exécution du temps d’épreuve exigé en matière de libération conditionnelle. Il faut rappeler que le Code de procédure pénale prévoit une suspension médicale de peine aux termes de l’article 720-1-1 « pour les condamnés dont il est établi qu'ils sont atteints d'une pathologie engageant le pronostic vital ou que leur état de santé physique ou mentale est durablement incompatible avec le maintien en détention ». Il s’agit, bien entendu, d’un mécanisme exceptionnel permettant, dans de strictes conditions, la suspension de l’exécution de la peine. Cette suspension peut intervenir à tout moment à compter du prononcé de la condamnation. Le dernier alinéa de l’article 729 du Code de procédure pénale🏛 prévoit, quant à lui, que « lorsque le condamné bénéficie d'une mesure de suspension de peine sur le fondement de l'article 720-1-1, la libération conditionnelle peut être accordée sans condition quant à la durée de la peine accomplie si, à l'issue d'un délai d'un an après l'octroi de la mesure de suspension, une nouvelle expertise établit que son état de santé physique ou mentale est toujours durablement incompatible avec le maintien en détention et si le condamné justifie d'une prise en charge adaptée à sa situation ». Le législateur érige alors la libération conditionnelle en « relais » de la suspension médicale de peine pour le condamné dont la réincarcération ne serait pas possible. A cette fin, et dans un esprit de conformité aux dispositions humanitaires de l’article 720-1-1, il supprime l’exigence d’un temps d’épreuve. Compte tenu de la durée du temps d’épreuve, ce troisième cas d’exonération semble parfaitement adapté à la temporalité des longues peines. Au surplus, il convient de remarquer que l’articulation entre les régimes de suspension médicale de peine et de libération conditionnelle des longues peines est plus favorablement appréhendée par la jurisprudence que l’articulation entre les régimes de libération conditionnelle des personnes âgées et de libération conditionnelle des longues peines[315][316].

46. Caractère proportionné du temps d’épreuve. Au-delà des cas spéciaux d’exonération de l’exécution du temps d’épreuve, l’accès à la libération conditionnelle, bien que mécaniquement plus lointain, semble obéir à des conditions temporelles proportionnées pour les personnes condamnées à une longue peine privative de liberté. En effet, l’instauration d’un temps d’épreuve dont la durée est fixée à la moitié de la peine matérialise la recherche d’un équilibre entre les deux fonctions de la peine légalement déterminées, à savoir la sanction de l’auteur des faits et sa réinsertion[317], dont aucune ne semble prendre le pas sur l’autre. Au-delà de la partie punitive de la condamnation forcément plus longue lorsqu’une infraction grave a été commise, la personne détenue conserve sa faculté de projection dans une vie hors de l’univers carcéral. Aussi, la nécessité d’assurer les deux fonctions complémentaires de la peine permet de constater une adéquation entre la durée du temps d’épreuve légalement fixée et celle de la longue peine. Par conséquent, il n’apparait pas opportun, d’abaisser le temps d’épreuve requis afin d’accorder plus tôt une libération conditionnelle aux personnes condamnées à une longue peine au risque d’autoriser un élargissement prématuré. En ce qui concerne les aménagements de peine sous écrou, ces derniers ne semblent pas aussi compatibles que la libération conditionnelle avec les longues peines. Pourtant, ils demeurent complémentaires.

Section 2 : La complémentarité des aménagements de peine sous écrou

47. Définition des aménagements de peine sous écrou. Dans le cadre de l’incarcération d’un individu et notamment de l’exécution d’une peine privative de liberté, il existe un « registre constitué de feuillets mobiles constatant officiellement l’entrée et la sortie [du] prisonnier dans une prison et établissant ainsi à tout instant la position pénitentiaire exacte de ce détenu[318] ». Ce registre est dénommé « écrou ». La levée d’écrou[319] intervient lorsque la personne détenue est libérée. Cette libération ne signifie pas forcément que la peine a été exécutée dans son intégralité. En effet, une levée d’écrou est prévue dans le cadre d’une libération conditionnelle alors que le condamné poursuit l’exécution de sa peine en milieu ouvert. A contrario, d’autres aménagements ne sont pas assortis d’une telle levée, comme en atteste l’article D 212-12 du Code pénitentiaire précisant qu’« il n'y a pas lieu de lever l'écrou des personnes détenues faisant l'objet des mesures prévues par les dispositions de l'article D.118 du Code de procédure pénale🏛, mais mention de ces mesures doit être portée au registre d’écrou ». L’article auquel il est renvoyé évoque quatre aménagements à savoir : le placement à l’extérieur, la semi-liberté, les permissions de sortir et la détention à domicile sous surveillance électronique. C’est la raison pour laquelle, il convient de traiter dans une section unique ces quatre mesures. Toutefois, il est opportun de distinguer les trois aménagements de fin de peine (§1) des permissions de sortir ne constituant que des mesures ponctuelles dans l’exécution de la peine (§2). Dans tous les cas, si ces aménagements semblent moins naturellement compatibles que la libération conditionnelle avec des peines de longue durée, il ne faut pas en minimiser leur utilité. C’est justement leur complémentarité, voire leur interdépendance avec l’aménagement de peine principal qu’il convient de souligner.

§1 – L’utilité des aménagements de fin de peine

48. Adaptation nécessaire de la temporalité des aménagements de fin de peine. Bien que l’intérêt des aménagements de fin de peine soit reconnu (A), leur intervention tardive peut être déplorée. Pour autant, érigés en aménagements de peine probatoires à la libération conditionnelle, ils retrouvent leur utilité (B).

A°) L’intérêt reconnu des aménagements de fin de peine

49. Plan. Il convient de présenter brièvement les trois aménagements de fin de peine (1) avant d’en observer les bénéfices (2)

1°) Présentation succincte des aménagements de fin de peine

50. La semi-liberté. Conformément aux termes du huitième principe de la réforme pénitentiaire impulsée par Paul AMOR en 1945 : « un régime progressif est appliqué dans chacun de ces établissements en vue d’adapter le traitement du prisonnier à son attitude et à son degré d’amendement. Ce régime va de l’encellulement à la semi-liberté[320] ». Lorsque la semi-liberté apparait, celle-ci s’inscrit dans le régime progressif dont elle constitue l’une des ultimes étapes. Caractérisée par la confiance octroyée au condamné, la semi-liberté précède la libération conditionnelle, elle-même précédant la libération définitive du condamné sans aucune forme de contrôle. La semi-liberté est donc initialement moins prévue comme un aménagement de fin de peine que comme une transition vers une libération conditionnelle, c’est à dire un aménagement de peine probatoire[321]. La semi-liberté permet aujourd’hui au condamné d’exécuter partiellement sa peine extra muros afin de réaliser une activité particulière aux termes des articles 723-1 et D119 du Code de procédure pénale🏛🏛. Cela consiste généralement en l’exercice d’une activité professionnelle, d’un emploi temporaire, au suivi d’un stage ou en la recherche d’un emploi, par exemple[322]. Le condamné doit réintégrer l'établissement pénitentiaire selon les horaires décidés par le juge de l'application des peines à l’issue de cette activité. Il peut s’agit d'un centre de semi-liberté, d'un quartier semi-liberté ou d’une structure d’accompagnement vers la sortie[323]. Dans la négative, il est considéré en état d’évasion[324].

51. Le placement à l’extérieur. Le placement à l’extérieur[325], souvent traité conjointement à la semi-liberté par le législateur, permet également de quitter l’établissement pénitentiaire en vue d’accomplir une activité particulière, en étant soumis ou non à la surveillance du personnel pénitentiaire[326]. Initialement, n’existait que le placement sous surveillance en tant que modalité d’exécution du travail pénitentiaire[327]. C’est l’ancienne rédaction de l’article D131 du Code de procédure pénale🏛 qui consacre le placement à l’extérieur sans surveillance à partir de 1985[328]. La distinction opérée entre placement à l’extérieur sans ou sous surveillance de l’administration pénitentiaire est aujourd’hui sujette à caution car elle ne serait plus conforme à la pratique tant le prononcé de placements à l’extérieur sous surveillance est devenu rare. Il faudrait alors plutôt distinguer les placements collectifs des placements individuels[329]. Dans tous les cas, le placement à l’extérieur demeure un aménagement de choix pour un public précaire en ce qu’il permet, par le biais de certaines structures et associations principalement, de proposer un hébergement ainsi qu’une prise en charge sanitaire et sociale globale au condamné isolé.

52. La détention à domicile sous surveillance électronique. Le placement sous surveillance électronique, devenu récemment détention à domicile sous surveillance électronique[330], est apparu en 1997[331]. La technologie permet, désormais, au condamné d’exécuter sa peine à l’extérieur des murs de la prison, tout en étant contraint de respecter un cadre spatio-temporel déterminé[332]. Trois principaux arguments sont apportés en faveur de la création du placement sous surveillance électronique. Tout d’abord, prononcé ab initio, il s’agit d’un outil permettant d’éviter la désocialisation et les effets délétères inhérents à l’incarcération des personnes condamnées à de courtes peines d’emprisonnement, et en tant que mesure post-sentencielle, il aiderait à lutter contre les sorties sèches. Dans un deuxième temps, il s’agirait d'une mesure pouvant endiguer le phénomène de surpeuplement carcéral déjà problématique lors de l’adoption du texte puisqu’un taux d’occupation des établissements pénitentiaires de 111% était alors constaté[333]. Enfin, l’argument financier est retenu puisque le coût d’une place de prison est alors estimé à 400 francs par jour et par personne détenue tandis qu’il serait compris entre 80 et 120 francs dans le cadre d’une surveillance électronique[334].

53. Rapprochement des conditions matérielles d’octroi avec la libération conditionnelle. L’on peut être surpris de constater que les dispositions relatives à la semi-liberté, au placement à l’extérieur ainsi qu’à la détention à domicile sous surveillance électronique, à savoir les articles 723-1 et 723-7 du Code de procédure pénale🏛🏛, ne précisent pas les conditions matérielles d’octroi de ces mesures. Si le législateur ne prend pas la peine d’individualiser la rédaction des dispositions relatives à la semi-liberté et au placement à l’extérieur, les consacrant au sein du même article 723-1, il est encore plus étonnant de s’apercevoir qu’il faut se reporter à l’article D119 du Code de procédure pénale🏛, situé dans sa partie réglementaire, pour y découvrir les conditions matérielles communes à ces mesures, à la différence de la libération conditionnelle pour laquelle le conséquent article 729 est prévu. Ainsi, depuis sa modification par le décret du 3 mars 2020[335], l’article D119 renvoie aux dispositions générales de l’article 707 du Code de procédure pénale🏛[336] mais surtout aux conditions matérielles exigées en matière de libération conditionnelle. Il est, en effet, indiqué que l’aménagement doit être justifié pour permettre au condamné de : « 1° D'exercer une activité professionnelle, même temporaire, de suivre un stage, un enseignement ou une formation professionnelle, ou de rechercher un emploi; 2° de participer à la vie de sa famille; 3° de suivre un traitement médical ; 4° d'assurer sa réadaptation sociale du fait de son implication dans tout autre projet d'insertion ou de réinsertion de nature à prévenir les risques de récidive ». A vrai dire, il semblerait que pour l’ensemble de ces aménagements de peine dont le fondement est la réinsertion du condamné, le juge de l’application des peines tienne compte de critères similaires. Cela illustre la proximité de ces mesures voire leur complémentarité. En l’occurrence, l’intérêt de ces trois aménagements résulte de leur caractère plus contraignant par rapport à la libération conditionnelle. Cette contrainte renforcée peut être nécessaire après l’exécution d’une peine de longue durée.

2°) Le contrôle et l’accompagnement renforcés des aménagements de fin de peine

54. Le maintien d’un contrôle physique du condamné. Bien que le condamné bénéficiant d’une libération conditionnelle soit soumis au respect de certaines obligations générales et particulières, il n’est pas assigné à résidence et demeure en principe « libre » de ses mouvements. Cela n’est pas le cas dans le cadre d’une détention à domicile sous surveillance électronique ou d’une semi-liberté puisque le condamné est physiquement contraint. En effet, il doit être présent à son domicile à certains horaires, dans un cas, et regagner l’établissement pénitentiaire la nuit, dans l’autre. Cette contrainte supplémentaire permet de contrôler un peu plus le condamné et de lui laisser une marge de manœuvre moins importante qu’à l’occasion d’une libération conditionnelle. Cela peut donc tout à fait correspondre aux condamnés à de longues peines ayant commis des faits graves et pour lesquels il existerait quelques réticences à prononcer un aménagement de peine. Malheureusement, les places de semi-liberté sont peu nombreuses[337] et leur répartition géographique peut dissuader les condamnés de solliciter un tel aménagement pouvant contrarier les visites familiales lorsque le centre ou le quartier est trop éloigné. De plus, ces places ne sont pas toujours en adéquation avec le marché de l’emploi, ce qui pose des difficultés d’accessibilité[338]. Concernant la détention à domicile sous surveillance électronique, si le maintien d’un contrôle physique est effectivement assuré, l’on peut déplorer l’insuffisance d’accompagnement socio-éducatif. Il était déjà indiqué en 2013 que « souvent, les personnes qui en bénéficient sont livrées à leur isolement, ce qui entrave le processus de réadaptation sociale. Le placement sous surveillance électronique s’apparente en réalité à un simple dispositif de contrôle, dont les effets sur la prévention de la récidive apparaissent très incertains. Dès lors, il semble indispensable d’y ajouter un accompagnement soutenu, afin d’enclencher un véritable processus de réinsertion[339] ». En effet, l’aménagement d’une peine ne peut être constitué uniquement d’une mesure de contrôle du corps du condamné, lequel est astreint à un cadre spatio-temporel défini, sans accompagnement, le cas échéant renforcé lorsqu’il s’agit de longues peines.

55. Intérêt spécifique du cadre posé par le placement à l’extérieur. En ce qu’il vise un public désocialisé, le placement à l'extérieur semble particulièrement correspondre aux personnes condamnées à une longue peine privative de liberté puisque ces dernières risquent, après une longue incarcération, de nécessiter un accompagnement renforcé. En effet, lorsque l’on compare les trois mesures, l’on s’aperçoit qu’il s’agit de l’aménagement de fin de peine le plus adapté. A titre d’exemple, la détention à domicile sous surveillance électronique implique un logement au sein duquel le dispositif technique est installé. Or, la question de l’hébergement est bien souvent problématique pour un tel public. En outre, l’accompagnement socio-éducatif faisant défaut dans le cadre de la détention à domicile sous surveillance électronique[340], demeure indispensable pour les longues peines. De son côté, la semi-liberté implique une plus grande autonomie du condamné déjà suffisamment avancé dans son projet de réinsertion[341] alors que le placement à l'extérieur mobilise un certain nombre d’acteurs autour du placé. C’est d’ailleurs cette relation quadripartite qui permet le succès du placement[342]. L’intérêt de cet aménagement est unanimement reconnu en ce qu’il s’adapte aux besoins du condamné[343]. En effet, le placement consiste en une prise en charge pluridisciplinaire globale ou plus axée sur certains besoins, lorsqu’il s’agit de structures sanitaires spécialisées dans le traitement des addictions, par exemple. L’accompagnement social y est renforcé dans un objectif de réinsertion du condamné désocialisé, notamment par les longues années d’incarcération. Sa mise en œuvre limitée est regrettable. Toutefois, il semble que des difficultés liées au respect des contraintes de ce type d’aménagement apparaissent lorsqu’il s’étend sur une trop longue durée.

56. Mise en œuvre limitée du placement à l’extérieur multifactorielle. Présenté comme l’un des « meilleurs outils au service de la réinsertion » par les professionnels, le pourcentage de placements à l'extérieur est pourtant passé de 21% au 1er janvier 2005 à 9% au 1er janvier 2012[344]. Le nombre de placements à l’extérieur semblait stagner entre 2012 et 2014, passant de 2258 à 2235[345]. Depuis, les données relatives au nombre de placements à l’extérieur accordés ne sont plus communiquées au sein des chiffres annuels de la justice. En tout état de cause, plusieurs difficultés sont soulevées quant à l’octroi d’un placement à l’extérieur, en particulier sans surveillance de l’administration pénitentiaire.

57. Une préparation du projet chronophage par le SPIP. En premier lieu, l’investissement lié à la préparation d’un projet de placement à l’extérieur par le service pénitentiaire d’insertion et de probation est à souligner. Contrairement à d’autres mesures, il convient ici de solliciter et mobiliser les partenaires associatifs, d’organiser des rencontres entre ces partenaires et le condamné, avant de présenter le projet d’aménagement au juge de l'application des peines. Cela nécessite du temps - ce qui ne manque pas aux longues peines - mais à l’heure où les moyens humains sont limités, la démarche peut être dissuasive compte tenu de l’incertitude quant à l’issue réservée par le juge de l'application des peines à la demande présentée.

58. Le caractère « intuitu personae » des partenariats. Du côté du juge de l'application des peines, le déroulement de cet aménagement peut sembler risqué puisque la prise en charge du condamné est déléguée aux partenaires associatifs. Par conséquent, l’enthousiasme du juge dépend également de sa capacité à créer des partenariats pérennes[346] et de la confiance envers ces structures dans la surveillance des personnes placées sous main de justice. Or, compte tenu des disparités locales et des particularités de chaque partenaire, on ne peut que constater et déplorer l’hétérogénéité du placement à l’extérieur[347]. En effet, toutes les structures ne sont pas adaptées pour accueillir tous les profils de condamnés. En outre, une coopération intense entre les multiples acteurs se révèle indispensable au bon fonctionnement de la mesure, ce qui n’est pas toujours aisé à mettre en œuvre.

59. Le coût financier de la mesure. Pour finir, il ne faut pas négliger l’aspect financier du placement à l’extérieur puisque l’administration pénitentiaire dispose de crédits non extensibles et que la mesure est coûteuse. Or, la question du financement des associations est cruciale car, en raison de leur nature, il s’agit bien souvent de structures économiquement fragiles et tributaires des dotations[348]. Le nombre de places disponibles peut aussi freiner le développement de cet aménagement. Cependant, l’on ne peut se résigner à ne pas suffisamment exploiter un aménagement d’un grand intérêt pour tous pour des raisons économiques. En raison de l’ensemble de ces difficultés, il conviendrait de s’interroger sur l’opportunité d’une institutionnalisation des partenaires. La précarisation des associations constitue une difficulté à ne pas négliger et sans doute les structures hébergeantes et prenant en charge les personnes placées sous main de justice devraient, pour une plus grande fluidité de la mesure, être directement « rattachées » à l’État. Ces organismes étatiques emploieraient un panel varié de professionnels intervenant au sein des structures, comme cela est déjà le cas au sein des associations et la stabilité de ces organismes permettrait de relancer cet aménagement de peine ou, à tout le moins, d’éviter les écueils ci-dessus rapportés. Il semble que les pouvoirs publics veuillent œuvrer en ce sens et l’adoption de l’article L424-4 du Code pénitentiaire prévoyant l’agrément de ces structures par l’État[349] constitue un pas intéressant du législateur qui souhaite « sécuriser juridiquement et pérenniser financièrement leurs activités, qui jouent un rôle essentiel dans la réinsertion des personnes détenues[350] ».

B°) La double temporalité des aménagements de fin de peine

60. La réintégration des longues peines via l’instauration d’une double temporalité. L’intérêt des aménagements de peine sous écrou, plus spécifiquement de la semi-liberté et du placement à l’extérieur, ayant été démontré, il convient à présent d’étudier les conditions temporelles d’accès à ces mesures. En l’occurrence, le législateur a instauré une double temporalité. En premier lieu, ces aménagements interviennent traditionnellement en fin de peine ce qui les rend inadaptés à la temporalité des longues peines (1). Toutefois, conscient de leur utilité, le législateur a su, par leur consécration en aménagements de peine probatoires, en tirer profit et les réintégrer à l’exécution des longues peines privatives de liberté (2).

1°) Des aménagements de fin de peine inadaptés à la temporalité des longues peines

61. Instabilité juridique des seuils. Avant de constater une discordance entre les seuils prévus par le législateur et la temporalité des longues peines, force est de constater le manque de lisibilité des dispositions législatives en la matière, en raison d’une variation fréquente desdits seuils. En effet, au gré des réformes successives, le seuil d’éligibilité a souvent oscillé entre une et deux années de peine privative de liberté restant à subir. Concernant la semi-liberté et la détention à domicile sous surveillance électronique, le législateur prévoyait un seuil d’un an jusqu’à l’adoption de la loi pénitentiaire de 2009 rehaussant ce dernier à deux ans. Pour ne rien faciliter, les récidivistes étaient exclus de ces dispositions plus favorables et restaient soumis au seuil précédent. La réforme pénale de 2014, souhaitant réduire les distinctions entre récidivistes et non-récidivistes, n’a pas été au bout de ses ambitions et c’est finalement la loi du 23 mars 2019🏛 qui supprime la disposition plus sévère applicable aux récidivistes en fixant le seuil à deux années pour l’ensemble des condamnés[351]. Au-delà de ces variations intempestives, le principe de clarté de la loi est également affaibli par un manque de lisibilité des seuils du placement à l’extérieur. Concernant le placement à l’extérieur, il convient de rappeler l’adage « ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus[352] ». Via l’article 723-1 du Code de procédure pénale🏛, la loi fixe un seuil unique d’éligibilité au placement à l’extérieur sans distinguer en fonction du type de placement. Pourtant, les dispositions réglementaires fixent, quant à elles, des seuils distincts selon qu’il s’agisse d’un placement à l'extérieur sous surveillance ou sans surveillance du personnel pénitentiaire. L’article D128 dudit Code vise les détenus ayant à subir « une durée d’incarcération inférieure ou égale à cinq ans » ou encore ceux ayant exécuté leur temps d’épreuve tandis que l’article D136 vise le seuil de deux ans légalement fixé. L’exigence de clarté de la loi ne parait donc pas satisfaite. Par ailleurs, il est à noter que l’article D136 n’a pas été actualisé et ne tient donc pas compte des nouvelles dispositions de la loi du 23 mars 2019 avec lesquelles il n’est pas en conformité. En effet, l’article réglementaire opère toujours une distinction entre les récidivistes et les non-récidivistes. Compte tenu de la hiérarchie des normes, il conviendrait de prendre en considération les dispositions législatives. Pour autant, cela démontre qu’en raison d’une production importante et des changements fréquents, le législateur est moins attentif et semble parfois bâcler l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions. La non-conformité des dispositions réglementaires aux dispositions législatives participe à la difficulté de lisibilité du droit de l’exécution des peines. Quoi qu’il en soit, l’ensemble de ces divers seuils ne semble pas adapté aux longues peines.

62. Caractère subsidiaire des aménagements de fin de peine. En ayant fait le choix de seuils fixes aussi bas, contrairement au temps d’épreuve proportionnel requis pour la libération conditionnelle, le législateur contraint les condamnés à de longues peines à accepter le caractère purement occupationnel de leur condamnation. L’article D421-3 du Code pénitentiaire admet lui-même que ces mesures sont des mesures de fin de peine. Il dispose ainsi : « Sans préjudice de l'application des dispositions prévoyant la mise en œuvre d'activités pendant toute la durée de l'exécution de la peine, les personnes condamnées bénéficient, au cours de la dernière période de la détention d'une préparation active à leur libération définitive ou conditionnelle, en particulier sur le plan socioprofessionnel. Cette préparation peut comprendre un placement à l'extérieur ou un régime de semi-liberté effectués, le cas échéant, après transfert dans un centre ou un quartier spécialisé ». Par conséquent, lorsque ces aménagements ont pour objectif de préparer la « libération conditionnelle » du condamné, leurs conditions temporelles d’accès les desservent puisque la libération conditionnelle est accessible bien plus tôt pour les longues peines ; et lorsque ces aménagements sont mis en œuvre pour préparer la « libération définitive » du condamné, leur intervention tardive conduit à les qualifier d’aménagements « subsidiaires » voire d’aménagements de « rattrapage » octroyés par le juge de l'application des peines lorsque la fin de la peine approche et qu’aucune libération conditionnelle n’a été prononcée. Cela permet d’éviter une sortie sèche mais semble constituer un aménagement de peine illusoire. En effet, l’intérêt d’un aménagement de peine résulte des possibilités de contrôle et d’assistance du condamné à l’extérieur de l’établissement pénitentiaire afin d’être rassuré sur la réalité de sa réinsertion et l’accompagner dans cette phase transitoire. En l’occurrence, la durée du suivi ne peut excéder deux ans, ce qui peut sembler insuffisant en présence d’une longue période de détention faisant suite à la commission d’une infraction grave.

63. Inopportunité de l’augmentation des seuils. Malgré l’inadéquation des seuils d’éligibilité des aménagements de fin de peine et de la temporalité des longues peines, il n’apparait pas opportun de les augmenter en vue de favoriser l’aménagement des peines de longue durée. En effet, les seuils choisis se justifient par la difficulté pour les condamnés à se conformer à de telles auto-contraintes sur une longue période sans incident à déplorer[353]. Or, si l’intérêt de l’aménagement de peine est d’assister et contrôler le condamné sur une durée égale à celle de la peine restant à subir, augmenter les seuils en conséquence reviendrait à prendre le risque d’un accroissement des incidents. Cela ne serait souhaitable ni pour la société craignant la récidive d’un condamné n’ayant pas été capable de respecter un cadre imposé, ni pour le condamné développant un sentiment d’échec dans son parcours de réinsertion. En réalité, les seuils fixés pour ces mesures par le législateur correspondent plutôt à la temporalité de peines de moyenne durée, et ce, afin que les divers acteurs disposent tout de même de suffisamment de temps pour préparer un projet de sortie, le traduire en aménagement, et permettre un réel suivi à l’extérieur, sans que cet aménagement n’intervienne trop tard. Néanmoins, si les conditions temporelles d’accès et la durée du suivi des aménagements de fin de peine n’apparaissent pas compatibles avec les peines de longue durée, il convient de ne pas les exclure aussi abruptement.

2°) Des aménagements de peine probatoires utiles à la sortie progressive du condamné

64. Instauration d’aménagements de peine probatoires. Afin de ne pas exclure les longues peines des bénéfices de la semi-liberté, du placement à l’extérieur et de la détention à domicile sous surveillance électronique, le législateur a prévu une dérogation aux seuils légalement fixés. En effet, le juge de l'application des peines peut décider de soumettre le condamné à ces aménagements, préalablement à l’octroi d’une libération conditionnelle. Comme en dispose le deuxième alinéa de l’article 723-1 du Code de procédure pénale🏛 : « le juge de l’application des peines peut également subordonner la libération conditionnelle du condamné à l’exécution, à titre probatoire, d’une mesure de semi-liberté ou de placement à l’extérieur, pour une durée n’excédant pas un an. La mesure peut être exécutée un an avant la fin du temps d’épreuve prévu à l’article 729 ou un an avant la date à laquelle est possible à la libération conditionnelle prévue à l’article 729-3 ». L’article 723-7 du Code de procédure pénale🏛 prévoit les mêmes dispositions concernant la détention à domicile sous surveillance électronique. L’ensemble de ces dispositions permet à la personne condamnée à une longue peine privative de liberté de pouvoir envisager l’accès à ces mesures. L’intérêt de ce dispositif est double puisqu’il permet d’une part, un retour progressif du condamné dans la vie en société et d’autre part, que soit rapportée la preuve de sa capacité à respecter les obligations et interdictions inhérentes à un aménagement de peine. En effet, lorsqu’il accorde une libération conditionnelle, le juge de l’application des peines craint le risque de l’échec d’une telle mesure a fortiori lorsque le condamné s’est habitué à un cadre carcéral particulièrement coercitif. L’intérêt des aménagements de peines probatoires réside dans cet accompagnement progressif du condamné vers la sortie passant d’un milieu fermé à un milieu semi-ouvert puis ouvert. Pour le condamné, ce parcours peut s’avérer rassurant après de longues années d’incarcération. D’ailleurs, pour favoriser son adhésion, le législateur a prévu certaines modalités particulières. Premièrement, cet aménagement probatoire ne peut excéder une année. Tout en évitant le risque de multiplication d’incidents, cela permet au juge de l'application des peines d’observer le comportement du condamné sur un temps non négligeable avant de prononcer un aménagement un peu moins contraignant. En outre, il est permis au juge de l'application des peines d’octroyer ces aménagements un an avant la fin du temps d’épreuve afin de ne pas retarder l’accès à la libération conditionnelle qui devrait succéder directement à la mesure préalable. En effet, ces aménagements de peine probatoires ne sont pas prévus pour limiter l’accès à la libération conditionnelle des condamnés mais au contraire pour favoriser une sortie échelonnée et donc plus fluide de ces derniers. Par conséquent, il est cohérent de pouvoir prononcer ces aménagements un peu avant la fin du temps d’épreuve. Une importante réserve doit être, néanmoins, émise puisque, si ces dispositions ont vocation à s’appliquer à tous les condamnés et que les personnes condamnées à une longue peine privative de liberté peuvent y accéder, pour certaines d’entre elles, en fonction notamment de la nature de l’infraction commise, la faculté de bénéficier d’un aménagement de peine probatoire devient une obligation dont le régime d’application est, d’ailleurs, moins favorable[354].

65. Des dispositions dérogatoires inspirées du régime progressif. Les dispositions dérogatoires permettant l’usage de ces aménagements à titre probatoire font écho au régime progressif inauguré par Paul AMOR en 1945[355] ayant peu à peu disparu depuis le décret du 23 mai 1975[356], bien que le législateur y fasse encore référence de nos jours[357]. Pourtant, le régime pensé par Paul AMOR s’adaptait particulièrement aux longues peines puisque les dernières étapes consistaient en l’octroi d’une semi-liberté suivie d’une libération conditionnelle, à laquelle il était mis fin au profit d’un élargissement définitif sans aucune forme de contrôle[358]. L’ancienne rédaction de l’article 722 du Code de procédure pénale🏛 prévoyait d’ailleurs que « dans les établissements où le régime est progressivement adapté au degré d’amendement et aux possibilités de reclassement du condamné, [le juge de l’application des peines] prononce son admission aux différentes phases de ce régime[359] ». En outre, l’article D97 du Code de procédure pénale🏛 disposait que : « la progressivité du régime institué dans les maisons centrales, est assurée par les différences que comporte l’exécution de la peine au cours de phases successives dans le but de faciliter le retour des condamnés dans la vie libre[360] ». Ce régime progressif comprenait quatre phases : une phase d’observation, une phase de classement, une phase d’amélioration et enfin une phase de confiance[361]. Ce régime s’inspirait lui-même du « système irlandais » développé notamment par Walter CROFTON au XIXème siècle. Celui-ci comprenait quatre degrés pénitentiaires à savoir : l’isolement, le travail en commun, la prison intermédiaire et enfin la libération conditionnelle[362]. Dans la prison intermédiaire, la surveillance des personnes détenues était allégée puisque ces dernières avaient démontré qu’elles étaient en mesure de respecter le cadre fixé. Cette prison intermédiaire s’apparente à la prison ouverte contemporaine[363]. Notre droit de l’exécution des peines pourrait renouer avec l’ancien régime progressif et le parcours du condamné pourrait évoluer de l’encellulement strict à l’octroi d’une plus grande liberté d’aller et venir au sein de l’établissement pénitentiaire, pour bénéficier ensuite d’un aménagement de peine probatoire de type semi-liberté, puis d’une libération conditionnelle jusqu’à la fin de l’exécution de la peine. La relance de ce régime progressif serait intéressante pour les condamnés exécutant une longue peine privative liberté et un tel système ne pourrait être assimilé à une forme de laxisme. En effet, ce régime assoupli se fonde sur une notion centrale : celle de sélection des personnes détenues y accédant[364]. Basé sur la responsabilisation du condamné et la confiance lui étant accordée, ce modèle veille à ce que seuls les condamnés les plus méritants bénéficient d’un adoucissement progressif des conditions de détention[365]. Seraient, d’ailleurs, maintenues « des perspectives moins optimales quant à la sortie de ceux qui n'investissent pas leur période de détention pour bâtir un programme d'exécution de peine suffisamment étayé[366] ». De nos jours, si l’instauration d’aménagements de peine probatoires s’inspire du régime pensé par Paul Amor, un dernier aménagement de peine sous écrou peut également s’inscrire dans cette conception progressive de l’exécution de la peine. Il s’agit de la permission de sortir dont on peut malheureusement regretter l’insuffisante exploitation.

§2 – L’utilité des permissions de sortir

66. Définition légale des permissions de sortir. « La permission de sortir autorise un condamné à s'absenter d'un établissement pénitentiaire pendant une période de temps déterminée qui s'impute sur la durée de la peine en cours d’exécution[367]. » C’est en ces termes que le législateur définit la permission de sortir, laquelle constitue une courte pause dans l’incarcération du condamné, bien que cette période soit comprise dans l’exécution de la peine. Pour autant, il ne s’agit pas d’une pause injustifiée puisque l’enjeu de la permission de sortir est prédéterminé. En effet, celle-ci « a pour objet de préparer la réinsertion professionnelle ou sociale du condamné, de maintenir ses liens familiaux ou de lui permettre d'accomplir une obligation exigeant sa présence[368]». Ces motifs revêtent une grande importance puisque les conditions d’octroi et le régime des permissions de sortir varient en fonction de ceux-ci. Pour autant, bien que ces aménagements présentent un intérêt considérable pour les longues peines, certaines restrictions, parfois incohérentes, sont prévues par le Code de procédure pénale (A). Ainsi, force est de rejoindre la pensée de plusieurs auteurs sollicitant la relance de cet aménagement (B).

A°) Les restrictions déplorées des permissions de sortir

67. Plan. Deux types de restrictions affectent de facto les longues peines privatives de liberté, à savoir : un accès retardé aux permissions de sortir en raison de conditions temporelles particulières (1) et un accès aléatoire au dispositif assoupli prévu par le Code de procédure pénale (2).

1°) L’accès retardé des longues peines au régime général des permissions de sortir

68. Multiplicité de cadres juridiques des permissions de sortir. Diverses permissions de sortir sont prévues par le Code de procédure pénale : les permissions de sortir en vue du maintien des liens familiaux ou de la réinsertion professionnelle du condamné[369] et celles en vue de l’accomplissement d’une obligation exigeant la présence du condamné[370]. Il convient de reprendre chacune d’entre elles afin de s’apercevoir qu’elles sont soumises à des règles de droit distinctes - complexifiant encore un peu plus la matière[371] - peu adaptées aux longues peines et a fortiori aux réclusionnaires à perpétuité.

69. Accès tardif aux permissions de sortir en vue du maintien des liens familiaux ou de la réinsertion professionnelle. L’article D143 du Code de procédure pénale🏛 prévoit une permission de sortir de trois jours en vue du maintien des liens familiaux ou de la réinsertion professionnelle du condamné. Pour en bénéficier, celui-ci doit satisfaire à une des trois conditions prévues. En premier lieu, est envisagé le cas de l’exécution d’une peine (ou plusieurs) n’excédant pas un an. Les longues peines sont donc exclues de ce premier dispositif. La deuxième configuration est celle de l’exécution de la moitié de la peine cumulée à un temps de détention restant à subir inférieur à trois ans. Les longues peines peuvent correspondre à ces critères mais uniquement en fin de peine. Or, cet accès tardif est regrettable car la désocialisation est alors bien installée et la mesure perd de son sens. Enfin, cette permission est envisageable si le juge de l'application des peines subordonne l’octroi d’une libération conditionnelle à l’accomplissement d’une ou plusieurs permissions de sortir préalables. Par conséquent, dans ce dernier cas, il est nécessaire de satisfaire aux conditions temporelles de la libération conditionnelle, c’est à dire d’avoir exécuté le temps d’épreuve requis. Les longues peines peuvent donc bénéficier de permissions de sortir à la moitié de leur peine dans le meilleur des cas. Cela parait convenable. Néanmoins, il s’agit d’un cas spécial dont on ne peut se satisfaire puisque la demande de libération conditionnelle implique un certain état d’avancement du projet de sortie du condamné, ce qui n’est pas forcément le cas pour une demande de permission de sortir. En réalité, la permission de sortir octroyée préalablement à la libération conditionnelle permet de convaincre (ou non) un juge de l'application des peines hésitant. En cela, elle se distingue de la permission de sortir octroyée afin de donner du « souffle » à la détention, d’autant plus lorsqu’elles sont sollicitées en vue du maintien des liens familiaux.

70. Accès tardif aux permissions de sortir en vue d’un événement ponctuel. L’article D143-4 du Code de procédure pénale🏛 prévoit une permission de sortir d’une journée en raison d’un événement ponctuel, à savoir : 1. la présentation du condamné à son futur employeur ou à une structure d’enseignement ou de formation, 2. la présentation du condamné aux épreuves d’un examen, 3. la présentation du condamné à une structure de soins, 4. la pratique d’activités culturelles ou sportives, 5. l’exercice par le condamné de son droit de vote. Ici, le texte distingue les personnes condamnées exécutant une peine inférieure ou égale à cinq ans, pour lesquelles aucune condition temporelle n’est exigée, des autres, pour lesquelles l’exécution de la moitié de la peine est requise. Les longues peines font donc partie de la seconde catégorie, ce qui est regrettable surtout lorsque la demande concerne un évènement important comme un examen.

71. Accès tardif aux permissions de sortir en vue de l’accomplissement d’une obligation. Les permissions de sortie en vue de l’accomplissement d’une obligation visées par l’article D145 du Code de procédure pénale🏛 reprennent les conditions temporelles et le régime de l’article D143-4 susvisé, puisqu’il s’agit d’une permission de sortir d’une journée, ouverte à l’ensemble des condamnés, l’exécution de la moitié de la peine étant uniquement requise pour ceux exécutant une peine supérieure à cinq ans. L’objet de cette permission diffère en ce qu’il s’agit ici de l’accomplissement d’une obligation exigeant la présence du condamné lorsque la visioconférence est impossible devant une juridiction ou lorsque l’organisme ne peut intervenir au sein de l’établissement pénitentiaire et que le condamné ne peut être représenté. Cela peut également être le cas d’une présentation à un examen comme précédemment évoqué. C’est alors tout autant regrettable, d’autant plus qu’il s’agit, ici, d’une obligation exigeant la présence du condamné et qu’il serait souhaitable que chaque condamné puisse être en mesure de remplir ses obligations, indépendamment de la peine prononcée ou exécutée. Bien entendu, une autorisation de sortie sous escorte est, en théorie, toujours possible mais les difficultés pratiques à sa mise en œuvre conduisent à privilégier l’extension des conditions d’octroi de ce type de permissions de sortir[372].

72. Accès tardif aux permissions de sortir en raison d’un événement familial important. Les permissions de sortir prévues par l’article D143-5 du Code de procédure pénale🏛 sont particulières puisqu’elles relèvent de considérations humanitaires et permettent au condamné de quitter l’établissement pénitentiaire durant trois jours à l’occasion de la maladie grave, du décès d’un membre de sa famille ou de la naissance de son enfant. Pour autant, si la peine est supérieure à cinq ans, il est encore une fois nécessaire d’avoir préalablement exécuté la moitié de celle-ci. Ce choix contestable peut avoir pour conséquence de priver une personne d’assister à un événement crucial de sa vie et le retentissement négatif d’un tel refus sur son travail de réinsertion est à craindre. Dans ces circonstances exceptionnelles, l’on pourrait s’orienter vers le recours à une autorisation de sortie sous escorte. Or, il convient de rappeler, à titre d’exemple, les circonstances de l’espèce de l’arrêt Guimon contre France rendu en 2019 dans lequel, pour des raisons de logistique, la requérante n’avait pu se rendre au funérarium où reposait son père. Les juridictions nationales invoquaient l’impossibilité matérielle de l’organisation d’une escorte renforcée nécessaire au regard du profil de la condamnée. Celle-ci, qui n’avait pu rendre visite à son père mourant, n’avait donc pas non plus pu le voir une dernière fois avant sa crémation, ni assister à cette dernière. La chambre de l’application des peines de la Cour d’appel de Paris justifiait sa décision en indiquant « Nonobstant la condamnation de [la requérante] pour des faits de terrorisme et son appartenance à l’organisation indépendantiste ETA, qu’elle revendiquait encore, l’autorisation ainsi sollicitée apparaît parfaitement justifiée sur le plan humain en un moment particulièrement douloureux pour elle, [la requérante] n’ayant pu rencontrer son père depuis 2009 en raison de son transfert au centre pénitentiaire de Rennes et de la maladie de celui-ci et souhaitant légitimement pouvoir revoir le corps de celui-ci une dernière fois avec sa famille à la levée du corps, avant la cérémonie de crémation. Toutefois le risque de trouble à l’ordre public résultant du retour, dans des conditions émotionnellement difficiles, ne serait-ce que quelques heures, d’une condamnée activiste basque au pays basque, où elle bénéficiait de nombreux soutiens, ne peut être éludé. Ce risque implique impérativement une surveillance particulière de la part des autorités chargées de l’escorte et responsables du bon déroulement de ce déplacement avec la mise en place d’un dispositif de sécurité conséquent, et ce d’autant qu’un aller-retour dans la journée n’était pas envisageable en raison de l’éloignement du lieu d’incarcération et qu’il est nécessaire de prévoir un départ le dimanche avec un écrou pour la nuit à la maison d’arrêt de Gradignan afin que la condamnée puisse se présenter avant 11 heures à Bayonne, heure prévue pour la levée de corps. Or après consultation des services de gendarmerie compétents auprès desquels la cour a pris attache dès sa saisine ce vendredi 24 janvier, l’organisation d’une telle escorte est matériellement impossible dans un délai aussi court eu égard à leurs contraintes matérielles et humaines. Dans ces conditions, la cour ne peut que prendre acte de cette impossibilité et confirmer la décision entreprise ». La juridiction européenne ne reconnaissait pas la violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme🏛 aux termes duquel: « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ». En effet, selon la Cour, le refus opposé à la requérante « n’était pas disproportionné aux buts légitimes poursuivis », à savoir « la sûreté publique, la défense de l’ordre et la prévention des infractions pénales[373] ». Dans une deuxième espèce se déroulant dans des circonstances similaires, l’autorisation de sortie sous escorte fut accordée mais non exécutée par les services de gendarmerie[374]. Plus tôt, en août 2015, avaient eu lieu des manifestations après le refus d’une permission de sortir puis d’une autorisation de sortie sous escorte de deux personnes détenues pour assister aux obsèques d’un membre de leur famille[375]. Ces trois exemples ne sont pas rares et force est de constater l’octroi parcimonieux des autorisations de sortie sous escorte, sans doute en raison du déploiement de moyens que cela implique. Aussi, compte tenu de la complexité de la mise en oeuvre d’une escorte, l’on ne peut raisonnablement pas se contenter de renvoyer à ce dispositif pour justifier les strictes conditions temporelles des permissions de sortir humanitaires, lesquelles pénalisent considérablement les longues peines. Si l’on comprend que l’objectif visé dans tous ces cas est de limiter les risques d’évasion de condamnés dont la peine restant à subir serait encore trop longue, il faut néanmoins nuancer ce propos en rappelant que les permissions de sortir ne revêtent aucun caractère d’automaticité et que la décision d’accorder ou non cet aménagement dépend de l’appréciation souveraine du juge de l’application des peines tenant compte de la personnalité du condamné. Dans le cadre de ces permissions de sortir exceptionnelles spécifiquement, il serait préférable que le juge de l'application des peines ne soit pas contraint pas des conditions temporelles aussi strictes. Enfin, s’il est dommageable que le cadre juridique des permissions de sortir ne soit pas adapté aux longues peines, de leur côté, les réclusionnaires à perpétuité ne sont pas en reste.

73. Accès restreint aux permissions de sortir en cas de réclusion criminelle à perpétuité. Nonobstant le caractère perpétuel de la peine prononcée, le maintien des liens familiaux n’en demeure pas moins un objectif à poursuivre justifiant l’octroi d’une permission de sortir. Bien que l’administration pénitentiaire ait amélioré la qualité des visites en détention, notamment via les unités de vie familiale (UVF), il demeure essentiel que les condamnés rencontrent, autant que faire se peut, leurs proches hors du cadre carcéral. La création de ces unités ne doit pas masquer cette nécessité et ces dernières ne doivent pas faire office de substituts[376]. Cependant, compte tenu de l’absence de date de fin de peine déterminée, les conditions temporelles d’accès aux permissions de sortir ne permettent pas d’y inclure les réclusionnaires à perpétuité, d’autant plus que le caractère incertain d’une sortie définitive couplé à l’absence d’échéance de cette éventuelle sortie ne sont pas des éléments rassurants quant au risque d’évasion du condamné. Néanmoins, le dernier alinéa de l’article D143 du Code de procédure pénale🏛 permet à ces condamnés de bénéficier de permissions de sortir dès lors que le juge de l'application des peines subordonne leur libération conditionnelle à l’accomplissement de permissions de sortir préalables. Hormis ce cas de figure précis, les personnes condamnées à la réclusion criminelle à perpétuité ne peuvent donc bénéficier d’aucune permission de sortir. Cette situation pourrait néanmoins évoluer dans le cas d’une éventuelle conversion de peine[377]. Par ailleurs, outre le régime général des permissions de sortir auquel les condamnés à une longue peine accèdent tardivement, il est prévu un dispositif assoupli applicable au condamné en fonction de la catégorie de l’établissement pénitentiaire l’hébergeant. Or, d’une part, les critères d’affectation et de changement d’affectation résultent de facteurs multiples parfois externes au condamné lui-même, et d’autre part, l’on peut s’interroger sur la pertinence de l’influence du régime pénitentiaire auquel est soumis le condamné sur le régime des permissions de sortir dont il est en mesure de bénéficier.

2°) L’accès aléatoire des longues peines au dispositif dérogatoire des permissions de sortir

74. Instauration d’un cadre juridique des permissions de sortir plus favorable en fonction de l’établissement pénitentiaire. Il est à noter que les personnes détenues dans un centre de détention ou dans une structure d'accompagnement vers la sortie bénéficient de conditions d’accès aux permissions de sortir et d’un régime plus favorables. En effet, la durée des permissions de sortir de l’article D143 peut être portée à cinq jours pour ces condamnés, voire une fois par an à dix jours pour ceux incarcérés dans un centre de détention[378]. En outre, aucune condition de délai n’est requise lorsque le condamné est hébergé dans une structure d’accompagnement vers la sortie et seul le tiers de la peine est requis en centre de détention. C'est ainsi qu’encourt la cassation l'arrêt accordant une permission de sortir à un condamné ayant effectivement exécuté le tiers de sa condamnation mais étant hébergé dans une maison d’arrêt au lieu d’un centre de détention[379]. L’on devine ici la volonté du législateur de favoriser les permissions de sortir au sein des établissements principalement orientés vers la sortie et la réinsertion du condamné qui a, d’ores et déjà, manifesté des preuves, a minima, d’un début de réadaptation, d’autant plus qu’au sein des structures d’accompagnement vers la sortie, anciennement centres pour peines aménagées, un aménagement a souvent déjà été prononcé. Pour autant, quelques incohérences doivent être relevées. Une première incohérence est à souligner : ce dispositif plus favorable applicable aux condamnés en structures d’accompagnement vers la sortie ne s’applique pas à ceux détenus en centre de semi-liberté, lesquels sont soumis au régime classique. Or, certains semi-libres sont hébergés dans des structures d’accompagnement vers la sortie[380]. Le lieu d’incarcération est donc le seul critère pris en considération, au détriment de la situation particulière du condamné. Deux condamnés semi-libres incarcérés dans deux types d’établissement pénitentiaires distincts ne bénéficient pas du même cadre juridique d’octroi de permissions de sortir ce qui, au-delà d’être incohérent, se révèle être discriminatoire. Par ailleurs, il n’est pas évident de comprendre les raisons pour lesquelles un condamné en centre de semi-liberté serait moins avantagé qu’un condamné en centre de détention alors qu’il a préalablement rempli les conditions pour bénéficier d’un aménagement de peine. Si cette digression ne concerne pas spécifiquement les longues peines, ces dernières ne sont pas en reste et peuvent d’ailleurs être concernées par cette analyse. En effet, si un régime plus favorable est prévu pour les condamnés hébergés en centres de détention, il est possible que ces derniers exécutent une longue peine et aient bénéficié d’un transfèrement vers de tels établissements après une première affectation en maison centrale. Il est également possible que, pour une longue peine similaire, un autre condamné demeure en maison centrale ou soit affecté en maison d’arrêt. En effet, malgré une situation analogue, deux régimes distincts de permissions de sortir peuvent être applicables en fonction de l’établissement pénitentiaire hébergeant. Pourtant, la répartition des condamnés au sein des divers établissements ne répond pas forcément à la réalisation ou l’absence d’efforts sérieux de réinsertion

75. Critère de répartition des personnes détenues entre les maisons d’arrêt et les établissements pour peine. Si des distinctions sont prévues, concernant les permissions de sortir, selon le type d’établissement pénitentiaire au sein duquel est affecté le condamné, il convient de présenter les principales catégories d’établissements existant en France[381] ainsi que les modalités d’affectation. Tout d’abord, l’on distingue traditionnellement les maisons d’arrêts des établissements pour peines, le principe étant que les personnes détenues provisoirement soient incarcérées au sein des premières[382] tandis que les personnes condamnées définitivement le soient dans l’enceinte des secondes[383]. Toutefois, ce premier critère de répartition souffre de plusieurs exceptions. D’une part, les personnes prévenues peuvent effectivement être détenues au sein d'un établissement pour peine à titre exceptionnel[384]. D’autre part, en ce qui concerne les personnes condamnées, il est prévu que lorsqu’elles exécutent une peine privative de liberté inférieure ou égale à deux ans, elles peuvent exceptionnellement être maintenues en maison d’arrêt même si cela peut se faire dans un quartier distinct. Il en va de même pour les personnes condamnées à une peine privative de liberté dont il reste à exécuter un reliquat inférieur à un an[385]. Compte tenu des critères d’affectation prévus, les maisons d’arrêts n’intéressent que peu les personnes condamnées à une longue peine privative de liberté qui exécutent donc la majeure partie de leur condamnation au sein des établissements pour peine.

76. Affectation en établissement pour peine : prise en compte de la compatibilité entre le condamné et l’établissement. Concernant les établissements pour peines, il faut rappeler que depuis la loi du 9 septembre 2002🏛[386], la répartition des condamnés au sein de ces établissements ne s’opère plus en fonction du quantum de la peine prononcée mais repose sur une procédure d’affectation, obligatoire pour les personnes condamnées à une peine supérieure à deux ans, déterminant la « compatibilité » entre le condamné et l’établissement pénitentiaire, à travers un dossier d’orientation et, le cas échéant, des examens au sein du centre national d’évaluation[387]. D’ailleurs, l’article D211-25 du Code pénitentiaire prévoit que « la personne détenue dont le comportement se révèle incompatible avec l'application du régime propre à l'établissement pour peines au sein duquel elle est placée peut faire l'objet d'une procédure de changement d’affectation ». Deux types d’éléments sont donc pris en considération : ceux relatifs au condamné lui-même et ceux relatifs à l’établissement pour peines. Concernant le condamné, il est tenu compte de « sa personnalité, son sexe, son âge, ses antécédents, sa catégorie pénale, son état de santé physique et mentale, ses aptitudes, ses possibilités de réinsertion sociale et, d'une manière générale, tous renseignements susceptibles d'éclairer l'autorité compétente pour décider de l'affectation la plus adéquate[388] ». La décision d’affectation doit être motivée[389]. Pour ce faire, la circulaire du 21 février 2012[390] détaillait quatre critères conditionnant l’affectation en établissement pour peine, à savoir la dangerosité[391], le maintien des liens familiaux[392], la prise en charge psychologique et psychiatrique[393] et la demande relative à l’accès au travail ou à la formation professionnelle de la personne détenue[394]. Il était toutefois rappelé les conditions dans lesquelles son âge et son état de santé devaient être pris en considération[395]. La décision d’affectation tient également compte de l’orientation de l’établissement pénitentiaire.

77. Affectation en établissement pour peine : prise en compte de l’orientation de l’établissement. Il existe trois types d’établissements pour peine pour les condamnés majeurs à savoir : les maisons centrales, les centres de détention et les centres de semi-liberté[396]. Si les centres pénitentiaires peuvent comprendre des quartiers relatifs à ces établissements pour peine, ils peuvent également comprendre des structures d’accompagnement à la sortie[397]. Aux termes de l’article D112-18 du Code pénitentiaire, il est précisé que les maisons centrales (ou quartiers maison centrale) connaissent une « organisation et un régime de sécurité renforcé », bien que « les modalités internes permettent également de préserver et de développer les possibilités de réinsertion sociale des condamnés ». En tant qu’établissements sécuritaires, les maisons centrales accueillent des détenus présentant une certaine dangerosité en raison soit de la nature de l’infraction commise soit de la personnalité du condamné dont on craint l’évasion, par exemple. Bien que le quantum de la peine ne soit plus un critère de répartition, les maisons centrales sont les établissements de prédilection d’exécution des longues peines, au moins au début de celles-ci[398]. Du reste, les centres de détention (ou quartiers centres de détention), conformément à l’article D112-19 du Code pénitentiaire, disposent d’un régime « principalement orienté vers la réinsertion sociale et, le cas échéant, la préparation à la sortie des condamnés[399] ». Les personnes condamnées à une longue peine peuvent donc y être affectées lorsqu’elles ne nécessitent pas un régime de surveillance accru et surtout lorsqu’elles s’engagent dans un parcours de réinsertion en vue de l’obtention d’une libération conditionnelle, par exemple. Le régime des centres de semi-liberté (ou quartiers de semi-liberté) et des structures d’accompagnement vers la sortie est également orienté vers la réinsertion sociale et la préparation à la sortie des condamnés, étant donné qu’ils reçoivent des personnes en semi-liberté, placées à l’extérieur ou dont le reliquat de peine restant à exécuter est inférieur à deux ans[400]. Ces établissements peuvent accueillir des personnes condamnées à de longues peines lorsqu’elles bénéficient d’un aménagement de peine.

78. Affectation en établissement pour peine : prise en compte de la spécialisation de l’établissement. Au-delà de ces critères généraux, d’autres éléments peuvent être pris en considération. En effet, l’on assiste depuis quelques années à une spécialisation des établissements pénitentiaires dont certains sont plus axés sur l’accueil de personnes condamnées en raison de la commission d’une infraction à caractère sexuel (c’est le cas du centre de détention de Casabianda, de la maison centrale de Saint-Martin-de-Ré ou de celle d’Ensisheim, par exemple[401]) tandis que d’autres présentent un impératif de sécurité ayant d’ailleurs pu être qualifié de « mortifère » (comme le centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe[402]). D’autres enfin se sont spécialisés dans l’accueil de personnes présentant certains troubles du comportement. C’est le cas de la maison centrale de Château-Thierry[403]. Par conséquent, entre les impératifs liés à la sécurité des établissements, ceux relatifs à la vie privée du condamné, à sa réinsertion, à la spécificité de sa condamnation et la nature de l’infraction commise, mais également à son comportement, le choix de l’affectation du condamné relève d’un équilibre complexe à satisfaire. Il doit en plus être tenu compte des places disponibles au sein des établissements pour peine.

79. Affectation en établissement pour peine : prise en compte des places disponibles. Aux éléments évoqués, s’ajoutent les difficultés pragmatiques liées au parc immobilier pénitentiaire. En effet, il est à noter que les établissements pour peine appliquent un numerus clausus « de fait[404] », bien que cette pratique n’ait jamais été légalisée, malgré plusieurs propositions en ce sens[405]. Par conséquent, un délai d’attente existe bien souvent avant un transfèrement vers un établissement pour peine. Tous les condamnés ne bénéficient d’ailleurs pas du même traitement en raison de l’hétérogénéité de la répartition des places de prisons. A titre d’exemple, l’on compte 2465 places en centres de détention (ou quartiers centres de détention) dans la direction interrégionale de Bordeaux, contre 1455 dans celle de Lyon ou encore 1973 dans celle de Marseille[406]. Le condamné peut donc parfois être conduit à choisir entre un régime pénitentiaire moins contraignant et le maintien des liens familiaux.

80. Possibilité de changement d’affectation. Si l’affectation ne lui convient pas, le condamné peut solliciter un changement conformément aux dispositions de l’article D211-26 du Code pénitentiaire. Cette faculté est également offerte au chef de l’établissement hébergeur. Le texte exige néanmoins la survenance d’un « fait ou d’un élément d’appréciation nouveaux ». Si cet article n’apporte pas plus de précisions quant à la teneur du fait nouveau exigé, la circulaire du 21 février 2012[407] mentionne quelques motifs dont il peut être tenu compte. Il peut s’agir notamment d‘une évolution liée au projet d'exécution de peine du condamné, d’un changement intervenu dans sa situation familiale, d’un élément lié à son comportement ou son état de santé, d’un risque de trouble à l’ordre public ou encore de la proximité de la fin de la peine ou de la nécessité d’exécuter une mesure d’aménagement de peine. Le condamné peut également solliciter un changement d’affectation afin d’obtenir un placement en cellule individuelle ou une modification de son régime de détention. Si la circulaire prévoit que la demande du condamné peut intervenir « à tout moment », l’on peut raisonnablement imaginer que l’exigence du caractère « nouveau » de l’élément fondant la requête nécessite toutefois en pratique l’écoulement d’un certain délai entre la décision d’affectation initiale et la demande de changement d’affectation. Or, de cette nouvelle affectation dépend le régime de permissions de sortir applicable.

81. Nécessité de dissocier régime pénitentiaire et régime des permissions de sortir. Il est compréhensible et même souhaitable que les personnes détenues préparant activement leur projet de sortie, souvent en fin de peine, puissent bénéficier d’un régime de permissions de sortir assoupli en comparaison avec celles qui se situent au début de leur parcours pénal. Cela se conforme au principe de progressivité. Il est en revanche moins acceptable que certains condamnés en attente d’un changement d’affectation subissent un traitement disctinct au regard des permissions de sortir en raison de contraintes liées au parc pénitentiaire, par exemple. D’autre part, il convient tout de même de s’interroger sur la pertinence du critère d’assouplissement du régime, à savoir l’appartenance à une catégorie d’établissement pénitentiaire, le principe d’individualisation de la peine préconisant de se fonder sur les efforts de réinsertion fournis par le condamné et non sur son lieu d’hébergement. Par ailleurs, puisque la répartition dépend également du comportement du condamné, cela laisse imaginer une corrélation entre celui qu’il adopterait en détention et celui qu’il adopterait hors des murs, ce qui n’est pas établi. En effet, l’on distingue la dangerosité pénitentiaire « associée au contexte carcéral, à la situation d’incarcération » et qui peut se traduire aussi bien par des « mouvements collectifs » que des « comportements autoagressifs » voire des « violences physiques à l’encontre des autres détenus et personnels pénitentiaires » de la dangerosité criminologique renvoyant à la « probabilité de commettre une infraction contre les personnes et les biens[408] ». Il semble donc plus juste de supprimer tout lien entre le régime pénitentiaire lato sensu et le régime des aménagements de peine. L’ensemble des condamnés devrait pouvoir bénéficier des modalités du régime assoupli en fonction de leurs efforts de réinsertion individuels et de l’avancée de l’exécution de leur peine, sans qu’il ne soit tenu compte de l’établissement pénitentiaire hébergeur. De manière plus générale, certains auteurs appellent de leurs vœux une relance des permissions de sortir.

B°) La relance souhaitée des permissions de sortir

82. La permission de sortir : un aménagement fondamental de la peine. Bien que souvent minimisées lorsque l’on évoque les aménagements de peine, les permissions de sortir constituent une mesure de premier plan qu’il convient de revaloriser (1). L’assouplissement de leur cadre juridique permettrait notamment de redynamiser l’accès à ces aménagements fondamentaux pour la réinsertion du condamné (2).

1°) La revalorisation nécessaire d’un aménagement de peine de premier plan

83. Un aménagement déprécié. Lorsque sont évoqués les aménagements de peine, la libération conditionnelle, la détention à domicile sous surveillance électronique, la semi-liberté ou encore le placement à l'extérieur viennent aisément à l’esprit. La permission de sortir, quant à elle, est souvent éludée au profit de ces aménagements dont le mécanisme consiste en un élargissement anticipé du condamné. D’ailleurs, si le législateur entre dans le détail de la mesure de libération conditionnelle, le cadre juridique des permissions de sortir est traité, quant à lui, exclusivement dans la partie règlementaire du Code de procédure pénale. Cela démontre un intérêt relatif pour ces aménagements. Par ailleurs, lorsque l’on se penche sur les chiffres communiqués annuellement par l’administration pénitentiaire, l’on constate qu’à partir de 2015, après une baisse de 12,3% en 2014[409], il n’est plus du tout fait mention du nombre de permissions de sortir accordées contrairement à d’autres aménagements. Or, il s’agit d’un aménagement de premier plan. Tout d’abord, temporellement, puisque la permission de sortir constitue le plus souvent le premier aménagement accordé au condamné[410]. Enfin et surtout, il s’agit de l’aménagement sur lequel reposent tous les autres, en ce qu’il s’agit à la fois d’un outil et d’un élément de preuve de la réinsertion du condamné selon l’expression consacrée[411].

84. La permission de sortir : « un outil d’insertion ». Si la permission de sortir constitue évidemment un souffle dans l’incarcération de la personne détenue, il s’agit principalement d’un moyen de réinsertion. Par cette dernière, le condamné réintègre progressivement la vie en société et reprend, peu à peu, ses marques avant un aménagement de peine plus long ou une sortie définitive. Il est important que le condamné puisse retrouver ses proches en dehors du contexte carcéral des parloirs afin de se projeter vers la sortie. Dans le cas d’une longue peine, la progressivité est d’autant plus indispensable qu’elle permet au condamné de ne pas être totalement étranger aux évolutions sociétales lors de sa sortie de prison après une longue incarcération. Au-delà de ces évolutions externes, il est nécessaire que le condamné lui-même ne perde pas totalement les gestes et réflexes qui faisaient son quotidien hors de l’établissement pénitentiaire. Si la permission de sortir revêt une importance conséquente à la lumière de l’objectif de progressivité du retour de la vie en société, sa dimension probatoire est également essentielle à la réinsertion du condamné.

85. La permission de sortir : un « élément de preuve ». En plus d’être un moyen de réinsertion, les permissions de sortir en sont également une preuve. En effet, une permission de sortir réussie, se déroulant sans incident, permet au juge de l'application des peines d’être conforté dans sa décision d’octroi. Cette preuve l’encourage à en prononcer d’autres mais surtout à prononcer, par la suite, un aménagement permettant un élargissement anticipé plus durable telle qu’une semi-liberté puis une libération conditionnelle. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il est possible qu’une libération conditionnelle soit subordonnée à l’accomplissement préalable de plusieurs permissions de sortir[412]. L’article D535 du Code de procédure pénale🏛 consacre le caractère probatoire de la permission de sortir en disposant que : « la décision accordant à un condamné le bénéfice de la libération conditionnelle peut subordonner l'octroi de cette mesure à l'une des conditions suivantes :1° Avoir satisfait à une épreuve de semi-liberté, de détention à domicile sous surveillance électronique ou de placement à l'extérieur sans surveillance dont les modalités sont déterminées par ladite décision ou avoir bénéficié d'une ou plusieurs permissions de sortir ». Une circulaire du 19 janvier 2017 rappelle d’ailleurs que la permission de sortir permet « de faire ses preuves quant à sa capacité à respecter un cadre et des objectifs fixés en dehors de la détention[413] ». Outre le souffle qu’elle peut représenter dans la détention du condamné, la permission de sortir sert ici davantage à évaluer son comportement hors des murs a fortiori après de longues années de détention. La permission de sortir accordée à titre probatoire permet, en cas d’incident, au juge de l'application des peines de constater la prématurité du projet de sortie et décider de solliciter de la part du condamné la démonstration d’efforts sérieux de réinsertion supplémentaires avant d’octroyer une nouvelle permission ou tout autre aménagement. A titre d’exemple, la 18ème chambre de l’application des peines de la cour d’appel de Versailles, dans un arrêt du 24 mars 2016[414], infirmait le jugement déféré et admettait le condamné appelant au bénéfice de la libération conditionnelle en raison de « l'existence de réels efforts et gages de réadaptation sociale » s’illustrant notamment par « son attitude en détention et durant les permissions de sortir » au cours desquelles « il était noté que l'intéressé était en capacité de respecter le cadre imposé par une décision de justice ». La cour rappelait, en effet, que le condamné avait « bénéficié de trois permissions de sortir dont le déroulement [n’avait] pas fait l'objet de remarque défavorable ». La chambre de l’application des peines de la cour d’appel de Douai confirmait, le 25 mai 2007, le rejet de la demande de libération conditionnelle d’un condamné ne manifestant pas « les gages qui permettraient de lui accorder l'aménagement qu'il sollicite » et dont il était relevé qu’il n’avait jamais bénéficié de permissions de sortir[415]. Par conséquent, force est de constater que le juge de l’application des peines se fonde sur l’octroi ou non et, le cas échéant, le bon déroulement des permissions de sortir pour accorder un aménagement durable de la peine. Pourtant, le cadre juridique actuel des permissions de sortir ne permet pas de tirer l’entier profit de ces mesures.

2°) L’assouplissement du cadre juridique des permissions de sortir envisagé

86. Le durcissement constant du régime des permissions de sortir. Le régime des permissions de sortir n’a cessé de se complexifier. Entre 1985 et 2020, l’article D142 du Code de procédure pénale🏛 a été réécrit neuf fois afin d’y ajouter des obligations ou interdictions affectant le condamné permissionnaire. Initialement, le texte indiquait : « La permission de sortir est accordée pour une ou plusieurs sorties. Elle autorise le condamné à se rendre en un lieu situé sur le territoire national. Un délai de route peut être accordé au bénéficiaire de la permission de sortir ; il est calculé en fonction de la durée du trajet et des horaires des moyens de transport utilisés. » Par la suite, ont été incluses les traditionnelles obligations des articles 132-44 et 132-45 et 132-45-1 du Code pénal🏛🏛🏛, relatifs à l’actuel sursis probatoire et celles prévues par l’article 131-36-2 dudit code, relatif au suivi socio-judiciaire. Enfin, le décret du 21 décembre 2020[416] modifie également l’article D142 en ajoutant, de manière superfétatoire, un certain nombre d’obligations auxquelles il était déjà fait référence dans les articles précités comme l’interdiction d’entrer en relation avec la victime, de fréquenter certains condamnés ou de paraître en certains lieux, par exemple. D’un autre côté, les modalités de retrait de la permission sont ajoutées par un décret du 13 décembre 2000🏛[417] et étendues, en 2016, à la « mauvaise conduite » du condamné[418]. Cette notion n’ayant pas été définie semble plus se référer à la morale qu’au droit et son imprécision laisse perplexe. Toutefois, une circulaire du 7 avril 2005 tente d’apporter, si ce n’est une définition claire de la mauvaise conduite, au moins un moyen de la caractériser « par la commission d’un incident mais également par le comportement général du détenu en détention ou pendant la mesure d’aménagement de peine sous écrou[419] » tout en rappelant les dispositions de l’article D124 du Code de procédure pénale🏛, lesquelles précisent que les condamnés placés sous le régime de la semi-liberté, du placement à l’extérieur, de la détention à domicile sous surveillance électronique ou bénéficiant d’une permission de sortir demeurent « soumis à l'ensemble des règles disciplinaires relatives au régime des détenus de leur catégorie » et qu’en cas d’inobservation de ces règles, de manquement à l’obligation de bonne conduite ou d’incident, le condamné est réintégré et le juge de l’application des peines statue sur le retrait ou la révocation de la mesure. Dans sa décision du 11 juillet 2014, le Conseil Constitutionnel, interrogé sur la conformité à la Constitution du mécanisme de retrait du feu crédit de réduction de peine justifié par la « mauvaise conduite » du condamné précise qu’un « retrait ne constitue […] ni une peine ni une sanction ayant le caractère d'une punition » et que par conséquent, : « les griefs tirés de la violation de l'article 8 de la Déclaration de 1789 et de l'article 34 de la Constitution sont inopérants[420] ». Le principe de légalité des délits et des peines n’ayant pas vocation à s’appliquer à une décision de retrait de crédit de réduction de peine, il est difficile de croire qu’il trouvera à s’appliquer aux décisions de retrait ou révocation de toutes les autres mesures d’aménagement de peine, retrait n’ayant le caractère de punition selon le Conseil Constitutionnel dès lors que le mécanisme a « pour conséquence que le condamné exécute totalement ou partiellement la peine telle qu'elle a été prononcée par la juridiction de jugement ». Ainsi, la notion de « mauvaise conduite » régulièrement rencontrée en droit de l’exécution des peines, et en l’occurrence en matière de permissions de sortir, n’a pas à être précisée[421]. Elle constitue pourtant un critère de retrait de la mesure de permission de sortir et le durcissement régulier du régime des permissions de sortir conduit à émettre quelques critiques. Premièrement, la volonté de sécuriser, autant que faire se peut, le prononcé du moindre aménagement amène le pouvoir réglementaire à renvoyer à diverses reprises à des obligations identiques, ce qui peut confiner à l’absurde. D’autre part, cette volonté de ne prendre aucun risque peut s’avérer contreproductive. En tant qu’outil, la permission de sortir permet en effet d’observer le comportement du condamné hors du cadre carcéral, c’est à dire en dehors du contrôle strict de l’administration pénitentiaire, en lui laissant une relative marge de manœuvre. Cette prise de risque maîtrisée constitue le premier échelon de la réintégration du condamné dans la société. Or, la multiplicité des obligations et interdictions, révélatrice de la défiance exprimée vis-à-vis du condamné, crée un contexte hostile tendant à dénaturer le fondement de la mesure et l’esprit des aménagements de peine. Pourtant, dès lors que les textes prévoient ces contraintes, l’on ne peut imaginer qu’un juge de l’application des peines assume la responsabilité morale de ne pas en assortir les permissions de sortie qu’il accorde et prenne le risque d’un incident. La sécurisation excessive des permissions de sortir conduisant à leur dénaturation mais également à leur raréfaction est ainsi regrettable.

87. Prémices d’un assouplissement du cadre juridique. Parallèlement au durcissement du cadre juridique des permissions de sortir, une tentative d’assouplissement a récemment eu lieu via la loi du 23 mars 2019🏛 qui consacre le rôle du chef de l’établissement pénitentiaire dans l’octroi des permissions de sortir[422]. L’idée est intéressante puisque ce dernier est un acteur important de l’exécution des peines. En effet, il côtoie le condamné, si ce n’est quotidiennement, du moins plus fréquemment que le juge de l’application des peines et bénéficie de la remontée d’informations de la vie en détention, quasi-instantanément. D’ailleurs, son expertise est reconnue en sa qualité de membre de la commission de l’application des peines[423]. Dorénavant, aux termes du dernier alinéa de l’article 723-3 du Code de procédure pénale🏛 « lorsqu'une première permission de sortir a été accordée à un condamné majeur par le juge de l'application des peines en application de l'article 712-5, les permissions de sortir ultérieures peuvent, sauf décision contraire de ce magistrat, être accordées par le chef d'établissement pénitentiaire, selon des modalités déterminées par décret. En cas de refus d'octroi de la permission de sortir par le chef d'établissement pénitentiaire, celle-ci peut être demandée à nouveau au juge de l'application des peines, qui statue conformément au même article 712-5 » Cet assouplissement prévu pour « alléger le rôle des commissions de l’application des peines[424] » permettrait de fluidifier l’octroi des permissions de sortir et ainsi ne pas rater une date essentielle pour le condamné, compte tenu du délai de traitement de ces commissions souvent engorgées. L’efficacité d’une telle mesure reste à démontrer puisque l’article D143-2-1 du Code de procédure pénale, issu d’un décret du 6 février 2020🏛[425], précise que le juge de l’application des peines peut s’opposer à cette faculté. Effectivement, ce dernier « peut décider dans la décision octroyant une permission de sortir que les dispositions du troisième alinéa de l'article 723-3 ne sont pas applicables. Suivant les mêmes formes, le juge de l'application des peines peut ordonner ultérieurement soit d'office, soit à la demande du procureur de la République ou du chef d'établissement que ces dispositions ne sont plus applicables ». D’autre part, si le condamné peut saisir le juge de l’application des peines en l’absence de réponse de la part du chef de l’établissement, cette saisine ne peut intervenir qu’après un délai de deux mois[426]. Il eût été plus convenable d’opter pour un délai plus court d’un mois afin de se conformer à l’esprit du texte désireux d’une plus grande célérité en la matière. En effet, il n’est pas rare que les demandes de permissions de sortir revêtent une certaine urgence. L’on pense aux évènements familiaux imprévus, par exemple. C’est pourtant sans doute le souci de promptitude qui explique que la prise de décision du chef de l’établissement ne soit, hélas, précédée d’aucun débat. Enfin, notons que la décision du chef de l’établissement « ne peut faire l'objet d'aucun recours, mais que [le condamné] peut saisir le juge de l'application des peines d'une même demande de permission ». Si l’on peut se réjouir de la volonté du législateur de s’intéresser aux permissions de sortir via des dispositions intégrées au sein de la partie législative du Code de procédure pénale🏛, force est de constater que ces nouvelles mesures de déjudiciarisation demeurent toutefois en surface d’un domaine qui mériterait d’être réformé en profondeur. A ce titre, elles ont pu justement être qualifiées de « retouches[427] »

88. Assouplissement souhaité du cadre juridique. Plusieurs auteurs s’accordent à penser qu’il convient de réhabiliter les permissions de sortir. Celles-ci devraient être considérées comme normales et faisant partie intégrante de l’exécution de toute peine privative de liberté sans aucune forme de distinction[428]. Il est, au surplus, renvoyé aux règles pénitentiaires européennes (RPE) et particulièrement à la règle 103. 06 prévoyant un congé pénitentiaire pour asseoir ce propos[429]. La relance des permissions de sortir ne signifie néanmoins pas un octroi automatique de celles-ci. D’ailleurs, le vœu de conférer une solennité à la première permission accordée via la comparution du condamné devant la commission de l’application des peines a, par exemple, été émis. L’objectif étant que ce dernier prenne conscience des obligations lui incombant[430].

89. Assouplissement souhaité des conditions temporelles d’octroi. Tout d’abord, concernant les conditions temporelles d’octroi, il apparait judicieux que les permissions de sortir interviennent aussi tôt que possible dans l’exécution d’une longue peine afin d’éviter la distension des liens familiaux mais également un retour à la vie en société trop brutal, compte tenu notamment des évolutions sociétales. En d’autres termes, avant de travailler sur une réinsertion future, il serait intéressant d’éviter une désinsertion radicale. A cet égard, l’efficacité de permissions de sortir aussi tardives que celles prévues par le Code de procédure pénale peut être questionnée, surtout lorsqu’il s’agit de longues peines. Pour autant, accorder une permission de sortir dès le début de l’incarcération peut être considéré comme prématuré. C’est pourquoi, un juste équilibre doit être trouvé. A titre d’exemple, la commission présidée par Bruno Cotte envisage, pour les peines privatives de liberté supérieures à deux ans d’emprisonnement, l’octroi d’une permission de sortir après exécution d’un tiers de la peine. Cela représente un adoucissement considérable pour les longues peines souvent subordonnées à l’exécution de la moitié de leur peine (à moins de bénéficier du dispositif dérogatoire plus favorable). Cette proposition est reprise par Evelyne Bonis et Nicolas Derasse[431]. Il est souhaitable que cette recommandation, qui permettrait de limiter la désocialisation des condamnés à de longues peines privatives de liberté et qui redonnerait du sens à ces peines en instillant un espoir de sortie, se concrétise. L’on peut aller plus loin et souhaiter que les permissions de sortir octroyées en raison d’un événement familial important, conformément aux dispositions de l’article D143-5 du Code de procédure pénale🏛, ne soient soumises à aucune condition temporelle et puissent être accordées par le juge de l'application des peines dès le début de la détention si la personnalité du condamné le permet, en particulier en l’absence de probabilité élevée de récidive et d’évasion. Néanmoins, quand bien même ces propositions seraient adoptées, un obstacle juridique temporel demeurerait: le prononcé d’une période de sûreté figeant la peine et empêchant tout aménagement de cette dernière durant un temps[432]. Toutefois, il est intéressant de noter que la commission présidée par Bruno Cotte envisageait une modification terminologique pertinente en qualifiant les permissions de sortir de « modalités d’exécution de la peine » et non plus d’« aménagements[433] ». Ce changement permettrait, selon la commission, d’extraire les permissions de sortir du champ de la période de sûreté. Observons que, s’agissant d’une mesure ponctuelle, la prise de risque de la société serait moins importante que pour des élargissements anticipés de plus longue durée. En outre, cette nouvelle terminologie correspondrait parfaitement à l’esprit qui devrait être conféré aux permissions de sortir. Celles-ci sont, en effet, censées accompagner la peine tout au long de son exécution. Pour autant, si la libération conditionnelle est parfois également qualifiée de « modalité d’exécution de la peine[434] », cela ne lui permet pas d’être exclue du champ de la période de sûreté. Ainsi, indépendamment de la terminologie choisie, il importe surtout d’extraire les permissions de sortir du domaine de la période de sûreté.

90. Assouplissement souhaité du régime. Pour finir, concernant le régime des permissions de sortir, en premier lieu, Pierrette Poncela réclame la suppression des distinctions opérées en fonction de la catégorie d’établissement pénitentiaire hébergeant le condamné[435]. La doctrine semble unanimement regretter la complexification des conditions d’octroi qu’il conviendrait d’harmoniser[436]. Pierrette Poncela souhaite également que soit allongée la durée des permissions de sortir qui seraient portées à dix jours sans que leur nombre ne soit limité sur une année, tandis que le rapport pour une refonte du droit des peines envisage des permissions portées à cinq jours voire dix, une fois par an[437]. En cas de condamnation à une longue peine, une durée de dix jours peut sembler risquée selon le stade d’exécution de la peine. Il ne faut effectivement pas négliger le risque d’évasion qui peut être tentant pour un condamné devant encore exécuter de longues années de détention. Sans doute, pourrait-on instaurer une progressivité dans la durée des permissions de sortir en fixant des durées maximales de trois, cinq puis dix jours en fin de peine. En conclusion, une refonte du cadre juridique des permissions de sortir est souhaitable pour que les personnes condamnées à de longues peines privatives de liberté puissent maintenir une part d’elle-même dans la société qu’elles réintégreront. D’ailleurs, cette refonte serait bénéfique pour l’ensemble des condamnés.

Conclusion du chapitre 1

91. La longueur de la peine : premier obstacle à son aménagement. Si plusieurs obstacles à l’aménagement des longues peines peuvent être observés, le premier d’entre eux est mécanique puisqu’il s’agit de la durée même de la peine. Cette dernière retarde de facto l’accès aux mesures d’aménagement. Néanmoins, il n’apparait pas toujours opportun d’intervenir en la matière afin de faciliter cet accès. En effet, la temporalité de la libération conditionnelle, dont les conditions matérielles et le régime d’application semblent particulièrement compatibles avec les peines de longue durée, permettent au condamné d’envisager une sortie. Bien que celle-ci soit mécaniquement plus lointaine, il n’est pas souhaitable d’abaisser la durée du temps d’épreuve légalement fixé permettant d’assurer la fonction rétributive de la peine tout en conservant celle de réinsertion. L’équilibre de la libération conditionnelle telle qu’issue des dispositions de droit commun l’érige en aménagement de peine idoine des longues peines. Par ailleurs, si l’instauration d’une libération conditionnelle d'office a pu être évoquée[438] en vue de promouvoir cet aménagement, il semblerait que cela contrevienne à la nécessité d’individualisation de l’exécution de la peine. En revanche, il serait plus égalitaire de supprimer les dispositions spéciales tenant aujourd’hui compte de l’état de récidive du condamné uniquement pour les peines de trente années de réclusion criminelle et de réclusion criminelle à perpétuité. Enfin, en ce qui concerne les mesures d’aménagement de peine sous écrou, il a pu être constaté qu’elles obéissaient à une double temporalité. Si la semi-liberté, le placement à l'extérieur et la détention à domicile sous surveillance électronique ne présentent qu’un bref intérêt pour les longues peines lorsqu’ils interviennent en fin de peine, ils revêtent une utilité certaine en tant qu’aménagements de peine probatoires à la libération conditionnelle au regard de leur caractère plus contraignant mais surtout en ce qu’ils permettent de garantir la progressivité du retour à la vie en société. Cela est également le cas des permissions de sortir, souvent délaissées lorsque les aménagements de peine sont abordés, et dont le cadre juridique nécessite une profonde refonte afin de les revaloriser et les intégrer plus tôt dans le parcours d’exécution de la peine.

Chapitre 2 : Un accès juridiquement retardé

92. Accès retardé par une période de sûreté. La seconde catégorie d’obstacles temporels à l’aménagement des longues peines privatives de liberté est de nature juridique. Le législateur a volontairement retardé l’accès à certaines mesures en raison du quantum de la peine prononcée et, parfois, en fonction également de la nature de l’infraction commise. L’obstacle majeur à cet aménagement réside dans l’instauration d’une période de sûreté (Section 1), mécanisme n’ayant cessé d’être renforcé (Section 2).

Section 1: L’instauration d’une période de sûreté

93. Genèse. Instaurée en France par la loi du 22 novembre 1978[439], la période de sûreté peut se définir comme : la partie d’une peine privative de liberté non assortie du sursis pendant laquelle le condamné majeur est exclu du bénéfice de certains aménagements de peine[440]. Initialement intégrées au sein de l’article 720-2 du Code de procédure pénale🏛, les dispositions relatives à la période de sûreté sont partiellement transférées via la codification du Code pénal de 1994 en son article 132-23. Les aménagements visés étant prohibés durant la période de sûreté, il s’agit donc d’une mesure y retardant juridiquement l’accès. Celle-ci concerne majoritairement les longues peines puisqu’elle entend viser des infractions graves[441]. Une période de sûreté de plein droit est effectivement prévue pour certaines longues peines tandis qu’une période de sûreté facultative peut être prononcée pour toute autre condamnation à une peine privative de liberté supérieure à cinq ans[442]. Concernant les aménagements prohibés, ceux-ci sont expressément visés par les dispositions de l’article 132-23 du Code pénal🏛. Il s’agit du placement à l'extérieur et de la semi-liberté, de la libération conditionnelle, des permissions de sortir ainsi que de la suspension ou fractionnement de la peine. Le placement sous surveillance électronique - devenu détention à domicile sous surveillance électronique - étant apparu postérieurement à la création de la période de sûreté[443], n’avait pas pu être intégré à la liste de ces aménagements. Le législateur n’a, hélas, jusqu’à ce jour, jamais saisi l’opportunité de modifier le texte en ce sens. Dans tous les cas, il a déjà été relevé que les conditions temporelles de cet aménagement ne permettent pas en pratique de rencontrer cette difficulté[444]. Néanmoins, si la semi-liberté et le placement à l'extérieur sans surveillance du personnel pénitentiaire sont visés tandis qu’ils présentent des conditions temporelles identiques, cela devrait être le cas pour la détention à domicile sous surveillance électronique. Pour autant, c’est véritablement l’accès retardé à la libération conditionnelle ainsi qu’aux permissions de sortir qui entraine de sérieuses conséquences sur l'exécution des longues peines privatives de liberté puisqu’il s’agit de deux aménagements particulièrement adaptés. Enfin, concernant la durée de la période de sûreté, aux termes de l’article 132-23 du Code pénal🏛, celle-ci correspond à la moitié de la peine. Dans le cas d’une peine perpétuelle, la période de sûreté est fixée à dix-huit ans. Ces durées légalement déterminées peuvent être réduites mais également étendues jusqu’aux deux tiers de la peine pour une peine temporelle, et jusqu’à vingt-deux ans pour une peine perpétuelle. Relevons que si ce mécanisme figeant la peine au moins provisoirement existe ailleurs en Europe, il demeure relativement rare. Au Royaume-Uni, les juridictions répressives « établissent une distinction expresse entre la partie punitive et la partie préventive d'une peine perpétuelle. La partie répressive et incompressible (tariff) est fixée pour punir le délinquant. Lorsque cette partie de la peine est accomplie, un détenu est considéré comme purgeant la partie préventive de sa peine ; il peut être libéré sous condition s'il ne constitue pas une menace pour la société[445] ». La juridiction européenne rappelle bien que cette « période de sûreté » n’est applicable qu’aux peines perpétuelles, ce qui n’est pas le cas en France. Récemment, la Belgique, via la loi du 1er décembre 2017 modifiant diverses dispositions en vue d'instaurer une période de sécurité et modifiant la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive en ce qui concerne l’arrestation immédiate, a institué une période de sûreté excluant du bénéfice de la libération conditionnelle certains condamnés en fonction de l’infraction commise et de la durée de la peine prononcée[446]. Quoi qu’il en soit, de nombreuses critiques peuvent être formulées à l’égard du mécanisme (§1) et du formalisme (§2) de la période de sûreté telle que prévue en France.

§1 - Un mécanisme contestable

94. Mécanisme doublement contestable. En plus d’être attentatoire au principe d’individualisation de peine (A), le mécanisme de la période de sûreté semble contreproductif[447] (B).

A°) Un mécanisme attentatoire au principe d’individualisation de la peine

95. Une période de sûreté reposant sur un double-critère. Si l’atteinte au principe d’individualisation des peines se caractérise ici par la volonté de figer certaines peines, il est à noter qu’il s’agit majoritairement de peines de longue durée puisque la période de sûreté de plein droit vise un quantum minimal de dix ans. En effet, selon le législateur, les condamnés exécutant une longue peine sont présumés dangereux en raison de la commission des infractions les plus graves. A ce double-titre, leur peine doit être au moins temporairement immobilisée (1). Il convient pourtant de questionner l’extension mais également la cohérence de la liste des infractions visées tout en rappelant qu’il est toujours possible, quelle que soit l’infraction commise, d’assortir d’une période de sûreté facultative toute peine privative de liberté supérieure à cinq années (2).

1°) L’adoption d'un dispositif figeant la longue peine

96. Objectifs du législateur. En instaurant un mécanisme figeant les longues peines, le législateur vise deux objectifs : neutraliser les condamnés dangereux (a) et renforcer la répression d’infractions graves (b).

a. La neutralisation des condamnés dangereux

97. Objectif affiché de protection de la société. L’objectif de protection de la société se déduit de l’intitulé même de la mesure, à travers l’emploi du terme « sûreté ». Celle-ci se définit comme « l’état de quelqu'un ou de quelque chose qui est à l’abri du danger[448] » ou encore comme « l’absence de risque, de danger [mais également comme une] garantie de sécurité [449] ». L’emploi de ce terme n’est donc pas anodin. D’ailleurs, il est indiqué, dans les travaux préparatoires de la mesure (provisoirement dénommée « régime de sûreté ») qu’« un tel régime a pour principal objet d'éviter une sortie prématurée de prison des détenus les plus dangereux mais également que « le régime de sûreté a essentiellement pour fonction la protection du corps social[450] » La protection de la société constitue donc le fondement de la période de sûreté. Il faut rappeler que la période de sûreté apparait dans un contexte d’accroissement des prérogatives du juge de l'application des peines, en raison de l’extension progressive du principe d’individualisation de la peine à la phase d’exécution de celle-ci, et que le législateur souhaitait alors reprendre le contrôle et limiter les possibilités offertes au juge dont il craignait le laxisme et, par conséquent, la mise en danger de la société[451]. Bien que l’objectif de protection de la société soit légitime, l’absence d’évaluation de la dangerosité du condamné peut interroger.

98. Absence d’évaluation de la dangerosité du condamné relative au prononcé d’une période de sûreté. Il est compréhensible que le législateur souhaite, par le biais de la période de sûreté, mettre à l’écart, pour un temps déterminé, les condamnés qu’il considère comme étant dangereux. Malgré l’absence de consensus autour de la notion de « dangerosité[452] », et des modalités de son évaluation[453], la détermination de la dangerosité de l’individu repose classiquement sur l’emploi d’outils prévus à cet effet[454]. En règle générale, le magistrat sollicite une expertise rendue par un ou plusieurs expert(s) psychologue(s) et/ou psychiatre(s). Le condamné peut parfois être admis au sein du centre national d’évaluation en vue d’une évaluation pluridisciplinaire[455]. Or, le cadre juridique de la période de sûreté présente ceci de surprenant qu’il ne prévoit aucune évaluation de la dangerosité du condamné. Bien que des experts puissent être sollicités au cours de l’audience correctionnelle ou criminelle, le législateur ne préconise pas qu’ils soient interrogés sur la nécessité du prononcé d’une période de sûreté en raison d’une éventuelle dangerosité. Au contraire, les conditions dans lesquelles la période de sûreté peut être prononcée résultent d’un cadre légal prédéfini. En effet, puisqu’aucune évaluation stricto sensu de la dangerosité n’est prévue à ce titre, le législateur se repose sur deux critères objectifs pour identifier les condamnés qu’il considère comme dangereux : le quantum de la peine prononcée et l’infraction commise. C’est ainsi que le premier alinéa de l’article 132-23 du Code pénal🏛 précise que cette mesure est applicable « en cas de condamnation à une peine privative de liberté, non assortie du sursis, dont la durée est égale ou supérieure à dix ans, prononcée pour les infractions spécialement prévues par la loi ». Un premier critère strictement est requis : celui de l’infraction commise. En fonction des valeurs que la société entend protéger, certaines infractions sont considérées comme plus attentatoires à l’ordre public que d’autres. Un individu ayant commis une infraction de cette catégorie serait donc plus dangereux et susceptible de récidiver ou plus exactement le risque de renouvellement de l'infraction commise serait moins supportable que s’il s’agissait d’une autre infraction. Le second critère requis est celui du quantum de la peine prononcée. Il est à noter que bien que des éléments à venir - comme la volonté de protéger la société, de réinsérer le condamné - soient pris en considération dans le choix de la peine, celle-ci est tout même encore majoritairement orientée vers le passé dans le cadre de sa fonction principale de sanction de l'infraction commise[456]. C’est ainsi qu’en prenant en considération la gravité de l’infraction commise et le quantum de la peine prononcée pour déterminer le cadre de la période de sûreté, sans solliciter une expertise de la dangerosité du condamné en ce sens, le législateur opte pour la déduction objective et non l'évaluation de l’état dangereux du condamné. L’on peut alors raisonnablement douter du fait que la neutralisation du condamné dangereux constitue le seul dessein du législateur ayant adopté cette mesure.

b. Le renforcement de la répression d’infractions graves

99. Primauté du principe de certitude sur celui d’individualisation de la peine pour les longues peines. Les longues peines soumises à une période de sûreté voient leur exécution partiellement figée conformément au principe de « certitude de la peine » que souhaitait réaffirmer le législateur[457]. Il ne s’agit pas ici de la certitude, pour un individu ayant commis une infraction, d’être sanctionné, mais de la certitude, pour le condamné, d’exécuter la peine privative de liberté prononcée, au moins partiellement. En comparaison d’autres personnes détenues condamnées à des peines similaires mais non assorties d’une période de sûreté, l’application du principe de certitude de la peine correspond donc à un renforcement de la répression. En effet, durant la période de sûreté, presqu’aucune modalité d’exécution plus favorable ne peut être accordée. Or, force est de rappeler qu’il existe, dans notre droit, un principe d’individualisation de la peine, d’ailleurs reconnu constitutionnellement le 22 juillet 2005, et émanant de l’article 8 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen[458]. Conceptualisé par Raymond Saleilles au cours du XIXème siècle[459], ce principe est, depuis 2014[460], consacré au deuxième alinéa de l’article 132-1 du Code pénal🏛[461]. Il peut se définir comme « l’ajustement de la sanction à la situation du condamné[462] ». Le plus souvent évoqué lors du choix de la peine par le juge, il n’en demeure pas moins applicable lors de la phase exécutoire de celle-ci[463]. D’ailleurs, en son article 707, le code de procédure pénale🏛 précise que le régime d’exécution de la peine est adapté « en fonction de l'évolution de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale de la personne condamnée, qui font l'objet d'évaluations régulières[464] ». Ce régime adapté se matérialise, autant que faire se peut, par un retour progressif à la vie en société au cours duquel les aménagements de peine jouent un rôle prépondérant. Par conséquent, instaurer une période de sûreté renforçant la certitude de la peine semble, par nature, contradictoire avec le principe à valeur constitutionnelle d’individualisation de la peine. Le législateur a pourtant choisi de faire primer la certitude de la majorité des longues peines sur l’individualisation de celles-ci. Ce propos doit être nuancé étant précisé qu’en règle générale cette primauté est temporaire - la période de sûreté ne s’appliquant généralement pas à l’intégralité de la peine - et que, par ailleurs, le condamné peut solliciter le relèvement de cette mesure. Néanmoins, cette volonté d’effectivité de certaines longues peines s’assimile à un renforcement de la répression vis à vis de ces condamnés. D’ailleurs, ces derniers, faisant moins référence à la peine prononcée qu’à la durée de la période de sûreté l’assortissant, en ont particulièrement conscience[465]. Il en va également ainsi des magistrats qui érigent le prononcé d’une période de sûreté en critère d’identification de la longue peine plus significatif que le quantum de la peine elle-même[466].

100. Un renforcement assumé. L’exclusion certaine du condamné de la société ne constitue pas seulement un moyen permettant la neutralisation d’un individu dangereux. Il ne s’agit pas non plus de la seule volonté de respecter l’autorité de la chose jugée mais bien d’un objectif clair du législateur qui souhaite réprimer encore plus fortement ceux ayant gravement troublé l’ordre public. En ce sens, Evelyne Bonis reprend les termes des travaux préparatoires afin de rappeler que « l’objectif poursuivi par le législateur était de traiter avec une sévérité accrue les auteurs d’infractions qui « portent atteinte d’une manière particulièrement grave [à l’ordre public] et heurtent la sensibilité de l’opinion publique[467] ». En effet, la velléité d’empêcher l’accès aux aménagements de peine, qui sont des mesures individualisées[468], s’inscrit dans une démarche de durcissement de la sanction pénale de certaines infractions.

2°) L’instauration d’une liste d’infractions concernées

101. L’extension considérable des infractions visées. Le législateur, dans le cadre de la période de sûreté de plein droit, détermine une liste d’infractions pour lesquelles une période de sûreté doit obligatoirement accompagner la condamnation à une peine privative de liberté au moins égale à dix ans. En effet, ce n’est pas l’ensemble des longues peines qui est soumis à cette modalité d’exécution mais uniquement une partie d’entre elles. L’on peut constater que lors de son adoption en 1978, l’article 720-2 du Code de procédure pénale🏛 visait expressément les infractions prévues. Depuis le transfert de ces dispositions au sein de l’article 132-23 du Code pénal🏛, l’on a pu assister à un éclatement de celles-ci au sein du Code pénal puisque, dorénavant, c’est dans chaque texte d’incrimination qu’est indiqué si une période de sûreté de plein droit est prévue ou non. Ainsi, lorsqu’en 1978, l’article 720-2 faisait mention d’un peu plus d’une quinzaine d’incriminations, actuellement, la période de sûreté est prévue dans environ soixante-dix textes. Outre la difficulté de lisibilité induite par cet éclatement, force est de constater la conséquente extension du domaine d’application de la période de sûreté de plein droit, en corrélation avec l’ « hyperinflation pénale » caractérisée par la multiplication des incriminations dans de nombreux domaines[469]. Cela s’est, d’ailleurs, dernièrement illustré par l’adoption en 2016[470] de l’article 421-7 du Code pénal🏛 aux termes duquel : « Les deux premiers alinéas de l'article 132-23 relatif à la période de sûreté sont applicables aux crimes ainsi qu'aux délits punis de dix ans d'emprisonnement prévus au présent chapitre ». Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme accentuée ces dernières années, le législateur crée pour la première fois un article préliminaire généralisant l’application de la période de sûreté à l’ensemble d’une catégorie d’infractions. Il ne prend plus en considération chaque infraction isolément mais légifère par assimilation. Si en pratique cet article n’a pas une grande incidence, étant précisé que la grande majorité des incriminations terroristes était déjà soumise à cette modalité d’exécution de la peine[471], le législateur a sans doute créé ce texte en prévision de la continuité de l’inflation pénale ambiante en la matière. Cependant, cette disposition à portée générale peut laisser craindre que l’ensemble des longues peines, sans distinction, soit progressivement, au moins temporairement, figé. Par ailleurs, outre la quantité des incriminations visées, la cohérence de cette liste n’est pas si évidente.

102. La cohérence limitée des infractions visées. Le questionnement sur la pertinence de la liste légalement établie est inévitable dès lors que notre société est en perpétuel mouvement et que les intérêts qu’elle entend protéger varient au gré de ces évolutions. Ainsi, lorsque l’on étudie les infractions concernées, l’on s’aperçoit qu’il s’agit d’infractions considérées comme les plus graves. Plus exactement, il s’agit souvent d’infractions aggravées par une circonstance[472]. Cependant, il existe quelques défauts de cohérence. En effet, sans nier la gravité du vol commis sous la menace d’une arme, par exemple, il est difficile de comprendre l’application d’une période de sûreté de plein droit pour un individu condamné à une peine privative de liberté d’au moins dix ans dans ce cas, tandis que celle-ci n’est pas prévue lorsque la qualification des faits correspond à un meurtre ou un viol sans circonstance aggravante. Si une hiérarchie semble exister dans la gravité des infractions, notamment entre les atteintes aux biens et celles aux personnes, alors le législateur ne semble pas s’y conformer. Néanmoins, l’instauration d’une période de sûreté facultative lui permet de nuancer ces incohérences par la faculté de figer l’ensemble des longues peines. En effet, outre la période de sûreté de plein droit, il existe une période de sûreté facultative que le juge peut toujours prononcer pour toute peine privative de liberté supérieure à cinq ans[473]. Ce seuil de cinq ans n’est pas anodin puisqu’il correspond au seuil à partir duquel le Conseil de l’Europe fixe la longue peine[474]. Cependant, cette période de sûreté facultative ne semble que rarement usitée pour des peines correctionnelles. En conclusion, le juge dispose de la faculté de priver toute longue peine, quelle que soit l’infraction commise, d’accéder aux aménagements pendant une période donnée. Cette faculté permet de corriger les incohérences susvisées. En définitive, elle nuance la prise en considération de la nature de l’infraction commise pour renforcer celle du quantum de la peine prononcée.

B°) Un mécanisme contreproductif

103. Le risque de désengagement du condamné de tout travail de réinsertion. Lorsque l’on évoque l’immobilisation de la peine, l’on craint immédiatement le risque de désengagement du condamné de tout travail de réinsertion, au moins durant cette période. L’on sait que l’espoir d’obtenir un aménagement de peine peut permettre au condamné d’entamer certaines démarches de resocialisation, de soins, ou de formation professionnelle. Durant ce parcours, parfois uniquement motivé - il faut l’admettre - par l’idée d’un adoucissement de la peine, le condamné peut entamer un travail sur lui-même et progresser. Cela est particulièrement possible lorsque la temporalité de la peine lui permet de réaliser un réel parcours de réinsertion accompagné de professionnels. En revanche, si malgré ses efforts de réinsertion, l’évolution de la personnalité du condamné n’est pas prise en compte a minima pendant la moitié de sa peine, la motivation de ce dernier risque de faire défaut. Or, il va sans doute de l’intérêt de la société qu’un travail du condamné soit entrepris le plus rapidement possible.

104. L’effet pervers de l’imputation des réductions de peine sur la partie postérieure à la période de sûreté. Aux termes du dernier alinéa de l’article 132-23 du Code pénal🏛 : « les réductions de peines accordées pendant la période de sûreté ne seront imputées que sur la partie de la peine excédant cette durée ». Cela signifie que l’octroi de réductions de peine durant la période de sûreté est tout à fait possible. Cela est, sans doute, plutôt souhaitable, étant donné qu’elles encouragent le condamné à faire preuve de bonne conduite et fournir des efforts de réinsertion, même s’il ne s’agit pas d’aménagements à effet immédiat. La difficulté qui se pose ici est celle de l’imputation des réductions de peine, puisque celle-ci se réalise sur la partie de la peine postérieure à la période de sûreté. S’il est intéressant qu’elles puissent être accordées malgré la période de sûreté, leur imputation sur la partie de la peine postérieure à la période de sûreté est regrettable puisqu’en pratique, par le jeu de ce report, la fin de la période de sûreté et la fin de la peine deviennent parfois trop proches. Tant et si bien qu’un certain nombre de condamnés assimilent les deux[475]. Cela signifie qu’en l’absence de toute permission de sortir ou autre aménagement permettant de tester l’aptitude du condamné à réintégrer la société, ce dernier, pourtant condamné à une longue peine, peut quitter l’établissement pénitentiaire sans aucune forme de suivi quelques mois après la fin de la période de sûreté. Un ersatz d’aménagement de fin de peine peut, bien sûr, être accordé afin que des mesures d’assistance et de contrôle soient instaurées durant cette courte période. Cependant, l’octroi d’un aménagement de peine nécessite l’accord du condamné. L’on peut s’interroger sur l’intérêt de consentir à un aménagement de peine lorsqu’une sortie sans aucun contrôle est possible quelques mois plus tard[476]. L’on peut, par conséquent, s’inquiéter de la protection des intérêts de la société sans une réelle préparation à la sortie par le biais d’aménagements de peine sérieusement élaborés. En outre, cette imputation reportée produit des effets conséquents à l’égard des réclusionnaires à perpétuité. Il a été observé que ces dernières pouvaient bénéficier d’une réduction du temps d’épreuve sur le fondement des réductions de peine. Or, le temps d’épreuve, en cas de réclusion criminelle à perpétuité, est fixé à dix-huit années voire vingt-deux ans en cas de récidive légale. Les mêmes quanta sont retenus pour la période de sûreté[477] qui couvre donc le temps d’épreuve. Sachant que les réductions de peine ne peuvent produire aucun effet durant la période de sûreté, elles ne peuvent, par conséquent, pas non plus réduire le temps d’épreuve. Dès lors, les réclusionnaires à perpétuité ne peuvent bénéficier de l’imputation des réductions de peine sur la partie de la peine excédant la période de sûreté. Ils n’ont alors quasiment aucun intérêt à s’engager dans un travail de réinsertion en ce sens. Toutefois, il leur est toujours possible de solliciter un relèvement de la période de sûreté pour espérer réintégrer un réel parcours de préparation à la sortie[478]. Enfin, le mécanisme d’une période sûreté s’inscrit tout simplement en contradiction avec les régimes dérogatoires plus favorables prévus par le législateur.

105. Un obstacle à l’accès au régime dérogatoire de libération conditionnelle tenant à l’âge du condamné. Le législateur a prévu trois causes d’exonération de l’exécution du temps d’épreuve exigible en matière de libération conditionnelle[479]. Ces causes tiennent à l’âge du condamné, sa parentalité et son état de santé. Dans les trois cas, la ratio legis consiste à prendre en considération la situation personnelle du condamné, laquelle prime exceptionnellement sur l’exécution de la peine. Compte tenu des conditions temporelles prévues pour que soit accordée une libération conditionnelle parentale, à savoir une peine restant à subir de quatre années, il a d’ores et déjà été souligné que ce régime dérogatoire ne présentait que peu d’intérêt pour les longues peines. Quoi qu’il en soit, de toute évidence, compte tenu de seuil de quatre ans requis, la période de sûreté assortissant la longue peine aura été exécutée par le condamné. En ce qui concerne le régime dérogatoire de libération conditionnelle tenant à l'état de santé du condamné, il sera observé que l’exécution d’une période de sûreté ne constitue pas un frein à son prononcé[480]. Tel n’est en revanche pas le cas pour les personnes condamnées à une longue peine privative de liberté sollicitant une libération conditionnelle en raison de leur âge, confrontées à l’obstacle considérable que constitue le prononcé d’une période de sûreté. En effet, s’il n'est plus nécessaire pour le condamné d'avoir réalisé le temps d’épreuve préalable à la libération conditionnelle, aucune disposition ne l’exempte de l’exécution de la période de sûreté prononcée. Or, cette période, à moins d’avoir été réduite par la juridiction de jugement, recouvre bien souvent voire dépasse le temps d’épreuve. Par conséquent, un obstacle temporel demeure à l’obtention d’une telle libération conditionnelle pour les longues peines et l’on peut déplorer que la problématique du vieillissement carcéral ne soit finalement prise en compte que lorsqu'il s'agit de courtes et moyennes peines. Force est d’admettre que l'intérêt d'un tel régime dérogatoire devient relatif voire inexistant en ce qui concerne les longues peines. Il existe toutefois un moyen d’accéder à ce régime dérogatoire. En effet, le condamné peut s’engager dans une procédure de relèvement de la période de sûreté, conformément aux dispositions des articles 720-4 et 720-5 du Code de procédure pénale🏛🏛, en vue de solliciter une libération conditionnelle, bien que cette procédure puisse s’avérer particulièrement complexe et par conséquent dissuasive.

§2 – Un formalisme critiquable

106. Une période de sûreté obligatoire et automatique. Si le mécanisme de la période de sûreté est en lui-même contestable, son formalisme n’est pas en reste. Le caractère obligatoire (A) et l’automaticité (B) de la période de sûreté des longues peines soulèvent de nombreuses critiques portées devant les juridictions.

A°) Le caractère obligatoire de la période de sûreté

107. Une période de sûreté « de plein droit ». Pour une majorité des longues peines, l’article 132-23 du Code pénal🏛 prévoit une période de sûreté de plein droit, qualifiée également de période de sûreté obligatoire. Dès lors qu’une peine d’au moins dix années est prononcée en raison des infractions visées, cette période de sûreté prédéterminée accompagne, en principe, obligatoirement la condamnation. Au-delà du contenu de la période de sûreté, sa forme est souvent questionnée. Lors de la conférence de consensus pour une nouvelle politique publique de prévention de la récidive en février 2013, la période de sûreté n’est pas remise en question sur le fond. A contrario, est vivement critiquée son caractère obligatoire attentatoire, par nature, au principe d’individualisation de la peine puisque reposant uniquement sur la nature de l’infraction commise et le quantum de la peine prononcée, et ne dépendant pas de la personnalité même du condamné et de son risque de récidive, par exemple[481]. Plus récemment, la forme de la période de sûreté a été critiquée devant le Conseil Constitutionnel via une question prioritaire de constitutionnalité le 26 octobre 2018[482]. En l’espèce, le requérant s’interrogeait sur le respect des principes de nécessité et d'individualisation des peines lorsqu’une période de sûreté accompagne de plein droit une condamnation. Les Sages de la rue de Montpensier ne constatent aucune violation de ces principes en la matière. Tout d’abord, en raison de la circonscription du principe d’individualisation des peines aux sanctions pénales, ils rappellent que la période de sûreté étant une mesure d’exécution de la peine et non une peine elle-même, ce principe n’a pas vocation à s’appliquer. Dans un deuxième temps, le Conseil Constitutionnel revient sur le lien étroit existant entre la condamnation et la période de sûreté. En effet, cette dernière n’est appliquée qu’en conséquence du prononcé d’une longue peine privative de liberté, laquelle intervient compte tenu des circonstances de l’espèce. Cela signifie, d’une part, que la peine étant individualisée, la période de sûreté l’assortissant résulte de cette individualisation, et que, d’autre part, la juridiction de jugement, ayant pleinement conscience, en optant pour une telle condamnation, de l’application d’une période de sûreté, décide implicitement de la prononcer[483]. La période de sûreté de plein droit est également validée par le Conseil Constitutionnel en raison de la latitude laissée à la juridiction de jugement quant à la modulation de la mesure dont il convient de dire quelques mots[484].

108. La modulation autorisée de la période de sûreté par la juridiction de jugement. Ici, le Conseil Constitutionnel fait indirectement référence à sa jurisprudence relative aux peines complémentaires obligatoires constitutionnelles qu’il distingue des peines accessoires automatiques inconstitutionnelles[485]. Tout comme les premières, la période de sûreté peut être modulée par la juridiction de jugement qui peut en diminuer ou en augmenter la durée bien que celle-ci soit plafonnée, en application de l’article 132-23 du Code pénal🏛[486]. Cette modulation permet à ces dispositions d’échapper à la censure du Conseil Constitutionnel. Néanmoins, dans les faits, il peut être rappelé que les magistrats ne font qu’un rare emploi de cette faculté leur étant offerte et, bien souvent, les durées légalement prévues s’appliquent sans aucune modulation[487]. Il semblerait également que, de manière générale, les avocats ne songent pas souvent à débattre de la durée de la période de sûreté. D’ailleurs, rappelons qu’avant le transfert d’une partie des dispositions relatives à la période de sûreté au sein du Code pénal, l’article 720-2 du Code de procédure pénale🏛 précisait que la juridiction pouvait augmenter la durée de la période de sûreté et « exceptionnellement » la réduire. Si l’adverbe a aujourd’hui disparu, l’on comprend, en revanche, bien l’esprit du texte et la volonté du législateur de ne pas encourager le juge dans cette voie.

109. Débat sur la possibilité de suppression de la période de sûreté de plein droit par la juridiction de jugement. Si le juge peut moduler la durée de la période de sûreté sans qu’aucun seuil minimal ne soit prévu, il lui est donc possible de prononcer une période de sûreté purement symbolique. Pour autant, l’on peut s’interroger sur la possibilité offerte à la juridiction de jugement de décider de ne pas assortir la longue peine d’une période de sûreté de plein droit. Le législateur ne fait aucunement mention de cette faculté. Cela donne, par conséquent, lieu à diverses interprétations. Pour certains auteurs, cela ne signifie pas qu’une telle suppression soit prohibée et « en l’absence de seuil minimum prévu par le législateur, il est donc loisible à la juridiction de supprimer en fait toute période de sûreté[488] ». Dans ce cas, compte tenu des rares modulations de la période de sûreté, il semble que sa suppression relève plus d’une hypothèse d’école que d’une réalité. Pour d’autres auteurs, s’agissant d’une période de sûreté de plein droit, son caractère obligatoire ne fait aucun doute et, quand bien même le juge peut la moduler, il ne peut en aucun cas en faire abstraction[489]. C’est ainsi qu’il est plutôt fait référence à sa « quasi-suppression[490] » puisqu’il demeure possible pour la juridiction de jugement de la réduire à un jour. Cette position apparait en accord avec l’esprit du texte et la volonté du législateur d’imposer une période de sûreté aux longues peines.

B°) Le caractère automatique de la période de sûreté

110. Plan. Outre le caractère obligatoire de la période de sûreté, son automaticité est également décriée. De cette dernière, il convient de tirer deux observations. Premièrement, la juridiction de jugement n’est pas tenue de prononcer la période de sûreté assortissant obligatoirement la peine. En second lieu, elle n’était, a priori, pas non plus tenue de la motiver.

1°) L’absence de prononcé de la période de sûreté de plein droit

111. Une période de sûreté émanant d’une décision « fantôme ». En plus de s’imposer au juge, la période de sûreté assortissant la peine n’a pas à être expressément prononcée[491]. Celle-ci résulte donc d’une décision « fantôme ». Cela présente plusieurs difficultés. En premier lieu, cela signifie que le condamné n’a souvent pas connaissance du fait que la peine privative de liberté est figée pour une certaine durée. Il le découvre, généralement, lorsqu’il souhaite entamer les démarches en vue de l’obtention d’un aménagement de peine[492]. Il faut donc imaginer l’impact sur le projet de réinsertion du condamné d’une telle mesure, a fortiori lorsqu’il la découvre au cours de l’exécution de sa peine. Pourtant, la Chambre criminelle précise que « l'article 366 du code de procédure pénale🏛 a pour seul objet de donner connaissance à l'accusé des réponses aux questions et de l'arrêt de condamnation [et] qu’il n'y a pas lieu, à ce stade, de donner une information complémentaire à l'accusé sur les modalités d'exécution de la peine, cette information étant nécessairement fournie ultérieurement par le juge de l'application des peines[493] ». Concernant le juge, il semble que cette automaticité ne lui soit pas non plus bénéfique. Sans doute, ce dernier serait plus enclin à moduler la période de sûreté, et donc à l’individualiser, s’il était contraint de la prononcer expressément comme cela est le cas pour les peines complémentaires obligatoires[494]. Toutefois il faut se féliciter de l’avancée récente en la matière que constitue l’abrogation de la première phrase du premier alinéa de l’article 362 du Code de procédure pénale🏛 à la suite de la question prioritaire de constitutionnalité soumise au Conseil Constitutionnel le 29 mars 2019[495]. Auparavant, l’article 362 dudit Code disposait : « La cour d'assises délibère alors sans désemparer sur l'application de la peine. Le vote a lieu ensuite au scrutin secret, et séparément pour chaque accusé ». Aucune disposition ne prévoyait que le président ne donne aux jurés une information complémentaire relative à la période de sûreté. Le 29 mars 2019, le Conseil Constitutionnel déclarait cette disposition non conforme à la Constitution en rappelant que « […] Le principe d'individualisation des peines, qui découle de l'article 8 de cette déclaration, implique qu'une sanction pénale ne puisse être appliquée que si le juge l'a expressément prononcée, en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce. […] Toutefois, lorsqu'une cour d'assises composée majoritairement de jurés, qui ne sont pas des magistrats professionnels, prononce une peine à laquelle s'attache une période de sûreté de plein droit, ni les dispositions contestées ni aucune autre ne prévoient que les jurés sont informés des conséquences de la peine prononcée sur la période de sûreté et de la possibilité de la moduler. [. . ] Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées méconnaissent les exigences constitutionnelles rappelées ci-dessus. La première phrase du premier alinéa de l'article 362 du code de procédure pénale🏛 doit donc être déclarée contraire à la Constitution. ». L’information préalable des jurés est donc indispensable, compte tenu de leur qualité de profanes. La loi du 24 décembre 2020🏛[496] modifie en ce sens l’article 362 dont le premier alinéa dispose désormais : « En cas de réponse affirmative sur la culpabilité, le président donne lecture aux jurés des dispositions des articles 130-1,132-1 et 132-18 du code pénal🏛🏛🏛 ; si les dispositions des deux premiers alinéas de l'article 132-23 du même code sont applicables, le président les informe également des conséquences de la peine prononcée sur la période de sûreté et de la possibilité de la moduler. La cour d'assises délibère alors sans désemparer sur l'application de la peine. Le vote a lieu ensuite au scrutin secret, et séparément pour chaque accusé ». Il est vrai que cette absence d’information pouvait étonner car si les magistrats maitrisent inéluctablement les rouages de la période de sûreté de plein droit, tel n’était pas forcément le cas pour les membres d’un jury populaire, profane par nature, comme le rappelle le Conseil Constitutionnel. Aujourd’hui, les jurés ont connaissance de l’incidence du prononcé d’une longue peine sur une éventuelle période de sûreté et sont également informés de la possibilité dont ils disposent de la moduler.

112. Une décision spéciale requise en cas de modulation de la durée. Une exception à cette « décision fantôme » existe néanmoins. Aux termes de l’article 132-23 du Code pénal🏛, lorsque la juridiction souhaite moduler la période de sûreté, il lui appartient de rendre une décision spéciale[497]. Dès lors, l’automaticité disparait. Si cela est encourageant, certains magistrats rappellent que la longueur du délibéré - particulièrement aux assises - ne les incite pas à moduler la période de sûreté qu’il faudrait justifier[498]. Or, le prononcé d’une période de sûreté et sa durée représentent des enjeux considérables pour le condamné mais aussi pour la société. Il serait souhaitable que le temps du délibéré puisse également être consacré à cette mesure faisant partie intégrante de la peine.

2°) L’absence de motivation de la période de sûreté de plein droit

113. Une motivation longtemps dispensable. Au-delà de la question du prononcé de la période de sûreté, se pose celle de la motivation de celle-ci. En effet, il est toujours souhaitable que le condamné et la société puissent comprendre les raisons pour lesquelles une peine plutôt qu’une autre a été prononcée. Il en va de même pour la période de sûreté. Néanmoins, l’on observera que les conditions d’application d’une période de sûreté sont difficilement compatibles avec une telle exigence de motivation. En effet, si le législateur prévoit cette mesure en fonction de la nature de l’infraction commise et du quantum de la peine prononcée, il est clair qu’il ne peut y avoir aucune autre motivation que celle de ce double critère légal. Cela fut d’ailleurs longtemps la position de la Cour de cassation, même dans les cas où la période de sûreté était aggravée par la juridiction de jugement[499]. Récemment, la Haute juridiction a nuancé son propos.

114. Un revirement limité de la Cour de cassation. Au regard du contexte généralisé d’exigence de motivation des décisions pénales et particulièrement de l’évolution de la motivation de la peine criminelle[500], il était difficile pour la période de sûreté d’échapper à ce mouvement de transformation. Le 10 avril 2019, la chambre criminelle de la Cour de cassation précise, sans conférer d’effet rétroactif à sa décision, que la période de sûreté « faisant corps » avec la peine : « doit faire l'objet d'une décision spéciale et motivée lorsqu'elle est facultative ou excède la durée prévue de plein droit[501] ». La portée de ce revirement, en la matière, est immédiatement restreinte, puisque seules les périodes de sûreté facultatives et de plein droit rehaussée sont visées. D’ailleurs, l’arrêt du 20 octobre 2021 offre une illustration de ce que la Haute juridiction attend de cette motivation puisqu’elle se satisfait de ce que « la cour d’appel, pour fixer la durée de la période de sûreté aux deux tiers de celle de la peine, énonce que cette mesure est justifiée par la répétition des agissements de l’intéressé[502] ». Il est, d’ailleurs, intéressant de s’apercevoir que lorsque la durée de la période de sûreté est réduite, aucune motivation n’est requise tandis que cette diminution devait s’avérer exceptionnelle sous l’empire de l’ancienne rédaction de l’article 720-2 précité. Dans tous les cas, ce revirement inachevé était inévitable, à moins de remettre en cause le caractère obligatoire de la période de sûreté. En effet, aucune motivation ne peut être exigée à l’égard de la juridiction de jugement qui assortit la condamnation d’une période de sûreté obligatoire, c’est à dire imposée par le législateur. Afin de résoudre cette difficulté, il conviendrait d’octroyer à la juridiction de jugement la marge nécessaire pour décider de prononcer ou non une telle mesure, en supprimant le caractère obligatoire de cette dernière. Tout en maintenant les critères légaux prédéfinis liés au quantum de la peine et à la nature de l’infraction qui sont des indicateurs essentiels à prendre en compte, il serait préférable que la juridiction de jugement décide, au regard des éléments de l’espèce et de la personnalité du condamné si une période de sûreté est souhaitable ou non et, le cas échéant, d’en moduler la durée.

Section 2 : Le renforcement de la période de sûreté des réclusionnaires à perpétuité

115. La réclusion criminelle à perpétuité[503] : mythe ou réalité ? Si la période de sûreté empêche toute individualisation de la majorité des longues peines pendant sa durée, il doit également être fait état de son application aux peines de réclusion criminelle à perpétuité. Si les développements précédents valent pour cette catégorie pénale, une partie d’entre elle connait, depuis un certain nombre d’années, un durcissement considérable. Comme il a été indiqué, la confrontation entre les principes de certitude de la peine et d’individualisation de celle-ci, pose les contours du débat relatif au principe d’une période de sûreté. Le prononcé même d’une réclusion criminelle à perpétuité ravive et cristallise ce débat. En effet, l’effectivité de la peine perpétuelle est un sujet récurrent sur lequel le législateur ne semble pas à l’aise et il n’est pas rare d’entendre qu’en France, la réclusion criminelle à perpétuité n’existe pas et que, bien que prononcée par une cour d’assises, cette peine serait automatiquement aménagée par la juridiction de l’application des peines après quelques années de détention[504]. Or, ce n’est pas ce qui est prévu par le législateur. En effet, si l’aménagement des peines de réclusion criminelle à perpétuité est juridiquement et théoriquement possible, il reste très largement complexifié en pratique (§1) tant et si bien que plusieurs voix se sont élevées pour remédier à ces obstacles (§2).

§1 - Une libération difficilement envisageable

116. Une réclusion criminelle à perpétuité par nature « non aménageable » ? La notion de « perpétuité » peut être définie comme : une « durée infinie ou très longue[505] ». Cette définition ambiguë sur la durée de la perpétuité reflète l’esprit des juristes et des justiciables au sujet de la peine de réclusion criminelle à perpétuité. Il convient de rappeler qu’avant 1981, la peine de réclusion criminelle à perpétuité et la peine capitale coexistaient. La peine de mort, par nature éliminatrice, pouvait être prononcée, dans certains cas, lorsqu’aucun espoir de réinsertion n’était envisagé[506]. Lorsque la réclusion criminelle à perpétuité était prononcée, il fallait en déduire que le crime commis revêtait une telle atrocité que la durée la peine devait être très longue mais ne pouvait être déterminée lors du procès. Si la peine de mort, prévue par les textes, n’était pas prononcée, c’est que le juge refusait, en l’espèce, d’infliger une peine dont la portée neutralisatrice était absolue. C’est la raison pour laquelle l’on ne peut admettre que la peine perpétuelle ait vocation à remplacer la peine capitale. Effectivement, elle s’y substitue hiérarchiquement en ce qu’elle est devenue la plus sévère peine encourue. Pour autant, il faut être vigilant et veiller à ce qu’elle ne change pas de nature et ne constitue, pas plus aujourd’hui qu’hier, une peine purement éliminatrice[507]. Il faut souligner que le fondement de l’abolition de la peine de mort n’était pas simplement d’éviter la radicalité d’une telle peine évidemment regrettable en cas d’erreur judiciaire[508] et inacceptable dans une société moderne[509]. L’abolition de la peine de mort institue également l’idée selon laquelle il doit être offert à chaque condamné la possibilité de se réinsérer[510]. Il est vrai, pour autant, que la préparation à la sortie via le jeu des aménagements de peine est plus complexe pour les réclusionnaires à perpétuité en raison notamment d’une problématique inhérente au caractère indéterminé de la peine : celle de ne pouvoir appliquer les mêmes conditions temporelles prévues pour les peines à temps - le calcul de la moitié d’une peine perpétuelle étant mathématiquement impossible - ni même d’envisager certains aménagements (c’est le cas notamment des réductions de peine stricto sensu). C’est pourquoi le législateur a contourné cette difficulté et prévu des seuils fixes spécifiques pour ces condamnés dans le cadre, notamment, de la libération conditionnelle ou encore le mécanisme de réduction du temps d’épreuve sur le fondement des réductions de peine. Cela démontre bien que la réinsertion de cette population pénale est envisagée. Enfin, quand bien même aucun aménagement ne serait, dans les faits, sollicité ou accordé[511], la réclusion criminelle à perpétuité devrait connaitre un terme, en ce sens qu’il ne serait pas concevable qu’une personne condamnée décède en détention[512]. Cela a été affirmé par le Conseil de l’Europe et notamment repris par le contrôleur général des lieux de privation de liberté[513]. Pourtant, la volonté de créer une peine de réclusion criminelle à perpétuité incompressible (A) en n’hésitant pas à complexifier le mécanisme de relèvement de la période de sûreté (B) ne permet pas d’être optimiste sur le sort réservé à cette population pénale.

A°) L’instauration d’une réclusion criminelle à perpétuité incompressible

117. Création d’une période de sûreté de trente ans en 1986. Depuis l’abolition de la peine capitale, la peine la plus sévère de notre panel répressif est la réclusion criminelle à perpétuité. Si après le prononcé d’une telle peine, il est encore possible pour le condamné de réintégrer la société via l’octroi d’un aménagement de peine[514], la période de sûreté peut cependant freiner cette possibilité. Celle-ci est en principe fixée à dix-huit ans et peut être rehaussée à vingt-deux ans ou encore être réduite[515]. Cependant, au gré des faits divers, plusieurs voix se sont élevées en vue de transférer la coloration éliminatrice de la peine capitale abolie à la peine de réclusion criminelle à perpétuité. Cinq ans après ladite abolition, le législateur prévoyait déjà une possible extension de la période de sûreté jusqu’à trente ans, en cas de prononcé d’une peine de réclusion criminelle à perpétuité. En l’absence de relèvement de la période de sûreté, le condamné devait donc subir une durée d’incarcération de trente ans avant de pouvoir solliciter un aménagement de peine. En comparaison avec la durée prévue de quinze années, le nouveau pallier de trente ans constituait le franchissement inédit d’une ligne via un doublement pur et simple du quantum jusque-là en vigueur[516]. Néanmoins, cette opportunité offerte au juge était circonscrite à des infractions spécifiques, à savoir : « soit en raison d’un meurtre ou d’un assassinat lorsque l’un ou l’autre de ces crimes a été accompagné d’actes de torture ou de barbarie ; soit en raison d’un meurtre ou d’un assassinat commis sur un mineur de moins de quinze ans, une personne hors d’état de se protéger elle-même en raison de son état physique ou mental, une personne âgée de plus de soixante-dix ans, ou, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, sur un magistrat, un juré ou un agent de la force publique ou de l’administration pénitentiaire ; soit en raison d’un meurtre ou d’un assassinat lorsqu’il a précédé, accompagné ou suivi un autre crime ; soit en raison d’un enlèvement ou d’une séquestration ayant entraîné, la mort ou ayant été accompagné d’actes de torture ou de barbarie ; soit en raison d’un meurtre ou d’un assassinat commis, en état de récidive, par une personne déjà condamnée pour l’un ou l’autre de ces crimes ; soit en raison d’un attentat dont le but aura été de porter le massacre ou la dévastation dans une ou plusieurs communes ; soit en raison du détournement, par violence ou menace de violence, d’un aéronef en vol, d’un navire en mer ou de tout autre moyen de transport collectif s’il en est résulté la mort d’une ou de plusieurs personnes[517] ». Il s’agissait donc de crimes très violents ou dont la qualité de la victime était particulière (vulnérabilité de la victime, en raison, notamment, de son âge ou encore victime dépositaire de l’autorité publique). La situation pénale de l’auteur des faits, à savoir la récidive, était également prise en compte. Enfin, deux catégories d’infractions font particulièrement écho à notre législation actuelle relative à la lutte contre le terrorisme, à savoir les attentats et les détournements de moyens de transport. En définitive, les infractions visées n’étaient pas sans rappeler celles autrefois passibles de la peine de mort[518]. Notons, néanmoins, que l’ensemble de ces dispositions n’est pas repris par le Code pénal de 1992, exception faite de celles visant le meurtre ou l’assassinat d’un mineur de quinze ans précédé ou accompagné d’un viol, de tortures ou actes de barbarie.

118. Instauration de la réclusion criminelle à perpétuité « réelle » en 1994. Malgré l’important durcissement que représentait l’extension de la durée de la période de sûreté encourue, certains n’étaient pas encore tout à fait satisfaits et souhaitaient renforcer la pénalité existante. L’objectif étant de ne plus retarder l’accès aux aménagements de peine mais de le supprimer purement et simplement[519]. C’est ainsi qu’il était indiqué au sujet des auteurs d’infractions sexuelles et violentes graves : « le nouveau code pénal ne permet pas à la cour d'assises de prononcer à l'encontre de ces criminels particulièrement odieux une peine véritablement perpétuelle, seule à même d'éviter une récidive dont le risque est particulièrement élevé en raison de la nature de leur crime et de leur personnalité[520] ». En vertu de la loi du 1er février 1994[521], il est désormais possible pour la juridiction de jugement d’assortir le prononcé d’une réclusion criminelle à perpétuité d’une période de sûreté dite « perpétuelle ». En d’autres termes, aucun aménagement de peine ne peut être octroyé à la personne condamnée à une telle peine. Si la loi de 1994 a marqué les esprits par sa « radicalisation[522] », la loi de 1986 avait déjà amorcé le bouleversement opéré huit ans plus tard en instaurant une période de sûreté de trente ans. Une évolution en ce sens n’était donc pas surprenante bien qu’un palier supplémentaire - et non des moindres - était alors franchi. Treize ans après l’abolition de la peine de mort, le législateur renouait - par le truchement de la peine perpétuelle - avec l’objectif d’élimination des condamnés ayant « trop » gravement troublé l’ordre public pour espérer réintégrer la société un jour. Enfin, comme fréquemment, lorsqu’un durcissement de la loi pénale entre en vigueur, un fait divers en est à l’origine[523]. En effet, l’heure est alors à la neutralisation définitive de certains condamnés, lesquels sont désignés en fonction des valeurs que le législateur - encouragé par l’opinion publique ou ce qu’il pense représenter l’opinion publique - entend protéger. Ces valeurs varient puisqu’elles s’inscrivent dans un cadre spatio-temporel défini[524]. Le meurtre d’une petite fille par une personne déjà condamnée pour la commission de faits de telle nature est, à cette époque, à ce point insupportable, que la législation devait changer, quand bien même le nombre de condamnés pouvant être concernés était très restreint[525]. La protection des mineurs d’éventuels prédateurs sexuels devient dans le même temps un enjeu politique majeur[526]. Deux principaux textes sont alors modifiés, à savoir : les articles 221-3 et 221-4 du Code pénal🏛🏛 concernant l’assassinat et le meurtre aggravé en raison de la qualité de la victime. Dans ces deux cas, la peine de réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une période de sûreté perpétuelle est encourue lorsque « la victime est un mineur de quinze ans et que le meurtre est précédé ou accompagné d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie ». Pour autant, le bouleversement que constitue cette nouvelle répression est à relativiser au regard de sa portée réelle. En effet, cette nouvelle pénalité ne concerne que peu d’individus en raison de la précision des incriminations visées, ce qui n’a pas empêché de nombreux auteurs de s’insurger contre le principe d’une perpétuité réellement perpétuelle[527]. A titre d’exemple, Jean-Pierre Chantecaille écrivait à ce sujet : « La finalité de la sanction pénale doit être aussi, et surtout, la préparation de la réinsertion de celui à laquelle on l’inflige. Sans la perspective de la réinsertion, le rôle du juge est incomplet, voire inutile. La réclusion criminelle à perpétuité efface par sa définition même toute idée de réinsertion sérieuse. Elle jette le condamné dans un désespoir sans fin. Le pire des délinquants, de par sa nature humaine, ne mérite pas un tel traitement. Le droit au rachat de ses manquements quels qu’ils aient été, comme celui à l’espérance d’une vie meilleure, le droit à la reconstruction de son identité, sont des droits de l’homme les plus fondamentaux[528] ». Toujours selon lui : «  La peine de réclusion criminelle à perpétuité, véritable décision de rejet, ne saurait équitablement répondre ni aux problèmes posés par l’amélioration de la personne humaine ni aux questions soulevées par la construction d’une société plus juste et plus équilibrée, d’une société démocratique au sens de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, c’est à dire qui privilégie la tolérance et l’esprit d’ouverture[529] ». L’ « abrolition[530] » de cette peine a même été envisagée lors du trentième anniversaire de l’abolition de la peine de mort[531] .

119. Extension régulière de la réclusion criminelle à perpétuité perpétuelle. Comme cela était prévisible dès 1994, une fois ouverte la boite de Pandore, il fut difficile pour le législateur de s’arrêter en (si mauvais ?) chemin[532]. C’est notamment le meurtre d’un policier, en 2010, par un membre de l’organisation terroriste ETA qui conduisit le législateur à adopter, dans le cadre de la loi du 14 mars 2011🏛[533], des dispositions prévoyant l’extension de la réclusion criminelle à perpétuité réelle aux personnes condamnées pour l’assassinat « commis sur un magistrat, un fonctionnaire de la police nationale, un militaire de la gendarmerie, un membre du personnel de l'administration pénitentiaire ou toute autre personne dépositaire de l'autorité publique, à l'occasion de l'exercice ou en raison de ses fonctions[534] » ou le meurtre commis à l’encontre des mêmes victimes mais cette fois en « bande organisée[535]». Si l’on comprend que le législateur souhaitait protéger les personnes dépositaires de l’autorité publique, la question de l’intérêt de cette extension se pose. Lorsque la dangerosité est évoquée concernant les prédateurs sexuels dont on laisse entendre qu’un trouble grave de la personnalité entrainerait des pulsions incontrôlables conduisant inévitablement à la récidive[536], l’on ne peut penser ici que le meurtre d’un membre des forces de l’ordre, par exemple, empêche toute réinsertion du condamné ayant commis ces faits. En réalité, plus que la volonté de neutraliser des individus dangereux, il semblerait que le législateur veuille renforcer la sanction des auteurs et accroitre la dissuasion du public en choisissant de renforcer la protection de certaines valeurs. En l’espèce, la qualité de la victime parait constituer l’élément central de ces nouvelles dispositions. En réalité, ce n’est pas tant la personnalité de l’auteur ni même l’atrocité du crime qui conduisent le législateur à ériger cette peine perpétuelle. En effet, l’assassinat accompagné de tortures ou d’actes de barbarie ne fait pas encourir en lui-même une telle peine. C’est bien l’âge de la victime ou encore sa qualité professionnelle qui confèrent à ce crime un caractère inacceptable. C’est là le point commun de ces deux premières lois et c’est ce qui est notamment critiqué devant le Conseil Constitutionnel en 2011[537]. Depuis quelques années, cependant, la donne a quelque peu changé, puisque la nature de l’infraction revient au cœur du débat. En effet, depuis l’été 2016[538], lorsqu’un crime terroriste réprimé par la réclusion criminelle à perpétuité est commis, une période de sûreté perpétuelle est automatiquement encourue, quel que soit le crime. En effet, la création de l’article 421-7 du Code pénal🏛 opère une généralisation de la période de sûreté applicable à l’ensemble des infractions punies d’une peine d’au moins dix années d’emprisonnement et étend, une nouvelle fois les possibilités d’application de la perpétuité réelle. Le législateur ne prend plus la peine d’intégrer ce mécanisme à travers les dispositions spécifiques de chaque incrimination visée mais adopte un nouvel article général ne distinguant pas entre les diverses infractions. En effet, désormais, le caractère terroriste du crime - et donc la nature de l’infraction - prime sur la qualification précise des faits. Il faut dire que ce durcissement n’est pas surprenant puisqu’une proposition de loi avait déjà été déposée en ce sens quinze ans auparavant[539]. C’est ainsi qu’au fil des années et des faits divers médiatisés, la réclusion criminelle à perpétuité réelle a régulièrement été étendue tandis qu’elle n’était censée être applicable que dans des circonstances restreintes[540]. Cette évolution peut inquiéter et mérite quelques réflexions.

120. Vers une généralisation des peines perpétuelles ? Les prédictions de Pierre Couvrat[541] se sont avérées et notre arsenal répressif semble tendre vers une généralisation des peines perpétuelles. Il est vrai que les incriminations visées depuis 2011 étaient, plus ou moins, celles présentes en 1986 et non reprises en 1994. Pour autant, en 1986, le législateur n’était pas allé aussi loin puisqu’il ne s’agissait pas encore d’une période de sûreté perpétuelle mais d’une période de sûreté de trente ans. Enfin, il faut reconnaître que si l’évolution de notre pénalité en ce sens est inquiétante elle n’est pas surprenante, puisque l’heure est à la multiplication de textes divers et variés restreignant, en pratique, les possibilités d’individualisation post-sentencielle de la peine. Il conviendra bientôt de se reporter à chaque texte d’incrimination afin de connaitre les possibilités ou non d’aménager telle ou telle peine[542]. Par ailleurs, il ne serait pas étonnant que le législateur rehausse, tout simplement, le plafond du quantum de la période de sûreté des peines perpétuelles passant ainsi de vingt-deux ans à une période de sûreté perpétuelle, sans que cela ne soit plus une exception réservée à certaines incriminations. Cette généralisation serait plus franche que la dissémination de ce mécanisme « exceptionnel » au sein des textes particuliers du Code pénal. En effet, ces multiples extensions ne constituent que la traduction d’une volonté mal dissimulée de généraliser ce mécanisme par un législateur qui parait parfois avoir du mal à assumer la disparition d’une peine radicale[543]. Malgré la volonté de conférer une réelle effectivité à la peine de réclusion criminelle à perpétuité, une voie demeure ouverte au condamné souhaitant que sa situation soit réexaminée.

B°) La complexification du relèvement de la période de sûreté

121. Présentation du mécanisme de droit commun du relèvement. Lorsque la juridiction de jugement prononce une peine privative de liberté assortie d’une période de sûreté, le condamné peut solliciter, auprès de la juridiction de l’application des peines, le relèvement de cette mesure. Celui-ci peut être total, et il est donc mis fin à la période de sûreté. Il peut, a contrario, être partiel et la période de sûreté est alors simplement réduite. Cette procédure est prévue par les dispositions de l’article 720-4 du Code de procédure pénale🏛. Le relèvement de la période de sûreté est un mécanisme intéressant puisqu’il permet au condamné, souhaitant prouver à la société qu’il tente de se réinsérer, de ne pas voir sa peine totalement figée et ses efforts vains[544]. Cette opportunité qui lui est offerte est, par conséquent, en parfait accord avec le principe d’individualisation de la peine tenant compte de l’évolution du condamné durant sa détention. Cependant, la mise en œuvre de ce dispositif, concernant certains réclusionnaires à perpétuité, entre en contradiction avec le principe cardinal de notre droit répressif.

122. Une peine perpétuelle « sauvée » par le relèvement de la période de sûreté. Lorsque le Conseil Constitutionnel est interrogé sur la constitutionnalité de la peine de réclusion criminelle à perpétuité incompressible, ce dernier reconnait, dans un considérant, l’amendement et la réinsertion du condamné en tant qu’objectifs de l'exécution des peines[545], ce qui est significatif du positionnement des Sages de la rue de Montpensier qui annoncent, au préalable, le prisme à travers lequel ils analyseront la conformité à la Constitution des dispositions évoquées. L’on comprend alors que l’objectif d’élimination stricte de certains condamnés ayant pu commettre les crimes les plus odieux ne saurait être en adéquation avec les principes défendus par le Conseil Constitutionnel et spécifiquement celui de nécessité des peines. Dès lors, la procédure de relèvement prévue par le législateur permet au dispositif en cause d’échapper à la censure du Conseil[546]. En effet, le relèvement de la période de sûreté restant juridiquement possible, le juge constitutionnel estime qu’il n’est pas porté atteinte au principe de nécessité des peines[547]. Pour autant, la mise en œuvre de ces textes peut conduire à émettre de sérieux doutes.

123. Débats sémantiques autour du relèvement de la période de sûreté. Comme pour un certain nombre de mesures d’assouplissement de la peine, il est demandé au condamné de rapporter les éléments de preuve de son évolution et de sa capacité à se réinsérer. Dans le cas du relèvement, sont évoqués des « gages sérieux de réadaptation sociale » qui ne sont pas sans rappeler ceux antérieurement requis pour une libération conditionnelle[548]. Ici, le législateur n’a pas fait le choix d’une modification terminologique plus favorable au condamné dont il semblerait que l’on attende plus des preuves de sa réinsertion que de ses efforts[549]. Cela se confirme par la loi 9 mars 2004[550], qui impose au condamné de « manifester » et non plus simplement « présenter » des gages de réadaptation. Néanmoins, un débat sémantique intéresse la matière. En effet, la loi du 19 décembre 1997🏛 ayant complété l’article 720-4 du Code de procédure pénale🏛, prévoyait la faculté pour le juge de l'application des peines d’une saisine « à titre exceptionnel » de la juridiction idoine[551]. Cette mention fut ajoutée près de vingt ans après la création de la période de sûreté et de son relèvement. Lorsque la loi du 9 mars 2004🏛 fut adoptée et que le tribunal de l'application des peines est devenu décisionnaire en la matière, le caractère exceptionnel n’a pas été supprimé et la « saisine exceptionnelle » est devenue une « décision exceptionnelle ». La nuance n’a pas semblé retenir l’attention du législateur. Il n’en demeure pas moins que le caractère exceptionnel de cette décision a soulevé plusieurs questionnements. A titre d’illustration, la chambre criminelle, dans une décision du 22 juin 2016, rejette le pourvoi formé par un condamné dont la cour d’appel reconnaissait qu’il manifestait des gages sérieux de réadaptation sociale, tout en indiquant qu’il ne pouvait se prévaloir de « l’existence de circonstances exceptionnelles justifiant qu’il soit mis fin en tout ou en partie à la mesure de sûreté[552] ». Il appartient donc au condamné de justifier de circonstances exceptionnelles en plus de manifester des gages sérieux de réadaptation sociale. La difficulté réside dans la caractérisation de ces circonstances exceptionnelles. En 2019, la même chambre refuse de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité, dont l’auteur reprochait au législateur l’emploi des termes suivants à savoir : « gages sérieux de réadaptation sociale » et « exceptionnel », remettant ainsi en cause le respect des principes de clarté et de précision de la loi pénale[553]. Le refus de cette transmission se justifie, selon la Cour, par le fait que l’article 720-4 « ne méconnaît pas les principes de clarté, de précision et d’intelligibilité de la loi pénale, mais se borne à fixer l’office du juge, en donnant aux juridictions de l’application des peines la mission d’apprécier au cas par cas l’étendue des garanties de réinsertion présentées par les condamnés, au regard de la situation concrète de chacun d’eux, pour déterminer s’il peut être mis fin à la période de sûreté, ou si sa durée peut être réduite, dans le respect du principe de l’individualisation des décisions de justice ». A travers cette décision, il semblerait que la Cour de cassation estime que ces éléments ne sont pas constitutifs de « conditions d’octroi » mais bien de « facteurs d’appréciation à la disposition des juges[554] ». Néanmoins, en pratique, le débat ne semble pas clairement tranché. Il a pu être indiqué que la jurisprudence était moins stricte qu’auparavant sur le caractère « exceptionnel » d’octroi du relèvement et que les juridictions de l’application des peines souhaitaient désormais « redonner espoir au condamné[555] ». D’un autre côté, il a été rapporté les propos d’un juge de l’application des peines « mal à l’aise » vis-à-vis de cette terminologie, et souhaité l’établissement d’un guide concret pouvant pallier les difficultés d’interprétation en la matière[556].

124. Incidence de la nature de l’infraction sur le relèvement. En cas de condamnation pour un crime de naturelle sexuelle et violente, force est de constater que la procédure de relèvement est complexifiée (1). Elle est quasiment verrouillée en matière de terrorisme (2).

1°) La complexification du relèvement en cas de crimes de nature sexuelle et violente[557]

125. Exigence d’une durée minimale d’incarcération exclusive à la réclusion criminelle à perpétuité et atteinte au principe de nécessité des peines. Il était indispensable pour le législateur de maintenir le mécanisme de relèvement de la période de sûreté pour les peines perpétuelles. Cela lui permettait de voir ses dispositions échapper à la censure du Conseil Constitutionnel et de se rassurer sur son humanité via ce dispositif demeurant le socle sur lequel reposent les vestiges du principe d’individualisation de la peine. En d’autres termes, il s’agit de la lueur d’espoir que le condamné aperçoit au bout du tunnel presque sans fin de sa détention. Partant, et puisque l’exclusion pure et simple de certains condamnés de la procédure de relèvement n’était pas envisageable, le législateur a décidé à nouveau de retarder l’accès d’une partie des longues peines à un dispositif d’individualisation de celles-ci. En effet, depuis le 1er mars 1994, il est exigé que le condamné exécute une durée minimale d’incarcération avant de pouvoir solliciter le relèvement de sa période de sûreté[558]. Cette condition supplémentaire trouve, initialement, application lorsque le réclusionnaire est condamné à une réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une période de sûreté de trente ans ou d’une période de sûreté perpétuelle sur le fondement des articles 221-3 et 221-4 du Code pénal🏛🏛. Naturellement, la durée minimale de détention requise varie en fonction de la durée de la période de sûreté. Elle est de vingt ans en cas de période de sûreté de trente ans et de trente ans en cas de période de sûreté perpétuelle[559]. Ce nouveau critère temporel amoindrit l’incidence du maintien de la procédure de relèvement pour cette population pénale. Malgré la position du Conseil Constitutionnel, l’on peut estimer qu’une durée minimale d’incarcération aussi longue porte clairement atteinte au principe de nécessité des peines. L’on ne peut que contester l’absence de toute possibilité d’individualisation de la peine pendant une durée de trente ans. L’incompressibilité d’une telle peine ne peut jamais être nécessaire et ne peut qu’être considérée comme un traitement inhumain au sens de l’article 3 de la Cour européenne des droits de l'Homme. Qu’un condamné soit incarcéré depuis trente ans ou plus car une peine de réclusion criminelle à perpétuité a été prononcée à son encontre et qu’il n’a jamais présenté de garanties suffisantes de sa réinsertion, est compréhensible et même souhaitable. En revanche, que durant la même période, ce dernier soit maintenu en détention sans qu’il ne soit jamais tenu compte de ses efforts de réinsertion, cela ne peut paraitre nécessaire, quelle que soit la gravité du crime commis. Il semblerait que la personnalité du condamné (et donc son évolution) tende à devenir un critère inopérant face la gravité de l’infraction commise. Or, il peut être rappelé que si seule la gravité de l'infraction comptait au détriment de la personnalité du condamné, il n’existerait, par exemple, aucune cause d’irresponsabilité pénale en raison du trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli le discernement de l’accusé[560].

126. Nécessité d’une évaluation de la dangerosité du condamné par un collège d’experts. Si à l’issue d’une durée minimale d’incarcération, la personnalité du condamné peut à nouveau être prise en considération, le législateur prévoit toutefois la réalisation d’une expertise par un collège de trois experts médicaux agréés près la Cour de cassation[561]. Ce collège d’experts est chargé d’évaluer la dangerosité du condamné. Malgré l’accroissement controversé des expertises psychiatriques et psychologies post-sentencielles[562], il parait effectivement important d’évaluer la personnalité du condamné avant de prononcer le relèvement partiel ou total d’une période de sûreté ou d’aménager une longue peine.

127. Possibilité d’un contrôle illimité du condamné et confirmation d’une peine perpétuelle. Il est à noter que le relèvement de la période de sûreté ne constitue pas un aboutissement pour les réclusionnaires à perpétuité. En effet, aux termes de l’article 732 du Code de procédure pénale🏛 : « Lorsque la peine en cours d'exécution est une peine perpétuelle, la durée des mesures d'assistance et de contrôle est fixée pour une période qui ne peut être inférieure à cinq années, ni supérieure à dix années ». Cette disposition est applicable dans le cadre d’une libération conditionnelle. Elle ne vise néanmoins que certaines peines perpétuelles, puisque le dernier alinéa de l’article 720-4 précise que « par dérogation aux dispositions du troisième alinéa de l'article 732, le tribunal de l'application des peines peut prononcer des mesures d'assistance et de contrôle sans limitation dans le temps ». Par conséquent, le principe d’un contrôle maximal de dix années connait une exception, à savoir la possibilité d’un contrôle illimité dans le temps en cas de réclusion criminelle à perpétuité dite « réelle ». Cela signifie donc que, malgré le relèvement de la période de sûreté au bout de trente années d’incarcération, malgré l’octroi d’une libération conditionnelle à la suite de ce relèvement, le condamné peut demeurer ad vitam aeternam une personne placée sous main de justice. L’exécution de sa peine sera sans fin, quand bien même elle prendrait une autre forme puisqu’il faut rappeler que la libération conditionnelle constitue une modalité d’exécution de la peine en milieu ouvert et non pas une dispense d’exécution de celle-ci. Ce dernier alinéa semble donc consacrer la réalité des peines perpétuelles incompressibles[563]. D’ailleurs, la possibilité de ce contrôle illimité a été étendu aux infracteurs terroristes via l’article 720-5 du Code de procédure pénale🏛[564].

2°) Le verrouillage du relèvement en matière de terrorisme

128. Création d’une peine de trente ans incompressible. Après les attentats du 13 novembre 2015 en France, deux lois importantes ont été adoptées à l’été 2016 dans le cadre de la lutte contre le terrorisme[565]. La loi du 3 juin 2016🏛 crée dans le Code de procédure pénale un nouvel article 720-5 aux termes duquel est dessiné le nouveau cadre juridique du relèvement de la période de sûreté assortissant la peine de réclusion criminelle à perpétuité en matière terroriste[566]. Les nouvelles dispositions reprennent celles de l’article 720-4 (notamment en ce qui concerne les « gages sérieux de réadaptation sociale » ainsi que l’expertise de dangerosité rendue par un collège de trois experts) tout en les renforçant. Le renforcement de ce cadre, déjà très contraignant en matière de crimes sexuels et violents, permet de le qualifier de « verrouillage » des peines perpétuelles et ce, à plusieurs égards. Le premier argument en faveur de cette analyse est relatif à la durée minimale d’incarcération exigée. Le législateur n’opère plus de distinction entre les périodes de sûreté perpétuelles et celles d’une durée de trente ans. En effet, aucun relèvement ne peut être sollicité par le condamné tant qu’il n’a pas subi une incarcération minimale de trente ans[567]. Il n’est donc plus fait référence à une durée d’incarcération de vingt ans comme c’est encore le cas au sein de l’article 720-4 du Code de de procédure pénale🏛. Cela signifie que lorsqu’une période de sûreté de trente ans est prononcée, aucun relèvement de cette dernière n’est envisageable. Ce n’est pas clairement exprimé au sein des dispositions législatives mais, en fixant une durée d’incarcération égale à la durée de la période de sûreté, le législateur crée une véritable peine incompressible de trente ans. Par conséquent, l’on peut s’interroger sur le respect de l’échelle des peines lorsque deux personnes condamnées à la réclusion criminelle assortie, pour l’une d’une période de sûreté de trente ans, et pour l’autre d’une période de sûreté perpétuelle, doivent toutes deux exécuter une détention minimale de trente ans avant de pouvoir solliciter une mesure d’individualisation de leur peine. Celle ayant été condamnée à une peine moins sévère est soumise à un régime proportionnellement plus sévère puisqu’elle est contrainte d’exécuter la période de sûreté assortissant sa peine dans son intégralité. Cela semble absurde et démontre, par ailleurs, la relative qualité rédactionnelle du législateur dans un contexte d’inflation de la loi pénale. En effet, soit cette absence de possibilité de relèvement, et par là même la consécration d’une peine incompressible de trente ans, est volontaire et il appartient alors au législateur de l’indiquer clairement en extrayant ce cas de figure des dispositions de l’article 720-5 relatif à la procédure de relèvement qui ne concerne plus cette population pénale. Soit, le législateur a, dans la précipitation, omis de fixer une durée minimale d’incarcération spécifique dans le cadre des périodes de sûreté de trente ans, auquel cas l’article 720-5 doit également être réécrit. Quoi qu’il en soit, il s’agit de la seule configuration prévue par le Code de procédure pénale🏛 dans laquelle aucun relèvement de la période de sûreté ne peut avoir lieu.

129. Primauté des intérêts de la société et des victimes sur ceux du condamné. L’article 707 du Code de procédure pénale🏛 qui « demeure le texte d'accueil des principes directeurs du droit de l'application des peines[568] » précise que l’exécution des peines se préoccupe des intérêts du condamné - plus précisément de sa réinsertion - de ceux de la société ainsi que de ceux des victimes. Par conséquent, l’enjeu de la phase post-sentencielle est de parvenir à concilier ces intérêts souvent contradictoires et de trouver un juste équilibre entre eux. Cependant, il est clair que, concernant l’exécution des longues peines en matière terroriste, l’heure n’est plus à la conciliation. En effet, le relèvement de la période de sûreté perpétuelle n’est envisagé, selon l’article 720-5 du Code de procédure pénale🏛 « que lorsque la réduction de la période de sûreté n’est pas susceptible de causer un trouble grave à l’ordre public » et qu’« après avoir recueilli l'avis des victimes ayant la qualité de parties civiles lors de la décision de condamnation ». Ces conditions supplémentaires sont spécifiques à la matière terroriste et démontrent bien que l’intérêt du condamné devient subsidiaire tandis que ceux de la société et des victimes occupent, à présent, la première place. Cette nouvelle législation s’inscrit néanmoins dans un contexte particulier[569]. Les lois de l’été 2016 sont marquées par la volonté d’une forte répression à l’égard des auteurs d’infractions terroristes. L’idée même de réinsertion de ces derniers n’était plus audible par certains. Par ailleurs, les crimes commis en matière de terrorisme présentent cette particularité qu’ils peuvent entrainer un grand nombre de victimes et qu’ils instaurent justement un climat de « terreur » au sein de toute la communauté nationale. C’est donc tout naturellement que le législateur s’enquiert de l’avis des victimes et du trouble éventuel causé au sein de la société. Néanmoins, force est de rappeler que le relèvement d’une période de sûreté n’entraine jamais la libération immédiate d’un condamné puisqu’il n’équivaut pas à un aménagement de peine mais simplement à l’ouverture de la possibilité de solliciter un tel aménagement[570]. Dès lors, si le questionnement autour d’un trouble grave causé à l’ordre public peut s’entendre en cas d’élargissement anticipé, il peut paraître prématuré d’ajouter une telle condition lors de la phase de relèvement de la période de sûreté.

130. Nécessité du recueil de l’avis préalable d’une commission de cinq magistrats. Le troisième élément illustrant le verrouillage du relèvement des peines perpétuelles en matière de terrorisme réside dans la nécessité, pour le tribunal de l’application des peines, d’obtenir l’avis préalable d’une commission de cinq magistrats de la Haute juridiction. Ces magistrats de la Cour de cassation doivent donc indiquer s’ils sont favorables ou non au relèvement de la période de sûreté. Le texte n’exige pas que le tribunal suive l’avis de la commission mais il est difficile d’imaginer qu’il accorde un tel relèvement en cas d’avis défavorable d’une commission de telle ampleur. C’est la raison pour laquelle cette condition supplémentaire peut s’apparenter à un affaiblissement du rôle tribunal de l’application des peines dont la décision dépend désormais indirectement et insidieusement de l’avis de la Cour de cassation. Cette disposition n’est pas sans rappeler le droit antérieur prévu par l’article 720-4 du Code de procédure pénale🏛 et l’ambiance de méfiance à l’égard du juge de l’application des peines en raison de son supposé laxisme[571]. Afin de durcir les conditions d’application des mesures d’individualisation de la peine, le législateur a donc fait le choix d’affaiblir la juridiction de l’application des peines. Toutefois, la légitimité de cette commission n’apportant aucun élément supplémentaire quant à la personnalité du condamné, peut interroger. Constituée de magistrats étudiant le dossier, tout comme la juridiction collégiale de l’application des peines est amenée à le faire, la particularité de cette commission réside dans le fait que ses membres sont issus de la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire et qu’il n’existe pas de suspicion de laxisme à leur encontre. En définitive, outre le verrouillage prévu en matière de terrorisme, force est de constater que la libération des personnes condamnées à une peine de réclusion criminelle à perpétuité semble constituer un chemin de croix. Néanmoins, cette libération doit être envisagée et plusieurs voix s’élèvent en ce sens.

§2 - Une libération à envisager

131. Une mobilisation prétorienne et doctrinale. Il est recommandé à l’échelle européenne de favoriser la réintégration des réclusionnaires à perpétuité dans un réel parcours de réinsertion (A). Ce vœu est également formulé par plusieurs auteurs nationaux (B).

A°) Des préconisations européennes exigeantes

132. Une position équilibrée du juge européen. Si la Cour européenne des droits de l'Homme exige une compressibilité des peines perpétuelles (1), les détentions à durée indéterminées ne sont pas pour autant contraires à la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales🏛 (2).

1°) L’inconventionnalité des peines perpétuelles incompressibles

133. Plan. Aux termes de la jurisprudence fournie de la Cour européenne des droits de l’Homme, force est de constater l’établissement d’une exigence de compressibilité des peines perpétuelles tant d’un point de vue juridique que d’un point de vue factuel (a). Cependant, les juges de Strasbourg renvoient à l’appréciation souveraine des États-membres le choix de la durée minimale d’incarcération avant de pouvoir s’engager dans une procédure de réexamen (b).

a. L’exigence d’une compressibilité de jure et de facto

134. Une compressibilité juridiquement possible. La compressibilité des peines perpétuelles aujourd’hui exigée par le juge européen est le fruit d’un long cheminement. En effet, concernant les personnes condamnées à une longue peine privative de liberté, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe recommandait dès 1976 aux États-membres de « s'assurer que les cas de tous les détenus [soient] examinés aussitôt que possible pour voir si une libération conditionnelle [pouvait] leur être accordée[572] ». Au sujet des peines de « détention à vie », ledit Comité recommandait de « s’assurer que […] l’examen prévu […] ait lieu […] au plus tard après huit à quatorze ans de détention et soit répété périodiquement[573] ». Cependant, tout en estimant que le réexamen des peines perpétuelles était une « mesure souhaitable dans l’administration de la justice pénale », la Commission européenne des droits de l’Homme ne l’imposait pas aux États-membres[574]. Bien que régulièrement saisis dans le cadre de litiges portant sur l’exécution de peines perpétuelles, notamment sous l’angle de leur légalité[575], les juges strasbourgeois ont pris le temps de construire une jurisprudence solide en la matière tout en reconnaissant rapidement qu’« une peine d'emprisonnement régulièrement [pouvait] soulever un problème sous l'angle de l'article 3 par la manière dont elle [était] exécutée et par sa durée[576] ». En 2008, l’arrêt Kafkaris c. Chypre a ouvert la voie d’un positionnement marqué des juges européens en matière de peines perpétuelles[577]. C’est cependant l’arrêt fondateur Vinter et autres c. Royaume-Uni[578] qui impose aux États un mécanisme de réexamen périodique des peines perpétuelles les rendant de jure compressibles. Ainsi, si le prononcé de peines perpétuelles n’est pas remis en cause par la juridiction européenne, contrairement à certaines attentes[579], il est désormais affirmé que l’absence de perspective de sortie porte inévitablement atteinte à l’objectif de réinsertion inhérent à toute peine[580]. Selon la Cour européenne des droits de l’Homme, une peine perpétuelle incompressible - ne pouvant donc bénéficier d’un aménagement dans l’acception la plus large du terme - constituerait une peine purement et simplement éliminatrice. Par conséquent, une telle peine violerait les dispositions de l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales🏛 prohibant la torture ainsi que les peines ou traitements inhumains ou dégradants. Pourtant, la jurisprudence européenne a pu décevoir un certain nombre d’auteurs nourrissant l’espoir d’une réelle avancée en la matière. En effet, si les autorités britanniques sont condamnées, en raison de la violation de l’article 3 de la Convention dans l’arrêt Vinter, la Cour semble se satisfaire en 2015 de la législation anglaise au demeurant inchangée (nonobstant une décision interne rendue en la matière semblant vouloir se conformer aux exigences européennes[581]). Cela a conduit une partie de la doctrine à contester l’application concrète du principe européen de compressibilité des peines en précisant que la Cour avait conclu à la non-violation de l’article 3 de la Convention concernant des peines pourtant incompressibles[582]. En ce qui concerne la conventionnalité du système juridique français en la matière, les juges de Strasbourg ont admis que le relèvement de la période de sûreté tel que prévu par les dispositions de l’article 720-4 du Code de procédure pénale🏛 constitue un réexamen caractérisant la compressibilité de jure des peines perpétuelles[583]. Cela n’est pas surprenant, d’autant plus qu’il s’agit d’un mécanisme juridictionnel indépendant du pouvoir exécutif et présentant les garanties procédurales adéquates. Le système procédural prévu en droit interne n’avait pas à craindre une quelconque déclaration de non-conformité au droit européen. Néanmoins, la Cour exige, depuis l’arrêt Vinter, outre une compressibilité juridique, une compressibilité factuelle des peines perpétuelles.

135. Une compressibilité factuellement probable. La juridiction européenne ne se contente pas de relever qu’il existe un mécanisme de réexamen de la peine perpétuelle en droit interne pour constater la conformité du droit national à son article 3. La Cour requiert que l’élargissement du condamné soit également probable dans les faits, c’est à dire qu’il puisse réellement avoir lieu. En effet, si le réexamen est possible, cela signifie qu’il « peut être réalisé[584] », qu’il est faisable. Puisqu’il est juridiquement prévu, cela est bien le cas. Outre cette possibilité, il appert que la Cour souhaite que l’élargissement du condamné soit également probable, ce qui se dit de ce : « qui peut être prévu raisonnablement », qui est « vraisemblable »[585]. C’est cette double compressibilité de jure et de facto qui constitue le « droit à l’espoir » selon l’expression employée par la juge Power-Forde dès 2014[586]. Par conséquent, les conditions d’accès à un tel réexamen ne doivent pas être inatteignables pour le condamné. Néanmoins, une fois ces évidences rappelées, la difficulté de la démonstration de la compressibilité factuelle s’est rapidement posée. Concernant la France, le premier obstacle à cette appréciation est tout simplement la non-application du mécanisme de réexamen de l’article 720-4 à ce jour compte tenu de la durée minimale d’incarcération requise par le texte, soit trente années. Il est, en effet, impossible de constater une compressibilité de facto puisque le texte n’a, encore, jamais pu trouver application. Cependant, la question s’est posée de savoir si, justement, cette durée minimale d’incarcération n’était pas incompatible avec la compressibilité factuelle de la peine lorsque la condamnation concerne un individu déjà âgé, pour qui une attente de trente années n’est pas forcément réaliste[587]. Pour sa part, et pour d’autres raisons, l’Observatoire International des Prisons, tiers intervenant dans la décision Bodein c. France, estime que les autorités nationales ne respectent pas l’exigence de compressibilité factuelle de la peine perpétuelle. L’observatoire se fonde, notamment, sur une étude de 2007, portant sur cent quarante-huit personnes condamnées à la réclusion criminelle à perpétuité accessibles à un aménagement de peine, et relève le nombre important de refus opposés au panel étudié pour en déduire une compressibilité de façade ne se concrétisant pas factuellement. L’observatoire dénonce le paradigme de la dangerosité, notion centrale en matière d’exécution des peines restreignant grandement l’accès aux aménagements des peines perpétuelles, et plus généralement des longues peines. Les juges de Strasbourg ne constatent, en revanche, aucune violation de l’article 3 à cet égard. Bien que cette décision était prévisible, certains auteurs ont fait part de leur déception face à ce qui a pu être qualifié d’ « occasion manquée[588] ». Il serait pourtant intéressant de multiplier ce type d’études afin de pouvoir vérifier régulièrement la réalité de l’aménagement des peines perpétuelles et de conclure ou non à une incompressibilité factuelle systémique. De son côté, la juridiction européenne apporte, tout de même, quelques précisions quant à l’illustration d’une compressibilité factuelle. En effet, les juges de Strasbourg ont, notamment, pu s’interroger sur la réalité de la compressibilité de facto des peines perpétuelles en faisant référence au régime de détention des réclusionnaires à perpétuité dont l’isolement réduisait les chances d’apporter la preuve d’un quelconque amendement[589]. Bien qu’un mécanisme de réexamen existait en l’espèce, l’accès à celui-ci des personnes condamnées à la réclusion criminelle à perpétuité n’était pas permis par le régime de détention instauré. La nécessité d’un accès effectif au mécanisme de réexamen de la peine est réaffirmé avec vigueur deux ans plus tard[590]. En 2016, la Cour exhorte, en effet, les Etats à instaurer des programmes en détention visant à la réinsertion des réclusionnaires à perpétuité. Ainsi, elle intervient bien en amont du stade du réexamen. Selon la Cour, il ne suffit pas, pour les législateurs nationaux, d’introduire la possibilité d’un réexamen de la peine, il faut également mettre à la disposition des condamnés des moyens afin que ces derniers puissent préparer ce réexamen en toute connaissance de ce que la juridiction attend d’eux. C’est avec la plus grande fermeté que la Cour estime qu’il incombe aux Etats d’aider les personnes détenues à s’inscrire dans un parcours de réinsertion. En cela, la Cour confère une dimension pragmatique au droit à l’espoir des condamnés qu’elle revendique. D’ailleurs, si l’objectif de réinsertion demeure une obligation de moyens[591], certains auteurs réclament d’ériger en obligation de résultat un véritable droit à la réinsertion mis à la charge des Etats[592]. Il serait effectivement intéressant qu’au cours des prochaines années, les juges de Strasbourg soient amenés à vérifier les moyens réellement octroyés au condamné en vue de sa réinsertion afin de constater l’existence (ou l’absence) d’une compressibilité de facto des peines perpétuelles et, par conséquent, le respect (ou la violation) des dispositions de l’article 3 de la Convention. Si l’on peut se réjouir de la double exigence européenne de compressibilité juridique et factuelle de la peine perpétuelle, il est vrai que les décisions rendues, particulièrement concernant la compressibilité de jure, ne lui confèrent pas l’effectivité que l’on pouvait espérer et la Cour semble manquer de courage en n’allant pas au bout de son raisonnement. Si les principes affirmés sont forts, la Cour européenne des droits de l'Homme parait se satisfaire d’une réalité en deçà de ce qui est théoriquement exigé. D’ailleurs, elle ne fait que suggérer un quantum quant à la durée de détention minimale à exécuter avant un réexamen de la peine.

b. Le plafonnement de la durée minimale de détention suggéré

136. Un plafond de vingt-cinq ans suggéré. Si la Cour européenne des droits de l'Homme exige une compressibilité factuelle et juridique de la peine perpétuelle par le biais d’un réexamen de cette dernière, la question de la date à laquelle doit intervenir ce réexamen se pose. Dans l’arrêt Vinter, les juges de Strasbourg font mention des conditions temporelles requises par trente-deux Etats-membres[593]. Pour huit pays dont la Belgique, l’Autriche ou encore l’Allemagne, la durée minimale est fixée à quinze ans. Pour la Chypre, le Danemark et la Finlande, la durée est fixée à douze ans. Six pays dont l’Arménie, la Grèce, la Roumanie ou encore la Bulgarie prévoient une durée minimale de vingt ans. La durée de vingt-cinq ans revient régulièrement notamment en Lettonie, en Slovaquie, en Slovénie, en Pologne, en Russie ou en Albanie. Il est fait référence à cette même durée au sein de l’article 110§3 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale auquel la Cour de Strasbourg se réfère, prévoyant que : « Lorsque la personne a purgé les deux tiers de sa peine ou accompli 25 années d’emprisonnement dans le cas d’une condamnation à perpétuité, la Cour réexamine la peine pour déterminer s’il y a lieu de la réduire. Elle ne procède pas à ce réexamen avant ce terme[594] ». C’est pourquoi, sans toutefois imposer une telle durée, la Cour se limite à observer : « une nette tendance en faveur de l’instauration d’un mécanisme spécial garantissant un premier réexamen dans un délai de vingt-cinq ans au plus après l’imposition de la peine perpétuelle[595] », délai maximal qu’elle suggère aux autorités nationales.

137. Peines perpétuelles visées en France. Si la France fait partie des États les plus sévères en la matière, cela ne concerne, pour l’instant, qu’une partie des réclusionnaires à perpétuité. Pour les autres, il faut rappeler que classiquement la période de sûreté est fixée à dix-huit ans même si elle peut être rehaussée à vingt-deux ans de réclusion criminelle aux termes de l’article 132-23 du Code pénal🏛. Elle peut, par ailleurs, être exceptionnellement fixée à trente ans mais dans ce cas, l’incarcération minimale prévue par l’article 720-4 du Code de procédure pénale🏛 est de vingt ans[596]. Dans ces cas, la législation interne prévoit un plafond en deçà des recommandations de la Cour européenne. Néanmoins, concernant la durée d’incarcération minimale de trente années (encourue en cas de période de sûreté perpétuelle ou de période de sûreté de trente ans en matière de terrorisme), la Cour européenne, qui ne souhaite pas émettre un avis trop sévère vis-à-vis de la législation interne, se perd dans des considérations pratiques discutables. En effet, dans son arrêt Bodein c. France, la juridiction européenne reprend les termes de l’article 720-4 exigeant une « incarcération » minimale de trente ans. Elle reconnait que cette incarcération minimale comprend le temps passé en détention provisoire et que concrètement, Pierre Bodein incarcéré le 1er juillet 2004 sera éligible au relèvement de sa période de sûreté en 2034, soit trente années après[597]. Néanmoins, la Cour fait ensuite référence à la date du prononcé de la peine perpétuelle, soit le 2 octobre 2008, pour établir à vingt-six ans la durée de détention s’écoulant entre ledit prononcé et l’éligibilité au relèvement de la période de sûreté[598]. Pour ne pas critiquer la durée minimale d’incarcération établie en droit interne, il semblerait que la juridiction européenne ait déplacé son curseur. D’ailleurs, constatant que la durée calculée excède toujours le délai maximal de vingt-cinq années qu’elle préconisait, la Cour rappelle in fine sa décision de n’imposer aucun plafond et de renvoyer à la marge d’appréciation des autorités nationales[599], réaffirmant ainsi sa volonté de ne pas trop interférer dans les législations internes.

138. Un plafond laissé à la marge d’appréciation des États-membres. La marge d’appréciation des États-membres peut être définie « comme un outil d'origine jurisprudentielle permettant à la Cour européenne de laisser aux autorités nationales une certaine autonomie dans l'application de la Convention » ou encore comme une « marge de manœuvre que les organes de Strasbourg sont disposés à reconnaître aux autorités nationales pour la mise en œuvre de leurs obligations au titre de la Convention européenne des droits de l’homme🏛[600]». Si le juge européen exige une compressibilité juridique et factuelle de la peine perpétuelle, il n’entend pas plafonner la durée d’incarcération minimale requise avant un réexamen de cette dernière[601]. Il renvoie donc aux États-membres le soin de décider la durée de cette détention. La position ambigüe de la Cour peut décevoir. En effet, pour contrôler la compressibilité de facto des peines perpétuelles - comme entend le faire la Cour européenne des droits de l’Homme - il faut évidemment contrôler et plafonner la durée minimale d’incarcération requise. Il est clair qu’exiger une durée de détention minimale de cent ans reviendrait à enfreindre l’exigence de compressibilité factuelle de la peine par exemple[602]. En l’occurrence, le contrôle de la durée minimale d’incarcération serait opportun. Il est, bien sûr, nécessaire de laisser une certaine autonomie aux autorités nationales et une uniformisation des législations par l’instauration d’une durée de détention identique à tous les États n’est pas envisageable. Néanmoins, il faut regretter le raisonnement inabouti du juge européen n’ayant pas souhaité plafonner ladite durée d’incarcération, mettant ainsi à mal la notion de compressibilité de facto de la peine perpétuelle[603], bien certains perçoivent une évolution du positionnement de la Cour aux termes de l’arrêt Muray c. Royaume Uni[604].

139. La suppression de l’exigence de la durée minimale d’incarcération pour les condamnés de plus de soixante-dix ans. Afin de préserver la compressibilité factuelle des peines perpétuelles, il faudrait sérieusement envisager la suppression de l’exigence de la durée minimale d’incarcération pour les condamnés âgés de plus de soixante-dix ans. En effet, l’arrêt Bodein c. France pose la difficulté de l’âge avancé du requérant. En l’espèce, Pierre Bodein sera âgé de quatre-vingt-sept ans lorsqu’il pourra solliciter le relèvement de la période de sûreté. Se pose alors la question de la probabilité qu’il vive jusque-là. Comme précédemment indiqué, la juge Nussberger, dans son opinion concordante, rappelle que la Cour exige « une chance réelle » et non « purement théorique » et qu’à cet égard, il convient de tenir compte de l’âge du condamné sans toutefois, bien évidemment, privilégier les personnes commettant des infractions à un âge avancé[605]. Selon elle, les possibilités d’obtenir un aménagement à visée humanitaire ou une grâce permettent de minorer les conséquences d’une telle condamnation, raison pour laquelle elle ne conclut pas à la violation de l’article 3 de la Convention[606]. Ce positionnement semble, encore une fois, ambigu et l’argumentation fragile eu égard au refus de la Cour de prendre en considération ces mesures pour constater la compressibilité d’une détention perpétuelle[607]. Néanmoins, si la solution apportée par la juge Nussberger n’est pas satisfaisante, il n’en demeure pas moins que la question qu’elle soulève est cruciale. D’ailleurs, en droit interne, le législateur s’est déjà positionné sur un sujet similaire en permettant aux condamnés âgés de plus de soixante-dix ans de ne pas être soumis aux conditions temporelles exigées dans le cadre de la libération conditionnelle. En dispensant ces condamnés de l’exécution d’un temps d’épreuve, il a créé un régime dérogatoire mieux adapté tenant compte de leur âge et de leurs perspectives de réinsertion. Il appert qu’un alignement des modalités du relèvement la période de sûreté perpétuelle sur celles de la libération conditionnelle devrait être envisagé. D’autant plus qu’en présence d'une période de sûreté de trente années ou d’une période de sûreté dite perpétuelle, les dispositions relatives à la libération conditionnelle des personnes âgées deviennent inopérantes. Il conviendrait alors, pour les personnes détenues âgés de plus de soixante-dix ans, ayant été condamnées à une peine de réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une période de sûreté perpétuelle ou d’une période de sûreté de trente ans, d’être dispensées de l’exécution minimale d’une incarcération de trente ans ou de vingt ans pour pouvoir solliciter le relèvement de ladite période de sûreté. Bien entendu, ce relèvement ne serait pas automatiquement accordé, compte tenu des conditions matérielles qu’il convient encore de remplir. Néanmoins, cette disposition permettrait de redonner du sens à une telle incarcération en luttant contre l’anéantissement de l’objectif de réinsertion semblant se profiler, tout en poursuivant l’objectif de protection de la société. Enfin, si force est de reconnaitre que la Cour européenne des droits de l'Homme s’est saisie de la question des peines perpétuelles et de leur compressibilité en affirmant qu’une peine perpétuelle incompressible juridiquement et factuellement violerait les dispositions de l’article 3 de sa Convention, elle admet tout à fait qu’une peine perpétuelle puisse, dans les faits ne jamais être aménagée. En effet, la Cour exige des autorités nationales la protection du droit à la vie de ses ressortissants au sens de l’article 2 de ladite Convention, laquelle peut se révéler en contradiction avec l’élargissement anticipé d’une personne condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité.

2°) Le droit à la vie : justification conventionnelle d’une détention indéterminée

140. L’invocation de la protection du public. En droit interne, la responsabilité sans faute de l’État peut être engagée devant le juge administratif dès lors qu’un condamné bénéficiant d’un élargissement anticipé commet une nouvelle infraction puisqu’il est indiqué que : « les mesures de libération conditionnelle, de permission de sortir et de semi liberté constituent des modalités d'exécution des peines qui ont été instituées à des fins d'intérêt général et qui créent, lorsqu'elles sont utilisées, un risque spécial pour les tiers susceptible d'engager, même en l'absence de faute, la responsabilité de l’État[608] ». Cependant, le Conseil d’État retient un lien de causalité direct en raison du court délai existant entre la libération et la commission des nouveaux faits. Cette position a été plus récemment réaffirmée en 2014[609]. Le juge administratif adopte néanmoins une position différente concernant les décrets de grâces collectives pris par le Président de la République ainsi que les mesures de réduction de peine[610]. De son côté, si la jurisprudence européenne affirme la nécessité de protection du public, elle se fonde sur la faute des États. Cela est le cas en matière de peines perpétuelles. Bien que le juge européen exige une compressibilité de ces dernières, il ne remet jamais en cause le refus d’élargissement d’un condamné motivé par l’objectif de protection du public[611]. En effet, si la possibilité et la probabilité d’un élargissement anticipé sont requis, cela ne signifie pas que le condamné doive systématiquement être libéré. C’est, d’ailleurs, en se basant sur la protection du public et particulièrement sur le droit à la vie garanti par l’article 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales🏛, que la Cour développe une jurisprudence jugée risquée pour l’avenir de l’aménagement des longues peines privatives de liberté.

141. Le droit à la vie : une obligation positive incombant aux États-membres. L’article 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales🏛 prévoit que : « 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d’une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi.2. La mort n’est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d’un recours à la force rendu absolument nécessaire : a) pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale ; b) pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l’évasion d’une personne régulièrement détenue ; c) pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection. ». Aux termes de cet article, il se déduit, en premier lieu, une obligation passive pour les États de ne pas porter atteinte à la vie, c’est à dire de « ne pas causer la mort par l’intermédiaire de leurs agents[612] ». Cette obligation négative s’est peu à peu mue en une obligation positive[613]. Il peut désormais être reproché aux États de ne pas avoir empêcher le décès d’un de leurs ressortissants en cas d’abstention fautive face à une menace réelle et immédiate dont ils avaient ou auraient dû avoir connaissance[614]. Cette interprétation jurisprudentielle a pu être qualifiée d’« acceptable[615] ». Néanmoins, des précisions apportées ultérieurement inquiètent, à raison, les mêmes auteurs. En effet, la Cour européenne des droits de l'Homme ayant élargi ses critères d’application au sein des décisions suivantes, elle précise désormais : « ce qui est en cause, c'est l'obligation d'assurer une protection générale de la société contre les agissements éventuels d'un ou de plusieurs personnes purgeant une peine d'emprisonnement pour avoir commis des crimes violents et d'en définir l’étendue[616] ». Dès lors, la Cour relève « un manquement au devoir de diligence qui découle de l’obligation de protéger la vie, imposée par l’article 2 de la Convention » en cas d’octroi d’une semi-liberté à un individu dont on aurait pu conclure à la dangerosité (la Cour se repose donc ici sur une conclusion hypothétique de dangerosité) tout en ayant omis de signaler au tribunal de l'application des peines certaines violations de ses obligations[617].

142. Le droit à la vie : l’extension d’une obligation positive difficilement conciliable avec l’objectif de réinsertion des longues peines. Il convient de rappeler que c’est dans le cadre d’espèces concernant des condamnés à de longues peines privatives de liberté ayant été aménagées que la Cour européenne des droits de l'Homme a décidé de généraliser l’obligation positive des États de protéger le droit à la vie. Si ladite Cour exige une compressibilité de jure et de facto des peines perpétuelles, elle n’hésite pas à faire peser sur les États une obligation particulièrement lourde. La Cour européenne des droits de l’Homme a tenté de nuancer sa précédente analyse dans l’arrêt Choreftakis et Choreftaki c. Grèce et l’on comprend bien qu’il lui est difficile de trouver un juste équilibre entre les deux objectifs qu’elle impose aux États c’est à dire la protection du droit à la vie et la réinsertion des individus condamnés à de longues peines[618]. Pourtant, dans l’affaire Kayak c. Turquie, elle prend un tournant risqué, même s’il ne concerne pas directement un condamné[619]. En l’espèce, la Cour condamne l’État turc en retenant « l’obligation de l’État, par le biais des autorités scolaires, d’assumer la responsabilité des enfants qui lui sont confiés[620] ». Il est reproché aux autorités nationales de ne pas avoir suffisamment surveillé l’auteur des faits placé sous leur responsabilité. Or, il est relevé, en aval, que les autorités n’avaient pas eu et n’auraient pu avoir connaissance d’une menace réelle et immédiate en l’espèce[621]. Par conséquent, il existe un risque de dérive important puisqu’il semblerait que l’État puisse être condamné sur le fondement de la violation de l’article 2 de la Convention dès lors qu’un individu placé sous sa responsabilité porte atteinte à la vie d’autrui en l’absence de toute « menace individualisée[622] ». L’on peut étendre ce cas de figure à un individu condamné exécutant sa peine sous le régime d’un aménagement, par exemple une libération conditionnelle. L’individu condamné reste une personne placée sous main de justice exécutant sa peine en milieu ouvert. Des mesures de surveillance et de contrôle accompagnent cet aménagement. Néanmoins, ce dernier repose aussi sur la confiance accordée au condamné en vue de constater s’il est capable « d'agir en personne responsable, respectueuse des règles et des intérêts de la société et d'éviter la commission de nouvelles infractions[623] ». Au-delà de cette confiance, en pratique, le condamné n’est pas soumis à une surveillance de tous les instants et il serait dangereux de tenter de le faire croire[624]. Par conséquent, l’imprévisibilité inhérente à l’être humain perdure quand bien même elle peut être limitée grâce aux mesures susvisées. Si les autorités nationales n’ont connaissance d’aucun risque d’atteinte à la vie, il semblerait trop sévère de les condamner sur le fondement de la violation de l’article 2 en raison du seul fait qu’un individu placé sous leur responsabilité a commis un homicide. Par ailleurs, la prise en considération du passé pénal peut également inquiéter. Par exemple, dans l’arrêt Mastromatteo, il est fait référence à ces « crimes violents » commis antérieurement aux faits. Ainsi, il existe un risque que le raisonnement de la Cour conduise à une « automaticité » des condamnations sur le fondement de l’article 2 dès lors qu’un individu ayant bénéficié d’un aménagement de peine commette un homicide. Le positionnement de la Cour européenne des droits de l'Homme inquiète en ce sens qu’il pourrait conduire à restreindre encore plus l’accès déjà limité aux aménagements des longues peines privatives de liberté en incitant le législateur à continuer de durcir les conditions d’octroi des aménagements pour les longues peines. Au moment de décider, les juridictions de l’application des peines pourraient également se montrer plus frileuses de voir l’Etat condamné. En définitive, si la Cour ne revient pas sur l’exigence de la compressibilité de jure des peines perpétuelles qu’elle consacre clairement, elle égratigne néanmoins la mise en œuvre d’une compressibilité de facto - et plus largement l’objectif de réinsertion du condamné - via l’interprétation extensive qu’elle confère au droit à la vie. Enfin, si la question des peines perpétuelles et de leur aménagement intéresse les acteurs européens, des auteurs français se sont également emparés du sujet.

B°) Une proposition doctrinale intéressante

143. Intérêt d’une peine perpétuelle non figée Pour quelques auteurs, le prononcé même d’une peine de réclusion criminelle à perpétuité constituerait une violation de l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales🏛[625]. D’ailleurs, il est à noter que certains Etats européens ne prévoient pas de peine de réclusion criminelle à perpétuité dans leur législation. C’est le cas, par exemple de l’Espagne, la Norvège, le Portugal, la Croatie, la Serbie, Andorre ou encore la Bosnie-Herzégovine[626]. Néanmoins, l’on peut penser que ce n’est pas tant le prononcé d’une telle peine qui est discutable mais les difficultés qu’elle rencontre en vue de son aménagement. En effet, comme le souligne la Cour européenne des droits de l’Homme, il existe, au moment de la condamnation un « motif légitime d’ordre pénologique » justifiant le prononcé d’une peine perpétuelle. Celui-ci est constitué d’« impératifs de châtiment, de dissuasion, de protection du public et d’amendement[627] ». C’est pourquoi, la disparition de la réclusion criminelle à perpétuité ne serait sans doute pas souhaitable. Il est, toutefois, nécessaire de régulièrement vérifier que la détention du condamné est toujours justifiée par ce motif légitime d’ordre pénologique. Il convient, par exemple, une fois le temps du châtiment passé ou à tout le moins estompé, de réaffirmer l’impératif de réinsertion. Concernant les peines de réclusion criminelle à perpétuité, cela pourrait se traduire par l’instauration d’une procédure de conversion comme il a pu être envisagé.

144. Individualisation post-sentencielle de la peine perpétuelle. Il n’a pas toujours été question de figer intégralement les peines perpétuelles. Un ancien mécanisme permettait même de les réduire : il s’agit de la commutation (1). De nos jours, la proposition d’une procédure juridictionnelle de conversion des peines perpétuelles semble plus conforme aux principes de notre droit répressif (2).

1°) La commutation : un mécanisme ancien de réduction des peines perpétuelles

145. Mécanisme de commutation des peines perpétuelles. Le droit de grâce est une prérogative réservée au Président de la République lui permettant, en vertu de l’article 17 de la Constitution de la Vème République, de dispenser un condamné de l’exécution partielle ou totale de sa peine sans toutefois faire disparaitre ladite condamnation, à la différence de l’amnistie[628]. Ce droit n’est pas récent[629]. Il a pu être assimilé à une « survivance, archaïque et étonnante dans une république laïque, du droit royal[630] ». Bien qu’ayant provisoirement disparu[631], le droit de grâce demeure ancré dans la législation française depuis de nombreuses années. Il convient néanmoins de distinguer les grâces individuelles - pour lesquelles le Président de la République examine un dossier particulier lui ayant été soumis - des grâces collectives[632]. Ces dernières n’intéressent pas particulièrement les longues peines privatives de liberté. En effet, ces grâces excluant certaines catégories d’infractions, les longues peines en sont souvent privées[633]. D’ailleurs, leur disparition est officiellement actée en 2008[634]. En ce qui concerne les grâces individuelles, ces dernières peuvent prendre la forme d’une commutation de la peine ou d’une remise de peine[635]. C’est donc bien la commutation de la peine perpétuelle en une peine temporaire qui est intéressante, aucune remise de peine ne pouvant intervenir dans le cadre d’une réclusion criminelle à perpétuité. C’est d’ailleurs justement parce qu’aucune remise de peine (hors réduction du temps d’épreuve) ne peut être prononcée que la grâce est un dispositif intéressant pour les personnes condamnées à une peine de réclusion criminelle à perpétuité. Par le jeu de la commutation, la peine perpétuelle devient une peine temporaire, généralement de vingt ans, et la période de sûreté prononcée est recalculée en conséquence[636]. L’exécution de celle-ci démarre, sauf disposition contraire du décret, à compter du prononcé de la commutation, indépendamment de la durée de la peine perpétuelle d’ores et déjà exécutée[637].

146. Raréfaction de l’exercice du droit de grâce. Depuis l’abolition de la peine capitale et la consécration des divers mécanismes d’aménagement de peine, les recours en grâce ont partiellement perdu de leur intérêt. D’ailleurs, le nombre de recours a considérablement diminué tout comme celui des grâces accordées[638]. Lorsqu’en 1973, 2982 grâces étaient accordées, en 2014 il n’y en avait aucune, seulement cinq en 2015 et deux en 2016. Concernant les demandes, 9585 recours étaient déposés en 2002 contre 1093 en 2016. En 2018, exceptionnellement, le Président Emmanuel Macron a gracié une personne condamnée depuis plus de trente ans à la réclusion criminelle à perpétuité et hospitalisée depuis une vingtaine d’années en raison de troubles psychiatriques sans aucune possibilité de sortie[639]. La grâce individuelle s’est manifestement raréfiée au fil des années. De plus, comme le souligne Laurent Griffon-Yarza, « la majorité des grâces concerne les peines d’amende et d’interdiction du territoire[640]». Dès les années 2000, la raréfaction de la commutation des peines de réclusion criminelle à perpétuité mais également des longues peines privatives de liberté était mise en lumière[641]. Enfin, il faut rappeler que ce dispositif ne répond plus exactement à l’idée que l’on se fait d’une justice pénale censée respecter les règles du procès équitable.

147. Un mécanisme hasardeux relevant du fait du prince. La décision de gracier ou non un condamné ne répond pas à une procédure juridictionnelle mais relève du bon vouloir du Président de la République et n’est soumise à aucune exigence de formalisme de la part du requérant ni de motivation de la part du décisionnaire[642]. Aucun recours ne peut donc être formé contre le décret. Celui-ci n’est d’ailleurs pas publié au journal officiel. Le condamné n’est donc pas en mesure de connaitre les motivations d’un refus et de travailler sur ce qui lui a fait défaut en vue de déposer une nouvelle demande. C’est en ce sens que l’on peut qualifier la grâce de « fait du prince[643] ». D’ailleurs, des controverses apparaissent parfois quant à la qualité des personnes graciées. Des voix s’élèvent, notamment, lorsque le milicien Paul Touvier est gracié par le Président Georges Pompidou contrairement à Claude Buffet et Roger Bontems dont les exécutions sont maintenues sans justification particulière[644]. Force est de penser aux célèbres grâces accordées à Guillaume Seznec, Violette Noziere ou encore Alfred Dreyfus ayant soulevé les passions de l’opinion publique[645]. En outre, il ne faut pas négliger la dimension politique d’un tel acte au regard de l’autorité décisionnaire. En effet, selon que l’opinion publique abhorre le condamné ou qu’a contrario elle soit émue par sa situation personnelle et pénale voire n’en ait aucune connaissance, la décision rendue peut être différente, surtout à l’approche d’échéances électorales[646]. C’est ainsi que certains regrettent le « triomphe de la justice pétitionnaire[647] » et dénoncent la grâce ayant « pour unique objet de bafouer les décisions rendues par les juridictions de l’application des peines annihilant ainsi le cours de la justice[648]». Ces critiques sévères, émises lors de la grâce de Jacqueline Sauvage, ne doivent pas faire oublier qu’il s’agit d’un dispositif exceptionnel prenant avant tout en considération des facteurs humanitaires[649]. Ces facteurs humanitaires sont, par nature, exceptionnels et ne doivent pas être confondus avec les efforts de réinsertion requis dans la cadre de l’aménagement des peines privatives de liberté. Par conséquent, la grâce demeure un mécanisme hasardeux sur lequel le condamné ne peut compter. Afin de promouvoir la réinsertion des peines perpétuelles, il convient alors de s’orienter vers un mécanisme juridictionnel moins aléatoire.

2°) La conversion : une nouvelle piste d’aménagement des peines perpétuelles

148. Le principe de la conversion. C’est en 2013 que Bruno Cotte propose, en vue de réintégrer les personnes condamnées à la réclusion criminelle à perpétuité dans un parcours de réinsertion, de convertir ces condamnations en peines à temps[650]. L’objectif de cette procédure n’est pas de porter atteinte à l’autorité de la chose jugée en dédisant la décision rendue par la juridiction de jugement mais d’offrir, dans la phase post-sentencielle, une nouvelle voie aux réclusionnaires à perpétuité qui, compte tenu des diverses conditions temporelles d’accès aux aménagements et de l’impact important du mécanisme de la période de sûreté, n’accèdent que trop tardivement aux aménagements de peine, voire en sont simplement exclus. Certains pourraient craindre une mesure affaiblissant le prononcé d’une peine perpétuelle. Néanmoins, compte tenu des conditions temporelles envisagées par Bruno Cotte, il serait difficile d’y apercevoir un quelconque laxisme.

149. D’une peine perpétuelle en une peine temporaire de trente ans. Selon Bruno Cotte, la peine initiale doit pouvoir être convertie par le tribunal de l’application des peines en une peine de trente ans. Au regard de la procédure de relèvement de la période sûreté à laquelle on pourrait être tenté de comparer ce nouveau mécanisme, l’exigence d’une décision rendue par une juridiction collégiale semble cohérente. Surtout, l’instauration d’une procédure juridictionnelle - contrairement à la commutation - serait bien plus en accord avec notre droit de l’application des peines. Par ailleurs, aux termes des grâces présidentielles, le mécanisme de commutation des peines perpétuelles prévoyait généralement une nouvelle peine de vingt ans de réclusion criminelle. Force est de constater que cette nouvelle proposition est donc plus sévère que l’ancienne pratique de commutation. En réalité, il faut rappeler que la peine de trente ans de réclusion criminelle s’est intégrée relativement récemment au sein de notre échelle répressive entre la peine perpétuelle et la réclusion criminelle d’une durée de vingt ans. Le choix de cette nouvelle peine de trente ans est, par conséquent, logique.

150. Un délai d’épreuve entre dix et quinze ans. Dans sa proposition, Bruno Cotte prévoit une procédure de conversion ne pouvant intervenir qu’au terme d’un délai d’épreuve de dix à quinze ans[651]. Au regard du contexte législatif de l’application des longues peines privatives de liberté, il est clair que le législateur opterait, le cas échéant, pour un délai d’épreuve avoisinant les quinze ans si ce n’est plus[652]. Dans ce cas, la peine de trente ans débuterait après l’exécution d’une incarcération minimale de quinze ans, ce qui conduirait à l’exécution totale d’une peine de quarante-cinq ans de réclusion criminelle en l’absence de tout aménagement. Cependant, il semblerait étrange qu’un condamné remplisse les exigences d’une conversion de sa peine sans qu’aucun aménagement ne soit prononcé par la suite, a minima des réductions de peine. La procédure de conversion de peine conduirait donc, en pratique, à ce qu’une libération conditionnelle puisse être prononcée après l’exécution minimale d’une peine de trente ans[653] (hors réductions de peine). Cela est plus long que le temps d’épreuve et la période de sûreté de dix-huit ans assortissant a minima la peine de réclusion criminelle à perpétuité, et cela correspond à la durée minimale d’incarcération de certains condamnés réclusionnaires à perpétuité, ce qui démontre bien que le sens de cette proposition n’est pas de raccourcir, coûte que coûte, les peines perpétuelles mais bien de réinscrire ceux y étant condamnés dans un parcours d’exécution de peine en prévoyant un terme à ces dernières. En effet, l’absence de terme constitue un obstacle majeur à l’individualisation de la peine, particulièrement en ce qui concerne les réductions de celle-ci. D’autre part, l’absence de terme joue évidemment un rôle majeur sur l’état d’esprit du condamné.

151. Une proposition illusoire ? Il est regrettable que cette proposition émise il y a une dizaine d’années n’ait toujours pas été suivie d’effets. Il faut espérer que le législateur se penche un jour sur la possibilité de convertir ces peines mais le contexte de durcissement des longues peines privatives de liberté laisse peu d’espoir quant à l’adoption future d’un tel dispositif. Quoi qu’il en soit, cette proposition a été réitérée en 2018, soit trois années après la vague d’attentats que la France a connue, ce qui prouve qu’il est possible d’envisager une meilleure individualisation des longues peines dans le climat actuel. Il convient de ne pas abandonner ce projet audacieux à rebours du conformisme législatif actuel. En effet, toute peine devrait, autant que faire se peut, prévoir un terme connu par le condamné. S’il est probable que la dangerosité du condamné persiste au-delà de ce terme, il convient de souligner que la proposition de Bruno Cotte permet uniquement de solliciter une conversion de la peine perpétuelle mais que l’octroi d’une telle conversion n’est pas automatique.

Conclusion du chapitre 2

152. Aménagement des longues peines : un accès figé par la période de sûreté. Outre la temporalité des longues peines privatives de liberté, le deuxième obstacle à l’aménagement de ces dernières est de nature juridique puisque, par l’instauration d’une période de sûreté, le législateur a décidé de figer les longues peines et d’ainsi retarder l’accès aux mesures d’aménagement. Cette modalité d’exécution de la peine est critiquable tant sur le fond que sur la forme. Obligatoire et automatique, l’atteinte qu’elle porte au principe d’individualisation de la peine est incontestable. Ses extensions successives, en particulier en cas de réclusion criminelle à perpétuité, démontrent l’objectif du législateur de verrouiller définitivement l’accès aux aménagements de certains condamnés, en particulier ceux ayant commis un crime de nature sexuelle et violente, ceux ayant porté atteinte à la vie d’une personne dépositaire de l’autorité publique ou encore plus récemment ceux ayant commis un crime de nature terroriste. Bien qu’un mécanisme de relèvement de la période de sûreté soit prévu, il n’en demeure pas moins que ses conditions et son régime sont complexes et ce, d’autant pour le réclusionnaire à perpétuité envisageant une sortie. Cette procédure est pourtant déclarée conforme à la Constitution et validée par la Cour européenne des droits de l'Homme exigeant la compressibilité juridique et factuelle des peines perpétuelles. Néanmoins, la jurisprudence européenne relative à la protection du public sous l’égide du deuxième article de sa Convention peut nuancer la portée de la position de la Cour. En définitive, il semblerait que le seul espoir de relance de l’aménagement des peines de réclusion criminelle à perpétuité se fonde sur la création d’une procédure juridictionnelle de conversion de peine.

Conclusion du titre premier

153. Affaiblissement de la fonction de réinsertion de la peine par un accès lointain aux aménagements. Si l’aménagement des longues peines privatives de liberté connait un certain nombre d’obstacles, il faut admettre que le premier d’entre eux est un obstacle temporel. En raison, tout d’abord, de la durée de la peine mais surtout de l’instauration d’une période de sûreté figeant la condamnation, l’accès aux aménagements est retardé pour un ensemble de condamnés. S’il est admis que la gravité de l’infraction commise justifie que les fonctions de rétribution et de neutralisation soient renforcées par rapport à des peines prononcées en réponse à la commission d’infractions de moindre gravité, cela ne doit pas conduire à balayer d’un revers de la main la fonction de réinsertion inhérente à toute peine privative de liberté. Or, le retard dans l’accès aux aménagements des longues peines affaiblit considérablement cette fonction. En effet, les conséquences d’une incarcération de longue durée, qu’il s’agisse de l’incidence de celle-ci sur la santé physique et psychique du condamné ou, plus évidemment, sur sa vie sociale, compliquent, par nature, sa réinsertion. Cela ne semble pas suffire au législateur qui prévoit régulièrement des conditions supplémentaires pour ces condamnés voyant leur espoir de libération s’éloigner un peu plus, jusqu’à demander, pour certains d’entre eux désespérés de sortir un jour, le rétablissement de la peine capitale[654]. Des propositions ont pourtant été émises en vue de réinscrire les longues peines dans un parcours de réinsertion. La revalorisation des permissions de sortir par une refonte globale de ses régimes multiples, la suppression du caractère obligatoire de la période de sûreté, l’assouplissement des conditions d’octroi du relèvement de la période de sûreté à l’égard des personnes âgées de plus de soixante-dix ans et condamnées à une peine de réclusion criminelle à perpétuité ou encore l’instauration d’une procédure de conversion des peines perpétuelle, constituent tout autant de pistes qui permettraient de redonner une direction aux longues peines privatives de liberté.

Titre 2 : Un accès aux aménagements de peine limité

154. Une offre restreinte. La restriction de l’accès des personnes condamnées à une longue peine privative de liberté aux aménagements ne s’illustre pas uniquement à travers le retard qu’elles rencontrent dans le parcours d’aménagement de leur peine. Au-delà de cet accès retardé, force est de constater que ces condamnés se confrontent à un deuxième obstacle, à savoir la limitation de l’offre des aménagements accessibles. Qu’il s’agisse d’une limitation applicable à l’ensemble des longues peines (Chapitre 1) ou d’une limitation renforcée en raison de la nature terroriste de l’infraction commise (Chapitre 2), l’on ne peut que constater la mise à l’écart de ces condamnés des mesures d’aménagement de la peine.

Chapitre 1 : Un accès limité pour l’ensemble des longues peines

155. Prise en compte indirecte du quantum de la peine. Si le législateur se questionne régulièrement sur les modalités d’aménagement des peines privatives de liberté et prévoit ainsi divers mécanismes en ce sens, il est à noter que l’offre se raréfie à mesure que le quantum de la peine prononcée s’élève. Cela se traduit dans un premier temps par une limitation de l’accès aux aménagements de peine humanitaires en présence d’une peine de nature criminelle (Section 1). Dans un second temps, les procédures simplifiées prévues pour stimuler les aménagements de peine semblent tout simplement exclure les longues peines privatives de liberté (Section 2).

Section 1 : Un accès réduit aux aménagements à visée humanitaire

156. Présentation succincte des fractionnement et suspensions de peine. Il convient ici de se pencher sur deux types d’aménagements peu évoqués compte tenu de leur inscription dans un cadre juridique totalement différent de celui des autres élargissements anticipés, à tel point qu’il est permis de se questionner sur leur appartenance à la catégorie des aménagements de peine[655]. Il s’agit du fractionnement et des suspensions de peine[656] que l’on peut qualifier de mesures à visée humanitaire. En effet, l’on peut définir ce qui est humanitaire comme ce « qui s’efforce de venir en aide aux hommes[657] ». Le fractionnement et les suspensions de peine répondent à cette définition en ce sens qu’ils peuvent être prononcés en raison de la situation personnelle du condamné et ainsi pallier les difficultés d’exécution de la peine privative de liberté. Entrés en vigueur le 1er janvier 1976, la suspension et le fractionnement de peine post-sentenciels sont conjointement prévus par l’article 720-1 du Code de procédure pénale🏛. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit de deux mécanismes distincts qu’il convient de définir séparément. Martine Herzog-Evans définit le fractionnement de la peine comme « une mesure juridictionnelle qui autorise le condamné à exécuter sa peine sous forme de fractions d’une durée minimale de deux jours » et la suspension de la peine comme « une mesure juridictionnelle qui permet de reporter l’exécution de la peine à une date tantôt déterminée, tantôt indéterminée[658] ». Selon Christophe Aubertin : « lorsqu'une peine est exécutée par fractions, celles-ci sont séparées les unes des autres par une période où la peine n'est pas subie et qui ne compte pas comme exécution. Cette mesure est donc nettement distincte de la suspension de la peine, qui consiste à mettre un terme provisoire à l'exécution de la peine[659] ». Il souligne néanmoins pour expliquer le traitement conjoint de ces deux mécanismes par le législateur que : « le fractionnement n'est jamais que la succession de plusieurs suspensions d'une même peine[660] ». Enfin, la suspension médicale de peine issue de la loi du 4 mars 2002🏛[661] et prévue par l’article 720-1-1 du Code de procédure pénale🏛 est également « une mesure juridictionnelle qui permet de reporter l’exécution de la peine », bien que les fondements, les conditions d’accès et le régime de cette mesure soient différents.

157. Intégration des fractionnement et suspensions de peine aux aménagements. Le fractionnement et les suspensions de peine constituent des aménagements particuliers de la peine en ce qu’ils génèrent un effet spécifique et poursuivent un objectif parfois divergeant des aménagements de peine « traditionnels ». Tout d’abord au regard de leur effet, en s’appuyant sur la classification établie par Yan Carpentier, il s’agit de mesures présentant un effet interruptif de l’exécution de la peine puisqu’elles en arrêtent l’exécution au moins temporairement et constituent ainsi une « exception au principe de l’exécution continue de la peine prononcée[662] », tandis que la libération conditionnelle, la semi-liberté, le placement à l'extérieur et la détention à domicile sous surveillance électronique modifient le régime d’exécution de la peine et que les réductions de peine abrègent la durée de la peine[663]. En outre, alors que les aménagements traditionnels sont accordés dans le but de favoriser la réinsertion du condamné et d’éviter la récidive, voire dans un but de gestion du comportement de la population carcérale (s’agissant des réductions de peine) ou encore de gestion des flux (s’agissant des procédures dites « simplifiées » mises en place pour notamment lutter contre le surpeuplement carcéral), le fondement du fractionnement et des suspensions de peine est humanitaire puisque sont pris en compte l’état de santé et la vie familiale, sociale et professionnelle du condamné[664]. Néanmoins, il convient de nuancer cette analyse puisque l’on ne peut éluder totalement l’objectif de réinsertion lorsque le juge de l'application des peines accorde au condamné un fractionnement ou une suspension de la peine lui permettant d’éviter une rupture brutale dans sa vie sociale, professionnelle ou familiale par une incarcération dont l’incidence serait préjudiciable. En effet, le mécanisme conduisant à ne pas désinsérer le condamné peut se rapprocher, en termes d’objectif poursuivi, de celui consistant en un élargissement anticipé progressif accompagné d’un suivi du condamné. Il s’agit d’un côté de ne pas désinsérer le condamné de façon anarchique et de l’autre, d’assurer son retour progressif dans la société. Le fractionnement ou la suspension de peine peut jouer un rôle plus direct dans la réinsertion du condamné via, par exemple, l’assistance de ce dernier à l’accouchement d’une compagne ou encore la réalisation d'un stage validant une formation professionnelle. Pour autant, le fondement exclusivement humanitaire de la suspension médicale de peine spéciale telle qu’issue des dispositions de l’article 720-1-1 du Code de procédure pénale🏛 a pu conduire certains auteurs à récuser l’appartenance de cette mesure à la catégorie des aménagements de peine[665]. Il est vrai, d’ailleurs, que cette suspension spéciale de peine n’est pas subordonnée à l’exécution d’une période de sûreté assortissant la condamnation pénale et empêchant normalement l’accès aux aménagements de peine. L’on pourrait en déduire que cette exclusion traduit la non-appartenance de cette mesure aux aménagements. En suivant une logique similaire, Yan Carpentier retenait dans sa définition provisoire des aménagements de peine, une finalité d’amendement excluant les mesures de fractionnement et suspensions de peine puisque « les aménagements de peine constitueraient des mécanismes juridiques qui trouvent leurs racines dans la peine, qui la modifient ou l’adaptent dans le but d’atteindre la finalité d’amendement assignée à celle-ci selon l’article 130-1 du Code pénal🏛[666] ». Pour autant, d’autres auteurs ne se limitent pas à la fonction de réinsertion ou d’amendement pour qualifier ou non une mesure d’aménagement de peine. En effet, le fractionnement et les suspensions de peine ont pu être successivement qualifiés d’ « aménagements de peine pour raison médicale[667] » ou encore de « mesures d’aménagement du temps d’exécution de la peine[668] ». Il est donc permis de retenir une acception large des aménagements de peine incluant toute mesure post-sentencielle engendrant un effet sur la durée de la peine privative de liberté, son régime d’exécution ou son exécution stricto sensu. En réalité, ces mesures se regroupent en ce que chacune exerce un effet sur l’exécution lato sensu de la peine. Bien qu’il existe une sous-classification de ces aménagements en fonction de leurs objectifs, une qualification de la notion d’« aménagement de peine » tenant exclusivement compte de l’objectif d’amendement ou de réinsertion serait trop restrictive et non représentative de l’ensemble des mesures affectant la peine après son prononcé. En définitive, si l’on peut distinguer les aménagements de peine traditionnels ayant vocation à être accordés dans le cadre de l’exécution de la majorité des peines privatives de liberté, de ces aménagements de peine spéciaux dont la vocation est de n’intervenir qu’en cas de difficulté d’exécution de la peine, l’on ne peut ôter à ces derniers la qualité d’ « aménagement de peine » en raison de leur incidence certaine sur l’exécution de la peine privative de liberté.

158. Accès hétérogène aux fractionnement et suspensions de peine. Le fractionnement et les suspensions de peine faisant partie intégrante des aménagements de peine, il importe alors de se questionner sur leur accessibilité concernant les longues peines. Dans un premier temps, l’on peut remarquer que ces dernières semblent quasiment exclues du fractionnement et de la suspension de peine de droit commun (§1) tandis que la suspension médicale de peine demeure conditionnellement accessible (§2).

§1 - Un accès quasi-impossible aux fractionnement et suspension de la peine traditionnels

159. Exclusion indirecte des longues peines. S’il convient d’apprécier le caractère humanitaire du fractionnement et de la suspension de peine classique (A), il faut reconnaitre que les longues peines n’y ont a priori pas accès en raison de leur champ d’application limité (B).

A°) Le caractère humanitaire du fractionnement et de la suspension de peine

160. Conditions d’octroi évolutives. Le caractère humanitaire du fractionnement et de la suspension de peine classique se caractérise par l’absence d’efforts attendus de la part du condamné. Ces mesures constituent une faveur accordée au condamné contrairement aux aménagements traditionnels revêtant une dimension rétributive. Cependant, si la seule situation personnelle de ce dernier est prise en considération, il convient de rappeler que la décision de fractionner ou de suspendre la peine relève d’une faculté appartenant au juge de l’application des peines[669]. Des conditions particulières d’octroi sont prévues par le législateur (1). Ces dernières ont d’ailleurs été assouplies (2).

1°) La particularité des conditions d’octroi

161. Des aménagements fondés sur la situation personnelle du condamné. Avant d’octroyer une suspension ou un fractionnement de la peine, le juge de l’application des peines prend en considération la situation personnelle du condamné et les difficultés que celui-ci rencontre pour exécuter sa condamnation. Le législateur précise que ces mesures peuvent être accordées pour un motif d’ordre médical, familial, social ou professionnel[670]. Il s’agit de critères larges permettant de prendre en compte une multiplicité de situations personnelles. A titre d’exemple, le motif d’ordre professionnel peut être invoqué lorsqu’une courte peine d’emprisonnement est prononcée et peut être exécutée pendant les congés annuels du condamné[671]. Concernant le motif d’ordre médical, il semblerait que le juge de l'application des peines ne retienne pas une acception restrictive de la situation personnelle du condamné et puisse prendre en considération l’état de santé d’un proche (en l’espèce l’arythmie cardiaque de sa concubine) et non exclusivement du condamné lui-même[672]. Toutefois, dans le cas de la maladie du conjoint nécessitant l’assistance du condamné, le motif d’ordre familial semble peut-être plus approprié. Tel peut aussi être le cas de l’accouchement d’une compagne. Dans tous les cas, la chambre criminelle renvoie à l’appréciation souveraine des juges du fond[673]. Par ailleurs, les motifs d’ordre social et professionnel sont également intéressants puisque, comme le souligne Martine Herzog-Evans, il peut être opportun, pour le condamné préparant sa sortie, de solliciter une suspension de peine en lieu et place des permissions de sortir habituelles[674]. En effet, compte tenu de la complexité du cadre juridique des permissions de sortir et des difficultés de réinsertion parfois rencontrées, il peut être plus avantageux de bénéficier d’une suspension plus longue qu’une permission de sortir en fin de peine afin de préparer sa sortie. Enfin, la Cour de cassation, bien que rarement saisie de ce type de contentieux, a dû rappeler que les quatre motifs visés par le texte étaient limitatifs et qu’il n’était pas possible de bénéficier d’une suspension de peine aux termes de l’article 720-1 du Code de procédure pénale🏛 dans le but, par exemple, de « remettre en cause les décisions de condamnations[675] ».

162. L’absence d’exigence d’efforts sérieux de réinsertion. Il convient de préciser que les motifs fixés par le législateur permettant au juge de l'application des peines d’accorder un fractionnement ou une suspension de la peine tiennent exclusivement compte de la situation du condamné. Ce dernier n’a pas à fournir d’efforts sérieux de réinsertion tels que ceux requis en matière de libération conditionnelle, par exemple. En effet, les motifs ici exigés ne correspondent pas à un comportement actif du condamné tel que le paiement des indemnités aux parties civiles, l’exercice d’un emploi ou l’implication dans un projet de réinsertion. Une similarité peut tout de même être constatée avec la libération conditionnelle accordée en raison de la nécessité de suivre un traitement, de la participation essentielle à la vie de famille ou encore une libération conditionnelle parentale. Cependant, dans ces derniers cas, le condamné doit tout de même manifester des efforts de réinsertion. En réalité, la réinsertion du condamné n’étant qu’un objectif secondaire et indirect du fractionnement et de la suspension de peine, il est cohérent que le législateur n’exige pas ici la réalisation d’efforts requis pour les aménagements de peine traditionnels. Néanmoins, l’absence de cette condition matérielle d’accès n’implique pas l’absence d’obligations auxquelles peut être soumis le condamné. En effet, le législateur a durci le régime d’application de ces aménagements via la loi du 9 mars 2004🏛 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Auparavant, la chambre criminelle rappelait que « le fractionnement ou la suspension de la peine ordonné en application de l'article 720-1 du Code de procédure pénale🏛 dans sa rédaction [antérieure à la loi du 9 mars 2004🏛], ne pouvait être subordonné au respect d'une obligation particulière[676] ». En l’espèce, le juge de l'application des peines avait, à tort, subordonné le maintien du fractionnement de la peine au paiement des sommes dues à la victime. Cependant, depuis la loi du 9 mars 2004🏛, le juge de l'application des peines peut assortir l’octroi du fractionnement ou de la suspension de la peine des obligations et interdictions telles que résultant des articles 132-44 et 132-45 du Code pénal🏛🏛 relatifs au régime de la probation. Cela n’est pas étonnant. Tout d’abord, le législateur a fait le choix de l’uniformité en assujettissant le condamné au respect de ces obligations et interdictions également prévues depuis cette loi pour les autres aménagements[677]. Surtout, si le fractionnement et la suspension de peine constituent une réelle faveur accordée au condamné n’ayant à fournir aucun effort de réinsertion, il parait juste que, dans les intérêts de la société, des obligations et interdictions puissent assortir ces aménagements. Désormais, il peut être mis fin au fractionnement et à la suspension de peine si le condamné ne respecte pas les obligations et interdictions imposées par le juge de l’application des peines. Cependant, si le régime d’application de ces deux aménagements s’est durci, force est de constater un net assouplissement de leurs conditions temporelles et matérielles d’octroi.

2°) L’assouplissement des conditions d’octroi

163. L’augmentation des seuils requis. Lorsque l’on consulte les versions initiales des dispositions législatives relatives aux aménagements de peine, l’on ne peut que remarquer leur simplicité et leur lisibilité, contrastant ainsi avec les versions en vigueur complexifiées, au sein desquelles se sont greffées de multiples conditions d’octroi et des régimes sans cesse plus détaillés. La suspension et le fractionnement de peine ne font pas exception en la matière. Initialement, aucune condition temporelle n’était prévue. Cela étant, il ne faut pas imaginer que le cadre juridique antérieur était beaucoup plus favorable. En réalité, le bénéfice de la suspension et du fractionnement de peine est limité à la matière correctionnelle[678]. Or, ladite matière était bien moins dense lors de la création de ces aménagements que de nos jours. En effet, l’avènement du Code pénal de 1994 ayant permis le rehaussement du plafond de la peine d’emprisonnement encourue passant ainsi de cinq à dix années, l’on a assisté à la correctionnalisation d’un certain nombre de crimes. La matière correctionnelle, champ d’application du fractionnement et de la suspension de peine étant devenue beaucoup plus large, le législateur a alors logiquement prévu une refonte du cadre juridique de ces mesures en les soumettant à une double condition temporelle[679]. Il s’agissait moins d’un renforcement que d’une volonté de se conformer à l’esprit du texte initial et de ne pas élargir le champ d’application de ces mesures. Tout d’abord, n’étaient désormais visées que les peines dont le reliquat à exécuter était inférieur ou égal à un an d’emprisonnement. En outre, ces aménagements ne pouvaient être prononcés que pour une période maximale de trois années. Toutefois, la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009[680], dont les travaux préparatoires vantaient la « souplesse dans l’exécution de la peine[681] » conférée par le fractionnement et la suspension de peine, a étendu ses modalités d’application. Le seuil requis par le législateur a été rehaussé à deux années tandis que, dans un souci de corrélation, la durée de la mesure est dorénavant plafonnée à quatre années. L’augmentation des seuils requis n’est pas exclusive du fractionnement et de la suspension de peine mais s’inscrit dans un contexte plus général de développement du recours aux aménagements de peine[682]. Il a d’ailleurs été fait état de ce rehaussement[683] concernant les mesures de semi-liberté, placement à l’extérieur et détention à domicile sous surveillance électronique. Au surplus, des conditions temporelles plus avantageuses sont prévues depuis la loi du 15 août 2014🏛 ajoutant un troisième alinéa à l’article 720-1 du Code de procédure pénale🏛, lequel prend en compte la situation du condamné qui exerce l’autorité parentale sur un enfant de moins de dix ans résidant habituellement chez lui, ainsi que celle de de la femme enceinte de plus de douze semaines. Dans ces cas, le seuil de deux années est rehaussé à quatre années de peine restant à subir. Toutefois, ce rehaussement ne s’est pas accompagné d’un allongement de la durée du fractionnement et de la suspension de peine. Enfin, force est d’observer un second adoucissement substantiel, à savoir la disparition du critère de gravité jusqu’alors requis.

164. La disparition du critère de gravité. Avant l’entrée en vigueur de la loi pénitentiaire de 2009, le critère d’octroi du fractionnement et de la suspension de peine consistait en un motif « grave » d’ordre médical, familial, social ou professionnel. Le dictionnaire Larousse définit ce qui est grave comme ce qui est « important, dangereux[684] ». En ce qui concerne le motif grave anciennement requis en matière de fractionnement et de suspension de peine, il semblerait qu’il faille plutôt interpréter la gravité du motif eu égard à son importance plus qu’à sa dangerosité. Le législateur exigeait donc que la situation médicale, familiale, sociale ou professionnelle justifiant un fractionnement ou une suspension de peine revête une certaine importance, une certaine intensité. Dans le cas contraire, l’aménagement ne pouvait être accordé. Cette interprétation relevait de l’appréciation souveraine des juges du fond. L’imposition d’un tel critère conduisait d’une part, à une restriction des cas dans lesquels un fractionnement ou une suspension pouvait être accordé. D’autre part, l’on ne peut éluder les difficultés d’interprétation qui pouvaient être causées par l’emploi d’un tel qualificatif. La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 affichant l’objectif de faciliter l’accès aux aménagements de peine et de pallier le faible taux de prononcé de ces mesures[685], supprima l’exigence du critère de gravité et désormais le motif d’ordre médical, familial, social ou professionnel n’a plus à être qualifié. En définitive, le rehaussement des conditions temporelles et la suppression du critère de gravité constituent tous deux un adoucissement des conditions d’accès au fractionnement et à la suspension de peine. Néanmoins, la place accordée aux longues peines au sein de ces aménagements demeure très résiduelle voire inexistante.

B°) Le caractère limité du fractionnement et de la suspension de peine

165. Exclusion des longues peines. Force est de constater qu’à l’égard des longues peines, le fractionnement et la suspension de peine présentent un caractère très limité. Il est vrai qu’en instaurant une distinction en fonction de la nature de la peine, le législateur exclut majoritairement les peines de longue durée (1). D’autre part, les conditions temporelles d’accès ne permettraient pas aux personnes condamnées à de telles peines d’en bénéficier avant une échéance bien proche du terme de leur condamnation, ce qui ne serait pas forcément avantageux (2).

1°) L’instauration d’un critère de distinction entre les peines de différentes natures

166. Un critère visant indirectement les longues peines. Le champ d’application du fractionnement et de la suspension de la peine est réduit à la matière correctionnelle, comme cela est précisé par les dispositions de l’article 720-1 du Code de procédure pénale🏛. La matière criminelle est donc exclue. A ce titre, il est admis que la « matière correctionnelle » fait référence à la nature de l’infraction commise et non à la nature de la peine prononcée[686]. Cela signifie que l’on ne distingue pas la peine d’emprisonnement de la peine de réclusion criminelle mais plutôt la commission d’un délit de celle d’un crime. La peine encourue en cas de commission d’un crime demeure néanmoins la réclusion criminelle, soit une peine d’une durée au moins égale à dix années, c’est-à-dire une longue peine. Par conséquent, en excluant la matière criminelle du bénéfice du fractionnement et de la suspension de peine, le législateur exclut indirectement les longues peines, en théorie. Force est de constater que cette exclusion constitue une sanction supplémentaire au stade de l’exécution de la peine à l’égard de ceux ayant déjà été sanctionnés par le prononcé d’une peine de longue durée. De plus, depuis la loi du 21 juillet 2016🏛[687], un dernier alinéa inaugure l’exclusion du bénéfice de ces dispositions les personnes ayant été condamnées pour les plus graves infractions de nature terroriste[688]. Quoiqu’il en soit, l’exclusion de la matière criminelle et de la matière terroriste semble contraster avec les velléités humanitaires du fractionnement et de la suspension de peine. Pour autant, s’agissant d’aménagements d’exception, ils différent de ceux s’inscrivant dans le parcours de réinsertion stricto sensu du condamné. En effet, si l’on considère ces mesures comme une faveur accordée au condamné rencontrant une difficulté pour exécuter sa peine, puisqu’aucun effort de réinsertion n’est exigé, il est compréhensible que le législateur ait fait le choix de les réserver à ceux ayant le moins troublé l’ordre public. Néanmoins, le critère d’exclusion de la matière criminelle peut être critiqué.

167. Un critère incohérent ne visant pas exclusivement les longues peines. S’il est entendu que la peine de réclusion criminelle est encourue en cas de commission d’un crime, il en va parfois différemment de la peine prononcée. En effet, la cour d’assisses peut décider de prononcer une peine d’emprisonnement en matière criminelle[689][690]. D’ailleurs, les chiffres de la justice pénale parus en 2021 indiquent que sur 1732 crimes ayant donné lieu à une condamnation en 2020, 1004 d’entre eux ont été sanctionnés par une peine de réclusion criminelle[691]. Cela signifie que ce n’est pas le cas de près de 42% des condamnations prononcées. Les chiffres ne détaillent pas le contenu de ces 42% mais puisque le législateur impose à la juridiction de jugement de prononcer une peine minimale d’un an d’emprisonnement en cas de condamnation en matière criminelle[692], l’on peut imaginer qu’il s’agit de peines d’emprisonnement. Quoi qu’il en soit, puisque la durée de ces peines est inférieure à dix années, il ne s’agit pas de longues peines. Néanmoins, le législateur empêche la personne condamnée à une telle peine d’emprisonnement d’accéder au fractionnement et à la suspension de peine en raison de la nature criminelle de l’infraction en cause. Les longues peines ne sont donc pas les seules exclues du bénéfice de ces aménagements. La cohérence de ces dispositions est discutable à plusieurs égards. En premier lieu, si une peine d’emprisonnement se substitue à une peine de réclusion criminelle, cela est significatif. En effet, si la nature de l’infraction est un indicateur majeur du trouble causé, il semble que le quantum de la peine prononcée en demeure le révélateur ultime[693]. Le choix de la peine tient compte des circonstances de l’espèce mais également de la personnalité du condamné et lorsque l’on compare, à titre d’exemple, la situation d’une personne condamnée à une peine de cinq ans d’emprisonnement en réponse à la commission d’un crime et celle d’une autre condamnée à neuf ans d’emprisonnement pour un délit, la question de l’intensité du trouble causé à l’ordre public peut se poser. Cela d’autant plus que la commission de certains délits peut être sanctionnée par une peine d’emprisonnement d’une durée de dix ans[694]. Dans ce cas, le condamné peut être admis au bénéfice d’un fractionnement ou d’une suspension de peine, à la différence de celui ayant été condamné à une peine de réclusion criminelle de même durée. De surcroît, la durée de la peine correctionnelle peut même excéder dix ans puisqu’en cas de récidive, le doublement de la peine d’emprisonnement initialement prévue est encouru[695]. Ainsi, a pu être condamnée à quinze ans d’emprisonnement une personne déclarée coupable d’« association de malfaiteurs, infractions à la législation sur les stupéfiants, importation de stupéfiants, et tentative de ces délits, en récidive[696] ». En pareil cas, et bien que la durée de la peine soit conséquente, il demeure possible de fractionner ou suspendre l’exécution de ladite peine. En pratique, la temporalité de la condamnation ne correspond pas à de tels aménagements, à tout le moins au début de la peine. En revanche, en fin de peine, ils peuvent être prononcés notamment pour compléter les permissions de sortir. En conclusion, l’on comprend bien que pour le législateur, ce n’est pas tant la durée de la peine mais la nature de l’infraction qui prime, ce qui peut donner lieu à quelques situations incohérentes. Enfin, comme chaque fois, la question de la compatibilité de la temporalité de ces aménagements avec celle des longues peines doit se poser.

2°) L’intervention tardive du fractionnement et de la suspension de la peine

168. Un accès lointain. Bien que l’utilité du fractionnement et de la suspension de peine en concurrence avec les permissions de sortir en fin de peine ait été souligné, cela relève plus d’un usage extensif des dispositions du Code de procédure pénale que du véritable esprit de l’article 720-1 dont la vocation est de permettre au condamné rencontrant des difficultés dans l’exécution normale de sa peine de suspendre ou fractionner cette dernière. Néanmoins, si la matière criminelle n’était pas exclue de ces dispositions, ces difficultés ne pourraient être prises en considération qu’une fois que la peine privative de liberté restant à exécuter serait inférieure ou égale à deux ans voire quatre ans dans le cadre du régime dérogatoire du fractionnement ou de la suspension de peine parentale. Il en résulte que ces mesures ne pourraient intervenir qu’en fin de peine dans le cadre de peines de longue durée. Or, si leur intérêt peut résider dans l’absence d’exigence de conditions de réinsertion et dans la prise en considération de la situation personnelle du condamné, il est très largement diminué en raison de son intervention tardive pour les personnes condamnées à une longue peine qui préféreront sans doute s’orienter vers un aménagement de peine traditionnel, en particulier une libération conditionnelle dont les conditions temporelles d’octroi sont plus favorables. En outre, il convient de rappeler que le fractionnement et la suspension de la peine ne sont pas des modalités d’exécution de la condamnation pénale et qu’il est plus avantageux, pour le condamné ayant débuté un travail de préparation à la sortie et remplissant les conditions d’efforts de réinsertion, de continuer à exécuter sa peine sous le régime d’un aménagement traditionnel plutôt que de voir son exécution reportée.

169. L’inclusion souhaitée de la matière criminelle. En vue de développer le recours aux aménagements de peine, il peut être tentant de s’interroger sur l’opportunité de modifier les conditions temporelles d’accès à ces derniers en les rehaussant afin que les condamnés puissent en bénéficier plus tôt. Pour autant, en l’occurrence, rehausser le seuil d’accès à ces mesures reviendrait à étendre le temps d’une peine déjà longue. Or, il ne va pas forcément de l’intérêt de la personne condamnée à une longue peine privative de liberté de voir l’exécution de sa condamnation suspendue ou interrompue sur une trop longue période. D’autre part, l’article 720-1 du Code de procédure pénale🏛, à la différence de l’article 720-1-1 étudié infra, prévoit d’accorder une faveur au condamné qui, en raison de la commission d’un délit, n’a pas trop gravement troublé l’ordre public. C’est ici une différence majeure avec les aménagements de peine traditionnels qui ne constituent pas une faveur accordée au condamné mais qui répondent à des efforts fournis par ce dernier. Rehausser le seuil d’accès serait donc contraire à la volonté initiale du législateur de privilégier ceux ayant commis les faits les moins graves. En revanche, il serait opportun d’inclure la matière criminelle au bénéfice de ces mesures tout en conservant les seuils d’accès prévus. En effet, si l’on comprend bien que le législateur ne souhaite pas inclure ceux ayant le plus gravement troublé l’ordre public, deux arguments en faveur de l’inclusion de la matière criminelle peuvent être avancés. Tout d’abord, en maintenant un seuil à deux années de peine restant à subir, ces aménagements n’intéresseront que les courtes peines ou les fins de peines. Or, d’une part, comme il a déjà été indiqué, lorsque le quantum de la peine criminelle est relativement « court », cela traduit un trouble à l’ordre public d’une moindre gravité pouvant donc justifier un accès à ces aménagements humanitaires. En second lieu, lorsqu’une longue peine a été prononcée mais qu’il ne reste à subir qu’un reliquat équivalant à deux années d’incarcération, l’on peut raisonnablement imaginer que le trouble causé aura été estompé par le jeu des années de détention. De plus, il faut rappeler que la décision de fractionnement ou de suspension de la peine relève de la faculté du juge comme l’indiquent les dispositions de l’article 720-1 du Code de procédure pénale🏛[697], et qu’elle n’est aucunement automatique. Il appartient effectivement au juge de l'application des peines de rendre sa décision en fonction des intérêts du condamné mais également de ceux de la société et de la victime. Il convient également de rappeler que le juge de l'application des peines dispose de la faculté d’assortir ces aménagements des obligations et interdictions issues des articles 132-44 et 132-45 du Code pénal🏛🏛 relatifs au régime de la probation depuis la loi du 9 mars 2004🏛, ce qui peut rassurer le législateur et l’inciter à réintégrer la matière criminelle. En réalité, l’intégration de la matière criminelle à l’article 720-1 du Code de procédure pénale🏛 serait surtout intéressante pour les personnes condamnées pour la commission d’un crime à une peine inférieure ou égale à dix années en raison des circonstances de l’espèce, soit l’équivalent d’une peine délictuelle dont la matière est en l’occurrence visée. Cela permettrait de corriger l’incohérence pratique relevée tenant uniquement compte de la matière et faisant abstraction du quantum de la peine. En définitive, en supprimant la référence à la matière correctionnelle, tout en maintenant le seuil d’éligibilité de deux années d’incarcération, l’on permettrait à toutes les courtes et moyennes peines, indépendamment de la matière en cause, d’accéder à ces aménagements et aux longues peines de n’y accéder qu’en fin de peine, une fois le trouble causé estompé. Enfin, s’il existe une incompatibilité manifeste entre les longues peines et les mesures de fractionnement et de suspension de peine, il est prévu dans certains cas que la suspension de peine puisse être accordée indépendamment de la matière de l’infraction ou du quantum de la peine restant à subir.

§2 - Un accès permis à la suspension de peine médicale spéciale

170. Création d’une suspension médicale de peine spéciale. Comme il a pu être observé, l’article 720-1 du Code de procédure pénale🏛 prévoit notamment une mesure de suspension de peine pour un motif d’ordre médical et le législateur n’exige plus que celui-ci soit grave pour que le condamné puisse bénéficier de cet aménagement. Cependant, outre l’exclusion de la matière criminelle, la durée d’une telle mesure ne peut excéder quatre années et cet aménagement ne peut intervenir que lorsque la peine privative de liberté restant à subir n’excède pas deux années voire quatre exceptionnellement. Ces restrictions ne correspondent pas à la situation de certains condamnés dont l’état de santé est grandement fragilisé. C’est la raison pour laquelle, le 28 juin 2000, Jean-Jacques Hyest et Guy-Pierre Cabanel préconisaient devant le Sénat l’adoption d’une suspension de peine médicale spéciale. Contestant l’efficacité des grâces accordées en fin de vie, ils indiquaient : « La commission d’enquête estime indispensable d’introduire une possibilité de suspension de peine pour les condamnés dont il est établi, par expertise médicale, qu’ils sont atteints d’une maladie mettant en jeu le pronostic vital. Cette mesure serait prononcée par le juge de l’application des peines. Les prisons françaises tendent, en effet, à devenir des mouroirs, seule la grâce médicale permettant la libération de détenus en fin de vie. Or, ces grâces médicales ne sont accordées que parcimonieusement et après de longs délais[698] ». Messieurs Hyest et Cabanel n’évoquaient alors que le cas des personnes détenues dont le pronostic vital était engagé. Lors des travaux préparatoires de la loi du 4 mars 2002🏛[699], Pierre Fauchon reprenait la proposition précédente dans son avis en indiquant : « Le présent projet de loi, qui concerne les droits des malades et dans lequel l’Assemblée nationale a souhaité prévoir que « chacun a droit à une mort digne » offre l’occasion de traiter sans attendre la question des détenus en fin de vie[700] ». Ainsi, il proposait : « Par un article additionnel, […] d’insérer dans le code de procédure pénale un article 720-1-1 pour permettre au juge de l’application des peines ou à la juridiction régionale de la libération conditionnelle de prononcer une suspension de peine pour les détenus atteints d’une maladie mettant en jeu le pronostic vital ou durablement incompatible avec le maintien en détention[701] ». Pierre Fauchon ne visait donc plus uniquement les personnes condamnées dont le pronostic vital était engagé mais également celles dont l’état de santé était durablement incompatible avec le maintien en détention. Ce sont ici les deux fondements de la suspension de peine médicale spéciale créée par la loi du 4 mars 2002 inaugurant l’article 720-1-1 du Code de procédure pénale🏛. L’on comprend bien alors que cette suspension de peine vise deux situations particulières et se distingue ainsi de la suspension de peine pour motif médical de l’article 720-1 du Code de procédure pénale🏛 sollicitée lorsque la situation médicale du condamné est bien moins grave. Cette distinction justifie que la suspension médicale de peine spéciale soit applicable à l’ensemble des condamnés, y compris ceux l’ayant été pour la commission d’un crime. Les longues peines peuvent donc bénéficier d’une telle mesure (A) bien que des restrictions soient prévues par le législateur (B).

A°) Une suspension médicale applicable aux longues peines

171. L’indifférence de la nature de l’infraction. La nature de l’infraction n’est pas visée par l’article 720-1-1 du Code de procédure pénale🏛 qui s’applique à l’ensemble des condamnés. Les personnes condamnées en raison de la commission d’un crime peuvent donc bénéficier d’une suspension médicale de peine. Si la matière criminelle n’est pas exclue de jure, cela s’explique par la différence des enjeux. La situation médicale du condamné est bien plus grave ici que lorsqu’il s’agit d’un fractionnement ou d’une suspension pour motif d’ordre médical. Ainsi, le domaine de l’article 720-1-1🏛 du Code de procédure pénale🏛 englobe l’ensemble de la population pénale en raison de la gravité de la situation. Une solution inverse aurait été contraire au respect de la dignité du condamné et se serait révélée inhumaine. D’ailleurs, dès 1992, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) qualifiait d’ « humainement intolérable » le fait de maintenir en détention des personnes en fin de vie ou souffrant d’une pathologie incompatible avec ce maintien. Il dénonçait : « Des exemples typiques sont ceux de détenus qui présentent un pronostic fatal à court terme, ceux qui souffrent d'une affection grave dont le traitement ne peut être conduit correctement dans les conditions de la détention ainsi que ceux qui sont sévèrement handicapés ou d'un grand âge. La détention continue de telles personnes en milieu pénitentiaire peut créer une situation humainement intolérable. Dans des cas de ce genre, il appartient au médecin pénitentiaire d'établir un rapport à l'intention de l'autorité compétente, afin que les dispositions qui s'imposent soient prises[702] ». Sept ans après l’adoption de la loi du 4 mars 2002🏛, l’article 22 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 rappelait que, bien que le respect de la dignité de la personne détenue puisse être restreint pour des considérations sécuritaires notamment, ces restrictions devaient tenir compte de l’état de santé de la personne détenue. Il disposait : « L'administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits. L'exercice de ceux-ci ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la récidive et de la protection de l'intérêt des victimes. Ces restrictions tiennent compte de l'âge, de l'état de santé, du handicap et de la personnalité de la personne détenue ». L’on comprend bien ici que la situation est telle qu’il n’est pas possible humainement de distinguer entre les condamnations prononcées, l’état de santé ayant pris le pas sur le statut de condamné et la condamnation pénale en elle-même. La chambre criminelle de la Cour de cassation rappelle d’ailleurs fermement dans un arrêt du 12 février 2003 que « l’article 720-1-1 (…) ne fixe aucune condition tenant à la nature des infractions sanctionnées » ni même à l’existence d’un « risque de trouble à l’ordre public[703] ». Il s’agissait en l’espèce d’une condamnation prononcée pour complicité de crime contre l’humanité. De la même façon, les conditions temporelles exigées en matière de suspension de peine pour un motif d’ordre médical ne sont pas maintenues lorsqu’il s’agit d’une suspension médicale de peine spéciale.

172. L’indifférence de la durée de la peine prononcée ou restant à subir. Contrairement au fractionnement et à la suspension de peine accordés pour un motif d’ordre médical, la suspension médicale de peine spéciale peut l’être alors que le reliquat de peine à exécuter est supérieur à deux années puisqu’en réalité, aucun seuil n’est fixé. En effet, l’article 720-1-1 du Code de procédure pénale🏛 précise que la mesure est applicable « quelle que soit […] la durée de la peine restant à subir ». Il faut se souvenir du vide juridique en la matière, affectant spécifiquement les condamnations de longue durée, avant l’adoption de l’article 720-1-1 du Code de procédure pénale🏛. Les personnes condamnées à une longue peine privative ne pouvaient qu’espérer que leur recours en grâce soit accepté ou attendre que les conditions temporelles d’accès à libération conditionnelle, à savoir le temps d’épreuve et le cas échéant la période de sûreté, soient remplies. Il n’existait aucune procédure spécifique prenant en compte l’état de santé du condamné devenu incompatible avec la détention. L’arrêt Mouisel contre France en demeure une parfaite illustration. Dans cette affaire, Jean Mouisel, condamné à une peine de quinze ans de réclusion criminelle, découvrait qu’il était atteint d’une leucémie en détention et suivait des séances de chimiothérapie en hospitalisation de jour. Se plaignant d’être entravé pendant ces séances, il décidait d’arrêter son traitement. La question de la compatibilité entre sa pathologie et sa détention se posait alors. Une expertise concluait à la nécessité de prise en charge en milieu spécialisé. Par la suite, Jean Mouisel était transféré dans un autre établissement pénitentiaire avant d’obtenir une libération conditionnelle. La Cour européenne des droits de l’Homme, dans son arrêt rendu le 14 novembre 2002, condamne l’Etat français n’ayant « pas assuré une prise en charge de l’état de santé du requérant lui permettant d’éviter des traitements contraires à l’article 3 de la Convention. Son maintien en détention [ayant] porté atteinte à sa dignité. Il a constitué une épreuve particulièrement pénible et causé une souffrance allant au-delà de celle que comportent inévitablement une peine d’emprisonnement et un traitement anticancéreux. La Cour conclut en l'espèce à un traitement inhumain et dégradant en raison du maintien en détention dans les conditions examinées ci-devant. Partant, il y a eu violation de l'article 3 de la Convention[704] ». Si aucune « obligation générale de libérer un détenu pour motifs de santé[705] » n’est prévue par la Cour, cette dernière exige toutefois que les « États membres [mettent] à disposition des détenus malades un droit de recours effectif et réel[706] ». L’intérêt de la suspension médicale spéciale née quelque mois avant que cet arrêt ne soit rendu est de permettre de respecter la dignité de l’ensemble des condamnés en fin de vie ou dont l’état de santé n’est pas compatible avec la détention, indépendamment de tout critère temporel qui aurait affaibli le mécanisme. Depuis cette loi, les personnes condamnées à de longues peines peuvent bénéficier d’une procédure juridictionnelle adaptée lorsque leur état de santé le nécessite, quel que soit le stade de l’exécution de leur peine. D’ailleurs la Cour européenne des droits de l’Homme considère qu’une telle procédure est « susceptible de constituer des garanties pour assurer la protection de la santé et du bien-être des prisonniers que les Etats doivent concilier avec les exigences légitimes de la peine privative de liberté ». La condamnation de la France résulte du fait que la création de ce mécanisme par la loi du 4 mars 2002🏛 n’avait pas permis à Jean Mouisel d’en bénéficier.

173. L’indifférence de la période de sûreté. Au-delà des conditions temporelles propres à chaque aménagement de peine, il a été préalablement évoqué le blocage de l’accès à ces mesures par le jeu de la période de sûreté. Il convient de remarquer, tout d’abord, que les articles 132-23 du Code pénal🏛 et 720-2 du Code de procédure pénale, sièges de la période de sûreté, ne font aucune mention de la suspension médicale de peine spéciale. Surtout, il est très clairement précisé au sein de l’article 720-1-1 du Code de procédure pénale🏛 que : « les dispositions de l'article 720-2 ne sont pas applicables lorsqu'il est fait application des dispositions du présent article ». Là encore, cette disposition permet d’inclure les longues peines en ce que même lorsque les conditions temporelles d’accès à un aménagement leur sont favorables, elles sont bien souvent entravées par le prononcé d’une période de sûreté. L’exclusion expresse de la période de sûreté se justifie par le caractère exceptionnel de cet aménagement de peine et démontre son unicité par rapport aux mesures traditionnelles. En effet, c’est à double titre que la période de sûreté ne peut trouver à s’appliquer en la matière. D’une part, la fonction punitive de la période de sûreté, tout comme celle de la sanction prononcée, doit s’estomper devant la gravité de l’état de santé du condamné. Quelle que soit l’infraction commise, constituerait un traitement inhumain et dégradant le fait de laisser une personne détenue décéder en détention ou, comme l’indique la Cour européenne des droits de l’Homme, le fait de la confronter à une « détresse » ou une « épreuve d'une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention[707] ». D’autre part, au regard de la fonction neutralisatrice de la période de sûreté des individus considérés comme dangereux, il faut comprendre que la gravité de l’état de santé du condamné dont il est question ne lui permettrait pas a priori de commettre une nouvelle infraction. La suspension médicale de peine spéciale ne consiste pas à élargir une personne détenue qui serait en capacité de se soustraire à la justice ou de récidiver. Le risque encouru par la société à cet égard, compte tenu des conditions d’accès à cet aménagement, demeure minime. Dans ces conditions, le sens de la période de sûreté a disparu. Enfin, outre l’indifférence de la nature de l’infraction, du prononcé d’une période de sûreté et l’absence de conditions temporelles d’octroi, un dernier mécanisme permet de constater que cet aménagement est adapté aux longues peines. En effet, lorsque l’état de santé du condamné demeure incompatible avec la détention, il n’est pas forcément opportun de faire perdurer la suspension médicale de peine indéfiniment. Aussi, le législateur a prévu de faciliter la transition entre la suspension médicale et la libération conditionnelle en revoyant les conditions normalement exigées.

174. Une suspension médicale facilitant l’octroi d’une libération conditionnelle pour les longues peines. Comme d’ores et déjà indiqué, il existe un lien entre la suspension médicale de peine et la libération conditionnelle[708]. En effet, le législateur s’est interrogé sur les suites à donner à la suspension médicale de peine lorsque l’état de santé du condamné semblait consolidé à tel point qu’aucun retour en détention n’était envisageable alors même que les conditions temporelles exigées en matière de libération conditionnelle n’étaient pas remplies. Cette situation constituait une impasse puisque si l’on s’en tenait à une interprétation stricte des textes, aucune libération conditionnelle ne pouvait être accordée tant que le condamné n’avait pas été réincarcéré en vue de l’exécution de son temps d’épreuve. Or, son état de santé se révélant durablement incompatible avec la détention, l’on faisait face à un cercle vicieux dont la conséquence se matérialisait par une suspension illimitée de la peine. Près d’une douzaine d’années après la création de la suspension médicale de peine, le législateur décida d’y introduire une porte de sortie, non par la révocation de la suspension mais au contraire par sa transition vers une libération conditionnelle, consacrant ainsi une pratique prétorienne[709]. C’est ainsi que la loi du 15 août 2014🏛[710] introduisit un dernier alinéa à l’article 729 du Code de procédure pénale🏛 permettant au condamné admis au régime de la suspension médicale de peine depuis trois années de solliciter une libération conditionnelle sans qu’il n’ait à satisfaire aux conditions quant à la durée de la peine accomplie. Cet alinéa supplémentaire prévoyait précisément que : « lorsque le condamné[bénéficiait] d'une mesure de suspension de peine sur le fondement de l'article 720-1-1, la libération conditionnelle [pouvait] être accordée sans condition quant à la durée de la peine accomplie si, à l'issue d'un délai de trois ans après l'octroi de la mesure de suspension, une nouvelle expertise [établissait] que son état de santé physique ou mentale [était] toujours durablement incompatible avec le maintien en détention et si le condamné [justifiait] d'une prise en charge adaptée à sa situation ». L’inauguration de ce mécanisme présente un triple intérêt.

175. Triple intérêt du mécanisme. Tout d’abord, aux yeux de la justice, l’exécution de la peine n’est plus suspendue et cette dernière peut enfin être comptabilisée comme étant exécutée, ou à tout le moins en cours d’exécution. En effet, une suspension de peine illimitée rajouterait aux difficultés existantes d’exécution des décisions pénales[711]. Pour le condamné, la bascule opérée vers le mécanisme de la libération conditionnelle est intéressante puisque le temps qui passe est enfin décompté de la condamnation. En réalité, se posait surtout la question de l’opportunité d’un retour en détention après plusieurs mois voire plusieurs années pendant lesquels le condamné avait pu se réinsérer ou commencer à se réinsérer dans la société. Cette interrogation a d’ailleurs pu conduire certains auteurs à souhaiter que la libération conditionnelle puisse prendre le relais de la suspension de peine quand bien même l’état de santé du condamné se serait amélioré, uniquement sur le fondement de la réinsertion assurée[712]. A cet égard, l’on peut rappeler que si les conditions temporelles et matérielles sont remplies, il n’y a aucune difficulté à ce que la libération conditionnelle succède à une suspension médicale de peine. Dans le cas contraire, et si l’état de santé du condamné s’est amélioré, une réincarcération, bien que discutable d’un point de vue criminologique, demeure plus conforme à l’esprit des textes d’un point de vue juridique. Enfin, ce mécanisme est opportun au regard de la société, puisque le condamné ne pouvant être détenu, l’octroi d’une libération conditionnelle permet de l’inscrire dans un parcours d’exécution de sa peine - bien sûr hors des murs de l’établissement pénitentiaire - et ainsi de le soumettre au régime d’un aménagement pouvant se révéler plus contraignant que celui de la suspension de peine.

176. Dispense d’exécution de la période de sûreté. Si l’intérêt de ce mécanisme est indéniable, un débat s’est toutefois ouvert quant à la définition de l’absence de « condition quant à la durée de la peine accomplie » visée par l’article 729 du Code de procédure pénale🏛. Si cela parait concerner le temps d’épreuve inhérent à la libération conditionnelle, il semblerait que cette expression inclue également la période de sûreté. En effet, l’esprit du législateur étant de favoriser la continuité des soins médicaux du condamné, il serait incohérent qu’il subordonne cette disposition plus favorable à l’exécution d’une période de sûreté alors que cette dernière n’est pas exigée en matière de suspension médicale de peine. C’est d’ailleurs la position soutenue par la Cour de cassation dans un arrêt rendu par la chambre criminelle le 3 mars 2021. En l’espèce, le ministère public avait interjeté appel de la décision rendue par le tribunal de l’application des peines de Paris spécialement compétent en matière de terrorisme ayant accordé une libération conditionnelle à la suite d’une suspension de peine médicale à un condamné n’ayant pas exécuté sa période de sûreté. Le ministère public invoquait « l’interprétation stricte » de l’article 729 du Code de procédure pénale🏛 et relevait que ce dernier ne visait aucunement l’exclusion des dispositions relatives à la période de sûreté lorsque la libération conditionnelle prenait le relais de la suspension de peine médicale. La chambre de l’application des peines de Paris confirmait la décision de première instance et le ministère public formait un pourvoi en cassation. Dans sa décision du 3 mars 2021, la chambre criminelle indique que les juges de première instance ont fait une exacte application des dispositions du Code de procédure pénale en retenant que l’octroi d’une libération conditionnelle en tant que « prolongement » de la suspension médicale de peine n’est pas plus subordonnée à l’exécution d’une période de sûreté que la suspension médicale de peine telle que prévue par l’article 720-1-1 du Code de procédure pénale🏛[713]. La position de la chambre criminelle n’est pas surprenante et fait montre de cohérence avec l’esprit du texte souhaitant exonérer autant que faire se peut le condamné des conditions temporelles. D’ailleurs, c’est moins de cinq ans après l’introduction de la « passerelle » entre la suspension médicale de peine et la libération conditionnelle que le législateur a décidé d’abaisser la durée minimale de la suspension médicale de peine passant ainsi de trois à une année avant que ne puisse intervenir une libération conditionnelle[714]. A travers cette réduction, il réaffirme l’idée selon laquelle il n’est pas opportun que la suspension de peine s’inscrive durablement dans le temps. Pour autant, il ne faudrait pas imaginer qu’aucune condition n’est imposée au condamné pour être admis au bénéfice de la libération conditionnelle « relais ».

177. Conditions de mise en œuvre de la libération conditionnelle-relais. Outre la durée minimale d’une année de suspension médicale de peine, deux conditions supplémentaires sont exigées. D’une part, une expertise doit établir que l’état de santé demeure durablement incompatible avec le maintien en détention. N’est pas visé le cas où le pronostic vital du condamné est engagé. A vrai dire, la suspension de peine médicale accordée le cas échéant, permet plutôt au condamné de vivre ses derniers instants hors de l’enceinte de l’établissement pénitentiaire et ladite suspension ne s’inscrit généralement pas dans la durée, le pronostic devant être engagé à court terme[715]. Néanmoins, dans le cas où le pronostic vital serait toujours engagé une année après l’octroi d’une suspension de peine médicale, l’on peut imaginer que l’incompatibilité entre l’état de santé et le maintien en détention serait a minima établi par une expertise. D’autre part, le condamné doit justifier d’une prise en charge adaptée à sa situation. Évidemment, le législateur fait référence à la prise en charge médicale du condamné. Selon Martine Herzog-Evans, il fait également référence à sa prise en charge criminologique[716]. Il est vrai que la notion de « prise en charge adaptée à sa situation » n’est pas nouvelle et apparait déjà au sein de l’alinéa précédent. Cette notion est, en effet, employée dans le cadre de la libération conditionnelle des personnes âgées de plus de soixante-dix ans. Dans les deux cas, il s’agit d’exonérer le condamné de l’exécution d’un temps d’épreuve. Concernant la libération conditionnelle des personnes âgées de plus de soixante-dix ans, le législateur exige une prise en charge adaptée à sa situation ou un hébergement. Par conséquent, il ne parait pas faire uniquement référence à son état de santé compte tenu de son âge mais à une prise en charge globale. En raisonnant par analogie, l’on peut également retenir cette interprétation pour la libération conditionnelle « relais » de la suspension de peine. D’ailleurs, l’hébergement et la prise en charge de la situation médicale du condamné sont des éléments déjà pris en compte en vue du prononcé d’une suspension de peine[717]. En 2007, une étude faisait état de ce que 17% des refus de suspension médicale de peine étaient justifiés par des difficultés relatives à ces critères[718]. Encore récemment, un « constat alarmant » était dressé au regard des très grandes difficultés de mise en œuvre des suspensions de peine accordées en raison de l’absence de « structures d’hébergement adaptées[719] ». Par ailleurs, si une certaine durée de suspension de peine, une expertise médicale et une prise en charge adaptée à la situation du condamné sont indispensables pour solliciter une telle libération conditionnelle, la reconnaissance des faits n’est pas plus exigée en la matière qu’en cas de libération conditionnelle classique[720]. Cependant, en ce qui concerne les efforts sérieux de réinsertion exigés en vue d’obtenir une libération conditionnelle, le législateur reste silencieux. Il est vrai qu’imposer la réalisation d’efforts sérieux de réinsertion engendrerait quelques difficultés pratiques. Il faut rappeler que l’état de santé du condamné durablement incompatible avec son maintien en détention rend peu probable l’exercice d’un emploi, le suivi d’un enseignement ou l’implication dans un projet de réinsertion. La libération conditionnelle pourrait éventuellement reposer sur la nécessité de suivre un traitement. Toutefois, si le législateur ne semble pas exiger la réalisation d’efforts de réinsertion pour être admis au bénéfice d’une libération conditionnelle relais d’une suspension médicale de peine, il pourrait tout à fait être imposé au condamné dont l’état de santé se serait amélioré de suivre une formation voire d’exercer une activité professionnelle et de s’acquitter, le cas échéant, des sommes dues au Trésor public ainsi qu’aux parties civiles, en application des articles 132-45 du Code pénal🏛 et D536 du Code de procédure pénale.

178. Dispense d’évaluation obligatoire de dangerosité. Concernant plus spécifiquement les longues peines, se pose la question de l’applicabilité des régimes dérogatoires prévus pour elles. Ces régimes sont issus des articles 730-2 et 730-2-1 du Code de procédure pénale🏛🏛 et prévoient la nécessité de réaliser une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité, notamment au sein de l’un des sites du centre national d’évaluation (CNE) localisés dans des établissements pénitentiaires. L’admission au centre national d’évaluation pendant plusieurs semaines d’un condamné dont l’état de santé est durablement incompatible avec la détention pose une difficulté d’ordre pratique puisqu’elle consiste en une réincarcération. Or, le législateur ayant supprimé l’exigence d’exécution du temps d’épreuve pour ne pas ordonner la réincarcération du condamné, il eut été contradictoire d’exiger une telle admission. C’est la raison pour laquelle la chambre criminelle de la Cour de cassation a rendu un arrêt le 24 juin 2020 aux termes duquel elle précise que l’évaluation pluridisciplinaire de dangerosité « devant être conduite sous le régime de l’incarcération, impossible à réaliser compte tenu de l’état de santé de l’intéressée, lequel est incompatible avec la détention […], les personnes condamnées qui bénéficient de la suspension de peine prévue par l’article 720-1-1 du code de procédure pénale🏛 peuvent être placées en libération conditionnelle dans les conditions fixées par l’article 729, dernier alinéa, du même code🏛, sans que les dispositions de l’article 730-2 reçoivent application[721] ». La chambre criminelle réaffirme sa position le 3 mars 2021 dans une espèce concernant des faits de terrorisme et, par conséquent, la question de l’applicabilité des dispositions de l’article 730-2-1 du Code de procédure pénale🏛[722]. Cette position est conforme aux velléités humanitaires du législateur qui a fait le choix de ne pas imposer des conditions de détention indignes, et pouvant être assimilées à des traitements inhumains et dégradants au sens des articles 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme🏛 ou encore 5 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, à une personne dont l’éventuelle dangerosité au regard de l’infraction commise serait de facto estompée par son état de santé. Toutefois, qu’il s’agisse de l’inapplicabilité de ces régimes spéciaux ou d’une période de sûreté, l’on peut déplorer l’imprécision et le silence du législateur auquel la chambre criminelle se substitue systématiquement. Enfin, si l’accès à la suspension médicale de peine semble adapté aux longues peines, c’est sans doute parce que cet aménagement est strictement encadré.

B°) Une suspension strictement encadrée

179. Un pronostic vital engagé à court terme. Si aucune catégorie de condamnés n’est exclue du bénéfice de la suspension médicale de peine, les conditions d’accès à cet aménagement sont néanmoins strictement établies par le législateur. Deux situations sont précisément visées, à savoir : la situation dans laquelle le condamné est atteint d’une pathologie engageant son pronostic vital et celle dans laquelle son état de santé est durablement incompatible avec son maintien en détention. Il n’est pas toujours aisé pour les juges d’appréhender ces deux circonstances. Tout d’abord, s’est rapidement posée la question de l’échéance de l’engagement du pronostic vital. La chambre criminelle s’est prononcée le 28 septembre 2005 dans une espèce concernant un condamné sollicitant une suspension médicale de peine[723]. Tandis que les experts reconnaissaient que les pathologies dont était atteint le condamné engageaient son pronostic vital, ils se révélaient néanmoins dans l’impossibilité de déterminer une quelconque échéance. D’autre part, les experts précisaient que compte tenu des traitements adéquats administrés au requérant en détention, celui-ci était en capacité de réaliser les actes de la vie quotidienne. Il importe de souligner que les experts indiquaient que le condamné aurait bénéficié de la même prise en charge hors des murs. En effet, ces derniers relevaient que « les soins seraient identiques à l'extérieur, c'est-à-dire qu'il serait surveillé à la même fréquence et bénéficierait de soins ambulatoires ». Ces arguments excluaient l’octroi d’une suspension médicale de peine sur le fondement de l’état de santé durablement incompatible avec le maintien en détention. Concernant l’existence d’une pathologie engageant le pronostic vital, la Haute juridiction a rejeté le pourvoi formé par le condamné en indiquant que « c'est nécessairement à court terme que la pathologie dont souffre le condamné doit engager le pronostic vital ». En l’espèce, l’impossibilité pour les experts de déterminer une échéance ne permettait pas d’accorder une suspension de peine au condamné. La Cour de cassation précise donc les termes de la loi en exigeant un pronostic vital engagé à court terme. Deux observations peuvent être formulées à la lecture de cet arrêt. Tout d’abord, il serait intéressant de savoir ce que la chambre criminelle entend par la notion de « court terme », c’est-à-dire si le décès du condamné doit être envisagé à quelques jours, quelques semaines ou quelques mois. Deuxièmement et surtout, la position de la Cour nous renvoie aux difficultés rencontrées par les experts, et plus généralement par les médecins, à déterminer l’échéance à laquelle le pronostic vital d’un patient est engagé. A ce titre l’on distingue le diagnostic posé par le médecin, consistant en l’ « identification d’une maladie par ses symptômes[724] », du pronostic relevant d’une « conjecture », d’une « hypothèse[725] ». Il est d’ailleurs rappelé que « la médecine ne peut prétendre répondre à une question d'apparence métaphysique (la personne détenue présente-t-elle un risque de mourir très prochainement), multi-factorielle et d'appréciation subjective[726] », de même que « les médecins ne sont pas en mesure de déterminer, d'une manière suffisamment précise, dans quels délais une personne va décéder[727] ». Force est de constater néanmoins l’interprétation restrictive opérée par la Cour de cassation dans le cadre de l’engagement du pronostic vital.

180. Incompatibilité entre état de santé du condamné et maintien en détention. Dans la crainte d’élargir une personne condamnée sans avoir pu exiger d’efforts de réinsertion préalables, l’appréciation de l’état de santé durablement incompatible avec la détention est également réalisée précautionneusement. Cette seconde notion tient compte de trois critères. En premier lieu, tout comme lorsque le pronostic vital du condamné est engagé, il s’agit d’évaluer l’état de santé du condamné. Deuxièmement, il convient d’analyser les conditions de détention. Enfin, il appartient à l’expert désigné de vérifier la compatibilité entre l’état de santé et les conditions de détention du condamné. Ainsi, la suspension de peine accordée dans ce cas ne dépend pas uniquement de l’état de santé du condamné, contrairement à celle accordée lorsque le pronostic vital du condamné est engagé à court terme. Ici, une distinction entre « incapacité » et « handicap » doit être établie. A ce titre, il est indiqué que : « l'incapacité est, pour rappel, la conséquence de la déficience d'un organe ou d'une fonction qui se traduit par une limitation ou une restriction d'activité. Quant au handicap, il est l'écart entre l'incapacité de l'individu et les ressources matérielles et sociales dont il dispose pour pallier ces incapacités. Dans ces conditions, la mission du médecin expert est ici très précise : décrire les incapacités résultant de déficiences physiologiques ; dire si les ressources mises en place en détention permettent au patient de combler cette incapacité ou si la personne se trouve dans une situation de handicap qui porte atteinte à sa dignité et incompatible avec son maintien en détention[728] ». Par conséquent, en la matière, le regard se pose autant sur l’état de santé du condamné que sur le traitement pénitentiaire qui lui est réservé[729]. Ces propos peuvent être illustrés par une décision rendue le 24 octobre 2006 aux termes de laquelle la Cour européenne des droits de l’Homme juge qu’une personne paraplégique condamnée à une peine de dix années de réclusion criminelle ne pouvant « se déplacer et en particulier quitter sa cellule, par ses propres moyens » avait subi un « traitement dégradant au sens de l’article 3 de la Convention[730] ». Si l’architecture carcérale avait permis au condamné de se déplacer par ses propres moyens, autrement dit si elle avait été adaptée à la paraplégie dont il était atteint, l’Etat n’aurait pas été condamné sur ce fondement, indépendamment de l’état de santé du condamné. D’ailleurs, lorsque la chambre criminelle est saisie de cette affaire (le condamné s’étant pourvu en cassation après la décision rendue par la juridiction européenne, en raison du rejet de sa demande de suspension médicale de peine), elle n’hésite pas à casser l’arrêt rendu par la chambre de l’application des peines de la cour d’appel d’Amiens, lui reprochant le rejet de cette demande sans n’avoir « cherché si les conditions effectives de détention étaient durablement incompatibles avec l'état de santé[731] ». Dans une espèce similaire, le condamné avait justement sollicité une suspension médicale de sa peine en raison des conditions carcérales qu’il estimait incompatibles avec la paraplégie dont il souffrait. Il se plaignait d’une part, de ne pas pouvoir se déplacer, en particulier à la salle de sport, du fait de locaux inadaptés à son fauteuil roulant. Il regrettait, d’autre part, l’insuffisance de l’offre de soins, en particulier de kinésithérapie. Si les rapports rendus par deux experts mandatés en première instance reconnaissaient les pathologies dont souffrait le condamné, ils concluaient cependant à l’absence d’incompatibilité entre son état de santé et son maintien en détention[732]. Le premier expert posait toutefois une condition en subordonnant ce maintien à l’hébergement du condamné au sein « d’un établissement adapté à son handicap lui permettant de pratiquer de la kinésithérapie régulière » et à « un accès adapté à une salle de sport[733] ». La chambre de l’application des peines confirmait la décision de première instance aux motifs que si l’établissement pénitentiaire au sein duquel le requérant avait été transféré conformément à sa demande de rapprochement familial ne satisfaisait pas aux conditions posées par l’expert, il n’y avait toutefois pas lieu d’accorder une suspension médicale de peine étant donné que le parc pénitentiaire comportait d’autres établissements mieux adaptés. Dans cette espèce, les juges de Strasbourg constatent, d’une part, qu’en plus de trois années de détention, aucun kinésithérapeute n'est intervenu et ce malgré les sollicitations de l'administration pénitentiaire[734]. Dans un deuxième temps, ils invoquent l’article D360 du Code de procédure pénale🏛 pour contester l’argument soutenu par l’Etat défendeur rejetant la responsabilité du non-transfèrement du condamné sur le condamné lui-même, et réaffirmer qu’il appartenait à l’administration pénitentiaire de procéder au transfèrement nécessaire à la prise en charge du condamné malade[735]. En conclusion, la Cour retient la violation de l’article 3 de la Convention, « les autorités nationales [n’ayant pas assuré] une prise en charge propre à épargner [au condamné] des traitements contraires » à cet article. Cet arrêt illustre l’esprit de l’article 720-1-1 du Code de procédure pénale🏛 et plus précisément la suspension médicale de peine prévue dans le cas où l’état de santé du condamné est durablement incompatible avec son maintien en détention. En effet, selon les conditions de détention variant d’un établissement pénitentiaire à un autre, il peut être décidé que le maintien en détention est possible ou non. En l’espèce, en l’absence de transfèrement vers un établissement adapté, le condamné aurait dû bénéficier d’une suspension de peine. Ces deux décisions ne sont pas surprenantes tant il est vrai que le droit européen s’est largement emparé de la question des conditions de détention[736]. D’ailleurs, depuis la loi du 8 avril 2021🏛 tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention, le législateur a décidé d’ouvrir un recours au condamné désormais en mesure de solliciter du juge l’application des peines qu’il soit mis fin aux conditions de détention indignes qu’il estime subir, conformément aux dispositions de l’article 803-8 du Code de procédure pénale🏛[737].

181. Prise en compte de l’état de santé mentale du condamné. Si l’on conçoit parfaitement que la peine d’un condamné dont l’état de santé physique est durablement incompatible avec le maintien en détention soit suspendue, la question de la prise en compte de l’état de santé mentale s’est posée. En effet, celle-ci constitue un sujet sensible en prison. D’ailleurs, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté s’en est à nouveau ému via un avis rendu le 14 octobre 2019[738]. Il déplorait la méconnaissance du sujet, notamment en raison de l’absence d’études récentes sur les pathologies mentales affectant les personnes détenues, l’incapacité du personnel pénitentiaire (dont ce n’est pas le rôle) et plus largement celle de l’administration pénitentiaire de prendre en charge les personnes détenues malades. Il convient de rappeler qu’en vertu de la règle pénitentiaire européenne 12.1 : « Les personnes souffrant de maladies mentales et dont l’état de santé mentale est incompatible avec la détention en prison devraient être détenues dans un établissement spécialement conçu à cet effet ». A cet égard, la France a été condamnée le 23 février 2012 par la Cour européenne des droits de l’Homme en raison de la violation de l’article 3 de la Convention[739]. En l’espèce, le requérant atteint d’une « psychose chronique de type schizophrénique générant des troubles hallucinatoires et délirants, ainsi que des conduites agressives et addictives[740] » déclaré irresponsable pénalement à la suite de l’incendie ayant causé le décès de son co-détenu, se plaignait notamment de l’alternance des périodes d’hospitalisation et d’incarcération. Il considérait que sa réincarcération à la moindre amélioration de son état de santé mentale constituait un traitement inhumain et dégradant au sens de l’article 3. Les juges de Strasbourg ont confirmé cette violation, estimant que ses réincarcérations dans les conditions de détention décrites entravaient « le traitement médical que son état psychiatrique exigeait [et lui infligeaient] une épreuve d’une intensité qui [excédait] le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention[741] ». Cet arrêt permettait de mettre en exergue les « lacunes du système français en matière de prise en charge des détenus malades mentaux[742] ». Il faut néanmoins attendre quelques années avant que le législateur ne prenne en compte l’état de santé mentale du condamné dans le cadre d’une suspension médicale de peine. En effet, lors de l’adoption de la loi du 4 mars 2002🏛, étaient expressément exclus « les cas d'hospitalisation des personnes détenues en établissement de santé pour troubles mentaux » du bénéfice de l’article 720-1-1 du Code de procédure pénale🏛. Deux ans après l’arrêt précité, la réforme pénale du 15 août 2014 élargissait la suspension médicale de peine aux situations dans lesquelles l’état de « santé mentale » était durablement incompatible avec le maintien en détention du condamné, en excluant alors uniquement les cas des « personnes détenues admises en soins psychiatriques sans leur consentement ». Avec la loi du 23 mars 2019🏛, le législateur supprime cette dernière exception et l’état de santé physique et mentale du condamné est à présent indifféremment pris en considération. En effet, lors des travaux préparatoires, il était regretté que si « cette exclusion s’expliqu[ait] par la comptabilisation de la période de soins sous contrainte, exécutée dans un cadre pénitentiaire, sur le temps de la peine, en pratique, elle oblige[ait] à multiplier les allers-retours en hospitalisation d’office dans une unité hospitalière spécialement aménagée ou dans un hôpital psychiatrique le temps pour la personne de se soigner, ce qui entraîn[ait] de nombreuses ruptures de soins et une aggravation de son état de santé dès son retour en détention[743] ». Il a donc été fait le choix à travers cette modification législative de faire primer la santé mentale du condamné sur le principe d’exécution de la peine. Pour autant, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté déplore l’insuffisante mise en œuvre de ce dispositif et indique que « les suspensions de peine accordées à des personnes détenues pour incompatibilité de leur état de santé mentale avec le maintien en détention demeurent trop rares, notamment faute d’un repérage pertinent des personnes susceptibles d’en bénéficier (expertises insuffisantes, personnel mal formé) et de l’absence de structure d’accueil[744] ». Pour pallier cette carence, il recommande de « favoriser le développement de structures hospitalières sécurisées en lieu et place de la création de prisons médicalisées afin d’assurer une prise en charge adaptée, y compris de longue durée, aux personnes détenues souffrant de troubles mentaux[745] ». La rareté regrettée par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté résulte aussi sans doute de ce que la suspension médicale de peine, qu’elle soit fondée sur l’état de santé physique ou mentale du condamné, demeure une faculté offerte aux magistrats. L’esprit humanitaire du texte n’a pas conduit le législateur à imposer une telle mesure quand bien même le pronostic vital du condamné est engagé. En effet, l’article 720-1-1 du Code de procédure pénale🏛 dispose que ladite « suspension peut […] être ordonnée ». La Haute juridiction fait, d’ailleurs, une interprétation stricte de ces dispositions en considérant que justifie sa décision, la cour d’appel qui, « après avoir répondu sans insuffisance aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, énonce, notamment, que l'article 720-1-1 du Code de procédure pénale🏛 n'est qu'une faculté donnée au juge et non une obligation qui s'impose à lui[746] ». Bien qu’il ne s’agisse pas d’une obligation, il n’en demeure pas moins que selon la situation médicale du condamné, la menace d’une condamnation européenne sur le fondement de l’article 3, sera prise en compte par les magistrats décisionnaires. Par ailleurs, le caractère facultatif des aménagements de peine lorsque les conditions clairement établies par le législateur sont réunies ne fait pas consensus. Ainsi, selon Martine Herzog-Evans, « pour tous les aménagements de peine dont le régime juridique s’avère suffisamment clair et protecteur de la sécurité publique, l’autonomie du magistrat doit se limiter, comme il est de règle en droit commun, à l’analyse de la correspondance des faits au regard des critères légaux. Elle ne devrait plus consister à laisser le magistrat, de manière quasiment capricieuse, admettre ou refuser le bénéfice d’un aménagement de peine, caprice qui cachait le plus souvent une crainte au regard de la sécurité[747] ». Il est vrai qu’il est toujours difficile pour le condamné de contester l’argument sécuritaire « joker » avancé par le juge de l’application des peines. D’ailleurs, ce critère s’est invité au sein de l’article 720-1-1 du Code de procédure pénale🏛.

182. Protection des intérêts de la société : absence de disposition spéciale antérieure. Tandis que la suspension de peine se fonde sur la situation médicale du condamné et qu’aucun effort de réinsertion n’est requis pour accéder à cet aménagement humanitaire, la protection de la société demeure un paramètre pris en compte par le législateur. Un décret du 28 avril 2002[748] crée en ce sens l’article D147-2 du Code de procédure pénale🏛 fixant les obligations et interdictions auxquelles le condamné bénéficiant d’une suspension de peine peut être soumis. Ce dernier peut également être soumis aux obligations et interdictions des articles 132-44 et 132-45🏛 du Code pénal🏛🏛, relatifs au régime de la probation. Une injonction de soins peut également être prononcée conformément à l’article 131-36-4 du Code pénal🏛. Par conséquent, le régime de la suspension de peine peut s’avérer plus ou moins strict selon les cas, afin de protéger les intérêts de la société. En revanche, lors de l’adoption de la loi du 4 mars 2002🏛, l’article 720-1-1 du Code de procédure pénale🏛 ne prévoyait aucune condition d’accès relative à la situation criminologique du condamné. Ainsi, la Cour de cassation affirmait que les juges de l’application des peines, « n'étaient tenus par aucun texte légal de rechercher si la mesure de suspension présentait un risque pour la sécurité et l'ordre public[749] ». Or, en l’absence de disposition spéciale, le représentant du ministère public invoquait en l’espèce l’application de l’article 707 du Code de procédure pénale🏛, à visée générale. C’est ainsi que le procureur général reprochait à la cour d’appel d’avoir accordé une suspension de peine « sans rechercher si cette mesure présentait un risque pour la sécurité et l'ordre public, alors que, d'une part, il résulte explicitement des termes de l'article 707, alinéa 2, du Code de procédure pénale🏛, que l'exécution des peines favorise, dans le respect des intérêts de la société et des droits des victimes, l'insertion ou la réinsertion des condamnés ainsi que la prévention de la récidive[750] ». Cette argumentation n’avait pas convaincu la chambre criminelle dont la position apparaissait satisfaisante pour certains auteurs. A ce titre, Pierrette Poncela rappelait le caractère général mais non préliminaire de l’article 707 du Code de procédure pénale🏛 « ayant vocation à s’effacer en présence de dispositions spéciales[751] ». Cependant, justement à la date à laquelle l’arrêt de la cour d’appel a été rendu, aucune disposition spéciale n’était prévue, ni dans le sens d’une prise en compte du risque pour la sécurité et l’ordre public, ni dans le sens d’une absence de prise en compte dudit risque. Le législateur restait silencieux en la matière. L'on peut donc penser que les dispositions générales avaient vocation à s’appliquer. Contrairement à Pierrette Poncela, Martine Herzog-Evans reconnaissait, dans le cadre d’une seconde affaire de demande de suspension médicale de peine, le caractère « préliminaire » de l’article 707 du Code de procédure pénale🏛 qu’elle qualifiait d’« excellent texte directeur » aux termes duquel les juges de l’application des peines « [étaient] parfaitement en droit, et même en devoir, de vérifier si la mesure qu'ils prennent présente un risque pour la sécurité publique », sans qu’il n’eut été besoin qu’une disposition spéciale intervienne[752].

183. Protection des intérêts de la société : condition actuelle d’absence de risque grave de renouvellement de l’infraction. Si l’article 707 du Code de procédure pénale🏛 pouvait sembler suffisant, le législateur préoccupé par la prévention de la récidive, décidait, via la loi du 12 décembre 2005🏛 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, de restreindre de manière générale l’accès aux aménagements de peine. Dans le cadre des travaux préparatoires de cette loi, il était notamment envisagé d’exclure le prononcé de la suspension médicale de peine dans les cas où cette dernière serait « susceptible de provoquer un trouble exceptionnel à l’ordre public [ou dans le cas où il existerait] un risque particulièrement élevé de récidive du condamné[753] ». Finalement le législateur n’a pas retenu le critère de trouble exceptionnel à l’ordre public et s’est décidé à conditionner la suspension médicale de peine à l’absence de « risque grave de renouvellement de l’infraction[754] ». La suspension de peine ne peut donc être accordée qu’en l’absence d’un tel risque, ce qui semble signifier que la prise en compte de l’état de santé du condamné, antérieurement seul critère de la suspension de peine, est devenue secondaire. En effet, désormais le législateur fait débuter l’article 720-1-1 par « sauf s'il existe un risque grave de renouvellement de l’infraction ». Il semblerait qu’il s’agisse donc de la première condition à l’octroi d’une suspension médicale de peine spéciale. L’on peut relever que la notion de risque « élevé » était plus compréhensible que celle de risque « grave » puisqu’elle permettait de mieux quantifier la probabilité du risque. La gravité du risque demeure, en effet, une notion plus abstraite. Néanmoins, il était peut-être temps d’admettre que la quantification du risque de récidive n’est pas chose aisée. Par ailleurs, il convient de remarquer que le législateur a finalement écarté la notion de « récidive » et limité cette nouvelle condition au renouvellement de l’infraction ayant donné lieu à la condamnation. En ne retenant pas la récidive du condamné, il restreint donc les cas dans lesquels le juge de l’application des peines peut refuser d’accorder une suspension médicale de peine puisque finalement le risque ne peut porter que sur la même infraction tandis qu’un certain nombre de crimes et délits sont visés dans le cas de la récidive[755]. L’arrêt de la chambre criminelle du 2 mars 2011 illustre l’application de la notion de « risque grave de renouvellement de l’infraction » en ce sens qu’a été refusée la suspension médicale de peine à un condamné dont la cour d’appel estimait qu’il « se retrouvait dans une situation conjugale identique à celle qui précédait le meurtre depuis son remariage en septembre 2005[756] ». Face à un contexte similaire de rupture, l’expert relevait qu’un nouveau passage à l’acte était possible. En tout état de cause, l’on peut contester le caractère superfétatoire de cette condition supplémentaire au regard des dispositions de l’article 707 du Code de procédure pénale🏛 dont la portée était moins restreinte[757]. Plus récemment, par un arrêt du 9 janvier 2019, la Cour de cassation renvoyant à l’appréciation souveraine des juges de l’application des peines, rejetait le pourvoi formé à l’encontre de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Nîmes, lequel relevait que « le risque de réitération [était] important car M. était déjà malade et handicapé au moment de la commission des faits pour lesquels il a été condamné, que cette demande de suspension de peine [était] donc en voie de rejet et le jugement en voie de confirmation[758] ». En l’espèce, si l’état de santé du condamné était éventuellement incompatible avec un maintien en détention, cet état préexistait à sa condamnation et n’avait pas empêché le condamné de commettre l’infraction dont il a été reconnu coupable. Cette décision illustre parfaitement la primauté du critère sécuritaire sur le critère humanitaire. Enfin, si le risque grave de renouvellement de l’infraction est un motif de refus d’octroi d’une suspension médicale de peine, il n’en va pas de même du trouble causé à l’ordre public, notamment en raison de la nature de l’infraction. Comme indiqué supra, la loi du 12 décembre 2005🏛 ne s’est pas aventurée sur ce terrain tandis que la question s’était posée deux ans avant son adoption. En effet, par un arrêt rendu le 12 février 2003, la chambre criminelle de la Cour de cassation rappelait que « l'article 720-1-1, […] ne fixe aucune condition tenant à la nature des infractions sanctionnées ou à l'existence d'un risque de trouble à l'ordre public[759] ». En l’espèce, le trouble causé à l’ordre public du fait de l’élargissement du condamné n’avait pas été pris en considération, quand bien même l’auteur des faits avait été condamné pour complicité de crime contre l’humanité. Cette position est intéressante pour les longues peines. En effet, si le risque grave de renouvellement de l’infraction, c’est-à-dire la dangerosité du condamné est un critère à prendre en compte, le fait de considérer le trouble causé à l’ordre public (au sens du retentissement sur l’opinion publique de la suspension de peine) aurait été préjudiciable pour la quasi-totalité des longues peines en raison de la gravité de l'infraction commise. Enfin, si l’article 720-1-1 du Code de procédure pénale🏛 ne vise que la recherche du risque de renouvellement de l'infraction en matière de suspension médicale de peine, il sera observé que dans certains cas il est imposé qu'une expertise psychiatrique soit rendue avant qu'une telle suspension ne puisse être accordée[760]. Celle- ci doit évaluer la dangerosité, le risque de récidive ou le risque de commission d'une nouvelle infraction du condamné[761], bien qu’en cas d’urgence, il soit possible pour la juridiction de l'application des peines de se fonder sur une expertise présente dans le dossier du condamné et datant de moins de deux ans[762], voire d’accorder la mesure sans expertise préalable[763]. Cela permet de ne pas pénaliser le condamné dont l’état de santé est préoccupant au regard des délais d’expertises actuels. Cette faculté demeure néanmoins subordonnée à l’accord du procureur de la République. Au-delà de l'expertise de dangerosité de la personne condamné à une peine privative de liberté, il est prévu que son état de santé soit régulièrement expertisé.

184. Le renforcement de l’expertise en matière criminelle. Que la suspension médicale de peine soit demandée en raison d’un pronostic vital engagé à court terme ou d'un état de santé durablement incompatible avec un maintien en détention, la juridiction de l’application des peines ne peut l’accorder sans au moins une expertise médicale attestant de l’une de ces deux situations. La loi du 4 mars 2002🏛 exigeait deux expertises médicales distinctes et concordantes. Le juge de l’application des peines semblait lié par les conclusions des expertises requises, en ce sens que bien qu’une suspension pouvait être refusée en raison d’un risque grave de renouvellement de l’infraction, malgré des expertises concordantes concluant à l’incompatibilité de l’état de santé du condamné et de son maintien en détention par exemple, il était impossible au juge de l’application des peines d’accorder une telle suspension en l’absence de deux expertises concordantes concluant à cette incompatibilité[764]. C’est l’une des raisons pour lesquelles il fut demandé à la Cour de cassation de bien vouloir transmettre une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil Constitutionnel sur le fondement notamment de la violation des articles 64 et 66 de la Constitution de 1958 et de l’article 8 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. L’indépendance de l’autorité judiciaire était justement questionnée face à un juge lié par des rapports d’expertise. La chambre criminelle, dans un arrêt rendu le 26 juin 2013, refusait de procéder à la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité qu’elle ne considérait ni nouvelle ni sérieuse. Surtout, elle répondait aux arguments avancés en indiquant que « même en présence de deux expertises concordantes établissant que le condamné ne se trouve pas dans l'une des situations prévues par l'article 720-1-1 du code de procédure pénale🏛, il entre de manière normalement prévisible dans l'office du juge qui reste saisi d'une demande de suspension de peine, soit d'ordonner une nouvelle expertise, soit de rechercher si le maintien en détention de l'intéressé n'est pas constitutif d'un traitement inhumain ou dégradant, notamment par son incompatibilité avec les garanties qui lui sont dues pour protéger sa santé[765] ». Selon la Haute juridiction, le juge de l’application des peines pouvait donc se délier des rapports d’expertise en sollicitant une nouvelle expertise ou en se fondant sur les dispositions de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme🏛. Depuis la loi du 26 novembre 2009, un certificat médical « établi par le médecin responsable de la structure sanitaire dans laquelle est pris en charge le détenu ou son remplaçant[766] » est suffisant en cas d’urgence, uniquement lorsque le pronostic vital est engagé. Cette modification se comprend au regard des délais nécessaires à l’établissement des rapports d’expertises incompatibles avec une situation d’urgence, c’est-à-dire lorsque le décès du condamné est imminent. Le législateur, conscient de ces délais allongeant la procédure de suspension médicale de peine, a supprimé le 15 août 2014 l’exigence de deux expertises distinctes et concordantes. Désormais, une seule expertise suffit. Cela n’empêche pas, pour autant, le juge de l’application des peines de régulièrement vérifier que la situation médicale du condamné n’a pas favorablement évolué et qu’une suspension de peine est toujours justifiée. En effet, « le juge de l'application des peines peut à tout moment ordonner une expertise médicale à l'égard d'un condamné ayant bénéficié d'une mesure de suspension de peine en application du présent article et ordonner qu'il soit mis fin à la suspension si les conditions de celle-ci ne sont plus remplies[767] ». Cela reste une faculté et le juge de l’application des peines peut décider de ne pas y recourir. Cependant, depuis la loi du 12 décembre 2005🏛, cette faculté est devenue une obligation en matière criminelle. Cette loi a même fixé les échéances de ces expertises de vérification puisqu’une expertise semestrielle est dorénavant imposée[768]. Cet ajout peut interroger. L’on ne peut nier que l’adoption de la loi du 4 mars 2002🏛 avait pour objectif de permettre aux personnes condamnées à une longue peine privative de liberté n’ayant pas exécuté le temps d’épreuve exigé pour obtenir une libération conditionnelle et ne pouvant accéder à la suspension de peine pour motif d’ordre médical de l’article 720-1 du Code de procédure pénale🏛 réservée à la matière correctionnelle, de bénéficier d’une suspension de peine dans des conditions très strictes. Les condamnés sollicitant un tel aménagement ayant donc souvent gravement troublé l’ordre public, le législateur a subordonné l’octroi d’une suspension de peine à l’absence de risque grave de renouvellement de l’infraction. Dans le même temps, il a souhaité complexifier le régime d’application de cet aménagement en imposant une expertise de contrôle semestrielle

Par conséquent, il affiche la volonté claire d’accorder une suspension médicale de peine dans des conditions restreintes et d’empêcher le dévoiement d’un aménagement d’exception en vérifiant régulièrement que ces dernières sont bien remplies. L’intention est tout à fait concevable. En revanche, d’un point de vue strictement pratique, si une seule expertise initiale est désormais requise notamment en raison de la pénurie d’experts allongeant les délais d’établissement des rapports d’expertises, il semble qu’imposer une expertise de contrôle semestrielle ne contribue pas à la célérité de la justice pénale. En définitive, l’on peut retenir que la suspension médicale de peine constitue un aménagement d’exception qui, bien qu’accessible aux longues peines, prévoit des conditions si strictes qu’elle est difficilement accordée. C’est d’ailleurs l’une des raisons conduisant certains condamnés à solliciter parallèlement, dès que les conditions temporelles le permettent, une libération conditionnelle en vue de suivre un traitement[769]. Enfin, si l’accès des longues peines aux aménagements humanitaires rencontrent quelques embûches, leur accès aux procédures simplifiées d’aménagement parait tout simplement refusé.

Section 2 : Un accès refusé aux procédures simplifiées d’aménagement

185. Notion de « procédures simplifiées ». Il est souvent reproché à notre système juridique le trop grand nombre et la complexité de ses dispositions législatives et il faut admettre que malgré l’objectif à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi[770], l’on peut rapidement se perdre dans les méandres des divers Codes. C’est ainsi que le législateur, pour tenter de résoudre cette difficulté, contribue paradoxalement à cette cacophonie, en n’hésitant pas à adopter de multiples lois dites de « simplification[771] ». Effectivement, la simplification de notre droit, et le plus souvent des procédures, est recherchée depuis de nombreuses années. Au sein du Code de procédure pénale, le terme de « procédures simplifiées » peut renvoyer à différentes étapes. Il existe la procédure simplifiée de l’ordonnance pénale au stade du jugement de certains délits et contraventions prévue par les articles 495 et suivants, la procédure simplifiée d’extradition au sein des articles 696-35 et suivants, ou encore celle de l’amende forfaitaire délictuelle évoquée par l’article A36-14. Au stade de l’exécution des peines, existent les procédures simplifiées d’aménagement des peines développées par les articles 723-15 et suivants du Code de procédure pénale🏛. Ces dispositions recouvrent plusieurs réalités distinctes et concernent à la fois des condamnés libres pour lesquels le législateur souhaite éviter une incarcération, et des condamnés détenus pour lesquels le législateur souhaite anticiper la sortie. L’article 723-15 du Code de procédure pénale🏛 prévoyant d’éviter l’incarcération de personnes condamnées à une ou plusieurs peines dont la durée n’excède pas une année et d’imposer l’aménagement des peines n’excédant pas six mois, ne concerne évidemment pas les longues peines impliquant une incarcération ou réincarcération immédiate après le prononcé de la condamnation. Du reste, l’on peut s’interroger sur l’applicabilité aux longues peines des dispositions prévoyant des procédures simplifiées d’aménagement de fin de peine, c’est-à-dire après incarcération.

186. Exclusion des longues peines. Si les précédents développements ont conduit à constater que le législateur n’était pas particulièrement enclin à favoriser l’élargissement des personnes condamnées à une longue peine privative de liberté via les procédures de droit commun, les procédures simplifiées vont encore plus loin en excluant purement et simplement les longues peines. A vrai dire, cela n’est pas étonnant. En effet, en créant des procédures simplifiées dérogatoires au droit commun ne visant que les courtes voire les moyennes peines (§1), le législateur souhaitait résoudre des problématiques spécifiques à ces populations pénales, et la création d’un nouvel examen applicable aux longues peines n’a pas fait illusion (§2).

§1 – La création de procédures simplifiées visant les courtes peines

187. Particularités des procédures simplifiées. La spécificité des procédures simplifiées successivement entrées en vigueur se caractérise par l’instauration de critères temporels précis voire complexes et excluant de jure les longues peines (A) mais également de procédures dérogatoires au droit commun pouvant par ailleurs être critiquées (B).

A°) Des critères temporels excluant les longues peines

188. Genèse. Avant d’aborder les seuils légaux retenus pour la mise en œuvre des procédures simplifiées, il convient de présenter ces dernières. Si l’on rappelle que l’article 723-15 du Code de procédure pénale🏛 vise essentiellement les condamnés libres et ne concerne donc pas les personnes détenues exécutant une longue peine[772], c’est la loi du 9 mars 2004🏛[773] qui instaure la « nouvelle procédure d’aménagement de peine » (ou « sas de sortie »), prévue par les articles 723-20 et suivants du Code de procédure pénale🏛. Aux termes de cette procédure, le directeur des services pénitentiaires d’insertion et de probation (DSPIP) adresse une requête au juge de l'application des peines en vue de l’aménagement de la peine du condamné. Il propose que ce dernier exécute la fin de sa peine sous la forme d’une semi-liberté, d’un placement à l'extérieur ou encore d’un placement sous surveillance électronique. Le juge de l'application des peines sollicite l’avis du procureur de la République avant d’homologuer ou de refuser d’homologuer la proposition ainsi faite[774]. Très peu mise en œuvre[775], cette procédure n’emporte pas l’adhésion des juges de l’application des peines ni celle des condamnés. Une étude rapporte en 2007 que « 77 % des soixante-cinq magistrats [ayant] accepté de s'exprimer sur cette question estiment (…) nécessaire de supprimer ce dispositif[776] » notamment en raison de son caractère chronophage. Jean-René Lecerf rapporte d’ailleurs que cette procédure n’est « guère prisée des magistrats et des condamnés, qui préfèrent la procédure classique du débat contradictoire devant le juge de l’application des peines - au cours duquel l’intéressé peut se faire assister d’un avocat - et s’est avérée à l’expérience excessivement lourde[777] » Cette dernière disparait alors avec la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 introduisant la procédure simplifiée d’aménagement de peine (PSAP) et la surveillance électronique de fin de peine (SEFIP). La première se rapproche de la nouvelle procédure d’aménagement de peine à tel point qu’elle a pu être qualifiée de « NPAP au carré[778] ». Aux termes de la PSAP, le DSPIP élabore une proposition d’aménagement qu’il adresse au procureur de la République lequel la transmet, s’il l’estime « justifiée[779] » au juge de l'application des peines en vue d’une homologation. Le rôle du procureur de la République est ici plus important[780]. La PSAP se distingue également de la NPAP en ce qu’elle permet d’aménager la peine sous la forme d’une libération conditionnelle. Quant à la SEFIP, il s’agit exclusivement d’un placement sous surveillance électronique du condamné en fin de peine mis en œuvre par le DSPIP sur l’autorité du procureur de la République. En la matière, le rôle du juge de l’application des peines n’est que résiduel puisqu’il devient un juge de l’incident. Cette nouvelle procédure succède à une expérimentation menée à compter du 1er septembre 2008[781]. Toutefois, la loi du 15 août 2014🏛 supprime ces deux dispositifs. Tout comme la NPAP leur ayant précédé, la PSAP et la SEFIP n’ont pas convaincu[782]. En effet, ces mesures n’ont pas non plus rencontré le succès escompté et il est ainsi rappelé qu’« en 2012, 3954 SEFIP ont été prononcées contre 3069 en 2011, soit une augmentation de 29%. Malgré cette forte hausse, au 1er janvier 2013, on comptabilisait 624 SEFIP pour 9537 éligibles à la mesure, soit 6,5 % des éligibles. S’agissant de la PSAP, 820 mesures ont été prononcées en 2011 contre 784 en 2012, chiffres très faibles et en baisse[783] ». Est alors introduite la libération sous contrainte au sein de l’article 720 du Code de procédure pénale🏛, qui permet au juge de l’application des peines de retrouver sa place de décisionnaire puisque c’est lui qui est principalement à la manœuvre. Il examine la situation du condamné éligible à la procédure et lui propose éventuellement de poursuivre l’exécution de sa peine via une libération conditionnelle, un placement à l’extérieur, une semi-liberté, ou une détention à domicile sous surveillance électronique. Son appartenance aux procédures simplifiées d’aménagement de la peine peut être contestée. D’une part, si le législateur qualifie la libération sous contrainte de « mesure[784] », cela a pu être assimilé aux mesures d’aménagement de la peine[785]. D’ailleurs, la circulaire du 26 décembre 2014 évoque une « nouvelle mesure devant favoriser la systématisation des sorties de détention accompagnées, […] conçue par le législateur comme une étape normale et nécessaire de l’exécution d’une peine destinée à encadrer et accompagner une personne condamnée à une courte et moyenne peine sortant de détention[786]». Cependant, il apparait que ce dispositif constitue bel et bien une procédure[787] puisqu’il entraine substantiellement « l'exécution du reliquat de peine sous le régime de la libération conditionnelle, de la détention à domicile sous surveillance électronique, du placement à l'extérieur ou de la semi-liberté[788] », bien que les conditions d’octroi diffèrent de celles retenues par le droit commun[789]. D’ailleurs le projet de loi évoquait bien « la création d’une procédure spécifique pour lutter contre les sorties sèches et permettre la sortie encadrée des personnes incarcérées et condamnées à des peine inférieures ou égales à cinq ans[790] ». Par conséquent, une distinction doit être opérée entre la forme et le fond de la mesure puisqu’une libération conditionnelle accordée dans le cadre d’une libération sous contrainte n’en demeure pas moins une libération conditionnelle. Il est effectivement rappelé que « les modalités d’exécution de ces mesures sont celles de droit commun[791] ». D’autre part, bien que la libération sous contrainte ait rompu avec la volonté de déjudiciarisation des aménagements de peine, il est à noter qu’elle est accordée dans le cadre de la commission de l’application des peines[792] et que les aménagements prononcés ne résultent pas d’un débat contradictoire, contrairement à ce qui est prévu par le droit commun[793]. C’est ainsi que le caractère de procédure « simplifiée » semble devoir être maintenu. Enfin, si la libération sous contrainte successivement modifiée par les lois des 23 mars 2019[794] et 22 décembre 2021[795] est actuellement toujours en vigueur, il est à noter que l’ensemble de ces procédures, abrogées ou non, prévoit des seuils d’application empêchant tout accès des longues peines.

189. Des seuils de courtes peines. En étudiant les conditions temporelles prévues par les diverses procédures simplifiées, l’on s’aperçoit que les seuils fixés ne correspondent qu’à des peines privatives de liberté de courte voire de moyenne durée. En ce qui concerne la nouvelle procédure d’application des peines, deux seuils étaient prévus. Si la durée de la peine était comprise entre six mois et deux années d’emprisonnement, cette procédure pouvait s’appliquer dès que la peine restant à subir n’excédait pas trois mois. Dans le cas où la peine était comprise entre deux et cinq années d’emprisonnement, le reliquat à subir ne devait pas excéder six mois. Lorsque la durée de la peine excédait cinq années d’emprisonnement, la NPAP ne pouvait être mise en œuvre. Dans le cadre de la procédure simplifiée d’application des peines, le législateur exigeait que la durée de la peine n’excède pas deux années d’emprisonnement ou, lorsque le condamné exécutait une peine d’une durée inférieure ou égale à cinq années d’emprisonnement, que le reliquat à subir n’excède pas deux années, voire une en cas de récidive. Ici encore, les longues peines étaient exclues du dispositif. Quant à la SEFIP, celle-ci trouvait application en toute fin de peine, lorsque la condamnation était inférieure ou égale à cinq ans d’emprisonnement et que le reliquat à exécuter n’excédait pas quatre mois ou lorsque la condamnation était inférieure ou égale à six mois et qu’il restait à exécuter deux-tiers de la peine. A ce jour, sont éligibles à la libération sous contrainte les personnes condamnées à une peine n’excédant pas cinq années d’emprisonnement et ayant préalablement exécuté les deux-tiers de leur peine. L’analyse de ces diverses conditions temporelles permet donc de conclure à l’exclusion pure et simple des longues peines des procédures simplifiées. Si les raisons de cette mise à l’écart seront développées[796], force est de constater la complexité et le caractère arbitraire des critères temporels déterminés par le législateur.

190. Des seuils complexes et arbitraires. A la lecture des conditions temporelles d’accès aux procédures simplifiées, l’on s’aperçoit que le législateur a longtemps fait le choix de critères complexes. Tout d’abord, il existait systématiquement un critère tenant à la durée de la peine privative de liberté prononcée complétée par un critère relatif à la durée de la peine restant à subir. C’est d’ailleurs ce double critère qui permettait d’exclure les longues peines puisqu’en ne fixant qu’un critère relatif à la durée de la peine restant à subir, ces dernières auraient pu en bénéficier, bien que mécaniquement plus tard. Outre ce double critère, l’on peut observer qu’était établie, jusqu’à l’avènement de la libération sous contrainte, une distinction au sein même des courtes et moyennes peines. En effet, la NPAP distinguait les peines privatives de liberté allant de six mois à deux ans de celles allant de deux ans à cinq ans. Ces deux catégories ne requéraient pas le même seuil restant à subir. Il en allait également ainsi de la PSAP et de la SEFIP bien que les seuils retenus étaient différents. Cette multiplicité de critères contribuait à la complexité de ces procédures dites « simplifiées ». La libération sous contrainte présentait l’avantage de regrouper l’ensemble des peines n’excédant pas cinq années d’emprisonnement jusqu’à la loi du 22 décembre 2021🏛 introduisant une libération sous contrainte de plein droit spécifique pour les personnes condamnées à des peines inférieures ou égales à deux ans dont le reliquat à exécuter n’excède pas trois mois. La libération sous contrainte, qui ne prend d’ailleurs pas en compte l’état de récidive du condamné, à la différence de l’ancienne PSAP, n’a cependant pas échappé à une complexification de ses seuils d’octroi et plus largement de son cadre juridique. Enfin, si l’on constate que le plafond de cinq ans d’emprisonnement n’est jamais dépassé pour pouvoir accéder aux procédures simplifiées, l’on peut s’interroger sur la pertinence des reliquats de peine à exécuter retenus. La variabilité de ces derniers s’élevant tantôt à trois, quatre, six mois, une année voire deux années d’emprisonnement pour enfin être fixés au tiers de la peine prononcée, semble plus relever de décisions hasardeuses voire arbitraires que de choix pénologiquement ou juridiquement motivés. En effet, il est difficile d’expliquer l’écart des seuils retenus entre la NPAP et la PSAP. Une personne condamnée à une peine de trois ans d’emprisonnement pouvait accéder à un aménagement lorsqu’il lui restait à subir six mois d’emprisonnement dans le premier cas. Or, elle était éligible à la PSAP dès lors qu’il lui restait à subir deux ans d’emprisonnement. L’on peut entendre que le législateur ait souhaité corriger ce qui a pu être considéré comme une difficulté de mise en œuvre de la NPAP, ou encore que le rôle plus important du procureur de la République permettait d’élargir les conditions temporelles. Toutefois, la variabilité de ces dernières, au gré des diverses procédures simplifiées, laisse quelque peu sceptique quant à leur méthode de détermination. Outre, les critiques pouvant être émises au regard de la complexité des conditions temporelles prévues, l’on peut également s’interroger sur les spécificités de ces procédures dérogatoires au droit commun.

B°) Des procédures dérogatoires au droit commun

191. Plan. Les procédures simplifiées d’aménagement de peines dérogent au droit commun des aménagements de peines en ce qu’elles présentent un caractère quasi-juridictionnel, ce qui n’est traditionnellement pas le cas des procédures de libérations anticipées (1), et permettent le prononcé de ces aménagements de manière quasi-automatique (2).

1°) Des procédures quasi-juridictionnelles

192. Plan. C’est à travers la spécificité des acteurs (a) et le processus décisionnel des procédures simplifiées (b) que l’on peut constater une déjuridictionnalisation partielle de ces dispositifs.

a. La quasi-disparition du juge de l’application des peines dans les procédures simplifiées antérieures

193. L’accroissement du rôle de l’administration pénitentiaire. Dans le cadre du droit commun de l’aménagement des peines, l’administration pénitentiaire n’est pas silencieuse puisqu’aux termes des dispositions de l’article 712-6 du Code de procédure pénale🏛, il est prévu que le « représentant de l’administration pénitentiaire » formule un avis avant que ne soient rendus par le juge de l’application des peines les jugements concernant une demande de placement à l’extérieur, semi-liberté, fractionnement ou suspension de peine, détention à domicile sous surveillance électronique ou libération conditionnelle. De la même manière, les jugements concernant le relèvement de la période de sûreté, la suspension médicale de peine ainsi que la libération conditionnelle des longues peines ne sont rendus par le tribunal de l’application des peines qu’après avis du représentant de l’administration pénitentiaire[797]. En outre, l’administration pénitentiaire est aujourd’hui largement représentée au sein de la commission de l’application des peines (CAP) composée notamment du « chef d’établissement pénitentiaire, d’un représentant du [SPIP] et d’un représentant du corps de commandement ou du corps d’encadrement et d’application du personnel de surveillance[798] ». Pour autant, c’est à travers les trois procédures simplifiées que constituent la NPAP, la PSAP et la SEFIP que le législateur a érigé l’administration pénitentiaire, et plus particulièrement le DSPIP en acteur de la phase des aménagements de peine. En ce qui concerne la NPAP, le DSPIP est à l’origine de la proposition d’aménagement de peine qu’il adresse au juge de l’application des peines, après avis du chef de l’établissement pénitentiaire. Outre l’initiative de la proposition d’aménagement revenant au DSPIP, il est à noter qu’en l’absence de réponse du juge de l’application des peines dans un délai de trois semaines, il peut tout de même « ramener à exécution la mesure d’aménagement[799] » proposée. Dans ce cas, le silence du juge de l’application vaut acceptation et le DSPIP semble devenir le décisionnaire de cette nouvelle procédure d’aménagement de peine. Dans le cadre de la PSAP, si la proposition est adressée au procureur de la République, elle n’en émane pas moins du DSPIP, toujours après avis du chef d’établissement. Enfin, en ce qui concerne la SEFIP, c’est spécifiquement au DSPIP qu’il revient de mettre en œuvre la mesure[800]. Sans doute, le législateur avait alors à l’esprit de ne pas causer de surcharge de travail aux juges de l’application des peines en ne leur imposant pas l’application de ces procédures simplifiées. L’on peut également souligner que le DSPIP mais aussi le chef de l’établissement pénitentiaire qui émet un avis, bénéficient d’une certaine « proximité » avec la personne condamnée qui leur confère nolens volens une sorte de légitimité à établir une proposition d’aménagement de peine concernant un condamné dont ils observent quasi-quotidiennement l'évolution. Nonobstant cette présumée meilleure connaissance du condamné, l’on pouvait s’étonner, à l’heure de la juridictionnalisation de l’application des peines par la loi du 9 mars 2004🏛, que le législateur décide de conférer à un membre de l’administration pénitentiaire l’opportunité d’un aménagement de peine.

194. L’accroissement du rôle du ministère public. Tout comme l’administration pénitentiaire, le ministère public est largement mis à contribution durant la phase de l’aménagement des peines. Aux termes des articles 712-6 et 712-7 du Code de procédure pénale🏛🏛, la juridiction de l’application des peines ne rend sa décision qu’après avoir entendu les réquisitions du ministère public et le procureur de la République est également membre de la CAP. Concernant les procédures simplifiées, si dans le cadre de la mise en œuvre de la NPAP, le procureur de la République se contentait de donner un avis sur l’opportunité de la mesure, il devient un acteur de premier plan lorsqu’il s’agit de la PSAP. En effet, après avoir reçu la proposition d’aménagement de peine de la part du DSPIP, il lui appartient de la transmettre ou non au juge de l’application des peines en vue d’une homologation[801]. Il joue par conséquent un rôle de filtre essentiel. Par ailleurs, en l’absence de réponse du juge de l’application des peines dans un délai de trois semaines, la PSAP peut être mise en oeuvre par le DSPIP sur instruction du procureur de la République[802]. La SEFIP est également mise en oeuvre par le DSPIP sous l’autorité du procureur de la République[803]. L’accroissement du rôle du ministère public au sein des procédures simplifiées laisse à penser que le législateur a tout de même souhaité que ces procédures se déroulent sous l’égide d’un magistrat. Il a néanmoins jeté son dévolu sur le procureur de la République, un magistrat du parquet, et non sur le juge de l’application des peines et l’on peut alors s’interroger sur la place qu’occupe le magistrat traditionnel de l’application des peines.

195. La place résiduelle du juge de l’application des peines. Si depuis 1958 le juge de l’application des peines a connu une extension de ses attributions, la loi du 9 mars 2004🏛 parachevant la juridictionnalisation de l’application des peines a, dans le même temps, entamé une déjuridictionnalisation via l’introduction de la NPAP[804]. En effet, comme il a pu être constaté, les acteurs principaux de cette procédure simplifiée mais également de la PSAP et de la SEFIP sont le DSPIP et le procureur de la République, reléguant ainsi le juge de l’application des peines à une place résiduelle. Qu’il devienne une autorité homologatrice dans le cadre de la NPAP et de la PSAP voire un « simple » juge de l’incident dans le cadre de la SEFIP, il ne lui est plus demandé dans ces trois procédures de mettre en œuvre ses capacités d’individualisation de la peine. Éric Senna alertait en 2008 sur la déjudiciarisation des aménagements de peine. Il interpellait en ces termes : « Vouloir enfermer le processus de décision pour les aménagements des fins de peines mais aussi des courtes peines, dans un dispositif principalement administratif s’orientant vers des mesures de libération anticipée pourrait amener au moindre incident médiatisé à développer un accès de frilosité de l’administration et au final à amoindrir encore la mesure de libération conditionnelle qui est en chute libre (…) A mon sens, le prononcé des libérations conditionnelles devrait continuer de relever de l’autorité judiciaire qui seule peut faire une appréciation complète et impartiale de la situation, prendre en compte l’ensemble des intérêts en cause et assumer la responsabilité de la mesure vis à vis de la collectivité[805] ». Le juge de l’application des peines a néanmoins retrouvé une place de premier choix au sein de la libération sous contrainte puisque le législateur l’affirme : « la libération sous contrainte est décidée par le juge de l'application des peines[806] » sans intervention de quelconque autre acteur. Pourtant, si l’on peut se réjouir de ce « retour de la figure du juge[807] », l’on ne peut affirmer que la libération sous contrainte soit une procédure pleinement juridictionnelle.

b. La quasi-disparition du débat contradictoire

196. Manifestations de la quasi-disparition du débat contradictoire. Si les articles 712-6 et 712-7 du Code de procédure pénale🏛🏛 disposent que les jugements rendus par le juge de l’application des peines et le tribunal de l’application des peines interviennent à l’issue d’un débat contradictoire, les ordonnances concernant les réductions de peine, les autorisations de sortie sous escorte ou encore les permissions de sortir ne font pas l’objet d’un tel débat mais sont rendues après avis de la commission de l’application des peines[808]. Une telle distinction peut se justifier par la nécessité de ne pas engorger les juridictions de l’application des peines plus que de raison via l’instauration d’un débat contradictoire systématique tandis que les mesures prises par ordonnances telles que les permissions de sortir ou plus spécifiquement les réductions de peine sont beaucoup plus nombreuses et présentent une incidence légèrement « moindre » sur l’exécution de la peine du condamné que celles donnant lieu à un jugement, s’il est permis d’opérer une hiérarchie en la matière. Si le seul avis de la CAP permet, par conséquent, au juge de l’application des peines de maximiser le nombre de décisions rendues dans un temps limité, l’inapplication des règles du procès pénal à l’ensemble de la phase de l’application des peines a pu à juste titre être critiquée[809]. En effet, si la composition de la CAP est d’apparence similaire à celle du débat contradictoire, elle n’est pas identique. Tout d’abord, dans les deux cas, le ministère public est représenté par le procureur de la République. Ensuite, concernant l’administration pénitentiaire, si l’avis d’un seul représentant est exigé pour la tenue du débat contradictoire, composent la CAP le chef d’établissement pénitentiaire, un représentant du SPIP et un représentant du corps de commandement ou du corps d’encadrement et d’application du personnel de surveillance[810]. Cependant, il convient de souligner que les décisions rendues après avis de la CAP le sont au sein de l’établissement pénitentiaire, le plus souvent sur dossier remis par l’administration pénitentiaire au juge de l’application des peines[811] et à la différence du débat contradictoire au sein duquel le condamné et son avocat ont le droit de formuler des observations[812] avant qu’un jugement ne soit rendu, la CAP ne prévoit pas d’entendre le condamné ni son avocat. C’est donc la place accordée au condamné et donc au contradictoire qui distingue les décisions prises après avis de la CAP de celles prises à l’issue d’un débat. Dans ce dernier cas, il est permis au condamné de faire entendre sa voix. Or, si l’article 712-6 du Code de procédure pénale🏛 exige la tenue d’un débat contradictoire afin qu’un jugement soit rendu quant au prononcé d’une libération conditionnelle, d’un placement à l’extérieur, d’une semi-liberté, ou d’une détention à domicile sous surveillance électronique, les procédures simplifiées ont permis qu’il soit statué sur ces mesures sans tenir compte des observations du condamné. Rappelons que l’avis de la CAP n’était même pas exigé pour les NPAP et PSAP, mais cela n’est pas étonnant compte tenu du rôle déjà prépondérant que jouaient l’administration pénitentiaire et le ministère public à l’initiative de ces procédures. En l’occurrence, le juge de l’application des peines décidait en principe d’office mais le condamné pouvait tout de même solliciter la tenue d’un débat contradictoire[813]. Si un débat contradictoire pouvait également être sollicité par le condamné en l’absence de mise en œuvre de la SEFIP, le principe demeurait tout de même la mise en œuvre de la mesure en l’absence de débat et tout simplement en l’absence de juge. A l’heure actuelle, la libération sous contrainte est prononcée après avis de la CAP et sans débat contradictoire.

197. Critique de la quasi-disparition du débat contradictoire. S’il peut être admis que seul l’avis de la CAP soit requis pour des mesures de « moindre incidence » mais surtout des mesures aussi nombreuses que les réductions de peine, les permissions de sortir et les autorisations de sortie sous escorte, l’on peut rester perplexe à l’idée d’accorder une libération conditionnelle ou tout autre élargissement anticipé sans avoir préalablement entendu les observations du condamné et, le cas échéant, de son avocat. L’on sait que le temps accordé à chaque « dossier » dans le cadre de la commission de l’application des peines est relativement court et que cette modalité décisionnelle correspond à une forme de « travail à la chaîne ». Cependant, si le législateur a instauré un débat contradictoire pour statuer sur les demandes d’élargissements anticipés, c’est qu’il était justement conscient de la nécessité de discuter plus longuement de telles mesures, compte tenu de leur incidence sur l’exécution de la peine du condamné mais également sur la société et, le cas échéant, la victime de l’infraction. Via l’avènement des procédures simplifiées concurrençant le droit commun de l’aménagement des peines, l’individualisation a laissé place à l’ « industrialisation[814] » des aménagements. En matière de libération sous contrainte, le juge de l’application des peines ne prend donc en principe plus la peine d’écouter le condamné ni son avocat, bien qu’il puisse ordonner la comparution du condamné et que ce dernier puisse, s’il le souhaite formuler des observations écrites. Néanmoins, sans l’assistance d’un avocat, force est de reconnaitre qu’il peut être difficile pour le condamné d’investir la phase de l’aménagement des peines et de solliciter le rétablissement d’une dose de contradictoire conformément aux textes en vigueur. Enfin, si cette industrialisation peut être regrettée, elle sonne surtout comme un aveu d’échec de la part du législateur qui reconnait préférer dévoyer la procédure juridictionnelle - et par là le sens des aménagements de peine - pour maximiser le nombre de condamnés bénéficiaires d’une libération anticipée. L’on peut être tenté de relativiser cette industrialisation en ce sens qu’elle n’a toujours concerné que des courtes (voire des moyennes) peines dont le reliquat à exécuter n’est pas très important. En d’autres termes, l’aménagement accordé via une procédure simplifiée ne causerait aucun bouleversement particulier, la peine prononcée ne répondant pas à la commission d’une infraction grave et la sortie du condamné étant imminente. Pour autant, il convient de rappeler que le sens de la peine doit être compris par chaque condamné et cette exigence ne saurait être amoindrie en fonction du quantum de la peine prononcée et du reliquat à subir. En effet, une libération conditionnelle accordée sans que le condamné n’ait pu formuler ses observations revient à lui signifier que, peu importe ses appréciations, l’octroi de cette mesure ne résulte finalement pas d’un comportement actif de sa part mais procède d’une certaine automaticité. La question de la légitimité d’une telle décision aux yeux du condamné peut évidemment se poser[815]. L’on constate, par ailleurs, que les succinctes conditions matérielles (il conviendrait presque de souligner l’absence de conditions matérielles) « exigées » pour accéder aux procédures simplifiées sont en contradiction totale avec l’esprit des aménagements de peine, mesures censées conforter le sens de la peine aux yeux du condamné.

2°) Des aménagements quasi-automatiques.

198. Instauration d’un principe d’aménagement et exigence d’une motivation renforcée du refus. La quasi-automaticité des aménagements de peines issus des procédures simplifiées s’illustre par les efforts fournis par le législateur pour les ériger en principe et faire de leur refus une exception. D’une part, en la matière, il n’est pas nécessaire pour le condamné de déposer une requête, comme cela est le cas traditionnellement. Si à l’heure actuelle, l’administration pénitentiaire n’est plus à l’origine d’une proposition d’aménagement, il appartient au juge de l’application des peines de s’auto-saisir pour la mise en œuvre d’une libération sous contrainte. D’autre part, si l’accent avait déjà été mis sur l’exigence de motivation de l’ordonnance de refus d’aménagement de la peine concernant les précédentes procédures[816], cela allait encore plus loin dans le cadre de la PSAP puisqu’il appartenait même au DSPIP n’ayant pas établi de proposition d’aménagement d’adresser « un rapport motivé expliquant les raisons pour lesquelles un aménagement de peine ne [pouvait] être proposé[817]». Quant à la libération sous contrainte, les travaux parlementaires de la loi du 23 mars 2019🏛 affichant clairement l’objectif de « faciliter [sa] mise en œuvre en la systématisant par principe et en simplifiant la procédure préalable à son prononcé[818] », le législateur a renforcé son caractère automatique en exigeant du juge de l’application des peines qu’il justifie son refus par une « ordonnance spécialement motivée constatant qu’il est impossible de mettre en œuvre une de ces mesures au regard des exigences de l'article 707[819] ». En se référant aux dispositions de l’article 707, il semblerait que l’impossibilité de mise en œuvre de la libération sous contrainte puisse vraisemblablement être justifiée par des éléments tenant à la personnalité du condamné, sa situation matérielle, familiale ou sociale. En pratique, il sera, par exemple, prêté attention à la possibilité pour le condamné de bénéficier d’un hébergement, ou encore, le cas échéant, à la possibilité technique de mise en place d’une détention à domicile sous surveillance électronique. La loi du 22 décembre 2021 a franchi une étape supplémentaire en consacrant la mise en œuvre de plein droit de la libération sous contrainte. En effet, tandis que jusqu’alors seul l’examen était obligatoire (quand bien même la souplesse des conditions d’octroi consacrait la quasi-automaticité des aménagement subséquents), cette loi introduit l’application de plein droit de cette procédure pour les peines dont la durée n’excède pas deux ans lorsque le reliquat à exécuter est inférieur ou égal à trois mois, sauf en cas d’impossibilité matérielle caractérisé par l’absence d’hébergement. Dès lors, force est de constater que les efforts de réinsertion exigés dans les procédures classiques, n’occupent plus une place centrale dans les procédures simplifiées.

199. Absence d’exigence d’efforts de réinsertion et de projet de sortie. Il est traditionnellement attendu du condamné sollicitant une libération anticipée qu’il satisfasse à des conditions matérielles telles que l’accomplissement d’efforts de réinsertion et la présentation d’un projet de sortie, voire des conditions tenant à sa situation personnelle lorsqu’il souhaite que l’exécution de sa peine soit fractionnée ou suspendue. C’est en tenant compte de ces éléments que la juridiction de l’application peut, conformément au principe d’individualisation de la peine applicable au stade de l’application des peines, rendre une décision favorable ou défavorable au condamné. Ce processus d’appréciation de la situation individuelle de chaque condamné ne saurait être considéré comme une contrainte ralentissant la procédure mais comme le fondement de tout aménagement de peine. Il a donc été surprenant que le législateur, exigeant tout de même un projet sérieux de réinsertion pour que soient accordées la NPAP et la PSAP, ne subordonne la mise en œuvre de la SEFIP à aucun comportement actif du condamné. En effet, cette dernière était prévue « sauf en cas d'impossibilité matérielle, de refus de l'intéressé, d'incompatibilité entre sa personnalité et la nature de la mesure ou de risque de récidive[820] ». Pour justifier ce particularisme, il a régulièrement été dénié à cette mesure la qualité d’aménagement de peine. Présentée comme une « alternative aux aménagements de peine[821]», il était également rappelé par la circulaire du 10 mai 2011 que pour la mise en oeuvre de la SEFIP « aucun projet préalable d’insertion [n’était] exigé : cette mesure [devait] ainsi être exclusivement envisagée comme une modalité d’exécution de peine qui ne [devait] pas entrer en concurrence avec les mesures d’aménagement de peine[822] ». De la même manière, la libération sous contrainte actuelle « ne requiert pas de la personne condamnée la conception d’un projet d’insertion mais son adhésion à un parcours d’exécution de peine et la fixation d’objectifs[823] ». Elle doit donc « s'entendre comme une étape normale et nécessaire de l'exécution d'une peine destinée à encadrer et accompagner une personne condamnée à une courte ou moyenne peine sortant de détention[824] ». Finalement, les procédures simplifiées permettent l’aménagement de la peine de condamnés qui n’ont pu ou n’ont souhaité se mobiliser dans un projet de sortie. Elles ont vocation à s’appliquer subsidiairement aux procédures traditionnelles. Toutefois, quand bien même le cadre juridique des procédures simplifiées se distingue vraisemblablement de celui des procédures classiques en raison d’objectifs différents, le résultat obtenu pour le condamné est le même, à savoir l’obtention d’une libération anticipée. Lorsqu’il quitte l’établissement pénitentiaire avant le terme de sa peine, le condamné ne distingue pas entre un aménagement de peine obtenu via la procédure classique ou une procédure simplifiée. Cependant, dans un cas ses efforts de réinsertion sont rétribués et dans l’autre l’aménagement est quasiment « tombé du ciel ». Partant, l’on peut s’interroger sur le sens pour le condamné d’un aménagement obtenu sans efforts[825]. Si le législateur ne souhaite qu’aucun condamné ne sorte de détention sans aucune forme de suivi, il lui appartient d’assumer cette volonté sans dévoyer le sens des aménagements de peine. A cet effet, il convient de présenter au condamné durant sa détention l’ensemble des moyens lui permettant de manifester des efforts de réinsertion et de préparer un projet de sortie afin qu’il puisse bénéficier d’un aménagement lorsque ces conditions sont remplies. Dans le cas où le condamné refuse de s’investir, il n’apparait pas opportun d’envisager une sortie quasi-automatique. Afin d’éviter toute sortie sans suivi, le juge de l'application des peines peut depuis la loi du 15 août 2014🏛, prononcer un certain nombre de mesures post-carcérales pour une durée n’excédant pas celle des réductions de peine accordées au condamné n’ayant pu bénéficier d’une libération anticipée[826]. Bien que ce dispositif puisse être critiqué[827], il peut encourager le condamné à s’investir pendant le temps de sa détention dans un projet de réinsertion. Quoiqu’il en soit, ce dispositif permet au juge de l'application des peines de ne pas se sentir démuni face à la sortie sans aménagement du condamné n’ayant fourni aucun effort préalable, autrement dit n’ayant pas mérité un élargissement anticipé. Par ailleurs, si l’on peut entendre la volonté de désencombrer les établissements pénitentiaires, il importe tout autant d’éviter un retour en détention d’anciens condamnés n’ayant pas compris le sens de l’aménagement obtenu et comptant sur l’érosion d’une nouvelle condamnation pénale.

200. Cas d’exclusion du condamné des procédures simplifiées. Si le caractère quasi-automatique et non automatique des aménagements prononcés via les procédures simplifiées a été retenu[828], c’est qu’il existe des cas dans lesquels le condamné ne peut bénéficier de telles procédures. Bien que l’absence d’efforts de réinsertion ne soit pas un critère d’exclusion, le comportement du condamné n’est pas sans incidence. En effet, la mauvaise conduite du condamné en détention était un critère d’exclusion du bénéfice de la NPAP, tandis que la personnalité du condamné et le risque de récidive pouvaient également empêcher la mise en œuvre de la SEFIP. Concernant la libération sous contrainte, il est intéressant de s’apercevoir que désormais la nature de l’infraction commise entre en ligne de compte. En effet, sont exclues de la libération sous contrainte de plein droit les personnes ayant été condamnées pour certaines infractions graves à savoir, des infractions terroristes, des crimes, des crimes et délits aggravés en raison de la qualité de la victime (mineur de quinze ans, dépositaire de l’autorité publique, conjoint ou ex-conjoint)[829]. Si le comportement du condamné en détention est toujours pris en compte, le législateur se montre plus précis en ne faisant plus référence à la notion abstraite de « mauvaise conduite » et vise cette fois spécifiquement les personnes détenues ayant fait l’objet d’une sanction disciplinaire, lesquelles peuvent (dans certains cas précis tenant à l’objet de la sanction), être exclues de la libération sous contrainte de plein droit. Il est à noter que c’est uniquement la libération sous contrainte de plein droit qui ne peut être mise en œuvre dans ces cas et non la libération sous contrainte « classique ». En définitive, la libération sous contrainte lato sensu semble pouvoir bénéficier presque automatiquement à l’ensemble des personnes condamnées à une peine n’excédant pas cinq ans. Si l’on comprend qu’il aurait été inquiétant d’étendre cette automaticité aux longues peines privatives de liberté, il convient surtout de noter que ces procédures simplifiées ont été introduites pour tenter de répondre à des problématiques presque « étrangères » aux longues peines.

§2 - L’inadéquation entre les procédures simplifiées et les longues peines

201. Une exclusion justifiée ? Si l’exclusion des longues peines des procédures simplifiées résulte bien sûr de la volonté de mieux « sécuriser » les aménagements d’une population pénale spécifique en raison de la durée de la peine prononcée résultant de la gravité de l’infraction commise, il ne faut pas éluder le fait que ces procédures ont été introduites dans l’objectif de résoudre deux problématiques auxquelles les longues peines sont quasiment étrangères (A). Le législateur a néanmoins vainement tenté de démontrer sa bonne volonté en instaurant un pendant à la libération sous contrainte applicable aux longues peines (B).

A°) La résolution de problématiques étrangères aux longues peines

202. Des procédures répondant à des enjeux spécifiques. Deux enjeux particulièrement distincts sont à l’origine de la création de procédures simplifiées d’aménagement de la peine. Le premier, à savoir la lutte contre les sorties dites « sèches » des personnes condamnées à de courtes peines privatives de liberté, constitue le fondement de ces procédures (1) La lutte contre le surpeuplement carcéral des maisons d’arrêts, second enjeu à prendre en considération, est également invoqué compte tenu notamment de la pression des instances européennes et convertissent ces procédures en systèmes de régulation des flux (2).

1°) La lutte contre les sorties « sèches » de prison inhérentes à la temporalité des courtes peines

203. Intérêt de lutter contre les sorties sèches. La sortie « sèche » de prison correspond à la sortie du condamné de l’établissement pénitentiaire à la fin de l’exécution de sa peine, sans suivi judiciaire. Dans ce cas, une fois sorti de détention, le condamné recouvre la liberté brutalement, sans la progressivité inhérente à un aménagement de peine. Surtout, il ne fait l’objet d’aucun accompagnement, d’aucune aide ni assistance et les institutions judiciaires ne peuvent le soumettre à aucune obligation ou interdiction dont il aurait eu à répondre. En l’absence de mesure d’aménagement de la peine ou de mesure de sûreté, le condamné sortant ayant exécuté sa peine n’est plus une personne placée sous mains de justice. L’on comprend aisément l’intérêt de lutter contre les sorties sèches et la volonté du législateur de maintenir une certaine forme de contrôle sur le condamné dans les intérêts de la société dans un premier temps, mais également dans un second temps, d’accompagner (et l’importance de cette fonction ne doit pas être éludée au profit de la première) le condamné dans une démarche d’insertion ou de réinsertion en lui portant assistance. La lutte contre les sorties sèches constitue le fondement principal de la promotion des aménagements de peines. Ces derniers permettent au condamné de recouvrer progressivement la liberté, a fortiori dans le cadre de l’exécution d’une longue peine, et aux institutions judiciaires de maintenir dans leur giron une personne ayant commis une infraction, et dont il peut être inquiétant de ne plus assurer le suivi dès la sortie de l’établissement pénitentiaire. Malgré l’intérêt de ces aménagements, force est de constater que les longues peines privatives de liberté, pour des motifs essentiellement de répression et de neutralisation, y accèdent difficilement. Pour autant, les courtes peines ne sont pas épargnées et posent également des difficultés. En effet, l’on s’aperçoit que leur temporalité peut entrer en contradiction avec la possibilité d’un aménagement. Or, quand bien même l’infraction commise serait moins grave, le suivi du sortant de prison est toujours souhaitable.

204. Des sorties « sèches » favorisées par la temporalité des « courtes peines ». Si la courte peine n’est pas une notion juridique expressément définie par le législateur, l’on peut tenter de la quantifier au regard de certains régimes spéciaux instaurés pour une catégorie de condamnés. Tout d’abord, il est permis de quantifier la courte peine au regard du régime spécial prévu par l’article 723-15 du Code de procédure pénale🏛 reprenant les anciennes dispositions de l’article règlementaire D49-1 dudit Code. Aux termes de l’article 723-15 du Code de procédure pénale🏛, lorsqu’aucun mandat de dépôt n’a été prononcé à l’issue de l’audience, la juridiction de jugement renvoie à la juridiction de l’application des peines le soin d’aménager la condamnation n’excédant pas un an d’emprisonnement. Ce quantum n’est d’ailleurs pas nouveau puisque Jean-Luc Warsmann évoquait déjà en 2003 le « statut particulier[830] » de ces peines afin de fixer le plafond de la courte peine à un an. L’on peut également tenir compte des dispositions de l’article 132-25 du Code pénal🏛 qui, bien que distinguant les peines n’excédant pas six mois, que la juridiction de jugement doit aménager ab initio « sauf impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné », de celles dont la durée est comprise entre six mois et un an, pour lesquelles la juridiction de jugement doit se prononcer sur un éventuel aménagement, fixe un plafond à un an d’emprisonnement. Notons toutefois que ce plafond n’a pas toujours été. En effet, l’article 723–15 du Code de procédure pénale🏛 faisait antérieurement référence à un plafond de deux ans. Aujourd’hui, le législateur prévoit que lorsque la peine n’excède pas deux ans, le condamné est éligible à une demande de semi-liberté[831], de placement à l’extérieur[832] ou de détention à domicile sous surveillance électronique[833]. Par conséquent, malgré une instabilité des seuils fixés[834], l’on peut constater que les peines n’excédant pas deux ans font l’objet d’un traitement spécifique et en déduire qu’aux yeux du législateur elles sont considérées comme des courtes peines. Cette précision faite, l’on s’aperçoit que la temporalité des courtes peines favorise les sorties « sèches ». En effet, si le juge de l’application des peines peut être plus enclin à aménager la peine du condamné ayant commis une infraction de moindre gravité, encore faut-il que ce dernier remplisse les conditions matérielles d’accès à une mesure d’aménagement. En d’autres termes, il appartient au condamné de rapporter la preuve de ses efforts de réinsertion et de présenter un projet de sortie en vue de solliciter un élargissement anticipé. Lorsqu’il exécute une peine privative de liberté d’une durée inférieure à deux ans, le condamné doit s’atteler à préparer un projet de sortie très rapidement, soit dès le début de son incarcération. Selon la durée de la peine, il n’aura pas forcément le temps de finaliser ce projet constitué d’une promesse d’embauche, d’un projet de formation professionnelle, d’une attestation d’hébergement, ou encore d’un suivi psychologique voire psychiatrique en vue notamment de traiter une éventuelle addiction ou une pathologie mentale, ou de tout autre élément requis par le juge de l’application des peines avant la fin de sa peine. Par ailleurs, quand bien même le condamné serait mobilisé dès son incarcération et manifesterait des efforts de réinsertion, le juge de l’application des peines ne pourrait apprécier ces derniers que s’ils étaient mis en œuvre sur une certaine durée que l’on peut estimer à quelques mois. Or, il suffit que des réductions de peines soient accordées pour que l’exécution de la peine soit achevée avant même qu’une procédure d’aménagement de peine n’ait pu être mise en mouvement et a fortiori aboutir[835]. Enfin, il faut rappeler que la temporalité de la procédure d’aménagement de peine dépend de paramètres externes au condamné comme l’engorgement de la juridiction saisie, la nécessité d’ordonner des rapports d’expertise, des enquêtes de personnalité mais également la réalisation de démarches administratives diverses. Dans les faits, il peut exister une contradiction plus ou moins importante entre la temporalité d’une courte peine et le temps judiciaire de son aménagement. Par ailleurs, il est parfois rapporté que certaines personnes condamnées préfèrent exécuter l’intégralité de leur courte peine en détention pour éviter un suivi contraignant à l’extérieur de l’établissement pénitentiaire[836]. L’ensemble de ces éléments favorise les sorties « sèches » et force est de constater que cette problématique résulte majoritairement du prononcé de courtes peines. C’est par conséquent, l’une des raisons pour lesquelles le législateur a décidé d’introduire ces procédures simplifiées. Les longues peines demeurant vraisemblablement « étrangères » à cette problématique, puisqu’un suivi du condamné post-incarcération est quasi systématiquement mis en œuvre, il n’y avait pas d’intérêt particulier à les intégrer aux procédures simplifiées.

205. Volonté des pouvoirs publics de lutter contre les sorties « sèches ». L’on constate que les pouvoirs publics se sont emparés de la problématique des sorties « sèches » via l’introduction de procédures simplifiées (même si ces dernières ne constituent pas l’unique réponse du législateur qui, par ailleurs, tente d’empêcher le prononcé de très courtes peines[837]). Le 19 novembre 2003, Jean-Luc Warsmann remettait un rapport dans le cadre des travaux préparatoires de la loi du 9 mars 2004🏛 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Il présentait ainsi, à travers la nouvelle procédure d’aménagement de peine, « un mécanisme de sortie progressive[838] » affichant l’objectif d‘« éviter les sorties de prison sans aucune forme de suivi judiciaire[839]». Le rapport rendu par François Zocchetto le 14 janvier 2004 approuvait « pleinement la volonté de limiter au maximum les « sorties sèches » de prison c’est-à-dire sans aménagement de peine[840] ». Considérant que « tout [devait] être fait pour que le retour à la liberté des condamnés soit progressif et donne lieu à un accompagnement destiné à favoriser leur réinsertion[841] », ce rapport approuvait cette nouvelle procédure d’aménagement de peine. Il est intéressant de constater que si dans les deux rapports, il est fait la promotion de cette nouvelle procédure simplifiée d’aménagement de peine, le premier évoque plutôt le suivi judiciaire du condamné, autrement dit le contrôle de ce dernier par l’institution judiciaire, tandis que le second se positionne sur le terrain de la sortie progressive et de la réinsertion du condamné. Toutefois, il est admis que ces éléments constituent les deux faces d’une même pièce. Le sénateur Jean-René Lecerf, dans le cadre des travaux préparatoires de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, rappelait que « de nombreuses études montrent que les aménagements de peines contribuent plus efficacement à la réinsertion des personnes condamnées, grâce à l’accompagnement social et au contrôle inhérent à la mise en œuvre de ces mesures, que les sorties dites « sèches », c’est-à-dire sans aucun suivi[842] ». Il s’appuyait sur les recherches menées par Pierre-Victor Tournier, ce dernier ayant « relevé dans une étude récente que le taux de recondamnation était plus faible pour les condamnés ayant bénéficié d’une libération conditionnelle que pour ceux libérés à la fin de leur peine : 26 % contre 29 % pour les homicides, 24 % contre 31 % pour les agressions sexuelles, 50 % contre 59 % pour les vols de nature criminelle[843] ». C’est notamment afin d’éviter les sorties « sèches » que la loi du 24 novembre 2009🏛 introduit la PSAP et la SEFIP. Le 9 octobre 2013, c’est toujours la volonté de lutter contre ce phénomène qui est invoqué lors du projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines introduisant la libération sous contrainte. Christiane Taubira indique à cet égard que « la cohérence des processus sera en particulier assurée par la création d’une procédure spécifique pour lutter contre les sorties sèches et permettre la sortie encadrée des personnes incarcérées et condamnées à des peines inférieures ou égales à cinq ans[844] ». En rappelant l’échec des procédures simplifiées précédentes, elle souligne les forts taux de sortie « sèches » concernant les courtes et très courtes peines. En effet, ce phénomène concernerait alors « 98% des personne condamnées à une peine de moins de 6 mois[845] » et « 84% des personnes condamnées à une peine de 6 mois à un an[846] ». Au sujet de la libération sous contrainte, « le gouvernement considère que [cette mesure] a pour objet de contrôler et d’accompagner la personne condamnée à l’extérieur et s’inscrit dans un objectif d’éviter les sorties sèches » et donc de prévenir la récidive[847] ». En outre, aux termes des travaux préparatoires de la loi du 23 mars 2019🏛 promouvant la systématisation de la libération sous contrainte aux deux tiers des peines n’excédant pas cinq ans, cette dernière se justifie encore une fois par l’objectif de réduction « au maximum [d]es « sorties sèches » de détention[848] ». A travers l’introduction de procédures simplifiées, le législateur affiche donc son objectif de lutte contre les sorties « sèches » concernant majoritairement les courtes peines, justifiant ainsi l’exclusion des longues peines de ces dispositifs. Un autre phénomène regrettable semble toucher quasi-exclusivement les courtes peines. Il s’agit du phénomène de surpeuplement carcéral. Ici encore, les pouvoirs publics tentent depuis de longues années d’atténuer si ce n’est de résoudre cette problématique. Si l’abstraction des efforts de réinsertion a contribué à consacrer la quasi-automaticité des procédures simplifiées, l’emploi des aménagements de peine à des fins de gestion des flux semble achever le dévoiement de ces derniers pour les courtes peines.

2°) La lutte contre le surpeuplement carcéral structurel des maisons d’arrêts

206. Définition et évaluation complexe du surpeuplement carcéral. Dans un premier temps, l’on peut distinguer le surpeuplement carcéral de l’inflation carcérale. Si la seconde peut être définie comme l’« augmentation, l’extension excessive d’un phénomène[849] », elle correspond donc à l’accroissement du nombre de personnes détenues dans un établissement pénitentiaire. Cela étant, si le nombre de places permet d’accueillir cette population supplémentaire, il n’est nullement question de surpeuplement. En réalité, le surpeuplement carcéral peut être défini comme une situation dans laquelle « la demande de places en prison est supérieure au nombre total de places disponibles dans […] un établissement donné[850] », ce qui le distingue de l’inflation carcérale. Toutefois, cette définition proposée par le Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC) est immédiatement nuancée par ses auteurs en ce qu’elle ne permettrait pas de quantifier précisément les capacités d’accueil des établissements pénitentiaires. En effet, une donnée complémentaire doit être prise en compte, à savoir celle d’« espace minimum[851] » accordé à chaque personne détenue. Or, il semblerait que cette notion demeure « indéfinie dans quelques Etats membres[852] », entrainant ainsi un inégal calcul du surpeuplement carcéral. Un autre obstacle à la quantification du surpeuplement carcéral a été soulevé en France. En effet, selon Pierre-Victor Tournier, il conviendrait de calculer les « détenus en surnombre[853] » et ne pas se limiter à prendre en considération le « taux moyen d’occupation », lequel ne tient pas compte des places opérationnelles inoccupées. La notion de détenus en surnombre « correspond à l’addition de la surpopulation apparente – obtenue par la différence entre le nombre de personnes détenues et le nombre de places opérationnelles – et du nombre de places opérationnelles inoccupées ». L’on s’aperçoit que la définition du surpeuplement carcéral et son évaluation posent quelques difficultés. Toutefois, le surpeuplement carcéral constitue un fléau qui n'épargne pas les prisons françaises[854]. Les pouvoirs publics se sont saisis de cette problématique sous l’impulsion des instances européennes particulièrement investies sur le sujet.

207. L’influence européenne dans la lutte contre le surpeuplement carcéral. L’on ne compte plus les interventions des instances européennes en matière de surpeuplement carcéral. Qu’il s’agisse notamment de la recommandation adoptée en 1999 par le Comité des Ministres[855], des règles pénitentiaires européennes traitant plus globalement des conditions carcérales[856], des rapports du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) dont celui concernant l’année 2021 porte une attention particulière au surpeuplement carcéral[857], ou encore plus spécifiquement du Livre blanc sur le surpeuplement carcéral présenté le 30 juin 2016[858], force est de constater la richesse des ressources en la matière. Celle-ci démontre la volonté féroce de résorber ce qui constitue une problématique européenne d’une ampleur certaine. Il s’est d’ailleurs tenue les 24 et 25 avril 2019 une « conférence de haut niveau sur la surpopulation carcérale » organisée par le Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC). En ce qui concerne l’approche européenne juridictionnelle, la France a longtemps échappé à une condamnation de la Cour européenne des droits de l’Homme alors que cette dernière n’hésitait pas à sanctionner les Etats voisins. Si elle a tout d’abord affirmé de manière générale que « l'article 3 de la Convention impose à l'Etat de s'assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions qui sont compatibles avec le respect de la dignité humaine[859] », la Cour européenne des droits de l'Homme s’est rapidement exprimée et montrée ferme en matière de surpeuplement carcéral en concluant que « les conditions de détention du requérant, en particulier la surpopulation et l'insalubrité extrêmes, et leurs effets préjudiciables sur la santé et le bien-être de l'intéressé, combinées avec la durée de la période pendant laquelle il a été détenu dans de telles conditions, s'analysent en un traitement dégradant[860]», l’absence de « volonté d’humilier ou de rabaisser la victime [n’excluant pas le] constat de violation de l’article 3[861] ». En outre, la juridiction européenne a confirmé le 20 octobre 2016, dans un arrêt Mursic contre Croatie, que « l’exigence de 3 m² de surface au sol par détenu en cellule collective doit demeurer la norme minimale pertinente aux fins de l’appréciation des conditions de détention au regard de l’article 3 de la Convention[862] », norme régulièrement invoquée depuis quelques années[863]. Face à l’ampleur du surpeuplement carcéral en Italie, la Cour européenne des droits de l'Homme a même rendu un arrêt pilote en 2013. Il convient de rappeler qu’aux termes de l’article 61 du règlement de la Cour ayant consacré une pratique prétorienne, la juridiction européenne peut appliquer la procédure de l’arrêt pilote « lorsque les faits à l’origine d’une requête introduite devant elle révèlent l’existence, dans l’Etat contractant concerné, d’un problème structurel ou systémique ou d’un autre dysfonctionnement similaire qui a donné lieu ou est susceptible de donner lieu à l'introduction d'autres requêtes analogues ». Via cet arrêt pilote Torregianni et autres, la Cour ayant constaté la violation de l’article 3, exige que l’Etat italien instaure « un recours ou un ensemble de recours internes effectifs aptes à offrir un redressement adéquat et suffisant dans les cas de surpeuplement carcéral[864] » et ce « dans un délai d’un an[865] ». C’est la même année et précisément le 25 avril 2013 que les juges de Strasbourg se prononcent enfin sur la situation carcérale française. Dans l’arrêt Canali contre France, cette dernière est condamnée sur le fondement de la violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme🏛[866]. En l’espèce, la Cour européenne des droits de l'Homme avait apprécié les conditions globales de détention du requérant, à savoir son espace de vie mais également la durée du temps quotidien passé hors de la cellule et les conditions d’hygiène dans lesquelles il vivait sa détention. C’est l’ensemble de ces éléments qui a conduit à la première condamnation de la France en matière de surpeuplement carcéral[867]. Deux ans plus tard, une nouvelle condamnation est intervenue aux termes de l’arrêt Yengo contre France dans le même contexte de surpeuplement carcéral mais cette fois-ci au regard de l’absence de recours effectif de la personne détenue[868]. La situation n’ayant pas favorablement évolué en France, la juridiction européenne a rendu un arrêt qualifié de « quasi-pilote[869] » le 30 janvier 2020 aux termes duquel elle statue sur non moins de trente-deux requêtes visant six établissement pénitentiaires français. Constatant la violation de l’article 3 de la Convention prohibant tout traitement inhumain ou dégradant en raison du surpeuplement carcéral, elle condamne également la France sur le fondement de la violation de l’article 13 en l’absence de recours effectif ouvert aux personnes détenues, malgré les mécanismes de référé-liberté[870] et référé mesures-utiles[871]. Dans son opinion concordante, la juge O’Leary dénonce « la surpopulation persistante [touchant] les prisons françaises[872] ». Il est d’ailleurs régulièrement évoqué à travers cette décision « le surencombrement chronique[873] » des maisons d’arrêt. Il est ainsi recommandé à l’Etat français de « prendre des mesures générales pour résorber définitivement la surpopulation carcérale et établir un recours préventif effectif en pratique[874] ». C’est donc dans un contexte européen prégnant que le phénomène de surpeuplement carcéral est appréhendé en droit interne et l’introduction de procédures simplifiées a également pour objectif de répondre à cette problématique.

208. Objectif de résorption du surpeuplement carcéral des procédures simplifiées. En droit interne, outre la section française de l’Observatoire international des prisons, le Contrôleur général des lieux de privations de liberté (CGLPL) et le Défenseur des droits sont particulièrement concernés par le sujet du surpeuplement carcéral. En plus de leurs rapports annuels d’activités et de visites alertant régulièrement sur l’état de surpeuplement des prisons françaises[875], le CGLPL a consacré un rapport thématique sur les « droits fondamentaux à l’épreuve de la surpopulation pénale » en 2018[876]. De son côté, le législateur n’a pu rester silencieux sur ce sujet. Si la loi du 9 mars 2004🏛 introduisant la nouvelle procédure d’aménagement de peine semble justifier uniquement ce nouveau dispositif à l’aune de la lutte contre les sorties sèches de détention, les travaux préparatoires de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 instaurant la PSAP et la SEFIP prennent la mesure du phénomène de surpeuplement carcéral et y font explicitement référence[877]. Même si certains jugent utiles de « déconnecter la question des aménagements de peine du problème de la surpopulation carcérale[878]», le législateur du 15 août 2014 lie ces deux items. Preuve en est, l’inscription au sein de l’article 707 du Code de procédure pénale🏛 par cette loi d’un « retour progressif à la liberté [du condamné] en tenant compte des conditions matérielles de détention et du taux d'occupation de l'établissement pénitentiaire » tandis que jusqu’alors ce retour progressif était uniquement conditionné aux efforts de réinsertion fournis par le condamné. Les travaux parlementaires de la loi du 15 août 2014🏛 introduisant la libération sous contrainte, et notamment le rapport rendu par Dominique Raimbourg, insistent effectivement sur la problématique du surpeuplement carcéral[879]. L’objectif de résorption est également affiché aux termes des travaux parlementaires de la loi du 23 mars 2019🏛 ayant étendu les modalités d’application la libération sous contrainte[880], s’appuyant notamment sur le rapport rendu par Jean-Jacques Urvoas intitulé « En finir avec la surpopulation carcérale[881] ». Toutefois, si les procédures simplifiées s’inscrivent dans ce contexte, force est de rappeler que d’autres moyens sont mis en œuvre pour lutter contre le surpeuplement carcéral[882]. Outre les politiques architecturales d’extension du parc pénitentiaire[883], les aménagements de peine ab initio[884], l’interdiction du prononcé de peines d’emprisonnement inférieures ou égales à un mois[885], le législateur sous l’impulsion de la Cour de cassation[886] (ayant elle-même réagi à la condamnation de la France par l’arrêt J. M. B rendu le 30 janvier 2020 par la Cour européenne des droits de l’Homme) et du Conseil Constitutionnel[887], a introduit un article 803-8 au sein du Code de procédure pénale🏛[888], prévoyant un recours judiciaire ouvert à toute personne détenue estimant que ses conditions de détention sont contraires à la dignité de la personne humaine[889]. Si l’objet de ce recours dépasse la question structurelle du surpeuplement carcéral, il n’en demeure pas moins que celui-ci est bien souvent à l’origine de la situation personnelle d’atteinte à la dignité du condamné[890]. Enfin, force est de constater que tout comme la problématique des sorties sèches, celle du surpeuplement carcéral ne concerne pas particulièrement les longues peines privatives de liberté, ce qui explique également leur exclusion des procédures simplifiées d’aménagement.

209. Un surpeuplement carcéral concernant principalement les maisons d’arrêt. Lorsque l’on reprend les statistiques des personnes détenues au sein des établissements pénitentiaires français, l’on s’aperçoit que les maisons d’arrêt sont quasiment les victimes exclusives du surpeuplement carcéral[891]. A titre d’exemple, au 1er décembre 2021[892], la maison d’arrêt de Bayonne présentait une densité carcérale de 169,3%, celle de Rochefort s’élevait à 186,5%, celle de Tulle s’élevait à 191,5%, celle de La Roche sur Yon s’élevait à 192,3% et celle de Nîmes s’élevait à 198,5%. A titre de comparaison, la maison centrale de Clairvaux affichait à la même date une densité carcérale de 55%, lorsque celle de Poissy s'élevait à 85%, celle d’Arles à 80,9% et celle de Saint-Martin-de-Ré à 76,4%. Si les centres de détention semblent connaitre des densités carcérales plus importantes que les maisons centrales, elles ne dépassent que rarement les 100%. En effet, la densité carcérale du centre de détention d’Argentan s’élevait à 95,8% au 1er décembre 2021, celle du centre de détention de Bapaume s’élevait à 90%, celle du centre de détention de Tarascon s'élevait à 96,3% et le centre de détention de Val de Reuil s’élevait à 92,2%. Il est à noter qu'à la même date, certains centres pénitentiaires comprenant des centres de détention tels que ceux de Nouméa ou encore Majicavo connaissent une densité carcérale dépassant les 130%. Pour autant, l’on ne peut généraliser ces situations ultramarines particulières résultant notamment de spécificités géographiques complexifiant les transfèrements des personnes détenues[893]. Les établissements pour peines situés en métropoles appliquant un numerus clausus de fait ne rencontrent vraisemblablement pas les mêmes difficultés de densité carcérale. Cela n'est pas nouveau. Il était en effet déjà souligné le 28 mai 2014 qu’« en métropole, la surpopulation carcérale concerne essentiellement les maisons d’arrêt bien que plusieurs centres de semi-liberté accueillent plus de personnes que leurs capacités ne le leur permettent en théorie. Toutefois, les établissements pour peine pratiquent très généralement un numerus clausus de fait qui les protège contre l’apparition du phénomène[894] ». Étant précisé que les longues peines sont principalement exécutées au sein de maisons centrales, les personnes condamnées à ce type de peines ne rencontrent a priori pas de difficultés liées au surpeuplement carcéral durant l'exécution de leur peine. Cela ne signifie pas qu'elles n'y ont pas été confrontées dans le cadre de leur éventuelle détention provisoire. Cependant, les procédures simplifiées n’intervenant que dans le cadre de l'exécution d'une peine, elles ne sauraient, dans le cadre de la lutte contre le surpeuplement carcéral, contribuer au désencombrement des maisons centrales n’affichant pas un surnombre de personnes détenues. Quand bien même les personnes condamnées à une longue peine privative de liberté dont il ne reste qu’un reliquat de peine inférieur à un an à exécuter peuvent être affectées en maison d’arrêt et subir ce surpeuplement, cela demeure exceptionnel[895]. En effet, il faudrait alors qu’aucun aménagement de la peine n’ait été accordé jusque-là. De plus, l’établissement de prédilection d’exécution de la fin des longues peines demeure le centre de détention. Toutefois, si en définitive les objectifs visés par les procédures simplifiées ne concernent pas réellement les longues peines privatives de liberté, le législateur a souhaité introduire une nouvelle procédure d’examen obligatoire spécifique aux longues peines.

B°) L’intégration artificielle des longues peines aux procédures simplifiées

210. Création d’un examen obligatoire en vue d’une libération conditionnelle. Lors de la réforme pénale du 15 août 2014, le législateur a souhaité montrer que malgré l’attention particulière portée aux peines délictuelles, à travers notamment la création d’une mesure alternative à l’emprisonnement - à savoir la contrainte pénale - le renforcement de l’individualisation de la peine ou encore l’introduction de la libération sous contrainte[896], il prenait aussi en considération les longues peines privatives de liberté. C’est ainsi qu’il a créé un pendant à la libération sous contrainte des courtes peines au sein de l’article 730-3 du Code de procédure pénale🏛. Ce dernier dispose désormais que « lorsque la durée de la peine accomplie est au moins égale au double de la durée de la peine restant à subir, la situation de la personne condamnée exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté d'une durée totale de plus de cinq ans est examinée par le juge ou le tribunal de l'application des peines à l'occasion d'un débat contradictoire tenu selon les modalités prévues aux articles 712-6 ou 712-7, afin qu'il soit statué sur l'octroi d'une libération conditionnelle. Si la personne a été condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité, ce débat ne peut intervenir avant le terme du temps d'épreuve ni avant celui de la période de sûreté[897] ». Cet article se rapproche des dispositions de l’article 720 du Code de procédure pénale🏛 en ce que l’examen, bien que concernant des peines supérieures à cinq ans, intervient après exécution des deux-tiers de la peine. Il s’éloigne toutefois des dispositions applicables aux courtes peines à plusieurs titres. Tout d’abord, il est prévu un examen unique obligatoire mais aucune libération de plein droit ou quasi-automatique n’est envisagée. Dans un deuxième temps, l’on constate que l’examen ne porte que sur le prononcé d’une libération conditionnelle, à l’exclusion des mesures de semi-liberté, placement à l’extérieur et détention à domicile sous surveillance électronique visées par l’article 720 du Code de procédure pénale🏛 (bien qu’il ne soit pas fait obstacle à ce que ces mesures interviennent en tant qu’aménagements de peine probatoires à une libération conditionnelle, en application du droit commun). Surtout, l’examen de la situation du condamné se réalise dans le cadre processuel du débat contradictoire et non de la commission de l’application des peines. Enfin, l’on note que législateur n’a pas instauré de conditions matérielles d’accès spécifiques à la libération conditionnelle accordée via cette procédure puisque comme l’indique la circulaire du 26 décembre 2014 « le mécanisme mis en place par l’article 730-3 s’appuie […] sur le droit commun de la libération conditionnelle[898] ». La même circulaire fait état de la « nécessité d’un investissement plus grand de la personne condamnée à travers un projet d’insertion » en raison des quanta de peines concernés[899]. En réalité, cet article crée un examen obligatoire - à tel point d’ailleurs que la chambre de l’instruction peut s’auto-saisir si le débat contradictoire n’a pas été tenu conformément aux dispositions en vigueur - mais ne déroge pas véritablement au droit commun de l’aménagement des longues peines privatives de liberté et ne crée par une procédure simplifiée applicable aux longues peines. Compte tenu des critiques formulées à l’égard des procédures précédemment observées, il est heureux que les longues peines demeurent soumises à une procédure traditionnelle d’aménagement. Toutefois, force est de constater que malgré la bonne volonté du législateur de s’intéresser à la relance de l’aménagement des longues peines privatives de liberté, cette nouvelle procédure ne produit pas l’effet escompté.

211. Création d’un examen superfétatoire. Si l’objectif de l’article 730-3 du Code de procédure pénale🏛 peut être louable en ce qu’il impose un examen en vue de la libération conditionnelle des longues peines, il convient d’analyser son articulation avec un article similaire, à savoir l’article 730 du Code de procédure pénale🏛. Ce dernier établit les critères de répartition des compétences entre le juge de l’application des peines et le tribunal de l’application des peines en matière de libération conditionnelle et son troisième alinéa prévoit que lorsque les conditions temporelles d’accès à la libération conditionnelle sont remplies, la situation de chaque condamné est annuellement examinée en vue de l’octroi de cet aménagement. Il semblerait donc qu’un examen obligatoire soit déjà prévu par le législateur pour l’ensemble des condamnés éligibles à la libération conditionnelle, et par conséquent, pour les longues peines. Cette disposition n’est pas récente puisqu’elle est entrée en vigueur le 1er janvier 1973[900]. Voilà donc que depuis plus de quarante ans, un examen annuel était obligatoirement réalisé, quand le législateur a décidé d’en créer un second. La copie ne vaut tout de même pas l’original. En effet, lorsque l’article 730 prévoit un examen annuel, l’article 730-3 ne prévoit qu’un examen unique. Lorsque l’article 730 prévoit un examen en vue d’une libération conditionnelle dès que les conditions temporelles sont réunies, l’article 730-3 ne prévoit cet examen qu’après exécution des deux-tiers de la peine. Ce nouvel examen a donc vocation à intervenir plus tard puisqu’en l’absence de période de sûreté spéciale, le condamné est éligible à une libération conditionnelle au terme de l’exécution d’un temps d’épreuve équivalant à la moitié de la peine. Pourtant la circulaire du 26 décembre 2014 tente de justifier l’intérêt de cette procédure en soutenant que son champ d’application serait plus large que celui de l’article 730 du Code de procédure pénale🏛, bien que les objectifs soient communs. Elle indique en effet que « L’article 730 s’applique (…) aux condamnés exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté d’une durée inférieure ou égale à 10 ans ou, quelle que soit la peine initialement prononcée, dont la durée de détention restant à subir est inférieure à 3 ans. L’article 730-3 vise de façon plus large toutes les personnes condamnées exécutant une ou plusieurs peines d’une durée totale de plus de 5 ans[901] ». Or, cette interprétation semble erronée. Si les deux premiers alinéas de l’article 730 élaborent effectivement les critères de répartition de compétences entre le juge de l’application des peines et le tribunal de l’application des peines en conférant au premier une compétence en matière de libération conditionnelle lorsque la peine prononcée est supérieure à dix années et que le reliquat à exécuter n’excède pas trois années, son troisième alinéa prévoit quant à lui que l’examen annuel, intervienne dès que « les conditions de délai prévues à l'article 729 sont remplies[902] ». Il n’est donc nullement fait référence à un reliquat inférieur à trois années pour la tenue de cet examen. Le champ d’application de la nouvelle procédure exigeant que les deux-tiers de la peine soient exécutés est donc bien moins large que celui de la procédure traditionnelle exigeant que seules les conditions temporelles minimales requises pour accéder à la libération conditionnelle soient remplies[903]. Par ailleurs, lorsque l’article D523 du Code de procédure pénale🏛 précisant les conditions d’application de l’article 730 prévoit un examen « même en l'absence de demande de la part des intéressés », l’article 730-3 précise que « le juge ou le tribunal de l'application des peines n'est pas tenu d'examiner la situation de la personne qui a fait préalablement savoir qu'elle refusait toute mesure de libération conditionnelle ». Si dans les deux cas, le condamné n’est pas à l’origine de l’examen puisqu’une auto-saisine est prévue, il n’en demeure pas moins que le premier examen est plus ouvert puisqu’il n’exclut pas ab initio de son champ d’application les condamnés ayant manifesté un refus préalable de bénéficier d’une libération conditionnelle. Enfin, le caractère superfétatoire de cette nouvelle procédure s’illustre véritablement l’année de sa mise en œuvre, soit après exécution des deux-tiers de la peine du condamné, puisque dans la même année se tiendra l’examen annuel traditionnel. La circulaire du 26 décembre 2014 précise néanmoins que dans ce cas, « l’examen de sa situation au regard de la libération conditionnelle peut toutefois se faire d’une façon unique au titre des deux dispositifs[904] ». En définitive, il est difficile de saisir la plus-value de cet article 730-3 du Code de procédure pénale🏛, dont l’effet doublon rend son mécanisme artificiel[905]. Si l’objectif du législateur était de faire croire qu’il s’emparait du sujet de l’exécution des longues peines privatives de liberté, ce fut un échec car force est de constater que les longues peines sont demeurées les grandes « oubliées de la réforme pénale[906] ».

Conclusion du chapitre 1

212. Une limitation globalement justifiée de l’offre des aménagements de peine. Après avoir constaté que l’accès aux aménagements était mécaniquement et juridiquement retardé pour les personnes condamnées à une longue peine privative de liberté, il était nécessaire de s’attarder sur le contenu de l’offre des aménagements de peine. C’est ainsi qu’il a pu être dressé le constat d’une limitation de celui-ci. Qu’il s’agisse des aménagements à visée humanitaire, tels que le fractionnement et les suspensions de peine, ou des procédures simplifiées d’aménagement de la peine, l’on se rend compte que le législateur exclut les longues peines d’un certain nombre de mesures. Pour autant, ces exclusions peuvent être expliquées. D’une part, le fractionnement et la suspension de peine traditionnelle semblent constituer une faveur réservée aux condamnés ayant le moins gravement troublé l’ordre public. C’est la raison pour laquelle, ils sont réservés à la matière correctionnelle. Une suspension médicale de peine spéciale demeure toutefois ouverte à de strictes conditions aux longues peines, lorsque la situation médicale du condamné est grave. D’autre part, les procédures simplifiées ont été introduites dans le but de résoudre des problématiques pénales étrangères aux longues peines, telles que les sorties « sèches » des personnes condamnées à une peine privative de liberté de courte durée ou encore le surpeuplement carcéral structurel dont souffrent particulièrement les personnes détenues en maison d’arrêt. Si le législateur a toutefois souhaité donner le change en instaurant un examen obligatoire en vue d’une libération conditionnelle après exécution des deux-tiers de la peine privative de liberté excédant cinq ans, force est d’admettre que cet examen ne peut être qualifié de procédure simplifiée. Pour autant, l’on ne peut regretter l’exclusion des longues peines des procédures simplifiées dévoyant le fondement d’aménagements de peine prévus initialement pour rétribuer les efforts de réinsertion du condamné. L’on peut toutefois souhaiter que la matière criminelle soit réintégrée aux dispositions relatives au fractionnement et à la suspension de peine de l’article 720-1 du Code de procédure pénale🏛.

Chapitre 2 : Un accès limité pour les auteurs d’infractions terroristes

213. Nécessaire contextualisation de la limitation de l’offre d’aménagements de peine aux infracteurs terroristes. S’il a été constaté une limitation de l’offre des aménagements de peine à l’égard de l’ensemble des personnes condamnées à une longue peine privative de liberté, il est à noter que certaines d’entre elles, en raison de la nature terroriste de l’infraction commise, subissent une limitation supplémentaire. Bien qu’il ne soit alors plus fait directement référence au quantum de la peine prononcée, force est de constater que les peines encourues en matière de terrorisme sont majoritairement de longue durée en raison de la gravité des infractions. Il a ainsi été décidé de tenir compte de cette gravité lors de la phase post-sentencielle. Les évolutions législatives dans ce domaine font écho aux divers attentats ayant notamment eu lieu en France. Récemment, le durcissement du cadre législatif s’inscrit dans un contexte particulièrement marqué par le terrorisme islamiste. Les lois des 3 juin et 21 juillet 2016 sont adoptées à la suite d’une série d’attentats quasiment ininterrompue entre janvier 2015 et juillet 2016[907]. Sur la scène internationale, après les tristement célèbres attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, l’administration Bush est, quant à elle, entrée en guerre contre le terrorisme[908] jusqu’en 2008, s’affranchissant ainsi de du cadre pénal existant en se fondant alors sur le « Patriot Act » et la notion de « combattant ennemi illégal[909] » pour prévenir et réprimer les actes de terrorisme. Cet affranchissement a engendré de vives critiques et la violation des droits fondamentaux au sein du camp militaire de Guantanamo, devenu centre de détention de ces « combattants », a notamment été dénoncée[910]. Plus généralement, l’édification d’un système permettant de juger des personnes « devant des tribunaux militaires, sans jurés, sans règles de preuve », se passant ainsi « des principes de la loi » a été pointé du doigt[911]. Les législations d’exception applicables dans le cadre du contentieux terroriste trouvent leur essence dans ce qui a pu être nommé le « droit pénal de l’ennemi ». Elaborée initialement par Gunther Jakobs[912], la théorie d’un droit pénal de l’ennemi présuppose « l'idée que les règles juridiques en vigueur pour le citoyen ne peuvent s’appliquer à qui rejette totalement les règles qui sont à la base de la société civile parce qu'il y porte atteinte brutalement, totalement, précisément sans aucune règle[913] ». C’est à ce titre que le 20 septembre 2001, était par exemple déposée une proposition de loi tendant à rendre imprescriptibles les crimes et incompressibles les peines en matière de terrorisme[914] et que près de trois ans plus tard, le 8 avril 2004, était déposée une proposition de loi tendant à rétablir la peine de mort pour les auteurs d’actes de terrorisme[915]. Perçus non plus comme des condamnés qu’il convient de réinsérer mais comme des ennemis à combattre, l’objectif de neutralisation définitive des infracteurs terroristes qualifiés de « naufragés du droit pénal[916] » est indéniable. S’il est admis que l’on s’oriente vers la création d’un droit spécial des aménagements de peine en la matière[917], il est toutefois nécessaire de réinscrire cette évolution dans un contexte juridique plus large. En effet, c’est l'intégralité du cadre législatif qui a été bouleversé à la suite des divers attentats terroristes commis en France.

214. Limitation des aménagements de peine : ultime manifestation de la spécialisation de la législation antiterroriste. Pour comprendre à quel point l’aménagement des peines prononcées à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes est drastiquement limité, il semble indispensable de rendre compte du contexte juridique dans lequel cette limitation a pu voir le jour (Section 1) avant d’enfin la caractériser (Section 2).

Section 1 : Le contexte juridique de la limitation des aménagements de peine

215. Analyse préalable de la spécialisation de la législation antiterroriste. La préhension du terrorisme par le droit n’est pas l’apanage du seul droit pénal. La dualité du droit de l’antiterrorisme « aux confins du droit administratif et du droit pénal » a d’ores et déjà été soulignée[918]. D’ailleurs, l’on ne peut penser aux mesures administratives[919] sans évoquer les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance[920] (MICAS) instaurées au sein du Code de la sécurité intérieure[921]. Il convient pourtant de limiter les observations suivantes au droit pénal spécial, à la procédure pénale et au droit pénitentiaire en raison du lien étroit les unissant au droit de l’application des peines et ce afin d’éclairer la spécificité de ce dernier en matière de terrorisme. C’est donc à la lumière de l’adaptation du droit pénal au terrorisme (§1) et de la création d'un régime pénitentiaire spécial pour les détenus radicalisés (§2) que la limitation de l’aménagement des peines prononcées en matière de terrorisme pourra être abordée dans un second temps.

§1 - L’adaptation du droit pénal au terrorisme[922]

216. Adaptation nécessaire du droit commun aux infractions de nature terroriste. L’on peut, dans un premier temps, remarquer que le droit commun s’applique en partie aux infractions de nature terroriste qui ne relèvent pas tout à fait d’un droit pénal autonome[923]. Le législateur s'est néanmoins rapidement aperçu que les spécificités liées à la matière terroriste nécessitaient un traitement particulier. Ce contentieux se distingue en effet des infractions de droit commun, notamment au regard du trouble grave causé à l’ordre public qu’engendre la commission d'infractions de cette nature, mais également au regard de sa complexité. D’une part, la gravité des infractions commises a entrainé, entre autres, un durcissement de la répression et un ajustement des règles procédurales relatives aux poursuites, à l'instruction et au jugement. D’autre part, la complexité et la technicité du contentieux ont justifié une concentration des moyens via la centralisation des juridictions compétentes ainsi que la spécialisation de ces dernières. A cet effet, des assistants spécialisés ont, par exemple, rejoint ces juridictions[924]. En la matière, il appartient au législateur de s’adapter continuellement à l’évolution des formes du terrorisme. L’on a pu assister ces dernières décennies à l’accroissement du terrorisme islamiste représentant désormais la majeure partie de ce contentieux protéiforme. Bien que le droit commun constitue une base, il était donc impérieux de prévoir des dispositions spécifiques à la matière tout en limitant l’atteinte portée aux droits et libertés fondamentaux à la stricte nécessité[925]. Si le législateur assimile souvent la matière terroriste à la criminalité organisée, au trafic de stupéfiants et autres formes de criminalité particulières en leur consacrant un régime spécial commun[926], il a également développé en parallèle un régime dérogatoire spécifique à la matière terroriste et de nombreuses dispositions législatives sont intervenues.

217. Adaptation constante du législateur aux évolutions du terrorisme[927]. L’on ne compte plus les lois tentant de s’adapter au contentieux terroriste en France. La loi du 9 septembre 1986🏛[928] constitue le socle de la lutte contre le terrorisme qu’elle définit comme regroupant l’ensemble « des infractions en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur[929] ». Cette loi fonde le régime dérogatoire applicable en la matière en prévoyant notamment la compétence concurrente des juridictions parisiennes, le durcissement du régime de la garde à vue et de la pénalité des infractions existantes, ainsi que la création de nouvelles incriminations. La loi du 10 juillet 1991🏛 encadre ensuite les interceptions de correspondances téléphoniques autorisées dans le cadre de la prévention du terrorisme[930]. Celle du 8 février 1995 procède, quant à elle, à l’allongement de la prescription de l’action publique en la matière[931]. La loi du 22 juillet 1996🏛 crée le délit d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste[932]. Le 30 décembre de la même année, les régimes dérogatoires de la détention provisoire et des perquisitions sont adoptés[933]. Une loi tendant à faciliter le jugement des actes de terrorisme est adoptée le 29 décembre 1997[934]. Par la suite, une loi du 15 novembre 2001🏛 élargit les modalités des contrôles d’identité en la matière et sanctionne le financement des actes de terrorisme[935]. Bien entendu, la loi du 9 mars 2004🏛 étend les modalités d’investigations en matière de terrorisme[936]. Le 23 janvier 2006, une nouvelle loi relative à la lutte contre le terrorisme est adoptée[937]. Six ans plus tard, le législateur réitère[938]. Cela ne semblait pas suffisant puisque le 13 novembre 2014, il renforce les dispositions existantes en créant notamment le délit d’entreprise individuelle terroriste[939]. A la suite des attentats de novembre 2015, deux nouvelles lois sont adoptées, à savoir la loi du 3 juin 2016🏛[940] et la loi du 21 juillet 2016🏛[941]. Si la première étend à nouveau les moyens d’investigation, la seconde réforme notamment l’aménagement des peines prononcées en la matière en vue de retarder autant que faire se peut la sortie des personnes condamnées à une peine d’emprisonnement ou de réclusion criminelle. Le législateur adapte sans cesse le cadre juridique applicable aux évolutions du terrorisme et renforce encore via la loi 30 octobre 2017 la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme[942]. Plus récemment, la loi du 23 mars 2019🏛 crée le parquet national antiterroriste[943] et la loi du 30 juillet 2021🏛[944] crée une mesure de sûreté applicable aux auteurs d’actes de terrorisme. Sans prétendre à l’exhaustivité, cette énumération permet d’illustrer la volonté de créer un cadre juridique spécifiquement applicable à la matière.

218. Plan. Il va sans dire que l’étude de l’adaptation du droit commun à la matière terroriste doit se réaliser tant au regard du droit pénal de forme (A) que du droit pénal de fond (B).

A°) L’adaptation du droit pénal formel

219. Adaptation de la phase d’enquête. C’est le titre XV du Code de procédure pénale, intitulé « De la poursuite, de l'instruction et du jugement des actes de terrorisme » qui rassemble les dérogations prévues en la matière au sein des articles 706-16 à 706-25-22. Si ce titre n’évoque pas la phase de l’application des peines, des dispositions relatives à cette phase y sont néanmoins intégrées. Concernant la phase d’enquête, il faut d’abord noter que la complexité du contentieux terroriste a justifié la création d’un service spécialisé de la police judiciaire[945] dont les moyens d’investigation ont dû être adaptés et les prérogatives étendues. L’on s’aperçoit alors de la volonté du législateur d’affranchir partiellement les enquêteurs des contraintes rencontrées, en raison de la gravité du contentieux. Toutefois, les dispositions applicables ne sont, pour la plupart, pas exclusives à la matière et relèvent souvent de procédures particulières s’appliquant également aux infractions relatives à la criminalité organisée et au trafic de stupéfiants[946]. Le régime de la garde à vue a évidemment été adapté. Par dérogation aux dispositions de l’article 63 du Code de procédure pénale🏛 fixant la durée maximale de la garde à vue à quarante-huit heures dans le cadre d’infractions de droit commun, cette mesure peut être prolongée, depuis la loi du 23 janvier 2006🏛, jusqu’à six jours en cas de risque imminent d’une action terroriste ou de nécessité liée à la coopération internationale[947]. Il s’agit de l’extension procédurale la plus significative. Le Conseil Constitutionnel a d’ailleurs validé ces dispositions[948]. Au surplus, l’intervention de l’avocat peut être reportée jusqu’à la soixante-douzième heure[949]. Outre le stade de l’enquête, celui des poursuites a connu un certain nombre d’adaptations.

220. Adaptation au stade des poursuites. Deux observations peuvent être émises lors de la phase des poursuites des infractions de nature terroriste. Si la nécessité de concentration des moyens a justifié la centralisation des poursuites dans un premier temps, la particularité du contentieux a, dans un second temps, nécessité la création d'un parquet national spécialisé. La loi du 9 septembre 1986🏛 prévoyait au sein de l’article 716-17 du Code de procédure pénale la compétence concurrente et non exclusive des juridictions parisiennes en matière terroriste, à savoir le procureur de la République, le juge d’instruction, le tribunal correctionnel et la cour d’assises de Paris[950]. Au stade des poursuites, la section C1 du parquet de Paris était en l’occurrence compétente. L’augmentation du volume du contentieux terroriste et son changement de nature - il s’agissait majoritairement d’un terrorisme basque et corse jusqu’au tournant opéré en 2014[951] - ont notamment conduit à penser la création d’un parquet spécialisé à l’image du parquet national financier. L’article 69 de la loi du 23 mars 2019🏛 a donc créé le parquet national antiterroriste (PNAT)[952]. Il est toutefois permis au procureur antiterroriste de déléguer à tout procureur de la République territorialement compétent la réalisation « d’actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions » terroristes favorisant ainsi une collaboration[953]. Concernant la prescription de l'action publique, un régime dérogatoire non exclusif à la matière terroriste est applicable et l’action publique se prescrit par trente années révolues à compter du jour de la commission du crime de nature terroriste au lieu des vingt années prévues en droit commun[954] tandis que la prescription de l’action publique délictuelle est portée à vingt années révolues au lieu des six années traditionnellement prévues[955]. Enfin, lorsque l'action publique est mise en mouvement et qu'une information est ouverte, il existe bien évidemment des spécificités liées à la matière terroriste au stade de l’instruction.

221. Adaptation au stade de l’instruction. Comme à tous les stades de la procédure, il existe au stade de l’instruction, une compétence concurrente de la juridiction parisienne[956]. Les juges de la galerie Saint Éloi[957] sont regroupés au sein du pôle antiterroriste. Il existe également des juges des libertés de la détention spécialisés en la matière. Au stade de l'instruction, deux observations principales peuvent être émises. Tout d’abord, il est prévu une dérogation quant à la durée maximale de la détention provisoire. Celle-ci est allongée en matière délictuelle et n'est plus limitée à quatre mais à six mois. La prolongation de la détention provisoire s’effectue également par période de six mois au lieu de quatre. Il a même été prévu un plafond exceptionnel de trois ans dans le cadre de l'instruction du délit de participation à un groupement ou à une entente en vue de la préparation d'un acte de terrorisme régi par l'article 421-2-1 du Code pénal🏛[958]. En matière criminelle, bien que la durée de la détention provisoire soit plafonnée à quatre ans et qu’une prolongation de quatre mois renouvelable une fois puisse être ordonnée, ce régime dérogatoire n'est pas spécifique à la matière terroriste[959]. Par ailleurs, un tempérament au principe du secret de l'instruction est prévu en la matière puisque le juge d'instruction peut transmettre des éléments de la procédure aux services de renseignements[960].

222. Adaptation au stade du jugement. Au stade du jugement, outre la compétence concurrente des juridictions parisiennes, à savoir le tribunal correctionnel et la cour d’assises de Paris, le législateur a prévu que la cour d'assises serait en la matière spécialement composée[961]. En effet, il renvoie à la composition de la cour d'assises compétente en matière militaire en temps de paix telle qu’elle résulte de l'article 698-6 du Code de procédure pénale🏛. Il s’agit d’une cour d’assises particulière car dénuée de jurés populaires. Toutefois, l’absence de discrimination entre les personnes accusées de crimes terroristes comparaissant toutes sans distinction devant une cour d’assises ainsi composée a permis de faire reconnaitre la conformité de ces dispositions aux exigences du procès équitable[962]. En ce qui concerne la représentation du ministère public à l’audience, c’est le procureur antiterroriste (ou l’un de ses substituts) qui est compétent en première instance. En appel, il dispose d’une compétence concurrente avec le procureur général. Enfin, pour des raisons de sécurité, une délocalisation de l’audience est possible et celle-ci peut se tenir dans un autre ressort que celui territorialement compétent[963].

223. Adaptation au stade de l’application des peines. La procédure pénale a également été adaptée à la phase de l’application des peines. Tout d’abord, la prescription de la peine a été étendue en matière terroriste, bien que cette extension ne lui soit pas spécifique. En matière criminelle, la peine est prescrite dans un délai de trente années révolues à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive au lieu de vingt années révolues pour des crimes de droit commun[964], tandis qu’en matière délictuelle, la peine est prescrite dans un délai de vingt années révolues à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive au lieu de six années révolues pour des délits de droit commun[965]. Surtout, la particularité de la phase de l’application des peines résidait, jusqu’à la loi du 3 juin 2016🏛, dans la compétence exclusive des juridictions parisiennes de l’application des peines, indépendamment du lieu de détention ou de résidence du condamné[966]. La compétence concurrente n’était pas prévue à ce stade, la centralisation paraissant indispensable aux yeux du législateur. Néanmoins, était prévue une étroite collaboration avec le juge de l'application des peines normalement territorialement compétent dont l’avis était tout de même requis. Depuis la loi du 3 juin 2016🏛, les juridictions de l’application des peines parisiennes exercent désormais une compétence concurrente à celle résultant des dispositions de l’article 712-10 du Code de procédure pénale🏛 lorsque les poursuites, l’instruction et le jugement des infractions terroristes n’ont pas été traitées par les juridictions parisiennes spécialisées en la matière[967]. Quoi qu’il en soit, lorsqu’elles exercent leur compétence, les juridictions parisiennes peuvent recourir aux moyens de télécommunication mais également se déplacer sur l'ensemble du territoire national. Enfin, il est à noter que le procureur antiterroriste est également compétent pour représenter le ministère public auprès des juridictions de jugement de premier degré de Paris. En définitive, force est de constater que bon nombre de règles procédurales ont été adaptées aux spécificités de la matière terroriste. Cette adaptation touche également les règles de droit pénal de fond.

B°) L’adaptation du droit pénal matériel

224. Particularité des méthodes de détermination des infractions terroristes. Lorsque le législateur a souhaité sanctionner pénalement les actes de terrorisme, il s’est confronté à une difficulté de détermination des infractions terroristes. Si la loi du 9 septembre 1986🏛 retient que le terrorisme se caractérise par la commission « d’infractions en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur[968] », deux méthodes d’incrimination peuvent néanmoins être mises en lumière. Il s’agit du terrorisme « dérivé » et du terrorisme « qualifié[969] ». Tandis que le premier prend appui sur les infractions de droit pénal spécial et correspond à la définition retenue par le législateur de 1986[970], le second crée des infractions autonomes et relève d’évolutions récentes illustrant plus encore la volonté du législateur de s’adapter à ce contentieux particulier. Plus controversé que le terrorisme dérivé, les incriminations qu’il regroupe ont pu donner lieu à quelques contentieux en raison notamment de la volonté de réprimer des actes de terrorisme parfois trop en amont d’un commencement d’exécution, ouvrant ainsi un débat quant aux infractions-obstacles sanctionnant des actes préparatoires[971]. Le législateur a également tenu à réprimer ceux qui, tout en ne commettant pas d’actes de terrorisme proprement dits, provoquent directement ces actes ou en font l’apologie publique[972]. Il va plus loin encore en sanctionnant l’extraction, la reproduction et la transmission de données faisant l'apologie publique ou provoquant directement à ces actes[973]. En revanche, le Conseil Constitutionnel a jugé que ne pouvait être réprimé un délit de recel d’apologie[974]. Deux délits ont par ailleurs suscité de nombreuses critiques en raison d’une suspicion d’inconstitutionnalité. D’une part, après une première censure des dispositions de l’article 421-2-5-2 du Code pénal🏛[975] telles qu’issues de la loi du 3 juin 2016🏛[976] et prévoyant un délit de consultation habituelle de sites terroristes, le législateur récidivait par la loi du 28 février 2017🏛[977], en vain[978]. D’autre part, l’infraction contestée d’entreprise individuelle terroriste créée par la loi du 13 novembre 2014🏛[979], n’a été que partiellement déclarée conforme à la Constitution[980]. Ces deux feuilletons judiciaires illustrent les difficultés auxquelles le législateur fait face, en ce qu’il se retrouve confronté à deux objectifs se heurtant parfois, à savoir d’une part celui de protection du public de la commission d’infractions graves nécessitant d’intervenir le plus en amont possible du commencement d’exécution[981], et d’autre part, celui de respecter le principe de légalité des délits et des peines mais également ceux de nécessité et de proportionnalité de la peine. En réalité, la contradiction des objectifs poursuivis se rencontre tout au long de la chaîne pénale, de la détermination des infractions à la phase de l’aménagement de la peine.

225. Aggravation des peines encourues. Une autre des spécificités du droit pénal de fond en matière de terrorisme se caractérise par l’aggravation des peines encourues, concourant ainsi au phénomène d’allongement des peines. En premier lieu, le législateur a revalorisé l’échelle des peines et l’article 421-3 du Code pénal🏛 prévoit, dans le cadre du terrorisme dit « dérivé » un rehaussement de l’échelle pénale. En effet, les peines encourues sont portées au degré supérieur lorsqu’il s’agit de peines privatives de liberté initialement égales ou supérieures à cinq ans. Lorsque la peine initialement encourue n’excède pas trois ans, celle-ci est doublée. Dans le cadre du terrorisme qualifié, bien qu’il s’agisse d’infractions autonomes, l’on peut citer deux exemples illustrant cette aggravation. En premier lieu, l’association de malfaiteurs de droit commun semble moins sévèrement réprimée que l’association de malfaiteurs terroristes. La première prévoit deux peines distinctes en tenant compte du quantum de la peine encourue pour l’infraction préparée[982]. Lorsque l’association de malfaiteurs est qualifiée de terroriste, aucune distinction relative à la nature délictuelle ou criminelle ou à la répression de l’infraction préparée n’est établie[983]. Par ailleurs, le législateur sanctionne la direction ou l’organisation du groupement ou de l’entente en matière terroriste d’une peine de trente ans de réclusion criminelle et d’une amende d’un montant de 500. 000 euros[984]. Le délit de non-justification de ressources est également plus sévèrement sanctionné lorsqu’il est lié à la matière terroriste[985]. Outre ces deux illustrations, l’on observe que la durée des peines complémentaires encourues est également plus importante en la matière[986] et que leur caractère facultatif tend à devenir obligatoire. A titre d’exemple, l’article 422-4 du Code pénal🏛 prévoit que soit prononcée - et non plus encourue - une interdiction du territoire français en cas de commission d'un acte de terrorisme par une personne étrangère, bien qu’il soit possible pour la juridiction via une décision spécialement motivée d'écarter cette peine complémentaire[987]. L’on comprend ici la volonté du législateur de renforcer la peine d’interdiction du territoire vis-à-vis des personnes étrangères manifestant une hostilité à l’égard du pays accueillant. Tout comme pour la peine d’interdiction du territoire, le législateur établit que le suivi-socio judiciaire encouru dans les cas prévus par la loi aux termes de l’article 131-36-1 du Code pénal🏛, est désormais prononcé lorsque des actes de terrorisme ont été commis, bien qu’une décision spécialement motivée puisse encore écarter le prononcé de cette peines complémentaire[988]. A ce titre, il convient tout de même de rappeler les contraintes que le suivi socio-judiciaire peut imposer, à savoir le prononcé d’une injonction de soin[989] voire d’un placement sous surveillance électronique mobile[990]. Enfin, la période de sûreté, modalité d’exécution de la peine, dont l’application de plein droit et l’automaticité - pour des infractions spécialement prévues et en fonction du quantum de la peine prononcée - ont pu être vivement critiquées[991], s’applique désormais à toutes les infractions terroristes, sans distinction, punies de dix ans d’emprisonnement, aux termes de l’article 421-7 du Code pénal🏛. Plus encore, en cas de condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité, une période de sûreté de trente ans voire une période de sûreté perpétuelle peut assortir la peine, sans que cela ne soit réservé à une infraction particulière, comme cela est pourtant le cas pour les infractions de droit commun dont uniquement celles considérées comme les plus graves font encourir ces modalités d’exécution de la peine[992]. Force est de constater qu’en matière de terrorisme, le législateur opère par généralisation voire catégorisation[993], ce qui semble clairement porter atteinte au principe d’individualisation de la peine. Le renforcement de la sanction pénale ne s’est toutefois pas limité à la peine stricto sensu mais a été étendu aux mesures de sûreté, ce qui engendre une conséquence plus directe sur la phase d’aménagement de la peine.

226. Application des peines en matière de terrorisme : Création d’une mesure de sûreté spéciale : acte I. Si un certain nombre de mesures de sûreté existent en droit français[994], le législateur a souhaité créer deux mesures de sûreté spécialement dédiées à la matière terroriste en vue d’éviter une éventuelle récidive. Premièrement, un fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes (FIJAIT) est créé par la loi du 24 juillet 2015🏛[995] en vue de « prévenir le renouvellement des infractions » visées et de « faciliter l’identification de leurs auteurs[996] ». En outre, le 27 juillet 2020, l’Assemblée Nationale adoptait une proposition de loi « instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine[997] ». Cette mesure était applicable à toute personne condamnée à une peine privative de liberté supérieure ou égale à cinq ans pour la commission d’une infraction terroriste, (hors les délits d’apologie du terrorisme et d’extraction, reproduction et transmission de données en faisant l’apologie), ou une peine privative de liberté supérieure ou égale à trois ans pour la commission d’une infraction en état de récidive, si sa dangerosité est établie et caractérisée par un risque très élevé de récidive et par une adhésion à une idéologie terroriste. Cette mesure était prononcée par la juridiction régionale de rétention de sûreté de Paris sur réquisitions du procureur de la République. Elle comprenait un certain nombre d’obligations et interdictions traditionnelles du sursis probatoire (répondre aux convocations, recevoir les visites du SPIP, avertir ou demander l’autorisation en vue d’un déménagement ou d’un changement d’emploi, s’abstenir de fréquenter toute personne ou tout lieu, exercer une activité professionnelle, ne pas détenir d’armes ou encore établir sa résidence en un lieu déterminé entre autres) et une obligation plus spécifique de respect des « conditions d’une prise en charge sanitaire, sociale, éducative ou psychologique, destinée à permettre sa réinsertion et l’acquisition des valeurs de la citoyenneté » étant précisé que « cette prise en charge [pouvait] intervenir au sein d’un établissement d’accueil adapté dans lequel la personne concernée [était] tenue de résider ». Il était précisé que le placement sous surveillance électronique mobile pouvait assortir cette mesure dont la durée était fixée à un an renouvelable dans la limite de cinq ans pour les condamnés majeurs et trois ans pour les condamnés mineurs. Chaque renouvellement nécessitait un avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté. Cette mesure était toutefois inapplicable si un suivi socio-judiciaire, une surveillance judiciaire ou de sûreté ou encore une rétention de sûreté avait été prononcé. Enfin, le législateur soulignait le caractère subsidiaire de cette mesure ne devant être prononcée qu’en cas de stricte nécessité pour prévenir la récidive, en cas d’insuffisance des obligations et interdictions assortissant l’inscription au FIJAIT. Soumis à une saisine a priori en vue de l’examen de la conformité de cette loi à la Constitution, les Sages de la rue de Montpensier, dans une décision rendue le 7 août 2020, tout en rappelant que le législateur luttant contre le terrorisme poursuit « l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public[998] », retenaient que cette mesure de sûreté portait atteinte à la liberté d’aller et venir ainsi qu’au droit au respect de la vie privée et au droit de mener une vie familiale normale[999]. Ils critiquaient également la durée de la mesure et le fait que le législateur prévoyait un plafond en fonction du quantum de la peine encourue et non prononcée[1000]. Par ailleurs, le juge constitutionnel soulignait que cette mesure pouvait être décidée alors que la peine prononcée n’était pas particulièrement sévère, notamment lorsqu’il s’agissait de sursis[1001]. Deux éléments supplémentaires sont à souligner dans la décision du Conseil Constitutionnel. D’une part, elle réprouvait la faculté de prononcer cette mesure sans vérification du fait que le condamné eût bien été en mesure de bénéficier de moyens favorisant sa réinsertion durant sa détention[1002]. D’autre part, elle reprochait au législateur d’avoir prévu un renouvellement aux mêmes conditions que celles du prononcé, en l’absence d’élément nouveau ou complémentaire[1003]. C’est au regard de l’ensemble de ces éléments que le Conseil Constitutionnel considérait que ce dispositif n’était ni nécessaire, ni adapté, ni proportionné à l’objectif poursuivi de prévention des atteintes à l’ordre public.

227. Application des peines en matière de terrorisme : création d‘une mesure de sûreté spéciale : acte II. Les dispositions examinées ayant été déclarées non conformes, le législateur retentait sa chance via la loi du 30 juillet 2021🏛[1004]. Cette dernière prévoit la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion au sein de l’article 706-25-16 du Code de procédure pénale. L’on s’aperçoit que les conditions et le régime de cette mesure ont été quelque peu modifiés en vue d’éviter une nouvelle censure de la part du Conseil Constitutionnel. En l’occurrence, cette mesure ne s’applique désormais qu’à des personnes condamnées à des peines privatives de liberté dites « fermes », les quanta visés demeurant inchangés. La particulière dangerosité doit à présent faire obstacle à la réinsertion du condamné. Les obligations et interdictions ne semblent pas avoir été modifiées, cependant, elles ne sont plus prononcées par la juridiction régionale de rétention de sûreté mais par le tribunal de l’application des peines, sur réquisitions du procureur antiterroriste. La mesure, dont la durée est fixée à un an, peut être renouvelée pour la même durée après avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, mais dans la limite maximale de cinq ans pour un majeur et trois ans pour un mineur. L’extension exceptionnellement prévue en cas de commission d’une infraction punie de dix ans a disparu. De plus, ce renouvellement doit être justifié par un élément nouveau ou complémentaire, conformément aux attentes du juge constitutionnel qui a clairement offert au législateur un vade-mecum de la mesure de sûreté à instaurer. Cette mesure, inapplicable si une autre mesure de sûreté ou un suivi socio-judiciaire a d’ores et déjà été prononcé, répond toujours à l’exigence de stricte nécessité. Toutefois, le tribunal de l’application des peines doit s’assurer que le condamné a pu bénéficier de mesures favorisant sa réinsertion durant l’exécution de sa peine. En définitive, l’on constate une évolution du législateur ayant tenu compte des observations du Conseil Constitutionnel pour réintroduire une mesure de sûreté spéciale à l’égard des auteurs d’actes de terrorisme. L’on peut toutefois être surpris par l’application d’une mesure particulièrement contraignante, dont le principe est de reposer sur la dangerosité et non la culpabilité de l’individu, à des personnes condamnées à des peines dont le quantum est relativement peu élevé. Il peut, en effet, s’agir de peines privatives de liberté égales à trois ans d’emprisonnement. Si les conditions d’application et le régime de la mesure peuvent encore questionner quant à leur proportionnalité au regard de l’objectif poursuivi[1005], le Conseil Constitutionnel amené à contrôler la constitutionnalité de cette nouvelle mesure, la déclare toutefois conforme à la Constitution compte tenu des modifications intervenues[1006]. En conclusion, l’on peut retenir que la matière pénale s’est adaptée dans son intégralité à la répression du terrorisme. Toutefois, la nécessité et le caractère proportionné de cette adaptation peuvent parfois être questionnés. Les mêmes interrogations se posent en droit pénitentiaire via la création d'un régime spécial pour les personnes détenues radicalisées.

§2 - La création d’un régime pénitentiaire spécial pour les détenus « radicalisés »[1007]

228. Politique de lutte contre la radicalisation en prison. Si les dispositions de droit pénal de fond et de procédure pénale ont été renforcées et spécialisées afin de s’adapter au contentieux terroriste, le droit pénitentiaire n’a pas été écarté de cette volonté d’adaptation. En effet, le législateur a souhaité qu’à la suite du prononcé de la condamnation, soit instituée une prise en charge pénitentiaire appropriée des auteurs d’infractions terroristes susceptibles de procéder à l’endoctrinement d’autres personnes détenues avec lesquelles ils seraient en contact. Cette ambition de créer un régime pénitentiaire spécifique à la matière s’est particulièrement développée dans le cadre du terrorisme politico-religieux que les pouvoirs publics appréhendent sous le prisme de la « radicalisation ». Si l’on s’en tient à la définition proposée par le dictionnaire Larousse, la radicalisation n’est que le résultat de l’action de se radicaliser, c’est à dire de « devenir plus intransigeant, plus dur[1008] ». A l’intransigeance de la définition ci-dessus relevée, il convient pourtant d’ajouter une forme de violence en vue de contester les valeurs d’une société et d’en bouleverser l’ordre. C’est ainsi que le Comité interministériel de prévention de la délinquance (CIPD), devenu depuis le 6 mai 2016 Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) définit cette dernière comme « un processus de rupture sociale, morale et culturelle avec les valeurs de la République qui conduit un individu à adopter une nouvelle lecture de la société, de nouveaux habitus, de nouveaux comportements, remettant en cause les fondements du pacte social et légitimant le recours à la violence. Reposant sur le conspirationnisme ainsi qu’une vision victimaire, ce processus s’inscrit dans une idéologie visant à rompre avec l’ordre social[1009] ». Bien que la définition de cette notion soit sujette à caution[1010], le sociologue Farhad Khosrokhavar précise que la radicalisation est constituée de deux composantes, à savoir : « une idéologie » et « une action radicale » et qu’elle ne peut être caractérisée en l’absence de l’un de ces éléments[1011]. L’on ne peut donc pas qualifier un individu de « radicalisé » s’il se prévaut d’une idéologie sans toutefois recourir à la violence ni s’il fait montre de violence sans la justifier par son adhésion à une idéologie. Cette radicalisation pouvant conduire sur le chemin du terrorisme, notamment à travers le djihadisme, forme récurrente de terrorisme ces dernières années, divers plans d’action ont été mis en œuvre en vue d’y apporter une réponse adaptée[1012]. Outre le renforcement de la répression pénale en vue de sanctionner toute forme d’apologie du terrorisme, l’objectif des pourvois publics est également de limiter la contagiosité d’une radicalisation en constituant le fondement. La lutte contre la radicalisation s’opère sur l’ensemble du territoire et à tous les niveaux mais il est vrai qu’une particulière attention est prêtée aux établissements pénitentiaires abritant des personnes condamnées pour des actes de terrorisme. Ces dernières sont d’ailleurs qualifiées de TIS au sein de la détention, cet acronyme faisant référence au terrorisme islamiste. Pour autant, conscient de ce que certaines personnes détenues peuvent être radicalisées ou en voie de radicalisation sans pour autant être incarcérées pour des faits de nature terroriste, le législateur s’intéresse également aux détenus de droit commun dits « en voie de radicalisation » (DCSR). Un régime pénitentiaire spécial est applicable à ces deux catégories de détenus dans le cadre de la lutte contre la radicalisation en prison.

229. Instauration d’un traitement pénitentiaire spécifique pour lutter contre le terrorisme. À la suite de la détection des personnes détenues radicalisées (A), ces dernières sont soumises à un traitement particulier en vue de limiter leurs relations avec le reste de la détention mais également les accompagner sur un chemin de désengagement tout en leur imposant des mesures sécuritaires strictes (B).

A°) La détection de personnes détenues radicalisées

230. Développement d’outils de détection et d’évaluation de la radicalisation. Bien que l’on retienne une définition de la radicalisation en tenant compte de l’adhésion d’un individu à une idéologie justifiant le recours à une forme de violence, il ne s’agit pas d’une notion juridiquement définie par le législateur et sa détection n’en est alors que moins évidente. En effet, la frontière apparait mince avec le risque de discrimination d’une pratique religieuse en détention. Des outils plus ou moins complets ont été établis pour faciliter l’identification de personnes radicalisées[1013]. Lors de la remise du plan national de prévention de la radicalisation (PNPR) le 23 février 2018, il était indiqué que 1.123 personnes détenues pour des faits droit commun et 504 personnes détenues pour des faits de terrorisme avaient été identifiées comme « radicalisées[1014] ». Il est vrai qu’à la suite des attentats de 2015, l’administration pénitentiaire, dont ce n’était pas la mission, a été de plus en plus sollicitée pour identifier les personnes détenues radicalisées en vue, tout d’abord, de les regrouper et d’empêcher toute porosité avec le reste de la détention. Des grilles de détection, déjà introduites depuis 2010[1015] et ayant évolué au fil des années et de l’amélioration de la connaissance des parcours de radicalisation d’auteurs d’actes de terrorisme, permettent à l’ensemble du personnel pénitentiaire de faire état de tout marqueur d’une éventuelle radicalisation. La Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) n’a pourtant pas hésité à critiquer le « guide d’utilisation des outils d’aide au repérage pluridisciplinaire d’un risque de radicalisation violente en établissement pénitentiaire » établi par la direction de l’administration pénitentiaire (DAP) en décembre 2016[1016].

231. Processus d’évaluation de la radicalisation. A la suite de la pré-identification d’individus radicalisés à l’aide de ces outils de détection, il convient de procéder à une évaluation plus approfondie en vue de confirmer ou d’infirmer cette suspicion et, le cas échéant déterminer le niveau de radicalisation en vue d’une prise en charge adaptée. A cet effet, le Code pénitentiaire prévoit une section spécifique à la « prise en charge de la radicalisation » regroupant les articles R224-13 à R224-25. Ainsi, toute personne détenue peut être placée dans un quartier de prise en charge de la radicalisation spécialisé dans l’évaluation (QER)[1017]. Ce placement peut intervenir si la commission pluridisciplinaire unique le « juge nécessaire[1018] » mais la décision appartient au garde des Sceaux[1019]. La durée de l’évaluation est plafonnée à quinze semaines[1020]. A l’issue de cette évaluation, la personne détenue est affectée à un quartier adapté. Cette procédure peut se rapprocher de la phase d’accueil et d’observation pluridisciplinaire de chaque personne incarcérée au sein du quartier des arrivants en vue d’une affectation ultérieure à un quartier dont le régime de détention est adapté notamment à sa personnalité[1021]. Cependant, dans ce cas, l’observation ne peut excéder trois semaines[1022]. Surtout, l’évaluation mise en œuvre au sein du quartier arrivant ne se fonde pas sur une suspicion et ne pose aucune étiquette sur le détenu avant son affectation. Au contraire, le quartier arrivant permet notamment d’atténuer le choc carcéral. Au regard de « l’étiquette » inévitablement posée, l’affectation au sein d’un QER pose une difficulté majeure en ce qui concerne le respect de la présomption d’innocence[1023] spécifiquement à l’égard de personnes prévenues pour des actes de terrorisme (et par conséquent non définitivement condamnées) qui sont notamment interrogées sur les faits leur étant reprochés[1024]. En effet, l'on ne peut nier l’influence de ce traitement pénitentiaire particulier sur le traitement judiciaire postérieur, qu’il s’agisse de l’appréciation de la culpabilité ou de la détermination de la peine, sans oublier l’aménagement éventuel de cette dernière. En ce qui concerne les personnes prévenues pour des faits de droit commun, si l’affectation en QER ne semble pas influer sur la détermination de la culpabilité, elle peut, en revanche, influer sur la détermination de la peine et son éventuel aménagement, le cas échéant. Par ailleurs, les contraintes liées au régime de détention applicable au QER ont pu être rapportées par certaines personnes détenues[1025]. Outres les conditions de détention, une pression pèse sur les personnes détenues se sachant observées et évaluées pendant parfois près de quatre mois[1026] et craignant une affectation dans un quartier plus sécuritaire voire un placement à l’isolement. Par ailleurs, compte tenu des capacités d’accueil limitées, il n’est évidemment pas possible d’orienter chaque détenu vis-à-vis duquel une suspicion existe au sein d’un QER[1027]. Outre ce quartier d’évaluation spécifiquement créé pour évaluer la radicalisation, le service de renseignement pénitentiaire joue un rôle important.

232. Le renforcement du renseignement pénitentiaire. Dans le cadre de la lutte contre la radicalisation, le service du renseignement pénitentiaire est amené à détecter les détenus radicalisés par la remontée d’informations récoltées mais également à surveiller ces détenus après leur identification, évaluation et affectation[1028]. Pour ce faire, il dispose d’un certain nombre de techniques[1029]. Si dans le cadre de la prévention du terrorisme, le législateur a souhaité élargir les prérogatives du renseignement pénitentiaire, ces prérogatives demeurent toutefois encadrées et les communications et entretiens entre la personne détenue et son avocat ne peuvent faire l’objet de ces dispositifs[1030]. Outre les techniques employées, une note du 2 août 2016, établie par la direction de l’administration pénitentiaire, précise les modalités de suivi des personnes détenues identifiées comme étant radicalisées ou en voie de radicalisation, par les services du renseignement pénitentiaire[1031]. Les informations collectées sont transmises à la direction de l’établissement pénitentiaire mais également aux autorités judiciaires et particulièrement au juge de l’application des peines et au ministère public. La collecte, l’analyse et la circulation d’informations transmises par les travailleurs sociaux, notamment les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation et les éducateurs mais aussi les psychologues, posent toutefois une difficulté en ce qu’elles attribuent une mission de renseignement à des acteurs dont l’ensemble du travail se fonde sur une relation de confiance avec la personne détenue[1032]. L’ethos professionnel de ces acteurs est donc intimement questionné[1033]. Si l’on peut être mal à l’aise au regard des modalités de détection de la radicalisation et d’évaluation du degré d’engagement de la personne détenue, l’objectif demeure d’appréhender au mieux le positionnement de la personne détenue en vue d’un traitement pénitentiaire adapté avant d’envisager les modalités de sortie du condamné.

B°) Le traitement des personnes détenues radicalisées

233. L’affectation des personnes détenues radicalisées à des quartiers spécifiques. A la suite des attentats de 2015, cinq unités dédiées[1034] ont été instaurées[1035]. Si deux unités étaient chargées de l’évaluation des personnes détenues quelques années avant l’introduction des QER, trois unités dédiées procédaient à la prise en charge des personnes identifiées comme radicalisées ou en voie de radicalisation. Cette prise en charge affichait alors l’objectif ultime du « désengagement » de la personne radicalisée[1036]. L’ambition de désengagement rencontrait toutefois des limites et lorsque la personne détenue était réfractaire (voire présentait une certaine dangerosité), elle n’était pas affectée à une unité dédiée et il pouvait être procédé à sa mise à l’isolement[1037], outre des transfèrements réguliers conformément à la pratique dite de « tourisme pénitentiaire[1038] ». Le regroupement de personnes radicalisées au sein d’unités dédiées a soulevé un certain nombre de critiques, émises notamment par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté[1039], lequel s’oppose à un traitement pénitentiaire fondé sur une logique de regroupement des individus radicalisés[1040]. Dès 2018, le législateur remplace ces unités dédiées par des quartiers d’évaluation de la radicalisation et des quartiers de prise en charge de la radicalisation (QPR) répartis sur l’ensemble du territoire en vue d’y « accueillir après leur évaluation les détenus majeurs radicalisés et prosélytes nécessitant une prise en charge adaptée et séparée de la détention ordinaire[1041] ». Au terme de la phase d’évaluation, la décision de placement au sein d’un QPR est une décision motivée[1042]. La personne détenue, assistée d’un avocat et d’un interprète le cas échéant, peut toutefois faire valoir ses observations avant que cette décision de placement ne soit prise et après avoir été informée par écrit des motifs retenus en vue d’un placement[1043]. In fine, ces quartiers accueillent des détenus dont la radicalisation a été identifiée et évaluée, c’est-à-dire qu’il s’agit de personnes dont la dangerosité est établie en raison d’« actes de prosélytisme » et de « passage à l’acte violent »[1044]. Ces détenus ne sont plus forcément regroupés mais demeurent séparés du reste de la détention puisque l’article R224-13 du Code pénitentiaire rappelle que le QPR est un quartier « distinct au sein de l’établissement pénitentiaire ». Cependant, une sélection est opérée et l’affectation au sein d’un QPR n’est envisageable que pour les détenus aptes « à bénéficier d’un programme et d’un suivi adapté[1045] ». Ainsi, le placement à l’isolement demeure une indication pour les personnes détenues récalcitrantes[1046]. En ce qui concerne le régime de détention au sein des QPR, celui-ci est celui applicable en maison centrale, tout déplacement nécessitant une autorisation et une justification. Au surplus, l’encellulement individuel est la règle[1047]. Par ailleurs, contrairement à ce qui était reproché à l’expérimentation de Fresnes, une évaluation régulière permet désormais de faire évoluer la prise en charge du détenu radicalisé[1048]. En revanche, si la participation à des activités collectives est permise, elle ne peut s’effectuer qu’au sein du QPR, c’est-à-dire entre détenus radicalisés, conformément à l’objectif de stricte étanchéité affiché. En outre, le droit à l’information, le droit au maintien des liens familiaux via les visites et correspondances, ainsi que l’utilisation du compte nominatif du détenu sont maintenus « sous réserve des aménagements qu’imposent les impératifs de sécurité ». Il en va de même de l’exercice du culte et des promenades qui peuvent s’effectuer « séparément des autres personnes détenues » pour des impératifs de sécurité[1049]. L’on constate donc qu’au nom de ces impératifs sécuritaires, les personnes affectées à un quartier de prise en charge de la radicalisation sont soumises à un régime différencié pouvant se révéler particulièrement attentatoire aux droits et libertés de la personne détenue, notamment au regard du droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme🏛[1050]. S’il est compréhensible que ce régime différencié sécuritaire trouve application, sous certaines conditions, lorsque la personne détenue a été condamnée pour des actes de terrorisme, c’est-à-dire lorsque sa dangerosité s’est matérialisée par un passage à l’acte, il peut sembler moins justifié qu’un tel régime s’applique à des personnes détenues non définitivement condamnées et à des personnes incarcérées pour des faits de droit commun a fortiori lorsqu’elles ne sont pas définitivement condamnées[1051]. Enfin, si le placement au sein d’un QPR est effectué pour une durée maximale de six mois, renouvelable sous conditions[1052], l’on peut s’interroger du retour éventuel de la personne « désengagée » au sein de la détention ordinaire[1053].

234. La prise en charge et le contrôle des personnes détenues radicalisées. Une fois la personne détenue identifiée comme étant radicalisée et affectée au quartier idoine, il convient pour l’administration pénitentiaire de s’atteler au processus de désengagement, lorsque l’individu y est réceptif. C’est ici qu’interviennent notamment les programmes de prévention de la radicalisation qui peuvent être mis en œuvre pour ceux dont l’ancrage dans la radicalisation n’est pas trop important[1054]. Si les programmes proposés en milieu ouvert ont pu être présentés au public[1055], la communication est, en revanche, plus réduite autour des programmes développés en détention, à tel point que les personnes détenues elles-mêmes ne semblent pas toujours être parfaitement informées des modalités des programmes auxquels elles participent, un motif fallacieux pouvant leur être avancé[1056]. Un point commun entre les programmes proposés en milieu ouvert et ceux proposés en milieu fermé peut néanmoins être souligné : le public visé n’est vraisemblablement pas très ancré dans la radicalisation[1057]. Par ailleurs, si l’objectif de désengagement ne peut pas toujours être atteint par les divers programmes, les mesures de contrôle instaurées tentent, si ce n’est de protéger les intérêts de la société, d’assurer a minima la sécurité au sein de l’établissement pénitentiaire à l’égard de ceux qui sont considérés comme particulièrement dangereux. A ce titre, le traitement pénitentiaire peut être qualifié d’ultra sécuritaire[1058].

235. Mouvement de spécialisation atteignant inéluctablement la phase de l’application des peines. S’il a été démontré que le développement d’un droit pénal et pénitentiaire dérogatoires au droit commun crée une catégorie particulière de condamnés et de personnes détenues, celui-ci a inévitablement influencé la phase de l’application des peines. Il convient d’ailleurs de souligner que les rapports d’évaluation élaborés au sein des QER, sont versés au juge de l’application des peines en charge du futur aménagement de la peine[1059]. A l’aune des observations précédentes, il n’est donc pas surprenant qu’un traitement particulier des personnes condamnées pour des faits de terrorisme ait été instauré. En l’occurrence, ce traitement réside en une limitation de l’offre d’aménagements de peine.

Section 2 : La détermination de la limitation des aménagements de peine

236. Une limitation attendue. Compte tenu du traitement particulier réservé aux auteurs d’infractions terroristes dès le début de la chaîne pénale, il n’est pas étonnant de s’apercevoir que l’accès aux aménagements de peine leur est limité. Après avoir déterminé le champ de cette limitation (§1) il conviendra d’analyser les critères sur lesquels elle se repose (§2).

§1 - Le champ de la limitation

237. Une limitation étendue. Si le législateur n’a pas supprimé tout accès aux modalités d’aménagement de la peine, les réductions de peine (A) et les aménagements de fin de peine ont été drastiquement restreints (B).

A°) La limitation des réductions de peine

238. Évolution de la limitation des réductions de peine. En ce qu’elles modifient la durée de l’incarcération du condamné, les réductions de peine constituent des aménagements de peine, quand bien même elles ne permettent pas, en théorie, l’élargissement immédiat de la personne détenue. Si dans le droit antérieur, les personnes condamnées pour des faits de terrorisme étaient purement et simplement exclues du bénéfice du crédit de réduction de peine (1), elles font désormais face au plafonnement de la nouvelle réduction de peine unifiée issue de la fusion du crédit de réduction de peine et de la réduction de peine supplémentaire (2).

1°) L’exclusion du feu crédit de réduction peine

239. Présentation du crédit de réduction de peine. La loi du 9 mars 2004🏛[1060], en supprimant la réduction de peine ordinaire accordée pour « récompenser » la bonne conduite du condamné en détention, introduisait au sein de l’article 721 du Code de procédure pénale🏛, un dispositif inédit de crédit inversant ainsi le mécanisme d’attribution de la réduction de peine. De telle sorte qu’à compter du 1er janvier 2005, un crédit de réduction de peine était accordé au condamné dès la mise à l’écrou de la peine privative de liberté, lui permettant ainsi de se projeter sur une date de fin de peine théorique[1061]. Ce crédit était calculé sur la durée de la peine « à hauteur de trois mois pour la première année, de deux mois pour les années suivantes et, pour une peine de moins d'un an ou pour la partie de peine inférieure à une année pleine, de sept jours par mois[1062] », bien qu’un calcul moins avantageux était prévu pour les personnes condamnées en état de récidive[1063]. En cas de mauvaise conduite en détention, de commission d’une nouvelle infraction post-libération voire en cas de refus du condamné de se soumettre à un prélèvement biologique[1064], le juge de l’application des peines pouvait, après avis de la commission de l’application des peines, ordonner le retrait de tout ou partie du crédit de réduction de peine, cette faculté devenant une obligation en cas de refus de soumission à un prélèvement biologique. Il est à noter que l’introduction de ce mécanisme de crédit de réduction de peine n’a pas laissé indifférent et a été tout autant appréciée que critiquée. Outil de gestion carcérale permettant de maintenir un certain ordre en détention en raison notamment de la crainte des condamnés de voir ce crédit partiellement ou totalement retiré[1065], il était aussi indirectement un outil de préparation à la sortie permettant aux acteurs de l’application des peines (au premier rang desquels se situe le condamné lui-même) de s’inscrire dans une temporalité via une date de fin de peine, aussi théorique soit-elle, facilitant l’élaboration d’un projet de sortie et la sollicitation d’un aménagement de peine[1066]. Une critique majeure pouvait néanmoins être retenue. L’automaticité du mécanisme de crédit accordé dès la mise à l’écrou en l’absence de tout comportement positif du condamné semblait faire obstacle au principe d’individualisation de la peine[1067] et contribuer à son érosion[1068]. C’est sans doute cette automaticité qui a conduit le législateur à en exclure les auteurs d’infractions terroristes de son bénéfice.

240. Exclusion des infracteurs terroristes du crédit de réduction de peine[1069]. Le 5 juillet 2016, était remis un rapport au nom de la commission d’enquête relative aux moyens mis en œuvre par l’État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015. Aux termes de ce dernier, il était proposé de supprimer l’accès des personnes condamnées pour la commission d’actes de terrorisme au crédit de réduction de peine[1070]. Le rapporteur justifiait cette proposition par le fait qu’il n’était « « ni acceptable, ni compréhensible qu’un djihadiste coupable de faits graves soit soumis, en la matière, au même régime que l’auteur d’un vol simple[1071] ». La volonté d’instaurer un régime dérogatoire aux personnes condamnées pour des faits de terrorisme au stade des aménagements de peine était clairement affiché. La gravité de la nature des infractions en constituait le motif. Il est à noter que ce rapport intervenait dans un contexte sensible de lutte contre le terrorisme islamiste. Tout d’abord, il faisait suite à la loi du 3 juin 2016🏛 renforçant la lutte contre le terrorisme mais il s’inscrivait également dans une actualité particulière puisque quelques semaines avant la remise de ce rapport, le 13 juin 2016 exactement, un couple de fonctionnaires de police était assassiné par un homme revendiquant son geste au nom de son appartenance à l’Etat Islamique, organisation terroriste. Cette proposition n’était pas reprise dans le projet de loi du 19 juillet 2016. En effet, cinq jours après la commission d’un nouvel attentat à Nice, ayant causé la mort de quatre-vingt-six personnes, le gouvernement souhaitait, dans le cadre d’une procédure accélérée faire adopter la prorogation de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955🏛 relative à l’état d’urgence, compte tenu de la « permanence d’une menace à un niveau le plus élevé, [nécessitant] de pouvoir disposer de mesures administratives renforcée[1072] ». Il n’était pas prévu de modifier le cadre juridique des aménagements de peine. La loi du 21 juillet 2016🏛[1073] bouleverse néanmoins le droit des aménagements de peine à l’égard des personnes ayant commis des actes de terrorisme. L’article 8 de cette loi prévoyait notamment la disparition du crédit de réduction de peine automatique pour ces condamnés. Il était ainsi créé un article 721-1-1 au sein du Code de procédure pénale🏛, lequel disposait : « Les personnes condamnées à une peine privative de liberté pour une ou plusieurs des infractions mentionnées aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal🏛🏛, à l'exclusion de celles définies aux articles 421-2-5 à 421-2-5-2 du même code, ne bénéficient pas des crédits de réduction de peine mentionnés à l'article 721 du présent code. Elles peuvent toutefois bénéficier d'une réduction de peine dans les conditions définies à l'article 721-1 ». Cet article apportait deux précisions. Tout d’abord, l’exclusion du crédit de réduction de peine n’était pas opposable à l’ensemble de la matière terroriste puisque certaines peines pouvaient continuer à en bénéficier. Il s’agissait, en réalité, des peines prononcées pour la commission d’actes considérés comme les moins graves, à savoir : la provocation directe à des actes de terrorisme ou l’apologie publique des actes de terrorisme[1074] et l’extraction, la reproduction et la transmission de données faisant l'apologie publique d'actes de terrorisme ou provoquant directement à ces actes[1075]. Les peines prévues étaient de cinq ans d’emprisonnement et 75. 000 euros d’amende (la peine pouvant être portée à sept ans d’emprisonnement et 100. 000 euros d’amende dans le cadre de la provocation et l’apologie, en cas d’utilisation d’un service de communication en ligne). Une troisième incrimination échappait à la suppression du crédit de réduction de peine. Il s’agissait du délit de consultation habituelle de sites terroristes réprimé par l’article 421-2-5-2 du Code pénal🏛 avant qu’il ne soit déclaré inconstitutionnel et abrogé[1076]. Pour le reste des infractions mentionnées aux articles 421-1 à 421-6, les peines prononcées ne pouvaient plus bénéficier du crédit de réduction automatique.

241. Application de la nouvelle loi pénale dans le temps. La question de l’application pénale de cette loi nouvelle dans le temps a notamment été posée par Evelyne Bonis-Garçon[1077]. Effectivement, il est acquis que les lois relatives au régime d’exécution et d’application des peines sont d’application immédiate sauf dans le cas où elles rendraient plus sévères les peines prononcées par la décision de condamnation. Dans ce cas, elles ne sont applicables que pour des faits commis après leur entrée en vigueur[1078]. Il convenait alors de déterminer, non pas si la loi en vigueur était plus sévère que l’ancienne loi - il était évident que la réponse était positive puisque les personnes condamnées pour des actes de terrorisme ne pouvaient plus bénéficier du crédit de réduction de peine - mais si la peine prononcée devenait plus sévère en application de la nouvelle loi. Deux visions s’opposaient alors. Dans un premier temps, l’on pouvait retenir qu’en l’absence de crédit de réduction de peine, le condamné exécutait la peine telle que prononcée par la juridiction de jugement, ni plus ni moins. Par conséquent, la peine ne devenant pas plus sévère, la nouvelle loi avait vocation à s’appliquer immédiatement[1079]. C’est la position que semblait adopter le Conseil Constitutionnel[1080]. Cependant, comme l’écrivait Evelyne Bonis-Garçon[1081], l’on pouvait a contrario soutenir que l’absence de crédit de réduction de peine, c’est-à-dire de faveur prévisible par le condamné, rendait la peine prononcée plus sévère en se référant à l’arrêt Del Rio Prada contre Espagne rendu le 21 octobre 2013 par la Grande Chambre de la Cour européenne des Droits de l’Homme, laquelle étendait l’application de l’article 7 de sa Convention, c’est à dire le principe de légalité, aux mesures d’exécution de la peine[1082]. D’ailleurs, la circulaire du Ministre de la justice en date du 22 juillet 2016 et relative à l’application de la suppression du crédit de réduction de peine pour les auteurs d’infractions terroristes, indiquait que « ces dispositions nouvelles ont pour conséquence de rendre plus sévères les peines prononcées en la matière puisqu’elles restreignent les possibilités d’en réduire la durée et de les aménager. Par conséquent, ces nouveaux textes ne seront applicables qu’aux condamnations prononcées pour des faits commis à compter de l’entrée en vigueur de la loi, sans pouvoir concerner les personnes actuellement incarcérées en exécution de peine pour terrorisme ». Elle précisait qu’« au demeurant, la loi n’aurait pas pu y déroger sans être susceptible d’être considérée comme contraire au principe constitutionnel de non rétroactivité de la loi pénale plus sévère[1083] ». Cette circulaire établissait donc que l’impossibilité de réduire la durée de la peine via un crédit de réduction de peine équivalait à la rendre plus sévère. La portée de ce texte dépourvu de valeur normative s’imposant au juge judiciaire est à relativiser. Toutefois, si la première interprétation semblait juridiquement plus cohérente que la seconde - la peine prononcée demeurant inchangée, seule son exécution ayant été rendue plus sévère - le juge judiciaire n’a, a priori, pas été saisi d’un tel contentieux. Enfin, il est à noter que cette exclusion des infracteurs terroristes d’une partie des réductions de peine a été maintenue dans le cadre de la réforme du régime des réductions de peine.

2°) Le plafonnement des nouvelles réductions de peine

242. Disparition du dispositif de crédit de réduction de peine. Les critiques relatives à l’automaticité du crédit de réduction de peine[1084] ont eu raison de ce dispositif et la loi du 22 décembre 2021🏛 pour la confiance dans l’institution judiciaire[1085] a créé un régime unique de réduction de peine ordinaire[1086]. L’article 721 du Code de procédure pénale🏛 est réécrit et prévoit désormais que cette réduction peut être accordée en raison des « preuves suffisantes de bonne conduite » - reprenant ainsi le fondement indirect de l’ancien crédit de réduction de peine - et des « efforts sérieux de réinsertion » du condamné - lesquels renvoient au fondement de l’ancienne réduction de peine supplémentaire de l’article 721-1 du Code de procédure pénale🏛[1087]. Cette fusion permet au législateur d’unifier le mécanisme d’octroi, c’est-à-dire qu’aucune réduction ne peut désormais plus être accordée ab initio, ne fut-ce que provisoirement. Par ailleurs, si les efforts sérieux de réinsertion exigés sont similaires aux efforts de réadaptation sociale de l’ancien article 721-1 du Code de procédure pénale🏛[1088], le législateur définit désormais ce qu’il entend par le terme de « bonne conduite » du condamné[1089]. Ce dernier peut rapporter la preuve de sa bonne conduite positivement en respectant « le règlement intérieur de l’établissement » ou les « instructions de service », en s’impliquant « dans la vie quotidienne », par son « comportement avec le personnel pénitentiaire ou exerçant à l’établissement » mais également « avec les autres personnes détenues et avec les personnes en mission ou en visite ». La preuve de la bonne conduite peut également être rapportée négativement par « l’absence d’incidents en détention ». Si l’on peut apprécier que la réduction de peine en raison de la bonne conduite du condamné soit accordée au fil de la détention[1090] et non plus ab initio - ce qui pouvait effectivement renvoyer au condamné une représentation fallacieuse de l’aménagement de la peine qui ne serait pas fondée sur son implication - il ne faut pas dénier la surcharge de travail que cette nouvelle réduction de peine est susceptible de représenter pour le juge de l’application des peines qui devra, au lieu de sanctionner la mauvaise conduite du condamné par le retrait du crédit de réduction de peine, apprécier chaque manifestation de sa bonne conduite. Dans les faits, il est à prévoir un retour à la pratique antérieure consistant pour le juge de l’application des peines à accorder la réduction de peine en l’absence de signalement d’une mauvaise conduite par une sanction disciplinaire notamment (ce qui avait alors conduit à l’adoption du crédit de réduction de peine[1091])… En ce qui concerne le quantum de la nouvelle réduction de peine unifiée, celui-ci a le mérite d’être plus clair et « ne peut excéder six mois par année d'incarcération et quatorze jours par mois pour une durée d'incarcération inférieure à un an ». En réalité, ce quantum reprend peu ou prou - en les simplifiant, les quanta des crédit de réduction de peine et réduction de peine supplémentaire disparus. Quant à l’application de la nouvelle loi dans le temps, le législateur a fait le choix de la différer aux placements sous écrou intervenant à compter 1er janvier 2023, indépendamment de la date de commission de l’infraction[1092]. Cela ne semble pas poser de difficulté, la refonte du régime de réduction de peine ne modifiant pas substantiellement les possibilités pour les condamnés d’en bénéficier.

243. Maintien du régime dérogatoire en matière terroriste. Le nouveau dispositif de réduction de peine ne présente qu’un impact modéré sur les peines prononcées en matière de terrorisme. En effet, les infracteurs terroristes, préalablement exclus du bénéfice du crédit de réduction de peine, pouvaient néanmoins se voir accorder une réduction de peine supplémentaire[1093]. Le législateur prenant en considération cette spécificité, l’a adaptée au nouveau dispositif et, sans exclure cette catégorie pénale de la réduction de peine unique, a procédé à une limitation du quantum de la réduction dont elle peut bénéficier[1094]. Si l’on compare la législation antérieure et la législation actuelle, l’on constate que le régime applicable est sensiblement le même. Concrètement, une personne condamnée en matière de terrorisme pouvait prétendre, sous l’empire de l’ancienne loi, à une réduction de peine à hauteur de trois mois par année d’incarcération ou sept jours par mois lorsque la durée d’incarcération restant à subir était inférieure à une année, en vertu du mécanisme de réduction de peine supplémentaire[1095]. Désormais, l’article 721-1-1 du Code de procédure pénale🏛, tout en maintenant l’exception relative aux deux infractions terroristes les moins graves, prévoit que les infracteurs terroristes peuvent bénéficier de la réduction de peine unique à hauteur de trois mois par année d’incarcération et sept jours par mois lorsque la durée d’incarcération est inférieure à un an. En définitive, le quantum de la réduction de peine dont cette catégorie pénale peut bénéficier n’a pas été modifié. Toutefois, le régime n’est pas identique puisque si l’exclusion s’est transformée en limitation, l’on constate que désormais, le juge de l’application des peines peut accorder une réduction de peine en tenant compte de la bonne conduite du condamné en détention, ce qui n’était pas le cas auparavant. En effet, la réduction de peine supplémentaire ne permettait de récompenser que les efforts sérieux de réadaptation sociale. La bonne conduite était indirectement prise en compte lorsque le juge de l’application des peines maintenait le crédit de réduction de peine « pré-accordé ». En ce qui concernait les infracteurs terroristes, en l’absence de crédit de réduction de peine, seuls les efforts sérieux de réadaptation sociale pouvaient être pris en considération en vue d’une réduction de la peine. Désormais, même si le quantum de la réduction dont cette catégorie pénale peut bénéficier est inchangé, la nouvelle loi permet une extension du fondement de cette réduction. Néanmoins, il ne serait guère étonnant qu’au gré d’une nouvelle loi de renforcement de la lutte contre le terrorisme, le législateur décide prochainement de limiter l’octroi d’une réduction de peine aux seuls efforts sérieux de réinsertion sociale et que la bonne conduite en détention soit à nouveau rendue indifférente. Enfin, la limitation de l’accès des infracteurs terroristes aux aménagements de peine n’est pas réservée à la seule réduction de peine mais s’illustre également par la suppression de l’accès aux aménagements dits « de fin de peine ».

B°) La limitation des aménagements de fin de peine

244. Effets variables de la limitation. Si la limitation par le législateur de l’accès au fractionnement et à la suspension de peine pour les infracteurs terroristes n’entraîne pas de réelles conséquences sur l’exécution de ces peines (1), il est plus étonnant qu’il ait été décidé de restreindre l’accès à la semi-liberté et au placement à l’extérieur (2).

1°) L’accès inutilement limité au fractionnement et à la suspension de peine

245. L’indifférence de la situation personnelle du condamné. Tout comme pour le crédit de réduction de peine, la loi du 21 juillet 2016🏛 a exclu les infracteurs terroristes du bénéfice du fractionnement et de la suspension de peine prévus par l’article 721-1 du Code de procédure pénale🏛 et développé supra[1096]. Il faut rappeler que cet aménagement permet de prendre en considération les difficultés d’exécution de la peine par le condamné, ces difficultés pouvant être d’ordre médical, familial, professionnel ou social. Via la suppression de cet accès, l’on constate que la situation personnelle du condamné devient indifférente au législateur lorsque la peine privative de liberté sanctionne la commission d’une infraction terroriste. Plus exactement, le législateur maintient la possibilité de fractionner ou suspendre les peines prononcées pour la commission des infractions prévues par les articles 421-2-5 et 421-2-5-1 du Code pénal🏛🏛, à savoir la provocation directe à des actes de terrorisme ou apologie publique desdits actes ainsi que l’extraction, la reproduction et la transmission intentionnelle de données faisant l’apologie publiques d’actes de terrorisme ou provoquant directement auxdits actes. Les peines prononcées pour les deux infractions considérées comme les moins graves ne sont donc pas exclues du bénéfice du fractionnement et de la suspension. L’on peut observer qu’a contrario, la peine prononcée à l’égard de la personne ne pouvant justifier de ressources correspondant à son train de vie, tout en étant en relations habituelle avec une personne se livrant à des actes de terrorisme[1097], ne peut être fractionnée ni suspendue. La comparaison est intéressante car la peine encourue en la matière est de sept ans d’emprisonnement et de 100. 000 euros d’amende, soit exactement la même peine prévue par l’article 421-2-5 du Code pénal🏛 en cas de provocation directe à des actes de terrorisme ou apologie publique desdits actes. Si la peine encourue est déterminée en fonction de la gravité de l’infraction, il peut être surprenant que deux régimes d’exécution de peine distincts soient instaurés pour des infractions dont la gravité semble similaire. Quoi qu’il en soit, si l’on peut regretter que certains condamnés soient exclus de jure du fractionnement et de la suspension de peine de l’article 720-1 du Code de procédure pénale🏛, il convient de rappeler que ces aménagements constituent une faveur accordée au condamné et non pas un aménagement traditionnel de la peine répondant à la réalisation d’efforts sérieux de réinsertion. Par ailleurs, cette faveur accordée au condamné permet de pallier des difficultés d’exécution bénignes. A contrario, le législateur a maintenu la possibilité pour les infracteurs terroristes d’accéder à la suspension médicale de peine issue de l’article 720-1-1 du Code de procédure pénale🏛 et pouvant être accordée lorsque la situation médicale du condamné est grave. Les personnes condamnées pour la commission d’actes de terrorisme peuvent donc solliciter une suspension de leur peine lorsqu’ils sont atteints d’une pathologie engageant leur pronostic vital ou que leur état de santé physique ou mentale est durablement incompatible avec leur maintien en détention. Par ailleurs, cette nouvelle disposition plus sévère introduite par la loi du 21 juillet 2016🏛 est à relativiser à bien des égards.

246. L’impact relatif de l’accès refusé au fractionnement et à la suspension de peine. Si le fractionnement et la suspension de peine de l’article 720-1 du Code de procédure pénale🏛 ne peuvent être accordés aux infracteurs terroristes, il convient de rappeler que le critère premier d’exclusion de ces aménagements est la commission d’un crime, quel qu’il soit. En effet, ces aménagements ne sont envisageables qu’en matière correctionnelle, à savoir lorsque le condamné a commis un délit[1098]. Or, la majorité des infractions terroristes est de nature criminelle[1099]. En outre, il a déjà été indiqué que le seuil retenu pour la mise en oeuvre du fractionnement et de la suspension de la peine, à savoir un reliquat de peine de deux ans à exécuter, ne correspond pas à la temporalité des longues peines privatives de liberté. Par conséquent, quand bien même les infractions terroristes n’auraient pas été exclues de ces aménagements, le recours à ces derniers aurait été limité compte tenu de la nature criminelle de la plupart des infractions et, subsidiairement, de la durée des peines encourues. En réalité, la volonté du législateur de durcir l’accès des infracteurs terroristes en les excluant du bénéfice du fractionnement et de la suspension de peine n’affecte que très peu l’exécution de ces peines privatives de liberté compte tenu des dispositions antérieurement adoptées[1100]. Si l’effet de la loi du 21 juillet 2016🏛 est donc relatif, il en va différemment quant à la suppression de l’accès de la semi-liberté et du placement à l’extérieur.

2°) L’accès étonnement limité à la semi-liberté et au placement à l’extérieur

247. L’exclusion d’aménagements de fin de peine. La loi du 21 juillet 2016🏛 a modifié l’article 723-1 du Code de procédure pénale🏛 en y intégrant un troisième alinéa. Celui-ci dispose que « le présent article n'est pas applicable aux personnes condamnées pour une ou plusieurs des infractions mentionnées aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal🏛🏛, à l'exclusion de celles définies aux articles 421-2-5 à 421-2-5-2 du même Code ». Sans surprise, le législateur a donc fait le choix d’exclure du bénéfice de la semi-liberté et du placement à l’extérieur les peines prononcées en raison de la commission des infractions terroristes les plus graves. Pourtant, cette exclusion n’est pas anodine. En effet, contrairement à la réduction de peine, il s’agit ici d’aménagements ayant pour but l’élargissement du condamné et son retour progressif à la vie en société après l’exécution d’une partie de sa peine en détention. Par ailleurs, contrairement au fractionnement et à la suspension de peine, il ne s’agit pas d’une faveur accordée au condamné mais de mesures s’inscrivant fondamentalement dans l’objectif de réinsertion de la peine. C’est donc la première fois que le législateur décide d’exclure certains condamnés de telles mesures. Si symboliquement, cette exclusion est significative, l’on peut ici encore relativiser l’impact d’un tel durcissement au regard des conditions temporelles classiques d’octroi de ces aménagements difficilement compatibles avec la temporalité des longues peines que sont majoritairement les peines encourues en matière de terrorisme. L’on constate également sans surprise que les deux délits considérés comme les moins graves par le législateur ne sont pas concernés par cette exclusion. En revanche, si la semi-liberté et le placement à l’extérieur, aménagements de fin de peine, ne sont pas forcément adaptés aux peines prononcées en matière de terrorisme, l’impossibilité pour la juridiction de l’application des peines d’y recourir de manière probatoire bouleverse le droit de l’application des peines vis-à-vis de ces condamnés.

248. L’exclusion d’aménagements de peine probatoires. Le deuxième alinéa de l’article 723-1 du Code de procédure permet au juge de l’application des peines de contourner les conditions temporelles traditionnelles d’accès à la semi-liberté et au placement à l’extérieur afin de les employer à des fins probatoires en vue d’une libération conditionnelle ultérieure. Cette disposition permet aux personnes condamnées à une longue peine privative de liberté d’accéder moins tardivement à des aménagements dont les intérêts sont reconnus et qui, sans ce dispositif, ne revêtiraient qu’un caractère subsidiaire à la libération conditionnelle[1101]. Cette disposition permet surtout d’instaurer une réelle progressivité dans le retour du condamné à la vie en société qui évolue d’une détention traditionnelle vers un aménagement probatoire physiquement plus contraignant qu'une libération conditionnelle, pour ensuite être soumis à une libération conditionnelle et enfin recouvrer en principe une stricte liberté. Ce mécanisme permet aussi pour le juge de l’application des peines de « sécuriser » la libération conditionnelle future en éprouvant le condamné dans un cadre préalable plus strict. Désormais, les dispositions de l’article 723-1 du Code de procédure pénale🏛 n’étant plus applicables aux infracteurs terroristes, à l’exception des deux délits les moins graves, il n’est plus possible pour le juge de l’application des peines de subordonner l’octroi d’une libération conditionnelle à l’exécution d’une semi-liberté ou d’un placement à l’extérieur. Si l’on comprend la volonté de supprimer les éventuelles faveurs accordées au condamné ayant commis des actes de terrorisme, le législateur se prive ici d’une possibilité d’assurer la réinsertion progressive du condamné. Cette nouvelle disposition semble contreproductive. Toutefois, sans qu’une logique particulière ne puisse être rapportée, ladite libération conditionnelle peut toujours être subordonnée à l’exécution d’une détention à domicile sous surveillance électronique, les dispositions de l’article 723-7 demeurant applicables. Or, cette surveillance électronique présente un intérêt moindre en comparaison avec la semi-liberté et le placement à l'extérieur et l’on peut rappeler que le juge de l’application des peines en limite souvent la durée en raison des risques d’incidents non négligeables. D’autre part, il est étonnant que le législateur ait choisi de préserver un aménagement assorti d’une prise en charge pluridisciplinaire moins intense que la semi-liberté ou le placement à l’extérieur et au sein duquel il revient au condamné de s’auto-contraindre. Si l’on peut comprendre que le législateur ait voulu maintenir une modalité d’aménagement de fin de peine et d’aménagement de peine probatoire à la libération conditionnelle, le choix effectué peut laisser perplexe. Il eut, en effet, été plus cohérent de maintenir des aménagements de peine probatoires plus structurants et dont l'efficacité est moins contestée que celle de la détention à domicile sous surveillance électronique. Pour tenter de mieux comprendre le choix du législateur en matière d'aménagement des peines prononcées à l’égard d’auteurs d'actes de terrorisme, il convient de s'intéresser aux critères de cette limitation.

§2 - Les critères de la limitation des aménagements de peine

249. Une limitation fondée sur un double-critère Deux critères semblent animer la limitation des aménagements de peine en matière terroriste. D’une part, la nature terroriste de l’infraction parait être le critère principal de non-aménagement de la peine (A). D’autre part, lorsque l’aménagement de peine est permis, le trouble causé à l’ordre public apparait comme un critère subsidiaire de refus d’aménagement de la peine (B).

A°) La nature de l’infraction : critère principal de non-aménagement de la peine

250. Prise en compte inédite de la seule nature de l’infraction. Si, en dehors de la matière terroriste, la nature de l’infraction peut être prise en compte pour faire obstacle aux divers mécanismes de réduction de la peine privative de liberté, le législateur exige la présence de circonstances aggravantes et prévoit même des possibilités pour le juge de l’application des peines de déroger aux exclusions instaurées (1). A contrario, la limitation de l’accès aux aménagements de peine en matière de terrorisme repose sur la seule nature de l’infraction (2).

1°) La limitation de la réduction de la peine en raison de circonstances aggravantes.

251. La limitation de la réduction de peine des auteurs d’infractions sexuelles et violentes. Il n’a pas fallu attendre l’adoption de la loi du 21 juillet 2016🏛 pour que la nature de l’infraction soit prise en compte afin de limiter l’accès de certains condamnés aux mécanismes de réduction de peine existants. L’ancien article 721-1 du Code de procédure pénale🏛 prévoyant une réduction de peine supplémentaire disposait en effet qu’étaient exclues de ce dispositif les personnes condamnées pour l’une des infractions mentionnées à l’article 706-47 dudit Code « si, lorsque leur condamnation est devenue définitive, le casier judiciaire faisait mention d’une telle condamnation ». Les infractions visées par cet article sont nombreuses[1102] et l’on constate qu’il s’agit d’infractions particulièrement graves, de nature sexuelle et/ou violente, en particulier lorsqu’elles sont commises sur des mineurs. En effet, cette disposition plus sévère concernant la réduction de peine supplémentaire à l’égard de ces infracteurs est issue de la loi du 17 juin 1998🏛 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs[1103]. Cette loi reflète la volonté des pouvoirs publics de l’époque de sanctionner plus durement les infractions de nature sexuelle, en particulier lorsqu’elles sont commises à l’égard de personnes mineures, mais également de prévenir une éventuelle récidive des auteurs via notamment l’instauration du suivi socio-judiciaire et de l’injonction de soins[1104]. Il était alors décidé de « rendre plus strictes les conditions d'octroi des réductions de peine supplémentaires aux récidivistes[1105] ». Pour cette raison, la réduction de peine supplémentaire n’était plus applicable aux condamnés ayant commis une infraction visée à l’article 706-47 du Code de procédure pénale🏛 lorsqu’il était déjà fait mention d’une telle infraction dans son casier judiciaire. L’on remarquera que le législateur a volontairement élargi le spectre en ne retenant pas la notion restrictive de récidive. L’on remarquera également que seule la réduction supplémentaire de peine était visée, la réduction de peine ordinaire qui pouvait alors être accordée si le condamné rapportait des preuves suffisantes de bonne conduite étant maintenue. Cela révèle d’ailleurs le changement de paradigme intervenu en la matière. De nos jours, il aurait été plus envisageable - et ce fut le cas en matière de terrorisme via la loi du 21 juillet 2016🏛 - de maintenir l’accès à la réduction de peine récompensant les efforts de réinsertion du condamné[1106], tant ladite réinsertion est devenue l’objectif ultime de l’exécution des peines[1107]. Si les peines prononcées en matière de terrorisme ne sont donc pas les seules à ne pouvoir être que partiellement réduites, des différences significatives existent néanmoins entre ces deux régimes dérogatoires. En premier lieu, la limitation imposée aux incriminations susvisées ne résultait pas de la seule nature de l’infraction. Effectivement, le législateur visait des infractions de nature sexuelle et/ou violente mais il ajoutait des conditions supplémentaires. Outre la minorité souvent exigée de la victime, représentant une première circonstance aggravante, devait également être préalablement mentionnée au casier judiciaire du condamné une première condamnation de telle nature. Ici, la circonstance aggravante de « récidive » lato sensu était donc indispensable pour exclure les condamnés du bénéfice de la réduction de peine supplémentaire. En second lieu et surtout, une possibilité était offerte au juge de l’application des peines d’accorder cette réduction de peine supplémentaire, après avis de la commission de l’application des peines, puisque cette exclusion était instaurée « sauf décision du juge de l’application des peines ». Il ne s’agissait donc pas d’une exclusion définitive, mais d’une exclusion de principe auquel le juge de l’application des peines pouvait déroger, ce qui la distingue de l’exclusion inéluctable prévue en matière de terrorisme. De plus, si l’exclusion de ces infractions sexuelles et violentes préexistait à l’exclusion des infractions terroristes, celle-ci n’a pas été reprise par la loi du 22 décembre 2021🏛 fusionnant les deux anciens mécanismes de réduction de peine[1108]. L’on aurait pu s’attendre à ce que le législateur opte pour une limitation du quantum de la réduction de peine applicable, comme cela est le cas en matière terroriste. Il a toutefois décidé de ne pas maintenir le régime dérogatoire prévu.

252. La limitation de la réduction de peine des auteurs d’infractions violentes à l’égard de personnes dépositaires de l’autorité publique ou en charge d’une mission de service public. A la suite de la loi du 21 juillet 2016🏛 prévoyant l’exclusion du bénéfice du crédit de réduction de peine aux infracteurs terroristes, le législateur a créé un second régime dérogatoire. En l’occurrence, une loi du 25 mai 2021🏛 souhaitait renforcer la protection des acteurs de la sécurité et, par conséquent, durcir la répression des personnes commettant des infractions à leur égard[1109]. Cela s’est traduit par une exclusion du feu crédit de réduction de peine des personnes condamnées à une peine privative de liberté en raison de la commission d’au moins une infraction mentionnée aux articles 221-4, 222-3, 222-8, 222-10 et 222-12 du Code pénal🏛🏛🏛🏛🏛, « lorsque ces infractions ont été commises au préjudice d'une personne investie d'un mandat électif public, d'un magistrat, d'un militaire de la gendarmerie nationale, d'un militaire déployé sur le territoire (…), d'un fonctionnaire de la police nationale, des douanes ou de l'administration pénitentiaire, d'un agent de police municipale, d'un sapeur-pompier professionnel ou volontaire ou de toute autre personne dépositaire de l'autorité publique[1110] ». Sont ainsi visées les infractions aggravées de meurtre, tortures et actes de barbarie et violences sur des personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public. Le mécanisme de la réduction supplémentaire de peine était maintenu. Ici encore, l’on pouvait néanmoins établir une distinction de traitement fondamentale avec les infracteurs terroristes. Tout d’abord, il fallait retenir la circonstance aggravante tenant à la qualité de la victime. Il ne s’agissait pas d’exclure du bénéfice du crédit de réduction de peine chaque condamné ayant commis des violences, un meurtre ou des tortures et actes de barbarie, encore fallait-il que ces faits aient été commis à l’égard de personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public. D’autre part, l’exclusion du crédit de réduction de peine prévue par l’article 721-1-2 du Code de procédure pénale🏛 pouvait être nuancée[1111]. En effet, si les condamnés n’avaient plus accès à l’automaticité d’une réduction « pré-accordée », il était créé une nouvelle réduction sur-mesure afin que leur éventuelle bonne conduite en détention puisse être prise en considération[1112]. C’est ainsi qu’en cas de preuves suffisantes de bonne conduite, le juge de l’application des peines, après avis de la commission de l’application des peines, pouvait leur accorder une réduction de peine à hauteur d’un mois pour la première année d’incarcération, trois semaines pour les années suivantes et sept jours par trimestre pour les peines et reliquats inférieurs à un an (sans excéder trois semaines)[1113]. Si l’on peut constater que les quanta affichés étaient bien inférieurs à ceux prévus par le crédit de réduction de peine alors en vigueur, l’on ne peut comparer la situation de ces infracteurs aux infracteurs terroristes pour lesquels la seule réduction de peine supplémentaire était alors envisageable. Toutefois, l’adoption de cette loi n’avait pas laissé insensible certains députés dont soixante avaient saisi a priori le juge constitutionnel estimant que l’exclusion du crédit de réduction de peine méconnaissait à la fois le principe de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines et celui d'égalité devant la loi puisque, d’une part, n’était pas visé l’ensemble des infractions commises sur les personnes dépositaires de l’autorité publique et que, d’autre part, n’était pas visé l’ensemble des personnes chargées d’une mission de service public[1114]. Au sujet de la méconnaissance du principe de nécessité et de proportionnalité, le Conseil Constitutionnel apportait une réponse en deux temps. D'une part, il réaffirmait que l'absence de crédit de réduction de peine ne rendait pas la peine plus sévère puisqu’elle n’avait « pour seul effet que la durée initiale de la peine à exécuter correspond[ait] à celle qui a[vait] été prononcée par la juridiction de jugement[1115] ». D’autre part, la mise à l’écart de ce grief pouvait être justifiée par le maintien de l’accès à la réduction de peine supplémentaire ainsi que par la création d’un nouveau régime de réduction de peine spécifique prenant en considération la bonne conduite du condamné en détention[1116]. Concernant la méconnaissance du principe d’égalité, le juge constitutionnel rappelait que les dispositions nouvelles avaient pour ambition de « prendre en compte le risque particulier d'atteinte à leur intégrité physique auquel sont exposées certaines personnes en raison des fonctions qu'elles exercent et ainsi dissuader ces comportements ». Le législateur pouvait donc à ce titre écarter les infractions et les victimes sans « rapport avec l’objet de la loi », la « différence de situation » permettant au Conseil Constitutionnel d’écarter la méconnaissance dudit principe d’égalité[1117]. Si les Sages de la rue de Montpensier validaient ce nouveau dispositif, il a depuis été modifié. Tout d’abord, la liste des infractions visées a, sans surprise, été étendue. Sont désormais également visés l’assassinat prévu par l’article 221-3 du Code pénal🏛 et les violences aggravées prévues par l’article 222-14-1, 222-14-5 et 222-15-1 dudit Code. Par ailleurs, le législateur du 22 décembre 2021 ayant procédé à la fusion du crédit de réduction de peine et de la réduction de peine supplémentaire, a, comme en matière terroriste, traduit l’exclusion de l’ancien crédit de réduction de peine en une limitation de la nouvelle réduction de peine unifiée. Une nouveauté peut toutefois être soulignée : le législateur distingue désormais entre les délits et les crimes visés par l’article 721-1-2 du Code de procédure pénale🏛. En cas de commission d’un délit, la réduction de peine unifiée ne peut excéder quatre mois par année d'incarcération et neuf jours par mois (si la durée d'incarcération est inférieure à un an). En cas de commission d’un crime, la réduction de peine unifiée est moindre puisqu’elle ne peut excéder trois mois par année d'incarcération et sept jours par mois pour une durée d'incarcération inférieure à un an[1118]. L’on remarque que le législateur a prévu un régime plus favorable lorsque l’infraction commise est un délit, ce qui n’a pas été retenu pour les infracteurs terroristes. En revanche, le quantum de la réduction spécifiquement prévue qui compensait l’exclusion du crédit de réduction de peine, n’a pas été maintenu en cas de commission d’un crime. En effet, si le quantum de la réduction de peine unifiée semble correspondre à celui de la réduction de peine anciennement envisageable, cela ne concerne que les délits. S’agissant des crimes, le quantum actuellement applicable est inférieur au précédent. Malgré le rapprochement de ce régime avec celui applicable aux infracteurs terroristes, l’on ne peut sérieusement établir de comparaison, notamment en raison de l’ampleur de l’exclusion des aménagements de peine en matière terroriste, non limitée à la seule réduction de peine. Au surplus, comme il a été souligné, aucune circonstance aggravante ne justifie le régime dérogatoire applicable aux infracteurs terroristes, puisque la seule nature de l’infraction suffit.

2°) La limitation des aménagements de peine en raison de la seule nature de l’infraction

253. Une volonté inédite de verrouiller l’accès aux aménagements de peine. Si le législateur a démontré sa volonté de lutter fermement contre le terrorisme en durcissant la répression des infractions de telle nature, en modifiant la procédure pénale en ce sens et prévoyant un régime pénitentiaire spécifique applicable aux personnes radicalisées, l’on observe que cela s’est également traduit par une volonté de verrouiller l’accès des condamnés aux aménagements de peine. Si la loi du 21 juillet 2016🏛 a limité l'accès des infractions terroristes au crédit de réduction de peine, au fractionnement et à la suspension de peine, à la semi-liberté ainsi qu'au placement à l’extérieur, le Sénat souhaitait réformer beaucoup plus en profondeur le droit de l'application des peines en la matière et créer « un véritable régime complet d’application des peines spécifique aux personnes condamnées pour terrorisme qui soit plus rigoureux que le régime de droit commun[1119] ». En ce sens, il prévoyait d’exclure les infracteurs terroristes (outre les dispositions finalement retenues), de l’accès au placement sous surveillance électronique alors en vigueur, aux permissions de sortir, à la libération sous contrainte, et à l’examen obligatoire de la situation du condamné ayant exécuté deux-tiers de la longue peine privative de liberté prononcée en vue d’une libération conditionnelle[1120]. L'objectif était donc le verrouillage quasi-absolu de l'aménagement des peines prononcées en matière de terrorisme, tout en maintenant la possibilité d’une seule libération conditionnelle afin de ne pas rendre les condamnations incompressibles. Cet objectif du Sénat était d’ores et déjà clairement affiché dans les travaux préparatoires de la loi du 3 juin 2016🏛[1121]. Le législateur n’a finalement pas satisfait à l’intégralité de ces demandes, dénonçant des propositions émises sous le coup de l’émotion et aux allures de cavaliers législatifs au sein d’un texte initialement prévu pour proroger l’état d’urgence[1122]. Il est vrai que l’adoption de ces dispositions aurait permis de parachever l’exclusion des condamnés terroristes des aménagements de peine et plus généralement la spécialisation du traitement de ce contentieux. Cependant, toute ces mesures ne sont pas équivalentes pour les auteurs d’actes de terrorisme. Encourant majoritairement une longue peine privative de liberté, la suppression de l’accès à la libération sous contrainte de l’article 720 du Code de procédure pénale🏛 n’aurait pas eu la même incidence à leur égard que la suppression de la semi-liberté et du placement à l’extérieur utiles à titre d’aménagements de peine probatoires à une libération conditionnelle. Il en va de même de la suppression de l'examen obligatoire après exécution des deux-tiers de la peine, de l'article 730–3 du Code de procédure pénale🏛, dont il a été relevé qu’il revêtait un caractère superfétatoire. A contrario, il est heureux que le législateur ait maintenu l’actuelle détention à domicile sous surveillance électronique, afin que la juridiction de l'application des peines puisse l'employer à des fins probatoires, compte tenu de la disparition de la semi-liberté et du placement à l’extérieur, même s'il aurait été plus opportun de sauvegarder ces deux derniers aménagements. L'on peut également se réjouir du maintien des permissions de sortir, outils et preuves nécessaires de réinsertion du condamné, a fortiori dans le cadre de l’exécution d’une longue peine. Si le législateur n’est pas allé au bout de cette volonté de verrouillage des aménagements de peine, le mouvement largement amorcé se justifie par la nature terroriste de l’infraction commise.

254. La reconnaissance de la transcendance de la nature terroriste de l’infraction. En droit interne, les infractions sont réparties en fonction de leur gravité en trois catégories, à savoir : les contraventions, les délits et les crimes. Si les crimes correspondent aux infractions les plus graves, la grande majorité des infractions terroristes est incluse dans cette catégorie. Toutefois, il existe des délits de nature terroriste. Ont pu être évoqués, par exemple, le délit d'apologie publique ou de provocation directe à des actes de terrorisme, le délit d’extraction, de reproduction et de transmission de données faisant l'apologie publique ou provoquant directement à ces actes et le délit de non-justification de ressources tout en étant en relations habituelles avec une personne commettant des actes de terrorisme. En outre, le vol simple commis en matière de terrorisme demeure un délit et fait encourir une peine d’emprisonnement de six années[1123]. La destruction, la dégradation ou la détérioration d'un bien appartenant à autrui en matière de terrorisme font encourir une peine d’emprisonnement de deux ans[1124]. Le délit d’initié prévu par l’article L 465-1 du Code monétaire et financier🏛 lorsqu’il est commis en matière de terrorisme fait encourir à son auteur une peine de sept ans d’emprisonnement. La même peine est encourue pour le blanchiment réprimé par l’article 324-1 du Code pénal🏛. Cependant, hormis les deux premiers délits cités, l’ensemble des délits terroristes est soumis au régime dérogatoire plus sévère d’aménagement de peine. Pourtant, ces deux délits ne sont pas moins graves aux yeux du législateur qui réprime moins sévèrement le vol ou encore la destruction, dégradation ou détérioration d’un bien appartenant à autrui, commis en la matière. Quoi qu’il en soit, l’on remarque qu’il n’existe pas réellement de traitement différencié entre délits et crimes dès lors que l’on se situe dans le domaine du terrorisme. Au stade l’aménagement de la peine, la prise en compte de la gravité de l’infraction est inhérente à sa nature terroriste et peu importe qu’il s’agisse d’un délit ou d’un crime, ni même que le quantum de la peine prononcée soit élevé. L’on se situe parfois en dehors du cadre de la longue peine illustrant la gravité de l’infraction commise et pourtant pour quasiment l’intégralité des condamnés[1125], il n’est plus question d’obtenir la totalité des réductions de peine, de solliciter un fractionnement ou une suspension de peine, ni même une semi-liberté ou un placement à l’extérieur. Cette généralisation opérée par le législateur inquiète en ce qu’elle porte atteinte au principe d’individualisation de la peine applicable à la phase post-sentencielle. L’on peut également s’interroger sur le caractère proportionné de ce régime dérogatoire en lui-même mais également en ce qu’il ne distingue plus entre les infractions. Si désormais la nature terroriste de l’infraction constitue le critère principal de non-aménagement de la peine, un critère subsidiaire a été ajouté pour empêcher cette fois l’aménagement de la peine légalement prévu.

B°) Le trouble grave à l’ordre public : critère subsidiaire de non-aménagement de la peine

255. Notion de trouble à l’ordre public. Avant d’affirmer que le trouble grave à l’ordre public constitue un critère de non-aménagement de la peine prononcée en matière de terrorisme, il convient de s’attarder sur cette notion. Si le législateur pénal n’apporte pas de définition de ce qu’est l’ordre public, l’on peut constater que le droit administratif évoque les composantes caractérisant cette notion. Gilles Lebreton en détermine d’ailleurs trois composantes légales traditionnelles, à savoir : la tranquillité (ou bon ordre), la sécurité (ou sûreté) et la salubrité publiques[1126], une composante légale plus récente correspondant au respect des exigences du vivre-ensemble, ainsi que deux composantes prétoriennes, à savoir : la moralité publique et la dignité de la personne humaine[1127]. Aux termes du Code général des collectivités territoriales, il appartient à la police municipale d’assurer cet ordre public[1128] dont la sauvegarde constitue un objectif de valeur constitutionnelle[1129]. Au regard de la définition administrative de l’ordre public, force est de constater que la commission d’une infraction en cause le trouble. En l’occurrence, la personne commettant des actes de terrorisme trouble effectivement a minima la sécurité et la tranquillité publique. Néanmoins, la définition du trouble à l’ordre public n’est pas aisée et il semblerait qu’il constitue un standard juridique qu’il convient aux juges du fond d’apprécier in concreto, c’est-à-dire au regard des faits de l’espèce[1130]. Cette notion de trouble à l’ordre public se retrouve par exemple lors de la phase de l’instruction préparatoire, lorsqu’un placement en détention provisoire est envisagé. Ce placement doit notamment constituer l’unique moyen de parvenir à l’un des objectifs fixés par l’article 144 du Code de procédure pénale🏛 et il est ainsi fait référence au trouble « exceptionnel et persistant à l’ordre public provoqué par la gravité de l’infraction » mais également par les « circonstances de sa commission ou l’importance du préjudice qu’elle a causé » pour justifier cette mesure. Le trouble à l’ordre public semble alors revêtir une dimension objective et subjective en ce qu’il peut être analysé comme le désordre occasionné et l’émotion suscitée[1131]. Si l’on pense au désordre susceptible d’être provoqué par le maintien en liberté d’une personne accusée d’avoir commis un crime d’une particulière gravité et potentiellement dangereuse, l’ordre public peut également être troublé par des velléités de vengeance privée[1132]. Le législateur indique toutefois que ce trouble « ne peut résulter du seul retentissement médiatique de l’affaire ». De plus, s’il a pu être fait référence au caractère « spectaculaire et dangereux » des faits commis[1133], le trouble à l’ordre public ne doit pas être confondu au trouble causé à la victime[1134]. Enfin, le placement en détention provisoire justifié par le trouble à l’ordre public ne peut être invoqué qu’en matière criminelle, ce qui démontre que l’intensité du trouble causé varie en fonction de la gravité de l’infraction. De plus, le législateur a encadré le recours à cette notion en exigeant que ce trouble soit exceptionnel et persistant. Il appartient donc aux juges du fond de démontrer le caractère exceptionnel du trouble. Quant à sa persistance, la Cour de cassation reconnait de longue date que les juges du fond doivent justifier la nécessité de recourir à la détention provisoire en se fondant sur le caractère actuel du trouble[1135]. La persistance du trouble n’avait d’ailleurs pas été retenue dans le cadre d’une affaire dans laquelle la plaignante dénonçait des faits d’inceste dix-sept ans après[1136]. Par conséquent, l’on comprend qu’il faut distinguer le trouble causé à l’ordre public par la commission de l’infraction du trouble causé à l’ordre public par le maintien en liberté du mis en examen. Ces précisions apportées par le législateur et la jurisprudence dans le cadre du placement en détention provisoire permettent de mieux appréhender la notion de trouble à l’ordre public que peut causer l’élargissement anticipé du condamné lors de la phase post-sentencielle.

256. L’absence de risque de trouble à l’ordre public : condition légale alternative pour les condamnés de droit commun. La prise en compte du trouble à l’ordre public lors de la phase post-sentencielle n’est pas exclusive des personnes condamnées pour des faits de terrorisme. En effet, il convient de rappeler que le législateur a prévu un régime dérogatoire en matière de libération conditionnelle afin de faciliter l'accès à cet aménagement des personnes condamnées âgées de plus de soixante-dix ans[1137]. Le pénultième alinéa de l'article 729 du Code de procédure pénale🏛 dispose que ces condamnés sont exonérés de l'exécution du temps d’épreuve préalable à l'octroi d’une libération conditionnelle. Cependant, ce régime temporellement plus favorable est assorti de conditions spécifiques. D'une part, l'insertion ou la réinsertion du condamné doit être assurée. Il est bien sûr tenu compte de l’âge du condamné pour apprécier le critère d’insertion ou de réinsertion et le législateur exige notamment l’assurance d’une prise en charge ou d’un hébergement. En outre, ce régime plus favorable ne peut être mis en œuvre s’il existe un risque grave de renouvellement de l’infraction ou « si cette libération est susceptible de causer un trouble grave à l’ordre public ». C’est la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 qui impose pour la première fois une condition liée à l’absence de trouble à l’ordre public en matière de libération conditionnelle. Pour autant, il ne s'agit pas d'une disposition plus sévère. En effet, c'est dans le cadre de l'introduction d'un régime dérogatoire temporellement plus favorable, que le législateur instaure une condition supplémentaire de refus aux termes de laquelle le condamné ne peut bénéficier d'un élargissement anticipé. S’il est possible pour le condamné âgé de plus de soixante-dix ans de bénéficier d'une libération conditionnelle sans avoir préalablement exécuté le temps d’épreuve classiquement requis, cette faveur tenant compte de l’âge du condamné ne peut être accordée que si la libération ne cause pas de trouble à l’ordre public. En effet, si la fonction rétributive de la peine vise à réparer le trouble causé par l’infraction, le temps de la peine (dont le quantum révèle l’intensité du trouble) est nécessaire à l’exercice de cette fonction. A cet effet, le législateur a instauré un temps d’épreuve correspondant à la durée minimale de l’incarcération en deçà de laquelle la fonction rétributive de la peine ne peut être accomplie. Lorsqu’il permet au condamné de ne pas exécuter ce temps d’épreuve, le législateur décide de faire primer des motifs humanitaires, tenant à l’état de santé, l’âge du condamné ou la parentalité du condamné, sur la fonction rétributive de la peine[1138]. C’est le cas de la libération conditionnelle des personnes âgées de plus de soixante-dix ans. Cependant, il est possible que cette libération anticipée cause un trouble à l’ordre public. Ici, il ne s’agit pas du trouble causé par l’infraction mais bien du trouble causé par la libération anticipée pouvant être perçue comme la négation de la fonction rétributive de la peine. Or, la gravité de l’infraction, les circonstances dans lesquelles elle a été commise, la personnalité du condamné et/ou de la victime, peuvent constituer autant d’éléments justifiant que la non-exécution du temps d’épreuve cause un trouble à l’ordre public, a fortiori, lorsque peu de temps s’est écoulé entre la commission des faits et la sollicitation d’une telle libération conditionnelle. Cependant, il n’est pas nécessaire que l’infraction ait été commise récemment pour que la juridiction de l’application des peines refuse une libération conditionnelle en fondant sa décision, entre autres, sur le fait qu’elle soit « de nature à raviver le grave trouble à l’ordre public causé par les faits commis, encore présents dans les esprits », puisque tel a pu être le raisonnement adopté par la chambre de l’application des peines, trente-six ans après les faits[1139]. Au surplus, il est à noter que le trouble à l’ordre public doit être grave. Il appartient donc aux juges du fond de caractériser la gravité de ce trouble. En revanche, il n’est pas nécessaire que ce trouble soit certain. En effet, la juridiction de l'application des peines peut refuser la libération conditionnelle dès lors que celle-ci est « susceptible » de causer un trouble grave à l'ordre public. Dès lors, s’il est imposé aux juges du fond de caractériser la gravité de ce trouble, cette exigence semble grandement relativisée par l'absence de nécessité de certitude de ce dernier. À la différence du critère retenu en matière de détention provisoire, à savoir un trouble exceptionnel et persistant, législateur se contente, lors de la phase de l’application des peines, d’un trouble hypothétique. Toutefois, l’instauration d’un régime dérogatoire temporellement plus favorable de libération conditionnelle des personnes âgées de plus de soixante-dix ans n’interdit pas à ces condamnés d’exécuter le temps d’épreuve classiquement exigé et de solliciter une libération conditionnelle de droit commun pour laquelle il n’existe pas de condition légale d’absence de risque de trouble grave à l’ordre public. Le choix est donc laissé aux condamnés âgés par l’introduction d’une condition alternative de solliciter l’un ou l’autre mécanisme de libération conditionnelle. En revanche, en matière de terrorisme, il n’est plus question de condition alternative mais d’une condition cumulative.

257. L’absence de risque de trouble à l’ordre public : condition légale cumulative pour les condamnés en matière de terrorisme. La notion de trouble à l’ordre public est une notion intrinsèque à la matière terroriste. En effet, l’on peut rappeler que l’entreprise terroriste a pour but de « troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur[1140] ». Les divers attentats commis ces dernières années ont effectivement gravement troublé l’ordre public en raison notamment des modes opératoires choisis, du nombre de victimes et des motivations revendiquées par les auteurs des faits. Néanmoins, comme il a été précisé, le trouble à l’ordre public invoqué lors de la phase post-sentencielle se distingue de celui causé par l’infraction. L’on peut imaginer que le trouble à l’ordre public causé par la libération du condamné ayant commis des actes de terrorisme se traduise par le risque de manifestations violentes de la part de l’opinion publique vigoureusement opposée à un tel retour dans la société mais également par le risque de manifestations violentes de la part d’individus soutenant le condamné, épousant une cause commune et revendiquant le bien-fondé de l’infraction terroriste commise. La notion de trouble à l’ordre public constitue d’ailleurs parfois la cause indirecte du refus d’une mesure post-sentencielle. En effet, dans une espèce dans laquelle la condamnée sollicitait une autorisation de sortie sous escorte aux fins d’assister aux obsèques de son père, cette dernière n’avait pu être mise en œuvre en raison du caractère terroriste des infractions commises[1141]. En effet, la juridiction de l’application des peines indiquait que compte tenu du risque de trouble à l’ordre public résultant de l’appartenance de la condamnée à une organisation terroriste, une escorte renforcée était nécessaire[1142]. Or, celle-ci était matériellement impossible[1143]. En l’espèce, ce n’était pas le risque de trouble à l’ordre public qui empêchait l’accès à une autorisation de sortie sous escorte mais l’impossibilité matérielle d’organiser une escorte renforcée compte tenu de ce risque. Dans cette affaire, la Cour européenne des droits de l’Homme ne retient pas de violation de l’article 8 de sa Convention protégeant le droit au respect de la vie privée et familiale de la requérante. Elle réaffirme, dans un premier temps, l’équilibre que les autorités judiciaires doivent apprécier entre « le droit de la requérante au respect de sa vie familiale, et, d’autre part, la sûreté publique, la défense de l’ordre et la prévention des infractions pénales » et souligne ensuite qu’en l’espèce l’État « n’a pas dépassé la marge d’appréciation dont il jouit dans ce domaine ». Si la recherche de l’équilibre entre les intérêts du condamné et ceux de la société constitue l’essence même de l’action du juge de l’application des peines[1144], dans cette affaire l’on pouvait toutefois s’interroger sur l’acceptabilité de l’argument tenant à l’impossibilité matérielle d’organiser une escorte renforcée pour justifier qu’il soit porté atteinte au droit à la vie privée et familiale de la condamnée. En effet, l’argument soulevé inquiète quant aux moyens dévolus à l’administration pénitentiaire et n’est pas satisfaisant dans un État de droit. Dans cette affaire, le trouble à l’ordre public ne constituait pas en lui-même le motif de refus de l’autorisation de sortie sous escorte. Il en va différemment lorsque la personne condamnée pour des actes de terrorismes sollicite le relèvement de sa période de sûreté ou une libération conditionnelle. Si l’article 729 du Code de procédure pénale🏛 érige le trouble à l’ordre public en condition alternative de la libération conditionnelle des personnes âgées de plus de soixante-dix ans, l’article 730-2-1 dudit Code, introduit par la loi du 3 juin 2016, prévoyant un régime spécial de libération conditionnelle applicable aux infracteurs terroristes, dispose que « le tribunal de l'application des peines peut s'opposer à la libération conditionnelle si cette libération est susceptible de causer un trouble grave à l'ordre public[1145] ». En la matière, aucune dispense d’exécution du temps d’épreuve ou de toute autre condition n’est prévue. Au contraire, l’article 730-2-1 du Code de procédure pénale🏛 durcit les conditions d’octroi et le régime de la libération conditionnelle de droit commun en raison de la nature terroriste de l’infraction commise[1146]. A ce titre, il est prévu que même si le condamné remplit l'ensemble des conditions qui lui sont imposées en vue de bénéficier d’une libération conditionnelle, c’est-à-dire que le tribunal de l’application des peines reconnait que le temps d’épreuve et la période de sureté ont été exécutés, que le condamné a manifesté les efforts sérieux de réinsertion requis, que son projet de sortie est solide, que les évaluations et expertises auxquelles il s’est, le cas échéant, soumis, lui sont favorables, il peut toutefois refuser d’accorder une libération conditionnelle en se fondant uniquement sur le trouble susceptible d'être causé à l'ordre public par cet élargissement anticipé. Le contexte de la menace terroriste de la loi du 3 juin 2016🏛 a conduit le législateur à ajouter une condition supplémentaire à l’octroi d’une libération conditionnelle en la matière. Pour autant, cette condition externe est indépendante de toute action du condamné. Il en va de même du relèvement de la période de sûreté qui n’est envisageable que lorsqu’il n’est pas susceptible de causer un trouble grave à l’ordre public[1147]. En l’occurrence, il sera peut-être plus difficile d’établir un éventuel trouble en raison du relèvement de la période de sûreté n’entrainant pas ipso facto une libération immédiate du condamné. Cette nouvelle condition cumulative laisse à penser que le législateur devient indifférent aux efforts de réinsertion fournis par le condamné et que l’heure n’est plus à la conciliation des intérêts tripartites légalement affichés[1148]. Si l’éventualité d’un trouble à l’ordre public permet de ne pas prendre en compte la situation du condamné, c’est que l’auteur d’actes de terrorisme n’est plus un condamné « comme un autre ». Outre les durcissements subis en raison du quantum de la peine prononcée, la nature de l’infraction commise l’érige en figure d’ « ennemi » qu’il convient de combattre par tout moyen et l’objectif de sa réinsertion est reléguée au profit de la protection des intérêts de la nation. Ces nouvelles dispositions s’inscrivent dans ce droit pénal de l’ennemi qui, « en distinguant citoyens et ennemis, sonne le glas de l’universalité des droits et libertés fondamentaux, excluant de la communauté des hommes les ennemis[1149] ».

Conclusion du chapitre 2

258. Limitation de l’offre des aménagements de peine : ultime étape de la spécialisation du droit de l’antiterrorisme. Pour appréhender la limitation de l’offre des aménagements de peine à l’égard des personnes condamnées pour des faits de terrorisme, il est nécessaire de comprendre le contexte dans laquelle celle-ci s’inscrit. En effet, cette limitation résulte d’une volonté politique globale de lutte contre le terrorisme à la suite d’un certain nombre d’attentats ayant notamment touché la France. L’analyse du contexte juridique de cette limitation permet de comprendre qu’au-delà même de la phase post-sentencielle, c’est toute la législation applicable en matière de terrorisme qui a été bouleversée. Dans un premier temps, l’adaptation du droit pénal spécial et de la procédure pénale fut indispensable pour répondre à un contentieux d’exception. En vue d’une meilleure efficacité, les règles procédurales ont dû être adaptées à la complexité et aux spécificités de la matière. La pénalité a été renforcée par le jeu de l’aggravation des peines encourues dans le cadre du terrorisme dit « dérivé » mais également par la création de nouvelles incriminations. Il a même été fait le choix, après le prononcé de la peine, de l’instauration d’un régime pénitentiaire spécifique engendrant une ségrégation entre les personnes détenues en vue d’éviter l’adhésion de certaines d’entre elles à des idéologies menant au terrorisme. A travers le prisme de la radicalisation, une nouvelle mission est depuis dévolue à l’administration pénitentiaire qui a la charge de l’évaluation, du regroupement, de l’isolement, et du traitement de certains condamnés. L’équilibre entre le renforcement de la prévention et de la répression et le respect des droits et libertés fondamentaux n’est pas toujours évident à maintenir et l’on assiste au développement d’un « droit pénal de l’ennemi » à l’égard des auteurs d’infractions terroristes. L’on comprend alors que l’aménagement de la peine prononcée et la fonction de réinsertion de ladite peine sont désormais relégués par un législateur devenu indifférent au sort du condamné. Réduisant drastiquement le champ des aménagements ouverts aux auteurs d’actes de terrorisme, il crée un véritable droit spécial de l’aménagement des peines. En effet, le quantum de la réduction de peine prévue est diminuée de moitié et le fractionnement et la suspension de la peine, la semi-liberté et le placement à l’extérieur sont purement et simplement exclus, excepté pour les deux infractions considérées comme les moins graves. Tandis que le législateur prive la juridiction de l’application des peines du recours à des aménagements de peine probatoires à la libération conditionnelle utiles au retour progressif et contrôlé du condamné à la vie en société, il justifie cette législation exceptionnelle par la seule nature terroriste de l’infraction, indépendamment de sa nature délictuelle ou criminelle et indépendamment du quantum de la peine prononcée. Cette législation exceptionnelle se traduit également par l’impossibilité du condamné d’accéder au relèvement de la période de sûreté ainsi qu’à une libération conditionnelle dès lors que ces mesures seraient susceptibles de causer un trouble grave à l’ordre public. Désormais, les efforts de réinsertion ne suffisent plus et une condition externe au condamné peut entraver son retour à la vie en société. En définitive, à l’extrémité de la législation antiterroriste, se situent les limitations d’aménagement de la peine. Celles-ci constituent la première manifestation du droit spécial de l’aménagement des peines en la matière, lequel est également complexifié via l’intervention d’un décisionnaire spécial et l’introduction d’une procédure de libération conditionnelle dérogatoire[1150].

Conclusion du titre deuxième

259. Caractère pluriel de la limitation de l’offre des aménagements de peine. L’aménagement des longues peines privatives de liberté ne pouvait être étudié sans que le panel des mesures accessibles à ces condamnés soit analysé. En définitive, le constat d’une double limitation peut être établi. D’une part, le quantum de la peine constitue un critère limitant l’offre des aménagements de peine. A cet égard, le législateur renvoie au quantum de la peine stricto sensu dans le cadre des procédures simplifiées ou plus indirectement à la matière criminelle dans le cadre des aménagements de peine à visée humanitaire. Il justifie cette limitation de l’offre par la volonté d’accorder une faveur aux condamnés ayant le moins gravement troublé l’ordre public et par l’ambition de résoudre des problématiques étrangères aux longues peines. D’autre part, la nature terroriste de l’infraction fait apparaitre une limitation renforcée vis-à-vis de condamnés déjà restreints par le quantum de la peine prononcée. Limitant la possibilité de réduction de la peine, excluant ces condamnés du bénéfice de la semi-liberté, du placement à l’extérieur et du fractionnement et de la suspension de peine et imposant une condition tenant à l’absence de risque de trouble à l’ordre public, le législateur étend à la phase d’aménagement de la peine la volonté de créer un droit pénal spécialement applicable aux auteurs d’infractions terroristes.

Conclusion de la première partie

260. L’aménagement des longues peines privatives de liberté : constat d’une mise à l’écart des condamnés. L’étude de l’aménagement des longues peines privatives de liberté nécessitait que l’on s’attarde sur les modalités d’accès des personnes condamnées à de telles peines. La première constatation établie est celle d’un accès retardé aux mesures d’aménagement de la peine lorsque cette dernière est de longue durée. Ce retard résulte, d’une part, du quantum de la peine prononcée, difficilement compatible avec les conditions temporelles de certains aménagements qui ne peuvent, en principe, intervenir qu’en fin de peine, bien qu’ils puissent être employés à titre probatoire en vue d’une future libération conditionnelle. D’autre part, ce retard constitue une volonté du législateur de figer la longue peine privative de liberté pour réprimer plus sévèrement le condamné ayant gravement troublé l’ordre public et neutraliser celui qui représente une figure de dangerosité. Cette volonté atteint son paroxysme par l’instauration d’une réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une période de sûreté dite perpétuelle. Outre l’accès retardé aux aménagements de peine, la seconde constatation établie est celle d’une limitation de l’offre des mesures d’aménagement. Une première limitation concerne l’ensemble des longues peines ne pouvant accéder à certains aménagements à visée humanitaire ni aux procédures simplifiées d’aménagement de la peine, tandis qu’une limitation supplémentaire est prévue pour les infracteurs terroristes représentant une catégorie pénale spécifique nécessitant un traitement d’exception. En définitive, par la restriction de l’accès - à la fois retardé et limité - des personnes condamnées à une longue peine privative de liberté aux aménagements, l’on peut conclure à une mise à l’écart de ces dernières. Si cette mise à l’écart est parfois inhérente à la durée même de la peine, de nombreuses dispositions excluent volontairement les condamnés temporairement ou définitivement des différents dispositifs d’aménagement de la peine alors même que le retour progressif du condamné à la vie en société, a fortiori lorsqu’il est incarcéré depuis de longues années, semble indispensable pour favoriser sa réinsertion.

Deuxième partie : La complexification de l’amenagement des longues peines

261. Appréhension du législateur. La première partie de cette étude ayant fait apparaitre une restriction de l’accès des personnes condamnées à une longue peine privative de liberté aux mesures d’aménagement de cette dernière, il convient dans un second temps de s’intéresser à l’aménagement de la longue peine lorsque le condamné y est éligible. Une certaine complexification de la procédure et des modalités d’octroi peut alors être observée. D’une part, il semble que le législateur ait souhaité complexifier cet accès en introduisant des acteurs spécifiques réfléchissant conjointement à la décision d’aménagement de la longue peine (Titre 1). D’autre part, la volonté de sécurisation extrême de l’aménagement du condamné laisse apparaitre la frilosité du législateur (Titre 2).

Titre 1 : Un accès conjointement réfléchi

262. Influence de l’expert sur la décision d’aménagement de peine. S’il est légalement prévu que la juridiction de l’application des peines est décisionnaire de l’aménagement des longues peines privatives de liberté, il ne faut pas pour autant négliger le rôle conféré aux évaluateurs de la dangerosité et du risque de récidive du condamné. Bien que les juges de l’application des peines affirment disposer d’un certain recul vis-à-vis des expertises rendues, l’on ne peut nier l’existence de biais d’ancrage et l’influence des évaluations sur la décision judiciaire[1151]. C’est ainsi que, compte tenu, à tout le moins de l’omniprésence de ces acteurs et de l’extension de leurs missions, l’on peut affirmer que l’accès aux aménagements est conjointement réfléchi. En effet, force est de constater que l’évaluation préalable de la dangerosité du condamné à une longue peine est indispensable (Chapitre 1), avant qu’une juridiction spécifique décide d’accorder ou non un aménagement (Chapitre 2).

Chapitre 1 : Un accès préalablement évalué.

263. Une évaluation de la dangerosité obligatoire et contestée. L’une des spécificités de l’aménagement des longues peines privatives de liberté réside dans l’obligation d’évaluer la dangerosité du condamné préalablement à tout élargissement anticipé afin de limiter le risque de récidive d’une infraction particulièrement grave (Section 1). Cependant, la volonté de sécuriser autant que faire se peut l’aménagement de la peine est confrontée à certains obstacles. D’une part, les moyens de la justice pénale - et en particulier les ressources humaines de l’évaluation - ne sont pas illimités, ce qui contribue au ralentissement de la procédure d’aménagement. D’autre part, la systématisation du recours à l'évaluation et la qualité de cette dernière sont contestées (Section 2).

Section 1 : L’obligation de l’évaluation de la dangerosité du condamné.

264. Modalités de l’évaluation de dangerosité. Avant le prononcé d’un aménagement de peine, le législateur impose à la juridiction de l’application des peines une mission supplémentaire. Outre la vérification des conditions temporelles et matérielles d’accès, elle doit faire procéder à l’évaluation de la dangerosité du condamné (§1) dont les modalités sont fixées par le Code de procédure pénale (§2).

§1 - L’objectif légal d’évaluation de la dangerosité du condamné

265. Définition et contenu de la notion de dangerosité. Avant d’apprécier l’étendue de l’évaluation de la dangerosité de la personne condamnée à une longue peine privative de liberté en vue de l’obtention d’un aménagement de peine, il convient de définir l’objet de cette évaluation, à savoir : la dangerosité. Si le législateur exige qu’elle soit évaluée, il n’en propose pas pour autant une définition explicite. Apparu vers la fin du XIXème siècle[1152], il s’agit d’un terme récent dont on s’aperçoit qu’il ne revêt pas une acception unique. Les formes de cette notion plurielle et complexe ne sont pas exclusives les unes des autres[1153] (A) tant et si bien que cette dernière a pu être qualifiée d’« arlésienne par le sens[1154] » en raison de son caractère insaisissable. Il s’agit également d’une notion évolutive puisque la dangerosité constatée chez un individu à un instant ne vaut pas forcément indéfiniment. De plus, la représentation de la dangerosité évaluée est également fonction du cadre spatio-temporel dans lequel elle se situe. Pour autant, force est de constater qu’il existe une présomption de dangerosité des personnes condamnés à une longue peine privative de liberté (B).

A°) Une définition complexe de la dangerosité

266. Définition de la dangerosité pénitentiaire. Comme d’ores et déjà indiqué, la dangerosité constitue une notion plurielle et complexe. Traditionnellement, l’on évoque trois types de dangerosités non exclusives les unes des autres, à savoir : une dangerosité pénitentiaire, une dangerosité psychiatrique et une dangerosité criminologique. Si cette dernière semble correspondre davantage à la dangerosité évaluée dans le cadre de l'obtention d’un aménagement de peine, il convient de définir les deux autres qui peuvent présenter un lien avec la première. Tout d’abord, si la dangerosité pénitentiaire du condamné peut être prise en considération pour apprécier la dangerosité criminologique du condamné, elle s’en distingue néanmoins. En effet, la dangerosité pénitentiaire se caractérise par le comportement de la personne détenue dans le cadre de son incarcération et ne présage pas forcément de son comportement hors des murs[1155]. S’il n’existe pas de définition légale ni prétorienne de la dangerosité pénitentiaire, le seul mauvais comportement de la personne détenue pouvant faire l'objet de comptes-rendus d'incidents, ne suffit pas pour la caractériser. En effet, cette dernière renvoie davantage à l’atteinte portée à la sécurité des personnes et de l’établissement. Paul Mbanzoulou définit la dangerosité pénitentiaire comme « l’état d’une personne détenue se caractérisant par la très grande probabilité de troubler l’ordre interne de l’institution carcérale (…) par des violences physiques, comportements auto-agressifs, évasions, mouvements collectifs[1156] ». Dès lors, les fautes disciplinaires telles que les seuls faits de se trouver en état d’ébriété[1157], de consommer des produits stupéfiants[1158], ou encore de pratiquer des jeux interdits par le règlement intérieur[1159], si elles ne sont pas accompagnées de comportements violents, bien que faisant encourir une sanction disciplinaire, ne semblent pas suffisantes pour caractériser une dangerosité pénitentiaire. En revanche, cette dernière peut se manifester par la détention d’objets dangereux, c’est-à-dire de nature à compromettre la sécurité des personnes ou de l’établissement[1160]. Si l’on pense instinctivement à un objet pouvant blesser physiquement, la jurisprudence retient que le téléphone portable constitue un objet dangereux. En effet, dans un arrêt du 4 février 2013, le Conseil d’Etat considère que « la possession d'un téléphone portable (…) notamment pour s'affranchir des règles particulières applicables (…) aux communications téléphoniques des détenus et pour faire échec aux mesures de sécurité prises dans l'établissement pénitentiaire, doit être regardée comme la détention d'un objet dangereux[1161] ». En l’espèce, c’est moins la possession d'un téléphone portable que l'usage qui en est fait qui permet de caractériser la dangerosité pénitentiaire d’une personne détenue. La dangerosité pénitentiaire peut également se manifester par les violences exercées par la personne détenue à l'égard des autres personnes détenues, mais aussi des membres de l'administration pénitentiaire, des intervenants ou des visiteurs[1162]. C'est notamment le cas lorsqu'un condamné jette des parpaings du haut du préau de la cour de l'établissement pénitentiaire sur des membres de l'équipe régionale d’intervention et de sécurité[1163]. Outre les violences, les menaces proférées constituent aussi un élément permettant de qualifier la dangerosité pénitentiaire[1164]. Enfin, cette dernière est communément retenue lorsqu’il existe un risque d’évasion de la personne détenue. Ce risque doit cependant être caractérisé. Si l’appartenance au grand banditisme, ou la nature des faits commis relevant de la criminalité organisée peuvent être pris en compte, ils ne suffisent pas à caractériser le risque d’évasion qui ne peut reposer sur une simple suspicion de projet d’évasion mais doit être matérialisé au regard d’éléments concrets[1165] comme les évasions ou tentatives d’évasions antérieures de l’individu, y compris lors d’incarcérations précédentes[1166] ou encore la notice individuelle transmise par le juge d’instruction faisant état de ce risque[1167].

267. Gestion de la dangerosité pénitentiaire. Dès lors que la dangerosité pénitentiaire de la personne détenue est caractérisée, des mesures peuvent être mises en œuvre par l’administration pénitentiaire. Ainsi, afin de prévenir les évasions et assurer la sécurité au sein de l’établissement pénitentiaire, il est possible, sous autorisation du ministre de la Justice, d’intercepter les correspondances des personnes détenues (hormis celles avec leur avocat) et d’accéder à leurs données informatiques[1168]. Il peut aussi être procédé à l’inscription au répertoire des détenus particulièrement signalés de ceux à l’égard desquels une dangerosité pénitentiaire a été détectée. Cette inscription se justifie notamment par le risque d’évasion, l’atteinte à l'ordre public que causerait cette évasion et le comportement violent de la personne[1169]. A cet égard sont pris en compte l’appartenance au grand banditisme ou à des mouvances terroristes susceptibles de fournir des moyens pour fomenter une évasion mais également les antécédents de violences, le cas échéant lorsque la personne a commis une prise d’otage en milieu carcéral[1170]. Des mesures de surveillance accrues sont alors applicables à l’égard de ces détenus particulièrement signalés (DPS). A cet effet, les cellules se situent près des postes de surveillance, les fouilles et contrôles sont réalisées plus scrupuleusement, les relations et déplacements des DPS sont plus surveillés - la réunion de plusieurs DPS devant d’ailleurs être évitée - l’accès aux activités est attentivement examiné et l’affectation en maison centrale privilégiée[1171]. Les mesures applicables aux détenus particulièrement signalés ont néanmoins conduit à quelques condamnations de la France par la Cour européenne des droits de l’Homme[1172]. Afin de se prémunir de la dangerosité pénitentiaire d’un détenu, l’administration pénitentiaire peut également procéder à son placement à l’isolement. En effet, l’isolement est autant indiqué dans un but de protection d’une personne détenue vulnérable que dans un but de sécurisation de l’établissement et des personnes lorsque la personne détenue est dangereuse[1173]. Ce placement est justifié lorsqu’il existe une suspicion de participation à un trafic d’objets dangereux faisant de facto encourir un risque pour la sécurité des personnes et de l’établissement[1174] ou un risque d’évasion[1175]. En revanche, l’isolement ne constituant pas une mesure disciplinaire[1176], la faute disciplinaire ne justifie pas qu’il soit décidé. Pour autant, si l’inscription au répertoire des détenus particulièrement signalés ne justifie pas un placement à l’isolement, ce dernier peut être fondé sur les mêmes motifs ayant conduit à l’inscription[1177]. Dans tous les cas, la décision de placement doit « procéder de raisons sérieuses et d’éléments objectifs et concordants permettant de redouter des incidents graves de la part de la personne détenue ou dirigés contre elle[1178] ». La dangerosité pénitentiaire de la personne détenue peut également justifier son placement au sein d’une unité pour personnes détenues violentes[1179] voire son transfèrement vers un autre établissement pénitentiaire notamment en cas de risque d’évasion[1180].

268. Distinction entre la dangerosité pénitentiaire et la dangerosité criminologique. Si la dangerosité pénitentiaire peut constituer un indicateur de la dangerosité criminologique évaluée, elle s’en distingue pourtant. D’une part, l’opposition constante et parfois violente à l’administration pénitentiaire et plus largement aux institutions, ne suffit pas à déterminer une dangerosité criminologique. En effet, cette opposition peut apparaitre comme une stratégie de survie, un moyen pour la personne incarcérée de supporter la détention et d’y trouver un sens, en refusant de se comporter comme ceux qui, au contraire, se sur-adaptent parfois à l’environnement carcéral, perçus comme défaitistes et soumis à l’administration pénitentiaire. Il est donc difficile de prédire si, une fois la liberté recouvrée, cette dangerosité persistera, même si cela n’est pas à exclure. D’autre part, réduire la dangerosité criminologique à la dangerosité pénitentiaire reviendrait à écarter l’évaluation de la dangerosité des condamnés ne posant aucune difficulté de comportement pendant leur détention. Or, si, sans procéder à une généralité, le profil de la personne dangereuse dans le milieu carcéral est souvent celui d’un individu appartenant au milieu du grand banditisme ou dont les infractions commises relèvent de la criminalité organisée, les personnes condamnées pour la commission d’infractions de nature sexuelle adoptent rarement un comportement violent et constituent au contraire une population vulnérable au sein de la détention. Il serait néanmoins précipité d’en déduire une absence de dangerosité criminologique. Enfin, à mi-chemin entre la dangerosité pénitentiaire et la dangerosité criminologique, la personne détenue radicalisée représente une catégorie hybride dont il a pu être observé qu’elle faisait l’objet d’une attention particulière de la part de l’administration pénitentiaire et de l’institution judiciaire craignant la contagion en détention d’une idéologie violente[1181], cette crainte s’inscrivant néanmoins aussi dans un contexte plus général de lutte contre la radicalisation, y compris hors des murs.

269. La dangerosité psychiatrique. Lorsqu’une infraction grave, telle que, par exemple, l’assassinat ou le viol d’un enfant, est commise, il n’est pas rare d’entendre qu'il s’agit de l'œuvre d’un « fou », d’un « déséquilibré » ou d’un « malade », entre autres. Il serait, en effet, inconcevable qu'une personne saine d’esprit et ne présentant pas de trouble mental puisse accomplir de tels actes. Or, il faut admettre que si la dangerosité psychiatrique s’apparente à une forme de dangerosité criminologique, elle n’en constitue pas l’unique source et l’individu atteint de trouble mental n’est pas nécessairement dangereux. Aussi, il serait inopportun d’une part, de réduire la dangerosité criminologique à une dangerosité psychiatrique et d’autre part, d’ériger l’individu malade en figure de dangerosité systématique[1182]. La dangerosité psychiatrique prend en compte la pathologie psychiatrique dont souffre l’individu et peut se définir « comme un risque de passage à l’acte principalement lié à un trouble mental, et notamment au mécanisme et à la thématique de l’activité délirante[1183] ». En d’autres termes, la dangerosité psychiatrique est une forme de dangerosité criminologique résultant du trouble mental de l’individu. Dans ce contexte, c’est l’état délirant résultant de la pathologie de l’individu qui est la cause du passage à l’acte délictueux. Cet état délirant peut notamment s’illustrer par des hallucinations sensorielles ou encore une paranoïa, une perception d’hostilité des autres vis-à-vis de lui-même[1184]. En revanche, la dangerosité psychiatrique ne saurait être caractérisée par un risque de passage à l’acte favorisé par des troubles de la personnalité, ces derniers ne constituant pas des pathologies psychiatriques[1185]. Avant la commission de toute infraction, il peut être procédé, dans certaines conditions, à l’admission en soins psychiatriques sans consentement de toute personne dont les troubles mentaux constituent un danger pour elle-même ou pour autrui[1186]. Par la suite, lorsqu’une infraction a été commise par une personne atteinte d’un trouble mental, il faut se questionner sur le rôle que le trouble a joué dans le passage à l’acte pour éventuellement retenir une dangerosité psychiatrique. Lorsqu’il est établi que le trouble psychique ou neuropsychique dont est atteint l’individu a aboli son discernement ou le contrôle de ses actes et l’a conduit à commettre une infraction, la dangerosité psychiatrique peut être retenue[1187]. Toutefois, cette abolition entrainant l’irresponsabilité pénale de l’individu, aucune peine ne peut être prononcée. Par conséquent, cette catégorie de dangerosité psychiatrique ne peut être rencontrée lors de la phase de l’aménagement de la peine puisque l’on ne peut de facto aménager une peine qui n’existe pas. Cependant, la pathologie psychiatrique peut altérer le discernement ou le contrôle des actes de l’individu sans pour autant les abolir[1188]. Dans ce cas, si une peine est prononcée et que le condamné sollicite un aménagement de celle-ci, la dangerosité criminologique peut être évaluée à la lumière de cette dangerosité psychiatrique ayant favorisé, sans en constituer l’unique cause, le passage à l’acte[1189]. Enfin, dans certains cas, un individu peut être atteint d’une pathologie psychiatrique sans que celle-ci n’ait joué le moindre rôle dans le passage à l’acte. Cela peut être le cas d’un individu atteint de schizophrénie prenant assidument son traitement[1190]. En effet, la maladie mentale ne signifie pas la soumission constante d’un individu à un état délirant et n’empêche pas automatiquement de raisonner. En pratique, il n’est d’ailleurs pas évident de déterminer si le passage à l’acte résulte totalement, partiellement voire ne résulte pas de la pathologie mentale dont est atteint l’individu. Cela donne souvent lieu à des débats d’experts et il est possible qu’un expert conclut à l’abolition du discernement en raison du trouble mental alors qu’un autre conclura ensuite à l’altération voire au maintien du discernement[1191]. Il n’est ainsi pas rare de rencontrer des personnes détenues et condamnées atteintes de troubles mentaux. Enfin, si certains faits divers ont pu marquer l’opinion publique en raison de la gravité des actes perpétrés par une personne présentant des troubles mentaux[1192], il convient de rappeler que les individus malades ne sont pas de facto dangereux[1193] et que leur dangerosité est souvent surestimée. Les individus atteints de troubles mentaux sont d’ailleurs plus souvent victimes qu’auteurs de violences, notamment en raison d’actes auto-agressifs[1194]. Cependant, le fait que de graves crimes puissent être commis sans explication rationnelle, sous l’impulsion d’un état délirant effraie à juste titre la collectivité. Enfin, si la dangerosité criminologique peut être analysée à l’aune de la dangerosité pénitentiaire et psychiatrique, il n’en demeure pas moins qu'il s’agit d'une notion distincte.

270. Tentative de définition de la dangerosité criminologique. La dangerosité criminologique renvoie par son étymologie à la criminalité et non plus, ni à l’univers carcéral ni à l’univers de la maladie mentale. Plusieurs auteurs ont tenté d’apporter une définition de cette notion[1195]. Si elles ne sont pas identiques, elles sont néanmoins relativement similaires. Selon Christian Debuyst, cette dangerosité peut être analysée comme « un phénomène psychosocial caractérisé par les indices révélateurs de la grande probabilité pour un individu de commettre une infraction contre les personnes ou les biens[1196] ». Aux termes de cette définition, la dangerosité criminologique se détermine par l’intensité de la probabilité de commettre une infraction. La nature de l’infraction importe peu puisque les personnes et les biens sont indifféremment visés. De son côté, Ludivine Grégoire définit la dangerosité criminologique comme la « très grande probabilité que soit accomplie une infraction grave (…) soit par un individu dangereux qui se trouve sous l’emprise de troubles mentaux abolissant ou altérant son discernement ou le contrôle de ses actes, soit par un délinquant dangereux qui a déjà été pénalement condamné pour une ou plusieurs autres infractions qu’il a commises dans le passé[1197] ». Cette deuxième définition est plus précise. Premièrement, la grande probabilité de la commission de l’infraction est maintenue mais la gravité de l’infraction est requise. Dans un second temps, Ludivine Grégoire définit la dangerosité criminologique en faisant référence à deux figures que sont l’individu non discernant et la personne ayant d’ores et déjà été condamnée. Michel Bénézech, quant à lui, définit la dangerosité criminologique en l’assimilant à « l’état dangereux » et en l’analysant comme étant un « état, [une] situation ou [une] action dans lesquels une personne ou un groupe de personnes font courir à autrui ou aux biens un risque important de violence, de dommage ou de destruction[1198] ». Cette troisième définition est singulière en ce qu’elle n’évoque pas la commission d’une infraction mais des comportements. Toutefois, ces comportements sont définis puisqu’il s’agit de comportements violents, de « dommages » causés ou de destructions. L’on peut noter que les trois définitions ci-dessus définissent la dangerosité criminologique à travers l’intensité de la probabilité de passage à l’acte. Il importe toutefois de ne pas confondre ladite dangerosité avec la notion voisine de « risque de récidive ».

271. Dangerosité et risque de récidive. La dangerosité est souvent assimilée au risque de récidive. Au sein du Code de procédure pénale, le risque très élevé de récidive semble tantôt caractériser la dangerosité[1199], tantôt en constituer une notion autonome, bien que voisine[1200]. Le Conseil Constitutionnel établit également un lien entre « risque très élevé de récidive » et « dangerosité » de l’individu[1201]. La dangerosité semble toutefois se distinguer du risque de récidive pour au moins deux raisons. Tout d’abord, la commission d'une nouvelle infraction par un individu ayant préalablement été condamné n’entre pas automatiquement dans le cadre légal de la récidive, notion restrictive en comparaison avec la réitération[1202]. Par ailleurs, cela signifierait que la dangerosité ne pourrait jamais être caractérisée à l’égard de l’individu n’ayant commis aucune infraction. Or, l’hospitalisation sans consentement d’une personne, justifiée par le trouble mental qu’elle présente et qui constitue alors un danger pour autrui, ne nécessite pas qu’une première infraction ait été commise[1203]. Ici, c’est bien la dangerosité criminologique d’origine psychiatrique qui est caractérisée. D’autre part, bien que la dangerosité criminologique et le risque de commission d’une infraction (ou risque de « passage à l’acte ») apparaissent comme deux concepts intrinsèquement liés, ils n’en demeurent pas moins distincts, le second se calculant en fonction du premier[1204]. En effet, le danger peut être défini comme un « effet indésirable ou négatif exercé sur une cible par la mise en contact de cette cible avec une source de danger[1205] », tandis que le risque peut être défini comme la « probabilité de survenue de cette effet indésirable[1206] ». C’est ainsi que l’article D49-24 du Code de procédure pénale🏛 prévoit que les personnels du service pénitentiaire d’insertion et de probation apprécient la dangerosité, d’une part, et le risque de récidive, d’autre part, du condamné. S’il n’existe pas une définition consensuelle de la dangerosité criminologique, celle retenue par Paul Mbanzoulou semble correspondre au mieux à celle dont le législateur impose l’évaluation en vue d’un aménagement de la peine. Paul Mbanzoulou définit ainsi la dangerosité criminologique comme la « propension à commettre des actes d'une certaine gravité, dommageables pour autrui ou pour soi, fondés sur l'usage de la violence[1207] ». D’une part, il réserve l’usage de cette notion aux atteintes commises sur des personnes[1208]. D’autre part, il retient des critères de gravité et de violence. Or, il semble, en effet, que les évaluations de dangerosité soient principalement exigées lorsque le condamné a préalablement porté une atteinte grave et violente à une personne[1209], afin de déterminer si cette dangerosité a persisté ou non. Enfin, il ne faut pas confondre les critères de la dangerosité des facteurs de celle-ci. En effet, force est de constater que cette dernière est multifactorielle. Elle peut résulter d’un état délirant lié à une pathologie psychiatrique mais également d’un trouble de la personnalité caractérisé par l’absence d’empathie du condamné[1210], du plaisir qu’il retire de la commission d’une infraction ou de sa personnalité perverse[1211] entre autres. Certaines paraphilies, telle que la pédophilie, constituent également des facteurs de dangerosité. Par ailleurs, la dangerosité du condamné peut être favorisée par sa situation personnelle, familiale et socio-économique. Dans ce cas, l’état dangereux du condamné peut varier en fonction de la situation dans laquelle il se trouve. Par exemple, l’intérêt de commettre une infraction peut être plus élevé lorsque la situation socio-économique du condamné est défavorable. C'est l'une des raisons pour lesquelles le juge de l'application des peines analyse minutieusement le projet de sortie du condamné et refuse traditionnellement l’aménagement de peine à celui ne disposant ni d’un emploi[1212] garantissant des moyens de subsistance ni d’un hébergement. En réalité, l’objectif est d’éviter que le condamné se trouve dans une situation favorisant le passage à l’acte. A titre d’exemple, la suspension médicale de peine prévue par l'article 720-1-1 du Code de procédure pénale🏛 a pu être refusée à un condamné qui « se retrouvait dans une situation conjugale identique à celle qui précédait le meurtre depuis son remariage en septembre 2005, (…) ce retour à la situation antérieure [n’excluant] pas la récidive[1213] ». Enfin, c’est bien souvent en présence de longues peines privatives de liberté que l’évaluation de la dangerosité est exigée. L’on s’aperçoit, en effet, qu’une présomption de dangerosité existe à leur égard.

B°) La présomption de dangerosité des personnes condamnées à une longue peine

272. La gravité de l’infraction commise : un critère actuellement déterminant de dangerosité. Force est de constater que la nécessité d'évaluation de la dangerosité en vue de l'obtention d'un aménagement de peine s’impose principalement aux personnes ayant été condamnées à de longues peines privatives de liberté. En effet, l’article 730-2 du Code de procédure pénale🏛 exige que soit évaluée la dangerosité des personnes condamnées à des peines d’emprisonnement ou de réclusion criminelle égales ou supérieures à dix années sollicitant une libération conditionnelle. Or, ces longues peines sanctionnant des infractions graves, c'est bien la gravité des infractions commises qui semble constituer un critère de dangerosité. Il est vrai que l’intensité du trouble causé à l’ordre public est proportionnel à la gravité de l'infraction et il est cohérent que la société souhaite se prémunir de la réitération d'un tel trouble. C’est ainsi que pour des faits de moindre gravité, la dangerosité du condamné n’est pas spécifiquement recherchée avant l’aménagement de sa peine, la société acceptant sans doute plus aisément le risque d’une réitération des faits lorsqu’ils portent peu atteinte à l’ordre public[1214]. De plus, lorsque l’infraction commise est peu grave, le réflexe de l’associer à un trouble mental qu’il conviendrait de déterminer est moins systématique. Pour autant, s’il peut paraitre évident qu'une présomption de dangerosité repose sur la personne condamnée à une longue peine privative de liberté en raison de la gravité de l’infraction commise, il convient de rappeler que, les figures de la dangerosité étant évolutives, la gravité de l’infraction n’a pas toujours constitué le critère retenu pour déterminer la dangerosité d’un individu.

273. La gravité de l’infraction : un critère de dangerosité parmi d’autres. L'on peut observer que le vagabond et le récidiviste lato sensu ont longtemps été érigés en figures de la dangerosité[1215]. Au Moyen-Âge, le vagabond inquiète et l’« incorrigible » est durement sanctionné, peu importe que les délits commis soient de moindre gravité. A titre d’illustration, Sylvie Châles-Courtine évoque la condamnation à des châtiments corporels puis au bannissement d’une adolescente de seize ans à la suite de plusieurs vols[1216]. Au XIXème siècle l’on souhaite détecter les individus récidivistes en vue de leur déportation[1217]. A l’époque, la loi du 27 mai 1885 fait d’ailleurs encourir la relégation à toute personne ayant été condamnée plus de quatre fois pour des faits de vols, de mendicité, de vagabondage[1218]. Ce n’était pas forcément la gravité de l’infraction mais sa répétition qui démontrait la dangerosité du condamné déterminé à ne pas se conformer au cadre de la loi. Quant aux pauvres, ils représentaient une classe dangereuse car il était pensé que de la pauvreté naitrait la délinquance[1219]. Cette réflexion n’était toutefois pas erronée. Le vagabondage et la mendicité constituant, à l’époque, des délits, il était effectivement probable que les personnes désœuvrées y aient recours et entrent ainsi dans la délinquance. Toutefois, étaient surtout craintes la commission d’éventuelles infractions contre les biens motivées par la pauvreté de l'auteur des faits, ainsi que la complexification de son identification, de son interpellation et de sa condamnation en raison de l’absence de domicile fixe. La figure du pauvre étant une figure de dangerosité, le vagabondage réprimé sous l’empire de l’ancien Code pénal[1220] ne fut abrogé officiellement qu’en 1994, par la promulgation du Code pénal actuel, tout comme le délit de mendicité[1221]. Quant au récidiviste, il demeure, de nos jours, en lui-même une figure de dangerosité dans certains pays et l’on pense notamment à certains Etats américains appliquant la « three strikes law[1222] » aux termes de laquelle l’individu ayant été condamné pour trois infractions encourt une peine automatique de vingt ans à la perpétuité, indépendamment de l’infraction commise[1223]. En France, jusqu’aux lois des 15 août 2014 et 23 mars 2019, la récidive était encore particulièrement prise en compte[1224]. Elle était, tout d’abord, considérée au stade du jugement par la mise en oeuvre de peines planchers introduites par la loi du 10 août 2007🏛[1225]. Les articles 132-18-1 du Code pénal🏛, pour la matière criminelle, et 132-19-1 du Codé pénal, pour la matière correctionnelle, prévoyaient alors l’application de peines minimales en cas de récidive. Bien que la récidive demeure un critère d’aggravation de la sanction pénale[1226], le caractère automatique inhérent aux peines planchers a aujourd’hui disparu[1227]. Lors du jugement, la révocation de plein droit du sursis précédemment prononcé en cas de commission d’une nouvelle infraction était également prévue[1228]. Par ailleurs, au stade de l’aménagement de la peine, des dispositions plus sévères étaient également applicables aux personnes condamnées en état de récidive. Pour les peines à temps, la durée du temps d’épreuve exigé pour solliciter une libération conditionnelle était alors rehaussée aux deux-tiers de la peine[1229]. Concernant les réductions de peine, le crédit de réduction de peine était minoré en cas de récidive[1230], tout comme la réduction supplémentaire de peine[1231]. Le seuil d’accès au placement à l’extérieur, à la semi-liberté et à ce qui était encore dénommé le placement sous surveillance électronique, était abaissé de deux à un an pour les récidivistes[1232]. Ces dispositions plus sévères n’ont plus cours aujourd’hui. La disparition de la figure dangereuse du « pauvre » et l’atténuation de celle du « récidiviste », révèlent la variabilité des représentations de la dangerosité en marquant le fait que la gravité de l’infraction n’a pas toujours été un critère déterminant. En outre, si de nos jours la gravité de l’infraction est un critère de détermination de la dangerosité, elle demeure un critère instable.

274. La gravité de l’infraction : un critère fluctuant de dangerosité. S’il est établi que la sévérité de la peine encourue est fonction de la gravité de l’infraction commise, c’est donc par le biais de l’échelle des peines que l’on peut jauger la gravité d’une infraction. Or, ladite échelle est fixée par le législateur. Elle résulte alors de choix politiques et idéologiques et, selon les valeurs que la société entend protéger, ce qui est grave aujourd’hui ne le sera plus forcément demain[1233]. C’est la raison pour laquelle, la gravité de l'infraction ne peut être érigée en vérité absolue. Elle s’inscrit, en effet, dans un cadre spatio-temporel défini qu’il convient de relativiser. Dans une société au sein de laquelle la personne humaine est sacralisée[1234], il est attendu que le Code pénal réprime plus sévèrement les atteintes aux personnes que les infractions commises contre les biens. Cependant, les valeurs protégées évoluent au fil du temps et des contextes historiques. A titre d’exemple, si l’on a pu constater qu’à la suite des attentats terroristes de ces dernières décennies, la législation antiterroriste n’a eu de cesse de se renforcer, tel n’a pas toujours été le cas. En effet, tandis qu’en Italie la lutte contre les mouvances terroristes et le crime organisé occupait très tôt l’esprit des pouvoirs publics, le législateur français fixait au même moment son intérêt plutôt sur les infractions sexuelles et violentes[1235]. Cela s’explique par le fait que ces deux Etats étaient alors confrontés à deux formes de criminalité différentes. La criminalité organisée constitue depuis de nombreuses années un véritable fléau en Italie[1236] tandis que cette dernière a également connu ses « années de plomb » avec la commission de nombreux actes de terrorisme[1237], bien avant la vague du terrorisme islamiste actuel. C’est ainsi qu’en 2001, il était observé que : « la France ne s’est toujours pas prémunie contre ce péril sérieux qu’est le crime organisé transnational : pas d’incrimination spécifique, pas de dispositions de procédure pénale adaptées, pas de section du parquet à compétence nationale comparable à celle qui suit les affaires de terrorisme, pas de véritable loi sur les repentis. Concrètement, la France d’aujourd’hui ignore le concept d’activité criminelle continue[1238] ». Dans une autre mesure, si l’on étudie les législations européennes en vigueur en matière de stupéfiants, l’on s’aperçoit qu’il n’existe pas d’homogénéité et que là encore il appartient au législateur de faire le choix de réprimer ou non certains faits et, le cas échéant, de graduer cette répression[1239]. Les décisions prises par le pouvoir législatif traduisent avant tout des choix de société[1240]. Les évolutions de cette dernière sont également prises en compte pour incriminer plus ou moins sévèrement des comportements. En effet, l’on peut évoquer les infractions commises au moyen de nouvelles technologies qui ne pouvaient de facto pas être réprimées avant l’introduction de ces nouvelles technologies[1241]. Par conséquent, la législation pénale évolue en même temps que la société, s’adapte à ses changements et le choix effectué par le législateur de sanctionner plus ou moins sévèrement une infraction dépend donc d’un contexte historique et sociétal que l’on ne peut nier. Les représentations de la dangerosité, si tant est qu’elles trouvent leur fondement dans la gravité de l’infraction ne sont donc pas figées et sont amenées à évoluer en conséquence.

275. La nature de l’infraction : critère complémentaire de dangerosité. Si la gravité de l’infraction commise est un critère de dangerosité potentielle du condamné, elle n’est cependant pas suffisante et la nature de l’infraction semble constituer un critère complémentaire. En effet, l’article 712-21 du Code de procédure pénale🏛 prévoit qu’une expertise psychiatrique se prononce sur la dangerosité de la personne condamnée à l’égard de laquelle un suivi socio-judiciaire a été prononcé. Si l’on se réfère au domaine du suivi socio-judiciaire, sont exclusivement visées des infractions portant des atteintes graves aux personnes. Initialement créé pour des infractions de nature sexuelle, le domaine du suivi socio-judiciaire a régulièrement été étendu et concerne désormais un grand nombre d’infractions. L’on peut citer les homicides volontaires aggravés, la majorité des infractions sexuelles, le crime de disparition forcée, l’enlèvement ou la séquestration d’une personne, sa réduction en esclavage ou l’exploitation de sa réduction en esclavage, les destructions et dégradations dangereuses pour les personnes ainsi que bon nombre de violences aggravées notamment en raison de la qualité de la victime[1242]. D’autre part, l’article 730-2 du Code de procédure pénale🏛 instaurant un régime spécial de libération conditionnelle pour les personnes condamnées à de longues peines privatives de liberté à l’égard desquelles une évaluation de la dangerosité est requise, n’est pas non plus applicable à l’ensemble des longues peines mais vise certaines catégories d’infractions. Cet article vise les personnes condamnées à la réclusion criminelle à perpétuité, à une peine d’emprisonnement ou de réclusion criminelle égale ou supérieure à quinze ans pour une infraction faisant encourir le suivi socio-judiciaire ou encore à une peine d’emprisonnement ou de réclusion criminelle égale ou supérieure à dix ans pour une infraction répertoriée par l’article 706-53-13 du Code de procédure pénale. Lorsque l’on analyse les infractions visées dans ces trois cas, l’on s’aperçoit qu'il s’agit également majoritairement d’infractions portant directement et violemment atteinte à la personne humaine. En effet, sont souvent visées des infractions accompagnées ou précédées de tortures ou actes de barbarie, notamment des infractions de nature sexuelle mais aussi le détournement d’un aéronef ou encore l’enlèvement ou la séquestration d’une personne. Sans que la circonstance aggravante de tortures ou actes de barbarie ne soit nécessaire, sont également visés des atteintes volontaires à la vie, des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, des crimes contre l’espèce humaine, le génocide[1243], des actes de terrorisme[1244], les explosions ou incendies ayant entrainé la mort ou la mutilation d’une personne mais également la direction ou l’organisation d’un trafic de stupéfiants. Enfin, l’article 730-2-1 du Code de procédure pénale🏛 exige l’évaluation de la dangerosité des auteurs d’actes de terrorisme. Par conséquent, force est de constater que si l’infraction commise doit être grave, elle doit majoritairement porter atteinte à la vie, l’intégrité ou la dignité de la personne. En effet, en principe, aucune évaluation de dangerosité n’est requise pour l’octroi d’un aménagement de peine à l’égard du condamné ayant commis des atteintes aux biens aussi graves soient elles[1245]. L’on pense, par exemple, au vol en bande organisée puni de quinze ans de réclusion criminelle et 150. 000 euros d’amende[1246] ou encore au blanchiment habituel en bande organisée faisant encourir à son auteur la peine de dix ans d’emprisonnement et 750. 000 euros d’amende[1247]. D’ailleurs, cette peine peut être plus importante « lorsque le crime ou le délit dont proviennent les biens et les fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment est puni d'une peine privative de liberté d'une durée supérieure à celle de l'emprisonnement encouru en application [de l’article] 324-2[1248] ». L’on peut également citer l’abus de confiance aggravé en raison de la qualité de l’auteur, réprimé d’une peine de dix ans d’emprisonnement et de 1.500. 000 euros d’amende[1249], ou encore les atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données commises en bande organisée à l’encontre d'un système mis en oeuvre par l’Etat qui sont sanctionnées d’une peine de dix ans d’emprisonnement et 300. 000 euros d’amende[1250]. Enfin, l’on peut clore ces exemples avec la peine de dix ans d’emprisonnement accompagnée d’une amende de 1. 000. 000 d’euros encourues par toute personne exerçant une fonction publique se rendant coupable de corruption passive ou de trafic d’influence[1251]. Ces quelques exemples permettent de confirmer que si le législateur prévoit l'évaluation de la dangerosité du condamné ayant commis des faits graves, tous les faits graves ne sont pas pour autant visés et la nature de l'infraction demeure un critère complémentaire de présomption de dangerosité. En la matière, les infractions sexuelles et/ou violentes font présumer la dangerosité du condamné contrairement aux atteintes aux biens qui mettent pourtant parfois gravement en péril le pacte social[1252]. Cette dichotomie résulte de ce que la présomption de dangerosité provient non pas uniquement du trouble réellement causé mais au surplus du trouble causé ressenti. Or, la perception du trouble semble plus importante en cas de violence physique directe et c’est la raison pour laquelle l’évaluation de la dangerosité du condamné est exigée dans ce cas.

§2 - Les modalités d’évaluation de la dangerosité

276. Évaluations individuelles et collectives. Le flou entourant la notion de dangerosité n’a pas empêché le législateur d’exiger son évaluation à l’égard des personnes ayant été condamnées à une longue peine privative de liberté. Les modalités de cette évaluation peuvent être classées en deux catégories. D’une part, les évaluations de dangerosité réalisées individuellement par un expert ou un conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation (A) et, d’autre part, les évaluations réalisées collectivement par le centre national d’évaluation ou la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté (B).

A°) L’évaluation individuelle de la dangerosité du condamné

277. Plan. Si lévaluation individuelle de la dangerosité du condamné est principalement réalisée par un expert-psychiatre (1), le service pénitentiaire d’insertion et de probation est également sollicité pour évaluer le condamné (2).

1°) L’expertise réalisée par un expert-psychiatre

278. Nécessité de recourir à une expertise psychiatrique avant l’élargissement anticipé du condamné. S’il entre dans les attributions de la juridiction de l’application des peines de recourir à toute expertise nécessaire en vue d’aménager la peine privative de liberté[1253], une expertise psychiatrique est spécifiquement prévue par les dispositions de l’article 721-12 du Code de procédure pénale. C'est la loi du 9 mars 2004🏛 qui profite du processus de juridictionnalisation de l’application des peines pour introduire cet article reprenant les anciennes dispositions de l’article 722 du Code de procédure pénale🏛 aujourd’hui abrogé. Aux termes de ce dernier, une expertise psychiatrique préalable était déjà nécessaire à l'octroi de certains aménagements de peine. Les mesures concernées n’ont pas été modifiées. Il s’agit de celles qui permettent un élargissement anticipé (temporaire ou non) du condamné ayant commis une infraction grave. Sont ainsi visés la permission de sortir, le placement à l'extérieur, la semi-liberté, le fractionnement et les suspensions de peine, la détention à domicile sous surveillance électronique et la libération conditionnelle. Il n’est, en revanche, pas prescrit de faire réaliser une expertise psychiatrique avant une autorisation sous escorte, le condamné étant sous la surveillance de ladite escorte, ni avant l’octroi de réductions de peine n’entrainant pas une libération immédiate du condamné. Par ailleurs, il est à noter que le législateur a, dès la création de l’article 722 par la loi du 1er février 1994, fait le choix de faire réaliser une expertise psychiatrique et non psychologique. Si la mission de l’expert-psychiatre évoquée dans les travaux préparatoires est de déterminer si le condamné est susceptible de récidiver[1254], cela démontre l’assimilation opérée entre dangerosité psychiatrique et criminologique. D’ailleurs, la loi du 10 août 2007 réaffirme la présomption de pathologie mentale existant à l’égard de ceux ayant commis une grave infraction en imposant à l’expertise réalisée de déterminer si le condamné est susceptible de faire l'objet d'un traitement. Cette expertise obligatoire est toutefois réservée à un domaine particulier progressivement étendu.

279. Extension progressive du domaine de l’expertise psychiatrique limitée initialement à certaines infractions graves. Le domaine de l'expertise psychiatrique réalisée préalablement à un aménagement de peine est limité et tient compte de la gravité de l’infraction. La loi du 1er février 1994 souhaitant renforcer la répression des auteurs de crimes sexuels et violents à l'égard des mineurs[1255], impose que cette expertise soit réalisée après la commission d’un meurtre ou assassinat d'un mineur précédé ou accompagné d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie, mais également après la commission d’un viol, d’une agression sexuelle ou d’atteintes sexuelles sur un mineur[1256]. Ces infractions sont strictement reprises par l'article 712–21 introduit par la loi du 9 mars 2004 qui opère alors un renvoi à l'article 706–47 du Code de procédure pénale🏛. Cependant, comme bien souvent en matière d’application des peines, l’on constate que les dispositions plus sévères prévues pour un petit nombre sont progressivement étendues. En ce sens, la loi du 10 août 2007🏛 bouleversait le domaine de l’article 712-21 en imposant que soit réalisée une expertise psychiatrique préalable à l'égard de chaque personne condamnée pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru. En l’occurrence, l’extension opérée était considérable et contestable. D'une part, la liste des infractions pour lesquelles la peine de suivi socio-judiciaire est encourue n’a cessé de s’accroitre. D'autre part, et surtout, lorsque la juridiction de jugement n’a pas décidé de prononcer un suivi socio-judiciaire et ainsi de soumettre le condamné à des « mesures de surveillance et d'assistance destinées à prévenir la récidive[1257] », il peut apparaitre contradictoire qu’une expertise psychiatrique soit exigée afin de déterminer le risque de récidive. Il semble, en effet, étrange que le législateur tire des conséquences d’une décision non prise par les juges. C’est ainsi que la loi du 15 août 2014 a rectifié le tir. En effet, depuis, l’article 712-21 du Code de procédure pénale🏛 exige qu’une expertise psychiatrique préalable soit réalisée à l’égard de toute personne à l’encontre de laquelle un suivi socio-judiciaire a été effectivement prononcé. Toutefois, une exception demeure puisque, dans le cas précis de la libération conditionnelle, l’article 731-1 du Code de procédure pénale🏛 prévoit le recours à l’expertise psychiatrique de l’article 712-21 lorsque la personne a été condamnée à une infraction faisant encourir le suivi suivi-socio judiciaire tandis que ce dernier n’a pas été prononcé[1258]. Enfin, il est à noter que le régime de cette expertise est renforcé pour les infractions les plus graves.

280. Régime de l’expertise psychiatrique renforcé pour les infractions sexuelles et violentes les plus graves. Si le domaine de l’expertise psychiatrique a été étendu, le régime de cette dernière est, depuis toujours, renforcé à l’égard des infractions considérées comme les plus graves. Ce renforcement se traduit, en premier lieu, par le nombre d’experts requis pour la réaliser. En effet, sous l’empire de l’ancienne loi, l’expertise devait être réalisée par trois experts si l’infraction commise était un meurtre, un assassinat ou un viol d'un mineur de quinze ans[1259]. Si depuis le transfert des dispositions de l'article 722 au sein de l'article 712–21 du Code de procédure pénale🏛, cette expertise doit être réalisée par deux experts uniquement, il n’en demeure pas moins que pour ces infractions particulièrement graves une expertise unique semble insuffisante aux yeux du législateur. En second lieu, le renforcement de cette expertise s’illustre par la mission confiée aux experts. En effet, si les travaux préparatoires de la loi du 1er février 1994 précisent que l'objectif de cette expertise psychiatrique est de déterminer si le condamné était susceptible de récidiver, c'est la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 qui modifie l'article 712–21 en imposant que l’expertise se prononce « spécialement sur le risque de récidive » de la personne condamnée pour la commission d’infractions visées par l’article 706-47 du Code de procédure pénale🏛. A dire vrai, depuis le décret du 16 novembre 2007🏛[1260], l’article D49-24 du Code de procédure pénale🏛 prévoit déjà que l’expertise psychiatrique de l’article 712-21 se prononce « sur la dangerosité de la personne et les risques de récidive ou de commission d'une nouvelle infraction[1261] ». Toutefois, la loi du 24 novembre 2009 confrère une valeur législative et non plus réglementaire à cette disposition uniquement à l’égard des infractions visées par l’article 706-47. De plus, elle insiste sur le fait que cette expertise porte spécialement sur ce risque. Enfin, au-delà de l'augmentation du nombre d’experts sollicités et du renforcement de leur mission, tous deux prévus par l’article 712-21 du Code de procédure pénale🏛 concernant les aménagements de peine de manière générale, il est à noter qu’une expertise supplémentaire est prévue à l’égard des longues peines en matière de libération conditionnelle spécifiquement. En effet, le régime spécial de libération conditionnelle des longues peines prévu par l'article 730–2 du Code de procédure pénale🏛 exige la réalisation d'une expertise médicale en cas de condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité ou à une peine privative de liberté minimale de quinze ans pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru, ou à peine privative de liberté minimale de dix ans pour une infraction mentionnée à l'article 706-53-13 du Code de procédure pénale. Dans ce dernier cas, l’expertise doit être réalisée par deux experts (deux experts-psychiatres ou un expert-psychiatre et un expert-psychologue) et doit, en outre, se prononcer sur l’opportunité de recourir à un traitement inhibiteur de libido[1262]. En définitive, l’on constate d’une part, un empilement des textes exigeant la réalisation préalable d’expertises psychiatriques à l’égard des personnes condamnées pour la commission de graves infractions et, d’autre part, un renforcement du régime de ces expertises pour les infractions les plus graves d’entre elles. Finalement, la création de régimes spéciaux ne semble pas suffire au législateur intégrant de nouvelles dispositions spéciales au sein de ces régimes. Enfin, il faut noter que l’expert-psychiatre n’est pas le seul intervenant évaluant la dangerosité du condamné.

2°) L’évaluation par le conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation

281. Récapitulatif des missions traditionnelles du SPIP. Né de la fusion des anciens comités de probation et d’assistance aux libérés (CPAL) et des services socio-éducatifs des établissements pénitentiaires[1263], le service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) au sein duquel exercent les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation, intervient en milieu ouvert et en milieu fermé tant lors de la phase pré-sentencielle[1264] que de la phase post-sentencielle[1265]. C’est bien évidemment de son intervention en milieu fermé et durant la phase post-sentencielle dont il sera ici question. En la matière, le SPIP est classiquement chargé de remplir trois missions. Une première mission d’assistance du condamné et notamment d’aide à son insertion ou à sa réinsertion est conférée au SPIP. En effet, conformément aux règles de probation du Conseil de l’Europe, le SPIP doit aider les condamnés à préparer leur libération et organiser leur réinsertion[1266] en comblant leurs besoins en termes d’emploi, de logement, ou encore d’éducation[1267]. Cette mission peut se traduire par l’apport d’une aide matérielle[1268] ou d’une aide au maintien des liens sociaux et familiaux[1269]. Le SPIP accompagne également le condamné afin que ce dernier fasse valoir ses droits et accède aux dispositifs d’insertion[1270]. Pour ce faire, le SPIP constitue un lien entre les services sociaux, éducatifs et médicaux[1271].

Dans le même temps, le SPIP est chargé de contrôler le respect par le condamné des obligations et interdictions lui ayant été imposées par la juridiction de jugement mais également par la juridiction de l'application des peines[1272]. A ce titre, l’article D113-30 du Code pénitentiaire précise que le SPIP « définit et met en œuvre les modalités de la prise en charge des personnes qui lui sont confiées en liaison avec les magistrats mandants ». Ainsi, il assiste le juge de l’application des peines[1273] et le tient informé du déroulement de sa mission via des rapports remis régulièrement. Deux rapports sont obligatoirement rendus, l’un en début et l’autre en fin de mesure. Un rapport annuel est exigé lorsque ladite mesure excède deux ans. En outre, des rapports facultatifs peuvent être remis à la demande du magistrat ou si le SPIP rencontre des difficultés, en cas d’incident, ou en cas de modification de la situation personnelle du condamné ou encore des modalités de sa prise en charge[1274]. Enfin, le SPIP concourt à la préparation des décisions individualisant l’exécution des peines rendues par la juridiction de l’application des peines. A cet effet, il réalise les investigations sollicitées par le magistrat mandant[1275]. Il peut également proposer à ce dernier de modifier les mesures applicables au condamné et, plus encore, il peut être à l’initiative des demandes d’aménagement de la peine[1276]. Outre ces trois missions traditionnelles, une mission plus récente d’évaluation du condamné a vu le jour, érigeant le conseiller pénitentiaire d’insertion de probation (CPIP) en criminologue.

282. Mission récente d’évaluation du condamné : le CPIP devenu criminologue. Si à l’étranger le rôle des agents de probation dans l’évaluation du condamné est affirmé[1277], en France c’est la circulaire du 19 mars 2008 qui opère un tournant en érigeant la prévention de la récidive en finalité de l’action du SPIP[1278]. D’ores et déjà, le décret du 6 mai 2005🏛 faisait référence aux connaissances criminologiques des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation concourant à l’action de prévention de la récidive[1279]. Cette mission est inscrite au sein l’article D113-26 du Code pénitentiaire. Le Conseil de l’Europe attribue au SPIP la tâche d’apprécier les risques et les besoins que présente le condamné[1280]. A cet effet, des programmes de prévention de la récidive (PPR) sont notamment mis en œuvre par les CPIP animant des groupes de paroles dans le but de prévenir le passage à l’acte et de repérer les facteurs de risque de récidive[1281]. Outre la prévention de la récidive du condamné, il incombe aux personnels des services pénitentiaires d'insertion et de probation de procéder à l’évaluation du condamné. En premier lieu, ils participent aux évaluations pluridisciplinaires de ceux placés en unité pour personnes détenues violentes ou en quartier de prise en charge de la radicalisation[1282]. Surtout, il leur est expressément demandé d'apprécier la dangerosité et le risque de récidive du condamné dans le cadre d'une synthèse socio-éducative lorsque cette dernière est sollicitée par la juridiction de l'application des peines avant la libération du condamné[1283]. Ici, c’est par le prisme socio-éducatif constituant le cœur de métier des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation, et non par le prisme psychiatrique, que l’évaluation de la dangerosité doit être réalisée[1284]. Si les longues peines ne sont désormais plus expressément visées par les dispositions de l’article D49-24 du Code de procédure pénale🏛, lors de sa création par le décret du 13 décembre 2004🏛[1285], un troisième alinéa consacrait le caractère obligatoire de cette synthèse se prononçant sur la dangerosité et le risque de récidive de la personne condamnée pour un crime ou un délit puni d’au moins dix ans d’emprisonnement commis en récidive[1286]. En définitive, la modification des missions du SPIP a engendré la coexistence de trois générations de conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation. Bien que les différences ne soient pas aussi radicales et qu’une porosité existe évidemment entre ces trois générations, l’on peut distinguer une première génération plus axée sur le rôle social du service et qui s’emploie à favoriser la réinsertion du condamné par ce biais, une deuxième génération davantage mobilisée sur le travail de contrôle du respect des mesures d’obligations et d’interdictions prononcées à l’encontre du condamné et une troisième génération axée principalement sur la prévention de la récidive[1287]. Enfin, il est à noter que les personnels pénitentiaires d’insertion et de probation participent à l’évaluation collective de la dangerosité du condamné.

B°) L’évaluation collective de la dangerosité du condamné

283. Plan. Outre l’évaluation réalisée individuellement par des experts médicaux ou des CPIP, deux organes sont spécifiquement compétents pour évaluer la dangerosité des personnes condamnées à une longue peine privative de liberté. Il s’agit d’une part, du centre national d’évaluation (1) et d’autre part, de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté (2).

1°) L’évaluation pluridisciplinaire au sein du centre national d’évaluation

284. Création d’un centre national d’évaluation. Le mécanisme d’évaluation du condamné via une observation de longue durée au sein d’une structure spécifique n’est pas nouveau. Du temps de la pratique de la relégation, un centre de triage et d’observation était installé au sein de la maison centrale de Loos-lès-Lille de 1948 à 1962 recevant des personnes ayant été condamnées à la relégation et pour lesquelles une libération conditionnelle était envisagée[1288]. Durant les six premiers mois de leur séjour, ces personnes étaient placées à l’isolement et soumises à l’observation d’une équipe pluridisciplinaire (principalement des personnels de surveillance, éducateurs et psychiatres) tentant de retracer leur trajectoire, d’évaluer leur psychisme et notamment leur quotient intellectuel. S’ensuivait une phase de trois mois durant laquelle elles pouvaient bénéficier de « permissions de sortir », précédant une phase de trois mois durant laquelle elles étaient placées en semi-liberté en vue d’enfin accéder ou non à une libération conditionnelle décidée par une commission de classement sur la base d’un rapport de synthèse[1289]. Sous l’impulsion de Paul Amor, directeur de l’administration pénitentiaire, fut ouvert en 1950 un centre de triage à Fresnes, devenu centre national d’orientation en 1951[1290], puis centre national d’observation (CNO) en 1985[1291]. Il faut rappeler qu’en vertu du régime progressif institué par la réforme Amor, il est accordé une place importante au régime pénitentiaire auquel est soumis le condamné. Dès lors, il était fondamental d’orienter ce dernier vers un établissement carcéral adapté. Pour ce faire, le septième point de la réforme prévoyait une répartition des condamnés en fonction de leur sexe, personnalité et « degré de perversion[1292] ». C’est ainsi que l’orientation aléatoire laissait place à une orientation individualisée[1293]. Durant six semaines, les personnes condamnées à une peine égale ou supérieure à un an d’emprisonnement étaient incarcérées au sein du CNO de Fresnes et observées par une équipe pluridisciplinaire composée de personnels de surveillance, médical et éducatif[1294]. Elles étaient alors soumises à une batterie d’examens (médicaux, psychiatriques, psychologiques et psychotechniques). Depuis le 31 mars 2010[1295], le centre national d’observation est devenu centre nation d’évaluation (CNE) afin d’officialiser la mission supplémentaire d’évaluation de la dangerosité des condamnés lui étant confiée par la loi du 25 février 2008🏛.

285. Missions actuelles du CNE. Actuellement, le centre national d’évaluation (CNE) établi sur quatre sites[1296], dispose de deux missions réaffirmées dans une note de la Direction de l’administration pénitentiaire (DAP) du 17 juillet 2015[1297]. D’une part, il permet de : « proposer une affectation en établissement pour peines adaptée à la personnalité des condamnés et à formuler des préconisations de prise en charge dans le cadre de l’élaboration de leur parcours d’exécution de peine ». D’autre part, il permet de « déterminer l’existence ou la persistance d’une dangerosité éventuelle chez les condamnés dans le cadre de l’examen d’une demande d’aménagement de peine ou d’une mesure de sûreté ». Dans le cadre de sa première mission, le CNE permet d’observer certains condamnés, durant au moins six semaines, dans l’année suivant leur condamnation définitive, en vue de les orienter vers un établissement pénitentiaire adapté à leur prise en charge sociale et sanitaire et de définir un projet d’exécution de peine individualisé. Cette observation est obligatoire pour les personnes condamnées à une peine de réclusion criminelle d’une durée minimale de quinze ans pour des infractions visées par l’article 706-53-13 du Code de procédure pénale[1298]. Outre ces condamnés, le Garde des sceaux peut décider de l’observation au sein du CNE des condamnés à l’égard desquels il dispose d’une compétence d’affectation[1299]. Dans ces cas, l’évaluation est également prévue en cas de demande de changement d’affectation. Par ailleurs, pendant l’exécution de la peine, il est possible pour le Garde des sceaux d’ordonner le placement au sein du CNE de toute personne condamnée en vue d’une « libération conditionnelle ou d'une meilleure individualisation du régime de détention ou d'exécution de la peine[1300] ». De plus, en ce qui concerne les mesures de sûreté, depuis la loi du 25 février 2008🏛 instaurant la surveillance et la rétention de sûreté[1301], l’admission au sein du CNE est obligatoire pour évaluer la dangerosité du condamné à l’égard duquel une rétention de sûreté est envisagée[1302]. Une telle admission est facultative lorsqu’une surveillance judiciaire est envisagée[1303]. Enfin, l’article 730-2 du Code de procédure pénale🏛 prévoit, depuis la loi du 10 août 2011🏛[1304], l’évaluation préalable de dangerosité des personnes condamnées à une longue peine privative de liberté sollicitant une libération conditionnelle.

286. Évaluation obligatoire de certaines longues peines. Le Garde des Sceaux dispose de la faculté d’ordonner que soit réalisée une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité pour tout condamné en vue de sa libération conditionnelle[1305]. Cependant, il existe des cas dans lesquels cette évaluation est obligatoire. L'article 730–2 du Code de procédure pénale🏛 prévoit que soient obligatoirement admises au sein du CNE en vue de leur évaluation les personnes condamnées à la réclusion criminelle à perpétuité indépendamment de l’infraction commise, les personnes condamnées à une peine privative de liberté minimale de quinze ans pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru ainsi que les personnes condamnées à une peine privative de liberté minimale de dix ans pour une infraction mentionnée à l'article 706-53-13 du Code de procédure pénale. Dans ces trois cas, le reliquat de peine à subir est indifférent. Le choix des condamnés concernés effectué par le législateur fait peser à leur égard une présomption de dangerosité qu’il leur appartient de renverser au cours de la session d’évaluation s’ils souhaitent pouvoir bénéficier d’une libération conditionnelle. Il est donc imposé à ces condamnés une condition supplémentaire d’accès à la libération conditionnelle, outre les conditions traditionnelles de l’article 729 du Code de procédure pénale🏛. En effet, le régime spécial de libération conditionnelle de ces longues peines leur impose de rapporter la preuve de leur innocuité (tout comme cela est imposé aux condamnés mentionnés par l’article 712-21 du Code de procédure pénale🏛 souhaitant accéder à un aménagement). Ce régime ne vise pas toutes les longues peines mais uniquement celles de réclusion criminelle à perpétuité et celles au moins égales à dix ans ou quinze de réclusion criminelle prononcées majoritairement pour de graves infractions sexuelles et violentes[1306]. Si l’on peut comprendre la volonté du législateur de faire procéder à une évaluation systématique de la dangerosité de ces condamnés avant une éventuelle libération conditionnelle, l’on peut être étonné que cette admission obligatoire ne soit pas étendue aux infracteurs terroristes, compte tenu du régime spécial d’aménagement de la peine leur étant applicable. En effet, la loi du 3 juin 2016🏛 ayant créé l’article 730-2-1 du Code de procédure pénale🏛 - pendant de l’article 730-2 aux auteurs d’actes de terrorisme considérés comme les plus graves - prévoyant une évaluation pluridisciplinaire de la dangerosité de ces condamnés, n’impose pas que celle-ci soit réalisée « dans un service spécialisé chargé de l'observation des personnes détenues[1307] ». La chambre criminelle de la Cour de cassation rappelle dans un arrêt rendu le 9 mars 2022[1308] que l’admission au CNE n’est pas obligatoire en vue de la libération conditionnelle des auteurs d’infractions terroristes visés par l’article 730-2-1 du Code de procédure pénale🏛. En l’espèce, le requérant ayant été condamné à une peine de réclusion criminelle à perpétuité pour des faits de nature terroriste, sollicitait une libération conditionnelle. Refusant d’être admis au sein du CNE en vue d’une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité, il voyait la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté (CPMS) constater le désistement de sa demande. Le 12 mai 2020, le tribunal de l’application des peines de Paris statuant en matière de terrorisme (TAPAT), rappelant qu’il était le seul organe compétent pour acter ledit désistement, accordait finalement une libération conditionnelle sous réserves de l’exécution d’un aménagement de peine probatoire sous la forme d’un placement sous surveillance électronique. Le ministère public interjetait appel de cette décision, et le 24 septembre 2020, la chambre de l’application des peines de la Cour d’appel de Paris compétente en matière de terrorisme (CHAPAT) infirmait le jugement rendu en première instance et rejetait la demande de libération conditionnelle aux motifs que le condamné n’avait pas été admis au CNE en vue d’une évaluation préalable. Le 9 mars 2022, la chambre criminelle casse cet arrêt en invoquant l’absence de cumul entre les dispositions des articles 730-2 et 730-2-1🏛 du Code de procédure pénale🏛🏛 et en consacrant l’autonomie de chacune[1309]. Si la Cour de cassation fait une exacte lecture des dispositions précitées, l’on peut toutefois s’interroger sur l’esprit du législateur du 3 juin 2016. A dire vrai, il est difficile de comprendre la raison pour laquelle il n’a pas prévu une admission obligatoire au sein du CNE en vue de l’évaluation pluridisciplinaire de l’infracteur terroriste sollicitant une libération conditionnelle, tandis qu’il érigeait dans le même temps un régime de l’aménagement des peines particulièrement sévère à leur égard. Cette disposition peut effectivement étonner. Il a, en ce sens, pu être remarqué que l’observation de ces condamnés occupait une place centrale dans l’exécution de leur peine, cela pouvant notamment être illustré par l’instauration d’un régime pénitentiaire spécifique articulé autour de la notion de l’évaluation de la radicalisation de ces derniers au sein d’un QER au début de leur incarcération. Étonnamment, une évaluation de longue durée en fin de peine, au sein d’un centre spécialisé, pour recouvrer la vie en société ne serait pas indispensable. Cependant, si le législateur n’exige pas une telle admission, cette dernière n’est pas interdite et la CPMS peut donc naturellement la solliciter aux termes de l’article D527-4 du Code de procédure pénale🏛 prévoyant en son cinquième alinéa que : « Le président de la commission peut, lorsque la personne est détenue, saisir le centre national d'évaluation qui lui transmet un rapport d’évaluation ». La question que posait cet arrêt était finalement moins celle du caractère obligatoire de cette admission au sens de l’injonction légale qui serait faite aux organes décisionnaires d’y recourir, que celle de la possibilité pour le condamné de refuser une telle admission sollicitée par la CPMS. En clair, il est admis que la CPMS puisse se prononcer sans que le CNE n’ait été saisi, quand bien même l’on peut être perplexe au regard des arguments développés. Cependant, dès lors que la CPMS entend exercer sa faculté de solliciter cette admission, la Cour de cassation affirme que le condamné peut la refuser. Effectivement, le législateur n’ayant pas consacré la force obligatoire de la décision de la CPMS à l’égard du condamné, cette décision était juridiquement prévisible. En opportunité, néanmoins, cet arrêt peut interroger. Lorsque la CPMS décide de recourir aux dispositions de l’article D527-4 du Code de procédure pénale🏛, elle reconnait les limites de ses compétences. Elle admet que l’avis devant être rendu nécessite qu’une observation de longue durée du condamné soit réalisée afin de recueillir des éléments d’information supplémentaires. En l’espèce, l’on pouvait donc comprendre qu’elle ait été dans l’incapacité de rendre un avis en raison du refus de coopération du condamné. Ce refus de coopération ne peut néanmoins pas être sanctionné en l’absence de dispositions légales en ce sens et il appartient à la CPMS de rendre un avis se fondant sur les uniques éléments dont elle dispose, ce qui peut tout de même sembler curieux. Enfin, si cette évaluation pluridisciplinaire est réservée à certains condamnés, il convient à présent d’en observer le fonctionnement.

287. Composition, fonctionnement et contraintes du CNE. Les personnes condamnées à une longue peine privative de liberté devant se soumettre à une évaluation de dangerosité en vue d’obtenir une libération conditionnelle sont admises au sein de l’un des quatre sites du centre national d’évaluation dans le cadre d’une session d’une durée déterminée par l’administration pénitentiaire[1310]. Il s’agit néanmoins traditionnellement d’une session de six semaines[1311]. A cette fin, les condamnés rencontrent une équipe pluridisciplinaire dont la direction bicéphale est composée d’un directeur et d’un directeur adjoint représentés alternativement par un directeur des services pénitentiaires (DSP) et un directeur pénitentiaire d’insertion et de probation (DPIP). Le directeur du site coordonne et supervise l’évaluation du condamné. Il lui appartient d’ailleurs de rédiger les conclusions des synthèses pluridisciplinaires. Quatre pôles distincts composent l’équipe pluridisciplinaire. Un pôle de surveillance qui assure la mission de garde traditionnelle et qui recueille également des informations sur le condamné par le biais d'entretiens. Un pôle d'insertion et de probation qui évalue la situation générale du condamné (situation sociale, familiale, professionnelle, et matérielle) et cible ses besoins. Un pôle psychologique composé de psychologues cliniciens procédant à l’examen psychologique du condamné. Enfin, un pôle psychotechnique complète cette équipe. Composé de psychologues du travail, ce pôle permet de dresser un bilan de compétences, de faire réaliser au condamné des tests psychométriques et de personnalité[1312]. La note de la DAP du 17 juillet 2015 précise que « la synthèse réalisée par le CNE est considérée comme un document préparatoire à une décision judiciaire ». Cela démontre que lorsqu’il s’agit de longues peines, l’octroi d’une libération conditionnelle est une décision conjointement élaborée par les évaluateurs de la dangerosité du condamné et la juridiction de l’application des peines. Si cette dernière se repose en grande partie sur les résultats de l’évaluation, l’admission au sein du CNE constitue pour certains condamnés une contrainte importante. En premier lieu, il convient de rappeler que seuls quatre sites répartis sur le territoire de la France métropolitaine accueillent les condamnés. Cela signifie qu’il existe un temps d’attente avant d’être admis sur un des sites. Cela signifie surtout, qu’une fois admis, le condamné peut se retrouver bien loin de son établissement pénitentiaire d’affectation et souvent bien loin de son entourage familial. Les parloirs ne peuvent parfois pas être maintenus pendant la durée de la session lorsque les proches du condamné ne vivent pas à proximité. Cela est d’autant plus le cas pour les condamnés ultramarins dont l’éloignement géographique nécessite un transfèrement à des milliers de kilomètres de leur établissement[1313]. Dans un rapport rédigé en 2014 par le groupe de travail sur les problématiques pénitentiaires en outre-mer[1314], les auteurs alertaient sur ces difficultés rencontrées. Il était notamment rappelé les démarches laborieuses en vue du transfèrement, à savoir l’obtention d’un passeport le cas échéant, mais également le transfèrement par voie aérienne du condamné[1315]. Il était alors préconisé l’ouverture d’un centre national d’évaluation ambulatoire en outre-mer permettant ainsi de réduire les dépenses de transfèrement mais également d’adapter l'évaluation pluridisciplinaire des condamnés ultramarins aux spécificités culturelles locales[1316]. Cette proposition est demeurée lettre morte, et bien que l’observatoire international des prisons (OIP) ait de nouveau interpellé l’administration pénitentiaire, cette dernière ne s’est pas décidée à résoudre cette difficulté, invoquant en 2019 un coût financier trop important et la nécessité de « préserver l’équité de traitement entre les personnes détenues en outre-mer et celles détenues en métropole[1317] ». Outre les condamnés ultramarins et les métropolitains dont l’établissement d’affectation se situe loin d’un des sites, il n’est pas évident pour des condamnés exécutant une longue peine le plus souvent dans une maison centrale, d’être accueilli sur un site du CNE, structure distincte mais dépendante d’un centre pénitentiaire (majoritairement des maisons d’arrêts) avec ce que cela implique en termes de surpeuplement carcéral, de bruit et de violences, raisons pour lesquelles il n’est pas rare que ces condamnés refusent leur transfèrement[1318], a fortiori lorsque le reliquat de peine à exécuter n’est pas très long. Cependant, en la matière et comme souvent en milieu carcéral, ce sont les femmes qui sont le plus désavantagées en raison de leur faible nombre puisque, pour préserver le principe de non-mixité, elles sont hébergées au sein même de l’établissement pénitentiaire et non dans un bâtiment distinct prévu pour l’évaluation, lequel est réservé aux hommes. Les évaluateurs se déplacent donc en détention lorsqu’il s’agit de condamnées. Outre les difficultés d’ordre pratique, le séjour au sein du CNE, bien que constituant une porte d’entrée vers une éventuelle libération conditionnelle, peut être négativement appréhendé par certains condamnés déstabilisés à l’idée d’être observés pendant plusieurs semaines, surtout s’ils ont gardé un mauvais souvenir de l’évaluation pluridisciplinaire de personnalité en vue de leur affectation initiale des années auparavant. Le CNE n’est toutefois pas le seul organe intervenant dans l’évaluation de la dangerosité des personnes condamnées à une longue peine. En effet, la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté est intervenue un temps, même si elle réserve aujourd’hui son avis aux auteurs d’actes de terrorisme.

2°) L’avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté

288. Présentation succincte de la CPMS. Créées par la loi du 12 décembre 2005🏛, les commissions pluridisciplinaires des mesures de sûreté (CPMS) apparaissent avec l’introduction du placement sous surveillance électronique mobile. Si cette mesure de sûreté peut aujourd’hui assortir un certain nombre de mesures comme un suivi socio-judiciaire[1319], une surveillance judiciaire des personnes dangereuses[1320], une surveillance de sûreté[1321], une permission de sortir durant une rétention de sureté[1322] ou encore une libération conditionnelle[1323], elle ne peut toutefois être prononcée sans avis préalable de la CPMS[1324]. La CPMS représentant l’organe de prédilection des mesures de sûreté, son avis est évidemment également requis pour qu’une surveillance de sûreté, une rétention de sûreté[1325], une surveillance judiciaire[1326] ainsi qu’une mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion[1327] soient prononcées. Contrairement au CNE, la CPMS n’est pas un organe national disposant de quelques antennes mais une structure à rayonnement interrégional[1328]. Il existe huit CPMS[1329] réparties sur l’ensemble du territoire français (Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Nancy, Paris, Rennes et Fort-de-France). Quant à ses membres, la CPMS est composée d’un président de chambre à la cour d’appel voire d’un vice-président, du préfet de région ou de son représentant, du directeur interrégional des services pénitentiaires (DISP) ou de son représentant, d’un expert psychiatre, d’un expert psychologue, d’un représentant d’une association d’aide aux victimes[1330] et d’un avocat membre du conseil de l’ordre. La présence du président et de quatre membres est nécessaire pour que la commission statue[1331]. La pertinence de cette composition a pu être questionnée en ce qu’elle s’apparente plus en une « somme d’intérêts » qu’en un « corps de sachants experts dans l’évaluation de dangerosité[1332] ».

289. Rôle de la CPMS dans l’évaluation de la dangerosité des longues peines. Si tel que son nom l’indique la CPMS est compétente en matière de mesures de sûreté, son avis est également requis en matière d’aménagement de peine. Plus précisément, en matière d’aménagement des longues peines privatives de liberté. Tout d’abord, la loi du 25 février 2008🏛 introduisait une disposition supplémentaire au sein de l’article 729 du Code de procédure pénale🏛 aux termes de laquelle les réclusionnaires à perpétuité ne pouvaient bénéficier d’une libération conditionnelle qu’après avis de la CPMS dans les conditions fixées par l’article 706-53-14 du Code de procédure pénale (notamment évaluation pluridisciplinaire de dangerosité du condamné assortie d’une expertise médicale). Cette disposition résultait d’une censure partielle du Conseil Constitutionnel déclarant non-conforme sa version initiale imposant que l’avis de la CPMS soit favorable à la libération conditionnelle. En effet, la nécessité de l’avis favorable d’une commission administrative portait atteinte au principe d’indépendance de l’autorité judiciaire et de la séparation des pouvoirs[1333]. Malgré cette censure attendue[1334], il ressort de ce premier texte l’esprit du législateur qui souhaitait subordonner l’octroi d’une libération conditionnelle à un certificat d’innocuité délivré par une commission administrative[1335]. Par la suite, la loi du 10 août 2011🏛 créait l’article 730-2 du Code de procédure pénale🏛 afin de centraliser les dispositions spéciales concernant la libération conditionnelle des longues peines privatives de liberté, jusqu’alors éclatées au sein dudit Code. Le législateur profitait de la création de cet article pour étendre le champ d’application du régime spécial des longues peines en la matière. A compter du 1er janvier 2012, l’avis de la CPMS n’était plus seulement requis pour les réclusionnaires à perpétuité mais également pour les personnes condamnées à une peine privative de liberté minimale de quinze ans d’emprisonnement pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire était encouru et les personnes condamnées à une peine privative de liberté minimale de dix ans pour une infraction visée par l’article 706-53-13 du Code de procédure pénale. Toutefois, le caractère obligatoire de cet avis avant une libération conditionnelle était contraignant[1336] et la loi du 23 mars 2019🏛 supprimait cette exigence. Néanmoins, l’avis de la CPMS n’a pas totalement disparu en matière de libération conditionnelle puisque les auteurs d’actes de terrorisme y sont encore soumis.

290. Rôle de la CPMS en matière terroriste. L’article 730-2-1 du Code de procédure pénale🏛, introduit par la loi du 3 juin 2016🏛, prévoit un régime spécial de libération conditionnelle pour les auteurs d’actes de terrorisme considérés comme les plus graves. En son troisième alinéa, il dispose que cet aménagement ne peut intervenir : « qu'après avis d'une commission chargée de procéder à une évaluation pluridisciplinaire de la dangerosité de la personne condamnée ». L’article D527-3 du Code de procédure pénale🏛 précise que la commission visée par l’article 730-2-1 est la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté. En revanche, comme il a pu être observé, il n’est pas indispensable que le condamné séjourne au sein du CNE puisqu’en l’occurrence, il appartient à la CPMS de réaliser l’évaluation disciplinaire. Son rôle est ainsi renforcé en comparaison avec les anciennes dispositions de l’article 730-2 applicables aux longues peines. En matière de terrorisme, la CPMS de Paris dispose d’une compétence exclusive[1337] et est spécialement composée. En effet, outre les membres déjà présentés, est présent un fonctionnaire de police ou un militaire de la gendarmerie affecté ou ayant été affecté dans un service de police judiciaire spécialement chargé de la lutte contre le terrorisme. Par ailleurs, il est précisé que le représentant de l’association d’aide aux victimes doit représenter une association d’aide aux victimes d’actes de terrorisme visée par l’article 2-9 du Code de procédure pénale🏛, sans toutefois avoir lui-même été victime des faits commis par le condamné[1338]. Afin de réaliser l'évaluation pluridisciplinaire de dangerosité, la CPMS peut auditionner le condamné assisté de son avocat notamment via des moyens de télécommunication, consulter le dossier individuel du condamné, solliciter toutes les mesures utiles (notamment expertises, examens, auditions, enquêtes administratives), et, bien entendu, saisir le CNE en vue d’une admission, laquelle demeure facultative et peut être refusée par le condamné[1339]. En l’absence de séjour au sein d’un CNE, la pertinence de l’avis rendu par la CPMS peut interroger. En effet, le CNE présente l’avantage d’une évaluation pluridisciplinaire se réalisant sur un temps long via des échanges quotidiens avec le condamné, ne serait-ce que par le personnel de surveillance. L’intérêt du CNE réside également dans la place accordée aux conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation et aux psychologues du travail ciblant les compétences et les besoins du condamné. Au surplus, contrairement à l’évaluation au sein du CNE hébergeant le condamné, il n’est pas indispensable que les membres de la CPMS rencontrent physiquement le condamné. Or, si la qualité des échanges parait fondamentale pour évaluer la dangerosité d’une personne, l’on ne peut nier que l’utilisation de moyens de télécommunication ne permet pas de réceptionner la communication verbale et non-verbale de son interlocuteur aussi bien que s’il était physiquement présent.

Section 2 : Les limites de l'évaluation de la dangerosité du condamné

291. Des limites pratiques et scientifiques. Si la volonté de sécuriser l’aménagement des longues peines privatives de liberté ayant conduit le législateur à imposer une condition supplémentaire d’innocuité pour accéder à ces mesures peut se comprendre, elle se confronte néanmoins à des difficultés d’ordre pratique résultant majoritairement du nombre peu élevé d’experts-psychiatres au regard de la demande croissante d’expertises (§1), mais également d’ordre scientifique, compte tenu de la multiplicité des outils utilisés dont la fiabilité est systématiquement remise en cause (§2).

§1 - Les contraintes pratiques rencontrées

292. Un ralentissement procédural. Au nombre des contraintes pratiques engendrées par l’exigence d’évaluation de la dangerosité du condamné, l’on retient que le manque d’experts-psychiatres et le temps de l’évaluation elle-même contribuent au ralentissement de la procédure d’aménagement des longues peines (A). Toutefois, le législateur conscient de ces obstacles, tente progressivement d’y remédier (B).

A°) Le ralentissement de la procédure d’aménagement de la peine

293. Un ralentissement dû à la nécessité de l’évaluation. Dès lors que l’aménagement d’une peine de longue durée ne peut être accordé en l’absence d’évaluation préalable de la dangerosité du condamné, la procédure d’aménagement s’en trouve automatiquement ralentie, du moins le temps que cette évaluation soit réalisée. L’on doit toutefois distinguer l’examen nécessaire de l’empilement de mesures ordonnées - qu’il s’agisse d’avis, d’expertises, d’évaluations - sans que la pertinence de celles-ci n’ait même jamais été évaluée[1340]. Dans le cadre d’une admission au sein du centre national d’évaluation, bien que la durée de la session soit déterminée par l’administration pénitentiaire au regard de la situation du condamné[1341], il est classiquement prévu qu’elle s’élève à six semaines[1342]. Or, la note du 17 juillet 2015[1343] précise que « le calendrier des sessions est fixé annuellement pour chaque site » et que « les dates de début et de fin de session ne peuvent être modifiées ». Elle ajoute qu’il n’y a « pas d’intégration de condamnés en flux continu ». Par conséquent, la personne condamnée à une longue peine devant intégrer le CNE, doit, outre le temps passé au sein de cette structure, attendre qu’une place soit disponible sur l’un des quatre sites. Il semble qu’au surplus, un condamné en attente ne puisse remplacer un condamné s’étant désisté, compte tenu du caractère fixe des dates prévues et de l’absence d’intégration en flux continu. Cela a notamment justifié l’ouverture récente d’un quatrième site, au sein du centre pénitentiaire d’Aix-Luynes. Par ailleurs, jusqu’à la loi du 23 mars 2019🏛, un avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté était exigé aux termes de l’article 730-2 du Code de procédure pénale🏛 en vue de la libération conditionnelle des personnes condamnées à une longue peine privative de liberté. La CPMS disposait d’un délai de six mois pour rendre son avis. Dans les faits, ce délai n’était quasiment jamais respecté[1344] et oscillait plutôt entre neuf et dix-huit mois[1345], ce qui entrainait un allongement de la procédure pour le condamné, plus d’un an pouvant s’écouler entre le dépôt de la demande et son examen[1346] tandis qu’il appartient à la juridiction de l’application des peines de se prononcer dans un délai de six mois[1347]. C’est ainsi que la longueur des procédures a contribué à accroitre le taux de sorties sèches des personnes condamnées à une longue peine, passant entre 2010 et 2013 de 31 à 75%[1348]. Actuellement, l’avis de la CPMS est toujours requis pour l’obtention d’une libération conditionnelle en matière terroriste[1349]. La CPMS dispose également d’un délai de six mois pour rendre son avis[1350]. Par conséquent, lorsque le CNE est saisi par la CPMS, les personnes condamnées pour des actes de terrorisme sont confrontées aux mêmes difficultés liées à l’allongement de la procédure d’aménagement de la peine que celles autrefois rencontrées par les condamnés visés par l’article 730-2 du Code de procédure pénale🏛. Outre le temps nécessaire à la réalisation de l’évaluation pluridisciplinaire et à la rédaction de l’avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, les expertises psychiatriques ordonnées nécessitent également un travail d’analyse minutieux de l’expert qui ne peut être réalisé précipitamment. Au surplus, le manque d’experts-psychiatres et l’extension des missions leur étant dévolues ne peuvent qu’influer sur la durée de la procédure.

294. Un ralentissement dû au manque d’experts-psychiatres et à l’extension de leurs missions. En matière pénale, l’expert dont la mission est de répondre à une question d’ordre technique[1351] doit, pour être désigné par la juridiction d’instruction ou de jugement, être inscrit sur la liste nationale dressée par la Cour de cassation ou sur une des listes dressées par les cours d’appel, même si exceptionnellement le juge peut recourir, par une décision motivée, à un expert ne figurant pas sur ses listes[1352]. Or, l’on constate que le nombre d’experts-psychiatres inscrits sur ces listes a considérablement baissé ces dernières années. L’on comptait, en effet, 800 experts-psychiatres inscrits en 2007, contre 465 psychiatres en 2014. En 2021, il n’en reste plus que 365[1353]. A leurs côtés, 701 experts-psychologues sont inscrits. Néanmoins, parallèlement à cette décroissance, l’on assiste paradoxalement à l’accroissement du recours aux experts[1354] justifié sans doute par une forme de sacralisation de la parole expertale[1355], bien que la qualité des rapports ne soit pas toujours au rendez-vous. D’ailleurs, l’un des risques de la systématisation du recours à l’expert sans augmentation de leur nombre est de ne pas avoir d’autre choix que de solliciter des experts peu consciencieux[1356]. En quelques chiffres, sur trois années, l’on peut compter une augmentation de 3 425 du nombre d’expertises psychiatriques et psychologiques réalisées, passant ainsi de 84 116 expertises en 2018 à 87 541 en 2020. Malgré l’expansion visible des expertises psychologiques, les experts-psychiatres demeurent les professionnels les plus sollicités avec 49 148 expertises réalisées en 2020 pour ces derniers contre 38 393 expertises psychologiques[1357]. A cet égard, l’inquiétude quant aux délais des expertises n’est pas nouvelle. Déjà en 2011, l’on rappelait que le ratio des expertises annuelles par expert-psychiatre était passé de 61 à 151 de 2002 à 2009[1358], ce qui ne pouvait qu’engendrer un retard de prise en charge. Outre l’intervention possible d’un psychiatre lors de l’examen médical éventuellement ordonné pendant la garde à vue[1359], ce dernier, conformément aux dispositions de l’article 156 du Code de procédure pénale🏛, peut être sollicité tant durant la phase d’instruction[1360] que de celle de jugement[1361]. Le recours à l’expert-psychiatre est notamment indispensable pour permettre à la juridiction de jugement de retenir ou d’exclure l’irresponsabilité ou l’atténuation de la responsabilité pénale de la personne poursuivie pour une infraction puisque c’est à l’expert qu’il revient de déterminer si le mis en cause était atteint d’un trouble psychique ou neuropsychique au moment des faits et, le cas échéant, d’évaluer son incidence sur le discernement de cette personne[1362]. Dans le cadre du suivi socio-judiciaire, l’intervention de l’expert-psychiatre est nécessaire pour qu’une injonction de soins puisse être prononcée[1363]. Par ailleurs, lors du procès pénal, les parties peuvent également demander que soit ordonnée une expertise[1364]. Enfin, lors de la phase post-sentencielle, l’expert-psychiatre occupe une place de premier plan. S’il intervient pour évaluer la dangerosité et le risque de récidive des personnes condamnées à une longue peine privative de liberté souhaitant accéder à un aménagement de peine, l’expert-psychiatre est également sollicité en vue de mettre en œuvre les mesures de sûreté telles que le placement sous surveillance électronique mobile[1365], la surveillance judiciaire des personnes dangereuses[1366] ou la rétention de sûreté envisagée par la cour d’assises, en vertu de l'article 706–53–13 du Code de procédure pénale🏛. Quoi qu’il en soit, la juridiction de l'application des peines peut recourir à une expertise dès lors qu'elle l'estime nécessaire pour « rendre une décision d'individualisation de la peine ou de s'assurer qu'un condamné respecte les obligations qui lui incombent à la suite d'une telle décision[1367] ». Enfin, les experts se sont longtemps plaints du fait que le développement exponentiel de leurs missions - et donc du temps consacré à ces dernières - ne soit pas corrélé par une revalorisation de leur rémunération[1368], cela ne contribuant pas à rendre cette fonction attractive. En effet, la rémunération des experts-psychiatres se base sur les tarifs conventionnels de la sécurité sociale auxquels des coefficients sont appliqués tenant compte de « la nature et l’étendue des actes prescrits ». Une majoration de la rémunération peut être accordée en fonction du cadre spatio-temporel de la réalisation de l’expertise. Dans certains cas exceptionnels et dans une certaine limite, les experts peuvent même être rémunérés sur présentation d’un devis[1369]. Ce mode de rémunération ne semble pourtant pas satisfaisant[1370] et il a été proposé que cette dernière tienne compte de « l’ampleur de l’affaire et de l’investissement requis de l’expert[1371] ». Outre le caractère chronophage de certaines missions, il faut également souligner que les délais de paiement sont conséquents, les juridictions étant régulièrement en rupture de paiement dès la première moitié de l’année[1372]. Face à ces difficultés, le législateur est intervenu pour tenter d’apporter quelques réponses.

B°) Les solutions apportées par le législateur

295. L’augmentation du nombre d’experts et la revalorisation de leur rémunération. Pour pallier la carence en experts-psychiatres, l'un des objectifs du législateur est d’augmenter le nombre d'experts. Pour ce faire, il entend stimuler l'attractivité de cette fonction. C’est ainsi que l’article 9 de la loi du 27 mars 2012🏛[1373] créait l’article L632-7 du Code de l’éducation🏛 prévoyant un contrat d’engagement à destination des internes en psychiatrie. Aux termes de ce contrat, une allocation mensuelle leur est versée en contrepartie de laquelle ils s’engagent à suivre une formation « en sciences criminelles, en psychiatrie légale ou criminelle, en psychologie légale ou criminelle, relative à l’expertise judiciaire ou à la prévention de la récidive » et à exercer en tant qu’experts judiciaires ou médecins coordonnateurs pendant une durée minimale de deux ans et dans un ressort dans lequel l’offre d’experts est réduite. Compte tenu du nombre d’experts-psychiatres inscrits sur les listes dix ans après l’adoption de ce texte, force est de constater que la mesure n’a malheureusement pas atteint son objectif. Par ailleurs, à la suite du rapport d’information sur l’expertise psychiatrique et psychologique en matière pénale rendu le 10 mars 2021, par Messieurs Jean Sol et Jean-Yves Roux, et formulant un certain nombre de préconisations, Eric Dupond-Moretti, Ministre de la justice, annonçait le 13 septembre 2021 trois nouvelles mesures, à savoir : la revalorisation du tarif des expertises, la revalorisation de l’indemnité de comparution ainsi que la simplification du recours à l'expertise « hors normes »[1374]. C’est ainsi qu’un premier arrêté du 7 septembre 2021 modifiait l’article A-36 du Code de procédure pénale et rehaussait le coefficient applicable aux actes prescrits dans le domaine de la médecine légale, la psychologie légale mais également la toxicologie, la biologie et la radiologie[1375]. Un second arrêté du même jour modifiait l’article A-36-1 dudit Code qui prévoit désormais la possibilité pour les experts-psychiatres et psychologues libéraux d’être rémunérés sur présentation d’un devis plafonné à 750 euros hors taxes, lorsque leur mission comporte « des questions inhabituelles nécessitant des recherches spécifiques » ou en raison de la complexité de la procédure ou du contexte particulier de la mission[1376]. Enfin, le décret du 26 janvier 2022 modifiait l’article R112 du Code de procédure pénale🏛 en revalorisant l'indemnité de comparution des experts devant les cours d'assises, cour d'assises des mineurs et cours criminelles départementales[1377]. Aucune évaluation de l’impact de ces dispositions trop récentes ne peut être réalisée. Néanmoins, d’autres réponses ont également été apportées par le législateur afin de résoudre les difficultés pratiques rencontrées. Il s’agit principalement de dispositions visant à réduire le recours à l’expert.

296. La limitation du recours à l’expert. Au-delà même de la question de l'évaluation de la dangerosité du condamné, la nécessité de recourir à une expertise médicale lors de la phase post-sentencielle est bien souvent confrontée aux difficultés évoquées. C'est notamment la raison pour laquelle, en cas d'urgence, la suspension médicale de peine issue de l'article 720–1-1 du Code de procédure pénale🏛 peut être accordée en l'absence d'expertise médicale, sur présentation d'un certificat médical délivré par le médecin responsable (ou son remplaçant) de la structure sanitaire hébergeant le condamné depuis la loi du 24 novembre 2009🏛[1378]. Quant à l’évaluation de la dangerosité du condamné, des mesures ont aussi été adoptées par le législateur pour limiter le recours à l’expert. D’une part, l’allongement constaté de la procédure de libération conditionnelle des longues peines aux termes de l'article 730–2 du Code de procédure pénale🏛 a conduit à la suppression de l'avis préalable de la CPMS. Cette suppression (ou à tout le moins la disparition de son caractère obligatoire[1379]) avait été vivement sollicitée[1380], notamment en raison de l’indigence des avis rendus[1381], et c'est finalement la loi du 23 mars 2019🏛 qui l’entérine[1382]. En effet, la faculté pourtant offerte au tribunal de l'application des peines de se passer de l'avis rendu par la CPMS hors délais[1383] n’a vraisemblablement pas été exercée au point de limiter l'allongement des procédures. D’autre part, si cet avis est maintenu dans le cadre de la procédure de libération conditionnelle des auteurs d’actes de terrorisme, le placement du condamné au sein du CNE demeure facultatif, ce qui, bien que pouvant être critiqué au regard de la qualité de l’appréciation de la dangerosité du condamné, peut nuancer la problématique d’allongement de la procédure. Par ailleurs, afin de lutter contre ledit allongement, il est prévu une durée de validité de deux ans des évaluations réalisées par le CNE, des expertises psychiatriques et des avis de la CPMS[1384]. En outre, le législateur a souhaité limiter le recours à l’expert-psychiatre dans un certain nombre de cas. Cette limitation s’est, tout d’abord, traduite par la diminution du nombre d’experts nécessaires à l’expertise prévue par le cinquième alinéa de l’ancien article 722 du Code de procédure pénale🏛 prévoyant une expertise réalisée par trois experts en cas de meurtre, assassinat ou viol d’un mineur de quinze ans. Désormais, l’article 712-21 du Code de procédure pénale🏛 remplaçant ledit article 722, n’impose le recours qu’à deux experts en pareille situation. Par ailleurs, l’article 730-2 dudit Code prévoyant une expertise médicale assortissant l’évaluation pluridisciplinaire de dangerosité du condamné à une longue peine, permet que cette expertise soit réalisée par un expert-psychiatre accompagné d’un expert-psychologue s’il n’est pas possible que deux experts-psychiatres soient mandatés. Il a d’ailleurs récemment été proposé de solliciter plus amplement les experts-psychologues qui sont inscrits en plus grand nombre sur les listes que les experts-psychiatres[1385]. En ce sens, il a également été proposé de réformer l’évaluation pluridisciplinaire de dangerosité réalisée au sein du CNE en renforçant la formation criminologique des psychologues en vue de substituer cette évaluation à l’expertise psychiatrique[1386]. Enfin, le législateur prévoit la possibilité, dans certains cas, pour le magistrat de l’application des peines de ne pas recourir à l’expertise psychiatrique de l'article 712–21 du Code de procédure pénale🏛. Le juge peut, dans un premier temps, se référer aux expertises récentes présentes dans le dossier du condamné[1387] bien que cette exception soit subordonnée à l'accord du procureur de la République[1388]. Il est même possible, pour le juge de l'application des peines[1389], d’accorder par ordonnance motivée une permission de sortir sans expertise préalable, voire tout autre aménagement de peine, par décision spécialement motivée faisant état de la non-nécessité d’y recourir au regard des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. Toutefois, cette faculté disparaît à l'égard de la personne condamnée pour une infraction visée par l'article 706–47 du Code de procédure pénale🏛[1390]. Lorsque l’aménagement sollicité est une suspension médicale de peine est que la situation du condamné est urgente, il n’est néanmoins pas tenu compte de la nature de l’infraction commise[1391]. L’ensemble de ces mesures démontre la prise de conscience du législateur de l’obstacle matériel rencontré en matière d’évaluation de la dangerosité du condamné. Pourtant, un second type d’obstacle se dessine. Celui-ci est lié à la qualité de l’évaluation.

§2 - La qualité de l’évaluation contestée

297. Questionnements sur le contenu de l’évaluation. Une fois l’idée de l’évaluation de la dangerosité formulée, il fallait instaurer des outils permettant de la réaliser. Malheureusement, aucun consensus n’a pu être trouvé sur les outils d’évaluation proposés, chacun présentant des failles (A). Si leur complémentarité a pu être soulignée, l’absence de fiabilité de ces outils doit être constatée, ce qui remet en cause la possibilité même d’évaluer la dangerosité criminologique d’un individu (B).

A°) L’absence de consensus sur les outils d’évaluation

298. Les prémices de l’évaluation du condamné : le corps du condamné au cœur de l’évaluation. Outre la difficulté à définir la dangerosité que l’on entend évaluer, l’une des problématiques engendrant une incertitude autour de l’évaluation de la dangerosité réside dans l’absence de consensus sur un outil unique, complet et certain d’évaluation[1392]. Plusieurs outils se sont succédé et quelques-uns cohabitent aujourd’hui. Tout comme la figure de la dangerosité, l’outil d’évaluation choisi dépend du cadre spatio-temporel dans lequel il s’inscrit. En remontant dans le temps, l’on peut être surpris d’outils alors présentés comme révolutionnaires. A ce titre, l’on peut évoquer la phrénologie de Gall selon laquelle la forme du crâne d’un individu trahit son caractère et notamment son penchant pour le crime[1393]. A travers cette théorie introduite au XIXème siècle, le corps devient une porte d’accès vers l’intériorité de l’individu. Cela se poursuit avec l’anthropologie criminelle développée par Cesare Lombroso établissant le profil du criminel que l’on peut évaluer en fonction d’anomalies morphologiques, chacune d’entre elles correspondant à un type spécifique de criminalité[1394]. Ces théories ne résistent pas à la constatation ultérieure que la délinquance résulte d’une construction (psychologique, sociale…) et n’est pas inée chez l’Homme. Dès lors, il n’apparait pas possible d’en observer les stigmates physiques[1395]. Si la phrénologie et l’anthropologie criminelle ne sont plus d’actualité, le corps de l’individu n’a pas, pour autant, totalement disparu de l’évaluation de sa dangerosité et force est de constater qu’il réintègre progressivement cet espace. A l’heure où la science accorde une place importante à la génétique, l’on s’interroge notamment sur la place de l’ADN dans un parcours de criminalité.

D’autre part, si l’apparence du crâne n’est plus un critère de dangerosité, l’activité cérébrale est devenue l’objet de multiples études via notamment l’emploi de l’électroencéphalogramme[1396]. Pour autant, la dimension psychosociale de la dangerosité ne semble pouvoir être balayée d’un revers de la main par la prise en compte unique d’une information cérébrale[1397]. Si elles peuvent, au mieux, éventuellement devenir un outil complémentaire d’évaluation, les techniques d’imagerie cérébrales ne semblent pouvoir expliquer à elles seules le passage à l’acte d’une personne[1398] ni pronostiquer sa dangerosité criminologique[1399].

299. Outils d’évaluation contemporains : l’évaluation clinique face aux outils actuariels. De nos jours, le corps de l’individu n’est plus réellement pris en compte et l’on se fonde davantage sur son intériorité, à savoir sa psychologie mais également son histoire personnelle, familiale et son environnement. A cet effet, deux principales méthodes coexistent. Il s’agit de l’approche clinique et de l’approche statistique ou actuarielle[1400]. Si la première « repose essentiellement sur un entretien », la seconde « se caractérise, quant à elle, par des informations issues d’une série de variables standardisées combinées entre elles en fonction de règles prédéfinies et explicitement spécifiées[1401] ». En France, l’entretien clinique prédomine en raison d’une culture psychanalytique fortement implantée, bien qu’il comporte un risque de subjectivité et d’arbitraire indéniable. S’il n’existe pas un seul type d’entretien, l’on retrace généralement le parcours personnel, familial, affectif, socio-professionnel du condamné, d’une part, et sa « carrière » criminelle, d’autre part. La personnalité du condamné est également étudiée et notamment son rapport aux faits et, le cas échéant, son degré de reconnaissance de ceux-ci, son positionnement quant à la victime et quant à la loi[1402]. L’entretien peut être libre, non directif ou plus structuré, guidé[1403]. Des tests de personnalité tels que le test de frustration de Rosenzweig, le test de l’arbre et le test de Rorschach entre autres, peuvent accompagner l’entretien clinique afin de déceler d’éventuels troubles[1404]. En 2006, Jean-Paul Garraud proposait que soient développés des outils actuariels d’évaluation en France afin de les employer au soutien de l’examen clinique préexistant[1405]. L’avantage de cette outil algorithmique[1406], depuis longtemps utilisé dans le domaine des assurances notamment aux Etats-Unis, résiderait dans la disparition de la subjectivité de l’évaluateur. Cet outil s’inscrit dans une logique de gestion du risque[1407]. Divers types d’outils actuariels existent. Les outils de première et deuxième générations ne prenaient en considération que des facteurs de risque statiques lesquels sont invariables (ces facteurs sont relatifs à l’histoire du condamné qu’il s’agisse de son histoire personnelle, familiale, ou de son histoire pénale par exemple)[1408]. Faciles et rapides d’utilisation, ces outils ne permettent néanmoins pas de comprendre réellement le passage à l’acte et ainsi d’établir des « pistes d’intervention pour les cliniciens[1409] ». A ce titre l’on peut évoquer l’Information statistique générale sur la récidive (ISGR)[1410], la PCL-R[1411] permettant de diagnostiquer l’éventuelle psychopathie d’une personne sur la base d’un score. Des outils de prédiction du comportement tels que le VRAG[1412] et le SORAG[1413] peuvent également être utilisés[1414]. L’outil STATIQUE-99 est spécialisé dans la prédiction de la récidive sexuelle. Les outils de troisième et quatrième générations tiennent compte de facteurs de risques statiques et dynamiques et nécessitent une plus grande compétence de l’évaluateur[1415]. Il s’agit de facteurs instables pouvant évoluer avec l’individu (emploi, environnement, situation sociale, affective, addictions par exemple). Le LSI-R[1416] est un outil de troisième génération permettant, outre l’évaluation du risque de passage à l’acte, d’élaborer des modalités de traitement de l’individu adaptées[1417]. Ces outils peuvent également prédire le risque de violence (HCR-20[1418], VRS-2[1419]) notamment sexuelle (SVR-20[1420]). Ils ont pu être critiqués en ce que le mécanisme mis en œuvre peut être source de stigmatisation à l’égard de certains condamnés en raison de leur origine, genre, âge ou encore situation socio-professionnelle, en plus de s’inscrire dans une vision sécuritaire conduisant à l’isolement des individus identifiés comme dangereux[1421]. D’autre part, ils peinent à se développer en France où les professionnels sont imprégnés par la culture de l’entretien clinique et résistent aux outils statistiques de prédiction[1422]. Toutefois, certains professionnels conscients des limites de l’entretien clinique libre, utilisent ces outils, et des grilles semi-structurées telles que le questionnaire d’investigation clinique pour les auteurs d’agression sexuelle (QICPAAS) ont même été introduites[1423]. Enfin, en ce qui concerne le SPIP, l’extension de sa mission à l’évaluation de la dangerosité du condamné a nécessité l’introduction d’outils peut-être plus spécifiques à sa pratique professionnelle. Bien que les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation aient longtemps été adeptes de la pratique du jugement professionnel non structuré, la volonté de créer un outil d’évaluation unique à vocation nationale a conduit à la création du diagnostic à visée criminologique (DAVC) introduit en 2011[1424]. Via ce guide d’entretien structuré, cinq champs étaient appréhendés, à savoir : la situation pénale et le respect des obligations du condamné (antécédents judiciaires et pénitentiaires, nature des obligations actuelles et comportement du condamné à leur égard), l’appropriation de la condamnation et la reconnaissance de l’acte commis par le condamné, son inscription dans l’environnement social et familial et ses capacités au changement (identification des ruptures, échecs et réussites du condamné dans son parcours personnel, évaluation de ses conditions de vie), sa situation médicale et sa compatibilité avec le projet d’insertion (positionnement quant à une démarche de soins, addictions et hospitalisations éventuelles) et enfin la conclusion du diagnostic en vue de proposer au condamné des modalités de suivi adaptées[1425]. L’évaluation de la dangerosité du condamné à travers ces items était censée permettre de prévenir un risque de récidive. Pour autant, une certaine méfiance s’est rapidement instaurée à l’égard de ce dispositif de la part des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation qui n’ont pas véritablement accepté de le mettre en œuvre[1426]. La disparition du DAVC était annoncée le 5 juillet 2013[1427] et celui-ci disparaissait officiellement le 11 avril 2014[1428]. Si un nouvel outil de prospective était appelé à voir le jour[1429], les membres de la conférence de consensus ne marquaient pas de préférence entre les outils actuariels et ceux fondés sur le jugement professionnel structuré[1430]. Par la suite, le modèle « risque, besoin, réceptivité » (RBR) était intégré aux outils à la disposition du SPIP dans le cadre de l’évaluation des condamnés. Ce dernier a pour objet de déterminer le risque de récidive en fonction des besoins criminogènes du condamné et de mettre en œuvre une prise en charge plus ou moins intense en fonction de son profil. Des outils sont utilisés à l’appui de ce modèle, notamment le LS-CMI dans le cadre d’infractions violentes[1431] ou encore l'inventaire des indices de réceptivité au suivi (IREC[1432]). Il a été rapporté que l’auto-évaluation du condamné constituait un « complément très fécond[1433] ». Sans prétendre à l’exhaustivité, force est de constater la multiplicité des outils au service de l'évaluation de la dangerosité du condamné. Selon le cadre spatio-temporel, certains d’entre eux priment sur d’autres, notamment en raison de la culture scientifique et plus précisément criminologique de chaque pays. L’on sait par exemple qu’en Europe, l’évaluation clinique demeure le premier choix en matière d’infractions sexuelles[1434]. Au sein d’un même pays, il peut également y avoir des divergences en fonction des formations et des spécificités professionnelles des uns et des autres. D’ailleurs, outre les outils employés, l’évaluateur joue un rôle indéniable dans l’appréciation de la fiabilité de l’évaluation.

B°) La remise en cause de la fiabilité de l’évaluation

300. Remise en cause de la « compétence » des évaluateurs. Au regard de la formation des évaluateurs, l’on peut s’interroger quant à la fiabilité de l’évaluation et ce, particulièrement lorsque le législateur prévoit qu’il soit recouru presque indifféremment à des psychologues ou à des psychiatres[1435]. Si leur qualité d’expert ne permet pas de remettre en cause leurs compétences professionnelles respectives dans chacun de leur domaine[1436], il n’en demeure pas moins que le premier a étudié les phénomènes de l’esprit[1437], notamment le comportement humain et que le second est un médecin spécialiste des maladies mentales[1438]. Leur domaine de compétences n’est donc pas exactement le même. Aussi, ce recours indifférent au psychiatre et au psychologue peut laisser perplexe en raison des divergences d’analyse et de méthode existant entre ces deux professionnels de santé dont la formation et le coeur de métier ne sont pas identiques[1439]. De plus, il faut rappeler que l’expert peut être défini comme « un homme de l'art, qui, sans s'immiscer dans l'appréciation du litige ou de l'infraction, fournit à la juridiction, des renseignements techniques de nature à l'éclairer, sur un point déterminé[1440] ». Pour autant, la faculté des experts-psychiatres et experts-psychologues à évaluer la dangerosité criminologique de l'individu condamné ne coule pas de source puisque tel n’est pas l’objet de leurs formations initiales. L'on peut toutefois admettre que le psychologue soit plus familiarisé avec l’analyse du comportement humain général que le psychiatre. En effet, si ce dernier peut apparaitre légitime dans le cadre de l’évaluation de la dangerosité criminologique d’un condamné atteint de troubles mentaux, sa formation ne semble a priori pas pouvoir lui permettre d’appréhender celle des condamnés ne présentant aucune pathologie psychiatrique. Le psychiatre semble donc en capacité d’évaluer la dangerosité psychiatrique d’un individu mais celle-ci ne constitue que l’une des formes de dangerosité criminologique. Il a pu ainsi être rapporté que « l’attribution d’une mission prédictive de récidive à un professionnel de santé chargé de la détection des pathologies psychiatriques, se justifie difficilement », ce qui a conduit à proposer de notamment réformer l’évaluation du CNE en renforçant la formation des psychologues en vue de substituer leur analyse à celles des psychiatres[1441]. A ce jour, c’est pourtant uniquement à l’expert-psychologue qu’il est imposé le suivi d’une formation complémentaire en psychopathologie[1442], depuis la loi du 27 mars 2012🏛[1443]. Pour l'ensemble de ces raisons, il a été proposé, du point de vue de la formation des experts, d’intégrer au niveau national, dans le parcours universitaire des psychiatres et des psychologues, une option de psychiatrie ou de psychologie légale[1444]. Par ailleurs, en vue d’assurer une meilleure fiabilité de l’expertise, il a été proposé que les experts récemment diplômés soient accompagnés par des experts plus expérimentés[1445]. En outre, la fiabilité des expertises peut être interrogée au regard non plus cette fois de la compétence de l'expert mais de son positionnement professionnel, parfois bien connu de la juridiction y ayant recours et le sélectionnant à cette fin, même s’il reste difficile de démontrer que la désignation d’un expert est biaisée[1446]. De plus, les conditions de rémunération des experts ne prenant pas en considération le temps passé et la complexité des missions, influent inévitablement sur l’investissement de ces derniers et la médiocrité des expertises pénales a pu être critiquée en ce sens[1447]. Enfin, l'évaluation de la dangerosité du condamné réalisée par les personnels pénitentiaires d'insertion et de probation peut également interroger au regard de leurs compétences en la matière. En effet, si leur formation leur permet de réaliser une synthèse socio-éducative telle que sollicitée par l'article D49–24 du Code de procédure pénale🏛, la conclusion prospective de cette synthèse peut laisser dubitatif, d’ailleurs au sein même de la profession[1448]. La capacité d’évaluer la dangerosité d’un individu au regard des compétences professionnelles des évaluateurs est donc sérieusement remise en question. Cette capacité est également remise en question au regard des outils utilisés.

301. Remise en cause de la fiabilité de l’évaluation clinique. Deux cas de figure peuvent conduire à remettre en cause les méthodes d’évaluation de la dangerosité du condamné : le nombre de faux positifs et celui de faux négatifs. Dans le premier cas, un individu est identifié à tort comme dangereux, ce qui peut porter atteinte de manière injustifiée à ses droits et libertés fondamentaux, notamment par une privation de sa liberté d’aller et venir. En l’occurrence, un condamné ayant manifesté les efforts de réinsertion nécessaires peut se voir refuser l’octroi d’une libération conditionnelle sur le fondement du résultat erroné d’une évaluation de dangerosité. Dans le second cas, l’individu est identifié à tort comme non-dangereux, ce qui peut finalement gravement troubler l’ordre public. Ici, il s’agit du condamné à l’égard duquel la juridiction de l’application des peines accorde une libération conditionnelle et qui commet une infraction à la suite de son élargissement anticipé[1449]. Dans les deux cas, les conséquences peuvent être désastreuses. Malheureusement, ces deux situations ne sont pas rares et le nombre de faux positifs est conséquent[1450]. Ces derniers peuvent en partie s’expliquer par la volonté de l’évaluateur de se prémunir du risque de faux négatifs avec ce que cela impliquerait comme conséquences sur sa vie professionnelle mais également vis-à-vis de l’opinion publique. Au surplus, les experts font partie intégrante d’une société au sein de laquelle l’acceptabilité du risque peut être interrogée[1451]. A cet égard, il a justement été souligné la dichotomie entre le doute sur la culpabilité profitant à l’accusé (en vertu de l’adage in dubio pro reo) et le doute sur la dangerosité n’agissant pas en sa faveur[1452]. Par ailleurs, le doute vis-à-vis de la fiabilité de l’évaluation clinique résulte en grande partie de la place accordée à la subjectivité de l’évaluateur, chef d’orchestre de l’entretien réalisé, et in fine, au hasard[1453]. En outre, les estimations formulées reposeraient sur des concepts peu scientifiques, imprécis et parfois sans intérêt pour l’évaluation de dangerosité[1454]. Par exemple, d’après certains, le positionnement du condamné sur les faits - qu’il s’agisse d’un déni ou d’une minimisation, - interrogé dans le cadre de l’entretien clinique, ne serait pas prédictif d’un passage à l’acte[1455]. De la même manière, le condamné n’adhérant que peu aux soins proposés ne présenterait pas ipso facto un risque de passage à l’acte plus élevé. Son manque d’empathie à l’égard de la victime ne semblerait pas non plus constituer un marqueur prédictif[1456]. Il en irait de même des troubles psychologiques « simples » du condamné (troubles anxieux simples, troubles dépressifs, manque d’estime de soi, faille narcissique[1457]). Ainsi, l’absence de structuration de l’entretien clinique classique impliquerait la présence importante de biais de la part de l’évaluateur. Cependant, les outils actuariels ne sont pas considérés comme plus fiables.

302. Remise en cause de la fiabilité de l’évaluation actuarielle. Si certains revendiquent la neutralité et l’objectivité des outils actuariels lorsqu’ils n’emploient que des facteurs statiques, la fiabilité de ces derniers a pu être questionnée en raison de l’inscription inéluctable du passage à l’acte dans un contexte situationnel évolutif[1458]. Pourtant, l’introduction de facteurs dynamiques censés permettre une meilleure appréhension de ce contexte, a pu être considérée par les défenseurs des outils actuariels des premières générations comme polluant un outil qualitatif dans l’unique but de rassurer les professionnels adeptes de l’entretien clinique[1459]. D’après ces critiques, le reproche de subjectivité émis à l’égard de l’entretien clinique réapparait en même temps que les variables dynamiques sont prises en considération puisqu’elles impliquent notamment l’analyse de l’évaluateur et par là, son pouvoir discrétionnaire[1460]. Si ces variables dynamiques présentent un réel intérêt dans le cadre de la prise en charge postérieure de l’individu, elles seraient moins utiles en tant qu’outil d’évaluation[1461]. D’un autre côté, il est régulièrement reproché aux outils actuariels, par leur effet stigmatisant et marginalisant des populations les plus fragilisées, d’établir une « prophétie auto-réalisatrice[1462] ». Une difficulté supplémentaire inhérente à la méthode prédictive actuarielle résulte de son apparente scientificité[1463]. En effet, l'établissement d'un score de dangerosité ou de risque de récidive peut être assimilé à un pur calcul mathématique, c’est-à-dire à une science « dure » que les profanes ne seraient pas tentés de remettre en question. Or, cette méthodologie algébrique prétendument objective ne doit pas faire oublier que le résultat demeure une donnée à interpréter. En effet, il ne s’agit ni plus ni moins que d’une donnée statistique non individualisée qu’il convient de relativiser[1464]. L’on ne peut d’ailleurs pas ignorer les biais susceptibles d’exister, notamment dans le choix des items. Ce risque existe lorsque ceux-ci résultent davantage d’opinions personnelles que de « facteurs validés, répliqués et incontestables » issus de véritables recherches empiriques[1465]. Enfin, qu’il s’agisse d’outils actuariels ou d’entretiens cliniques, la fiabilité de l’évaluation du condamné dépend en grande partie de l’implication de ce dernier dans le processus dont il constitue l’élément central. Par conséquent, l’on peut s’interroger sur la fiabilité de l’évaluation d’un individu peu coopératif[1466] soit par manque d’investissement soit par volonté de séduire l’évaluateur en vue de l’obtention d’un aménagement de peine, par exemple. Plus généralement, le contexte dans lequel se réalise l’évaluation constitue une donnée non négligeable pouvant en limiter la fiabilité[1467]. En définitive, plus que la méthode d’évaluation, l’idée même de pronostiquer une dangerosité est remise en cause.

303. Remise en cause de l’idée de pronostiquer une dangerosité. Un certain nombre d’auteurs estime illusoire de prétendre déterminer de façon certaine la dangerosité ou l’absence de dangerosité d’un individu[1468]. En effet, le pronostic de dangerosité, tout comme le pronostic médical en présence d’une pathologie n’est jamais certain. C’est la distinction qui peut être établie entre diagnostic et pronostic[1469] même si certains experts tentent de déguiser leurs diagnostics en pronostics[1470]. En matière pénale, il est vrai que le passage à l’acte ou l’absence de passage à l’acte s’inscrit toujours dans une situation imprévisible par l’évaluateur. Or, cette situation imprévisible est sans doute tout aussi déterminante dans la décision de passer ou non à l’acte, que les items retenus pour caractériser une éventuelle dangerosité. On évoque alors l’influence du milieu sur le passage à l’acte[1471]. Si l’ambition de déterminer de manière certaine la dangerosité peut s’apparenter à de la science-fiction[1472], les outils prédictifs revêtent néanmoins une dimension statistique intéressante. Cependant, il convient de ne pas confondre corrélation et causalité entre les items retenus et la dangerosité établie puisqu’aucune étude ne semble démontrer une causalité certaine entre les facteurs (statiques ou dynamiques) prédéterminés et le passage à l’acte criminel d’un individu. A ce jour, aucune évaluation des outils utilisés ne permet de garantir la fiabilité certaine d’une méthode. Outre l’absence de certitude de ces évaluations, c’est l’idée même d’une protection absolue des citoyens par la justice des individus dangereux qui est interrogée[1473]. Non seulement ces « leurres de sécurité » ne protègent pas la société mais ils portent en plus atteinte aux droits et libertés individuels[1474]. Malgré les évolutions scientifiques pouvant intervenir, il semble qu’il ne sera jamais possible de déterminer avec certitude la dangerosité d’un individu, non seulement en raison du flou entourant cette notion[1475] mais surtout parce que la prédiction du comportement humain parait impossible. Certains recommandent alors de supprimer les expertises de dangerosité dont le caractère scientifique serait fallacieux et de s’en rapporter au « bon sens » de la juridiction de l’application des peines, en l’occurrence[1476]. Il est vrai que faire reposer sur une évaluation incertaine de dangerosité le sort de l’aménagement des longues peines privatives de liberté ne semble pas opportun. Il conviendrait de maintenir les évaluations de la personnalité du condamné, sources d’informations essentielles pour le juge de l’application des peines[1477], et de cesser de faire peser sur les experts une mission impossible dont les résultats sont hasardeux. Les experts-psychiatres, experts-psychologues et conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation s’en tiendraient à leur cœur de métier et le législateur cesserait de leur imposer la formulation de prédictions sur la dangerosité ou le risque de récidive du condamné. Ainsi, il conviendrait de revenir au diagnostic permettant au juge, parmi d’autres éléments, de fonder sa décision, et en finir avec le pronostic monopolisant l’attention lors de la phase post-sentencielle. Ce sont d’ailleurs bien plus ces éléments tenant à la personnalité du condamné que les juges de l’application des peines semblent rechercher au sein des diverses évaluations[1478].

Conclusion du chapitre 1

304. Dangerosité du condamné : l’aménagement des longues peines paralysé par une notion floue difficilement évaluable. Les longues peines privatives de liberté étant prononcées à la suite de la commission d'infractions graves, une attention particulière leur est portée par le législateur afin de prévenir la société d'une réitération de comportements troublant intensément l'ordre public. C'est ainsi qu'un premier critère de complexification de l’aménagement des longues peines peut être constaté. En effet, pour ces dernières, la décision d'octroi d'une mesure d'aménagement est spécifiquement réfléchie à travers le prisme de la dangerosité. La présomption de dangerosité leur étant opposée leur impose de remplir une condition supplémentaire : une condition d’innocuité. Or, tant la définition de la dangerosité que les modalités de son évaluation sont sujettes à de vives critiques. Notion protéiforme, évolutive, souvent assimilée au risque de récidive, la dangerosité criminologique est difficilement saisissable. Le choix entre entretiens cliniques, outils actuariels ou méthodes mixtes n’est pas clairement arrêté. La subjectivité de l’évaluateur ne remettant qu’un avis sur la dangerosité du condamné est interrogée. La mise en œuvre contestée de l'évaluation de la dangerosité du condamné n'a, cependant, pas empêché l'empilement des dispositions exigeant ici et là des rapports d’expertises, des avis rendus par des commissions, ou encore des comptes-rendus d’évaluations, le tout concourant à l’allongement des procédures d’aménagement de la longue peine. En définitive, c’est donc sur une notion floue et évaluée de manière quasi-hasardeuse que repose le sort du condamné à une longue peine désirant bénéficier d’un élargissement anticipé. Il serait d’ailleurs peut-être temps de cesser d’imposer aux évaluateurs cette mission prédictive d’évaluation de la dangerosité du condamné et d’effectuer un recentrage de leurs attributions en tenant compte de leurs compétences professionnelles. En effet, la description de la personnalité du condamné et de son évolution semble moins sujette à caution que l’évaluation du risque de récidive. Il est par ailleurs nécessaire de revaloriser le rôle du juge de l’application des peines en tant que décisionnaire de l’aménagement de la peine. En effet, l’on peut se questionner sur la marge d’appréciation laissée à la juridiction de l’application des peines face à ces évaluations. Si la place accordée à l’évaluateur de la dangerosité du condamné - principalement l’expert-psychiatre - permet de conclure au caractère conjointement réfléchi de la décision d’aménagement de la peine, il convient de rappeler que l’expertise post-sentencielle ne constitue qu’une « des pièces du dossier qui circule entre les acteurs du suivi[1479] ».

Chapitre 2 : Un accès spécifiquement décidé

305. Affaiblissement du rôle du juge de l’application des peines. Si la complexification de la décision d'aménagement de la longue peine privative de liberté se traduit par une évaluation préalable obligatoire de la dangerosité du condamné, elle s'illustre également par la particularité du décisionnaire. En effet, bien que le juge de l’application des peines apparaisse traditionnellement comme le « chef d’orchestre de l’application des peines » en ce qu’il dispose d’une compétence générale d’attribution[1480], la libération conditionnelle, modalité d’aménagement idoine et principal des longues peines privatives de liberté, ne relève pas exclusivement et de moins en moins de sa compétence. Le législateur a effectivement tenu à confier la prérogative de cette décision à un décisionnaire spécifique (Section 1) en renforçant progressivement cette spécificité en fonction de la gravité et la complexité de certains contentieux (Section 2).

Section 1 : La volonté d’instaurer un décisionnaire spécial

306. Une spécialisation de longue date. La volonté d'instaurer un décisionnaire spécial n'est pas récente. De tous temps, le législateur a établi une distinction entre la libération conditionnelle accordée à des condamnés exécutant une courte peine privative de liberté et ceux exécutant une peine de longue durée. Ce qui peut s’apparenter à une défiance vis-à-vis du juge de l’application des peines peut être justifié par une volonté de traitement différencié de condamnés « dont les affaires peuvent avoir heurté la sensibilité de l’opinion publique[1481] ». Il convient d'étudier dans un premier temps les décisionnaires spéciaux antérieurement compétents (§1), pour se pencher ensuite sur la création par la loi du 9 mars 2004🏛 du tribunal de l'application des peines, désormais décisionnaire principal de l'aménagement des longues peines (§2).

§1 - Les décisionnaires spéciaux antérieurs

307. Genèse des décisionnaires. La prérogative de l'octroi de la libération conditionnelle à des personnes condamnées à une longue peine privative de liberté a longtemps été attribuée au ministre de la Justice. Organe éminemment politique, celui-ci décidait, au terme d'une procédure longue et complexe, d'accorder ou non un tel élargissement anticipé (A). Si cette autorité n'a pas totalement disparu de la phase post-sentencielle en ce qui concerne les longues peines, la loi du 15 juin 2000🏛, tenant compte des nombreuses critiques émises à l’égard de la procédure d’octroi de libération conditionnelle dans la cadre d’une longue peine, a transféré la compétence antérieure du garde des Sceaux à une juridiction spécialisée (B).

A°) La compétence antérieure du garde des Sceaux

308. Compétence antérieure du ministre de la Justice en matière de libération conditionnelle des longues peines. Lors de sa création par la loi du 14 août 1885, la libération conditionnelle était initialement accordée par arrêté du ministre de l’Intérieur rendant sa décision après consultation d’un certain nombre d’avis[1482]. Dès 1911, concomitamment à l’adoption du décret du 13 mars de la même année rattachant les services de l’administration pénitentiaire au ministère de la Justice, la compétence en matière de libération conditionnelle était transférée au garde des Sceaux. A compter de la loi du 29 décembre 1972[1483], cette compétence d’attribution était répartie entre le ministre de la Justice et le juge de l’application des peines via un critère relatif à la durée de détention à subir (et non pas à la durée de la peine privative de liberté prononcée). Ainsi, l’article 730 du Code de procédure pénale🏛 prévoyait que le juge de l’application des peines était compétent pour accorder une libération conditionnelle aux condamnés dont la peine entrainait une détention n’excédant pas trois ans. Au-delà, il appartenait au ministre de la Justice de se prononcer. La loi du 4 janvier 1993🏛[1484] étendait la compétence du juge de l’application des peines aux peines entrainant une détention n’excédant pas cinq ans. Le garde des Sceaux était donc compétent en matière de libération conditionnelle concernant les moyennes et longues peines. Une procédure spécifique était alors mise en œuvre. Le juge de l’application des peines était à l’initiative de la demande de libération conditionnelle puisqu’il adressait une proposition en ce sens au ministre de la Justice. Néanmoins, il ne se contentait pas de transmettre le dossier à l'autorité compétente. En effet, si le juge de l’application des peines ne disposait pas d’un pouvoir décisionnaire, il lui incombait d’accomplir un travail préparatoire à la décision. Par conséquent, il faisait réaliser les enquêtes nécessaires à l’appréciation de la faisabilité et la solidité du projet de sortie du condamné, il ordonnait les diverses expertises psychiatriques et psychologiques requises. Enfin, le juge de l’application des peines sollicitait l’avis de la commission de l’application des peines. La transmission n’intervenait qu’après la réunion de ces éléments. Lorsque le ministre de la Justice recevait la proposition de libération conditionnelle, une nouvelle instruction débutait. Le comité consultatif de libération conditionnelle pouvait alors être saisi par le garde des Sceaux afin d’émettre un avis. En pratique, cet avis était systématiquement sollicité, sauf urgence, et suivi dans 90% des cas[1485]. La composition de ce comité était détaillée par l’article D520 du Code de procédure pénale🏛. Il était présidé et vice-présidé par deux magistrats hors hiérarchie de l'ordre judiciaire[1486]. Il était également composé d’un inspecteur général de l'administration au ministère de l’Intérieur et de la décentralisation, du magistrat au ministère de la Justice, chef du bureau des grâces et de l'application des peines à la DACG[1487], du magistrat au ministère de la Justice désigné par le directeur de l'administration pénitentiaire parmi les membres de sa direction, du chef du bureau chargé, au ministère de l'Intérieur et de la décentralisation, des questions pénales et de l'interdiction de séjour[1488], d’un représentant du ministre chargé de la défense[1489], d'un juge de l'application des peines[1490], d’un fonctionnaire[1491] du corps des personnels de direction des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire[1492], d’un membre du barreau[1493], d’une personne exerçant des responsabilités dans un organisme ou une association de réinsertion sociale des condamnés[1494] et d’une personne s'étant signalée par l'intérêt qu'elle porte aux problèmes des victimes[1495]. Outre l’avis rendu par cet organe collégial, celui du préfet du département dans lequel le condamné entendait fixer sa résidence était obligatoirement recueilli. Le ministre de la Justice pouvait alors rendre sa décision. A l’aube de la loi du 15 juin 2000🏛[1496], de nombreuses critiques étaient formulées à l’égard de la procédure de libération conditionnelle relevant de la compétence du ministre de la Justice.

309. Critiques relatives à la compétence du ministre de la Justice en matière de libération conditionnelle des longues peines. Une première critique relative à la complexité du critère de répartition des compétences entre le juge de l’application des peines et le ministre de la Justice était formulée. En effet, tenant compte de la durée de détention à subir et non de la durée de la peine privative de liberté prononcée par la juridiction de jugement, ce critère engendrait une compétence évolutive du garde des Sceaux qui, par le jeu des réductions de peine et des grâces collectives, pouvait voir sa compétence disparaitre au fil de la détention au profit du juge de l’application des peines[1497]. L’instabilité de la compétence d’attribution était donc pointée du doigt. En outre, la procédure impliquant le juge de l’application des peines, la commission de l’application des peines, le comité consultatif de libération conditionnelle et enfin le ministre de la Justice était nécessairement plus longue que celle ne nécessitant que l’intervention du juge de l’application des peines, après avis de la CAP. A ce titre, la procédure de libération conditionnelle des longues peines pouvait excéder une année[1498], ce qui pouvait décourager les condamnés d’entamer une telle démarche et ce qui était surtout contraire au principe de bonne administration de la justice aux termes duquel un délai raisonnable de la prise de décision doit être respecté. Au surplus, l’intervention du ministre de la Justice, autorité éminemment politique, dans un contexte d’exécution d’une peine privative de liberté prononcée par une juridiction judiciaire, n’était pas satisfaisante. Les décisions rendues n’étant pas motivées, il était difficile de connaitre et comprendre les justifications du refus d’une libération conditionnelle. De surcroit, il pouvait être constaté que la nature de l’infraction et la médiatisation de l’affaire n’étaient clairement pas sans incidence sur le contenu de la décision rendue. En l’occurrence, le ministre de la Justice semblait plus sévère avec les crimes sexuels et les infractions à la législation sur les stupéfiants, les auteurs de ces dernières ne bénéficiant qu’exceptionnellement d'une libération conditionnelle[1499]. Les refus semblaient moins s’expliquer par la qualité des dossiers particuliers présentés que par l’application d’une politique pénale générale. Ainsi, la partialité du garde des Sceaux conduisant la politique pénale déterminée par le gouvernement[1500], se ressentait évidemment dans les affaires individuelles portées à sa connaissance. Cette partialité se traduisait, à l’aube de l’année 2000, par un faible taux d’octroi de libération conditionnelle. En effet, dans un contexte de baisse générale des libérations conditionnelles octroyées, une baisse de celles accordées par le ministre de la Justice en particulier était constatée[1501]. Ces faibles taux résultaient également du filtrage préalable réalisé par le juge de l’application des peines ne transmettant que peu de dossiers de condamnés éligibles à la mesure, en raison principalement du manque d’élaboration du projet de sorti ou du refus du condamné[1502]. Le refus de certains condamnés se justifiait parfois par la volonté de quitter l’établissement pénitentiaire après l’achèvement de l’exécution de leur peine, sans obligations à respecter, puisque l’intérêt des libérations conditionnelles - accordées bien souvent après exécution des trois-quarts de la peine - était devenu relatif. En effet, le reliquat de peine à exécuter n’excédait souvent pas deux ans[1503]. C’est dans ce contexte que la loi du 15 juin 2000🏛 supprimait la compétence du garde des Sceaux en matière de libération conditionnelle des longues peines. Néanmoins, la compétence de ce dernier lors de la phase post-sentencielle des longues peines privatives de liberté n’a pas disparu.

310. La compétence maintenue du ministre de la Justice en matière d’exécution des longues peines. Le ministre de la Justice joue un rôle dans l’exécution de la longue peine privative de liberté au-delà même du cadre de l’aménagement de cette dernière. C’est ainsi qu’aux termes de l’article D211-18 du Code pénitentiaire, il est compétent pour décider de l’affectation des personnes détenues dans tous les établissements pénitentiaires. Il est à noter qu’il partage cette compétence avec le directeur interrégional des services pénitentiaires[1504] lorsqu’il s’agit d’une affectation en centres de détention[1505], centres de semi-liberté[1506], structures d’accompagnement vers la sortie, maisons d’arrêt[1507], et établissements spécialisés pour mineurs[1508], et que dans certains cas, le directeur interrégional des services pénitentiaires peut lui-même déléguer sa compétence aux directeurs des établissements pénitentiaires lorsque le reliquat de la peine du condamné est inférieure à deux ans[1509]. Néanmoins, il existe des cas dans lesquels la compétence du ministre de la Justice est exclusive[1510]. Il s’agit principalement de l’affectation des personnes condamnées à une longue peine privative de liberté. En effet, en premier lieu, le ministre de la Justice dispose d’une compétence exclusive pour l’affectation des personnes condamnées en maisons centrales ou quartiers maisons centrales, hébergement de prédilection en matière de longues peines. En outre, certaines catégories de condamnés ne peuvent être affectées au sein d’un établissement pénitentiaire que par décision du ministre de la Justice. Il s’agit des personnes condamnées à une peine égale ou supérieure à dix ans[1511] et dont le reliquat à exécuter excède cinq ans. C’est également le cas des auteurs d’actes de terrorisme assimilés aux longues peines en raison de la nature de l’infraction commise. De plus, le garde des Sceaux conserve la compétence exclusive d’affectation des personnes condamnées dont il a fait procéder à l'inscription au répertoire des personnes détenues particulièrement signalées. Enfin, pour l’ensemble de ces condamnés, outre la compétence exclusive d’affectation du ministre de la Justice, celui-ci peut décider de subordonner sa décision à l’évaluation pluridisciplinaire du condamné au sein du centre national d’évaluation[1512]. En définitive, si le ministre de la Justice n’est plus l’autorité décisionnaire en matière de libération conditionnelle des longues peines privatives de liberté, l’administration centrale demeure fortement liée à l’exécution de ces peines et l’affectation des personnes exécutant une longue peine peut effectivement relever d’un choix politique.

B°) La compétence éphémère des juridictions spéciales de libération conditionnelle

311. Création des juridictions spéciales de libération conditionnelle. La loi du 15 juin 2000🏛 ayant pris en considération les critiques émises à l’égard de la procédure de libération conditionnelle accordée par le ministre de la Justice pour les longues peines privatives de liberté, décidait de créer des juridictions spéciales aux fins de judiciarisation et de juridictionnalisation. C’est ainsi qu’une nouvelle répartition des compétences était prévue par l’article 730 du Code de procédure pénale🏛. Le juge de l’application des peines était compétent pour accorder une libération conditionnelle lorsque la peine n’excédait pas dix ans ou que, quelle que soit la durée de cette dernière, le reliquat de peine à exécuter n’excédait pas trois ans. Dans les autres cas, c’est-à-dire pour les longues peines dont le reliquat à exécuter excédait trois ans, la juridiction régionale de la libération conditionnelle était compétente. Cette dernière statuait après avis de la commission de l’application des peines. Cette juridiction collégiale, émanation de la cour d’appel, était présidée par un président de chambre ou un conseiller de la cour d’appel accompagné de deux juges de l’application des peines du ressort de la cour d’appel, le ministère public étant représenté par un procureur général, un avocat général ou un substitut et le greffe étant un greffier de la cour d’appel[1513]. Les décisions rendues à l’issue d’un débat contradictoire au cours duquel le condamné était représenté, étaient motivées et susceptibles d’appel devant la juridiction nationale de la libération conditionnelle, émanation de la Cour de cassation. Cette juridiction nationale était présidée par le premier président de la Cour de cassation ou un conseiller de la cour, accompagné de deux magistrats du siège de la cour et de deux responsables associatifs (l’un représentant une association nationale de réinsertion et le second une association nationale d’aide aux victimes), le ministère public étant représenté par un membre du parquet général de la Cour de cassation. Les décisions rendues par la juridiction nationale de la libération conditionnelle étaient insusceptibles de recours[1514]. Ainsi, des juridictions ad hoc étaient instaurées pour se prononcer sur la libération conditionnelle des personnes condamnés à une longue peine privative de liberté. Ces nouvelles dispositions permettant notamment de rompre avec le caractère politique de l’autorité antérieurement décisionnaire, et d’ouvrir au condamné une voie d’appel, n’allaient néanmoins pas tarder à être également vivement critiquées.

312. Critiques des juridictions spéciales de libération conditionnelle. En supprimant la compétence du ministre de la Justice, le législateur souhaitait maintenir un traitement différencié des longues peines dont la libération conditionnelle devait être plus scrupuleusement envisagée, a fortiori lorsque le reliquat de peine à exécuter était important, compte tenu des enjeux qu’elle présentait en termes de sécurité et de trouble à l’ordre public éventuellement causé. C’est ainsi que le nouveau système instauré confiait à une émanation de la cour d’appel le soin de se prononcer en la matière, en « première instance ». Une série d’incohérences était alors soulignée. Tout d’abord, concernant la procédure mise en œuvre par la juridiction régionale de la libération conditionnelle, il était critiqué le fait que cette dernière statue après avis de la commission de l’application des peines alors qu’un représentant du ministère public en faisait partie et qu’il formulait ensuite des réquisitions devant la juridiction. Il en allait également ainsi du juge de l’application des peines présent tant au sein de la juridiction que de la commission[1515]. Surtout, le rehaussement au degré supérieur des juridictions compétentes concourant à la « dramatisation excessive des décisions en matière de libération conditionnelle[1516] » présentait l’inconvénient majeur de priver le justiciable d’une voie de cassation face à un contentieux en expansion[1517], puisque la juridiction nationale de la libération conditionnelle statuant en appel émanait déjà de la Haute juridiction, conformément à la « logique psychotique[1518] » suivie par le législateur. Un régime discriminatoire était alors instauré à l’égard des condamnés dont la demande de libération conditionnelle était instruite par la juridiction régionale de libération conditionnelle puisque ceux dont la demande était instruite par le juge de l’application des peines pouvaient bénéficier d’un recours en cassation[1519]. En clair, la Haute juridiction n’avait finalement à connaitre que de l’interprétation de la loi concernant les courtes peines [1520]malgré des enjeux certainement plus conséquents en matière de longues peines. En outre, il existait un risque de contradictions prétoriennes entre les décisions rendues par la juridiction nationale de la libération conditionnelle statuant en appel et la Cour de cassation saisie dans le cadre de décisions rendues par le juge de l’application des peines[1521]. D’autant plus que dans le premier cas, il était demandé à une formation de la Cour de cassation de statuer en fait et en droit tandis qu’il n’appartient classiquement pas à la Haute juridiction de se prononcer sur les faits[1522]. Par voie de conséquence, le système instauré ne satisfaisait pas et était remis en question moins de trois ans après son adoption.

§2 - La création du tribunal de l’application des peines

313. Complexité des règles de compétence. Compte tenu des critiques émises à l’encontre des juridictions spécialisées, la loi du 9 mars 2004🏛 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité et parachevant la juridictionnalisation de l’application des peines, créait le tribunal de l’application des peines actuellement compétent pour statuer en matière d’aménagement des longues peines privatives de liberté. À travers l’introduction de cette juridiction, force est de constater que l'exigence de collégialité est maintenue (A). Par ailleurs, si les critiques relatives à l'organisation et au fonctionnement des juridictions antérieures ont été prises en compte, il n'en demeure pas moins que les critères de répartition des compétences entre le juge de l'application des peines et le tribunal de l'application des peines demeurent complexes (B).

A°) Une prise de décision collégiale

314. Principe de collégialité des juridictions de l’application des longues peines. A la suite des nombreuses critiques émises vis-à-vis de la juridiction régionale de la libération conditionnelle et plus spécifiquement de la juridiction nationale de la libération conditionnelle, il était proposé, lors des travaux préparatoires de la loi du 9 mars 2004🏛, de créer une nouvelle juridiction de l’application des peines compétente en matière de longues peines et dont la composition serait simplifiée[1523]. C’est ainsi que depuis le 1er janvier 2005, le tribunal de l’application des peines est compétent, conformément aux dispositions de l’article 712-1 du Code de procédure pénale🏛, pour prononcer certains aménagements de peine en première instance, étant précisé qu’au moins un tribunal de l’application des peines est établi dans le ressort de chaque cour d’appel[1524]. Celui-ci est composé d’un président et de deux assesseurs, lesquels sont désignés par le premier président de la cour d’appel, parmi les juges de l’application des peines du ressort de la cour[1525], après avis de l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour et avis des présidents des tribunaux judiciaires concernés[1526]. Devant cette réelle juridiction de premier degré statuant après avis du représentant de l’administration pénitentiaire et à l’issue d’un débat contradictoire[1527], le ministère public est représenté par un procureur de la République et non plus un procureur général comme c’était le cas devant la juridiction régionale de la libération conditionnelle[1528]. Par ailleurs, les décisions rendues par le tribunal de l’application des peines peuvent faire l’objet d’un appel devant la chambre de l’application des peines également compétente pour confirmer ou infirmer les décisions rendues par le juge de l’application des peines. Ainsi, une certaine équité était restaurée par la loi du 9 mars 2004🏛 rouvrant la voie de la cassation aux personnes condamnées à une longue peine et dont le reliquat à exécuter excédait trois ans. Compte tenu de l’importance du contentieux traité en appel[1529], il était essentiel qu’une voie de cassation soit uniformément ouverte. Néanmoins, le vœu du législateur étant de maintenir une spécificité juridictionnelle au stade de l’appel, la composition de la chambre de l’application des peines est élargie lorsqu’elle doit apprécier des jugements relevant de la compétence de tribunaux de l’application des peines. En effet, dans sa formation ordinaire, la chambre de l’application des peines est composée d’un président et de deux conseillers assesseurs désignés par ordonnance, après avis de l’assemblée générale des magistrats du siège, par le premier président de la Cour d’appel, et choisis parmi les conseillers chargés de l’application des peines[1530]. D’ailleurs, doit être prononcée la cassation de l’arrêt rendu par la chambre de l’application dont la Haute juridiction n’a pas été en mesure de contrôler la composition régulière[1531]. Dans sa formation élargie, la chambre de l’application des peines est composée en outre d’un responsable d’une association de réinsertion des condamnés et d’un responsable d’une association d’aide aux victimes[1532], tous deux désignés par le premier président, après avis de l'assemblée générale des magistrats du siège, pour une durée de trois ans[1533]. Cette composition n’est pas sans rappeler l’échevinage de la juridiction nationale de la libération conditionnelle - hérité du comité consultatif de libération conditionnelle - déjà contesté à l’époque. En effet, d’après Pierette Poncela, si la présence d’une association d’aide aux victimes peut se justifier durant les phases pré-sentencielle et sentencielle, cela n’est plus le cas lors de la phase post-sentencielle et particulièrement au moment de l’instruction d’une demande de libération conditionnelle. Elle soulignait effectivement que la phase de l’aménagement de la peine était censée être focalisée sur « l’objectif prioritaire de réinsertion du condamné ». D’ailleurs, elle ne contestait pas la présence d’une association d’aide à la réinsertion au sein de la juridiction nationale de la libération conditionnelle. En revanche, les intérêts de la société étant d’ores et déjà défendus par le représentant du ministère public, il apparaissait inutile de solliciter l’intervention d’une association d’aide aux victimes[1534]. Cette critique peut être étendue à la composition de la chambre de l’application des peines statuant en formation élargie. Néanmoins, force est de constater que de manière générale, le législateur a fait le choix d'accroître la place de la victime lors de la phase post-sentencielle en lui permettant d’y assister et d’émettre des observations ou de se faire indirectement représenter par une association[1535].

C’est ainsi qu’une association d’aide aux victimes est représentée au sein la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté chargée de l’évaluation de la dangerosité de la personne condamnée en matière de terrorisme, en vue de sa libération conditionnelle[1536]. En l’occurrence, il s’agit d’une association spécifiquement engagée dans l’aide aux victimes d’actes de terrorisme[1537]. Par ailleurs, depuis la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, dans le cadre de la libération conditionnelle d’une personne ayant été condamnée à une peine privative de liberté égale ou supérieure à cinq ans, l’avocat de la partie civile peut assister au débat contradictoire devant les juridictions de l’application des peines et formuler des observations le cas échéant[1538]. L’on constate que la place accordée à la victime est proportionnelle à la gravité des faits et par conséquent au quantum de la peine prononcée, puisque pour les peines n’excédant pas cinq ans, l’avocat de la partie civile ne semble pas avoir voix au chapitre. En réalité, les observations formulées par l’avocat de la partie civile ne posent pas de réelles difficultés puisque ce dernier n’est pas membre de la juridiction. Il en va de même de la composition de la CPMS dont le rôle est, en théorie, consultatif. A contrario, la formation élargie de la chambre de l’application des peines permet à un membre d’une association d’aide aux victimes de prendre part à la fabrique de la décision. Toutefois, la partialité éventuelle de ce représentant peut être compensée par la présence d’un membre d’une association d’aide à la réinsertion. Par conséquent, il peut être difficile de cerner l’intérêt d’intégrer ces deux membres supplémentaires anéantissant réciproquement leur partialité. La chambre de l’application des peines composée ordinairement de trois magistrats professionnels soumis au principe d’impartialité semble suffisante pour statuer en appel sur les décisions rendues par le tribunal de l’application des peines. Cet échevinage a d’ailleurs pu donner lieu à un contentieux, bien que les représentants associatifs prêtent serment de « bien et fidèlement remplir leurs fonctions et de conserver le secret des délibérations[1539] ». En effet, dans une affaire jugée le 2 mars 2011 devant la chambre criminelle de la Cour de cassation, le procureur de la République sollicitait la cassation de l’arrêt rendu par la formation élargie de la chambre de l'application des peines, le représentant de l’association de réinsertion la composant étant également mandaté pour prendre en charge le condamné dans le cadre de son aménagement. En l’espèce, la Haute juridiction répondait qu’il n’était pas possible de contester l’impartialité de la chambre de l’application des peines sans avoir préalablement demandé la récusation du membre litigieux devant la cour d’appel, en vertu de l’article 668 du Code de procédure pénale🏛[1540]. Par ailleurs, la double composition de la chambre de l’application des peines a pu poser des difficultés de répartition des compétences. En effet, d’une part, lorsque la formation élargie exigée par les textes n'est pas réunie, l’arrêt rendu par la chambre de l’application des peines doit être cassé[1541]. D’autre part, la cassation doit également être prononcée contre l’arrêt rendu par la chambre de l’application des peines statuant en sa formation élargie alors que cette dernière n’était pas exigée par les textes. C’est le cas lorsque la chambre de l’application des peines se réunit en formation élargie alors que, si le jugement de première instance émanait bien du tribunal de l’application des peines, ce n’était que parce que le juge de l’application des peines, normalement compétent, avait décidé de renvoyer l’affaire devant la formation collégiale, et non parce que ce tribunal était compétent de plein droit[1542]. Par conséquent, au regard de ces difficultés, il convient d’apprécier l’intérêt de la collégialité complexifiant la composition des juridictions de l’application des longues peines.

315. Appréciation du principe de collégialité des juridictions de l’application des longues peines. La collégialité est « un principe en vertu duquel la justice est rendue par plusieurs magistrats qui prennent leurs décisions à la majorité absolue des voix[1543] ». En raison du célèbre adage « juge unique, juge inique », la collégialité était autrefois de principe[1544]. Il est classiquement admis que celle-ci favorise l’indépendance[1545] et l’impartialité[1546] des juges. D’une part, le juge unique peut être plus sensible aux pressions politiques éventuellement exercées et aux répercussions qu’une décision peut avoir sur son évolution[1547]. D’autre part, la collégialité, en ce qu’elle engendre une discussion entre les juges, laisse moins de place aux convictions personnelles des magistrats ainsi modérées[1548]. Néanmoins, en raison de considérations budgétaires, la collégialité s’est progressivement réduite et le juge unique a peu à peu gagné du terrain[1549]. A titre d’exemple, le tribunal correctionnel statuant collégialement en principe, peut être composé d’un seul magistrat dans le cadre du jugement de certaines infractions faisant encourir une peine d’emprisonnement n’excédant pas cinq ans[1550]. Il est également permis au président de la chambre de l’instruction de statuer seul dans certains cas[1551]. En matière pénale, néanmoins, les juridictions de jugement statuent généralement collégialement, compte tenu des enjeux[1552]. Toutefois, en matière d’aménagement de la peine, le juge de l’application des peines statue seul. La collégialité n’est réintégrée que lorsqu’il s’agit de longues peines, le débat semblant nécessaire au regard de la gravité de l’infraction commise. Cette collégialité illustre surtout la méfiance existante à l’égard du juge de l’application des peines dont Marie-Elisabeth Cartier rappelait qu’il pouvait être qualifié de « père noël », « nounou à voyous » ou bien encore « juge de l’inapplication des peines[1553] ». Il est indéniable cependant, que l’élargissement anticipé d’une personne ayant gravement troublé l’ordre public et vis-à-vis de laquelle une juridiction de jugement a décidé de prononcer une exclusion de longue durée de la société, doit être murement réfléchi. Cette réflexion collégiale permet, à la fois d’éviter une prise de décision peut être hâtive qui ne prendrait pas suffisamment en considération les risques qu’une libération engendrerait, mais elle permet également, lorsque les magistrats sont convaincus par les efforts de réinsertion et le projet de sortie du condamné, de se conforter réciproquement et d’être sans doute moins craintifs à l’idée d’accorder une libération conditionnelle. Évidemment, la collégialité complexifie la prise de décision. Il est clair que la réunion de plusieurs magistrats n’est pas sans conséquence pratique sur l’organisation de la juridiction. Cela présente un coût financier si l’on recrute plus de magistrats. Compte tenu des contraintes budgétaires, cela est rarement le cas. Par conséquent, l’augmentation du nombre de dossiers à traiter par magistrat, sans recrutement supplémentaire, présente un coût pour le condamné en raison de l’allongement de la durée de la procédure. Néanmoins, en matière d'aménagement des longues peines c'est moins la collégialité que l’échevinage de la chambre de l'application des peines qui pose une difficulté. Comme indiqué, la collégialité est un atout si elle est corrélée par un recrutement des magistrats de l'application des peines en conséquence. En revanche, la présence d'un représentant d'une association d'aide aux victimes et d’un représentant d'une association d'aide à la réinsertion complexifie inutilement la procédure d’aménagement des longues peines. Enfin, outre la composition des juridictions d’application des peines, force est de constater la complexification des critères de répartition de celles-ci.

B°) Des critères complexes de répartition

316. Un double critère temporel de répartition. Aux termes de la loi du 9 mars 2004🏛, le législateur a fait le choix de la compétence du tribunal de l'application des peines en matière d'aménagement des longues peines privatives de liberté. Néanmoins, il ne s'agit pas d'une compétence exclusive mais d’une compétence partagée avec le juge de l’application des peines. Ce dernier peut, en effet, intervenir lorsque la demande concerne une personne condamnée à une longue peine, en fonction du reliquat de peine à exécuter[1554] . C'est ainsi, que le tribunal de l'application des peines est compétent lorsque la peine prononcée excède dix ans et que le reliquat à exécuter excède trois ans[1555]. Dès lors que le reliquat de peine à exécuter est égal ou inférieur à trois ans, le juge de l'application des peines est, en principe, compétent. Cette répartition temporelle des compétences n'est pas nouvelle. Elle reprend, en effet, la compétence évolutive du ministre de la Justice et de la juridiction régionale de la libération conditionnelle. Bien qu'elle soit complexe, cette répartition est néanmoins cohérente. En effet, lorsque le condamné a exécuté la majeure partie de sa peine, l’on peut raisonnablement en déduire que la fonction rétributive de la condamnation a été remplie et si le condamné a bénéficié d’une prise en charge adaptée durant cette longue période, sa neutralisation n’est plus forcément nécessaire. Ainsi, le risque encouru par la société du fait de cet élargissement anticipé ne semble pas tellement plus élevé que celui encouru en cas de sortie sèche quelques mois plus tard. De plus, l’instauration d’un suivi par des mesures d’assistance et de contrôle a pour but d’amoindrir ce risque. Enfin, outre ce premier critère temporel de répartition, le législateur a récemment renforcé la complexité de la matière en ajoutant un second critère via la nouvelle réduction de peine créée par la loi du 22 décembre 2021🏛. L'article 721–4 du Code de procédure pénale🏛 prévoit en effet une réduction de peine exceptionnelle lorsque le condamné permet d'éviter ou de mettre fin à une action perturbant le maintien du bon ordre et la sécurité de l'établissement ou portant atteinte à la vie ou à l'intégrité des membres du personnel pénitentiaire ou des autres personnes détenues. Cette réduction exceptionnelle peut être accordée sur demande du condamné, saisine du chef d’établissement pénitentiaire ou réquisitions du procureur de la République, par le juge de l'application des peines (qui rend une ordonnance motivée) ou par le tribunal de l'application des peines (qui rend un jugement motivé) compte tenu du quantum de la peine prononcée. En l'occurrence, le législateur a retenu le seuil de sept ans. Ainsi, lorsque la durée de la peine privative de liberté prononcée excède sept ans, le tribunal de l'application des peines et compétent. A contrario, il revient au juge de l'application des peines de se prononcer sur l'octroi d'une telle réduction. L’on peut être surpris par le seuil retenu qui ne correspond pas à la durée minimale d’une longue peine privative de liberté telle que fixée indirectement par le Code de procédure pénale.

En effet, la classification tripartite des infractions est corrélée par une compétence juridictionnelle idoine. C’est ainsi que la cour d’assises est compétente pour connaître des crimes faisant encourir une réclusion criminelle minimale de dix ans. La compétence du tribunal de l’application des peines reposait initialement sur ce quantum. Désormais, un nouveau seuil de sept ans doit être pris en compte[1556]. Outre l'ajout d'un nouveau critère temporel, l'on constate que le législateur a fait le choix en la matière de se fonder uniquement sur le quantum de la peine privative de liberté prononcée. Ici, il n'est plus tenu compte du reliquat de peine à exécuter. Pour finir, il est à noter que le tribunal de l'application des peines peut être saisi par le juge de l'application des peines souhaitant qu'il soit statué de manière collégiale sur une affaire, et ce même si les conditions temporelles ne sont pas réunies[1557]. Ce renvoi peut résulter de la demande du condamné ou du ministère public ou être décidé d'office par le juge de l'application des peines. Cela est généralement justifié par la complexité ou la sensibilité de l’affaire. Toutefois, lorsque le juge de l'application des peines l’ordonne, il est membre du tribunal et sa décision de renvoi n'est pas susceptible de recours. En conséquence, le tribunal de l'application des peines peut être saisi dans le cadre d'une condamnation de longue durée dont il reste à exécuter une détention inférieure à trois ans mais il peut également être saisi dans le cadre d'une peine privative de liberté inférieure à dix ans. Il a d'ailleurs été observé que ce renvoi facultatif ne saurait entrainer la compétence subséquente de la formation élargie de la chambre de l'application des peines[1558].

317. Un critère matériel de répartition. Outre les conditions temporelles de répartition des compétences entre le juge de l'application des peines et le tribunal de l'application des peines, il existe un critère matériel. En effet, le tribunal de l'application des peines n'est compétent que pour certains aménagements de la peine privative de liberté[1559] et pour certaines décisions. Les aménagements concernés sont la libération conditionnelle[1560], la suspension médicale de peine[1561], le relèvement de la période de sûreté[1562], les réductions de peine exceptionnelles prévues par les articles 721-3 du Code de procédure pénale🏛[1563] et 721-4 dudit Code[1564] ainsi que les permissions de sortir[1565], semi-liberté, placement à l’extérieur et détention à domicile sous surveillance électronique employés à des fins probatoires[1566], c’est-à-dire lorsqu’il est décidé de subordonner la libération conditionnelle à l’exécution de ces mesures. Lorsque doivent être prononcés une réduction de peine ordinaire, une réduction du temps d’épreuve pour les réclusionnaires à perpétuité, un fractionnement ou une suspension de peine, une autorisation de sortie sous escorte ou un placement à l'extérieur, une semi-liberté, une détention à domicile sous surveillance électronique et une permission de sortir conformément à leur régime ordinaire d’octroi, le juge de l'application des peines est compétent indépendamment de la durée de la peine privative de liberté prononcée. En réalité, cette répartition matérielle est cohérente. D’une part, certains des aménagements visés n’entrainent pas une libération anticipée immédiate du condamné. C’est le cas des réductions de peine ou du temps d’épreuve. D’autre, part, la majorité des élargissements anticipés relevant de la compétence du juge de l'application des peines ne peut être accordée lorsque le reliquat de la peine à exécuter est supérieur à trois ans[1567]. C'est le cas du fractionnement ou de la suspension de peine[1568], de la semi-liberté, de la détention à domicile sous surveillance électronique, et du placement à l'extérieur sans surveillance de l'administration pénitentiaire, tous quatre ne pouvant en réalité être accordés lorsque la durée de la peine privative restant à exécuter est supérieure à deux ans. Pour les autres, ils sont réalisés sous le contrôle de l'administration pénitentiaire. C’est le cas de l'autorisation de sortie sous escorte ou du placement à l'extérieur sous surveillance de l'administration pénitentiaire. Dans ces cas, le risque pris par le juge de l’application des peines est réduit par la présence de l’administration pénitentiaire, même s’il ne disparait jamais totalement. Quant aux permissions de sortir, les conditions temporelles d’accès varient en fonction du type d’établissement pénitentiaire, du quantum de la peine prononcée ou encore du reliquat de peine à exécuter. Cependant, en règle générale, elles interviennent soit à titre d’aménagements probatoires, soit en fin de peine[1569]. A titre d’exemple, les personnes détenues au sein d’une structure d’accompagnement vers la sortie peuvent se voir accorder une permission de sortir sans condition de délai. Néanmoins, pour être affecté au sein de ce type de structure, il faut que le condamné bénéficie d’un placement à l’extérieur ou d’une semi-liberté ou encore que le reliquat de peine à exécuter n’excède pas deux ans[1570]. Enfin, outre les aménagements, le juge de l’application des peines et le tribunal de l’application des peines se répartissent également la prise de décisions. En effet, si le tribunal de l'application des peines est compétent pour accorder, ajourner, refuser, retirer ou révoquer certains aménagements par jugement motivé[1571], il n'est pas compétent pour rendre toutes les décisions afférentes à ces aménagements. Le premier alinéa de l’article 712-8 du Code de procédure pénale🏛 dispose, en effet, que les décisions modifiant ou refusant de modifier les obligations résultant de ces aménagements sont prises par le juge de l’application des peines via une ordonnance motivée. En définitive, si le tribunal de l'application des peines a spécifiquement été créé pour traiter les dossiers relatifs aux longues peines, il n’était pas prévu par le législateur d’exclure totalement le juge de l'application des peines de la phase post-sentencielle concernant ces condamnés, si bien que des critères complexes de répartition ont été instaurés. Cependant, l'on assiste depuis quelques années à un renforcement des compétences du tribunal de l'application des peines, et plus généralement de la spécialisation du décisionnaire, en matière d’aménagement des longues peines.

Section 2 : Le renforcement de la spécialisation du décisionnaire

318. Un renforcement tenant au quantum de la peine et à la nature de l’infraction. Si l’on assiste depuis quelques années à un renforcement notable de la spécialisation du décisionnaire de l’aménagement des longues peines privatives de liberté initialement compétent « par défaut[1572] » (§1), en matière de terrorisme, le législateur a réaffirmé sa volonté de créer un régime dérogatoire via l’attribution d'un décisionnaire ad hoc (§2).

§1 - Un renforcement applicable aux longues peines

319. Un renforcement direct et indirect. Certains aménagements de peine sont prédisposés à être appliqués à de longues peines privatives de liberté. Il en va notamment ainsi de la réduction de peine exceptionnelle prévue afin d’inciter les personnes condamnées dans le cadre de la criminalité organisée à transmettre aux autorités des informations relatives aux autres membres de leur réseau, en vue d’éviter la commission d’une infraction. Le relèvement de la période de sûreté est également une mesure essentiellement applicable aux longues peines privatives de liberté. S’il s'agit d'un aménagement de peine indirect - puisqu'il réduit la période de sûreté assortissant la peine et non la peine stricto sensu - il concerne principalement les longues peines privatives de liberté pour lesquelles la période de sûreté est souvent prévue de plein droit par le législateur. C'est dans le cadre de ces aménagements indirectement liés aux longues peines que le législateur a prévu un premier renforcement de la compétence du tribunal de l'application des peines (A). Il a, dans un second temps, renforcé cette compétence au sein du régime spécial de libération conditionnelle prévu pour les longues peines privatives de liberté (B).

A°) Un renforcement indirectement lié aux longues peines

320. Compétence exclusive du tribunal de l’application des peines en matière de réduction de peine exceptionnelle. Si la loi du 22 décembre 2021🏛 a récemment créé une réduction de peine exceptionnelle pouvant être accordée au condamné ayant permis d’éviter ou de mettre fin à une action en détention visant à troubler le bon ordre ou porter atteinte à la vie ou l’intégrité d’un personnel pénitentiaire ou d’une autre personne détenue, une première réduction de peine exceptionnelle pré-existait à celle-ci. En effet, le législateur du 9 mars 2004, conscient de l’utilité de certaines déclarations émanant de personnes accusées ou condamnées, avait souhaité « récompenser » ceux qui permettaient d’éviter ou de mettre fin à la commission d’une infraction. C’est ainsi que, dans un premier temps, une exemption de peine est prévue vis-à-vis de la personne ayant tenté de commettre un crime ou un délit et ayant averti l’autorité administrative ou judiciaire et ainsi permis d’éviter la réalisation de l’infraction et d’identifier les auteurs ou complices[1573]. Si cette personne a commis le crime ou le délit en cause mais que ses déclarations ont permis de faire cesser l’infraction ou d’éviter que cette dernière ne produise un dommage ou encore que les auteurs ou complices soient identifiés, la durée de la peine encourue est réduite[1574]. Elle est également réduite s’il s’agit d’une infraction connexe de même nature que l’infraction pour laquelle la personne est poursuivie[1575]. Cependant, outre la peine encourue, la peine prononcée peut également être réduite. En effet, lors de la phase post-sentencielle, est prévue une réduction exceptionnelle de peine pour les condamnés collaborant avec la justice. Aux termes de l’article 721-3 du Code de procédure pénale🏛, le condamné ayant fait des déclarations à l’autorité administrative ou judiciaire ayant permis d’éviter ou de mettre fin à la commission de certaines infractions spécifiquement déterminées, peut obtenir une réduction de peine exceptionnelle dont le quantum peut aller jusqu’au tiers de la peine prononcée. Pour les réclusionnaires à perpétuité, cette réduction s’impute sur le temps d’épreuve et ne peut excéder cinq ans. Ces déclarations peuvent avoir été faites antérieurement ou postérieurement à la condamnation. Cependant, les infractions évitées ou auxquelles il est mis fin doivent être visées par les articles 706-73, 706-73-1 et 706-74 du Code de procédure pénale🏛🏛🏛. Il s’agit principalement de crimes et délits commis en bande organisée. Par conséquent, cette réduction de peine exceptionnelle ne peut être accordée lorsque les faits dénoncés n’entrent pas dans les prévisions de ces articles. Ainsi, le condamné ayant dénoncé des faits de viols, d’atteintes sexuelles aggravées et de corruption de mineurs n'entrant pas dans les prévisions de ses articles - dès lors que, bien que commis par plusieurs personnes, la circonstance de bande organisée n’avait pu être retenue - ne peut bénéficier d’une telle réduction[1576]. L'objectif du législateur ayant introduit cette disposition favorable, était d'inciter les condamnés[1577] à collaborer avec la justice en dénonçant leurs relations ou anciennes relations impliquées dans une entreprise criminelle ou délictuelle, cette délation constituant un « instrument efficace au service de la lutte contre la criminalité organisée[1578] ». Effectivement, cet outil a été créé dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée. C’est la raison pour laquelle les infractions visées sont majoritairement des infractions assorties de la circonstance aggravante de bande organisée. Ici, le législateur s’adresse principalement à des condamnés membres ou anciennement membres d’une organisation criminelle. En règle générale, ces condamnés exécutent donc une peine en lien avec leur appartenance ce type de criminalité, soit une longue peine, même si cela n’est pas systématique. Compte tenu de la complexité de ce contentieux et de la gravité des faits en cause, il a été décidé que le tribunal de l’application des peines, juridiction de l’application des longues peines, serait exclusivement compétent pour prononcer cette réduction de peine exceptionnelle. Aucune répartition de compétence avec le juge de l’application des peines n’est prévue en fonction du reliquat de peine à exécuter. Il s’agit donc d’un premier renforcement de la compétence du tribunal de l’application des peines que l’on peut indirectement lier à la longueur de la peine. En effet, même si cette dernière n’est pas expressément visée, la gravité des infractions en cause permet clairement de la lier à la compétence exclusive du tribunal de l’application des peines. L’on peut remarquer que lors de l’introduction de la nouvelle réduction de peine exceptionnelle par la loi du 22 décembre 2021🏛 au sein de l’article 721-4 du Code de procédure pénale🏛[1579], le législateur n’a pas maintenu la compétence exclusive du tribunal de l’application des peines, sans doute car le fondement de la réduction de peine est sensiblement différent. En effet, cette seconde réduction de peine exceptionnelle repose sur un comportement ayant empêché la commission d’une action dangereuse en détention, mais celui-ci peut émaner de toute personne détenue. Aussi, lorsque la peine prononcée n’excède pas sept ans, le juge de l’application des peines est compétent pour prononcer une telle réduction de peine. A contrario, comme indiqué, la réduction de peine accordée au délateur laisse penser que le condamné fait partie de l’organisation dont il dénonce les actions et au-delà même du quantum de la peine, le milieu dans lequel il évolue nécessite qu’une juridiction collégiale prenne la décision relative à la réduction exceptionnelle de sa peine.

321. Compétence exclusive du tribunal de l'application des peines en matière de relèvement de la période de sûreté. Un second renforcement de la compétence du tribunal de l’application des peines est indirectement lié aux longues peines privatives de liberté. Il s’agit de la compétence exclusive de cette juridiction collégiale en matière de relèvement de la période de sûreté. Avant la loi du 9 mars 2004🏛, il était prévu que lorsque le condamné sollicitait le relèvement partiel ou totale de la période de sûreté assortissant sa condamnation, le juge de l'application des peines saisissait à cette fin la juridiction de son lieu de détention du même degré que celle ayant prononcé la peine. Les cours d’assises siégeant par sessions, la chambre de l'instruction du ressort du lieu de détention du condamné était compétente lorsque la condamnation émanait d'une telle juridiction. Lorsque la condamnation était assortie d’une période de sûreté perpétuelle, une commission de cinq magistrats de la Cour de cassation était alors décisionnaire[1580]. Qu’il s’agisse du tribunal correctionnel, de la chambre de l'instruction ou de la commission de cinq magistrats de la Cour de cassation, le relèvement de la période de sûreté était systématiquement décidé par une juridiction collégiale. Cette tradition demeure depuis la loi du 9 mars 2004🏛 érigeant le tribunal de l’application des peines en décisionnaire actuel. Il est vrai que la collégialité de la juridiction décidant d’accorder le relèvement d’une période de sûreté se justifie en raison de la solennité de cette décision. Accordé à titre exceptionnel, le relèvement de la période de sûreté entre en contradiction avec la volonté de la juridiction de jugement de figer la peine au moins provisoirement. Même si ce relèvement n’entraîne pas ipso facto un élargissement anticipé du condamné, d’éventuelles réductions de peine peuvent alors être imputées sur la durée de la peine restant à subir, par exemple. Il est donc cohérent qu’un juge de l’application des peines seul ne puisse revenir sur cette décision. L’on peut toutefois observer que la compétence exclusive du tribunal de l’application des peines en la matière est, tout comme c’est le cas pour la réduction de peine exceptionnelle étudiée, indirectement liée aux longues peines. En effet, force est de rappeler que la période de sûreté est une mesure assortissant principalement les longues peines privatives de liberté. Applicable obligatoirement et automatiquement à l’égard de certaines peines égales ou supérieures à dix ans, elle est facultative lorsque la peine est comprise entre cinq et dix ans[1581]. Ce sont donc bien majoritairement des personnes condamnées à de longues peines privatives de liberté qui sollicitent le relèvement de la période de sûreté assortissant leur condamnation. Par conséquent, le renforcement de la compétence du tribunal de l’application des peines présente un lien indirect avec la longueur de la peine. Par ailleurs, un lien plus direct entre compétence exclusive du tribunal de l’application des peines et longues peines est à constater.

B°) Un renforcement directement lié aux longues peines

322. Compétence exclusive du tribunal de l’application des peines pour le prononcé d’une libération conditionnelle. Si aux termes de l’article 730 du Code de procédure pénale🏛, le législateur a entendu répartir la compétence d’attribution de la libération conditionnelle entre le juge de l'application des peines et le tribunal de l'application des peines selon que la peine privative de liberté prononcée est supérieure ou non à dix ans et que le reliquat à exécuter excède ou non trois ans, il a prévu une exception à ces dispositions depuis la loi du 10 août 2011🏛. Cette dernière a créé le régime spécial de libération conditionnelle des longues peines détaillé par l'article 730–2 du Code de procédure pénale🏛, prévoyant notamment la compétence exclusive du tribunal de l'application des peines pour certains condamnés. Les travaux préparatoires de cette loi affirmaient clairement une volonté de renforcer la phase décisionnelle de la libération conditionnelle en imposant la collégialité de la juridiction[1582]. Ils prévoyaient alors initialement une compétence exclusive du tribunal de l’application des peines pour toutes les longues peines, c’est-à-dire toutes les peines privatives de liberté dont la durée est égale ou supérieure à dix ans[1583]. Compte tenu de l’incidence d’une telle disposition, des précisions ont progressivement été apportées. Si dans un deuxième temps, étaient visés par le Sénat, les réclusionnaires à perpétuité et les personnes condamnées à une peine égale ou supérieure à dix ans et dont l’infraction commise faisait encourir le suivi socio-judiciaire[1584], la commission des lois de l’Assemblée Nationale adoptait un amendement afin de limiter l'application de l'article 730–2 aux personnes condamnées à une peine d’une durée égale ou supérieure à quinze ans pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru et aux personnes condamnées à une peine égale ou supérieure de dix ans pour une infraction mentionnée par l’article 706-53-13 du Code de procédure pénale, outre les réclusionnaires à perpétuité[1585]. En réalité, cet amendement prenait en considération le « risque considérable de blocage des décisions de libération conditionnelle » induit par la procédure d’évaluation instaurée par l’article 730-2[1586] et n’a pas été adopté pour contester l’extension de la compétence du tribunal de l’application des peines laquelle ne posait, semble-t-il, aucune difficulté. En effet, cet amendement faisait état du fonctionnement limité du centre national d’évaluation ne permettant pas un accroissement aussi important du nombre de condamnés devant être soumis à une évaluation de dangerosité obligatoire[1587]. Les dispositions adoptées par le Sénat auraient par exemple conduit à faire évaluer plus de 1000 personnes en 2010 tandis que seules 36 l’avaient effectivement été sous l’empire de l’ancienne loi, soit une multiplication de près de 28 du nombre de condamnés évalués[1588]. C’est donc pour un motif essentiellement lié au manque de moyens et aux difficultés d’organisation que le législateur a finalement réservé l’application de l’article 730-2 du Code de procédure pénale🏛 aux peines de réclusion criminelle à perpétuité, aux peines privatives de liberté minimales de quinze ans lorsque le suivi socio-judiciaire est encouru ainsi qu’aux peines privatives de liberté minimales de dix ans lorsqu’il s’agit d’une infraction mentionnée par l’article 706-53-13 du Code de procédure pénale. Dans ces trois cas, le tribunal de l’application des peines est exclusivement compétent pour prononcer une libération conditionnelle.

323. Critique de la pertinence de la compétence exclusive du tribunal de l’application des peines en matière de libération conditionnelle des longues peines. La compétence exclusive du tribunal de l’application des peines peut être critiquée à plusieurs égards. En premier lieu, il n’était pas utile pour le législateur de rappeler que les réclusionnaires à perpétuité devaient saisir le tribunal de l’application des peines indépendamment du quantum de la peine restant à subir. En effet, pour ces condamnés, le juge de l’application des peines ne peut jamais être compétent pour accorder une libération conditionnelle puisque par définition le quantum de la peine restant à subir n’est pas défini et ne peut donc pas être inférieur à trois ans. La compétence exclusive du tribunal de l’application des peines est donc mécanique. Néanmoins, l’article 730-2 du Code de procédure pénale🏛 ne prévoit pas uniquement le décisionnaire compétent mais plus généralement le régime spécial de libération conditionnelle applicable aux longues peines et ainsi les dispositions relatives à l’évaluation et aux expertises obligatoires ou encore aux aménagements de peine probatoires. C’est la raison pour laquelle il est fait référence aux réclusionnaires à perpétuité. Quant aux personnes condamnées à des peines minimales de quinze ans pour une infraction faisant encourir le suivi socio-judiciaire ou de dix ans pour une infraction mentionnée par l’article 706-53-13 du Code de procédure pénale, l’on peut s’interroger sur l’intérêt de la compétence exclusive du tribunal de l’application des peines. En effet, compte tenu du faible reliquat de trois ans permettant au juge de l'application des peines d'être compétent lorsque la peine prononcée excède dix ans, il n’est pas aisé de comprendre l’impérieuse nécessité ayant conduit le législateur à étendre la compétence du tribunal de l’application des peines en fin de peine. En effet, la compétence classique du tribunal de l’application des peines s’exerçait dans les faits pendant la grande majorité de l’exécution de la longue peine privative de liberté. Il n’était donc pas forcément besoin de prévoir cette extension de compétence qui, d’une part semble concerner peu de condamnés et, d’autre part, ne semble pas forcément justifiée au regard du quantum de peine restant à subir. D’ailleurs, si la semi-liberté, le placement à l’extérieur et la détention à domicile sous surveillance électronique sont accordés par le juge de l’application des peines indépendamment du quantum de peine restant à subir, c’est que ce dernier ne doit pas excéder deux ans pour pouvoir bénéficier de ces aménagements. L’intervention du juge de l’application des peines en fin de peine est donc maintenue pour ces trois mesures d’élargissement anticipé mais ne peut être maintenue pour la libération conditionnelle[1589]. Cela est d’autant plus incohérent que désormais, ces aménagements obéissent à deux règles distinctes de compétence d’attribution. Accordés selon la procédure classique, ils sont prononcés par le juge de l’application des peines, mais accordés en tant qu’aménagements de peine probatoires à une libération conditionnelle régie par l’article 730-2 du Code de procédure pénale🏛, ils sont prononcés par le tribunal de l’application des peines, quand bien même la peine restant à subir n’excéderait pas trois ans. Enfin, cette extension de la compétence du tribunal de l’application a pu poser des difficultés pratiques notamment en matière de révocation de la libération conditionnelle. Cette révocation prévue par l’article 733 du Code de procédure pénale🏛 peut intervenir en cas de nouvelle condamnation, d’inconduite notoire, d’infraction aux conditions, d’inobservation des mesures accompagnant la libération conditionnelle ou lorsque le condamné ne remplit plus les conditions pour bénéficier de la libération conditionnelle. La décision de révocation obéit aux règles de compétence d’attribution fixées par l’article 730 du Code de procédure pénale🏛, c’est-à-dire que le juge de l’application des peines peut révoquer une décision de libération conditionnelle lorsque la durée de la peine privative de liberté prononcée est inférieure ou égale à dix ans ou lorsqu’elle excède dix ans mais que le reliquat de peine à exécuter est inférieur ou égal à trois ans. Dans les autres cas, le tribunal de l’application des peines est compétent. La question de l’identité du décisionnaire de la révocation s’est posée lorsqu’il s’agit d’une libération conditionnelle accordée par le tribunal de l’application des peines en vertu de l’article 730-2 du Code de procédure pénale🏛, c’est-à-dire en application du régime spécial de libération conditionnelle créé pour les longues peines et prévoyant la compétence exclusive de la juridiction collégiale. La chambre criminelle de la Cour de cassation a donc été saisie pour déterminer si l’extension prévue par l’article 730-2 applicable à l’octroi de la libération conditionnelle, était applicable à la révocation de la mesure. En l’espèce, un homme condamné à une peine de quinze ans de réclusion criminelle pour des faits de meurtre avait été admis au bénéfice d’un placement sous surveillance électronique probatoire à une libération conditionnelle, par le tribunal de l’application des peines en vertu de l’article 730-2 du Code de procédure pénale🏛. A la suite de cela, le juge de l’application des peines révoquait la mesure. Pour confirmer la décision rendue en première instance, la chambre de l’application des peines prenait en considération la durée de l’incarcération restant à subir. Le condamné formait alors un pourvoi en cassation. Dans un arrêt rendu le 15 juin 2022, la chambre criminelle de la Cour de cassation indiquait que la chambre de l’application des peines avait fait une exacte application des dispositions légales. Ainsi, l'article 733 du Code de procédure pénale🏛 prévoyant une répartition des compétences entre le juge de l'application des peines et le tribunal de l'application des peines en fonction du reliquat de peine à exécuter, est applicable quand bien même la libération conditionnelle a été accordée selon la procédure prévue par l'article 730-2 dudit Code. En d'autres termes, l'extension de la compétence du tribunal de l'application des peines en matière de libération conditionnelle ne s’étend pas à la mesure de révocation de celle-ci[1590]. La chambre criminelle interprète ici strictement les dispositions de l'article 730–2 du Code de procédure pénale🏛 régissant uniquement la décision accordant la libération conditionnelle. Cette décision est importante puisqu’elle permet de déterminer le cas échéant la composition de la chambre de l’application des peines (ordinaire ou élargie). Enfin, la matière terroriste est évidemment concernée par le renforcement de la spécialisation du décisionnaire.

§2 - Un renforcement applicable aux auteurs d’actes de terrorisme

324. Décisionnaire spécial en matière de terrorisme : manifestation post-sentencielle d’un droit dérogatoire. Il a pu être constaté que le contentieux terroriste était soumis à un traitement pénal et pénitentiaire dérogatoire. Si l'offre des aménagements de peine proposée est vraisemblablement réduite à l'égard des auteurs d'actes de terrorisme, le législateur est également particulièrement attentif au décisionnaire de ces mesures. C'est ainsi qu'il a, dans un premier temps, consacré la centralisation du contentieux terroriste et la compétence exclusive des juridictions de l'application des peines parisiennes, bien que cette exclusivité ait été légèrement nuancée par la loi du 3 juin 2016🏛 prenant en compte les conséquences pratiques d'un tel dispositif, et souhaitant amoindrir les contraintes liées à l'accroissement du contentieux (A). Dans un second temps, la même loi a créé un régime spécial de libération conditionnelle à l'égard des auteurs d'actes de terrorisme en se basant sur celui existant concernant les longues peines privatives de liberté. C'est dans le cadre de ce nouveau régime que la compétence du tribunal de l'application des peines a été une nouvelle fois renforcée (B).

A°) La centralisation du contentieux terroriste

325. Compétences territoriales spécifiques en matière de terrorisme. L’article 712-10 du Code de procédure pénale🏛 fixe la compétence territoriale de droit commun des juridictions de l’application des peines. Il est ainsi prévu que le juge de l’application des peines (ou le tribunal de l’application des peines) territorialement compétent est celui de la juridiction dans le ressort de laquelle est situé l’établissement pénitentiaire dans lequel le condamné est écroué. Si ce dernier n’est pas incarcéré, qu’il bénéficie d’une libération conditionnelle ou d’une détention à domicile sous surveillance électronique, le juge de l’application des peines territorialement compétent est celui de la juridiction dans le ressort de laquelle est situé le lieu d’assignation ou la résidence habituelle du condamné. Il est, par ailleurs, possible que les placement à l’extérieur ou semi-liberté accordés s’exécutent dans un ressort différent de celui du juge de l’application des peines initialement décisionnaire. Dans ce cas, le condamné est inscrit au registre d’écrou de l’établissement pénitentiaire le plus proche du lieu d’exécution de l’aménagement et c’est le juge de l’application des peines de la juridiction dans le ressort de laquelle se situe cet établissement qui est compétent pour préciser et modifier les modalités de la mesure ainsi que pour prononcer ou proposer son retrait. Enfin, pour un suivi optimal du condamné, il est prévu qu’en cas de changement d’établissement pénitentiaire ou de résidence habituelle, le juge de l’application puisse se dessaisir au profit de celui devenu territorialement compétent. Pour autant, ces règles de droit commun ne sont pas opposables aux personnes condamnées en matière de terrorisme. Comme observé supra, le contentieux terroriste obéit à des règles procédurales dérogeant au droit commun. C’est ainsi que la loi du 23 janvier 2006🏛[1591] et le décret du 30 mars 2006🏛[1592] étendent la spécificité du traitement des infractions terroriste à la phase post-sentencielle. Est ainsi introduit l’article 706-22-1 au sein du Code de procédure pénale🏛, consacrant la compétence exclusive des juridictions de l’application des peines parisiennes indépendamment du lieu de résidence ou de détention de la personne condamnée pour une infraction entrant dans le champ d’application de l'article 706-16 du Code de procédure pénale🏛. Ce dernier visait alors les actes de terrorisme des articles 421-1 à 421-6 du Code pénal🏛🏛 et les infractions connexes. Néanmoins, les décisions des juridictions de l'application des peines parisiennes devaient être prises après avis du juge de l'application des peines territorialement compétent, sauf cas d’urgence[1593]. Il était par ailleurs prévu que les magistrats des juridictions parisiennes puissent se déplacer sur l’ensemble du territoire et utiliser des moyens de télécommunications pour exercer cette compétence exclusive. Dans la pratique, le condamné devait adresser ses demandes au juge de l'application des peines territorialement compétent et ce dernier les transmettait au juge de l’application des peines parisien, accompagnées de son avis et de ceux du procureur de la République et du représentant de l’administration pénitentiaire. Toutefois, en cas d’urgence, le condamné pouvait directement adresser ses demandes au juge de l’application des peines parisien[1594]. Par cette compétence exclusive des juridictions de l’application des peines parisiennes, le législateur avait souhaité instaurer une centralisation de l'application des peines prononcées en matière de terrorisme. Cette compétence exclusive se distinguait alors des compétences concurrentes prévues en la matière pour les juridictions de poursuites, d’instruction et de jugement n’ayant effectivement jamais été exclusivement parisiennes. Dix ans après l’adoption de ces dispositions dérogatoires, la loi du 3 juin 2016🏛 est venue nuancer la compétence exclusive des juridictions parisiennes de l'application des peines. En effet, désormais l’article 706-22-1 du Code de procédure pénale🏛 prévoit deux régimes de compétence distincts. D’une part, lorsque la condamnation émane d’une juridiction de jugement parisienne, la compétence des juridictions de l’application des peines parisiennes est exclusive. D’autre part, lorsque la condamnation n’émane pas d’une juridiction de jugement parisienne, la compétence des juridictions de l’application des peines parisiennes est concurrente à celle résultant de l’article 712-10 du Code de procédure pénale🏛. Le législateur a donc instauré une dualité de règles de compétence. Quoi qu’il en soit, l’avis du juge de l’application des peines territorialement compétent est toujours sollicité et il est toujours prévu que le juge de l’application des peines parisien puisse se déplacer sur l’ensemble du territoire national ou avoir recours aux moyens de télécommunications pour exercer sa mission. En revanche, depuis la loi du 23 mars 2019🏛 instituant le parquet national antiterroriste, il est prévu que le représentant du ministère public devant le juge et le tribunal de l’application des peines de Paris soit le procureur de la République antiterroriste ou un de ses substituts.

326. Justifications et critiques des compétences territoriales spécifiques. Lors de l’adoption de la loi du 23 janvier 2006🏛, plusieurs arguments étaient présentés en faveur de la centralisation du contentieux de l’application des peines en matière de terrorisme[1595]. En premier lieu, dans la droite ligne de la compétence concurrente des juridictions de poursuites, d'instruction et de jugement parisiennes[1596], la centralisation de l'application des peines était justifiée par la complexité du contentieux nécessitant une connaissance accrue de ce dernier par un magistrat spécialisé[1597]. D'ailleurs, les travaux préparatoires de la loi du 23 janvier 2006🏛 relevaient l'incohérence de l'absence de spécialisation des juridictions de l'application des peines d’autant plus que, contrairement aux juridictions intervenant en amont, en matière d’application des peines, la compétence exclusive et non plus concurrente semblait se justifier au regard du caractère certain de la qualification terroriste des faits en raison d’une condamnation définitive en ce sens[1598]. Cette centralisation était alors souhaitée notamment en vue d’un traitement homogène des dossiers par un magistrat dont il était nécessaire qu’il dispose d’une « vue d’ensemble cohérente[1599] ». En effet, bien souvent, les membres d’un même réseau terroriste sont volontairement répartis dans des établissements pénitentiaires distincts et font régulièrement l’objet de transfèrements pour des raisons de sécurité[1600]. Cela engendrait une pluralité de compétences territoriales successives et cette dispersion n’étant pas souhaitable[1601], le magistrat alors compétent risquant de présenter une méconnaissance du réseau en général et du condamné en particulier. Il était donc nécessaire de recentrer la prise de décisions. En outre, était prise en compte la dangerosité de ces réseaux terroristes quelquefois toujours en activité après exécution de la peine, et la volonté de préserver la sécurité des magistrats en charge des dossiers. La centralisation permettait ainsi de faciliter la mise en œuvre de la protection du magistrat compétent[1602]. Si le législateur du 23 janvier 2006 souhaitait nuancer l’affaiblissement de la juridiction de l’application des peines territorialement compétente en prévoyant qu’elle transmette son avis à la juridiction parisienne, le rapport rendu le 5 février 2008 sur la mise en application de cette loi, contestait déjà deux ans plus tard le caractère obligatoire de cet avis - pourtant facultatif en cas d’urgence - dont il relevait l’inutilité et dont il souhaitait la suppression au profit d’un avis facultatif en vue d’une simplification procédurale[1603]. La complexification de la procédure constitue également l'argument principal ayant conduit la loi du 3 juin 2016🏛 à supprimer au moins partiellement la compétence exclusive des juridictions de l’application des peines parisiennes, le contentieux soumis à ces juridictions étant devenu trop volumineux[1604]. En effet, l’article 706-22-1 du Code de procédure pénale🏛 établissant la compétence territoriale des juridictions de l’application des peines, opère par renvoi à l'article 706–16 dudit Code pour délimiter le champ des infractions soumises à une telle compétence. Ledit article vise les actes de terrorisme mentionnés par les articles 421-1 à 421-6 du Code pénal🏛🏛 ainsi que les infractions connexes. Cependant, lors de l'adoption de la loi du 23 janvier 2006🏛, le champ des actes de terrorisme était plus restreint qu’actuellement et surtout qu’après la loi du 13 novembre 2014🏛[1605]. Cette loi ayant créé l'article 421–2-5 du Code pénal🏛 incriminant la provocation directe à des actes de terrorisme et l’apologie publique du terrorisme, a de facto conduit à une augmentation conséquente du volume de dossiers attribués aux juridictions de l’application des peines parisiennes. Les juridictions de poursuites, d’instruction et de jugement parisiennes n’exerçant qu’une compétence concurrente, l’impact de l’augmentation du contentieux n’a été que relatif à leur égard. En effet, ces juridictions ne se sont saisies de ces infractions les moins graves que lorsqu’elles étaient commises de manière « organisée et structurée ». A contrario, en raison de la compétence exclusive des juridictions de l’application des peines parisiennes, ces dernières ont eu à connaître de l’intégralité du contentieux terroriste[1606]. Or, les infractions précitées ont accru le volume de ce contentieux[1607] tandis que la centralisation de l’application de ces peines de moindre sévérité n’était pas particulièrement nécessaire. C'est donc afin de « décharger[1608] » le juge de l’application des peines de Paris que le législateur du 3 juin 2016 a opté pour une compétence exclusive des juridictions de l'application des peines parisiennes réservée aux cas dans lesquels les juridictions de poursuites, d'instruction et de jugement de Paris ont exercé leur compétence concurrente. L’on constate ici que le législateur n'a pas fait le choix d’exclure les infractions les moins graves de la compétence exclusive des juridictions de l'application des peines de Paris, contrairement à la technique régulièrement employée[1609]. Le critère de détermination de la compétence exclusive est donc celui de l’origine de la décision de condamnation et non celui de l’infraction commise afin d’assurer une continuité cohérente de la prise en charge du contentieux terroriste. Si deux régimes distincts coexistent désormais, la centralisation de l'application des peines terroristes occupe toujours une place importante. Cette dernière peut être appréhendée comme une volonté de sévérité accrue à l'égard d’infracteurs considérés comme dangereux[1610]. Cette centralisation peut appeler deux observations complémentaires. D'une part, s’il est indispensable que la juridiction de l'application des peines dispose d'une connaissance optimale des condamnés dont elle a la charge et dont elle peut décider d’aménager la peine, la volonté d’homogénéiser les décisions d'application des peines présente le risque d'une atteinte au principe de l'individualisation de ces dernières par l'appréhension catégorielle et non plus individuelle des auteurs d’actes de terrorisme. En effet, l’appartenance des condamnés à un même groupement terroriste ou l’adhésion de ceux-ci à une idéologie commune, ne doivent pas conduire à un traitement groupé de ces individus et ainsi amoindrir voire anéantir le principe d'individualisation de la peine lors de la phase post-sentencielle. Enfin, la centralisation des juridictions de l’application des peines induit inévitablement une politisation des décisions en émanant. Bien que le décisionnaire soit un juge impartial et indépendant et non un organe politique comme cela était le cas lorsque le ministre de la Justice était compétent en matière de libération conditionnelle des longues peines, la centralisation facilite l’usage de pressions de la part des pouvoirs politiques à l’égard du juge. C’est la nature même du contentieux terroriste, éminemment politique, qui colore les décisions rendues en la matière. Ainsi, bien que le ministre de la Justice ne soit plus compétent pour accorder une libération conditionnelle, un lien étroit, bien que résiduel, subsiste entre politique et décision d'aménagement de certaines longues peines privatives de liberté.

B°) L’extension de la compétence exclusive du tribunal de l’application des peines

327. Compétence exclusive du tribunal de l’application des peines en matière de libération conditionnelle. Il a été observé que le tribunal de l’application des peines dispose d’une compétence exclusive pour accorder une libération conditionnelle à certaines personnes condamnées à une longue peine privative de liberté, conformément à l’article 730-2 du Code de procédure pénale🏛. Bien que certaines infractions soient spécifiquement mentionnées, des seuils sont également prévus par cet article. En effet, sont successivement visées les peines de réclusion criminelle à perpétuité, les peines privatives de liberté égales ou supérieures à quinze ans et les peines privatives de liberté égales ou supérieures à dix ans. Par la loi du 3 juin 2016🏛, le législateur a souhaité créer un second régime spécial de libération conditionnelle, cette fois applicable aux auteurs d’actes de terrorisme. D’ailleurs, la chambre criminelle a consacré l’autonomie des deux régimes et exclu le cumul des dispositifs[1611]. Bien que s’appuyant en grande partie sur le dispositif prévu pour les longues peines, ce régime comporte des spécificités. Il a pu être constaté que le passage devant le centre national d’évaluation n’était pas obligatoire pour ces condamnés et que le recours à la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté était à nouveau exigé pour accorder une libération conditionnelle. Néanmoins, comme pour le régime spécialement prévu pour les longues peines, le tribunal de l’application des peines est exclusivement compétent pour décider de l’octroi de cet aménagement. En l’occurrence, si la condamnation émane d’une juridiction de jugement parisienne, le tribunal de l’application des peines de Paris exerce une compétence exclusive[1612]. Ces deux régimes spéciaux se distinguent néanmoins en ce qu'en matière de terrorisme, s’il est bien fait référence à la nature de l’infraction, il n’est jamais fait référence au quantum de la peine prononcée. Il n’existe donc aucun seuil à partir duquel ce régime s’applique. Dès lors que l’infraction commise est de nature terroriste, le régime spécial de libération conditionnelle s’applique. Si le législateur a tout de même exclu l’application de ce régime pour les infractions définies par les articles 421-2-5 à 421-2-5-2 du Code pénal🏛🏛, à savoir les infractions les moins graves, force est de constater que la place du juge de l’application des peines est résiduelle pour accorder une libération conditionnelle en matière de terrorisme.

La compétence exclusive d’une juridiction collégiale démontre la complexité du contentieux nécessitant que ce dernier ne soit pas soumis à une décision émanant d’un juge unique. Elle démontre également et surtout la représentation des infractions terroristes dans le système pénal français. La gravité ultime de ce contentieux résulte effectivement de sa nature, indépendamment du quantum de la peine prononcée. Toutefois, le fait que cet indicateur ne soit plus pris en considération peut inquiéter au regard du principe d’individualisation de la peine. En l’occurrence, si la prise de décision en collégialité présente certains avantages, elle s’inscrit dans un régime complexifié spécialement conçu pour restreindre les possibilités de libération conditionnelle des auteurs d’actes de terrorisme peu important qu’ils aient été condamnés à une peine de deux ans d’emprisonnement ou trente ans de réclusion criminelle.

328. Compétence exclusive du tribunal de l’application des peines en matière de relèvement de la période de sûreté assortissant les peines perpétuelles. Il convient de rappeler que le tribunal de l'application des peines dispose d'une compétence exclusive pour accorder le relèvement total ou partiel de la période de sûreté accompagnant la peine privative de liberté, conformément aux dispositions de l’article 720-4 du Code de procédure pénale🏛. Le législateur du 3 juin 2016 a néanmoins décidé d'introduire un article 720–5 audit Code, prévoyant un cadre juridique spécial en matière de relèvement de la période de sûreté assortissant les peines de réclusion criminelle à perpétuité prononcées pour la commission d’actes de terrorisme. Il a déjà été indiqué que le relèvement de la période de sûreté ne devait, par exemple, pas être susceptible de causer un trouble grave à l'ordre public. En ce qui concerne le décisionnaire, il est cohérent que le législateur ait décidé de maintenir la compétence exclusive du tribunal de l'application des peines dans le cadre d'un contentieux d’une telle gravité. Cependant, le rôle de cette juridiction collégiale semble être affaibli dans le cadre de ce régime spécial. En effet, avant de statuer, le tribunal de l'application des peines doit, tout d’abord, solliciter l'avis d'une commission de cinq magistrats émanant de la Cour de cassation « chargée d'évaluer s'il y a lieu de mettre fin à l'application de ladite décision de la cour d’assises ». L’article 720-5 du Code de procédure pénale🏛 précise que les membres de la commission sont désignés par l'assemblée générale de la Cour de cassation et que le président de cette commission, choisi parmi ses membres, est issu de la chambre criminelle. Si l’avis de cette commission était requis par la loi du 1er février 1994 dans le cadre du relèvement de la période de sûreté perpétuelle assortissant certaines peines de réclusion criminelle à perpétuité, il a néanmoins été supprimé par la loi du 9 mars 2004🏛 parachevant la juridictionnalisation de l’application des peines et dénonçant surtout la lourdeur et la complexité du mécanisme[1613]. Alors que le législateur a fait le choix de supprimer un dispositif prévu dans le cadre du relèvement des périodes de sûreté assortissant les condamnations pénales les plus sévères, la loi du 3 juin 2016🏛 a réintroduit la nécessité de l'avis préalable de cette commission de cinq magistrats de la Cour de cassation malgré les inconvénients procéduraux que cela représente, ce qui démontre là encore le traitement particulier accordé à ce type de contentieux. L’avis de la commission n’est pas le seul avis requis par la procédure. En effet, si l'avocat de la partie civile peut exprimer le souhait d'assister au débat contradictoire et, le cas échéant, de formuler des observations écrites devant la juridiction de l’application des peines en matière de libération conditionnelle, de suspension médicale de peine où précisément de relèvement de la période de sûreté[1614], la procédure spéciale prévue par l'article 720–5 du Code de procédure pénale🏛 exige que l’avis des victimes ayant la qualité de parties civiles lors de la décision de condamnation soit recueilli. Il n'appartient donc plus à la partie civile représentée par son avocat de se manifester en vue de formuler des observations si elle le désire, mais au tribunal de l'application des peines ainsi qu'à la chambre de l'application des peines de solliciter son avis. Ainsi, la place grandissante accordée à la victime dans le cadre de la procédure pénale et notamment lors de la phase post-sentencielle s’exprime davantage en matière de terrorisme.

Conclusion du chapitre 2

329. Place résiduelle du juge de l’application des peines dans l’aménagement des longues peines privatives de liberté. La complexification de l'aménagement des longues peines privatives de liberté s'illustre à travers le choix effectué par le législateur du décisionnaire des mesures d’élargissement anticipé. Afin de marquer la différence avec les autres peines, un décisionnaire spécifique a très rapidement été désigné pour décider de l’aménagement des longues peines, compte tenu des enjeux d’une telle décision. La méfiance manifestée à l’égard du juge de l’application des peines, présumé laxiste, a conduit le législateur à attribuer la compétence d’octroi de la libération conditionnelle à un organe politique : le ministre de la Justice. Si la juridictionnalisation de l'application des peines parachevée il y a près de vingt ans ne permet plus qu’une telle autorité, ne répondant pas aux exigences d’indépendance et d’impartialité, décide directement de l’aménagement de la peine d’un condamné, il n’a pas été souhaité que le juge de l'application des peines décide seul de l'élargissement anticipé d'un condamné ayant commis des faits graves. Dans ce cas, le législateur s'est donc assuré qu'une juridiction collégiale statue lorsque la peine restant à exécuter excède trois ans. Bien qu'allongeant de facto la durée de la procédure, la réunion de trois juges de l'application des peines en première instance ne pose pas de difficulté et peut même être souhaitable à certains égards. En revanche, en appel, la composition de la chambre de l'application des peines statuant en sa formation élargie lorsqu'elle a à connaître de l’aménagement d’une longue peine, pose notamment la question de la légitimité de l'intervention de représentants associatifs. Par ailleurs, la crainte palpable du législateur que soit accordé un aménagement de peine trop tôt ou sans garanties suffisantes lorsque le condamné a commis des faits graves, l’a conduit à renforcer la compétence du tribunal de l’application au détriment du juge de l’application des peines. Ainsi, le critère de répartition temporel entre ces deux décisionnaires n’est plus valable lorsqu’il s’agit d’accorder une libération conditionnelle à certains condamnés à une longue peine, lesquels sont soumis à un régime spécial instaurant la compétence exclusive de la juridiction collégiale. En matière de terrorisme, un régime spécial similaire a été créé et renforcé en ce que le quantum de la peine prononcée n’est plus prise en compte. D’autre part, la centralisation de l’application des peines au profit des juridictions parisiennes est apparue nécessaire, de même que l’intervention d’une commission de magistrats issus de la Cour de cassation ainsi que celle des parties civiles lorsque le condamné auteur d’actes de terrorisme sollicite le relèvement de la période de sûreté assortissant sa peine. Si le juge de l’application des peines semble conserver une place résiduelle en matière d’aménagement des longues peines, il apparait que cela résulte moins d’une volonté de lui réserver les décisions les moins risquées que d’une contrainte imposée au législateur confronté à une incapacité à gérer le manque de moyens humains de l’institution judiciaire.

Conclusion du titre premier

330. Multiplicité des acteurs de l’aménagement des longues peines privatives de liberté. Lorsque la personne condamnée à une longue peine privative de liberté est enfin éligible à un aménagement de peine, l’on s’aperçoit que la procédure de droit commun est manifestement complexifiée à son égard. Bien que le juge de l'application des peines n'ait pas totalement disparu, il dispose d’une place résiduelle. Préalablement au prononcé de la décision d’octroi ou de refus d’aménagement, une évaluation de la dangerosité présumée du condamné est exigée, ajoutant ainsi une condition supplémentaire d’innocuité à l'égard des personnes condamnées à une longue peine. Cette évaluation, dont le fondement et les méthodes sont contestés, érige l’évaluateur - et plus spécifiquement l’expert-psychiatre - en acteur incontournable de l’aménagement des longues peines. Par conséquent, force est de constater que l'élargissement anticipé du condamné répond à une réflexion conjointe. En effet, même si, in fine, la juridiction de l'application des peines demeure seule décisionnaire, le poids des diverses évaluations n’est pas négligeable. Cette réflexion conjointe est également menée par le tribunal de l'application des peines, juridiction collégiale dont la compétence a régulièrement été renforcée à l'égard des longues peines. Si certains aménagements tels que la semi-liberté, le placement à l'extérieur ou la détention à domicile sous surveillance électronique, demeurent du ressort du juge de l'application des peines, les seuils d’accès particulièrement bas prévus par les textes en excluent quasiment de facto les longues peines. En revanche, la libération conditionnelle, aménagement idoine des personnes condamnées à une longue peine, ne peut être accordée qu’à l’issue d’une procédure dont la longueur résulte notamment de l’intervention obligatoire de multiples acteurs. Cette multiplicité d'acteurs constitue la première illustration de la complexification de l'aménagement des longues peines privatives de liberté.

134.

Titre 2 : Un accès excessivement sécurisé

331. Objectif de sécurisation maximale. Si la complexification de l'aménagement des longues peines se traduit effectivement par certaines particularités affectant les acteurs en présence, elle s'illustre également par une volonté de sécurisation maximale. Il est établi que le régime d'exécution des peines vise à éviter la commission de nouvelles infractions[1615] et il appartient évidemment à la juridiction de l'application des peines de veiller, lorsqu’elle procède à l’élargissement anticipé d'un condamné, à ce que ce dernier présente un certain nombre de garanties de réinsertion. À ce titre, le législateur a prévu le recours à un expert se prononçant sur l'éventuelle dangerosité persistante du condamné. Il a également prévu des règles de compétence et de composition particulières concernant la juridiction de l'application des peines. Cette sécurisation a néanmoins été renforcée au fil des années. Dans un premier temps, le condamné ayant commis une grave infraction étant appréhendé comme un individu présentant un trouble, il a été décidé de le soigner. Pour ce faire, le législateur dispose d'un moyen de pression en conditionnant l'accès aux aménagements de peine et le maintien de la mesure au traitement préalable et concomitant du condamné (Chapitre 1). La sécurisation de l’aménagement de la longue peine traduit également la méfiance du législateur renforçant les modalités de la libération conditionnelle jusqu’à sa dénaturation, au risque de sa disparition (Chapitre 2).

Chapitre 1 : Un accès conditionné au traitement du condamné

332. Présomption de pathologie du condamné. L'assimilation de la grande délinquance à la déviance a conduit le droit pénal à répondre au trouble social causé par l’infraction, par l'ajout à la fonction répressive de la peine d'une nouvelle fonction curative[1616]. À ce titre, il convient de distinguer le soin pénalement ordonné de l'assistance médicale pouvant être apportée au condamné durant sa détention, puisque dans le premier cas le soin devient avant tout un moyen mis en œuvre pour lutter contre la récidive. Si les intérêts du condamné sont pris en compte, c'est effectivement au nom de la protection de la société que le soin est dorénavant imposé. Il importe donc que ce soin débute au plus tôt après le prononcé de la condamnation afin que la société réintègre un individu traité ou a minima en voie de guérison. Pour ce faire, le législateur subordonne l'accès aux aménagements de peine au suivi d'un traitement, espérant ainsi inciter le condamné à entreprendre une telle démarche. La volonté d'imposer un traitement au condamné ayant gravement troublé l’ordre public (Section 1) se confronte néanmoins à des difficultés pratiques relatives non seulement à l’univers carcéral au sein duquel le soin doit être débuté, mais également à l’efficacité du soin contraint tant sur le plan du principe que des méthodes (Section 2).

Section 1 : Un traitement imposé par le législateur

333. Évolution du traitement pénalement ordonné. Partant du postulat selon lequel le condamné ayant commis une infraction grave ne peut qu’être un individu dont la santé mentale serait défaillante, bien que discernant, le législateur a souhaité imposer à ce dernier le suivi d'un traitement pendant et après l'exécution de sa peine privative de liberté. Il convient d’observer que cette contrainte au soin a d'abord affecté la phase sentencielle par l'introduction d'une peine de suivi socio-judiciaire (§1) avant d’être étendue à la phase de l’aménagement de la peine (§2).

§1 - Une contrainte aux soins introduite par le suivi socio-judiciaire

334. Création du suivi socio-judiciaire : le soin au cœur de la peine. La création de la peine de suivi socio-judiciaire matérialise l'idée selon laquelle il convient de traiter le condamné. Cependant, si le soin ne constitue pas l'unique modalité de cette peine qu’il convient de présenter dans sa globalité dans un premier temps (A), force est de constater qu’il en représente l’objet principal et qu’il est soumis à une extension régulière de la part législateur (B).

A°) L’instauration du suivi socio-judiciaire

335. Origine du suivi socio-judiciaire. À l'aube de l'année 1997, était déposé un projet de loi visant à consacrer une peine complémentaire de suivi médico-social afin de prévenir la récidive des infractions à caractère sexuel notamment commises sur des personnes mineures[1617]. Devenu caduc à la suite de la dissolution de l'Assemblée nationale intervenue le 21 avril 1997[1618], ce projet a largement inspiré celui déposé le 3 septembre de la même année et dont les débats parlementaires ont conduit à l'adoption de la loi du 17 juin 1998 instituant la peine de suivi socio-judiciaire[1619]. Il est immédiatement indiqué au sein des travaux préparatoires que cette peine complémentaire vise à assurer le suivi des auteurs d'infractions sexuelles à leur sortie de prison[1620] et l'une des composantes de ce suivi post-carcéral est l'injonction de soins correspondant à l’obligation de soins retenue dans le projet initial[1621]. La loi du 17 juin 1998🏛 s’inscrit donc dans le prolongement de la loi du 1er février 1994 instituant la peine de réclusion criminelle à perpétuité dite « incompressible » (dont l’un des objectifs était déjà de prévenir la commission d’infractions sexuelles particulièrement à l’égard des mineurs), et renforce les droits des victimes[1622], augmente le quantum des peines encourues en matière d’infractions sexuelles, crée un fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) mentionné au sein de l’article 706-54 du Code de procédure pénale🏛, mais instaure surtout cette peine complémentaire[1623] de suivi socio-judiciaire. Si cette dernière comprend un volet judiciaire mais également médico-psychologique[1624], c’est que les travaux préparatoires de la loi établissaient trois postulats[1625]. En premier lieu, l’auteur d’une infraction de nature sexuelle serait nécessairement atteint de troubles psychiques. En deuxième lieu, il présenterait un risque élevé de récidive. Enfin, l’entrée en vigueur d’un suivi socio-judiciaire serait justifiée par un arsenal législatif insuffisant. Par conséquent, l’hybridité du suivi socio-judiciaire présentant des aspects punitif et curatif[1626], en fait une mesure sui generis qui, bien que juridiquement qualifiée de peine[1627], comporte des allures de mesure de sûreté[1628], à tel point que la confusion est encore d’actualité pour certains[1629]. Il est vrai que les modalités de cette peine consacrent sa particularité.

336. Domaine et modalités du suivi socio-judiciaire. Alors qu’en matière délictuelle, le suivi socio-judiciaire constitue une peine principale[1630], en matière criminelle, il ne peut s’agir que d’une peine complémentaire. Il est néanmoins précisé que cette peine n’est encourue que dans les cas prévus par le législateur[1631]. Initialement, les infractions spécialement visées étaient uniquement des infractions de nature sexuelle, conformément à l'esprit de la loi du 17 juin 1998🏛. A ce titre, le suivi socio-judiciaire peut être prononcé depuis sa création, à l’égard des personnes coupables d'un meurtre ou d'un assassinat précédé ou accompagné d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie[1632], ayant commis un viol, un inceste ou une agression sexuelle[1633] ou encore à l’égard de celles se rendant coupables de faits de corruption de mineur[1634]. Il avait d’ailleurs été observé que le harcèlement sexuel dont la nature était incomparable à celle des infractions précitées, n’avait pas été mentionné par le législateur[1635]. Force est de constater que le suivi socio-judiciaire a vocation à trouver application principalement à l’égard de personnes encourant une longue peine privative de liberté puisque dans la très grande majorité de ces cas le quantum de la peine privative de liberté encourue est d’au moins dix ans. Du reste, en matière d'agression sexuelle, si l’auteur des faits encourt une peine d’emprisonnement d'une durée de cinq ans[1636], dans certains cas cette dernière peut être portée à dix ans d’emprisonnement[1637]. Il en va de même de la corruption d’un mineur[1638]. Il est à noter que la liste initiale s'est progressivement allongée au fil des lois et notamment celles des 12 décembre 2005[1639], 5 mars 2007[1640], 9 juillet 2010[1641], 5 août 2013[1642], et 3 juin 2016[1643] ou plus récemment celle du 24 janvier 2022[1644]. Prononcé par la juridiction de jugement, le suivi socio-judiciaire impose au condamné de se soumettre, sous le contrôle du juge de l’application des peines, à des mesures de surveillance et d’assistance pendant une durée fixée par la décision initiale et dont le but est de prévenir la récidive entendue au sens criminologique du terme[1645]. La durée de cette peine est limitée à dix ans en cas de condamnation pour un délit et à vingt ans en cas de condamnation pour un crime. Néanmoins, une décision spécialement motivée peut permettre de rehausser la durée de la peine à vingt ans en matière correctionnelle. Un rehaussement est également possible en matière criminelle lorsque le crime commis est puni de trente ans de réclusion criminelle ou de la réclusion criminelle à perpétuité. Dans ces cas, la durée du suivi socio-judiciaire peut respectivement être portée à trente ans ou ne pas connaitre de limitation de durée. Il demeure cependant possible pour le tribunal de l’application des peines d’y mettre fin[1646]. En cas de manquement aux obligations fixées par la juridiction de jugement, le condamné encourt une peine d’emprisonnement. Cette dernière est limitée à trois ans en matière correctionnelle[1647] et sept ans en matière criminelle. Prononcée par la juridiction de jugement, cet emprisonnement peut être mis à exécution par le juge de l’application des peines[1648], bien qu’il ne s’agisse que d’une faculté. En réalité, la peine encourue en cas d’inobservation des obligations résultant du suivi socio-judiciaire doit s’analyser comme une sorte de réserve à la disposition du juge de l’application des peines. Il a d’ailleurs tout intérêt à ne pas épuiser cette réserve trop tôt, surtout lorsque la durée du suivi est longue voire indéterminée. En effet, en cas de nouveau manquement, la durée de l’emprisonnement mis à exécution ne peut excéder celle fixée par la juridiction de jugement[1649], ce qui signifie que le juge dispose de moyens de contrainte limités à l’égard du condamné. Il veillera donc à sanctionner avec parcimonie afin de maintenir une contrainte pendant toute la durée du suivi socio-judiciaire. Si l'on peut observer un certain déséquilibre entre la durée du suivi socio-judiciaire - notamment perpétuel - et la durée de la peine d’emprisonnement encourue en cas d’inobservation de ce dernier - en l’occurrence sept ans - il ne faut pas oublier que cette peine ne sanctionne que les manquements aux obligations prévues et qu’elle se cumule avec la peine éventuellement prononcée en cas de commission d'une nouvelle infraction[1650]. En ce qui concerne les obligations applicables, le législateur se contente de renvoyer à celles énumérées par les articles 132-44 (mesures générales de contrôle) et 132-45 (obligations particulières) du Code pénal🏛, soit celles prévues en matière de sursis probatoire, anciennement sursis avec mise à l’épreuve[1651]. Ainsi, afin de prévenir une éventuelle récidive, il peut être prohibé de se livrer à l’activité au cours de laquelle l’infraction a été commise ou d’exercer une activité impliquant un contact habituel avec un mineur. Une interdiction plus large d’entrer en contact avec des mineurs, de fréquenter des débits de boisson ou de détenir une arme peut également être ordonnée à l’égard du condamné. A cet égard, la pertinence du suivi socio-judiciaire dont les modalités apparaissent redondantes puisqu’elles reprennent celles du sursis probatoire, a pu être questionnée[1652]. D’ailleurs, le législateur affirme l’incompatibilité entre ces deux mesures dont le contenu peut se révéler identique en raison du renvoi opéré vers les obligations précitées[1653]. Par ailleurs, des mesures d’assistance sont également prévues pour « seconder [les efforts du condamné] en vue de sa réinsertion sociale[1654] ». Si le législateur ne détaille pas le contenu de ces mesures, il semble qu'il s'agisse de celles pouvant assortir le sursis probatoire et mises en œuvre par le service pénitentiaire d'insertion et de probation avec la participation d'organismes privés et publics[1655]. En outre, comme il a été indiqué, une injonction de soins, dispositif au cœur de la peine de suivi socio-judiciaire, peut être prononcée. Il est néanmoins indispensable que le condamné ait été préalablement averti des obligations lui étant imposées et des conséquences induites par le non-respect de ces dernières, sous peine de cassation de l’arrêt de condamnation[1656]. Lorsqu’une injonction de soins accompagne le suivi socio-judiciaire, le condamné doit également être averti qu’en cas de refus, l’emprisonnement prononcé pourra être mis à exécution[1657]. Cependant, n’encourt pas la cassation, l’arrêt ayant omis cet avertissement dès lors qu’aucune mise à exécution ne peut être mise en œuvre sans que la juridiction de l’application des peines n’ait préalablement procédé à cette notification[1658]. Enfin, le suivi socio-judiciaire peut également être assorti d'un placement sous surveillance électronique mobile qui peut être prononcé sous certaines conditions[1659]. Ce dernier ne peut être ordonné qu’à l’égard d’une personne majeure condamnée à une peine privative de liberté d’une durée minimale de sept ans ou une personne majeure condamnée en état de récidive légale à une peine privative de liberté d’une durée minimale de cinq ans. En raison de l’atteinte portée à la liberté d’aller et venir du condamné, il est toutefois nécessaire qu’une expertise ait préalablement constaté sa dangerosité et que cette mesure apparaisse indispensable aux fins de prévention de la récidive[1660]. Depuis la loi du 23 mars 2019🏛, toute personne majeure condamnée à une peine privative de liberté d’une durée minimale de deux ans peut être soumise au placement sous surveillance électronique mobile assortissant le suivi socio-judiciaire, lorsque les faits reprochés constituent des violences ou des menaces réprimées d’au moins cinq ans d’emprisonnement et commises contre son conjoint, son concubin, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité (PACS), ses enfants ou ceux de son conjoint, concubin ou partenaire, mais également son ancien conjoint, son ancien concubin ou ancien partenaire lié par un PACS. Le placement sous surveillance électronique mobile constitue une mesure de sûreté pouvant être ordonnée pour une durée maximale de quatre ans en matière correctionnelle et six ans en matière criminelle[1661]. Une obligation d’assignation à domicile peut également être ordonnée dans certains cas[1662]. Il convient toutefois d’indiquer que s’il incombe à la juridiction de jugement de prononcer expressément la peine de suivi socio-judiciaire, les modalités d’exécution de cette peine peuvent être fixées ultérieurement par le juge de l’application des peines[1663] qui peut également modifier et compléter les mesures ordonnées par la juridiction de jugement ou par lui-même[1664]. En définitive, le suivi socio-judiciaire est une peine dont le contenu varie afin de s'adapter au profim du condamné. L'injonction de soins n'en demeure pas moins un élément central dont on ne peut que constater l’évolution.

B°) L’évolution de l’injonction de soins

337. Principe de l’injonction de soins. L'appréhension pénale d'un individu par le prisme du soin n’est pas apparue avec l’injonction de soin. Des mesures d’obligation de soin et d’injonction thérapeutique préexistaient à celle d’injonction de soins ordonnée dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire. Il convient néanmoins de ne pas les confondre. L’obligation de soins peut être prononcée au stade pré-sentenciel comme au stade post-sentenciel et permet de contraindre la personne mise en cause à des mesures d’examen, de traitement ou de soins, même sous le régime de l’hospitalisation. Quant à l’injonction thérapeutique, elle constitue une modalité de l’obligation de soins qui peut être prononcée lorsque l’individu présente une problématique de toxicomanie et/ou d’alcoolisme[1665]. La contrainte exercée sur l’individu demeure cependant moins forte que dans le cadre de l’injonction de soins dont l’inobservation peut être sanctionnée par un emprisonnement spécifiquement prévu à cet effet. De plus, les champs d’application de l’obligation et de l’injonction de soins diffèrent[1666]. En introduisant l’injonction de soins, le législateur ne visait pas l’assistance médicale apportée au condamné consommant régulièrement des stupéfiants. En effet, en tant que modalité du suivi socio-judiciaire, l’injonction de soins a spécifiquement été introduite dans le cadre de la lutte contre la récidive des infractions de nature sexuelle. Sa création repose sur l'idée selon laquelle les troubles psychiques dont serait atteint le condamné auraient favorisé son passage à l’acte[1667]. En effet, il est alors pensé qu’un sujet parfaitement sain n’aurait pu commettre de tels faits qui ne peuvent être que l’œuvre d’une personne malade renforçant ainsi le lien présumé entre maladie et acte criminel. Si traditionnellement la maladie mentale de l’auteur des faits ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes, conduit à la déclaration de son irresponsabilité pénale et à sa prise en charge médicale subséquente[1668], ici il n’est pas question que l’auteur des faits bénéficie d’une irresponsabilité pénale ni même d’une atténuation de cette responsabilité car le trouble visé n’aurait pas affecté son discernement. Toutefois, bien qu’il ne semble pas que le condamné se soit trouvé dans un état délirant, il serait atteint d’un trouble ayant conduit à la commission de l’acte transgressif. Ce trouble pourrait affecter son comportement, sa personnalité ou encore revêtir une dimension psychosexuelle[1669]. C’est ainsi que tandis que l’irresponsabilité pénale ne peut être déclarée, l'injonction de soins peut cependant trouver application. Contrairement à l'obligation de soins, le prononcé de l’injonction de soins est strictement encadré.

338. Modalités de l’injonction de soins. Le prononcé de l’injonction de soins intervient après une expertise médicale concluant ou non à l’opportunité d’un traitement[1670]. Cependant, le juge ne semble pas lié par les conclusions de l’expertise et il lui est possible d’ordonner une injonction de soins quand bien même l’expertise indiquerait que la personne condamnée n’est pas susceptible de faire l’objet d’un traitement[1671]. L’expert ne dispose donc pas d'un « droit de veto » comme cela a longtemps pu être pensé[1672]. La réciproque est également vraie, bien que peu probable dans les faits. L’on voit effectivement mal un juge refuser d’ordonner une injonction de soins à l’encontre d’un condamné dont l’expertise établit qu’il peut faire l’objet d’un traitement permettant ainsi d’éviter une récidive. Enfin, lorsque l’injonction de soin est ordonnée, une relation tripartite se noue entre le juge de l’application des peines, le médecin coordonnateur et le médecin traitant du condamné. Le médecin coordonnateur constitue une innovation de l’injonction de soins[1673]. Interface entre le monde judiciaire et le monde médical, ce médecin, souvent psychiatre, est inscrit sur une liste établie par le procureur de la République, et a suivi une formation appropriée pour exercer cette fonction. Il est notamment chargé d’inviter le condamné à choisir un médecin traitant, de conseiller ce dernier s’il le souhaite, de communiquer au juge de l’application des peines les éléments nécessaires au contrôle de la mesure et d’informer le condamné de la possibilité de poursuivre le traitement après la fin de la mesure[1674]. Quant au médecin traitant - il peut s’agir d’un psychologue traitant -, il délivre régulièrement des attestations permettant au juge de l’application des peines de s’assurer du suivi régulier de la mesure par le condamné[1675]. Avant la mise en œuvre de l’injonction de soins, le condamné est averti de ce qu’aucun traitement ne pourra être entrepris sans son consentement mais que néanmoins, le refus de soins pourra être sanctionné par la mise à exécution de la peine d’emprisonnement préalablement fixée[1676]. Ainsi, si le consentement du condamné doit être éclairé par les avertissements de l’autorité décisionnaire, l’on ne peut toutefois considérer qu’il est véritablement libre[1677]. C’est la raison pour laquelle certains préféraient le terme d’« accord » à celui de « consentement »[1678]. Enfin, si l'injonction de soins débute véritablement au moment de la sortie de l’établissement pénitentiaire, c’est dès son incarcération que le condamné est incité à entreprendre des démarches en ce sens[1679]. C’est pourquoi, il est prévu que les personnes condamnées à un suivi socio-judiciaire exécutent leur peine dans un établissement pénitentiaire « permettant d’assurer un suivi médical et psychologique adapté ». Il peut s’agir d’un établissement comprenant un service médico-psychologique régional (SMPR), d'un établissement disposant d’une unité fonctionnelle rattachée à un SMPR ou d’un établissement au sein duquel intervient le secteur de psychiatrie générale[1680]. Il est, en effet, depuis longtemps admis que la réinsertion du condamné se prépare dès son incarcération et non pas en fin de peine. Or, le soin est devenu une composante de cette réinsertion pour certains condamnés. Cette incitation est d’autant plus nécessaire lorsqu’une longue peine privative de liberté a été prononcée. Attendre la phase post-carcérale pour débuter les soins ordonnés, reporte ces derniers à plusieurs années et pourrait amoindrir leur efficacité. C’est pour cette raison que si le condamné ne consent pas à suivre un traitement, il demeure régulièrement informé de la possibilité d’entreprendre ce traitement en détention[1681]. Le temps de la peine est ainsi devenu le temps du traitement du condamné. Cette ambition de traitement du délinquant est telle que depuis le 17 juin 1998, les modalités de l’injonction de soins ont connu une évolution certaine.

339. Extension de l’injonction de soin. En premier lieu, le domaine du suivi socio-judiciaire initialement créé pour lutter contre la récidive des personnes ayant commis des infractions de nature sexuelle, a été sensiblement élargi par le législateur. Aujourd’hui, un grand nombre d’infractions fait encourir le suivi socio-judiciaire, à tel point que la spécificité de cette peine a été dévoyée. Encourent effectivement la peine complémentaire de suivi socio-judiciaire les crimes d’assassinat, de meurtre, de meurtre aggravé[1682], d’arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire[1683] ou encore les violences commises sur un conjoint[1684]. En l’occurrence, le législateur a étendu cette peine à des infractions violentes faisant toujours majoritairement encourir des peines privatives de liberté de longue durée. Néanmoins, des infractions plus surprenantes entrent désormais dans le domaine du suivi socio-judiciaire. Ainsi, la réduction en esclavage, et/ou l’exploitation de personnes réduites en esclavage font encourir cette peine complémentaire et partant une injonction de soins[1685]. Sans toutefois remettre en cause la gravité de ces actes, force est de constater que le législateur s’est ici vraisemblablement éloigné du cœur de cible initial de suivi socio-judiciaire et l’on peut, de surcroit, s’interroger de manière générale sur la nécessité d’un traitement médical des personnes condamnées pour cette catégorie d’infractions. Par ailleurs, les personnes condamnées pour des faits de destruction ou dégradation par moyen dangereux peuvent également être soumises à un suivi socio-judiciaire[1686]. Plus récemment, les infractions terroristes sont entrées dans le domaine de cette peine complémentaire. En revanche, un pas semble avoir été franchi puisque l’article 421-8 du Code pénal🏛 ne prévoit pas que les infracteurs terroristes encourent le suivi socio-judiciaire mais qu’ils y sont condamnés, bien que la juridiction de jugement puisse, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine compte tenu des circonstances de l’espèce et de la personnalité du condamné. L’on assiste tout de même à une atténuation du principe de prononcé exprès de la peine, critère de son individualisation[1687]. Toutefois, cette atténuation n’est pas nouvelle puisqu’il était prévu que certaines infractions violentes commises sur un mineur de quinze ans rendent obligatoire le suivi socio-judiciaire en matière correctionnelle, bien qu’une décision spécialement motivée puisse également s’y opposer[1688]. En matière criminelle, il était néanmoins prévu que la cour d’assisses délibère spécifiquement sur le prononcé d'un tel suivi, ce qui n'est plus le cas en ce qui concerne les actes de terrorisme. De ce fait, la pertinence de l’extension du domaine du suivi socio-judiciaire - et ainsi de l’injonction de soins - doit être interrogée. En effet, l’on peut se questionner sur l’appréhension de l’ensemble de ces infractions à travers le prisme de la médecine conduisant à déresponsabiliser moralement - tout en responsabilisant pénalement - le condamné à l’égard duquel une démarche de soin est envisagée[1689]. La place accordée au libre-arbitre du condamné semble ainsi gommée. A ce titre, Pierette Poncela évoquait d’ailleurs la « pathologisation » des infracteurs terroristes dont les prémices s’observaient déjà par un traitement pénitentiaire particulier[1690]. Cette pathologisation semble pouvoir être étendue au-delà de la matière terroriste. Il est vrai que si l’injonction de soins constituait initialement une modalité facultative du suivi socio-judiciaire[1691], elle en est devenue légalement le principe à partir de la loi du 10 août 2007🏛 puisque désormais « sauf décision contraire de la juridiction, la personne condamnée à un suivi socio-judiciaire est soumise à une injonction de soins ». L’absence d'injonction de soins accompagnant le suivi socio-judiciaire constitue donc une exception au principe. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une obligation, puisque le juge peut décider de ne pas recourir à une injonction de soins par une simple décision en sens contraire et sans que ne lui soit imposée une motivation spéciale par exemple, cette nouvelle disposition révèle la place centrale occupée par l’injonction de soins qui n’est plus une simple modalité du suivi socio-judiciaire comme prévu initialement[1692]. L'injonction de soins a pris une telle ampleur que le législateur a progressivement décidé de ne pas limiter son prononcé au seul cadre du suivi socio-judiciaire. C’est ainsi qu’elle est récemment devenue une modalité du sursis probatoire[1693], tandis que ce dernier est incompatible avec le suivi socio-judiciaire. Il faut toutefois que le délit fasse encourir la peine de suivi socio-judiciaire. Le législateur permettant souvent aux juridictions de jugement et de l’application des peines de recourir aux obligations du sursis probatoire, opère ainsi une généralisation du soin dépassant le seul cadre de ce sursis. L’injonction de soins peut également accompagner des mesures de sûreté telles que la surveillance judiciaire[1694] et la surveillance de sûreté[1695]. Surtout, il convient d’observer que l’injonction de soins peut accompagner une libération conditionnelle et c’est alors que la pathologisation des condamnés innerve le champ des aménagements de peine, spécifiquement de longue durée.

§2 - Une contrainte aux soins étendue à la phase de l’aménagement de la peine

340. Le soin érigé en condition supplémentaire d’aménagement de la peine. Il convient d'observer que l'extension de la contrainte aux soins à la phase de l'aménagement de la peine se traduit à la fois par le refus de la mesure d'aménagement en l'absence de suivi d'un traitement régulier mais également par la révocation où le retrait de l’aménagement accordé en pareil cas (A). Deux répercussions majeures de cette extension peuvent être constatées, à savoir l’apparition d’un nouvel acteur en la figure du médecin et la création d’une condition supplémentaire d’accès aux aménagements de peine et de maintien de la mesure octroyée (B).

A°) Les manifestations de la contrainte aux soins

341. Le refus d’aménagements de peine en l’absence de soins. Au-delà de l’injonction de soins, l’on peut observer que le prononcé d’un suivi socio-judiciaire voire le seul fait d’être condamné pour une infraction faisant encourir le suivi socio-judiciaire emportent des conséquences sur l’exécution de la peine. À titre d'exemple, la surveillance judiciaire est une mesure de sûreté qui peut être ordonnée dans la phase post-carcérale notamment lorsque la personne a été condamnée pour un crime ou un délit faisant encourir un suivi socio-judiciaire[1696]. Le régime spécial de libération conditionnelle des longues peines prévu par l'article 730–2 du Code de procédure pénale🏛 tient également compte du fait que la personne ait été condamnée à une infraction faisant encourir le suivi socio-judiciaire. D’ailleurs, la personne condamnée à une peine privative de liberté d’une durée minimale de cinq ans pour une infraction faisant encourir le suivi socio-judiciaire, peut être placée sous surveillance électronique mobile dans le cadre de la libération conditionnelle lui ayant été accordée[1697]. Enfin, lorsque le suivi socio-judiciaire est prononcé, le législateur impose qu'une expertise psychiatrique soit ordonnée préalablement à l'octroi de certains aménagements de peine[1698]. Si cette expertise se prononce sur la dangerosité du condamné, elle rend également compte de l'opportunité d'un traitement à son égard[1699]. L'opportunité de ce traitement est également interrogée dans des cas dans lesquels le suivi socio judiciaire est simplement encouru[1700]. Par ailleurs, lorsque l’injonction de soins accompagne le suivi socio-judiciaire, cela présente une incidence sur l’exécution de la peine privative de liberté à laquelle l’individu a été condamnée. Tout d’abord, cela influe sur l’affectation du condamné puisqu’il doit exécuter sa peine dans un établissement pénitentiaire permettant de lui assurer un suivi médical et psychologique adapté[1701]. Il s’agit des établissements mentionnés par l’article R322-31 du Code pénitentiaire. De surcroit, durant l'exécution de la peine, le condamné est incité à débuter les soins prévus dans le cadre du suivi socio-judiciaire. S’il refuse de s’y soumettre, il bénéficie d’un rappel annuel. En dehors de tout suivi socio-judiciaire, le fait pour le condamné d’entreprendre une démarche de soins durant son incarcération est perçu comme un effort de réadaptation sociale favorisant son accès à un aménagement de peine. En l’occurrence, l’article 721-1 du Code de procédure pénale🏛, dans son ancienne rédaction prévoyant la réduction supplémentaire de peine, disposait que cette dernière pouvait être accordée au condamné « suivant une thérapie destinée à limiter les risques de récidive[1702] ». Cet exemple d’effort de réadaptation sociale est toujours pris en compte pour l’octroi de la nouvelle réduction de peine dont les conditions et le régime sont détaillés par l’article 721 dudit Code[1703]. Il s’agit ici d’une incitation positive à destination de toute personne condamnée. Une incitation négative est néanmoins également prévue par le législateur puisque le condamné refusant le soin lui étant proposé, ou s’y soumettant irrégulièrement, peut se voir exclure de certains aménagements de peine. Dans certains cas, ce soin peut d'ailleurs avoir été proposé par le juge de l'application des peines alors que le suivi socio-judiciaire encouru n’a pas été prononcé[1704]. C’est ainsi que l’ancienne rédaction de l’article 721-1 du Code de procédure pénale🏛 prévoyait qu’aucune réduction supplémentaire de peine ne pouvait être accordée au condamné refusant le traitement proposé. En outre, pour le législateur, le suivi irrégulier des soins équivalait à un refus de traitement. Le juge de l’application des peines pouvait néanmoins, par une décision contraire, décider d’accorder une telle réduction. Le législateur a repris ce dispositif au sein de la nouvelle réduction de peine en limitant le quantum de cette dernière lorsque le condamné ne suit pas ou irrégulièrement le traitement proposé. L’incidence du soin sur l’octroi d’un aménagement de peine s’illustre également en matière de libération conditionnelle puisque cette dernière ne peut pas non plus être accordée si le condamné détenu ne suit pas le traitement proposé ou le suit irrégulièrement[1705]. Aussi, afin de permettre au juge de l’application des peines de se prononcer, le médecin traitant du condamné lui délivre une attestation trimestrielle faisant état de l’effectivité et, le cas échéant, de la régularité du suivi[1706]. Plus étonnant est de constater que le refus d’octroi d’une libération conditionnelle puisse être justifié par le fait que le condamné ne s’engage pas à suivre le traitement après sa libération. La pertinence de cette disposition peut être critiquée puisque le refus d’octroi d’une libération conditionnelle ne repose ici plus sur l’inaction passée ou présente du condamné mais sur sa potentielle inaction à venir. En effet, jusqu’alors le juge de l’application des peines devait prendre en considération le comportement du condamné pendant la détention. Bien que le projet de sortie soit un élément fondamental de la libération conditionnelle, il ne pouvait pas être reproché au condamné son inaction future pour refuser de lui accorder une libération conditionnelle. Cette disposition est d’autant plus critiquable qu’en cas de refus de soumission aux soins, le juge de l’application des peines dispose toujours de la faculté de révoquer la libération conditionnelle.

342. La révocation d’aménagements de peine en l’absence de soins. Le suivi régulier du traitement proposé n’est pas uniquement une condition d’accès aux aménagements de peine. Il constitue également une condition de maintien de la mesure. En effet, au titre de l’article 712-20 du Code de procédure pénale🏛 : « la violation par le condamné des obligations auxquelles il est astreint, commise pendant la durée d'exécution d'une des mesures (…) mentionnées aux articles 712-6 et 712-7 peut donner lieu à la prolongation, à la révocation ou au retrait de la mesure ». Le dernier alinéa de l’article 712-21 dudit Code précise que « constitue pour le condamné une violation des obligations qui lui incombent (…) le fait de refuser de commencer ou de poursuivre le traitement prescrit par le médecin traitant et qui lui a été proposé dans le cadre d'une injonction de soins ». A titre d’illustration, le crédit de réduction de peine accordé de manière automatique pouvait être partiellement retiré lorsque le condamné refusait de suivre ou suivait de manière irrégulière le traitement proposé par le juge de l’application des peines. Cependant, le législateur restreignait cette possibilité en visant les infractions pour lesquelles la personne détenue devait avoir été condamnée, ainsi que la qualité de la victime. En l’occurrence, il s’agissait des crimes et délits de meurtre, assassinat, torture ou actes de barbarie, viol, agression sexuelle ou atteinte sexuelle, commis sur un mineur ou à l’encontre de son conjoint, concubin, ou partenaire lié à la victime par un PACS[1707]. Si le crédit de réduction de peine n’existe plus, il est à noter que les éventuelles réductions de peines accordées, servant de support à la mesure de surveillance judiciaire des personnes dangereuses, peuvent également être retirées si le condamné refuse de suivre régulièrement le traitement proposé après son incarcération[1708]. Par ailleurs, s'il est logiquement prévu que le suivi socio-judiciaire prononcé soit mis en œuvre après que le condamné a quitté l’établissement pénitentiaire, fût-ce grâce à l’octroi d’un aménagement[1709], il est plus étonnant de constater qu’en l’absence de suivi socio-judiciaire prononcé par la juridiction de jugement, le juge de l’application des peines puisse assortir la libération conditionnelle d’un condamné d’une injonction de soins[1710]. Si le crime ou le délit ayant donné lieu à la condamnation doit toutefois faire encourir la peine de suivi socio-judiciaire, cette dernière n’a cependant pas été prononcée par la juridiction de jugement. Quoi qu’il en soit, cette injonction ne peut être prononcée qu’après qu’une expertise psychiatrique a été réalisée en vue de se prononcer sur l’opportunité d’un traitement. Néanmoins, si le législateur semble subordonner le prononcé d’une injonction de soins aux conclusions de l’expertise, il convient de rappeler que la chambre criminelle de la Cour de cassation affirme quant à elle, que la cour d’assisses n’est pas tenue par les conclusions du rapport d’expertise[1711]. L'on peut aisément imaginer que la Haute juridiction ferait la même interprétation en cas de prononcé de l'injonction de soins par la juridiction de l’application des peines lorsqu'un suivi socio-judiciaire a été décidé, voire en l’absence de suivi socio-judiciaire. En définitive, s’il était autrefois loisible au juge de l’application des peines d’ordonner une injonction de soins à l’égard du condamné ayant été condamné à la peine de suivi socio-judiciaire, la faculté lui est désormais offerte de prononcer une injonction de soins en l’absence même de suivi socio-judiciaire. Cela révèle l’ampleur de l’injonction de soins dans la phase des aménagements de peine, et la place croissante du soin dans cette phase n’est pas sans conséquences.

B°) Les répercussions de la contrainte aux soins

343. Le médecin : nouvel acteur de la phase d’aménagement de la peine. Aux côtés du juge de l'application des peines, et plus souvent du tribunal de l'application des peines, il a pu tout d’abord être observé l’apparition d’une nouvelle figure, à savoir celle de l’expert. Lorsqu’il s’agit d’un expert-psychiatre ou d’un expert-psychologue, il lui est demandé de se prononcer sur l’état de dangerosité de la personne condamnée à une longue peine privative de liberté avant qu’un aménagement de peine puisse être envisagé. L'expert intervient également en amont d'une suspension médicale de peine puisqu'une expertise médicale est requise pour établir que le pronostic vital du condamné est engagé ou que son état de santé est durablement incompatible avec la détention[1712]. Une fois la suspension médicale de peine accordée, l’expert peut à nouveau être sollicité par la juridiction de l’application des peines afin de vérifier que les conditions de la suspension de peine sont toujours remplies, cette vérification étant obligatoire et semestrielle en matière criminelle[1713]. Par ailleurs, tandis que le condamné ayant commis une infraction grave est présumé malade, un expert peut être désigné pour se prononcer sur l'opportunité d'un traitement à son égard. L'expertise peut être sollicitée au moment du prononcé du suivi socio-judiciaire mais elle peut également l’être par le juge de l'application des peines au moment de la mise à exécution du suivi socio-judiciaire ou moment de l'aménagement de la peine en vue d’assortir la libération conditionnelle envisagée d'une injonction de soins, par exemple. La figure de l’expert n’est pas nouvelle puisqu’il a été observé que ce dernier accompagnait d’une certaine façon la prise de décision de la juridiction de l’application des peines dans l’aménagement des longues peines. En revanche, un nouvel acteur apparait ici. Il s’agit du médecin. Bien sûr, celui-ci peut avoir été sollicité ès-qualités d’expert mais il peut également intervenir en sa seule qualité de médecin. C’est ainsi qu’une fois que l'expertise a conclu à l'opportunité d'un traitement, l'intervention du médecin se réalise à deux égards. D’une part, le médecin peut être coordonnateur et constituer un relais entre le médecin traitant et le juge de l’application des peines, soit entre le monde médical et le monde judiciaire. A cet égard, il transmet à la juridiction de l’application des peines ou au service pénitentiaire d’insertion et de probation tout élément permettant de contrôler le respect de l’injonction de soins[1714]. D’autre part, le médecin ou psychologue traitant met en œuvre le traitement. Il lui incombe de délivrer régulièrement des attestations de suivi rendant compte de l'effectivité et de la régularité de ce dernier[1715]. Il ne peut d’ailleurs lui être imposé de respecter le secret médical lorsqu’il informe le juge de l’application des peines de l’interruption du traitement par le condamné[1716]. Le rôle du médecin est donc fondamental puisque de la délivrance des attestations dépend la décision d’octroi et de maintien de l'aménagement de peine. En attestant du sérieux ou du désintérêt du condamné vis-à-vis du traitement, le médecin seconde le juge de l’application des peines, tout comme le fait le conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation accompagnant le condamné dans ses efforts de réinsertion. Si ce dernier rend compte d’efforts réalisés de manière plus globale et notamment sur un plan socio-professionnel voire personnel, le médecin fait donc état des efforts fournis ou non uniquement sur le plan médical. L'on peut alors comparer les attestations de suivi médical aux rapports établis par le conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation permettant d'aiguiller la décision du juge de l'application des peines. Toutefois, le juge de l'application des peines conserve un rôle important. D'une part, si le juge de l'application des peines peut modifier les modalités du suivi socio-judiciaire et mettre à exécution l'emprisonnement prévu en cas d'inobservation des obligations, il dispose surtout, comme il a été dit, de la prérogative plus surprenante d’assortir l'aménagement de peine de ladite injonction de soins en l'absence de tout suivi socio-judiciaire et même semble-t-il contre les préconisations du médecin-expert obligatoirement désigné. Par ailleurs, il appartient uniquement au magistrat de l’application des peines d’accorder, ne pas accorder, révoquer, ne pas révoquer, retirer ou ne pas retirer l’aménagement de la peine lorsque le médecin traitant fait état de l’absence d’investissement du condamné ou d’un suivi irrégulier des soins, lorsque le condamné n’a pas souhaité entreprendre de soins en détention ou encore plus largement lorsqu’il ne respecte pas les obligations fixées. Si le juge de l'application des peines conserve une place de choix et qu'il demeure légalement le seul décisionnaire, toujours est-il que l'on ne peut nier l’influence du médecin dans sa prise de décision. Il serait, en effet, étonnant qu’un médecin–expert sollicité par le juge de l'application des peines, indique que le condamné est susceptible de faire l'objet d'un traitement et que le magistrat refuse ensuite d’ordonner des soins dont on imagine qu'ils pourraient permettre d’éviter une éventuelle récidive. L’on peut a contrario soutenir que ce n’est pas tant le juge de l’application qui suit les conclusions de l’expertise indiquant qu’un traitement est opportun, que l’expert qui confirme le présupposé que le juge de l’application avait en le désignant pour mener une expertise. Quoi qu'il en soit, si le médecin est devenu acteur de l'aménagement des longues peines privatives de liberté, c'est parce que le soin est érigé en condition d'accès à ses aménagements.

344. Le soin : nouvelle condition d’accès aux aménagements de peine. Lorsqu’un individu commet des faits d'une particulière gravité, principalement de nature sexuelle et violente, l’on présume immédiatement qu’il serait atteint d'un trouble psychique qui, sans abolir ni altérer son discernement, serait à l’origine de l’infraction[1717]. L’auteur des faits est donc présumé malade et il appartiendrait à l’institution judiciaire de le soigner. Tout d’abord, en instituant la peine de suivi socio-judiciaire, le législateur attribue deux fonctions qui pourraient sembler contradictoires à la sanction pénale, à savoir celle de punir et celle de soigner. Le condamné doit accepter d’être traité sous peine d’être emprisonné. Le condamné doit également accepter d’être traité s’il désire se voir accorder un aménagement de peine. C’est ainsi que dans la continuité du soin contraint par la juridiction de jugement, le soin est également contraint par la juridiction de l’application des peines. Si cela peut aisément s'entendre lorsqu'un suivi socio-judiciaire a été prononcé, a contrario lorsque l'injonction de soins est ordonnée par le juge de l'application des peines en dehors de ce cadre pénal, force est de constater qu'il s'agit d’une complexification de l'aménagement de la longue peine privative de liberté. Ainsi, le législateur a décidé d’ériger le soin en condition supplémentaire d'accès à l’aménagement de peine et au maintien de celle-ci. En effet, traditionnellement, il est demandé au condamné de fournir des efforts sérieux de réinsertion[1718]. Il peut s'agir notamment de l'exercice d'une activité professionnelle, du suivi d'une formation ou d’un enseignement, de la participation à des activités culturelles, de l’apprentissage de la lecture ou de l’écriture ou de tout autre projet de réinsertion qui démontrerait sa volonté de se réadapter. Ces critères sont toutefois alternatifs, c’est-à-dire qu'il n'est pas attendu du condamné qu’il remplisse tous les critères mentionnés. Concernant le soin, lorsqu'il n'est pas ordonné mais sollicité par le condamné, il peut tout à fait être apprécié au titre des efforts de réinsertion[1719]. En revanche, il a pu être observé que le soin devient dans certains cas un critère obligatoire d'effort de réinsertion, puisque la juridiction de l’application des peines ne peut pas accorder de réduction de peine ni de libération conditionnelle si le condamné ne suit pas le traitement proposé en détention[1720]. Encore une fois, si cela peut s'entendre lorsqu'un suivi socio-judiciaire a été prononcé, cela est moins évident lorsque c’est le juge de l'application des peines qui décide de conditionner l’accès à ces aménagements au suivi régulier d'un traitement et impose ainsi un critère supplémentaire d’effort de réinsertion au condamné. En définitive, l'introduction d'un critère obligatoire de soins traduit la fonction curative de la peine privative de liberté prononcée à la suite de la commission d'une grave infraction. Par conséquent, l'aménagement des longues peines privatives de liberté se trouve complexifié par cette fonction curative additionnelle. Or, l'ajout de cette dernière n'est pas sans rencontrer un certain nombre de difficultés d'ordre pratique auxquelles l'aménagement ainsi complexifié se retrouve également confronté.

Section 2 : Un traitement limité par la pratique

345. Confrontation de l’ambition de traitement aux réalités pratiques. Il est admis que l’intérêt du législateur ayant introduit l’injonction de soins puis conditionné l’accès aux aménagements de la peine au suivi régulier d’un traitement, est de réduire la récidive du condamné présumé malade par le soin. Cependant, si l'on peut s'interroger sur l'efficacité du traitement pénalement ordonné au regard de l'objectif de lutte contre la récidive affiché (§1), l'on constate surtout que les ambitions du législateur s’opposent à des difficultés de mise en œuvre dont la responsabilité n'incombe pas toujours au condamné (§2).

§1 - L’efficacité questionnée du traitement pénalement ordonné

346. Étude de l’efficacité du principe et des méthodes. Il est toujours difficile d'évaluer l'efficacité d'une politique pénale mise en œuvre dans l'objectif de lutter contre la récidive, les causes des actions ou abstentions du condamné étant généralement multifactorielles. Deux questions principales doivent néanmoins être posées dans le cadre du soin pénalement ordonné. La première est relative à l'efficacité du principe même d’imposer - bien que de façon indirecte - ce qui devrait résulter d'une démarche volontaire (A). La seconde concerne plutôt les méthodes utilisées et spécifiquement celles employées vis-à-vis d’auteurs d’infractions à caractère sexuel et violent, lesquelles constituent l’objet premier et principal du soin (B).

A°) Une efficacité questionnée au regard de la contrainte aux soins

347. La reconnaissance du caractère contraint des soins. L’article L1111-4 du Code de la santé publique🏛 dispose en son quatrième alinéa qu’« aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment ». En ce qui concerne le soin pénalement ordonné, la notion de consentement est également présente, bien qu'il soit délicat de l’apprécier. Le premier alinéa de l’article 131-36-4 du Code pénal🏛 prévoyant la possibilité d’assortir le suivi socio-judiciaire d’une injonction de soins, mentionne effectivement qu’aucun traitement ne peut être entrepris en l’absence de consentement du condamné. Si ici le caractère libre et éclairé du consentement n’est pas précisé, cet article semble toutefois faire référence aux dispositions du Code de la santé publique. D’ailleurs, avant la loi du 10 mars 2010🏛, l'administration d'un traitement inhibiteur de libido ne pouvait intervenir qu'en présence d’un consentement écrit et renouvelé annuellement par le condamné[1721]. Bien que le condamné ne soit physiquement contraint d’être soigné, en ce sens qu’aucun traitement ne lui est administré en usant de la force, l’on peut quand même s’interroger sur la réalité du consentement requis. Tout d’abord, il convient de rappeler que la notion de consentement se rencontre en droit civil puisqu’il forme l’une des trois composantes nécessaires à la validité d’un contrat[1722]. Il peut être défini comme l’« acceptation par une partie de la proposition faite par l’autre[1723] », permettant ainsi de créer un acte juridique. En l'occurrence, la proposition faite de suivre un traitement régulièrement peut être assimilée à un contrat auquel le condamné peut accepter ou non de souscrire, c’est-à-dire de consentir. Toutefois, pour que le contrat ne soit pas entaché de nullité, le consentement du cocontractant ne doit pas être vicié[1724]. Ainsi, il ne doit pas résulter d’une erreur de droit ou de fait[1725], de manœuvres dolosives[1726] ni être obtenu par la violence[1727]. En d’autres termes, il doit être libre et éclairé. L’on peut alors se demander si le consentement requis pour mettre en œuvre des soins pénalement ordonnés respecte les conditions fixées par les dispositions du Code civil. Si le condamné ne peut vraisemblablement pas arguer d’un consentement vicié en raison d’une erreur ou d’un dol, il faut souligner qu’« il y a violence lorsqu'une partie s'engage sous la pression d'une contrainte qui lui inspire la crainte d'exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches à un mal considérable[1728] ». La violence peut être également retenue « lorsqu'une partie, abusant de l'état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant à son égard, obtient de lui un engagement qu'il n'aurait pas souscrit en l'absence d'une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif[1729] ». Il est clair que certains condamnés n’accepteraient pas de suivre le traitement proposé si leur refus n’était pas sanctionné. En ce sens, plusieurs niveaux de contrainte peuvent être ressentis par le condamné ne consentant pas au suivi régulier du traitement proposé. Dans un premier temps, l'inobservation de l'injonction de soins prononcée dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire peut entraîner l'incarcération du condamné par la mise à exécution de l'emprisonnement prévu par la juridiction de jugement. Il s'agit ici de la contrainte la plus forte puisque l'absence de soin ou le suivi irrégulier de celui-ci est sanctionné par une peine privative de liberté. Dans un deuxième temps, le condamné ne répondant pas favorablement à l'incitation aux soins formulée pendant le temps de son incarcération est exclu du bénéfice d'un certain nombre d'aménagements de peine. Dans ce cas, le refus de suivre régulièrement le traitement proposé engendre l’exécution intégrale de la peine telle qu'elle a été prononcée, ni plus ni moins. Si le condamné n'est pas sanctionné par le refus de soins, il ne peut néanmoins bénéficier de modalités d’exécution plus favorables de sa peine. En réalité, dans le cadre d'une longue peine, lorsque la perspective d'une sortie sans libération conditionnelle est particulièrement lointaine, l'absence d'aménagement prend le caractère d'une sanction indirecte. Cela est d'autant plus le cas lorsqu'une injonction de soins accompagne la libération conditionnelle, puisqu’en l'occurrence la révocation de l'aménagement est encourue en cas de non-respect de l’injonction, ce qui se traduit par une réincarcération. Or, le condamné exécutant finalement la peine initialement prononcée interprétera inévitablement cette réincarcération comme une aggravation de sa situation pénale. Pour autant, malgré la contrainte évidente, la légitimité de la « violence » émanant de l’État poursuivant un but de protection des intérêts de la société ne permet pas de caractériser le vice du consentement du condamné[1730]. L’on ne peut toutefois nier que le condamné n’est pas totalement libre compte tenu du contexte dans lequel la décision est prise. La pression morale exercée conduit certains auteurs à situer le consentement « entre contrat et contrainte[1731] ». En réaction à cette pression, le condamné peut donc adopter différentes attitudes posant la question de l’efficacité de le contraindre au moins moralement à suivre un traitement.

348. L’adhésion incertaine du condamné aux soins pénalement ordonnés. Dès lors que le refus de traitement engendre des conséquences dommageables pour le condamné, ce dernier peut réagir différemment à ce qu’il considère comme une contrainte. Tout d'abord, il peut, après avoir reconnu les faits et admis leur gravité, estimer que le soin est nécessaire pour traiter les maux dont il souffre et ainsi lui permettre « d'agir en personne responsable, respectueuse des règles et des intérêts de la société et d'éviter la commission de nouvelles infractions[1732] ». Il convient pour cela que le condamné ait pris conscience qu’il souffre d’un trouble quelconque. Il peut néanmoins, tout en reconnaissant ou non la gravité de l'infraction commise, estimer qu'il n'a pas besoin d'un traitement quel qu'il soit et refuser ce dernier. D’ailleurs, ce refus peut s’inscrire dans un contexte plus large de rejet des institutions judiciaire et carcérale. Pour supporter la condamnation et lui donner un sens, certains condamnés adoptent effectivement une posture revendicatrice, conflictuelle notamment avec l’administration pénitentiaire et sont hostiles à tout ce qui peut leur être proposé, y compris un traitement. La menace d'un refus d'aménagement de la peine ne peut que les renforcer dans leur position. La contrainte peut donc constituer un frein à la démarche de soins et être ainsi contreproductive. D’autres, peuvent décider de se soumettre aux soins ordonnés, bien que n’y voyant aucune utilité (soit parce qu’ils ne se considèrent pas comme malades, soit parce qu’ils n’ont pas envie d’être traités) autre que l'intérêt de pouvoir bénéficier d'aménagements de peine. Dans ce cas, bien que le condamné s'y soumette, il est clair qu'il n'adhère pas aux soins. Si le fait d'obtenir l'accord du condamné permettait au praticien de traiter la pathologie, la vision utilitariste du soin ne poserait aucune difficulté. Cependant, le simple accord ne semble pas suffire et l'adhésion sincère du condamné apparaît indispensable à l'efficacité du soin[1733]. En effet, il est reconnu que l’efficacité d'un traitement psychothérapeutique dépend du niveau d’engagement du patient qui doit, dans un premier temps, être conscient de la pathologie dont il est atteint mais également souhaiter être traité. C'est notamment le cas lorsqu'un individu souffre d'une addiction, puisqu’il semblerait qu’en l'absence d’« insight[1734] », l’efficacité des soins prodigués ne puisse être optimale. Cela concerne également la prise en charge des auteurs d’infractions sexuelles souffrant de paraphilies[1735]. Ainsi, lorsque que le condamné accepte de se soumettre aux soins proposés dans l’unique but d'obtenir un aménagement de peine ou par crainte d’être réincarcéré, son « insincérité » est dommageable à l’efficacité du soin et in fine à la lutte contre une éventuelle récidive. Toutefois, l'on observera que son « insincérité » est récompensée, contrairement à celui qui assume refuser les soins et dont la peine ne peut être aménagée alors qu’il peut avoir fourni d’autres efforts de réinsertion réels. Par ailleurs, parfois le condamné ne comprend même pas ce qui est attendu de lui. C'est notamment le cas lorsqu’un suivi socio-judiciaire de longue durée est prononcé et que l'injonction de soins l’assortissant semble s’éterniser[1736]. Pour autant, le législateur ne souhaite pas que le soin soit soumis au bon vouloir du condamné. En effet, dès lors qu’a été établi le postulat selon lequel l’auteur d'une infraction sexuelle et/ou violente présenterait un trouble psychique expliquant la commission des faits, et qu’un traitement peut lui être proposé, il est devenu impossible de se passer du soin en tant que moyen de réduction du risque de récidive. Dans le meilleur des cas, il est espéré que le condamné se saisisse de l'opportunité lui étant présentée et que, même s’étant inscrit dans une démarche de soins à des fins utilitaires, il finisse par se mobiliser et s'investir dans le projet thérapeutique qui porterait enfin ses fruits. Dans la négative, le juge ayant ordonné le soin pourra a minima se satisfaire d'avoir mis en œuvre tous les outils à sa disposition pour éviter la récidive ne constituant in fine qu'une obligation de moyens et non de résultat. En ce sens, le soin ordonné semble moins relever d’une ambition de traiter à tout prix un condamné dont la curabilité est en outre incertaine, que d'une volonté de démontrer la mobilisation des pouvoirs publics dans la lutte contre la récidive des auteurs d’infractions considérées comme les plus graves. Outre le principe du soin ordonné, il demeure néanmoins complexe dans les faits d’évaluer l’efficacité des méthodes de traitement utilisées.

B°) L’évaluation complexe de l’efficacité des méthodes de traitement employées

349. Imposition judiciaire d’un traitement médical. Il est à noter que lorsque le Code de procédure pénale fait état de ce que le juge de l’application des peines peut proposer un traitement au condamné, cela représente une offre de « contenant » et non de « contenu ». En effet, s’il est proposé au condamné d’entreprendre une démarche de soins, il ne revient toutefois pas à l’autorité judiciaire de définir les modalités de ce traitement. Le dernier alinéa de l’article L3711-3 du Code de la santé publique🏛 précise d’ailleurs que le médecin traitant, dans le cadre de l’injonction de soins, est « libre de prescrire tout traitement indiqué pour le soin du condamné ». Cette disposition peut néanmoins entrer en contradiction avec la jurisprudence de la chambre criminelle ayant affirmé que le juge, en l'occurrence la cour d'assises, n'était pas lié par les conclusions de l'expertise signifiant qu'aucun traitement n'était envisageable pour le condamné. En effet, l'expert peut estimer que le condamné ne présente aucun trouble ou qu’en l'état de la recherche médicale, il n'existe pas de traitement adapté à ce trouble et que, par conséquent, le condamné n'est pas curable[1737]. Dans ces cas, si le juge impose le suivi d'un traitement- bien qu’il n’en détermine pas les modalités - l'on peut fortement s'interroger sur l’efficacité d’un soin non préconisé par un expert-médecin mais uniquement par une autorité judiciaire. Cette décision démontre une volonté systématique d’action alors que certaines limites scientifiques sont clairement affichées. Néanmoins, force est de reconnaître que les expertises en la matière peuvent être contradictoires et que lorsqu'un expert conclut à l’inopportunité d'un soin, un second peut conclure en sens inverse.

350. Attribution au médecin d’une mission de lutte contre la récidive. Lorsque l’expert conclut à l’opportunité du soin, le médecin traitant se retrouve face à une première difficulté puisque le soin pénalement ordonné poursuit moins l'objectif de guérir le condamné au sens clinique du terme que de le traiter en vue d’amoindrir voire de faire disparaitre le risque de récidive[1738]. Il est ainsi demandé au soignant de traiter un individu dans le but de protéger la société plus que dans celui de lui permettre de se sentir mieux, ce qui ne correspond pas à la mission traditionnelle du professionnel de santé[1739]. La seconde difficulté à laquelle il doit faire face relève de la complexité d’appréhension du trouble (trouble du comportement, trouble de la personnalité) dont le condamné est atteint puisque si ce dernier doit être soigné, il n’est pas véritablement considéré comme étant malade. En ce qui concerne particulièrement les infracteurs sexuels, il est souvent fait référence à une déviance sexuelle dont la pratique est illégale et qui, si elle ne relève pas du choix conscient de l’intéressé, n’en affecte pas pour autant son discernement et sa capacité à contrôler son comportement à la suite d’une pulsion[1740]. Le travail thérapeutique entrepris aura donc pour objet de permettre au condamné de réduire voire supprimer les pulsions qu’il ressent, ou a minima - et sans doute de façon plus réaliste - de lui apprendre à les canaliser et à ne pas adopter un comportement réactionnel infractionnel, même si l'espace de soins a également pour vocation de conduire le condamné à « exprimer ses blessures personnelles[1741] ». En France, ce travail thérapeutique est principalement réalisé par le condamné avec l'aide d'un médecin psychiatre souvent accompagné d'un psychologue via une méthode psychanalytique, socle de la psychiatrie, néanmoins nécessairement adaptée à la mission de lutte contre la récidive.

351. Évaluation complexe de l’efficacité des méthodes psychothérapeutiques. S’il est admis que les soins doivent autant que faire se peut débuter dès l’incarcération en vue d’une efficacité optimale[1742], il est néanmoins difficile d'entreprendre des soins durant la période de détention provisoire tandis que la personne mise en cause est présumée innocente, sans que cela ne puisse être assimilé à une forme de reconnaissance des faits dont il est accusé et ainsi porter atteinte à ladite présomption. Quant aux méthodes employées, un certain nombre d’approches psychothérapeutiques coexistent. Tout d’abord, l’approche psychodynamique consiste en un travail psychique ayant pour objectif de traiter en profondeur les causes de l’infraction c’est-à-dire les origines de la violence du condamné, en travaillant sur son histoire personnelle[1743]. Trois axes de prise en charge peuvent être identifiés dans le cadre de cette approche. Il s'agit en premier lieu de l'instauration d'une relation de confiance entre le patient et le professionnel de santé. Dans un deuxième temps, l'objectif de la thérapie et de reconnaître les situations criminogènes auxquelles le condamné peut être confronté. Enfin, le condamné travaille sur ses besoins et les moyens de les satisfaire en toute légalité. Cependant le défaut de structuration de cette méthode ne permet pas d'apprécier son efficacité de manière certaine puisque sa reproductibilité n’est pas aisée. A contrario, l'on a pu observer une certaine efficacité des thérapies cognitivo-comportementales mieux structurées et consistant à modifier les « modes de pensée, (. .) réactions émotionnelles et (…) façons d’agir[1744] » du condamné. Par le biais d'une restructuration cognitive, il apprend notamment à gérer sa colère et développer son empathie. Il peut également bénéficier d'une éducation sexuelle jusque-là défaillante. C’est ainsi que la première approche envisage plutôt de répondre à la question du « pourquoi », tandis que la seconde envisage de répondre à celle du « comment »[1745]. Enfin, il n'est pas exclu d'entreprendre des thérapies familiales, notamment lorsque l'infraction sexuelle commise est de nature incestueuse[1746]. Ces consultations peuvent mettre en exergue des dysfonctionnements familiaux permettant ainsi de mieux cibler le travail à réaliser avec le condamné mais également de restaurer, autant que faire se peut, les relations entre les divers membres du cercle familial, y compris parfois la victime. Dans tous les cas, il est rappelé que quelle que soit l'approche utilisée, l'efficacité de la thérapie ne dépendrait de ce choix qu'à hauteur de 15 %. En revanche, la relation de confiance nouée entre le thérapeute et le patient revêtirait une importance prépondérante[1747]. Enfin, même s'il existe évidemment une triple intervention médicale, sociale et juridique, et qu'il est essentiel que l’ensemble des acteurs travaille en collaboration dans l’intérêt du condamné et de la société, il convient de distinguer le soin thérapeutique individualisé basé principalement sur des entretiens, des programmes de prévention de la récidive (PPR) majoritairement mis en oeuvre par les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation via des groupes de paroles dont l’objectif n’est pas thérapeutique mais uniquement criminologique, en ce qu’ils sont orientés vers un travail d’assimilation des règles sociales et légales en vue d’éviter une récidive. Il a, par ailleurs, été indiqué que ces programmes collectifs étaient moins adaptés aux personnes ayant commis une infraction de nature sexuelle[1748]. Quoi qu'il en soit, dans certains cas, lorsque les approches psychanalytique ou cognitivo-comportementale ne sont pas suffisantes un traitement médicamenteux peut les compléter.

352. Évaluation complexe de l’efficacité des méthodes médicamenteuses. En partant du constat selon lequel la pulsion sexuelle du condamné à l'origine de la commission des faits est d’ordre biologique, il a été envisagé d'instaurer un traitement médicamenteux dans le but d’annihiler cette pulsion. C’est ainsi que le dernier alinéa de l’article L3711-3 du Code de la santé publique🏛 affirmant la liberté du médecin traitant de choisir le traitement opportun, précise qu’il peut avoir recours à des médicaments inhibiteurs de libido. Si des médicaments neuroleptiques ont pu être utilisés dans un premier temps, leur effet sédatif a conduit à arrêter leur emploi dans le cadre du traitement des infracteurs sexuels[1749]. La mise en œuvre des traitements actuels repose notamment sur l’observation réalisée chez les hommes, d’une corrélation entre le taux de testostérone et l’importance de la libido[1750]. Il existe alors plusieurs méthodes permettant de faire baisser le taux de testostérone. En effet, des médicaments anti-androgènes, utilisés notamment pour traiter des cancers hormonodépendants tels que certains cancers de la prostate, réduisent directement les taux de testostérone par deux mécanismes distincts. Ils peuvent bloquer les récepteurs permettant à la testostérone de s'attacher aux cellules (c’est le cas de l’acétate de cyprotérone) ou bien agir en amont sur les récepteurs de l’hormone de libération des gonadotrophines hypophysaires (GnRH), (c’est le cas de la triptoréline)[1751]. L’intérêt de la triptoréline dans le traitement des infracteurs sexuels est qu’elle s’administre via une injection à longue durée d’action tandis que l’acétate de cyprotérone est uniquement administré par voie orale en France, ce qui engendre une incertitude sur la prise effective du traitement. Par ailleurs, sans agir directement sur le taux de testostérone, il existe des médicaments inhibiteurs de la sérotonine (SSRI) dont le but est de réduire les fantasmes et pulsions sexuels du condamné. L'administration de l’ensemble de ces traitements n'est toutefois pas anodine et des effets secondaires ont pu être constatés. Il peut s'agir d'une augmentation du risque d'infarctus du myocarde, d’ostéoporose, de croissance mammaire et de bouffées de chaleur ou encore de symptômes gastro-intestinaux[1752]. Ainsi, il existe des contre-indications à la prise de ces traitements[1753] et des examens sont régulièrement pratiqués sur les condamnés auxquels ils sont administrés, en vue de contrôler leurs effets secondaires[1754]. En outre, l’évaluation de l'efficacité de ces traitements n'est pas évidente. Comme cela fut justement précisé, il n'est pas possible de réaliser des études cliniques en double aveugle, c'est-à-dire en administrant un placebo à un groupe de personnes condamnées pour des infractions sexuelles, dans le but d’évaluer la réduction du risque de récidive. Cela représenterait un risque inacceptable car trop important pour la société. Il est donc difficile d'affirmer de manière certaine que ces traitements, s’ils permettent effectivement d'amoindrir les signes cliniques tels que les fantasmes et les pulsions sexuels du condamné, sont efficaces pour lutter contre la récidive, puisqu’une activité sexuelle peut être maintenue en l’absence de testostérone par exemple. Il est d’ailleurs reconnu que « l'état des savoirs relatifs aux fondements neurobiologiques du fonctionnement sexuel est extrêmement limité[1755] » De plus, le choix du traitement médicamenteux dépend du type de déviance dont le condamné est atteint[1756]. Ce qui fonctionne pour un condamné ne fonctionnera pas forcément pour un autre. Enfin, il convient de rappeler que l’effet de ces traitements médicamenteux est réversible et non définitif, c’est-à-dire qu’ils ne fonctionnent que tant qu’ils sont administrés au condamné. Il est donc nécessaire qu'un travail thérapeutique de fond d’ordre psychologique soit entrepris et accompagne la solution médicamenteuse. Enfin, afin de réduire drastiquement le taux de testostérone du condamné, le traitement chirurgical a pu être envisagé par certains. Ce traitement chirurgical n’est pas sans rappeler les positions adoptées quant à l'usage de la lobotomie pour lutter contre la délinquance de manière générale[1757]. Toutefois, en France, si le recours à un traitement psychothérapeutique et/ou médicamenteux est possible, le traitement chirurgical via la castration dite « physique » du condamné est prohibé. Il n'est donc pas possible de « mutiler » un condamné en vue de lutter contre la récidive. D'une part, l’intérêt de cette méthode est relatif puisque les effets de la castration physique sont sensiblement les mêmes que ceux des traitements médicamenteux amoindrissant le taux de testostérone. La particularité de la castration physique consiste néanmoins en l'extraction des testicules sécrétant 95% du taux de testostérone[1758]. D’autre part, si son irréversibilité présente l'avantage d'une quasi-disparition des symptômes cliniques, elle altère néanmoins significativement la sexualité du condamné dont le travail psychothérapeutique a pour objet de la rendre respectueuse des lois et non de l’annihiler. Il convient tout de même de constater que si la recherche médicale s’emploie à élaborer des protocoles de soin pour tenter de traiter au mieux les auteurs d’infractions sexuelles et violentes, la mise en œuvre de ces derniers dans le cadre carcéral est loin d’être évidente.

§2 - L’exigence du traitement appliquée au monde carcéral

353. Étude de la compatibilité entre le soin ordonné et l’univers carcéral. Dès lors que de l'incitation aux soins dépendent l'octroi et le maintien de l'aménagement de peine, cette incitation devient une exigence de soins déguisée. Or, si l'aménagement de la peine est subordonné au suivi d'un traitement en détention, encore faut-il que des moyens soient mis à la disposition du condamné désirant s'inscrire dans une démarche de soins. Pourtant, force est de constater, que l'exigence du traitement en détention se confronte à une offre de soins inadaptée (A) et que, quand bien même l’offre serait en adéquation avec la demande, le monde carcéral ne semble pas être un lieu propice au traitement du condamné. (B).

A°) L’exigence du traitement confrontée à une offre de soins inadaptée en prison

354. Une demande importante de soins. S’il est établi que l’état de santé de la population carcérale est dégradé en comparaison avec celui de la population générale, cette dégradation résulte non seulement d’une plus grande vulnérabilité et précarité de la population incarcérée, mais également de conditions de détention aggravant la situation sanitaire déjà fragile[1759]. En ce qui concerne les soins psychiatriques, si certains condamnés sont fortement incités à suivre un traitement, sous peine de ne pas se voir accorder d'aménagements de peine, le reste de la population carcérale peut également solliciter les personnels de santé. C’est ainsi que les médecins psychiatres doivent gérer les personnes détenues présentant des troubles psychiatriques plus ou moins lourds. En l’absence d'étude épidémiologique récente permettant d'appréhender quantitativement et qualitativement les pathologies mentales affectant les personnes détenues, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté se fonde sur des études réalisées en 2007 et 2015 pour constater que 80% des hommes incarcérés souffriraient d’au moins un trouble psychiatrique.24 % d’entre eux souffriraient d'un trouble psychotique[1760]. En l’état de la législation relative aux causes d’irresponsabilité pénale, ces statistiques peuvent a priori étonner mais il convient de rappeler que bien que la personne atteinte d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes au moment de la commission des faits, doive être déclarée irresponsable pénalement[1761], il n'est pas rare de rencontrer en prison des personnes détenues atteintes de troubles psychiatriques. Cela peut résulter de causes diverses. Tout d'abord, si une expertise psychiatrique est régulièrement ordonnée en matière criminelle[1762], le volume du contentieux correctionnel ne permet pas de systématiser le recours à l’expert, ce qui signifie qu’en la matière, les troubles psychiques sont plus difficilement diagnostiqués. Deuxièmement, il convient de rappeler que la juridiction de jugement n'est pas tenue par les rapports d'expertises concluant à l'abolition du discernement de la personne mise en cause, et peut prononcer une peine si elle estime que la responsabilité pénale de l’individu doit être retenue. Enfin, si le trouble psychique ou neuropsychique est diagnostiqué, la responsabilité pénale de l'auteur des faits ne s'en trouve pas amoindrie dès lors que ce trouble n’a eu aucun effet sur son discernement. Cela peut être le cas, par exemple, d’un individu atteint d'une schizophrénie et qui aurait commis une infraction tandis que le traitement lui étant administré lui permettait d'être totalement discernant au moment des faits. En outre, lorsque le discernement est simplement altéré, il est possible pour la juridiction de jugement d'entrer en voie de condamnation, bien que le quantum de la peine privative de liberté doive être réduit en principe[1763]. Enfin, il ne faut pas nier qu’en raison de considérations pragmatiques, compte tenu de la crise à laquelle est confrontée le secteur psychiatrique de manière générale, liée principalement à un manque de moyens, certains experts sont réservés à l’idée de conclure à l’abolition du discernement d’un individu en sachant qu’il devra in fine être pris en charge par le service public hospitalier à l’extérieur. En définitive, la présence d’individus présentant des pathologies psychiatriques en prison n’est donc pas contraire au droit et n’est pas exceptionnelle, contrairement à l’idée répandue selon laquelle « on ne jugerait pas les fous[1764] ». Il incombe donc au personnel médical exerçant en milieu carcéral de veiller au suivi de ces personnes détenues. D'autre part, qu'il s'agisse de personnes détenues présentant des troubles psychiatriques en amont de l'incarcération ou de personnes vis-à-vis desquelles aucun diagnostic n'avait été posé lors de leur entrée en prison, force est de constater que l'établissement pénitentiaire en tant que lieu d’enfermement, mais également au regard des conditions carcérales, constitue un cadre propice au développement des maladies mentales et à la dégradation de la santé mentale en général. Le risque suicidaire y est accru[1765] tout comme le risque de dépressions. En effet, l'enfermement, l’oisiveté liée au manque d’activités, la rupture des liens familiaux et l'absence de perspective de sortie pour les longues peines constituent autant d'éléments suffisant à altérer gravement la santé mentale des personnes incarcérées. Par ailleurs, les psychiatres sont également sollicités dans le cadre du traitement des addictions dont souffrent certaines personnes détenues. Enfin, il ne faut pas oublier qu'en dehors de toute incitation aux soins émanant de la juridiction de l'application des peines, certains condamnés souhaitent s’inscrire dans une démarche de soins, et sollicitent ainsi fréquemment le personnel médical, en vue de pouvoir justifier d'efforts sérieux de réinsertion dans le cadre de la constitution de leur dossier de demande d'aménagement de peine. Or, force est de constater que les moyens répondant à ces diverses sollicitations sont inadaptés.

355. Une offre de soins limitée. De manière générale, la qualité des soins offerts aux personnes détenues constitue depuis longtemps une problématique non résolue. Si la loi du 18 janvier 1994🏛[1766] a consacré le rattachement des soins somatiques et psychiatriques en milieu carcéral (relevant préalablement du ministère de la Justice) au ministère de la Santé, attribuant ainsi des moyens supplémentaires à la médecine pénitentiaire, l’offre de soins demeure limitée. Concernant le suivi psychiatrique des personnes détenues, celui-ci peut être réalisé au sein des unités sanitaires en milieu pénitentiaire (USMP) en ambulatoire et parfois en hospitalisation de jour, laquelle peut également s’effectuer au sein des services médico-psychologiques régionaux (SMPR). Par ailleurs, les unités hospitalières spécialement aménagées permettent une hospitalisation complète lorsque cela est rendu nécessaire. Toutefois, malgré la volonté affichée des pouvoirs publics d'offrir aux personnes détenues une prise en charge médicale équivalente à celle pratiquée à l’extérieur, force est de constater que les établissements pénitentiaires sont confrontés à une carence alarmante en personnel médical[1767]. Cette carence concernant l'équipe soignante en général et les psychiatres en particulier n’est pas nouvelle puisque déjà en 2009, la pénurie de médecins psychiatres[1768] était relevée[1769]. Cela était partiellement expliqué par le faible attrait de l’exercice psychiatrique en milieu carcéral ne constituant pas fondamentalement une vocation[1770] malgré des incitations notamment financières[1771]. La situation n’a pas favorablement évolué puisque le Contrôleur général des lieux de privation de liberté regrettait encore récemment que l'augmentation de la population carcérale n’ait pas été corrélée par une augmentation des moyens humains, rendant ainsi la crise du secteur psychiatrique[1772] encore plus prégnante en prison[1773]. Cet avis fait état d’un allongement des délais de rendez-vous mais aussi d’une inégale répartition de l'accès aux soins psychiatriques[1774]. D’ailleurs, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a pu s’inquiéter du fait que même les établissements pénitentiaires censés permettre d'assurer un suivi médical et psychologique adapté, (au sein desquels sont notamment affectées les personnes condamnées à un suivi socio-judiciaire, c’est-à-dire des personnes fortement incitées à entreprendre un traitement en détention) - rencontrent autant de difficultés d’accès aux soins. L’établissement pénitentiaire de Château-Thierry constitue un exemple de la crise psychiatrique en milieu pénitentiaire, à tel point que le CGPL a appelé de ses voeux au « développement de structures hospitalières sécurisées en lieu et place de la création de prisons médicalisées afin d’assurer une prise en charge adaptée ». En effet, ce centre pénitentiaire accueille aujourd’hui principalement des personnes détenues présentant de lourds troubles psychiatriques et ne pouvant plus être prises en charge dans leurs établissements d’origine. Or, si cet établissement disposait de moyens sanitaires renforcés, cela n’était pas dans le but d’héberger ce type de profils[1775]. En juillet 2022, la section française de l’Observatoire international des prisons dénonçait encore l'insuffisance de l'accès aux soins spécialisés[1776] et le sous-dimensionnement de l'offre de soins en raison de l’insuffisance et de la mauvaise répartition des dotations en personnel[1777] et de l’importance des postes vacants[1778]. Par ailleurs, l’inégale répartition des personnels de santé se confronte à la nécessité de maintenir les liens familiaux de la personne détenue et ne peut être comblée par des transfèrements inopportuns. Outre les conséquences engendrées par cette situation sur les conditions de vie en général, et sur la santé en particulier des personnes détenues, les carences observées influent considérablement sur l'exécution de la peine et l'accès à un aménagement de peine, le cas échéant. Si le Contrôleur général des lieux de privation de liberté regrette l’impossibilité pour certaines personnes détenues de respecter l’obligation de soins prononcée à leur égard[1779], il n’est pas acceptable qu'un condamné ne puisse accéder régulièrement aux soins dont le suivi est requis par la juridiction de l'application des peines pour que lui soit accordé un aménagement. En effet, si une condition supplémentaire est imposée, il convient d'offrir au condamné les moyens de la satisfaire. D'autre part, il n'est pas non plus acceptable, au regard de l'objectif de protection de la société, de ne pouvoir prodiguer des soins réguliers à une personne ayant commis une infraction d'une particulière gravité, lorsqu'un traitement est envisageable. En définitive, l'offre de soins psychiatriques carencée en milieu pénitentiaire constitue une limite concrète à l’exigence croissante de traitement. De surcroit, si le maintien de l'aménagement de peine est conditionné au suivi d'un traitement en milieu ouvert, les délais de consultation des médecins psychiatres sont également relativement longs. Par conséquent, l'exigence de traitement n'étant pas corrélée à une augmentation proportionnelle des moyens humains, deux situations distinctes mais tout aussi problématiques peuvent en résulter. Soit l'accès aux aménagements de peine et leur maintien sont restreints pour le condamné ayant été confronté à l’impossibilité d’un suivi régulier. Cette situation est injuste car le condamné subit ici l'offre de soins carencée dont il n’est pas responsable. Soit le juge de l'application des peines tient compte des limites pratiques rencontrées et de la bonne volonté du condamné, et permet l’aménagement de la peine tandis qu’il sait pertinemment qu’un suivi sérieux n’a pu être effectué compte tenu de la faible fréquence des consultations par exemple. Partant du postulat que le soin limite le risque de récidive, cette situation peut être dommageable à l’égard de l'objectif de protection de la société. Enfin, outre les carences institutionnelles de l'offre de soins, l'exigence du traitement se confronte aux difficultés quotidiennes rencontrées en milieu pénitentiaire.

B°) L’exigence du traitement confrontée aux difficultés quotidiennes du monde carcéral

356. La prison : un lieu défavorable aux soins. Si l’établissement carcéral est le lieu d’exécution de la peine privative de liberté, il est plus difficile d’y voir un lieu de soin[1780]. En effet, lorsque l’on songe au milieu médical, l’on imagine un entretien avec un professionnel de santé se déroulant au sein de son cabinet ou au sein d’une structure hospitalière. En revanche, la personne détenue bénéficiant d’un suivi médical en prison est de facto confrontée aux spécificités du monde carcéral en tant que cadre spatial de soin. En effet, des considérations sécuritaires mais également un manque de moyens matériels considérable s’opposent bien souvent au bon déroulement du soin. La vétusté des lieux, dont la rénovation est jugée bien trop lente et malheureusement rarement réalisée en concertation avec les professionnels de santé, a été pointée du doigt[1781]. Le manque d’espace dédié au soin est une problématique spécifique au monde carcéral. D’une part, certains locaux sont inadaptés au passage d’un brancard ou même d’un fauteuil roulant. D’autre part, il n'est pas rare que les soignants doivent se partager des espaces de consultation. Ainsi, la garantie du secret professionnel ne peut qu'être altérée lorsqu'un simple rideau sert de séparation[1782]. Par conséquent, avant de palier la carence en personnel médical, il convient de pouvoir accueillir des soignants supplémentaires et leur permettre d’exercer dans des conditions optimales, ce qui n’est pas toujours le cas. Les soignants exerçant en milieu pénitentiaire sont par ailleurs handicapés par le manque de moyens matériels et l'obsolescence des outils dont ils disposent, ce qui n’est pas sans incidence sur la qualité des soins prodigués[1783]. Aussi, si la télémédecine est envisagée, elle n'est pas applicable à toutes les spécialités. Par exemple, la consultation virtuelle d'un psychiatre paraît amoindrir l’efficacité de la thérapie. En outre, afin d’assurer la sécurité des personnes au sein de l’établissement carcéral, les personnes détenues sont parfois confrontées au refus opposé par l'administration pénitentiaire de conserver en cellule certains traitements et matériels médicaux pourtant nécessaires, tels que des stylos à insuline utilisés dans le cadre d’une pathologie diabétique. Lits médicalisés, prothèses, lecteurs de glycémie, béquilles et bien d’autres, sont autant de matériels difficilement accessibles[1784]. A cela se rajoutent des difficultés d’ordre administratif comme l’affiliation à une couverture sociale ou sa mise à jour. Outre la difficile mise en œuvre des soins en milieu carcéral, les conditions carcérales subies par les personnes détenues ne sont pas non plus favorables à leur inscription dans une démarche de soins pouvant n’apparaître que secondaire. En effet, il convient de rappeler que le surpeuplement carcéral structurel affecte de nombreux établissements pénitentiaires français. La promiscuité, l'insalubrité et les violences en résultant, sont d’ailleurs régulièrement dénoncées. La priorité du condamné baignant dans des conditions carcérales difficiles, et sans doute moins de débuter une psychothérapie que de gérer le quotidien de la détention. Il faut notamment tenir compte de l’oisiveté carcérale que le condamné cherche à combattre en sollicitant son inscription à quelques activités ou emplois dont la pénurie est criante. L'une des priorités des personnes incarcérées est également de maintenir les liens familiaux et sociaux qu'elles avaient à l’extérieur, souvent bien plus que de débuter une thérapie. Par conséquent, il n’est pas toujours envisageable de demander un transfèrement vers un établissement présentant une offre de soins supérieure si cela implique un éloignement géographique trop important. Les conditions carcérales délétères peuvent également s’exprimer par des relations conflictuelles avec d’autres personnes détenues, se traduisant par des violences verbales et physiques. Pour certains, la priorité est donc parfois d'assurer leur propre sécurité en sollicitant notamment un changement de cellule ou un changement de bâtiment. Il est évident que le condamné ne se sentant pas d’abord en sécurité ne sera pas forcément en capacité de se mobiliser dans le cadre d’une thérapie ou quelque soin que ce soit. En définitive, la gestion quotidienne de la réalité carcérale constitue donc un obstacle supplémentaire à l’inscription du condamné dans une démarche de soins. Ainsi, l’on ne peut pas vraiment considérer la prison comme un lieu favorable à un travail thérapeutique « apaisé ». S’il s’agit effectivement d’un lieu anxiogène et non d’un lieu de soins, il y existe toutefois un espace de soins à disposition du condamné. Pour autant, même lorsque le condamné souhaite débuter un traitement, il est parfois difficile pour lui de le solliciter.

357. La difficile sollicitation du soin en milieu pénitentiaire. Outre les difficultés matérielles rencontrées et les préoccupations lointaines du condamné, ce dernier peut rencontrer d’autres obstacles à la sollicitation du soin en détention. En premier lieu, les auteurs d’infractions sexuelles à l’égard desquelles une incitation aux soins est régulièrement formulée, peuvent refuser de se soumettre à un traitement quand bien même ils n’y seraient pas opposés, par crainte d’être identifiés comme tels. L’on sait qu’il s’agit d’une population carcérale particulièrement fragile et soumise à l’animosité des autres personnes détenues. Il n’est pas forcément souhaitable de semer des indices quant à la nature de l’infraction commise via des consultations régulières auprès d’un psychologue ou d’un psychiatre. Si en milieu ouvert, le condamné réintègre son domicile après une telle consultation, ce n’est pas le cas en milieu fermé et il convient ensuite d’affronter a minima les regards suspicieux et inquisiteurs ainsi que les rumeurs lancées le cas échéant, avec les risques sécuritaires que cela comporte. D'autant plus que le secret médical n'est que très difficilement garanti en détention puisque l'exiguïté des locaux ne permet pas d'assurer la discrétion nécessaire. De plus, lorsqu'une personne détenue présente une problématique d’auto-agressivité ou d’hétéro-agressivité observée par le soignant, l'administration pénitentiaire est rapidement informée qu'il convient d'accroître sa surveillance, lui attribuer un codétenu, ou encore procéder à un changement de cellule ou à sa mise à l’isolement provisoirement. Ainsi, tout changement est remarqué par les autres personne détenues, la prison étant un lieu clos au sein duquel l’information circule rapidement[1785]. C’est donc parfois dans un objectif d’autoprotection que le condamné n’ose pas franchir le pas du soin en détention alors qu’il se serait sans doute soumis à l’injonction en dehors des murs. Par ailleurs, pour les condamnés étrangers, la barrière de la langue complexifie la mise en œuvre des soins et constitue un obstacle plus aisément soluble à l’extérieur[1786]. L'organisation de la vie carcérale peut également empêcher le bon déroulement du soin. C’est notamment le cas lorsque les surveillants ne sont pas disponibles pour conduire le condamné rencontrer le médecin ou encore lorsque l'emploi du temps du condamné qui travaille, se rend à une activité ou bénéficie d'un parloir, ne coïncide pas avec celui du praticien[1787]. Il est également difficile pour le condamné de s’inscrire durablement dans un parcours de soins lorsqu'il fait l'objet de transfèrements successifs. En effet, ces derniers causent systématiquement des ruptures du soin dont on sait qu’elles sont néfastes, principalement à une prise en charge psychologique nécessitant l'instauration progressive d'une relation de confiance durable. Il échet alors au condamné de découvrir une nouvelle équipe médicale avec laquelle il devra nouer des liens avant de pouvoir se livrer à nouveau. Ces rotations complexifient d’ailleurs l’évaluation de l'évolution du condamné–patient, bien que les nouveaux soignants disposent de son dossier médical. Enfin, le choix du praticien n'est évidemment pas permis en détention compte tenu de la carence de l'offre de soins. Or, la place de l’intuitu personae est fondamentale dans la relation patient-soignant, a fortiori dans le cadre d'un travail psychothérapeutique. En définitive, l’on ne peut que constater que le condamné désireux de s’inscrire dans une démarche thérapeutique en milieu carcéral rencontre bon nombre d’obstacles.

Conclusion du chapitre 1

358. Une condition supplémentaire de traitement difficilement mise en œuvre. Il n'est pas possible d'analyser le cadre juridique de l'aménagement des longues peines privatives de liberté sans faire état de la présomption de trouble mental attribuée au condamné ayant gravement troublé l’ordre public. Celle-ci présente d'ailleurs un lien étroit avec la présomption de dangerosité que l'expert doit évaluer en vue de l'aménagement de la peine. En l'occurrence, selon le législateur, la personne ayant commis une grave infraction - principalement de nature sexuelle ou violente - présentant nécessairement un trouble psychique quelconque, doit être traitée en vue d’éviter une récidive. C’est en partant de ce postulat que la peine de suivi socio-judiciaire a été introduite en 1998. Accompagnant la peine privative de liberté prononcée, le suivi socio-judiciaire permet de mettre à exécution une peine d’emprisonnement spécifiquement prévue, lorsque le condamné ne respecte pas l’injonction de soins ayant été ordonnée à son encontre. Le suivi socio-judiciaire ayant été largement étendu tant en son domaine qu’en ses modalités d'application, l'injonction de soins a progressivement innervé la phase des aménagements de peine, consacrant ainsi le médecin en acteur supplémentaire de l'aménagement des longues peines mais surtout le soin en nouvelle condition d'accès et au maintien de ces mesures. La fonction curative de la longue peine privative de liberté est ainsi actée. Toutefois, les velléités du législateur ne doivent pas faire oublier les difficultés d'application des dispositions instaurées. Ainsi, l'efficacité du traitement pénalement ordonné peut laisser dubitatif en l’absence d’investissement personnel du condamné, bien que son consentement soit requis. En effet, il ne peut être fait abstraction de la vision utilitariste du soin par le condamné l’appréhendant comme moyen d'accès à l'aménagement de la peine. D'autre part, bien que la pathologisation des personnes ayant commis une infraction grave et la sacralisation du soin laissent imaginer que l’on saurait guérir la criminalité, il faut reconnaitre qu’il est complexe d’évaluer l’efficacité des méthodes employées sur la récidive future des condamnés. Cette évaluation est d'autant plus complexe que les moyens humains et matériels n'ont pas accompagné l’objectif de traitement des condamnés en milieu pénitentiaire. La carence alarmante en personnel médical, et en particulier en psychiatres, ne permet pas aujourd'hui de répondre à l'intégralité de la demande de soins psychiques en prison. Par ailleurs, l'on ne peut nier que les conditions carcérales font de la prison un lieu hostile au bon déroulement d'un soin psychothérapeutique. En définitive, il semble vain d’ériger le soin en condition préalable d'accès aux aménagements de peine en vue de prévenir la récidive des condamnés si les pouvoirs publics ne se saisissent pas des difficultés d'ordre médical et carcéral. Le vœu de traiter les personnes ayant commis les plus graves infractions semble pieux et la difficile mise en œuvre de cette condition supplémentaire de soins porte ainsi atteinte tant aux intérêts du condamné qu’à ceux de la société.

Chapitre 2 : Un accès révélant la méfiance du législateur

359. Une velléité de contrôle affaiblissant l’aménagement des longues peines. Si la sécurisation renforcée de l'aménagement des longues peines privatives de liberté se traduit par une exigence de traitement du condamné, elle révèle en réalité la méfiance du législateur à l'égard de ce dernier. Ayant commis une infraction grave, la personne condamnée à une longue peine ne peut être admise au bénéfice de la libération conditionnelle sous les mêmes conditions et sous le même régime que les autres. Ainsi, le législateur a rigoureusement durci le cadre juridique de la libération conditionnelle, jusqu’à la dénaturation de la mesure (Section 1). La volonté de contrôler le condamné au sortir de l'établissement pénitentiaire semblant primer sur l'objectif de sa réinsertion, peut-être mise en corrélation avec le développement des mesures de sûreté et inquiéter quant à l’éventuel risque de disparition progressive de la libération conditionnelle (Section 2).

Section 1 : La dénaturation de la libération conditionnelle accordée aux longues peines

360. Une libération conditionnelle moins intéressante. D’aménagement idoine des longues peines sanctionnant les efforts sérieux de réinsertion par un élargissement anticipé consacrant ainsi un état d’esprit de confiance vis-à-vis du condamné, la libération conditionnelle semble avoir été progressivement dénaturée. D’une part, le caractère obligatoire de l’exécution d’un aménagement de peine probatoire a renforcé la notion de mise à l'épreuve du condamné dont les efforts sérieux de réinsertion ne suffisent plus (§1). D’autre part, la confiance accordée au condamné pendant le temps du délai d’épreuve a été significativement amoindrie par l’exigence de contrôle de ce dernier (§2).

§1 - Le renforcement de la mise à l’épreuve des condamnés

361. Aménagements de peine probatoires : un outil de progressivité de l’exécution de la peine érigé en obstacle à la libération conditionnelle. Le renforcement de la mise à l'épreuve des personnes condamnées à une longue peine privative de liberté se traduit par l’instauration d’aménagements de peine probatoires obligatoires (A) complexifiant l'articulation entre les divers régimes spéciaux de la libération conditionnelle (B).

A°) L’instauration d’aménagements de peine probatoires obligatoires[1788]

362. Une volonté antérieure de relance de l'aménagement des longues peines. Aux termes des articles 723-1 et 723-7 du Code de procédure pénale🏛🏛, le juge de l'application des peines dispose de la faculté de subordonner l’octroi d’une libération conditionnelle à l'exécution, à titre probatoire, d'une mesure de semi-liberté, placement à l’extérieur ou détention à domicile sous surveillance électronique. La durée de l’aménagement de peine probatoire ainsi accordé ne doit pas excéder un an. Cet aménagement peut d’ailleurs être exécuté un an avant la fin du temps d’épreuve ou un an avant la date à laquelle la libération conditionnelle parentale est possible. Il a été observé que les dispositions précitées pouvaient permettre à des personnes condamnées à de longues peines de tirer profit des aménagements dits de « fin de peine » pouvant ainsi être accordés dans des conditions correspondant à leur temporalité, en respectant en outre le principe de progressivité développé par Paul Amor. Cependant, il convient d’observer que cette faculté constitue une obligation pour certaines longues peines. Tout d’abord, la loi du 9 septembre 1986🏛[1789] a introduit un article 720-5 au sein du Code de procédure pénale🏛, aux termes duquel les personnes condamnées à une peine de réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une période de sûreté supérieure à quinze ans et sollicitant une libération conditionnelle, devaient préalablement avoir été placées sous le régime de la semi-liberté durant une période minimale d'un an[1790], laquelle ne pouvait excéder trois ans[1791]. L'on remarquera qu’outre le caractère obligatoire de la semi-liberté probatoire, la durée de cette dernière était plafonnée à trois ans et non pas un an, comme cela est le cas dans le régime de droit commun[1792]. Les travaux préparatoires envisageaient néanmoins un plafond de cinq ans[1793], celui-ci n'ayant pas été retenu compte tenu de son caractère peu réaliste[1794]. L'on ne peut toutefois pas considérer la loi de 1986 comme une loi souhaitant restreindre l'accès des longues peines aux aménagements. Au contraire, l'objectif était notamment de relancer l'octroi de la semi-liberté et de donner une « chance de réinsertion sociale » aux « condamnés les plus dangereux »[1795] , ce qui contraste avec les discours ambiants quasi exclusivement orientés vers l'objectif de protection des intérêts de la société, l'objectif de réinsertion sociale n’étant plus réservé qu’aux courtes voire moyennes peines. La notion de mise à l’épreuve, exprimée à travers l'emploi du terme d’ « expérimentation[1796] », ne constitue d’ailleurs pas encore l'obstacle qu’elle représente aujourd’hui[1797]. À titre d’illustration, il était prévu que la semi-liberté puisse intervenir avant que les conditions temporelles exigées en matière de libération conditionnelle ne soient remplies, bien qu’après exécution de la période de sûreté[1798]. Il avait même été estimé dans les travaux préparatoires qu'une durée de six mois permettait d'observer suffisamment le condamné[1799]. Une première évolution eut lieu six ans plus tard, puisque l’article 86 de la loi du 16 décembre 1992🏛[1800] supprimait la référence au quantum de la peine au sein de l’article 720-5 du Code de procédure pénale🏛, imposant ainsi l'exécution d'une semi-liberté probatoire à toutes les peines privatives de liberté assorties d'une période de sûreté excédant quinze ans[1801]. La suppression de la référence à la peine de réclusion criminelle à perpétuité étendait donc le domaine de l'aménagement de peine probatoire obligatoire pouvant comprendre alors les peines d'une durée minimale de vingt-trois ans et assorties d’une période de sûreté des deux-tiers[1802]. Cette extension tenait notamment compte de l'introduction de la peine de réclusion criminelle de trente ans dans l'échelle pénale. Toutefois, en vue de faciliter l'octroi de la libération conditionnelle aux longues peines, le législateur élargissait, par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, les modalités de l’aménagement de peine probatoire obligatoire en y intégrant le placement sous surveillance électronique, devenu détention à domicile sous surveillance électronique, dont la mise en oeuvre apparaissait plus aisée que celle de la semi-liberté[1803], et qui était déjà possible en tant qu’aménagement de peine probatoire facultatif depuis 1997. Ainsi, c’est encore la réinsertion progressive du condamné qui préoccupait l'esprit du législateur[1804]. Cependant, force est de constater le changement de paradigme opéré par le législateur depuis la loi du 10 août 2011🏛, la logique sécuritaire adoptée ayant considérablement durci les conditions d'accès à la libération conditionnelle.

363. Une volonté actuelle de durcissement des conditions d'accès à la libération conditionnelle. La loi du 10 août 2011🏛 ayant introduit l'article 730–2 au sein du Code de procédure pénale🏛 a créé un régime spécial de libération conditionnelle applicable aux longues peines privatives de liberté. L'esprit de la loi était de durcir les conditions d'accès à la libération conditionnelle en vue de sécuriser l’octroi de cet aménagement dans le cadre de la lutte contre la récidive devenue la préoccupation centrale du législateur[1805]. D’ailleurs, la réinsertion du condamné n'est plus mentionnée au sein des travaux préparatoires. Il a pu être observé que ce régime consacre la compétence exclusive du tribunal de l'application des peines indépendamment du reliquat de la peine à exécuter. Il subordonne en outre la libération conditionnelle de la personne condamnée à une longue peine privative de liberté, à l'évaluation préalable de sa dangerosité via une admission au sein du centre national d’évaluation et la réalisation d’expertises psychiatriques. Cet article reprend et remplace également les dispositions de l'article 720–5 du Code de procédure pénale🏛 prévoyant l’exécution d’aménagements de peine probatoires à la libération conditionnelle, en les durcissant. C'est ainsi que le juge de l'application des peines, autrefois compétent pour accorder les aménagements probatoires lorsque le reliquat de peine à exécuter était inférieur à trois ans[1806], voit sa compétence disparaitre au profit du tribunal de l'application des peines devenu décisionnaire exclusif. En outre, le champ d’application des aménagements de peine probatoires est très largement étendu puisqu’ils peuvent être exigés à l’égard de personnes condamnées à une peine privative liberté de dix ans lorsque l’infraction commise est mentionnée à l'article 706-53-13 du Code de procédure pénale[1807] tandis qu’une peine minimale de vingt-trois ans était préalablement requise. Désormais, le prononcé d'une période de sûreté est indifférent. L'ensemble des personnes condamnées à une peine de réclusion criminelle à perpétuité, une peine privative de liberté d'une durée minimale de quinze ans prononcée pour une infraction faisant encourir un suivi socio-judiciaire ou une peine privative de liberté minimale de dix ans dans les cas susmentionnés, est soumis au régime spécial de libération conditionnelle et doit exécuter un aménagement de peine probatoire[1808]. Si toutes les longues peines ne sont pas visées[1809], la portée de l’article 730-2 est assez large. L'on observera que, bien que les infractions en cause soient graves, le quantum minimal de la peine privative de liberté fixé à dix ans est incomparable avec les quanta des peines autrefois visées. Ainsi, imposer un aménagement de peine probatoire pendant trois ans à un condamné dont le temps d'épreuve théorique[1810] est de cinq ans, revient à réduire considérablement la durée de la libération conditionnelle pouvant in fine être inférieure à celle de l’aménagement de peine probatoire. Il est clair que désormais, l’objectif n'est plus de faciliter l'octroi de la libération conditionnelle mais d’en restreindre l’accès via la systématisation d'un sas préalable[1811]. Ce sas traduit la volonté d'une mise à l'épreuve supplémentaire obligatoire pour les personnes condamnées à une longue peine dont les efforts de réinsertion fournis pendant le temps d’épreuve ne suffisent plus à obtenir une libération conditionnelle. D'ailleurs, en ce qui les concerne, l'aménagement de peine probatoire ne peut être accordé avant la fin du temps d’épreuve, comme cela est le cas pour les aménagements de peine probatoire facultatifs. Cela démontre la volonté de cumuler les preuves de réinsertion du condamné sans que le législateur n’ait jamais l’air véritablement satisfait. Enfin, si la loi du 15 août 2014 ajoute le placement à l'extérieur en tant que modalité d’aménagement de peine probatoire, ce n'est pas tant pour faciliter l'octroi de la libération conditionnelle que pour d’une part, renforcer l’encadrement des personnes condamnées à une longue peine et d’autre part, harmoniser les aménagements de peine probatoires facultatifs et ceux rendus obligatoires pour les longues peines[1812]. D'ailleurs, la question de l’application temporelle de ce régime spécial particulièrement sévère[1813] s’est posée et la jurisprudence ne semble pas homogène à ce sujet, les juridictions du fond paraissant s’opposer à la Haute juridiction. Tout d’abord, il convient de rappeler les dispositions de l’article 112-2 du Code pénal🏛 indiquant que « sont applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur (…) les lois relatives au régime d'exécution et d'application des peines ; toutefois, ces lois, lorsqu'elles auraient pour résultat de rendre plus sévères les peines prononcées par la décision de condamnation, ne sont applicables qu'aux condamnations prononcées pour des faits commis postérieurement à leur entrée en vigueur ». Si le principe est donc l’applicabilité immédiate des lois relatives à l'exécution des peines, ces dernières ne peuvent rétroagir si elles aggravent les peines prononcées. Dans un jugement rendu le 18 juillet 2013, le tribunal de l'application des peines de Bastia s’est fondé sur cette disposition pour faire droit à la libération conditionnelle d’un condamné en considérant que les dispositions de l’article 730-2 ne pouvaient trouver application en l’espèce, les faits ayant été commis avant leur entrée en vigueur. Le tribunal ne faisait néanmoins pas référence à l'aggravation de la peine prononcée mais à l’aggravation des conditions d’octroi de l’aménagement de peine par les nouvelles dispositions[1814]. Pourtant, sans expliquer plus amplement sa décision, dans un arrêt du 15 octobre 2014, d'ailleurs non publié au bulletin, la chambre criminelle de la Cour de cassation adopte la position inverse en affirmant que les dispositions de l’article 730-2 sont applicables même lorsque les faits ont été commis antérieurement à leur entrée en vigueur[1815]. En l'espèce, le requérant souhaitait que l’aménagement de peine probatoire s’exécute sous la forme d’un placement à l’extérieur. Or, cette modalité non prévue par l’article 730-2[1816], l’était uniquement par l’article 723-1 consacrant le régime des aménagements probatoires facultatifs dont ne relevait plus le condamné, selon la Haute juridiction. Néanmoins, dans un arrêt rendu le 24 mars 2016, la cour d’appel de Versailles ne suit pas le raisonnement de la Cour de cassation puisqu’elle indique que le régime spécial de l’article 730-2 applicable aux longues peines « rajoute des formalités plus lourdes à l'examen d'une demande de libération conditionnelle et a pour résultat de rendre plus sévère les peines prononcées par la décision de condamnation[1817] ». Elle en écarte ainsi l’application au cas d’espèce, les faits ayant été commis avant leur entrée en vigueur[1818]. En définitive, la mise en œuvre temporelle du régime prévoyant des aménagements de peine probatoires obligatoires pour les personnes condamnées à une longue peine apparait complexe, Il est à noter qu’il en va de même de son articulation avec les autres régimes spéciaux.

B°) La complexification de l’articulation des régimes spéciaux de libération conditionnelle

364. Complexité de l’articulation du régime spécial de libération conditionnelle des longues peines et du régime spécial de libération conditionnelle des condamnés étrangers. Aux termes de l’article 729–2 du Code de procédure pénale🏛, la personne étrangère condamnée à une peine privative de liberté et faisant l’objet d'une mesure d'éloignement du territoire français[1819], peut bénéficier d’une libération conditionnelle dite « expulsion », celle-ci étant néanmoins subordonnée à l’exécution de la mesure d’éloignement. D’ailleurs, l’une des particularités de cet aménagement est qu’il peut être prononcé sans le consentement du condamné. Le deuxième alinéa de cet article prévoit que la juridiction de l’application des peines peut toutefois accorder une libération conditionnelle en ordonnant la suspension de l’exécution de la peine complémentaire d’interdiction du territoire français pendant le délai d’épreuve[1820]. En l’absence de révocation de la libération conditionnelle à l’issue de ce délai, le condamné est relevé de la mesure d’interdiction du territoire tandis qu’en cas de révocation, la mesure redevient exécutoire. Évidemment, lorsqu’il est fait application du premier alinéa de l’article 729-2 dudit Code, il est matériellement impossible de subordonner la libération conditionnelle à l'exécution d'une mesure d'éloignement du territoire et dans le même temps à l'exécution d’un aménagement de peine probatoire sur le territoire. C’est la raison pour laquelle, dans ce cas, l’article D541 du Code de procédure pénale🏛 prévoit que lorsque la libération conditionnelle est subordonnée à l’exécution d’une mesure d’éloignement du territoire, la personne étrangère condamnée à une peine privative de liberté de longue durée mentionnée par l’article 730-2, ne peut être soumise à l’exécution d’un aménagement de peine probatoire. D’ailleurs, dans ce cas, l'octroi de la libération conditionnelle n'a pas non plus à être apprécié au regard des critères personnels, familiaux et sociaux visés par l'article 729 du Code de procédure pénale🏛, siège du régime de droit commun de la libération conditionnelle[1821]. Pour que les dispositions de l’article D541 trouvent application, il échet néanmoins que le condamné fasse l’objet d’une mesure d’éloignement. La seule nationalité étrangère ne suffit pas à solliciter la « libération conditionnelle-expulsion » prévue par l’article 729-2 al.1 du Code de procédure pénale🏛. C’est ainsi qu’en l’absence de mesure d’éloignement, la libération conditionnelle du condamné étranger doit donc non seulement être appréciée en tenant compte des critères personnels, familiaux et sociaux mentionnés par le régime de droit commun mais également - s’il exécute une longue peine visée par l’article 730-2 du Code de procédure pénale🏛 - au regard des dispositions dérogatoires, à savoir l’exécution d’un aménagement de peine probatoire[1822]. Toutefois, il convient de souligner qu’en l’absence de mesure d’éloignement, la combinaison des articles 729 (régime de droit commun) et D535 du Code de procédure pénale🏛 permet de subordonner la mesure de libération conditionnelle à l’expulsion, la reconduite à la frontière, l’extradition ou au départ du territoire national du condamné étranger, cette fois avec son consentement. Cependant, dans ce cas, le condamné demeure soumis à la procédure de droit commun et doit remplir les conditions de l’article 729. Ainsi, lorsque les dispositions de l’article 730-2 du Code de procédure sont également applicables, il semble que le condamné doive d’abord exécuter un aménagement de peine probatoire pour ensuite exécuter la libération conditionnelle à l’étranger. En outre, la Haute juridiction a récemment rappelé que la procédure de libération conditionnelle-expulsion ne demeure qu’une faculté à la disposition de la juridiction de l’application des peines. Il est donc tout à fait possible de ne pas faire application des dispositions du premier alinéa de l’article 729-2 du Code de procédure pénale🏛 et, par conséquent, de celles de l’article D541 dudit Code, lesquelles ne revêtent aucun caractère automatique. C’est ainsi que même en présence d’une mesure d’éloignement du territoire français, la personne condamnée à une longue peine privative de liberté mentionnée par l’article 730-2 du Code de procédure pénale🏛 peut voir sa libération conditionnelle-expulsion refusée et devoir exécuter un aménagement de peine probatoire d’une durée minimale d’un an avant de pouvoir bénéficier d’une libération conditionnelle[1823]. En définitive, force est de constater que la multiplication de régimes spéciaux complexifie leur articulation, à tel point que certaines dispositions ne peuvent pas être sauvées par le juge constitutionnel.

365. Inconstitutionnalité du caractère obligatoire des aménagements de peine probatoires en matière de terrorisme. La loi du 3 juin 2016🏛 a introduit un article 730–2-1 au sein du Code de procédure pénale🏛 dont les dispositions fixent le cadre juridique du régime spécial de libération conditionnelle des auteurs d’infractions terroristes. Cet article étant similaire, bien que non identique, aux dispositions de l’article 730-2, il était cohérent que l’exécution obligatoire d’un aménagement de peine probatoire à la libération conditionnelle soit étendue à la matière terroriste. Ces aménagements probatoires étaient effectivement prévus initialement. Cependant, en l’absence d’article analogue à l'article D541 excluant l’application de ces dispositions en cas de mise en œuvre d’une libération conditionnelle-expulsion, en vertu du premier alinéa de l’article 729-2 du Code de procédure pénale🏛, les auteurs d'infractions terroristes faisant l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire se retrouvaient dans l'impossibilité de solliciter une libération conditionnelle. Or, cette situation risquait de concerner la majorité des condamnés étrangers puisque le prononcé d’une peine complémentaire d'interdiction du territoire est devenu le principe en matière terroriste depuis la loi du 21 juillet 2016🏛, le refus de prononcer une telle peine devant être spécialement motivé par la juridiction de jugement[1824]. Pour prononcer une libération conditionnelle, la juridiction de l'application des peines pouvait toutefois mettre en œuvre la dérogation prévue par le deuxième alinéa de l'article 729-2, à savoir ordonner la suspension de la mesure d’éloignement du territoire. Néanmoins, d'une part cela relève du bon-vouloir du juge et d’autre part, les mesures administratives d’interdiction du territoire sont exclues de ce dispositif. En définitive, les auteurs d’acte de terrorisme étaient juridiquement exclus de la mesure de libération conditionnelle. Cela était d’autant plus problématique pour les réclusionnaires à perpétuité dont l’incompressibilité de la peine est contraire à la jurisprudence européenne[1825]. C'est la raison pour laquelle, via une décision du 6 septembre 2019 résultant de deux questions prioritaires de constitutionnalité, le Conseil Constitutionnel a abrogé, en raison de son inconstitutionnalité le cinquième alinéa de l’article 730-2-1🏛 du Code de procédure pénale🏛 imposant à l’auteur d’actes de terrorisme d’exécuter un aménagement de peine probatoire avant de pouvoir accéder à la libération conditionnelle[1826]. Si la déclaration d'inconstitutionnalité de dispositions portant atteinte au principe de proportionnalité des peines était inévitable, l'on peut s’étonner que le législateur qui n'avait pas prévu la création d’un article analogue à l'article D541 au moment de l’adoption de la loi du 3 juin 2016, ne se soit pas saisi de la décision du Conseil Constitutionnel pour rectifier son omission, lui permettant ainsi de réintégrer les dispositions abrogées. En effet, l'article 730-2-1 semblant avoir été calqué sur son prédécesseur, il est surprenant que le législateur n’ait pas particulièrement réagi à cette déclaration d’inconstitutionnalité. Effectivement, il reste tout à fait possible pour la juridiction de l'application des peines de subordonner la libération conditionnelle à l'exécution d'un aménagement de peine probatoire facultatif. Néanmoins, la durée de ce dernier est limitée à un an. Surtout, compte tenu de la sévérité de la législation antiterroriste, il n'est pas cohérent que le régime de libération conditionnelle des auteurs d'actes de terrorisme soit plus favorable que celui applicable aux longues peines de droit commun. Il est à noter, par ailleurs, que les difficultés d'articulation des divers régimes spéciaux ne se limitent pas à la matière terroriste.

366. Cumul du régime spécial de libération conditionnelle des personnes âgées et de celui des longues peines. L’avant-dernier alinéa de l’article 729 du Code de procédure pénale🏛 prévoit une exonération d’exécution du temps d’épreuve pour les personnes condamnées âgées de plus de soixante-dix ans sollicitant une libération conditionnelle, dès lors que leur insertion ou réinsertion est assurée. Ce régime plus favorable n’est toutefois pas applicable si le condamné présente un risque grave de renouvellement de l'infraction ou si la libération est susceptible de causer un trouble grave à l'ordre public. Cependant, La Haute juridiction a récemment été amenée à se prononcer sur l’articulation de ce régime spécial plus favorable avec celui des longues peines tel qu’issu de l’article 730-2 du Code de procédure pénale🏛 imposant l’exécution d’aménagements de peine probatoires. En l’espèce, la chambre de l'application des peines de Poitiers avait accordé une libération conditionnelle à un condamné âgé de soixante-et-onze ans, exécutant une peine de quinze ans de réclusion criminelle pour des faits de viols et d'agressions sexuelles aggravés, en excluant l’application des dispositions de l’article 730-2 notamment relatives à l’exécution d’aménagements de peine probatoires obligatoires. Sur pourvoi formé par le procureur général, la chambre criminelle a prononcé la cassation de l'arrêt rendu au motif que « les dispositions de ces textes s'appliquent de manière cumulative, en cas de libération conditionnelle d'une personne âgée de plus de soixante-dix ans, condamnée pour l'une des infractions prévues par l'article 730-2 précité[1827] ». Si à partir de soixante-dix ans, les condamnés sont exemptés de l'exécution du temps d’épreuve, c'est parce que le législateur a décidé de prendre en compte - en présence d’un phénomène croissant de vieillissement de la population pénitentiaire - les difficultés liées à l'âge du condamné s’adaptant plus difficilement aux conditions carcérales particulièrement délétères. D'autre part, lorsque le condamné âgé exécute une longue peine, l’exonération de l'exécution du temps d’épreuve lui permet de conserver un espoir d’élargissement et de réinsertion. Cependant, l'âge du condamné ne fait pas disparaître automatiquement sa dangerosité. C'est la raison pour laquelle son insertion ou sa réinsertion doit être assurée pour pouvoir bénéficier d'un tel régime dérogatoire plus favorable. Il est ainsi cohérent avec l’esprit des textes que les dispositions de l'article 730–2 du Code de procédure pénale🏛 se cumulent en la matière. En effet, le condamné demeure en capacité d'être soumis à l'évaluation de sa dangerosité via une admission au sein du centre national d’évaluation, mais également à l'exécution d'aménagements de peine probatoires. En cas d'incompatibilité entre l'état de santé du condamné, en raison de pathologies liées à son âge par exemple, et son maintien en détention, il lui appartient de solliciter une suspension médicale de peine dont une libération conditionnelle prendrait le relais.

367. Non-cumul du régime spécial de la libération conditionnelle issue d’une suspension médicale de peine et de celui des longues peines. C'est en effet une décision tout à fait différente que la chambre criminelle a rendu en matière de libération conditionnelle succédant à une suspension médicale de peine, à l'égard d'une personne condamnée à une longue peine privative de liberté et relevant normalement des dispositions de l'article 730–2 du Code de procédure pénale🏛. Dans un arrêt rendu le 24 juin 2020, la chambre criminelle de la Cour de cassation consacre l'autonomie du régime de la libération conditionnelle relais d’une suspension médicale de peine vis-à-vis de celui des longues peines[1828]. En l'espèce, le tribunal de l'application des peines avait rejeté la demande de libération conditionnelle d'une personne condamnée à une peine de dix-huit ans de réclusion criminelle placée sous le régime de la suspension médicale de peine, aux motifs qu'il était matériellement impossible de procéder à l'évaluation de sa dangerosité au sein du centre national d’évaluation en raison de son état de santé, condition pourtant essentielle à l'octroi d'une libération conditionnelle en vertu de l'article 730–2 dont elle relevait. Dans le cadre de la question prioritaire de constitutionnalité transmise par la cour d’appel, les juges du quai de l’Horloge contestent l’interprétation donnée par le tribunal, en excluant l’application des dispositions de l’article 730-2 du Code de procédure pénale🏛 lorsque le condamné sollicite une libération conditionnelle relais d’une suspension médicale de peine. Si les faits de l'espèce concernaient spécifiquement l'évaluation de la dangerosité de la requérante, il semblerait que l’exécution d’un aménagement de peine probatoire ne puisse pas non plus être exigé. En effet, il faut rappeler que le condamné bénéficiant d’une suspension médicale de peine ne peut être incarcéré, soit parce que son pronostic vital est engagé à court terme, soit parce que son état de santé est durablement incompatible avec son maintien en détention. Il s'avère donc impossible de le placer en semi-liberté. Par ailleurs, les structures hébergeant les personnes placées à l’extérieur ne sont pas adaptées pour recevoir un tel public. Enfin, la détention à domicile sous surveillance électronique est matériellement incompatible avec l’éventuelle hospitalisation du condamné ou encore la nécessité de se rendre très régulièrement à des rendez-vous médicaux. Il apparait alors que les décisions rendues en matière de libération conditionnelle tenant compte de l'âge et de l'état de santé du condamné soient cohérentes. En effet, il semble que la Haute juridiction tienne avant tout compte des obstacles matériels rencontrés par le condamné pour accéder à la libération conditionnelle. D’ailleurs, l’obstacle tenant à l'exécution d'une période de sûreté a également été écarté par la Cour de cassation en matière de libération conditionnelle relais[1829]. Il était néanmoins attendu, bien que regrettable, que le régime spécial des longues peines demeure applicable au condamné âgé de plus de soixante-dix ans, dont l'âge ne constitue pas en soi un critère d’incompatibilité avec le maintien en détention faisant obstacle au déroulement de la procédure mais uniquement un critère d’assouplissement du régime de droit commun. En définitive, l'introduction d'aménagements de peine probatoires obligatoires complexifie non seulement l'accès à la libération conditionnelle pour les longues peines, mais également l'articulation entre les multiples régimes spéciaux en présence, ce qui ne manque pas d’ajouter à la confusion d’une matière déjà technique. Toutefois, le caractère obligatoire des aménagements de peine probatoires doit être nuancé par leur subsidiarité. En effet, ceux-ci ne sont en réalité prononcés qu’en l'absence de placement sous surveillance électronique mobile du condamné. Ainsi, le législateur a fait le choix d’une extension du contrôle du condamné pendant la libération conditionnelle par un dispositif électronique. Ce n’est qu’en l’absence de ce contrôle que le condamné sera subordonné à une mise à l'épreuve supplémentaire.

§2 - L’extension du contrôle du condamné

368. Une extension double. Si l’octroi d’un aménagement de peine induit inévitablement une certaine forme de contrôle du condamné en milieu ouvert, la libération conditionnelle accordée aux personnes condamnées à une longue peine privative de liberté répond parfois à une exigence renforcée du contrôle de ces dernières. Il peut s’agir d’une extension matérielle du contrôle du condamné via l’instauration d'un placement sous surveillance électronique mobile (A) mais également d'une extension temporelle de celui-ci (B).

A°) L’extension matérielle du contrôle du condamné

369. Une mesure assortissant en principe la libération conditionnelle. Le 7 juillet 2004, un rapport sur le traitement de la récidive des infractions pénales était remis, lequel envisageait le recours à la surveillance électronique mobile des condamnés les plus dangereux, après exécution de leur peine, en tant que moyen de lutte contre la récidive[1830]. Ce dispositif permet de localiser géographiquement le condamné par le biais d'un GPS, contrairement à la détention à domicile sous surveillance électronique dont le but est uniquement de contrôler la présence de ce dernier au sein de son domicile aux horaires déterminés par le juge de l'application des peines. Une proposition de loi du 1er décembre 2004 reprenait cette suggestion en souhaitant introduire une mesure de sûreté de surveillance électronique mobile à l’égard des personnes ayant été condamnées à une peine privative de liberté d’une durée minimale de cinq ans en raison de la commission d’une infraction sexuelle[1831]. C’est ainsi que la loi du 12 décembre 2005🏛 consacrait le placement sous surveillance électronique mobile en tant que modalité du suivi socio-judiciaire[1832] et de la surveillance judiciaire[1833]. Sous prétexte de faciliter l'octroi de la libération conditionnelle par le juge de l'application des peines, il était également proposé d’assortir cet aménagement d'une telle surveillance électronique mobile en vue de renforcer le suivi des condamné[1834], ce dispositif étant censé rassurer les magistrats réticents à accorder une libération conditionnelle. L’article 731-1 est alors introduit au sein du Code de procédure pénale🏛. S'il le premier alinéa de cet article permet au juge de l'application des peines d’assortir la libération conditionnelle d'une injonction de soins, dans les cas où le condamné exécute une peine pour une infraction faisant encourir le suivi socio-judiciaire, le second alinéa permet d’assortir la libération conditionnelle d’un placement sous surveillance électronique mobile. Aux termes de cette surveillance, sont fixées les zones d’inclusion dans lesquelles le condamné peut se rendre, les zones d’exclusion qu’il ne peut fréquenter ainsi que les zones tampon proches des zones d’exclusion. Lorsque le condamné pénètre dans une zone tampon, le personnel de surveillance l’alerte qu’il se rapproche d’une zone d’exclusion. Le condamné est également soumis à des horaires d’assignation[1835]. Cette mesure peut être prononcée pour une durée maximale de six ans en matière criminelle et de quatre ans en matière délictuelle. Depuis l'entrée en vigueur de cet article, ses conditions d’application et son régime ont évolué. Initialement, aucune condition liée au quantum de la peine n’était prévue. Toutefois, la loi du 10 août 2011🏛, désirant aligner ces dispositions sur celles de l’article 131-36-10 du Code pénal[1836], a limité le recours au placement sous surveillance électronique mobile assortissant la libération conditionnelle aux peines privatives de liberté d’une durée minimale de sept ans, prononcées pour une infraction faisant encourir le suivi socio-judiciaire, même si plus récemment la loi du 23 mars 2019🏛 a abaissé ce seuil à cinq ans. Surtout, à l’origine, le placement sous surveillance électronique mobile assortissant la libération conditionnelle ne pouvait être prononcé qu’à l’issue d’un examen de la dangerosité du condamné, conformément aux dispositions de l’article à 763-10 du Code de procédure pénale🏛 auquel il était renvoyé[1837]. La loi du 10 août 2011🏛 a néanmoins supprimé cet examen préalable répondant ainsi à une demande des praticiens[1838]. En outre, il était avancé que l’examen présentait une garantie pour le condamné dont le placement sous surveillance électronique mobile constituait une mesure de sûreté s’ajoutant à la peine, mais qu’il n’était plus nécessaire dans le cadre d’une libération conditionnelle puisqu’il s’agissait d’une mesure lui étant favorable. Cette argumentation laisse à désirer. En effet, lorsqu'il assortit la libération conditionnelle, ce dispositif n'est pas anodin puisqu'il soumet le condamné à un contrôle supplémentaire et amoindrit grandement l'intérêt de la libération conditionnelle. Ainsi, il semblerait que son emploi doive toujours être justifié. Il ne peut pas simplement être fait référence au quantum de la peine et à la nature de l’infraction faisant encourir un suivi socio-judiciaire pour recourir à un placement sous surveillance électronique mobile. Quoi qu'il en soit, la disparition de l'examen de dangerosité ne concerne que peu les longues peines puisque la loi du 10 août 2011🏛 ayant instauré le régime de libération conditionnelle des longues peines au sein de l’article 730-2 du Code de procédure pénale🏛, prévoit à la fois l'évaluation préalable de la dangerosité du condamné[1839] et son placement sous surveillance électronique mobile[1840]. En effet, ce dispositif accompagne en principe la libération conditionnelle accordée aux condamnés relevant de l'article 730–2. Dans la négative, un aménagement de peine probatoire doit obligatoirement précéder la libération conditionnelle, dans les conditions ci-dessus étudiées. Néanmoins, l’objectif de l'examen de dangerosité du condamné prévu dans le cadre du placement sous surveillance électronique mobile se distingue de l’évaluation pluridisciplinaire en vue d’une libération conditionnelle. Dans le premier cas, l’examen concluant à la dangerosité justifie le placement sous surveillance électronique mobile, tandis que dans le second, ce placement est devenu une modalité normale de la libération conditionnelle. En effet, dès lors que le condamné répond aux critères[1841]visés par l’article 730-2 du Code de procédure pénale🏛, le placement sous surveillance électronique mobile assortit en principe la libération conditionnelle. Ainsi, la suppression de l’examen de dangerosité de l’article 731-1 du Code de procédure pénale🏛 tend à rapprocher ces deux régimes en ce que le placement sous surveillance électronique mobile est dorénavant érigé en modalité normale de la libération conditionnelle des longues peines. Quoiqu’il en soit, indépendamment de la procédure, l’on ne peut que constater que le principe même du recours au placement sous surveillance électronique mobile accompagnant la libération conditionnelle du condamné dénature cet aménagement, a fortiori lorsqu’il est obligatoire.

370. Une mesure contraire à l’esprit de la libération conditionnelle. Il convient de rappeler que la libération conditionnelle est un aménagement se fondant sur la confiance accordée au condamné. Cette confiance ne relève pas d'un pari réalisé sur l’avenir ou encore de la naïveté de la juridiction de l'application des peines, mais repose bien sur les efforts de réinsertion préalablement fournis par le condamné durant le temps d’épreuve. L'élargissement anticipé est donc prononcé en raison de ces efforts, bien qu’ils doivent être poursuivis durant le délai d'épreuve, c'est-à-dire hors de l'établissement pénitentiaire. Malgré les efforts fournis, il est évident qu’outre les mesures d’assistance du condamné - dont on a souvent tendance à minimiser l’importance - des obligations et interdictions lui sont imposées[1842]. Le respect de ces mesures est contrôlé par le juge de l'application des peines assisté du service pénitentiaire d’insertion et de probation intervenant en milieu ouvert[1843]. C'est ainsi que la libération conditionnelle peut être assortie des obligations et interdictions du sursis probatoire[1844]. A ce titre, le condamné doit répondre aux convocations du SPIP ou du juge de l'application des peines. Sa liberté d’aller et venir peut également être contrainte. En effet, il peut lui être imposé de prévenir de tout changement de résidence ou déplacement. Ces changements peuvent d’ailleurs être subordonnés à l’autorisation préalable du juge de l'application des peines. La résidence du condamné peut même être fixée en un lieu déterminé. En outre, il peut lui être interdit de paraître en certains lieux. De surcroit, afin d'éviter une récidive, il peut, par exemple, lui être interdit de se livrer à l'activité à l’occasion de laquelle l'infraction a été commise, d’entrer en relation avec certaines personnes ou catégories de personnes, notamment des mineurs, ou encore de détenir ou porter une arme. Par conséquent, la libération conditionnelle ne consacre pas la liberté totale d'aller et venir du condamné. Cependant, malgré les interdictions et obligations restreignant cette liberté, il appartient au condamné de respecter les mesures imposées. Dans la négative, c'est à l'occasion d'un contrôle[1845], d'une dénonciation ou encore d’un aveu, que le juge de l'application des peines peut être informé d’un manquement qu’il sanctionne éventuellement, le cas échéant. Il relève donc de la responsabilité du condamné de décider de respecter ou non les mesures auxquelles il doit se soumettre. L’introduction du placement sous surveillance électronique mobile modifie le paradigme de la libération conditionnelle basée sur la confiance accordée au condamné et la responsabilisation de celui-ci. Désormais, le postulat est celui de la méfiance[1846] et le condamné, dont le contrôle en temps réel est permis par les avancées technologiques[1847], devient un être dont la mobilité est gérée par un bracelet électronique l’avertissant d’un éventuel manquement à ses obligations, en lieu et place de son propre discernement, conduisant ainsi à une forme de déresponsabilisation. Au-delà des débats relatifs à la philosophie des mesures de sûreté évoquée infra, c'est véritablement leur place au sein de l'aménagement de la peine qui pose question ici. La présomption de récidive du condamné ayant manifestement remplacé la présomption de réinsertion sur laquelle repose la libération conditionnelle, il est désormais possible, dans une société orwelienne[1848], d’observer les moindres déplacements du condamné. En effet, la circulaire du 16 juin 2006 relative à la loi du 12 décembre 2005🏛 promet un « suivi constant » et une « localisation permanente » des « condamnés libérés dont la dangerosité criminologique a été constatée[1849] ». Or, il semble que l'octroi d'une libération conditionnelle traduise justement l'absence de nécessité d'une surveillance constante du condamné. Dans le cas contraire, il conviendrait de le maintenir en détention. Il ne va effectivement ni de son intérêt ni de celui de la société d'accorder un élargissement anticipé à un individu qu'il est nécessaire de localiser à tout instant pour des raisons de sécurité. Par conséquent, l’argument avancé lors des travaux préparatoires tenant à la facilitation de l'octroi d’une libération conditionnelle grâce à ce dispositif de surveillance électronique, est fallacieux en ce que l’on ne peut se féliciter d’un accroissement du nombre de mesures accordées résultant d’un dévoiement de leur fondement. De plus, il n’est pas toujours possible en pratique de mettre en place un placement sous surveillance électronique mobile, ce qui amoindrit également l’argument relatif à la facilitation du recours à la libération conditionnelle. En effet, avant de mettre en œuvre une surveillance électronique mobile, il convient de vérifier la disponibilité du dispositif et la faisabilité technique du projet[1850]. Enfin, il était indiqué au sein des travaux préparatoires qu’en pratique « une surveillance et une transmission en temps réel des informations au centre de contrôle », bien que « techniquement possibles » présentaient un coût trop élevé et devaient être écartées au profit d’une surveillance semi-active reposant sur l'enregistrement des déplacements du condamné en temps réel et leur communication rétrospective à un centre de contrôle, tout en alertant en temps réel des violations des obligations du condamné[1851]. Il semblerait toutefois que l'atteinte aux libertés individuelles de ce dernier - qu’on l’estime justifiée ou non au regard de l’objectif de protection sociale[1852] - ne se limite pas à la vérification du respect de ses obligations. En effet, le traitement automatisé de données à caractère personnel dont fait l'objet le contrôle de la localisation du condamné[1853] peut être utilisé dans le cadre d’enquêtes ou d’informations concernant un crime ou un délit, une recherche des causes de la mort ou d’une disparition, ou encore une recherche des causes de blessures inconnues ou suspectes, mais également dans le cadre d’une exploitation de données à des fins statistiques, c’est-à-dire dans des situations étrangères à la condamnation initiale et l’exécution de la libération conditionnelle[1854]. En définitive, l'on peut regretter l’illusion entretenue par le législateur d’un contrôle absolu des individus identifiés comme étant dangereux par des outils technologiques, au détriment du renforcement des moyens humains accompagnant le condamné sur le chemin de la réinsertion. S’il n’est évidemment pas question de contester l’idée de contrôler le condamné bénéficiant d’une libération conditionnelle, l’on ne peut cependant que constater le déséquilibre existant entre les missions d’assistance et de contrôle, lesquelles constituent pourtant les faces d’une même pièce sur laquelle repose la libération conditionnelle. En dénaturant cette dernière de la sorte, l’on tend malheureusement à la rapprocher d’une mesure de sûreté, d’autant que l'extension du contrôle du condamné n’est pas que matérielle mais revêt également un caractère temporel[1855].

B°) L’extension temporelle du contrôle du condamné

371. Plafonnement de la durée du délai d’épreuve des peines temporaires. Dans le cadre de la libération conditionnelle, il est convenu qu'en contrepartie d'un élargissement anticipé, le condamné soit soumis, pendant un certain délai nommé « délai d’épreuve », au respect de certaines obligations et interdictions. Le respect de ces mesures permet de s’assurer de la réinsertion du condamné mais ces dernières sont également édictées dans un objectif de protection sociale. En effet, il faut rappeler que le « régime d’exécution des peines privatives (…) de liberté vise à préparer l’insertion ou la réinsertion de la personne condamnée afin de lui permettre d’agir en personne responsable, respectueuse des règles et des intérêts de la société et d'éviter la commission de nouvelles infractions[1856] ». C’est au sein de l’article 732 du Code de procédure pénale🏛 que le législateur a déterminé la durée de ce délai d’épreuve. Le deuxième alinéa de cet article prévoit que « cette durée ne peut être inférieure à la durée de la partie de la peine non subie au moment de la libération s'il s'agit d'une peine temporaire ». En faisant correspondre la durée du délai d'épreuve à la partie de la peine non subie au moment de la libération du condamné, l’on comprend que l'objectif du législateur n'est pas de remettre en cause l'autorité de la chose jugée, c'est-à-dire la condamnation prononcée puisqu’effectivement la libération conditionnelle est une modalité d'exécution de la peine. En effet, si la libération conditionnelle réduit le temps carcéral, elle n'a pas pour fonction, en principe, de modifier le temps de la condamnation. Il existe néanmoins quelques exceptions. Dans un premier temps, la durée du délai d'épreuve peut dépasser d’un an le reliquat de la peine à exécuter. Cela permet, lorsque la libération conditionnelle est prononcée tardivement ou que la peine privative de liberté est de courte durée, de pouvoir instaurer un suivi d'une durée suffisante. En effet, l'accès retardé à la libération conditionnelle en raison notamment de la complexification de la procédure d’octroi et du mécanisme de la période de sûreté, ne permet pas toujours l’établissement d’un suivi d’une durée satisfaisante. Il en va également ainsi des courtes peines dans le cadre desquelles le temps de la détention ne permet pas toujours de préparer un projet de sortie. Or, même si parfois l'infraction commise n'est pas particulièrement grave, certains condamnés nécessitent un suivi et des mesures d’assistance et de contrôle d’une durée plus longue que celle correspondant au reliquat de la peine à exécuter. En effet, il n'existe pas forcément de corrélation entre la gravité de l’infraction commise et la désocialisation du condamné ou le risque qu’il présente pour la société. Une première infraction de moindre gravité peut constituer une alerte permettant de constater que le condamné nécessite un suivi renforcé. A cette fin, le dépassement de la durée du délai d’épreuve d’un an peut donc être utile. Enfin, cette disposition peut concerner tout condamné ayant tardivement accédé à la libération conditionnelle, soit parce qu’il ne remplissait pas plus tôt les conditions matérielles d’accès soit parce qu’il ne souhaitait pas bénéficier d’un élargissement anticipé. Quoi qu'il en soit, l’on constate que la durée du délai d'épreuve est encadrée et que la marge de manœuvre de la juridiction de l'application des peines est limitée. Cela est d'autant plus le cas que depuis la loi du 16 décembre 1992🏛[1857], le législateur a plafonné à dix ans la durée du délai d’épreuve applicable aux peines temporaires. En réalité, cette disposition concerne spécifiquement les longues peines privatives de liberté puisqu'un délai d'épreuve supérieur à dix ans ne pouvait faire référence qu’à une peine d'une durée minimale de vingt ans[1858]. Le plafonnement du délai d’épreuve permet ainsi aux condamnés de se projeter sur un début et une fin de suivi dont il faut rappeler qu'il peut être très contraignant. Conséquent mais limité, le délai d'épreuve plafonné à dix ans permet également au service pénitentiaire d'insertion et de probation et au juge de l'application des peines d'établir un « calendrier » de suivi du condamné. Un suivi strict peut tout d'abord être mis en place avant que ce dernier ne soit progressivement assoupli. Il est effectivement plus aisé d'appréhender l'évolution du suivi et du condamné lorsque l'on s'inscrit dans une temporalité définie. Toutefois, en matière de peines perpétuelles, si la durée du délai d’épreuve est plafonnée, cette dernière connait une exception notable.

372. Régime de droit commun : limitation du délai d’épreuve des peines de réclusion criminelle à perpétuité. Par définition, en présence d'une peine perpétuelle, la durée de la partie de la peine non subie est inconnue. Il est donc impossible de faire correspondre la durée du délai d'épreuve à cette dernière. Si le législateur n'a pas souhaité instaurer arbitrairement un délai d'épreuve fixe, il impose néanmoins que ce dernier soit compris entre cinq et dix ans[1859]. Par conséquent, il appartient à la juridiction de l'application des peines d'apprécier librement la durée du délai d'épreuve qu'elle souhaite appliquer à la personne condamnée à une peine de réclusion criminelle à perpétuité, étant précisé que « pendant toute la durée de la libération conditionnelle, les dispositions de la décision peuvent être modifiées en application de l'article 712-8[1860] ». En fixant un plancher à cinq ans, le législateur avait conscience qu’il était nécessaire que le suivi ne soit pas trop court pour être effectif. Même si la durée de cinq ans peut surprendre en comparaison avec le caractère perpétuel de la peine, le suivi demeure d’une durée conséquente. Quant au plafond fixé à dix ans, l’on constate qu’il est calqué sur celui prévu pour les peines temporaires. De prime abord, il peut être surprenant de constater qu’il ne soit pas plus élevé que pour ces dernières. Le législateur avait sans doute conscience de la contrainte imposée par ces mesures et de l'augmentation du risque d'incident en instaurant un délai d’épreuve plus long qui perdrait ainsi de son sens. Il peut d'ailleurs être admis que le condamné ayant respecté les obligations et les interdictions fixées, ayant parfois même exécuté le délai d’épreuve sous le régime du placement sous surveillance électronique mobile, a prouvé la réalité de sa réinsertion au terme de dix ans. Néanmoins, ce plafond de dix ans ne concerne pas l'ensemble des réclusionnaires à perpétuité. En effet, tel n'est pas le cas de certains condamnés bénéficiant d'un relèvement de la période de sûreté assortissant leur condamnation.

373. Régime dérogatoire : caractère illimité du délai d’épreuve des peines de réclusion criminelle à perpétuité après relèvement de la période de sûreté. Il convient de rappeler que l'article 720–4 du Code de procédure pénale🏛 constitue le socle de la procédure de relèvement de la période de sûreté. Depuis la loi du 1er février 1994 et l'introduction d'une peine de perpétuité dite réelle, il est possible de solliciter et d’obtenir le relèvement d’une période de sûreté perpétuelle après exécution d’une incarcération minimale de trente ans et à l’issue d’une procédure spéciale[1861]. Aux termes des travaux préparatoires de la loi du 1er février 1994, l’Assemblée nationale a souhaité introduire une dérogation aux dispositions de l’article 732 du Code de procédure pénale🏛 en instaurant un délai d’épreuve illimité temporellement[1862]. Désormais le dernier alinéa de l'article 720-4 du Code de procédure pénale🏛 dispose effectivement que « par dérogation aux dispositions du troisième alinéa de l'article 732, le tribunal de l'application des peines peut prononcer des mesures d'assistance et de contrôle sans limitation dans le temps ». La rédaction de l’article 720-4 est toutefois confuse puisque son dernier alinéa ne vise pas spécifiquement les peines de réclusion criminelle à perpétuité assorties d’une période de sûreté perpétuelle, et que la portée de l’article est générale en ce qu’il dispose en son premier alinéa que « lorsque le condamné manifeste des gages sérieux de réadaptation sociale, le tribunal de l'application des peines peut, à titre exceptionnel et dans les conditions prévues par l'article 712-7, décider qu'il soit mis fin à la période de sûreté prévue par l'article 132-23 du code pénal🏛 ou que sa durée soit réduite ». S’il est évident que les peines assorties d’une période de sûreté perpétuelles sont concernées par le caractère possiblement illimité du délai d’épreuve, l’on peut s’interroger sur l’étendue du champ d’application de cette disposition aux autres peines de réclusion criminelle à perpétuité. Il a néanmoins été précisé par la doctrine que celle-ci ne concernait que les réclusionnaires à perpétuité dont la période de sûreté est perpétuelle[1863]. Cela est cohérent avec l’esprit du texte prévoyant une procédure spécifique de relèvement de la période de sûreté uniquement en cas de période de sûreté perpétuelle. En outre, le caractère illimité du délai d’épreuve renvoie à la perpétuité dite réelle que le législateur a souhaité instaurer et qui est ainsi maintenue sous une autre forme. La distinction est toutefois moins évidente en ce qui concerne les réclusionnaires à perpétuité en matière de terrorisme dont la durée de la période de sûreté assortissant la condamnation est perpétuelle ou fixée à trente ans. En effet, une procédure plus complexe de relèvement est alors prévue par l’article 720-5 du Code de procédure pénale🏛[1864] qui traite conjointement les deux cas de figure. Il a déjà été souligné, que l’on pouvait être surpris par la durée minimale d’incarcération fixée à trente ans dans les deux cas, sans distinction. Il en va de même de la durée du délai d’épreuve puisque le dernier alinéa de l’article 720-5 prévoit un délai d’épreuve sans limitation dans le temps, sans préciser le domaine de cette disposition. En raisonnant par analogie, l'on peut en déduire que le délai d'épreuve illimité ne concerne que les réclusionnaires à perpétuité dont la période de sûreté est perpétuelle. Toutefois si l'on tient compte de la législation dérogatoire et plus sévère en matière de terrorisme, il n'est pas incohérent d'imaginer que le délai d'épreuve illimité concerne l'ensemble des réclusionnaires à perpétuité dont la période de sûreté est d’une durée minimale de trente ans. Quoi qu’il en soit, le principe même d’imposer un délai d'épreuve sans limitation temporelle peut interroger à plusieurs égards. En premier lieu, il convient de rappeler que si la réclusion criminelle à perpétuité est une peine à durée indéterminée, elle n'a pas pour objectif une neutralisation définitive du condamné. Il ne s'agit pas, en effet, d'éliminer de la société un individu ayant gravement troublé l'ordre public. A cet égard, il doit être rappelé que le droit européen condamne l’incompressibilité de jure et de facto des peines perpétuelles[1865]. Par conséquent, le travail de réinsertion ne doit pas être oblitéré par la sévérité de la condamnation. C'est ainsi que le législateur prévoit, bien que dans des conditions très strictes, la possibilité d'un relèvement de la période de sûreté et de l'obtention d'une libération conditionnelle. La fin d’une réclusion criminelle à perpétuité est donc possible.

Il semble alors incohérent qu'une personne condamnée à une peine perpétuelle ayant manifesté les efforts de réinsertion attendus pour obtenir une libération conditionnelle, après avoir bénéficié d'un relèvement de la période de sûreté assortissant sa condamnation, soit soumise à un délai d'épreuve sans limitation temporelle tandis qu’elle ne semble plus représenter un risque important pour la société. En effet, dans la négative, lesdits aménagements n'auraient pas été accordés. En réalité, il est difficile de comprendre qu’un condamné dont il est établi qu'il remplit les conditions matérielles lui permettant d’accéder à un aménagement, en particulier la libération conditionnelle, soit en même temps considéré comme représentant un danger pour la société ad vitam aeternam, nécessitant ici une surveillance électronique mobile accompagnant sa libération conditionnelle, et là un suivi d'une durée illimitée. Il existe effectivement un argument selon lequel l'ensemble de ces garanties permettrait de favoriser l'octroi d'un aménagement de peine. Cependant, cela revient à délibérément oublier que la juridiction de l'application des peines accordant un aménagement prend nécessairement un risque puisque cela concerne un individu disposant de fait de son libre-arbitre et pouvant évidemment décider de récidiver. La volonté de se prémunir totalement contre ce risque ne peut être analysée comme un moyen de favoriser l'octroi de l'aménagement mais comme une dénaturation de celui-ci. Cette sécurisation extrême conduit inéluctablement à la disparition progressive de l'aménagement des longues peines privatives de liberté et, dans le même temps, au développement des mesures de sûreté, rompant ainsi avec le « dogme de la temporalité de la réponse punitive[1866] ».

Section 2 : Le risque de disparition progressive de l'aménagement des longues peines

374. Vers la suppléance des aménagements de peine par les mesures de sûreté[1867] ? Parallèlement à la dénaturation de la libération conditionnelle, c'est bien le risque de disparition progressive de l'aménagement des longues peines qui est à craindre. Outre l’imprégnation de l’aménagement des longues peines par les mesures de sûreté notamment via l’instauration d’un placement sous surveillance électronique mobile assortissant la libération conditionnelle, l’on ne peut que constater le développement des mesures de sûreté post-pénales (§1), dont on ne peut nier l'incidence de la philosophie et du mécanisme sur l'aménagement des longues peines (§2). Ainsi le triptyque « rétribution-risque-neutralisation[1868] » évoqué par Amélie Ben Gadi semble plus que jamais d’actualité.

§1 - Le développement de mesures de sûreté post-pénales

375. Peines et mesures de sûreté. Les mesures de sûreté trouvant leur origine dans le mouvement de défense sociale nouvelle[1869] peuvent être définies comme des « mesures individuelles coercitives, sans coloration morale, imposées à des individus dangereux pour l'ordre social afin de prévenir les infractions que leur état rend probable[1870] ». Elles se distinguent ainsi de la peine dont elles prennent le relais[1871], bien qu'il soit parfois difficile en pratique de catégoriser aussi nettement les sanctions pénales prévues par le législateur, peines et mesures de sûreté présentant souvent des similitudes. A titre d’exemple, si le but de prévention par la réadaptation et la neutralisation de l’individu caractérise les mesures de sûreté, il peut également être attribué à la peine[1872]. Il a ainsi pu être constaté que si le suivi socio-judiciaire appartient juridiquement à la catégorie des peines, la doctrine l’assimile plus volontiers à une mesure de sûreté. Quoi qu’il en soit, il existe un certain nombre de mesures de sûreté intervenant avant[1873] ou après la peine[1874], voire en l’absence de peine[1875]. Pour autant, ne seront développées ici que les quatre mesures semblant concurrencer le mécanisme d’aménagement de la peine. Il est d’ailleurs possible de les regrouper en deux grandes catégories : les mesures axées sur la surveillance du condamné après exécution de sa peine (A) et les mesures axées sur sa prise en charge (B). Si cette classification correspond à la ligne directrice de la mesure, il est à noter que la surveillance n’est pas exclusive de la prise en charge et inversement.

A°) La volonté de surveiller le condamné après la peine

376. L’instauration d’une surveillance judiciaire des personnes dangereuses. En vue de prévenir la récidive des infracteurs sexuels dont il était pensé que la dangerosité sociale était mésestimée[1876], le législateur a introduit la surveillance judiciaire des personnes dangereuses au sein de l’article 723-29 du Code de procédure pénale🏛, par la loi du 12 décembre 2005🏛. Via cette mesure de sûreté intervenant à la suite de la libération du condamné, ce dernier peut être soumis aux obligations du sursis probatoire, à un placement sous surveillance électronique mobile, voire à une obligation d’assignation à domicile. Si l’on constate que ces mesures permettent essentiellement de surveiller le condamné après exécution de sa peine, il est à noter que, sauf décision contraire, celui-ci est également soumis à une injonction de soins[1877]. Le traitement du condamné peut donc également faire partie de la mesure de sûreté. D’autre part, si des mesures d’assistance sont prévues afin de faciliter le travail de réinsertion, elles ne sont pas évoquées par l’article 723-29 mais un peu plus loin, par l’article 723-33 du Code de procédure pénale🏛. En effet, la réinsertion du condamné ne constitue pas l’objectif premier de la surveillance judiciaire, bien qu’elle soit recherchée en tant que moyen de prévention de la récidive. Il convient de relever que si le législateur permet la surveillance du condamné après exécution de sa peine, il en limite néanmoins le champ d’application. Tout d’abord, cette mesure était initialement applicable à toute personne condamnée à une peine privative de liberté d’une durée minimale de dix ans, c’est-à-dire une longue peine, pour une infraction faisant encourir le suivi socio-judiciaire, et dont le risque de récidive paraissait avéré. Depuis la loi du 10 mars 2010🏛[1878], la surveillance judiciaire est applicable à toute personne condamnée à une peine privative de liberté d’une durée minimale de sept ans pour une infraction faisant encourir le suivi socio-judiciaire, étant précisé que la loi du 14 mars 2011🏛 a abaissé ce quantum à cinq ans lorsque l’infraction était commise une nouvelle fois en état de récidive légale[1879]. Le législateur a également encadré la procédure de la surveillance judiciaire. En ce qui concerne le décisionnaire, il revient au tribunal de l'application des peines de prononcer cette mesure, sur réquisitions du procureur de la République, par un jugement rendu après débat contradictoire lors duquel le condamné est obligatoirement assisté par un avocat[1880]. Surtout, la durée de la surveillance judiciaire ne peut excéder celle des réductions de peine dont le condamné a bénéficié durant sa détention. Bien entendu, celles ayant été retirées ne peuvent être prises en compte, tout comme celles ayant été prononcées dans le cadre de l'exécution d’une autre peine[1881]. Dès lors, puisque la réduction de peine ordinaire peut être prononcée à hauteur de six mois par année d’incarcération, la durée de la surveillance judiciaire peut être conséquente lorsqu’elle succède à l’exécution d’une longue peine privative de liberté[1882]. Enfin, concernant la détermination du risque de récidive justifiant le prononcé de cette mesure, une expertise médicale doit être ordonnée par la juridiction de l'application des peines ou le procureur de la République[1883], l’expert devant conclure à la dangerosité du condamné et se prononcer sur l’opportunité d’un traitement[1884]. En vue de l’évaluation de cette dangerosité, l’expertise peut être menée par deux experts et le condamné peut même être placé au sein du centre national d’évaluation pendant une période d'observation de deux à six semaines. Par ailleurs, une saisine de la CPMS est envisageable[1885]. Lorsque les conditions sont remplies et que la surveillance judiciaire est prononcée, il est à noter qu’en en cas d’inobservation des mesures imposées, la réincarcération du condamné peut être ordonnée par le biais du retrait de tout ou partie des réductions de peine[1886]. A contrario, il est également possible de mettre fin à ces obligations si la réinsertion du condamné est acquise et que de facto le risque de récidive ne parait plus avéré[1887].

377. Incompatibilités de la surveillance judiciaire des personnes dangereuses. Il est à noter que le prononcé d’une surveillance judiciaire est incompatible avec celui d’un suivi socio-judiciaire[1888]. Cela se justifie au regard de la redondance qu’apporterait la solution inverse. En effet, force est de constater que la surveillance judiciaire emprunte essentiellement au suivi socio-judiciaire dont les contenus sont semblables. Au vrai, cela n’est pas dû au hasard, car en adoptant la surveillance judiciaire, le législateur souhaitait que les modalités du suivi socio-judiciaire dupliquées au sein d'une mesure de sûreté puissent bénéficier d’une application immédiate[1889]. En effet, le suivi socio-judiciaire étant une peine d'un point de vue juridique[1890], il est soumis au principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère. Les faits commis avant l’entrée en vigueur de ce dernier ne peuvent donc être sanctionnés par celui-ci. Il n’est pas non plus permis d’ordonner un placement sous surveillance électronique mobile pour assortir un suivi socio-judiciaire prononcé avant la loi du 12 décembre 2005🏛. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le législateur a intégré une exception au sein de l’article 41 de ladite loi, aux termes de laquelle l’incompatibilité entre le suivi socio-judiciaire et la surveillance judiciaire est limitée aux condamnations intervenues pour des faits commis postérieurement à l’entrée en vigueur de cette loi. Cette gymnastique législative permet d’appliquer à toute personne condamnée pour des faits faisant encourir un suivi socio-judiciaire les modalités de ce dernier par son biais ou, lorsque cela n’est pas possible, par celui de la surveillance judiciaire[1891]. D’ailleurs, l’application immédiate de la surveillance judiciaire permet qu’elle soit ordonnée même lorsque l’infraction en cause ne faisait pas encourir de suivi socio-judiciaire au moment de sa commission[1892]. Enfin, le prononcé d'une surveillance judiciaire est également incompatible avec une libération conditionnelle[1893], ce qui se justifie au regard de la contradiction de l’objet de ces deux mesures. En effet, il peut sans difficulté être admis que l’individu dangereux ne saurait faire l’objet d'un aménagement de peine et l’individu dont la dangerosité n’est pas établie ne saurait faire l'objet d’une surveillance judiciaire. Il appartient donc à la juridiction de l'application des peines de choisir entre aménagement de peine et mesure de sûreté, étant précisé que la surveillance judiciaire doit être prononcée avant la libération du condamné[1894], quand bien même le recours en appel à l’encontre d’une telle décision peut être jugé après[1895]. Le choix entre ces deux mesures dépend en définitive de l’objectif que la juridiction de l’application des peines souhaite atteindre en fonction de la personnalité du condamné.

378. Précarisation des réductions de peine. Le mécanisme de la surveillance judiciaire des personnes dangereuses amoindrit l’intérêt des réductions de peine obtenues en ce que ces dernières peuvent servir de fondement à la mise en œuvre d’une surveillance judiciaire. D’ailleurs, il est à noter qu’en l’absence d’aménagement de peine, de suivi socio-judiciaire et de surveillance judiciaire[1896], le législateur prévoit, depuis la loi du 15 août 2014🏛, la possibilité de tout de même soumettre le condamné ayant bénéficié de réductions de peine, à certaines obligations, interdictions et mesures de contrôle du sursis probatoire pendant une durée ne pouvant excéder celle desdites réductions. Le condamné peut aussi bénéficier de mesures d’assistance. Tout comme dans le cadre de la surveillance judiciaire, une réincarcération peut être ordonnée en cas d’inobservation des mesures entrainant un retrait des réductions de peine. Le juge de l'application des peines peut également se servir des réductions de peine obtenues comme base temporelle de mesures liées à l’interdiction d’entrer en contact avec la victime ou la partie civile ou encore à l’obligation d’indemnisation de ces dernières. Il faut néanmoins distinguer ce dispositif de celui de la surveillance judiciaire. Dans un premier temps, l’article 721-2 du Code de procédure pénale🏛 s’applique à tous les condamnés. En ce sens, il ne tient compte ni de la nature de l’infraction ni du quantum de la peine et ne vise donc pas spécifiquement les graves infractions et les longues peines. D’ailleurs, aucune expertise constatant une éventuelle dangerosité ou un risque de récidive n’est requise. Cela permet notamment d’y intégrer les condamnés éligibles à la surveillance judiciaire mais dont la dangerosité n’a pas été avérée. Toutefois, cette mesure diffère de la surveillance judiciaire en ce qu’elle affiche clairement son objectif de favoriser la réinsertion du condamné[1897]. Surtout, en l’absence de dangerosité, il n’était pas envisageable d’imposer des mesures aussi coercitives qu’une injonction de soins, un placement sous surveillance électronique mobile ou encore une obligation d’assignation à domicile. Cependant, il est à noter que l’article 721-2 du Code de procédure pénale🏛 s’inscrit dans la même dynamique que l’article 723-29 prévoyant la surveillance judiciaire, ces deux dispositifs précarisant effectivement un aménagement de peine régulièrement obtenu et l’utilisant en guise de monnaie d’échange pour contraindre le condamné.

379. L’instauration d’une surveillance de sûreté. Compte tenu du caractère temporellement limité de la surveillance judiciaire des personnes dangereuses, la loi du 25 février 2008🏛[1898] renforcée par celle du 10 mars 2010[1899], a instauré une surveillance de sûreté afin d’en prolonger les effets dans certains cas. C’est ainsi qu’il est prévu que les obligations ordonnées dans le cadre de la surveillance judiciaire peuvent être prolongées au-delà de la durée des réductions de peine accordées, via une surveillance de sûreté d’une durée de deux ans[1900], laquelle peut être renouvelée pour la même durée et sans limitation du nombre de renouvellement tant que les conditions d’octroi sont réunies[1901]. Néanmoins, cette dérogation doit respecter certains critères. En effet, ne peuvent être soumises à une telle surveillance de sûreté que les personnes condamnées à une peine de réclusion criminelle d’une durée minimale de quinze ans et pour l’une des infractions mentionnées à l’article 706-53-13 du Code de procédure pénale. En outre, c’est à la juridiction régionale de la rétention de sûreté qu’il appartient de décider de cette mesure et non plus à la juridiction de l’application des peines[1902]. De plus, si la persistance de la dangerosité du condamné doit être constatée par une expertise médicale, la surveillance de sûreté ne peut intervenir que lorsque « les obligations résultant de l'inscription dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes apparaissent insuffisantes pour prévenir la commission des crimes mentionnés à l'article 706-53-13[1903] » et que la surveillance de sûreté « constitue l'unique moyen de prévenir la commission, dont la probabilité est très élevée, de ces infractions[1904] ». Le législateur insiste donc bien sur le caractère subsidiaire de cette mesure de sûreté. De plus, si elle peut lui succéder, la surveillance de sûreté peut également être ordonnée en lieu et place de la surveillance judiciaire en cas de retrait des réductions de peine en raison de l’inobservation des mesures de la surveillance judiciaire. Le cas échéant, les conditions liées au quantum de la peine prononcée et à la nature de l'infraction commise sont maintenues[1905]. De surcroit, il doit exister un risque de commission d’une infraction mentionnée à l’article 706-53-13 du Code de procédure pénale. En visant systématiquement ce dernier article, les dispositions de la surveillance de sûreté ne font pas référence à un risque de récidive générale mais limitent celle-ci à certaines infractions particulièrement graves telles que les crimes commis sur une victime mineure d’assassinat, de meurtre, de torture ou actes de barbarie, de viol, entre autres. Enfin, il est à noter que la surveillance de sûreté peut tout aussi bien prendre le relais d’une surveillance judiciaire que d’un suivi socio-judiciaire[1906] voire d’une rétention de sûreté[1907], laquelle constitue une mesure de sûreté privative et non plus uniquement restrictive de liberté, visant une prise en charge globale de l’individu dangereux.

B°) La volonté de prendre en charge le condamné après la peine

380. L’instauration d’une rétention de sureté. La loi du 25 février 2008🏛 évoquée supra a instauré, outre la surveillance de sûreté, la mesure de rétention de sûreté. La spécificité de cette mesure consiste en la possibilité pour la juridiction régionale de la rétention de sûreté, de placer le condamné, après exécution de sa peine, dans un centre socio-médico-judiciaire en vue d’une prise en charge médicale, sociale et psychologique[1908] pour une durée d'un an renouvelable ad infinitum tant que les conditions sont réunies[1909]. Si les précédentes mesures de sûreté étudiées prévoyaient la possibilité d’un traitement de l’individu dangereux via une injonction de soins, la rétention de sûreté est fondamentalement axée sur une prise en charge pluridisciplinaire de celui-ci. Cette mesure particulièrement coercitive, puisque privative de liberté, est par conséquent strictement encadrée. Tout d’abord, ce placement intervient dans le cadre d’une procédure juridictionnelle devant respecter les règles du procès équitable[1910]. Par ailleurs, il est précisé que la rétention de sûreté revêt un caractère exceptionnel[1911]. Elle n’est d’ailleurs applicable qu’aux personnes ayant été condamnées à une peine de réclusion criminelle d’une durée minimale de quinze ans et pour certains crimes spécifiquement déterminés[1912]. En outre, cette mesure ne peut être prononcée à l’issue de l’exécution de la peine uniquement lorsque la cour d’assises a expressément prévu que le condamné ferait l’objet d’un réexamen de sa situation en vue de l’application d’une telle mesure[1913]. Il est alors nécessaire à la fin de la peine que celui-ci « présente[…] une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive parce qu’[il] souffre[…] d'un trouble grave de la personnalité[1914] ». Cette dangerosité est évaluée par la CPMS au moins un an avant sa libération[1915]. Pour ce faire, ladite commission sollicite le placement de l’intéressé dans un service spécialisé chargé de l’observation des personnes détenues en vue de la réalisation d’une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité et d’une expertise médicale rendue par deux experts[1916]. La rétention de sûreté intervient donc dans des cas très précis et sa subsidiarité était d’ailleurs souhaitée dès les travaux préparatoires, lesquels prévoyaient sa mise en oeuvre uniquement « si aucun autre moyen ne [s’avérait] suffisant pour canaliser la dangerosité de l’individu[1917] ». C’est ainsi que la rétention de sûreté n’est possible que lorsque « les obligations résultant de l'inscription dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes, ainsi que les obligations résultant d'une injonction de soins ou d'un placement sous surveillance électronique mobile, susceptibles d'être prononcés dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire ou d'une surveillance judiciaire, apparaissent insuffisantes pour prévenir la commission des crimes mentionnés à l'article 706-53-13 » et qu’elle constitue « l'unique moyen de prévenir la commission, dont la probabilité est très élevée, de ces infractions ». Surtout, le législateur précise qu’une telle mesure ne peut être ordonnée qu’après avoir vérifié que le condamné a pu bénéficier d’une prise en charge adaptée au trouble de la personnalité dont il souffre durant le temps de la détention[1918]. En l’absence de cette vérification, aucune rétention de sûreté ne peut être prononcée[1919]. Enfin, si la rétention de sûreté est renouvelable, chaque renouvellement se fonde sur une nouvelle évaluation de la dangerosité et il doit être vérifié que les conditions du placement sont maintenues. Dans la négative, il doit immédiatement être mis fin à la mesure[1920], étant précisé que la personne retenue, quant à elle, ne peut solliciter la fin de la mesure qu’après un délai de trois mois[1921]. Enfin, il est à noter - ce qui est cohérent - que la rétention de sûreté n’est pas compatible avec l’exécution d’une libération conditionnelle. Toutefois, elle peut intervenir après révocation de cette dernière[1922]. Il reste néanmoins difficile d’imaginer qu’une personne condamnée soit admise au bénéfice d’une libération conditionnelle à la suite d’une procédure n’ayant de facto pas conclu à sa dangerosité, et qu’elle réunisse, après révocation de l’aménagement, les conditions nécessaires à un placement en rétention de sûreté. Quant au suivi socio-judiciaire, ce dernier est compatible avec une rétention de sûreté mais n’est exécuté qu’après la fin de la rétention[1923]. L’ensemble de ces garanties légales a conduit le Conseil Constitutionnel à valider l’instauration d’une telle mesure de sûreté[1924].

381. Conformité de la rétention de sûreté à la Constitution. L’on observera que le Conseil Constitutionnel n'a pas qualifié de « peine » la rétention de sûreté, et ce, en tenant compte de deux critères. Tout d’abord, cette mesure n'est pas prononcée par une juridiction de jugement mais seulement envisagée par la cour d'assises puis ordonnée par la juridiction régionale de la rétention de sûreté. De plus, la décision se fonde sur la dangerosité et non la culpabilité du condamné. En ce sens, la rétention de sûreté poursuit une finalité préventive et non punitive et repose sur le traitement du trouble dont est atteint le retenu et la neutralisation de l'individu dangereux. Toutefois, au regard de la privation de liberté prévue, les Sages de la rue de Montpensier consacrent la non-rétroactivité de cette mesure, excepté lorsqu’elle fait suite à la violation des obligations prévues par la surveillance de sûreté, ce qui demeure critiquable[1925]. Par ailleurs, quand bien même le caractère de peine n'a pas été reconnu par le Conseil Constitutionnel, il appartenait à ce dernier de vérifier que l'atteinte à la liberté résultant de la rétention de sûreté répondait à la rigueur nécessaire évoquée par l’article 9 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789[1926]. Cet examen fut réalisé à travers un triple test vérifiant l'adéquation, la nécessité, et la proportionnalité de cette mesure. En premier lieu, le juge constitutionnel a reconnu l'adéquation de la rétention de sûreté compte tenu de son champ d’application (cette mesure est applicable aux personnes condamnées à de longues peines pour la commission de graves infractions) et du critère requis de trouble grave de la personnalité de l’individu. Il a ensuite admis la nécessité de la rétention de sûreté intervenant à titre exceptionnel, si aucun autre dispositif ne permet de parvenir à l'objectif poursuivi et si la prise en charge du condamné pendant l'exécution de la peine n'a pas suffi. Pour ce faire, le Conseil Constitutionnel a réservé la conformité de la mesure à la condition que la juridiction régionale de la rétention de sureté procède à la vérification précitée[1927]. Enfin, les juges ont reconnu la proportionnalité de la rétention de sûreté notamment parce qu'il peut être mis fin à la mesure à tout moment et que chaque renouvellement se fonde sur une évaluation supplémentaire. Toutefois, si la rétention de sûreté est une mesure conforme aux dispositions constitutionnelles, il n’en demeure pas moins qu’elle entraine la privation de liberté d’un individu après exécution de sa peine, ce qui la distingue des autres mesures de sûreté, constituant ainsi un degré supplémentaire de coercition. D’ailleurs, tandis que cette coercition se fonde sur la nécessité de prendre en charge l’individu dont la dangerosité a été établie, il convient toutefois de souligner qu’en réalité les conditions de cette prise en charge sont particulièrement contestées au sein même de la structure de Fresnes[1928]. Enfin, aux côtés de la rétention de sûreté, existe une seconde mesure de sûreté prévoyant une prise en charge globale de l’individu considéré comme dangereux

382. L’instauration d’une mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion. Après une tentative échouée[1929], le législateur a inauguré le 30 juillet 2021 une mesure de sûreté spécialement prévue pour la matière terroriste[1930]. Si la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion ressemble à certains égards à la rétention de sûreté, la privation de liberté en moins, elle s’en distingue également sur plusieurs points. Tout d’abord, il est frappant de constater que cette mesure n’exige pas que le condamné ait exécuté une longue peine puisque les quanta mentionnés visent une durée minimale de cinq ans, voire trois ans lorsque l’infraction a été commise en état de récidive. Cela n’est pas tellement surprenant compte tenu du fait qu’en matière de terrorisme, le quantum de la peine est souvent secondaire face à la nature de l’infraction. En l’occurrence, cette mesure concerne les infractions de nature terroriste à l’exception de celles prévues aux articles 421-2-5 à 421-2-5-1 du Code pénal🏛🏛. Elle ne concerne donc que les infractions considérées comme les plus graves. Tout comme pour la rétention de sûreté, cette mesure n’est applicable que si l’individu « présente une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive ». Ici, néanmoins, cette dangerosité ne repose pas sur un trouble grave de la personnalité de la personne mais sur son « adhésion persistante à une idéologie ou à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme, faisant ainsi obstacle à sa réinsertion ». Si la CPMS demeure compétente pour évaluer la dangerosité de l’individu, elle doit cependant également évaluer sa capacité à se réinsérer. Elle peut, à ce titre, ordonner son placement au sein du CNE pour une session d’une durée minimale de six semaines. Elle adresse enfin son avis motivé à la juridiction compétente[1931]. Contrairement à la rétention de sûreté, il s’agit ici une juridiction de l’application des peines. Sans surprise, il s’agit du tribunal de l'application des peines de Paris qui prononce une telle mesure, sur réquisitions du procureur de la République antiterroriste, au terme d’une procédure devant respecter les règles du procès équitable[1932], dans le but d’une prise en charge pluridisciplinaire (sanitaire, sociale, éducative, psychologique ou psychiatrique) permettant la réinsertion et « l’acquisition des valeurs de la citoyenneté » du condamné. Bien que le législateur évoque la possibilité d’une prise en charge au sein d’un « établissement d’accueil adapté », il convient de rappeler qu’il ne s’agit aucunement d’une mesure privative de liberté[1933]. Concernant les obligations et interdictions de l’individu concerné, le législateur n’opère pas de renvoi aux articles 132-44 et 132-45 du Code pénal🏛🏛 comme il en a l’habitude, mais mentionne cependant des mesures identiques à celles du sursis probatoire. En l’occurrence, l’individu peut être soumis à l’obligation de suivi d’un enseignement ou d’une formation professionnelle et à l’interdiction de se livrer à l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise. Il doit également répondre aux convocations du juge de l'application des peines et du SPIP, justifier de ses moyens d’existence voire établir sa résidence en un lieu déterminé. Tout comme pour la rétention de sûreté, cette mesure ne peut être mise en œuvre qu’après vérification par la juridiction de ce que le condamné a pu bénéficier de mesures favorisant sa réinsertion pendant l’exécution de la peine. Il ne s’agit effectivement pas pour les autorités pénitentiaires et judiciaires de désinvestir le temps de la peine et d’attendre la fin de cette dernière pour envisager une mesure de sûreté. Le législateur exige d’ailleurs qu’apparaisse la stricte nécessité de cette mesure pour prévenir la récidive et permettre la réinsertion de l’individu. A la différence de la rétention de sûreté, cette mesure judiciaire d’une durée maximale d’un an est renouvelable dans la limite de cinq ans[1934]. D’ailleurs, ici, il ne suffit pas que les conditions soient à nouveau réunies pour qu’un renouvellement soit prononcé. En effet, l’apparition d’éléments nouveaux ou complémentaires est expressément requise[1935]. Bien qu’instaurées en vue d’éviter une nouvelle censure du Conseil Constitutionnel, ces dispositions sont toutefois difficiles à comprendre au regard de l’objectif poursuivi. En effet, en l’absence d’élément complémentaire ou nouveau, il doit être mis fin à la mesure quand bien même l’individu présenterait le même degré de dangerosité que lors de la prise de décision initiale du tribunal de l'application des peines de Paris. En suivant la logique du législateur, le plafonnement de cette mesure à cinq ans peut aussi laisser perplexe au regard de la persistance éventuelle de la dangerosité. Enfin, il est à noter qu’en cas d’inobservation des obligations prévues par la mesure, l’individu concerné encourt une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45. 000 euros d’amende[1936]. L'intervention d’une peine privative de liberté peut également surprendre. En effet, en prévoyant une peine sanctionnant l’inobservation d’une mesure de sûreté censée se fonder uniquement sur la dangerosité du condamné, force est de constater que le législateur opère un mélange des genres, ce mécanisme se rapprochant ainsi de celui de la peine de suivi socio-judiciaire. Il convient de souligner que ce dernier est toutefois incompatible avec la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion, tout comme les trois mesures de sûreté étudiées[1937]. Enfin, si la présentation de ces quatre mesures restrictives voire privatives de liberté permet de constater le développement des mesures de sûreté post-pénales, il est évident que ces dernières ne peuvent être sans incidence sur l’aménagement des longues peines.

§2 - L’incidence du développement des mesures de sûreté sur l’aménagement des longues peines privatives de liberté

383. Inquiétudes quant au devenir de l’aménagement des longues peines. Si les caractéristiques des mesures de sûreté sont souvent comparées avec celles de la peine privative de liberté, il convient d’observer le rapprochement existant entre ces mesures et les aménagements des peines de longue durée (A). Le développement de mesures de sûreté présentant certains points communs avec les modalités de traitement des longues peines lors de la phase des aménagements, peut inquiéter quant à l’avenir de ces derniers déjà très affaibli par les évolutions législatives successives (B).

A°) Le rapprochement entre les mesures de sûreté et les aménagements des longues peines

384. Des mesures de sûreté visant les longues peines. Le développement des mesures de sûreté inquiète particulièrement l’aménagement des longues peines privatives de liberté en ce qu’il faut reconnaitre qu’elles concernent majoritairement les auteurs d’infractions les plus graves encourant de facto les plus longues peines. A titre d’exemple, la création de la surveillance judiciaire des personnes dangereuses répondait à une volonté de suivi post-carcéral d’auteurs d’infractions de nature sexuelle. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle elle vise des condamnés encourant la peine de suivi socio-judiciaire. Bien que la surveillance judiciaire ne s’applique plus exclusivement aux personnes condamnées à une peine privative de liberté d'une durée minimale de dix ans, comme cela était le cas lors de son avènement, il convient de rappeler que le quantum de sept ans aujourd’hui exigé ne constitue qu’une durée minimale. En ce qui concerne les mesures de surveillance et de rétention de sureté, le législateur ne les envisage que lorsque la durée de la peine prononcée est égale ou supérieure à quinze ans de réclusion criminelle, ce qui les érige en mesures de sûreté exclusivement prévues pour des peines de longue durée. Toutefois, elles sont réservées à des infractions particulièrement graves telles que celles d’assassinat, de meurtre, de torture ou actes de barbarie, de viol, d’enlèvement ou de séquestration commises sur une victime mineure ou sur une victime majeure lorsqu’elles sont aggravés par les circonstances de l’espèce ou par l’état de récidive de l’auteur des faits. Enfin si la mesure judiciaire de prévention de la mesure terroriste et de réinsertion est applicable lorsque la durée de la peine est égale ou supérieure à cinq ans, il s’agit là d’une exception justifiée par la gravité du contentieux dont les condamnés sont automatiquement assimilés à ceux exécutant une longue peine en raison de la nature de l’infraction commise. En définitive, force est de constater que les mesures de sûreté visent généralement des personnes condamnées à de longues peines privatives de liberté, lesquelles rencontrent d’ores et déjà des difficultés quant à l’aménagement de leur condamnation. Inversement, l’on observera que le régime spécial de libération conditionnelle des longues peines issu de l’article 730-2 du Code de procédure pénale🏛 fait référence aux infractions mentionnées par les dispositions relatives à la surveillance et la rétention de sûreté. Au-delà d’un champ d’application commun, les mesures de sûreté étudiées et les procédures d’aménagement spécifiquement prévues en matière de longues peines partagent un certain nombre de modalités.

385. L’appréhension commune de la dangerosité du condamné. Il est traditionnellement admis que les mesures de sûreté présenteraient une fonction préventive tandis que celle de la peine privative de liberté serait essentiellement punitive[1938]. Il est néanmoins reconnu que les mesures de sûreté intervenant après une condamnation reposent inévitablement au moins partiellement sur la culpabilité du condamné[1939] et que la peine telle qu’elle est prononcée prend en compte le risque de récidive du condamné[1940]. Plus que la peine, son aménagement est spécifiquement orienté vers l’avenir du condamné et sa réinsertion au sein de la société[1941]. Or, tel que cela a pu être observé en matière d’aménagement des longues peines privatives de liberté, la persistance de la dangerosité du condamné est un critère omniprésent. Si l’aménagement des longues peines s’envisage à travers le prisme de la dangerosité, il rejoint en ce sens le fondement des mesures de sûreté, constituant ainsi un premier rapprochement entre ces mesures de nature distincte. A travers l’évaluation de cette dangerosité rendue indispensable par la présomption pesant sur l’auteur de faits graves, l’on remarque l’intervention d’acteurs communs comme les experts psychiatres ou psychologues et la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté mais également le recours commun à l’évaluation pluridisciplinaire de dangerosité résultant de l’admission du condamné au sein du centre national d’évaluation. Le concept de dangerosité semble donc constituer le dénominateur commun des mesures de sûreté et de l’aménagement des longues peines privatives de liberté et en définitive, il revient à l’évaluation contestée de cette dangerosité dont les contours demeurent flous de trier le bon grain de l’ivraie et répartir les condamnés entre ceux qui sont aptes à bénéficier d’un aménagement de peine et ceux qui doivent être soumis à une mesure de sûreté. Par ailleurs, cette dangerosité présumée ou avérée justifie la volonté commune de traiter le condamné.

386. L’objectif commun de traitement du condamné. S’il a été constaté que l’injonction de soins issue du suivi socio-judiciaire est devenue une condition d’accès aux aménagements des longues peines mais aussi une condition de leur maintien, cette injonction constitue également une modalité quasi-obligatoire des mesures de sûreté. Elle peut accompagner ainsi la surveillance judiciaire des personnes dangereuses ou encore la surveillance de sûreté. Il convient cependant de rappeler que la volonté de traitement de la personne condamnée à une longue peine ne doit pas se confondre avec la fonction d'amendement de toute peine privative de liberté revenant à « transformer [le délinquant] en honnête homme et à le reclasser dans la société[1942] ». En l’occurrence, si la morale de l’individu ayant gravement troublé l’ordre public peut sembler douteuse, ici une cause supplémentaire liée à une éventuelle pathologie nécessite le soin du condamné. La réadaptation souhaitée n’est donc pas uniquement sociale mais bien d’ordre médical. Pour autant, force est de constater que les modalités du traitement dépassent parfois ce cadre strictement médical. En effet, la rétention de sûreté et la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion prévoient une prise en charge pluridisciplinaire de l’individu dangereux à corriger. Que ce soit en raison d’un trouble grave de la personnalité du condamné ou de son adhésion à une idéologie incitant à commettre des actes de terrorisme, il est envisagé de corriger l’individu dangereux à travers une prise en charge sanitaire, psychologique voire psychiatrique mais également socio-éducative. Quoi qu’il en soit, appréhender le condamné comme un malade confère à la peine une fonction curative qui permet d’utiliser l’éventualité de son aménagement comme moyen d’adhésion du condamné au traitement proposé. En cas d’échec, le législateur permet l’orientation du condamné vers une mesure de sûreté. En définitive, si traditionnellement le quantum de la peine est déterminé par la juridiction de jugement afin d’assurer la fonction rétributive de la condamnation « selon laquelle le malfaiteur [doit] subir une souffrance censée répondre au trouble causé[1943] », la durée des longues peines peut, elle, être indirectement étendue[1944] indéfiniment tant que le condamné n’est pas considéré comme traité ou du moins tant que sa pathologie semble générer une dangerosité criminologique. Par conséquent, la primauté du traitement des personnes condamnées à de longues peines privatives de liberté permet dans certains cas d’abolir la notion de « fin de peine ». Cette absence de fin de peine se traduit également par une volonté de contrôle illimité du condamné, traité ou non, présente tant au sein des mesures de sûreté que dans le cadre de l’aménagement des longues peines privatives de liberté.

387. L’objectif commun de surveillance et de contrôle du condamné. Afin de prévenir la société du risque de récidive de certains condamnés identifiés comme dangereux, le législateur a prévu la possibilité d’une neutralisation de ces derniers via la rétention de sûreté. L’emploi de cette mesure privative de liberté demeure toutefois exceptionnel et les mesures de sûreté prévoient généralement que les individus dangereux soient soumis à des mesures de contrôle et de surveillance ainsi qu’à certaines obligations et interdictions. Pour ce faire, il est classiquement renvoyé aux modalités du sursis probatoire prévues par les articles 132-44 et 132-45 du Code pénal🏛🏛. Il peut dès lors s’agir d’une limitation de la liberté d’aller et venir de l’individu. Il peut ainsi être attendu de ce dernier qu’il prévienne de tout déplacement et changement de résidence ou d’emploi, voire qu’il fixe sa résidence en un lieu déterminé, l’intérêt de ces obligations étant de le localiser rapidement. Il peut lui être interdit de fréquenter certains endroits comme les débits de boissons et de se rendre en certains lieux. Ce contrôle s’étend également à son activité professionnelle. En le contraignant à exercer une activité professionnelle et à justifier de ses moyens d’existence, l’on s’assure qu’il ne s’oriente pas vers un mode de rémunération illicite. Dans le même sens, il peut lui être imposé de justifier d’une comptabilité certifiée par un commissaire aux comptes ou de justifier du paiement régulier de ses impôts. L’on s’assure également qu’il n’exerce pas la même activité à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise en vue d’éviter la tentation de toute récidive. Un troisième type de contrôle peut être exercé sur la vie sociale de l’individu en lui interdisant la fréquentation de personnes mineures, de coauteurs, de complices ou de personnes victimes de l’infraction. Bien qu’il ne s'agisse pas d'une présentation exhaustive, l’on s’aperçoit que ces obligations et interdictions régissent strictement la vie quotidienne du condamné ayant pourtant déjà exécuté sa peine. Ces mêmes mesures peuvent assortir une libération conditionnelle, bien qu’elles soient alors applicables à tous les condamnés bénéficiant de cet aménagement et ne visent pas spécifiquement les longues peines[1945]. En revanche, certaines modalités sont expressément prévues pour ces dernières. Il s’agit notamment du placement sous surveillance électronique mobile du condamné qui est à la fois une modalité de certaines mesures de sûreté et qui est également rendu obligatoire en matière de libération conditionnelle de certaines longues peines, en l’absence d’aménagements de peine probatoires, conformément aux dispositions de l’article 730-2 du Code de procédure pénale🏛. L'on constate ici l'incidence des mesures de sûreté sur l'aménagement des longues peines privatives de liberté puisque le placement sous surveillance électronique mobile a tout d'abord été prévu afin d'accompagner la surveillance judiciaire des personnes dangereuses avant d'être étendu, lors des travaux préparatoires, à la libération conditionnelle de manière facultative devenue ensuite obligatoire en fonction de la durée de la peine. Par ailleurs, la volonté commune de contrôler le comportement de la personne condamnée à une longue peine se traduit aussi par la possibilité de conférer un caractère illimité à la durée du délai d’épreuve de la libération conditionnelle, en vertu du cinquième alinéa de l’article 720-4 du Code de procédure pénale🏛, cette possibilité se rapprochant du caractère illimité de la durée des mesures de sûreté telles que la surveillance et la rétention de sûreté. Il est vrai que si les mesures de contrôle du condamné sont inhérentes à l'aménagement de toute peine privative de liberté, la place prépondérante qu’elles occupent en présence d’une peine de longue durée renvoie inévitablement au fondement des mesures de sûreté. Ce rapprochement permet alors de s’inquiéter au sujet de l’avenir de l’aménagement des longues peines face au développement de ces mesures.

B°) L’avenir incertain de l’aménagement des longues peines face au développement des mesures de sûreté

388. Vers la disparition de l’élargissement anticipé ? Il a pu être observé que la durée de la longue peine privative de liberté constituait le premier obstacle à son aménagement et, par conséquent à l’élargissement anticipé de la personne détenue. En effet, d’un point de vue matériel, les seuils prévus pour accéder à la semi-liberté, au placement à l’extérieur ou encore à la détention à domicile sous surveillance électronique ne correspondant pas à la temporalité des longues peines, il est difficile de qualifier d’« anticipée » la libération accordée sous le régime de l’une de ces mesures, alors que la date de fin de peine est très proche. Par ailleurs, d’un point de vue juridique, il a pu être constaté, d’une part que le législateur a prévu une forme de verrouillage des longues peines via l’instauration d’une période de sûreté obligatoire et automatique, parfois perpétuelle, prohibant provisoirement ou définitivement[1946] tout élargissement anticipé du condamné. D’autre part, outre la suppression de l’accès à certains aménagements en raison de la nature de l’infraction, l’allongement de la procédure d’octroi de la libération conditionnelle des longues peines, compte tenu des expertises et évaluations successives, contribue à l’amoindrissement du caractère anticipé de l’élargissement ainsi prononcé. Le développement des mesures de sûreté ne permet pas de rectifier ce mouvement en ce qu’il semble plutôt porter le coup de grâce à l’intérêt de libérer la personne détenue avant la fin de sa peine. En effet, il est admis que l'aménagement de la peine - et plus particulièrement la libération conditionnelle du condamné en ce qui concerne les longues peines - présente un double intérêt, à savoir le bénéfice d’un élargissement anticipé pour la personne détenue et la possibilité d'imposer des obligations, des interdictions et un suivi à cette dernière, en vue de la protection de la société. Cela se traduit par l’imputation de la durée du suivi et des mesures sur le temps de la peine. Dès lors qu'il est possible d’imposer un tel suivi au condamné après le temps de la peine et non plus uniquement après le temps de la détention, l’intérêt de libérer la personne détenue avant la fin de la peine est significativement réduit. C’est effectivement le cas de la surveillance et de la rétention de sûreté mais aussi de la mesure judiciaire de prévention contre la récidive terroriste et de réinsertion qui interviennent après le temps de la peine. En revanche, la durée de la surveillance judiciaire des personnes dangereuses se fondant sur celle des réductions de peine obtenues, permet moins d’analyser cette mesure comme une mesure de sûreté post-pénale que post-carcérale, quand bien même elle remet en cause des aménagements régulièrement obtenus, en ce qu’elle n’étend pas le temps de la peine telle qu’elle a été initialement prononcée. Enfin, dans le même sens, il ne faut pas négliger la portée de l’article 721-2 du Code de procédure pénale🏛 permettant d’imposer des mesures de contrôle et des interdictions au condamné ayant bénéficié de réductions de peine, sans qu’il ne soit besoin d’évaluer préalablement sa dangerosité. Bien que ce dispositif soit prévu pour favoriser la réinsertion du condamné et prévenir la commission d’une nouvelle infraction, il franchit un cap en ne se fondant plus sur la dangerosité du l’individu mais sur l’absence d’élargissement anticipé. En effet, ce dispositif intervient subsidiairement, lorsque le condamné n’a pu bénéficier d’un aménagement de peine afin qu’un suivi soit tout de même mis en oeuvre au sortir de l’établissement carcéral[1947]. Il permet donc à l’autorité judiciaire d’instaurer des mesures de protection vis-à-vis de la société sans que le condamné n’ait pu bénéficier d’une libération anticipée. Si ce dispositif concerne aujourd’hui toutes les peines et non exclusivement celles de longue durée, et qu’il repose sur les réductions de peine accordées, l’on peut craindre une dérive. En effet, la tentation d’instaurer un suivi post-pénal[1948] pour les personnes condamnées à une longue peine se fondant uniquement sur l’absence d’élargissement anticipé accordé à titre principal, est prégnante dans un cadre législatif toujours plus désireux de soumettre le condamné à des mesures de contrôle, sans contrepartie. D’ailleurs, l’absence d’élargissement anticipé ne semble pas être la seule contrepartie manquante lorsque les mesures de sûreté « remplacent » les aménagements de peine.

389. Vers l’amoindrissement des mesures d’assistance et de l’objectif de réinsertion. Tel que cela a pu être indiqué, l’aménagement de peine prévoyant la libération anticipée du condamné permet de mettre en œuvre un suivi se traduisant par des mesures de contrôle, des obligations et des interdictions. Cependant, cette libération anticipée permet également de réinsérer progressivement le condamné dans la société grâce à des mesures d’assistance. Dans le cadre de l’exécution d’une peine de longue durée, ces mesures sont d’autant plus importantes qu’il n’est pas rare que le condamné soit complètement désocialisé et doive se réadapter à la vie quotidienne hors des murs de la prison. Néanmoins, force est de constater que la restriction et la complexification de l'aménagement des longues peines privatives de liberté se sont illustrées par la focalisation du législateur sur le contrôle du condamné, laissant parfois de côté les mesures d’assistance. Le développement des mesures de sûreté constitue le parfait exemple de l’ambition de lutte contre la récidive uniquement à travers le prisme du contrôle du condamné et du délaissement progressif des mesures d’assistance et de l’objectif de réinsertion. En effet, dans un premier temps, la surveillance judiciaire des personnes dangereuses instaurait un suivi « aux seules fins de prévenir une récidive[1949] ». Ce n’est que dans un second temps que le législateur a prévu que le condamné devait faire « l'objet de mesures d'assistance et de contrôle destinées à faciliter et à vérifier sa réinsertion[1950] ». Quant à la surveillance de sûreté succédant à la surveillance judiciaire, elle prévoit uniquement de prolonger « les obligations auxquelles est astreinte la personne[1951] », sans jamais faire référence aux mesures d’assistance, l’objectif de cette mesure étant uniquement de « prévenir la commission, dont la probabilité est très élevée[1952]» de certaines infractions. Concernant la rétention de sûreté et la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion, le législateur ne mentionne aucune mesure d’assistance. Cela est d’autant plus inquiétant que la mesure de sûreté prévue en matière de terrorisme se déroule en milieu ouvert. Néanmoins la prise en charge pluridisciplinaire inhérente à ces mesures de sûreté peut à certains égards être associée aux mesures d’assistance mises en œuvre au sein des aménagements de peine. En effet, la dimension socio-éducative de ladite prise en charge semble rejoindre ces mesures d’assistance. Cette comparaison doit toutefois être relativisée. En effet, la rétention de sûreté consiste en une privation de la liberté d’aller et venir de l’individu placé. Ainsi, la prise en charge en centre socio-médico-judiciaire de sûreté ne peut s’apparenter aux mesures d’assistance déployées en milieu ouvert favorisant le reclassement du condamné[1953]. Quant à la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion, si elle fait apparaitre un objectif de réinsertion, il suffit de prendre connaissance de la circulaire du 24 mars 2022 pour comprendre que cet objectif n’est poursuivi que par le travail de déradicalisation de l’individu devant acquérir les valeurs de la citoyenneté[1954], et non via des mesures d’assistance stricto sensu auxquelles il n’est jamais fait référence. En définitive, la réinsertion du condamné soumis à une mesure de sûreté n’est appréhendée qu’en tant que moyen de lutte contre la récidive et non en tant que moyen pour le condamné de retrouver sa place au sein de la société. Le remplacement des aménagements de peine par ces mesures de sûreté présenterait donc l’inconvénient majeur, de voir disparaitre, outre l’éventualité d’un élargissement anticipé du condamné, les mesures d’assistance dont il a besoin après plusieurs années de détention.

Conclusion du chapitre 2

390. Libération conditionnelle et longues peines : dénaturation d’un aménagement de peine idoine ayant vocation à disparaitre ? Si la soumission du condamné à des obligations et interdictions ainsi que des mesures de contrôle à la sortie de l'établissement pénitentiaire est tout à fait légitime et même souhaitable, la volonté de sécurisation absolue de l'aménagement de la longue peine, particulièrement de la libération conditionnelle, a inévitablement conduit à sa dénaturation. La mise à l'épreuve supplémentaire, via l'instauration d'aménagements de peine probatoires obligatoires, laisse présager une mise à l’épreuve perpétuelle en raison de l’éternelle insatisfaction d’un législateur aux yeux duquel la personne condamnée à une longue peine ne semble jamais avoir fourni suffisamment d’efforts de réinsertion. Outre ce durcissement raréfiant l’accès à la libération conditionnelle, le régime spécial instauré se confronte à des incompatibilités matérielles et le juge doit composer avec les obstacles rencontrés par le condamné en dispensant d’exécution de ce régime plus sévère les uns (à savoir les condamnés sollicitant une libération conditionnelle relais d’une suspension médicale de peine) et non les autres (à savoir les condamnés sollicitant une libération conditionnelle en raison de leur âge avancé), complexifiant ainsi un peu plus l’articulation entre les divers régimes. La libération conditionnelle est également dénaturée dans le cadre de son exécution via l'extension du contrôle matériel et temporel auquel est soumis le condamné, par le biais d'un placement sous surveillance électronique mobile et du caractère possiblement illimité du délai d’épreuve. Or, il a pu être observé une corrélation entre cette dénaturation globale de la libération conditionnelle et le développement des mesures de sûreté, lesquelles s’intéressent également au suivi du condamné à une longue peine après sa sortie de prison. Des points communs ont pu être constatés entre ces deux modalités de suivi du condamné, toutes deux s’intéressant aux longues peines à travers le prisme de la dangerosité et ayant pour but de contrôler le condamné et de le traiter parfois ad vitam aeternam, consacrant ainsi la disparition de la notion de fin de peine. Si les mesures de sûreté interviennent après exécution de la peine, l’on peut raisonnablement s’inquiéter du remplacement progressif de la libération conditionnelle par ces mesures post-pénales en raison des velléités du législateur d’amoindrir le caractère anticipé de l’aménagement des longues peines privatives de liberté.

Conclusion du titre deuxième

391. Des velléités de sécurisation érigées en obstacle à l’aménagement des longues peines. La raison de la complexification de l'aménagement des longues peines privatives de liberté réside dans la volonté du législateur de sécuriser à l'extrême la sortie du condamné de l'établissement pénitentiaire. En effet, la lutte contre la récidive des infractions graves est au cœur du processus d'aménagement de la longue peine. Afin d’éviter une éventuelle récidive, il convient notamment d’analyser les causes de la criminalité et du passage à l'acte. La cruauté de certaines infractions conduit la société à appréhender certains condamnés comme des individus malades, tant il est difficile de comprendre les motivations de ces crimes. De fait, le législateur permet à l'institution judiciaire de soumettre ces condamnés à un traitement avant tout élargissement anticipé et durant l’exécution de l’aménagement de la peine, par le biais d’une injonction de soins héritée de la peine de suivi socio-judiciaire. Partant, le soin est devenu une condition supplémentaire d’accès et de maintien de l’aménagement de la longue peine, en dépit des difficultés d’ordre pratique rencontrées et surtout de l’investissement hasardeux du condamné dans des méthodes de traitement dont l’efficacité reste questionnée. Si le soin contraint du condamné semble porter atteinte à ses droits et libertés, la sécurisation extrême de l'aménagement de la peine se traduit également par une mise à l'épreuve supplémentaire et un contrôle matériel et temporel accru du condamné. Par conséquent, la libération conditionnelle accordée à une personne exécutant une longue peine présente peu de points communs avec celle accordée dans le cadre de l’exécution d’une peine de courte ou moyenne durée. Ce dévoiement de la libération conditionnelle s’observe tant au regard de la procédure instaurée qu’à celui des conditions d’accès et du régime d’application de la mesure. Les notions de « dangerosité » et de « traitement » omniprésentes au sein de l'aménagement des longues peines, tendent à rapprocher ce dernier des mesures de sûreté post-pénales visant exclusivement à neutraliser l’individu dangereux et reléguant l’objectif de réinsertion à la seconde place.

Conclusion de la deuxième partie

392. Une complexification consacrant le caractère dérogatoire du droit de l’aménagement des longues peines. La complexification de l'aménagement des longues peines s’observe en premier lieu par la multiplicité des acteurs intervenant lors de cette phase. Si la juridiction de l'application des peines demeure décisionnaire, c'est à condition qu'elle statue collégialement lorsque la décision rendue peut engendrer des conséquences importantes. Ainsi, la composition de la juridiction de première instance et d'appel est spécifiquement déterminée par le législateur apparaissant méfiant à l'égard du juge de l'application des peines. Cette méfiance se traduit d’ailleurs en matière de terrorisme par une compétence spéciale des juridictions parisiennes en vertu d’un principe de centralisation censé être adapté à la spécificité du contentieux. En outre, avant de statuer, le tribunal de l'application des peines sollicite un certain nombre d’avis. C'est ainsi que la dangerosité et le risque de récidive du condamné sont évalués. La décision de libération conditionnelle s'appuie effectivement sur des expertises psychiatriques mais également sur une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité rendue après le placement du condamné au sein du centre national d’évaluation durant une session de plusieurs semaines. Le service pénitentiaire d'insertion et de probation transmet également son évaluation à la juridiction de l’application des peines et la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté est encore parfois sollicitée. Plus que jamais, l'accès à un aménagement de peine est conjointement réfléchi, bien que la décision finale revienne à l'institution judiciaire. La personne condamnée à une longue peine étant toutefois présumée dangereuse au regard de la gravité des faits commis, le législateur a souhaité sécuriser, autant que faire se peut, l’aménagement de sa peine. Dans un premier temps, c'est par l’incitation aux soins pendant le temps de la détention et l’injonction de soins après la décision d’octroi de l’aménagement de la peine, qu’il est envisagé de traiter le condamné dont il est admis qu’il présente une pathologie ayant conduit au passage à l’acte. Malgré le traitement éventuel du condamné, ce dernier doit également exécuter un aménagement de peine probatoire avant d’accéder à une libération conditionnelle, si cette dernière n’est pas assortie d’un placement sous surveillance électronique mobile. La volonté de contrôle du condamné est poussée à son paroxysme par l'instauration d'un délai d’épreuve illimité applicable à certaines peines de réclusion criminelle à perpétuité. Si ce contrôle peut sembler excessif, il apparaît surtout en contradiction avec l'esprit des aménagements de peine et tend à rapprocher ces derniers des mesures de sûreté.

Conclusion générale

393. L’indispensable refonte du droit de l’aménagement des longues peines. Au terme de cette étude, force est de constater que les personnes condamnées à une longue peine privative de liberté rencontrent de nombreux obstacles dans le cadre de l’aménagement de cette dernière. La finalité rétributive de la peine retarde de facto la date de fin de peine puisque la personne ayant commis une infraction grave doit évidemment exécuter une partie certaine de la condamnation prononcée pour apaiser le trouble à l’ordre public causé. C'est ainsi que la durée du temps d’épreuve exigé en matière de libération conditionnelle est proportionnelle au quantum de la peine privative de liberté temporaire. Toutefois, l'analyse des dispositions législatives et des travaux préparatoires a permis de faire état de l’intensité de la finalité neutralisatrice de la longue peine s’apparentant progressivement à une finalité éliminatrice. Dans un souci de protection de la société, l'objectif de réinsertion semble avoir quasiment disparu en la matière via l’introduction d’obstacles à l’individualisation de la peine lors de la phase post-sentencielle. Dans un premier temps, l'instauration d'une période de sûreté permet de figer la peine et d’exclure le condamné de la majeure partie des aménagements de peine. Cette exclusion peut être définitive pour certains réclusionnaires à perpétuité n’ayant plus qu’à espérer qu’un relèvement exceptionnel de cette modalité d’exécution de la peine leur soit accordé par le tribunal de l'application des peines. Dans un deuxième temps, l'offre des mesures d’aménagement de la longue peine est limitée. En effet, si la matière criminelle est exclue du bénéfice du fractionnement et de la suspension de peine, et que les procédures simplifiées prévues par le législateur ne visent que les courtes voire les moyennes peines, les aménagements offerts aux infracteurs terroristes ont été sensiblement restreints, à tel point que l’on peut s’interroger sur l’éventualité de la suppression de toute possibilité d’aménagement de peine à leur égard. En réalité, les dispositions dérogatoires en matière de terrorisme ne constituent que l’ultime manifestation de la spécialisation du droit de l’antiterrorisme dont il est inquiétant de constater que la seule nature de l’infraction semble désormais prise en compte au détriment du quantum de la peine, marqueur traditionnel de la gravité de l’infraction. En outre, lorsque les personnes condamnées à une longue peine sont éligibles à un aménagement, la complexification de sa mise en œuvre permet de conclure à une dénaturation de la mesure accordée. C’est particulièrement le cas de la libération conditionnelle constituant pourtant l’aménagement idoine des longues peines. La sécurisation de cette mesure a conduit à un allongement conséquent de la durée de la procédure d’octroi et de facto à un allongement du temps de détention. Désormais, dans le cadre d’une longue peine, le condamné présumé dangereux doit être soumis à un certain nombre d’évaluations, examens et expertises avant qu’une juridiction collégiale ne puisse statuer. La place résiduelle accordée au juge de l'application des peines illustre l’importance des enjeux en présence et la nécessité de réfléchir conjointement à un éventuel élargissement anticipé. Si le condamné est présumé dangereux, pèse également sur lui la présomption d’un trouble dont il serait atteint, ayant favorisé le passage à l’acte. Il en va spécifiquement ainsi en matière d’infractions sexuelles et violentes. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il importe que le condamné soit traité pendant sa détention et que son traitement perdure à la sortie de l’établissement pénitentiaire. Le traitement du condamné a ainsi été érigé en condition supplémentaire d’octroi et de maintien des aménagements de peine. Si le condamné n’est pas découragé par ces obstacles, il doit également s’attendre à une mise à l’épreuve supplémentaire via le caractère obligatoire de l’exécution d’un aménagement de peine probatoire à la libération conditionnelle, lorsque celle-ci n’est pas accompagnée d’un placement sous surveillance électronique mobile. En effet, la dénaturation de la libération conditionnelle se traduit également par l'extension du contrôle auquel est soumis le condamné conduisant parfois à la disparition de la notion de « fin de peine ». Un parallèle a d'ailleurs pu être établi entre le difficile aménagement des longues peines et le développement croissant des mesures de sûreté, au-delà de la porosité de ces dispositifs. Si le législateur semble de moins en moins favorable à l’élargissement anticipé des condamnés dont il estime que le trouble qu’ils ont causé à l'ordre public légitime l'application d'un régime spécial plus sévère, les mesures de sûreté répondent à la nécessité de maintenir ces condamnés sous le contrôle de l'institution judiciaire après exécution de leur peine. Il existe ainsi un risque indéniable de remplacement progressif des aménagements de peine par ces mesures de sûreté. Si aujourd'hui ces mesures nécessitent que la dangerosité du condamné soit établie pour être mises en œuvre, il est à craindre que l’extension du temps pénal ne se fonde bientôt plus que sur le double critère tenant à la nature de l'infraction commise et au quantum de la peine prononcée. Il est néanmoins encore temps pour le législateur de se saisir de la question de l’avenir des longues peines privatives de liberté, non pas pour durcir à nouveau le cadre juridique de leur aménagement mais afin de les réinscrire dans un réel parcours de réinsertion, donner du sens à la condamnation pénale et une effectivité à la notion européenne de « droit à l’espoir ». Si quelques propositions concrètes ont pu être émises au fil de cette étude, il semblerait qu’un travail de fond portant sur la philosophie de la longue peine privative de liberté doive être réalisé afin de définir clairement ce qui est attendu des personnes condamnées à une telle peine. Il importe en effet de résoudre la contradiction persistante entre l’objectif théorique de réinsertion de la peine affiché et la quasi-impossibilité pratique d'atteindre cet objectif pour les longues peines.

PROPOSITIONS DE THESE

  • Proposition n° 1 : Supprimer l’article D142-1 du Code de procédure pénale🏛 et modifier les articles 132-23 du Code pénal🏛 et 720-2 du Code de procédure pénale en ce qu’ils prohibent l’octroi de permissions de sortir durant la période de sûreté.
  • Proposition n° 2 : Assouplir les conditions temporelles d’accès aux permissions de sortir des articles D143, D 43-4 et D145 du Code de procédure pénale🏛🏛🏛 accordées en vue de préparer la réinsertion professionnelle ou sociale, maintenir les liens familiaux ou permettre l’accomplissement d’une obligation exigeant la présence du condamné, en prévoyant un accès après exécution du tiers de la peine et non plus de la moitié, et sans que ne soit fait référence au reliquat de peine à exécuter.
  • Proposition n° 3 : Au sein de l’article D143-5 du Code de procédure pénale🏛, supprimer la condition tenant à l’exécution de la moitié de la peine pour les personnes condamnées à une ou plusieurs peines privatives de liberté d’une durée totale supérieure à cinq ans en vue de l’obtention d’une permission de sortir d’une durée maximale de trois jours à l’occasion de la maladie grave ou du décès d’un membre de leur famille proche ou de la naissance de leur enfant.
  • Proposition n° 4 : Supprimer les régimes spéciaux de permissions de sortir tenant à la catégorie de l’établissement pénitentiaire hébergeant le condamné.
  • Proposition n° 5 : Instaurer une progressivité dans la durée des permissions de sortir en fixant, par exemple, des durées maximales de trois, cinq, puis dix jours en fin de peine.
  • Proposition n° 6 : Supprimer la période de sureté de plein droit et automatique. Ne conserver que la période de sûreté facultative dont le quantum sera expressément déterminé par la juridiction de jugement dans la limite des deux-tiers de la peine ou de vingt-deux ans en cas de réclusion criminelle à perpétuité.
  • Proposition n° 7 : Modifier les articles 720-4 et 720-5 du Code de procédure pénale🏛🏛 afin d’exonérer les personnes âgées de plus de soixante-dix ans, condamnées à une peine de réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une période de sûreté perpétuelle ou d’une durée de trente ans, de l’exécution des conditions temporelles d’octroi du relèvement de ladite période de sûreté.
  • Proposition n° 8 : Instaurer une procédure de conversion des peines perpétuelles. Cette conversion pourrait être accordée après exécution d’une période d’incarcération de quinze ans. La peine perpétuelle serait convertie par le tribunal de l’application des peines en une peine temporaire de trente ans débutant à compter du jour de la conversion.
  • Proposition n°9 : Modifier l’article 720-1 du Code de procédure en incluant la matière criminelle au bénéfice des fractionnement et suspension de peine.
  • Proposition n° 10 : Supprimer les évaluations de dangerosité, du risque de récidive ou de renouvellement de l’infraction en les remplaçant par des évaluations de la personnalité du condamné sollicitant un aménagement de peine.
  • Proposition n° 11 : Créer de nouveaux sites du centre national d’évaluation afin de réduire les délais d’attente des condamnés sollicitant une libération conditionnelle et devant y être admis, et afin de permettre à ces condamnés le maintien de leurs liens familiaux durant la session.
  • Proposition n° 12 : Réécrire l’article 730-2 du Code de procédure pénale🏛 en supprimant le caractère obligatoire des aménagements de peine probatoires ou du placement sous surveillance électronique mobile.
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VI - Encyclopédies et jurisclasseurs

Encyclopédies

BEAUSSONIE (G.)

« Infractions », Rép. pén., Dalloz, 2021.

CERE (J. P., GREGOIRE (L.)

« Peine : nature et prononcé », Rép. pén., Dalloz, 2022.

COURTIN (C.)

« Contravention », Rép. pén., Dalloz, 2020.

DARSONVILLE (A.)

« Viol », Rép. pén., Dalloz, 2021.

DE GRAËVE (L.)

« Juridictions de l’application des peines », Rép. pén., Dalloz, 2021.

GIACOPELLI (M.)

« Réclusion criminelle », Rép. pén., Dalloz, 2002.

HERZOG-EVANS (M.)

« Libération conditionnelle », Rép. pén., Dalloz, 2016.

« Réhabilitation », Rép. pén., Dalloz, 2018.

« Peine : exécution », Rép. pén., Dalloz, 2022.

« Récidive », Rép. pén., Dalloz, 2021.

MAYAUD (Y.)

« Terrorisme - Poursuites et indemnisation », Rép. pén., Dalloz, 2022.

« Terrorisme - Infractions », Rép. pén., Dalloz, 2022.

MENABE (C.)

« Criminologie », Rép. pén., Dalloz, 2019.

PY (B.)

« Amnistie », Rép. pén., Dalloz, 2020.

RENAUT (M. H.)

« Grâce », Rép. pén., Dalloz, 2013.

TILLET (E.)

« Histoire des doctrines pénales » Rép. Pén., Dalloz, 2010.

Jurisclasseurs

AUBERTIN (C.)

« Détention, exécution des peines privatives de liberté. – Suspension et fractionnement des peines », J. -Cl. Proc. Pén., Fasc.20, Lexis Nexis, 2016.

BERTRAND (B.)

« Détention, exécution des peines privatives de liberté. Placement à l’extérieur et semi-liberté - Règles communes », J. -Cl. Proc. Pén., Fasc.20, Lexis Nexis, 2016.

BONIS-GARCON (E.)

« Période de sûreté », J. -Cl. Pén., Fasc.20, Lexis Nexis, 2020.

CASSUTO (T.)

« Règles particulières en matière de terrorisme. – Règles de compétence et de procédure », J. -Cl. Pén, Fasc.20, Lexis Nexis, 2022.

ETIENNE (C.), PERRIER (J. B.)

« Grâce », J. -Cl Pén., Fasc.20, Lexis Nexis, 2016.

LEBLOIS-HAPPE (J.)

« Art.132-1 : Individualisation des peines », J. -Cl. Pén., Fasc.20, Lexis Nexis, 2021.

ROETS (D.)

« Art.131-36-1 à 131-36-8 : Suivi socio-judiciaire », J. -Cl. Pén., Fasc.20, Lexis Nexis, 2022.

VII- Projets, propositions de loi et compte rendu de débats parlementaires

Projets de loi

BADINTER (R.)

Projet de loi n° 310 portant abolition de la peine de mort, Assemblée nationale, 29 août 1981, 4 p.

BELLOUBET (N.)

Projet de loi n° 463 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, Sénat, 20 avril 2018.

CAZENEUVE (B.)

Projet de loi n° 3968 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955🏛 relative à l’état d’urgence, Assemblée nationale, 19 juillet 2016.

CHALANDON (A.)

Projet de loi n°436 adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, relatif à la lutte contre la criminalité et la délinquance, Sénat, 3 juillet 1986.

DATI (R.)

Projet de loi n° 442 relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pour cause de trouble mental, Assemblée nationale, 28 novembre 2007.

Projet de loi pénitentiaire n°495, Sénat, 28 juillet 2008.

DUPOND-MORETTI (E.)

Projet de loi n°4091 pour la confiance dans l’institution judiciaire, Assemblée nationale, 14 avril 2021.

MÉHAIGNERIE (P.)

Projet de loi n°77 relatif au nouveau code pénal et à certaines dispositions de procédure pénale, Sénat, 3 novembre 1993.

MERCIER (M.)

Projet de loi n°120 adopté par le Sénat (…) sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs, Sénat, 19 mai 2011.

Projet de loi n°4001 de programmation relatif à l’exécution des peines, Assemblée nationale, 23 novembre 2011.

SARKOZY (N.)

Projet de loi n° 2615 relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, Assemblée nationale, 26 octobre 2005.

TAUBIRA (Ch.)

Projet de loi n°1413 relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines, Assemblée nationale, 9 octobre 2013.

TOUBON (J.)

Projet de loi n°3332 renforçant la prévention et la répression des atteintes sexuelles commises sur les mineurs et des infractions portant atteinte à la dignité de la personne, Assemblée nationale, 29 janvier 1997.

URVOAS (J. J). et al.

Projet de loi modifié n° 118 modifié par le Sénat, renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, Sénat, 5 avril 2016.

Propositions de loi

BRAUN PIVET (Y.) et al.,

Proposition de loi n°472 instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine, adoptée par l’Assemblée nationale, Sénat, 27 juillet 2020.

CABANEL (G.)

Proposition de loi n°400 relative au placement sous surveillance électronique pour l’exécution de certaines peines, Sénat, 4 juin 1996.

CLEMENT (P.), LEONARD (G.)

Proposition de loi n°1961 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, Assemblée nationale, 1er décembre 2004.

DELL’AGNOLA (R.) et al.

Proposition de loi n° 1521 tendant à rétablir la peine de mort pour les auteurs d’actes de terrorisme, Assemblée nationale, 8 avril 2004.

FAUVERGUE (J. M) et al.

Proposition de loi n°3452 relative à la sécurité globale, Assemblée nationale, 20 octobre 2020

LABORDE (F.)

Proposition de loi n°621 sur le régime de l'exécution des peines des auteurs de violences conjugales, Sénat, 11 juillet 2017.

MONTESQUIOU (A.)

Proposition de loi n°440 tendant à rendre imprescriptibles les crimes et incompressibles les peines et en matière de terrorisme, Sénat, 20 septembre 2001.

RAIMBOURG (D.) et al.

Proposition de loi n°2753 visant à instaurer un mécanisme de prévention de la surpopulation pénitentiaire, Assemblée nationale, 13 juillet 2010.

Débats parlementaires

Compte-rendu intégral des débats, Assemblée nationale, JORF n°27 du 18 septembre 1981.

Compte-rendu intégral des débats, Sénat, JORF n°31 du 6 avril 2000.

Compte-rendu intégral des débat, Sénat, JORF n°12 du 2 février 2012.

Compte-rendu intégral des débats, Sénat, JORF n°67 27 juin 2014.

Compte-rendu intégral des débats, Sénat, JORF n°82 du 21 juillet 2016.

VIII - Avis, rapports et documents officiels

ARENA (G.) et al.,

Auteurs de violences sexuelles : prévention, évaluation, prise en charge, Rapport des experts et du groupe bibliographique, tome 4, 2019, 394 p.

AVIA (L.), PARIS (D.)

Rapport nos1396 et 1397 fait au nom de la commission des lois constitutionnelles (…) sur les projets de lois (…) de programmation 2019-2022 et de réforme pour la justice (…), Assemblée nationale, 9 novembre 2018, 518 p.

BAS (Ph.) et al.

Rapport d’information n° 495 fait au nom de la Commission des lois (…) par la mission d’information de redressement de la justice, Sénat, 4 avril 2017, 379 p.

BIMBENET (J.)

  • Avis n°51 au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi, (…) relatif à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs victimes, Sénat, 23 octobre 1997.

BURGELIN (J. F)

Santé, justice et dangerosités : pour une meilleure prévention de la récidive, Rapport de la commission santé-justice, juillet 2005, 193 p.

CANAYER (A.), BONNECARRERE (Ph.)

Rapport n° 834 fait au nom de la commission des lois constitutionnelles (…) sur le projet de loi (…) pour la confiance dans l’institution judiciaire (…), Sénat, 15 septembre 2021, 293 p.

CAPDEVIEILLE (C.), POPELIN (P.)

Rapport n° 3515 fait au nom de la commission des lois constitutionnelles (…) sur le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, Assemblée nationale, 18 février 2016, 599 p.

CIDPR

État, collectivités, société : une chaîne de protection activée face à la radicalisation - Bilan et chiffres clés, 11 avril 2019, 24 p.

CGLPL

Avis

Avis relatif à la mise en œuvre du régime de semi-liberté, 26 septembre 2012, JORF n°247 du 23 octobre 2012.

Avis sur la prise en charge de la radicalisation islamiste en milieu carcéral, 11 juin 2015, JORF n°149 du 30 juin 2015.

Avis relatif à la prise en compte des situations de perte d'autonomie dues à l'âge et aux handicaps physiques dans les établissements pénitentiaires, 17 septembre 2018, JORF n°270 du 22 novembre 2018.

Avis relatif à la prise en charge des personnes détenues atteintes de troubles mentaux, 14 octobre 2019, JORF n° 271 du 22 novembre 2019.

Rapports

Rapport de la deuxième visite de l’établissement public de santé national de Fresnes et du centre socio - médico -judiciaire de sûreté (Val -de -Marne), 2014, 107 p.

Rapport de la seconde visite du centre pénitentiaire de Château-Thierry, 2015, 109 p.

Radicalisation islamiste en milieu carcéral - 2016 : l’ouverture des unités dédiées, 7 juin 2016, 57 p.

Les droits fondamentaux à l’épreuve de la surpopulation pénale, Dalloz, février 2018, 52 p.

Rapport de la deuxième visite de la maison centrale d’Arles, 2018, 99 p.

Rapport de visite du centre pénitentiaire de Lorient-Ploemeur, 2018, 117 p.

Rapport d’activité 2018, 358 p.

Rapport d’activité 2019, 438 p.

Rapport d’activité 2020, 420 p.

Prise en charge pénitentiaire des personnes « radicalisées » et respect des droits fondamentaux, janvier 2020, 120 p.

Rapport de la quatrième visite de la maison centrale de Saint-Martin-de-Ré (Charente-Maritime), 2021, 111 p.

Rapport de visite de la maison d’arrêt de Rochefort, 2021, 71 p.

Rapport de visite de la maison d’arrêt d’Auxerre, 2021, 118 p.

Rapport de visite du centre pénitentiaire de Toulouse-Seysses, 2021, 86 p.

CLEMENT (P.), LEONARD (G.)

Rapport d’information n°1718 sur le traitement de la récidive des infractions pénales, Assemblée nationale 7 juillet 2004, 87 p.

CNCDH

Avis sur la prévention de la radicalisation, 18 mai 2017, JORF n°77 du 1er avril 2018.

CONSEIL DE L’EUROPE, CDPC

Rapport sur la condamnation, la gestion et le traitement des délinquants « dangereux », 20 décembre 2010, 44 p.

Livre blanc sur le surpeuplement carcéral, 30 juin 2016, 34 p.

COTTE (B.)

Rapport à Madame la Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, « Pour une refonte du droit des peines », décembre 2015, 251 p.

COTTE (B)., MINKOWSKI, (J.)

Rapport à Madame la Garde des Sceaux, Ministre de la Justice « Sens et efficacité des peines, Chantiers de la Justice », 15 janvier 2018, 44 p.

COURTOIS (J. P)

Rapport n°117 fait au nom de la commission des lois (…) sur le projet de loi (…) relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, Sénat, 6 décembre 2005, 222 p.

CPT

3ème rapport général d’activité, 1992, 44 p.

31ème rapport général d’activité, 2021, 66 p.

DEFENSEUR DES DROITS

Rapport annuel d’activité, 2019, 121 p.

Rapport annuel d’activité, 2020, 104 p.

DELARUE (J. M.) et al.

« Auteurs de violences sexuelles : prévention, évaluation, prise en charge », Rapport de la Commission d’audition, 17 juin 2018, 100 p.

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Rapport d’information n° 683 déposé par la commission des lois (…) sur la mise en application de la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006🏛 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, Assemblée nationale, 5 février 2008, 71 p.

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Rapport rendu au garde des Sceaux par la Commission sur la libération conditionnelle, février 2000, 117 p.

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Rapport n°497 au nom de la commission des lois (…) sur le projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, Assemblée nationale, 12 décembre 2007, 192 p.

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Réponses à la dangerosité, rapport sur la mission parlementaire confiée par le Premier Ministre (…) sur la dangerosité et la prise en charge des individus dangereux, 2006, 193 p.

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HAUTE AUTORITE DE SANTE

Dangerosité psychiatrique : étude et évaluation des facteurs de risque de violence hétéro-agressive chez les personnes ayant des troubles schizophréniques ou des troubles de l’humeur, Recommandations de la commission d’audition, mars 2011, 29 p.

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Rapport n°449 de la commission d’enquête sur les conditions dans les établissements pénitentiaires en France crée en vertu d’une résolution adoptée par le Sénat le 10 février 2000, Tome 1, Sénat, 28 juin 2000, 223 p.

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JURY DE CONSENSUS

Rapport remis au Premier Ministre, « Pour une nouvelle politique publique de prévention de la récidive. Principes d’action et méthodes », 20 février 2013, 33 p.

LAURENT (B.)

Rapport n°5 au nom de la commission des lois constitutionnelles, (…) sur le projet de loi (…) relatif à l'entrée en vigueur du nouveau code pénal et à la modification de certaines dispositions de droit pénal et de procédure pénale rendue nécessaire par cette entrée en vigueur, Sénat, 14 octobre 1992, 307 p.

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Rapport au nom des comités de Constitution et de législation criminelle sur le projet du Code pénal, Assemblée nationale, 23 mai 1791.

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Rapport n°330 fait au nom de la Commission des Finances (…) sur la mission de contrôle sur le compte de commerce 904-11 de la Régie Industrielle des Établissements Pénitentiaires (RIEP), Sénat, 21 février 2002, 175 p.

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Rapport n° 2681 fait au nom de la commission des lois (…) sur le projet de loi (…) relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, Assemblée nationale,16 novembre 2005, 167 p.

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Rapport nos 4146 et 4147, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles (…) sur le projet de loi (…) pour la confiance dans l’institution judiciaire, Assemblée nationale, 7 mai 2021, 518 p.

MERCIER (M.)

Rapport n°491 fait au nom de la commission des lois constitutionnelles (…) sur le projet de loi (…) renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, Sénat, 23 mars 2016, 392 p.

Rapport n°804 fait au nom de la commission des lois constitutionnelles (…) sur le projet de loi (…) prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955🏛 relative à l’état d’urgence, Sénat, 20 juillet 2016, 99 p.

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Rapport n°641 fait au nom de la commission des lois (…) sur le projet de loi adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée tendant à renforcer l’efficacité des sanctions pénales, Tome 1, Sénat, 18 juin 2014, 435 p.

OIP – SECTION FRANCAISE

Rapport d’activité, édition 2019, 29 p.

La santé incarcérée : enquête sur l'accès aux soins spécialisés en prison, juillet 2022, 41 p.

OTHILY (G.)

Rapport n°3 sur la proposition de loi de M. Guy CABANEL relative au placement sous surveillance électronique pour l’exécution de certaines peines, Sénat, 2 octobre 1996, 35 p.

PIETRASANTA (S.)

Rapport n°2173 fait au nom de la Commission des lois (…) sur le projet de loi (…) renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, Assemblée nationale, 22 juillet 2014, 229 p.

RAIMBOURG (D.)

Rapport n°1974 fait au nom de la commission des lois constitutionnelles (…) sur le projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines, Assemblée nationale, 28 mai 2014, 548 p.

RAIMBOURG (D.), HUYGUE (S.)

Rapport n°652 par la commission des lois constitutionnelles (…) sur les moyens de lutte contre la surpopulation carcérale, Assemblée nationale, 23 janvier 2013, 199 p.

RUDLOFF (M.)

Rapport n°456 au nom de la commission des lois constitutionnelles, (. .) sur le projet de loi (…) relatif à la lutte contre la criminalité et la délinquance, Sénat, 16 juillet 1986, 63 p.

SALVAT (X.), BOCCON-GIBOD (D.)

Rapport à Madame la garde des sceaux, ministre de la justice sur l’expérimentation des citoyens assesseurs dans les ressorts des cours d’appel de Dijon et Toulouse, 28 février 2013, 170 p.

SECRETARIAT GENERAL DE LA DEFENSE NATIONALE

La France face au terrorisme : Livre blanc du Gouvernement sur la sécurité intérieure face au terrorisme, 7 mars 2006, 275 p.

SOL (J.), ROUX (Y.)

Rapport d’information n°432 fait au nom de la commission des affaires sociales (…) sur l’expertise psychiatrique et psychologique en matière pénale : mieux organiser pour mieux juger, Sénat,10 mars 2021, 89 p.

URVOAS (J. J.)

Rapport au parlement sur l’encellulement individuel : « En finir avec la surpopulation carcérale », 20 septembre 2016, 70 p.

URVOAS (J. J.) et al.

Étude d’impact du projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, Assemblée nationale, 2 février 2016, 88 p.

WARSMANN (J. L.)

Rapport n°856 fait au nom de la commission des lois (…) sur le projet de loi (…), portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, tome 1, Assemblée nationale, 14 mai 2003, 125 p.

Rapport de la mission parlementaire auprès de Dominique Perben « Les peines alternatives à la détention, les modalités d’exécution des courtes peines, la préparation des détenus à la sortie de prison », 28 avril 2003, 89 p.

Rapport n°1236 fait au nom de la commission des lois constitutionnelles (…) sur le projet de loi (…) portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, 1ère partie, Assemblée nationale, 19 novembre 2003, 81 p.

ZOCCHETTO (F.)

Rapport n°441 fait au nom de la commission des lois (…) sur le projet de loi (…) portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, Sénat, 24 septembre 2003, 1257 p.

Rapport n°148 fait au nom de la commission des lois (…) sur le projet de loi (…) portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, Sénat, 14 janvier 2004, 256 p.

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ZOCCHETTO (F.), LEONARD (G.)

Rapport n°72 fait au nom de la commission mixte paritaire (…) sur (…) la proposition de loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales, Sénat, 9 novembre 2005, 53 p.

Documents officiels

CIDPR

Référentiel des indicateurs de basculement dans la radicalisation, mars 2016.

Plan national de prévention de la radicalisation « Prévenir pour protéger », 23 février 2018.

CONSEIL DE L’EUROPE, COMITE DES MINISTRES

Résolution (76) 2 sur le traitement des détenus en détention de longue durée, adoptée le 17 février 1976.

Recommandation Rec (99) 22 concernant le surpeuplement des prisons et l’inflation carcérale, adoptée le 30 septembre 1999.

Recommandation Rec (2003) 22 concernant la libération conditionnelle, adoptée le 24 septembre 2003.

Recommandation Rec (2003) 23 concernant la gestion par les administrations pénitentiaires des condamnés à perpétuité et des autres détenus de longue durée, adoptée le 9 octobre 2003.

Annexe à la Recommandation Rec (2003) 23 sur la gestion par les administrations pénitentiaires des condamnés à perpétuité et des autres détenus de longue durée, 9 octobre 2003.

Recommandation Rec (2006) 2 aux États membres sur les Règles pénitentiaires européennes, adoptée le 11 janvier 2006 et révisée le 1er juillet 2020.

Recommandation CM/Rec (2010) sur les règles du Conseil de l’Europe relatives à la probation, adoptée le 20 janvier 2010.

Communication d'une ONG (Association nationale des Juges de l’Application des peines) relative à l'affaire J. M. B. et autres c. France (requête n° 9671/15), 10 novembre 2022.

MINISTERE DE L’INTERIEUR - DIRECTION DE L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE

« Libération conditionnelle, documents parlementaires, loi du 14 août 1885 », 1909, 374 p

MINISTERE DE LA JUSTICE

Référentiel d’application des règles pénitentiaires européennes dans le système pénitentiaire français, DAP, 2008-2012.

Les chiffres clés de la justice, 2012.

Les chiffres clés de la justice, 2013

Les chiffres clés de la justice, 2015.

Les chiffres clés de l’ administration pénitentiaire, 2015.

Les chiffres clés de l’administration pénitentiaire au 1er janvier 2018.

Les chiffres clés de la justice, 2021.

Les chiffres clés de la justice, 2022.

Statistiques annuelles du milieu ouvert, 2021.

Statistique des établissements des personnes écrouées en France, décembre 2021.

AUTRES

Appel des perpétuités de Clairvaux pour un rétablissement effectif de la peine de mort pour nous, 16 janvier 2006

Ressources internet :

https://www. assemblee-nationale. fr/

https://www. cipdr. gouv. fr/

https://www. dgsi. interieur. gouv. fr/

https://www. upf. pf/fr/

vie-publique. fr/

Table chronologique de jurisprudence

Conseil constitutionnel

Cons. const., Décis. n°82-141 DC du 27 juillet 1982, JORF n°174 du 29 juillet 1982.

Cons. const., Décis. n°89-271 DC du 11 janvier 1990, JORF n°11 du 13 janvier 1990.

Cons. const., Décis. n°93-334 DC du 20 janvier 1994, JORF n°21 du 26 janvier 1994.

Cons. const., Décis. n°99-421 DC du 16 décembre 1999, JORF n°296 du 22 décembre 1999.

Cons. const., Décis. n°2002-461 DC du 29 août 2002, JORF n°211 du 10 septembre 2002.

Cons. const., Décis. n°2005-520 DC du 22 juillet 2005, JORF n°173 du 27 juillet 2005.

Cons. const. Décis. n°2005-527 DC du 8 décembre 2005, JORF n°289 du 13 décembre 2005.

Cons. const., Décis. n° 2008-562 DC du 21 février 2008, JORF n°48 du 26 février 2008.

Cons. const., Décis. n°2010-31 QPC du 22 septembre 2010, JORF n°221 du 23 septembre 2010.

Cons. const., Décis. n°2010-40 QPC du 29 septembre 2010, JORF n°227 du 30 septembre 2010.

Cons. const., Décis. n° 2010-72/75/82 QPC du 10 décembre 2010, JORF n°287 du 11 décembre 2010.

  • Cons. const., Décis. n°2011-625 DC du 10 mars 2011, JORF n°62 du 15 mars 2011.

Cons. const., Décis. n°2014-408 QPC du 11 juillet 2014, JORF n° 161 du 13 juillet 2014.

Cons. const., Décis. n°2015-493 QPC du 16 octobre 2015, JORF n°242 du 18 octobre 2015.

Cons. const., Décis. n°2016-611 QPC du 10 février 2017, JORF n° 37 du 12 février 2017.

Cons. const., Décis. n°2017-625 QPC du 7 avril 2017, JORF n°85 du 9 avril 2017.

Cons. const., Décis. n°2017-682 QPC du 15 décembre 2017, JORF n°293 du 16 décembre 2017.

Cons. const., Décis. n°2017-694 QPC du 2 mars 2018, JORF n°52 du 3 mars 2018.

Cons. const., Décis. n°2018-710 QPC du 1er juin 2018, JORF n°125 du 2 juin 2018.

Cons. const., Décis. n°2018-742 QPC du 26 octobre 2018, JORF n°249 du 27 octobre 2018

Cons. const., Décis. n°2019-778 DC du 21 mars 2019, JORF n°71 du 24 mars 2019.

Cons. const., Décis. n°2019-770 QPC du 29 mars 2019, JORF n°0076 du 30 mars 2019.

Cons. const., Décis. nos2019-799/800 QPC du 6 septembre 2019, JORF n°208 du 7 septembre 2019.

Cons. const., Décis. n° 2020-845 QPC du 19 juin 2020, JORF n°151 du 20 juin 2020.

Cons. const., Décis. n°2020-805 DC du 7 août 2020, JORF n°196 du 11 août 2020.

Cons. const., Décis. nos2020-858/859 QPC du 2 octobre 2020, JORF n°241 du 3 octobre 2020.

Cons. const., Décis. n° 2021-898 QPC, du 16 avril 2021, JORF n°91 du 17 avril 2021.

Cons. const., Décis. n°2021-817 DC du 20 mai 2021, JORF n° 120 du 26 mai 2021.

Cons. const., Décis. n°2021-822 DC du 30 juillet 2021, JORF n°176 du 31 juillet 2021.

Cour européenne des droits de l’Homme

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CEDH, 19 avril 2001, Peers c. Grèce, req. n°28524/95⚖️.

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CEDH, 14 novembre 2002, Mouisel c. France, req. n° 67263/01⚖️.

CEDH, 27 janvier 2005, Ramirez Sanchez c. France, req. no 59450/00⚖️.

CEDH, Grande Chambre, 4 juillet 2006, Ramirez Sanchez c. France, req. n°59450/00⚖️.

CEDH, 24 octobre 2006, Vincent c. France, req. n°6253/03⚖️.

CEDH, 12 juin 2007, Frérot c. France, req. n° 70204/01⚖️.

CEDH, 12 février 2008, Kafkaris c. Chypre, req. n° 21906/04⚖️.

CEDH, 9 juillet 2009, Khider c. France, req. n°39364/05⚖️.

CEDH, 16 juillet 2009, Sulejmanovic c. Italie, req. n°22635/03⚖️.

CEDH, 17 décembre 2009, M. c. Allemagne, req. n°9359/04.

CEDH, 15 mars 2010, Maiorano et autres c. Italie, req. n°28634/06.

CEDH, 20 janvier 2011, El Shennawy c. France, req. n°51246/08⚖️.

CEDH, 29 mai 2011, Sawoniuk c. Royaume-Uni, req. n°63716/00,

CEDH, 17 janvier 2012, Choreftakis et Choreftaki c. Grèce, req. n°46846/08.

CEDH, 23 février 2012, G. c. France, req. n°27244/09⚖️.

CEDH, 5 juin 2012, Ciuca c. Roumanie, req. n°34485/09.

CEDH, 10 juillet 2012, Kayak c. Turquie, req. n°60444/08⚖️.

CEDH, 8 janvier 2013, Torreggiani et al. c. Italie, req. n°43517/09⚖️.

CEDH, 25 avril 2013, Canali c. France, req. n° 40119/09⚖️.

CEDH, Grande Chambre, 9 juillet 2013, Vinter et al. c. Royaume-Uni, req. nos 66069/09, 130/10 et 3896/10.

CEDH, Grande Chambre, 21 octobre 2013, Del Rio Prada c. Espagne, req. n°42750/09⚖️.

CEDH, 8 juillet 2014, Harakchiev et Tolumov c. Bulgarie, req. n°15018/11.

CEDH, 4 septembre 2014, Trabelsi c. Belgique, req. n°140/10⚖️.

CEDH, 13 novembre 2014, Bodein c. France, req. n° 40014/10⚖️.

CEDH, 3 février 2015, Hutchinson c. Royaume-Uni, req. n°57592/08.

CEDH, 19 février 2015, Helhal c. France, req. n°10401/12⚖️.

CEDH, 21 mai 2015, Yengo c. France, req. n°50494/12⚖️.

CEDH, Grande chambre, 26 avril 2016, Murray c. Pays-Bas, req. n°10511/10⚖️. ;

CEDH, Grande chambre, 20 octobre 2016, Mursic c. Croatie, req. n°7334/13⚖️.

CEDH, Grande Chambre, 17 janvier 2017, Hutchinson c. Royaume-Uni, req. n°57592/08⚖️.

CEDH, 12 mars 2019, Petukhov c. Ukraine, req. n°41216/13.

CEDH, 11 avril 2019, Guimon c. France, req. n°48798/14⚖️.

CEDH, 30 janvier 2020, J. M. B. et al. c. France, req. n° 9671/15⚖️.

CEDH, 23 juin 2022, Rouillan c. France, req. n° 28000/19⚖️.

Cour de cassation

Crim., 5 juillet 1981, 80-94266, Bull. crim. n°231.

Crim., 23 octobre 1984, n° 84-94205⚖️, Bull. crim. n° 312.

Crim., 11 mai 1988, Bull. crim. n°210.

Crim., 23 octobre 1989, n°88-84690⚖️, Bull. crim. n°370.

Crim., 22 mai 1990, n° 89-86896⚖️, Bull. crim. n°210.

Crim., 10 mars 1992, n° 91-84011⚖️, Bull. crim. n°107.

Crim., 5 juillet 1993, n°92-86681⚖️, Bull. crim. n°237.

Crim., 29 janvier 1998, n°97-81573⚖️, Bull. crim. n°37.

Crim., 1er avril 1998, n°97-86672⚖️, Bull. crim. n°126.

Crim., 12 janvier 2000, n°99-80661⚖️, Bull. crim. n°22.

Crim., 4 avril 2002, n°01-87416⚖️, Inédit.

Crim., 6 mars 2002, n°01-85914⚖️, Bull. crim. n°59.

Crim., 18 décembre 2002, n°02-81666⚖️, Bull. crim. n°236.

Crim., 12 février 2003, n°02-86531⚖️, Bull. crim. n°37.

Crim., 29 octobre 2003, n° 03-80374, Inédit.

Crim., 28 avril 2004, n° 03-83126, Inédit.

Crim., 23 juin 2004, n°04-80439⚖️, Bull. crim. n°172.

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Crim., 4 octobre 2006, n°06-80361, Inédit.

Crim., 18 octobre 2006, n° 06-80044⚖️, Inédit.

Crim., 24 janvier 2007, n°06-82217, Inédit.

Crim., 7 novembre 2007, n°07-82598⚖️, Bull. crim. n°270.

Crim., 20 novembre 2007, n°07-80441, Inédit.

Crim., 7 mai 2008, n°07-87522, Inédit.

Crim., 7 janvier 2009, n°08-83364, Inédit.

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Crim., 18 mars 2009, n°08-85870⚖️, Bull. crim. n° 59.

Crim., 27 mai 2009, n°08-87101⚖️, Inédit.

Crim., 10 juin 2009, n°08-88565⚖️, Inédit.

Crim., 24 juin 2009, 08-87973⚖️, Inédit.

Crim., 2 septembre 2009, n° 09-83833⚖️, Bull. crim. n° 151.

Crim., 25 novembre 2009, n° 09-82971⚖️, Bull. crim. n°197.

Crim., 3 février 2010, n°09-84850⚖️, Inédit

Crim., 16 février 2011, n°10-87572⚖️, Inédit.

Crim., 2 mars 2011, n°10-81070⚖️, Inédit.

Crim., 2 mars 2011, n°10-83257⚖️, Bull. crim. n°46.

Crim., 28 avril 2011, n°10-87799⚖️, Bull. crim. n°79.

Crim., 4 avril 2013, n°13-80447⚖️, Bull. crim. n°80.

Crim., 26 juin 2013, n°12-88284⚖️, Inédit.

Crim., 15 janvier 2014, n°13-83542⚖️, Inédit.

Crim., 15 octobre 2014, n°13-80378⚖️, Inédit.

Crim., 10 décembre 2014, n° 14-81056⚖️, Bull. crim. n°267.

Crim., 24 juin 2015, n°14-87790⚖️, Bull. crim. n°833.

Crim., 27 janvier 2016, n°14-85490⚖️, Inédit.

Crim., 4 mai 2016, n°16-81157⚖️, Inédit.

Crim., 22 juin 2016, n°15-87467⚖️, Inédit.

Crim., 24 août 2016, n°16-83546⚖️, Inédit.

Crim., 7 septembre 2016, n°15-81679⚖️, publié au bulletin.

Crim., 11 mai 2017, n°16-85159⚖️, publié au bulletin.

Crim., 28 mars 2018, n° 17-86938⚖️, publié au bulletin.

Crim., 26 juin 2018, n°18-82419⚖️, Inédit.

Crim., 31 octobre 2018, n°17-86.660⚖️, publié au bulletin.

Crim., 9 janvier 2019, n°18-90030⚖️, Inédit.

Crim., 9 janvier 2019, n°18-81910⚖️, Inédit.

Crim., 4 juin 2019, n°18-85042⚖️, Bull. crim. n°102.

Crim., 16 janvier 2019, n° 18-86268⚖️, Inédit.

Crim., 10 avril 2019, n°18-83709⚖️, Bull. crim. n° 75.

Crim., 4 septembre 2019, n°19-80128⚖️, Inédit.

Crim., 16 octobre 2019, n° 18-84374⚖️, publié au bulletin.

Crim., 7 janvier 2020, n°19-80136⚖️, publié au bulletin.

Crim., 24 mars 2020, n° 19-86706⚖️, Inédit.

Crim., 24 juin 2020, n° 20-90009⚖️, publié au bulletin.

Crim., 8 juillet 2020, n°20-81739⚖️, publié au bulletin.

Crim., 20 octobre 2020, n°19-84754⚖️, publié au bulletin.

Crim., 3 mars 2021, n° 20-81692⚖️, publié au bulletin.

Crim., 17 mars 2021, n° 20-80099⚖️, Inédit.

Crim., 14 avril 2021, n°20-80135⚖️, publié au bulletin.

Crim., 14 avril 2021, n°20-81177⚖️, publié au bulletin.

Crim., 27 mai 2021, n°20-82727⚖️, publié au bulletin.

Crim., 9 mars 2022, n°21-80600⚖️, publié au bulletin.

Crim., 20 octobre 2021, n°20-87088⚖️, publié au bulletin.

Crim., 9 novembre 2021, n°20-87078⚖️, publié au bulletin.

Crim., 10 novembre 2021, n° 21-80704⚖️, publié au bulletin.

Crim., 2 février 2022, n°21-84963⚖️, Inédit

Crim., 16 février 2022, n°20-85608⚖️, publié au bulletin.

Crim., 1er juin 2022, n° 21-84648⚖️, publié au bulletin.

Crim., 11 janvier 2023, n° 22-81816⚖️, publié au bulletin.

Crim.11 janvier 2023, n°22-80848⚖️, publié au bulletin.

Cours d’appel

CA Douai, 17 juin 1997.

CA Poitiers, 11 juin 2001, n°2001/004N.

CA Douai, Chap., 25 mai 2007, n°07/1371.

CA Montpellier, 19 mars 2014, n°13/02253.

CA Montpellier, 19 mars 2014, n°14/00150.

CA Reims, Chap., 8 avril 2014, n°14/00068.

CA Versailles, Chap., 24 mars 2016, n° 15/04307.

CA Bourges, Chap., 29 juin 2016.

CA Paris, 15 novembre 2021, n° 20/11129⚖️.

Juridictions judiciaires de première instance

TAP Arras, 21 novembre 2006.

TAP Bastia, 18 juillet 2013, n°174/2013.

Conseil d’État

CE., 29 avril 1987, ministre de la Justice c. Banque populaire de la région économique de Strasbourg, n°61015⚖️, rec. Lebon.

CE.,15 février 2006, n° 271022⚖️, rec. Lebon.

CE, Assemblée, 14 décembre 2007, n° 290730⚖️, rec. Lebon.

CE., 26 juillet 2011, ministre de la Justice c. Amrani, n° 328535⚖️.

CE., 4 février 2013, ministre de la Justice c. Ikemba, n° 344266⚖️.

Cours administratives d’appel

CAA Paris, plén., 20 décembre 2013, n°12PA03752⚖️.

CAA Nancy, 1ère chambre, 6 octobre 2016, n°15NC02267⚖️.

CAA Douai, 2ème chambre, 19 juillet 2019, n°18DA00724⚖️.

CAA Bordeaux, 2ème chambre, 19 novembre 2019, n°19BX00533⚖️.

CAA Lyon, 4ème chambre, 6 août 2020, n°18LY02598⚖️.

CAA Douai, 2ème chambre, 24 mai 2022, n° 21DA00550⚖️.

Notes et observations sous décisions de justice

ALIX (J.)

Obs. sous Cons. const., Décis. n°2016-611 QPC du 10 février 2017, AJ Pénal 2017.237.

BACHELET (O.)

Obs. sous CEDH, 23 février 2012, G. c. France, req. n°27244/09⚖️, D.2012.742.

BEAUSSONIE (G.)

Note sous Cons. const., Décis. n°2020-805 DC du 7 août 2020, D.2020.1869.

BEAUVAIS (P.)

Note sous Cons. const., Décis. n°2017-682 QPC du 15 décembre 2017, RSC.2018.75.

Note sous Cons. const., Décis. n°2020-805 DC du 7 août 2020, RSC 2020, 619.

BENDAVID (M.)

Note sous Cons. const., Décis. n°2017-625 QPC du 7 avril 2017, AJ pénal 2019.192

Note sous Cons. const., Décis. n°2019-778 DC du 21 mars 2019, AJ pénal 2019.192.

BENDAVID (M.), QUENDOLO (C).

Note sous Crim., 24 mars 2020, n° 19-86706⚖️, AJ pénal 2020.293.

BONIS-GARCON (E.)

Comm. sous Crim., 4 avril 2013, n°13-80447, Droit pénal n°6, juin 2013.102.

Comm. sous Cons. const., Décis. n°2014-408 QPC du 11 juillet 2014, Droit pénal n°10, octobre 2014, 134.

Comm. sous Crim., 16 janvier 2019, n° 18-86268, Droit pénal n° 4, avril 2019.77.

Comm. sous Crim., 24 juin 2020, n° 20-90009, Droit pénal n° 10, octobre 2020.181.

Comm. sous Crim., 27 mai 2021, Droit pénal n° 3, mars 2022.3.

BONIS-GARCON (E.), PELTIER (V.)

Chron. sous Cons. const.16 avril 2021 n°2021-898, Droit pénal n°3, mars 2022, chron.3.

Comm. . sous Crim., 9 mars 2022, n°21-80600, Droit pénal n° 5, mai 2022.99.

BOTTON (A.)

Obs. sous Cons. const., Décis. n°2020-805 DC du 7 août 2020, RSC.2020.986

BOULOC (B.)

Obs. sous Crim., 1er avril 1998, n°97-86672⚖️, RSC.1999.97.

Obs. sous Crim., 12 janvier 2000, n°99-80661⚖️, RSC.2000.818.

Obs. sous Crim., 6 mars 2002, n°01-85914⚖️, RSC.2002.812.

Obs. sous Crim., 24 mai 2006, n° 05-86772⚖️, RPDP. 2007.204.

BUISSON (J.)

Obs. sous. Crim., 18 mars 2009, n°08-85870⚖️, Procédures n° 6, juin 2009.211.

BURGORGUE-LARSEN (L.)

Obs. sous CEDH, Grande chambre, 20 octobre 2016, Mursic c. Croatie, req. n°7334/13⚖️, AJDA 2017.157.

CAPELLO (A.)

Chron. sous Cons. const., Décis. n°2016-611 QPC du 10 février 2017, Constitutions 2017 p. 91.

CARPENTIER (Y.)

Obs. sous Crim., 10 novembre 2021, n° 21-80704⚖️, AJ Pénal 2022.50.

CATELAN (N.), PERRIER (J. B.)

Note sous Cons. const., Décis. n°2017-625 QPC du 7 avril 2017, D.2017 p. 1180

CERE (J. P.)

Note sous CEDH, 27 janvier 2005, Ramirez Sanchez c. France, req. n°59450/00⚖️D.2005, 1272.

Note sous CEDH, 24 octobre 2006, Vincent c. France, req. n°6253/03⚖️, AJ pénal 2006.500.

Note sous CEDH, 25 avril 2013, Canali c. France, req. n° 40119/09⚖️, AJ pénal 2013.403.

Obs. sous CEDH, 19 février 2015, Helhal c. France, req. n°10401/12⚖️, AJ pénal 2015.219.

Note sous CEDH 30 janvier 2020, J. M. B. et al. c. France, req. n° 9671/15⚖️, AJ pénal, 2020.122.

CERE (J. P.), HERZOG-EVANS (M.), PECHILLON (E.)

Obs. sous CEDH, 15 juillet 2002, Kalachnikov c. Russie, req. n° 47095/99⚖️, D.2003.919.

Obs. sous CEDH, 23 février 2012, G. c. France, req. n°27244/09⚖️, D.2012.1294.

Obs. sous CEDH, 5 juin 2012, Ciuca c. Roumanie, req. n°34485/09, D.2013.1304.

Obs. sous CEDH, 8 janvier 2013, Torreggiani et al. c. Italie, req. n°43517/09⚖️, D.2013.1304.

Obs. sous CEDH, 21 mai 2015, Yengo c. France, req. n°50494/12⚖️, D.2016.1220.

Obs. sous Crim., 9 janvier 2019, n°18-81910⚖️, D.2019.1074.

CHASSANG (C.)

Note sous Cons. const., Décis. n°2019-799/800 QPC du 6 septembre 2019, Constitutions 2019.541.

CHAVENT-LECLERE (A. S)

Obs. sous Crim., 11 mai 2017, n°16-85159⚖️, Procédures n° 7, juillet 2017.165.

CHETARD (G.)

Obs. sous Cons. const., Décis. n°2019-799/800 QPC du 6 septembre 2019, AJ pénal 2019.620.

CORDIER (F.)

Obs. sous Crim., 28 mars 2018, n° 17-86938⚖️, RSC.2018.468.

COSTE (A.)

Obs. sous Crim., 9 mars 2022, n° 21-80600⚖️, Dalloz actualité, 21 mars 2022.

Obs. sous Crim., 1er juin 2022, n° 21-84648, Dalloz actualité, 22 juin 2022.

Obs. sous. Crim.11 janvier 2023, n° 22-80848⚖️, Dalloz actualité, 31 janvier 2023.

DEJEAN DE LA BATIE (A.), HAMONET (C.)

Obs. sous Crim., 3 mars 2021, n° 20-81692⚖️, AJ pénal 2021.222.

Note sous Crim.1er juin 2022, n° 21-84648⚖️, D.2002.1588.

DE LAMY (B.)

Note sous Cons. const., Décis. n°2010-31 QPC du 22 septembre 2010, RSC 2011.165

Note sous Crim., 26 juin 2013, n°12-88284⚖️, RSC.2013.899.

Note sous Cons. const., Décis. n°2016-611 QPC du 10 février 2017, RSC.2017.385.

DE MONTECLER (M. C.)

Obs. sous CEDH, 20 janvier 2011, El Shennawy c. France, req. n°51246/08⚖️, AJDA 2011, 133.

Obs. sous CE., 4 février 2013, ministre de la Justice c. Ikemba, n° 344266⚖️, AJDA 2013.321.

Obs. sous Cons. const., Décis. n°2017-682 QPC du 15 décembre 2017, AJDA 2017.2499.

DOMINATI (M.)

Obs. sous Crim., 27 mai 2021, n°20-82727⚖️, Dalloz actualité, 8 juin 2021.

Obs. sous. Crim., 11 janvier 2023, n° 22-81816⚖️, Dalloz actualité, 26 janvier 2023.

FALXA (J.)

Obs. sous CEDH, Grande Chambre, 21 octobre 2013, Del Rio Prada c. Espagne, req. n°42750/09⚖️, D.2013.2775.

Note sous Crim., 8 juillet 2020, n°20-81739⚖️, D.2020.1774.

FIORINI (B.)

Note. sous Crim., 24 mars 2020, n° 19-86706⚖️, Légipresse 2020.238.

FLAUSS (J. F.)

Obs. sous. CEDH, 19 avril 2001, Peers c. Grèce, req. n°28524/95⚖️, AJDA 2001.1060.

FOUQUET (M.)

Chron. sous Crim., 14 avril 2021, n°20-81177⚖️, D.2021.1497.

FRINCHABOY (J.)

Note sous Crim., 8 juillet 2020, n°20-81739⚖️, AJ pénal 2020.404.

FUCINI (S.)

Note sous Crim., 4 juin 2019, n°18-85042⚖️, Dalloz actualité, 28 juin 2019.

Obs. sous Cons. const., Décis. n°2019-799/800 QPC du 6 septembre 2019, Dalloz actualité, 10 septembre 2019.

GALLOIS (J.)

Note sous Cons. const., Décis. n°2021-817 DC du 20 mai 2021, Dalloz actualité, 26 mai 2021

GIACOPELLI (M.)

Obs. sous Crim., 7 janvier 2009, n°08-83364, AJ pénal 2009.236.

Obs. sous Crim., 20 octobre 2020, n° 19-84754⚖️, JCP G n° 6, 8 février 2021.150.

Chron., sous Crim., 14 avril 2021, n°20-81177⚖️, Procédures n°11, novembre 2021.7.

Chron., sous Cons. const.16 avril 2021 n°2021-898, Procédures n°11, novembre 2021.7.

Chron., sous Crim., 27 mai 2021, n°20-82727⚖️, Procédures n°11, novembre 2021.7.

GIRAULT (C.)

Obs. sous Crim., 24 mai 2006, n° 05-86772⚖️, AJ pénal 2006.368.

GIUDICELLI (A.)

Obs. sous Cons. const., Décis. n°2010-31 QPC du 22 septembre 2010, RSC.2011.139.

GOETZ (D.)

Obs. sous Crim., 11 mai 2017, n°16-85159⚖️, Dalloz actualité, 23 mai 2017.

Obs. sous Cons. const., Décis. n°2017-682 QPC du 15 décembre 2017, Dalloz actualité, 19 décembre 2017.

Obs. sous Cons. const., Décis. n° 2018-742 QPC du 26 octobre 2018, Dalloz actualité, 12 novembre 2018.

Obs. sous Crim., 3 mars 2021, n° 20-81692⚖️, Dalloz actualité, 11 mars 2021.

Obs., sous Cons. const.16 avril 2021 n°2021-898, Dalloz actualité, 28 avril 2021.

GREGOIRE (L.)

Obs. sous Crim., 28 mars 2018, n° 17-86938⚖️, AJ pénal 2018.327.

Obs. sous Cons. const., Décis. n° 2018-742 QPC du 26 octobre 2018, AJ pénal 2018, p. 589.

GRIFFON-YARZA. (L.)

Étude sous Cons. const., Décis. n°2021-817 DC du 20 mai 2021, Droit pénal n° 11, novembre 2021.23.

GUERY (C.)

Obs. sous CA Douai,17 juin 1997, D.1997.593.

HERZOG-EVANS (M.)

Obs. sous Crim., 4 avril 2002, n°01-87416⚖️, D.2003.919.

Obs. sous Crim., 12 février 2003, n°02-86531⚖️, D.2003.1065.

Obs. sous Crim., 28 avril 2004, n° 03-83126, AJ pénal 2004.31.

Obs. sous TAP Arras, 21 novembre 2006, AJ pénal 2007.40.

Obs. sous Crim., 24 janvier 2007, n°06-82217, AJ pénal 2007.288.

Obs. sous Crim., 7 novembre 2007, n°07-82598⚖️, AJ pénal 2008.44.

Obs. sous Crim., 21 janvier 2009, n°08-83372⚖️, AJ pénal 2009.124.

Obs. sous Crim., 18 mars 2009, n°08-85870⚖️, AJ pénal, 2009.275.

Obs. sous CEDH, 9 juillet 2009, Khider c. France, req. n°39364/05⚖️, D.2009,  2462.

  • Obs. sous Crim., 3 février 2010, n°09-84850⚖️, AJ pénal 2010.334.

Note sous CEDH, 20 janvier 2011, El Shennawy c. France, req. n°51246/08⚖️, AJ pénal 2011.88.

Obs. sous Crim., 2 mars 2011, n°10-81070⚖️, AJ pénal 2011.531.

Obs. sous Crim., 2 mars 2011, n°10-83257⚖️, AJ pénal 2011.533.

Obs. sous Crim., 26 juin 2013, n°12-88284⚖️, AJ pénal 2013.491.

Obs. sous TAP Bastia, 18 juillet 2013, n°174/2013, AJ pénal 2013.622.

Obs. sous Cons. const., Décis. n°2014-408 QPC du 11 juillet 2014, AJ pénal 2014.545.

  • Obs. sous Crim., 15 janvier 2014, n°13-83542⚖️, D.2014.1235.

Obs. sous CA Reims, Chap., 8 avril 2014, n°14/00068, AJ pénal 2014.438.

Obs. sous Crim., 15 octobre 2014, n°13-80378⚖️, AJ pénal 2015.217.

Obs. sous Crim., 10 décembre 2014, n°14-81056⚖️, D.2015.1122.

Obs. sous Crim., 10 décembre 2014 n°14-81056⚖️, AJ pénal 2015.330.

Obs. sous Crim., 24 juin 2015, n°14-87790⚖️, AJ pénal 2016.99.

Obs. sous CA Bourges, Chap., 29 juin 2016, AJ pénal 2016.503.

Obs. sous Crim., 7 septembre 2016, n°15-81679⚖️, AJ pénal 2016.604.

Obs. sous Crim., 11 mai 2017, n°16-85159⚖️, AJ pénal, 2017.357.

Obs. sous CEDH, 11 avril 2019, Guimon c. France, req. n°48798/14⚖️, AJ Pénal 2019.340.

Obs. sous Crim., 9 mars 2022, n°21-80600⚖️, D.2022.1061.

Note sous Crim., 20 octobre 2020, n° 19-84754⚖️, AJ pénal 2020.514.

JACQUEMET GAUCHE (A.), GAUCHE (S.)

Obs. sous CEDH, 21 mai 2015, Yengo c. France, req. n°50494/12⚖️, AJDA 2015, 1289.

JANUEL (P.)

Obs. sous Cons. const., Décis. n°2020-805 DC du 7 août 2020, Dalloz actualité,  31 août 2020

LABAYLE (H.), SUDRE (F.)

Obs. sous CEDH, 15 juillet 2002, Kalachnikov c. Russie, req. n° 47095/99⚖️, RFDA 2003.937.

LAVRIC (S.)

Obs. sous CEDH, 23 juin 2022, Rouillan c. France, req. n° 28000/19⚖️, Dalloz actualité, 29 juin 2002.

Obs. sous Crim., 9 novembre 2021, n°20-87078⚖️, Dalloz actualité, 24 novembre 2021.

LAZERGES (C.)

Note sous Cons. const., Décis. n° 2008-562 DC du 21 février 2008, RSC.2008.731.

LENA (M.)

Obs sous. Crim., 2 mars 2011, n°10-83257⚖️, Dalloz actualité, 8 avril 2011.

Obs. sous CEDH, 25 avril 2013, Canali c. France, req. n° 40119/09⚖️, D.2013.1138.

MARGAINE (C.)

Note. sous Crim., 24 juin 2020, n° 20-90009⚖️, AJ pénal 2021.331.

Note. sous Crim., 14 avril 2021, n°20-81177⚖️, AJ pénal 2021.331.

Obs. sous Crim., 27 mai 2021, n°20-82727⚖️, AJ pénal 2021.380.

MARGUENAUD (J. P.)

Obs. sous CEDH, 9 juillet 2009, Khider c. France, req. n°39364/05⚖️, RSC.2010.225.

Obs. sous CEDH, 11 avril 2019, Guimon c. France, req. n°48798/14⚖️, RSC.2019.713.

MARON (A.)

Obs. sous Crim., 23 juin 2004, n°04-80439⚖️, Droit pénal n°10, Octobre 2004.153.

Comm. sous Crim., 28 septembre 2005, n°05-81010, Droit pénal n°12, décembre 2005.183.

MAYAUD (Y.)

Note. sous Cons. const., Décis. n° 2008-562 DC du 21 février 2008, D.2008.1359.

Note sous Cons. const., Décis. n°2017-682 QPC du 15 décembre 2017, D.2018.97.

Obs. sous CEDH, 30 janvier 2020, J. M. B. et al. c. France, req. n° 9671/15⚖️, RSC.2021.91.

Note sous Crim., 14 avril 2021, n°20-80135⚖️, D.2021.875.

MOLINIER-DUBOST (M.)

Note sous CEDH, 9 juillet 2009, Khider c. France, req. n°39364/05⚖️, AJDA 2010.994.

PASTOR (J. M.)

Obs. sous Crim., 8 juillet 2020, n°20-81739⚖️, AJDA 2020.1383.

Obs. sous Cons. const., Décis. n°2020-858/859 QPC du 2 octobre 2020, AJDA 2020 p. 1881.

PELTIER (V.)

Comm. sous Crim., 26 juin 2013, n°12-88284, Droit pénal n°11, novembre 2013.164.

Comm. sous CEDH, Grande Chambre, 21 octobre 2013, Del Rio Prada c. Espagne, req. n°42750/09, Droit pénal n° 1, janvier 2014, étude 2.

Comm. sous Cons. const., Décis. n° 2018-742 QPC du 26 octobre 2018, Droit pénal n°12, Décembre 2018, 219.

Comm. sous Crim., 9 janvier 2019, n°18-81910, Droit pénal n° 3, Mars 2019.58.

Comm. sous Crim., 16 octobre 2019, n° 18-84374, Droit pénal 2019.214.

Comm. sous Cons. const., Décis. n°2019-799/800 QPC du 6 septembre 2019, JCP G., n° 41, 7 octobre 2019.1016.

Comm. sous Crim., 14 avril 2021, n°20-81177, Droit pénal n°6, 2021.119.

Comm. sous Cons. const., Décis. n°2021-822 DC du 30 juillet 2021, Droit pénal n° 10, Octobre 2021.174.

PERRIER (J. B.)

Obs. sous Cons. const., Décis. n°2017-682 QPC du 15 décembre 2017, AJ pénal 2018.148.

Obs. sous Cons. const., Décis. n°2020-858/859 QPC du 2 octobre 2020, RFDA 2021.87.

PIN (X.)

Obs. sous Crim., 14 avril 2021, n°20-80135⚖️, RSC 2021.321.

PONCELA (P.)

Obs. sous. Crim., 23 juin 2004, n°04-80439⚖️, RSC.2006.423.

Obs. sous Crim., 15 mars 2006, n°05-83329⚖️, RSC.2007.350.

Obs. sous CEDH, 12 juin 2007, Frérot c. France, req. n° 70204/01⚖️, RSC.2008.404.

Obs. sous CEDH, 24 octobre 2006, Vincent c. France, req. n°6253/03⚖️, RSC.2007.350.

Obs. sous CEDH, 9 juillet 2009, Khider c. France, req. n°39364/05⚖️, RSC 2010.645.

Obs. sous CEDH, 16 juillet 2009, Sulejmanovic c. Italie, req. n°22635/03⚖️, RSC.2010.645.

Obs. sous Crim., 26 juin 2013, n°12-88284⚖️, RSC.2013.625.

PONSEILLE (A.)

Obs. sous Cons. const., Décis. n°2017-682 QPC du 15 décembre 2017, Constitutions 2018.99.

Obs. sous Cons. const., Décis. n°2019-799/800 QPC du 6 septembre 2019, Constitutions 2019.517

QUEMENER (M.)

Obs. sous Cons. const., Décis. n°2016-611 QPC du 10 février 2017, Dalloz IP/IT, 2017 p. 289.

RENUCCI (J. F.)

Obs. sous CEDH, 30 janvier 2020, J. M. B. et al. c. France, req. n° 9671/15⚖️, D.2020.753.

ROBERT (A. G.)

CEDH, Grande chambre, 20 octobre 2016, Mursic c. Croatie, req. n°7334/13⚖️, AJ pénal 2017.47.

ROETS (D.)

Obs. sous CEDH, 20 janvier 2011, El Shennawy c. France, req. n°51246/08⚖️, RSC.2011.704.

Obs. sous CEDH, Grande Chambre, 21 octobre 2013, Del Rio Prada c. Espagne, req. n°42750/09⚖️, RSC.2014.174.

Note sous Crim., 24 mars 2020, n° 19-86706⚖️, D.2020.312.

ROUJOU DE BOUBEE (G.)

Obs. sous Crim., 21 janvier 2009, n°08-83372⚖️, D.2009.1326.

ROUMIER (W.)

Obs. sous Cons. const., Décis. n°2021-817 DC du 20 mai 2021, Droit pénal n° 7-8, juillet 2021.52.

ROUVILLOIS (F.)

Obs. sous Cons. const. Décis. n°2005-527 DC du 8 décembre 2005, D.2006.966.

SAULIER (M.)

Obs. sous CEDH, 11 avril 2019, Guimon c. France, req. n°48798/14⚖️, AJ Famille 2019.288.

SENNA (E.)

Obs. sous CEDH, 21 mai 2015, Yengo c. France, req. n°50494/12⚖️. AJ Pénal 2015.450.

Obs. sous CEDH, 30 janvier 2020, J. M. B. et al. c. France, req. n° 9671/15⚖️, Dalloz actualité, 6 février 2020.

THIERRY (J. B.)

Obs. sous CEDH, 24 octobre 2006, Vincent c. France, req. n°6253/03⚖️, JCP G n° 3.2007. II 10007.

Obs. sous Crim., 14 avril 2021, n°20-80135⚖️, AJ pénal 2021.254.

TULKENS (F.)

Chron. sous CEDH, Grande Chambre, 26 octobre 2000, Kudla c. Pologne, req. n°30210/96⚖️, RSC.2001.881.

Obs. sous CEDH, 19 avril 2001, Peers c. Grèce, req. n°28524/95⚖️, RSC.2001, 881.

VERON (M.)

Comm. sous Crim., 18 décembre 2002, n°02-81666, Droit pénal 2003 n°4.46.

VERPEAUX (M.)

Obs. sous Cons. const., Décis. n°2020-805 DC du 7 août 2020, AJDA 2020.2319.

Obs. sous Cons. const., Décis. n°2021-817 DC du 20 mai 2021, AJDA 2021.1482.


Index thématique

Les nombres indiqués renvoient aux numéros de paragraphes.

A

Aide et assistance du condamné (mesures) : 28, 29, 30, 31, 104, 127, 203, 279, 281, 316, 336, 370, 371, 373, 376, 378, 389.

Aménagements de peine :

  • Définition : 8,9,10,11.
  • De fin de peine : 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 244, 245, 246, 247, 248.
  • Probatoires :
  • Facultatifs : 64.
  • Inconstitutionnalité : 365.
  • Obligatoires : 317, 323, 362, 363, 366, 367, 387.
  • Terrorisme : 248, 253, 365.
  • Révocation : 86, 323, 342, 347, 364, 380.
  • Sous écrou : 47, 60, 65.

Autorisation de sortie sous escorte : 71, 72, 257, 278, 317.

C

Centralisation : 216, 220, 223, 324, 325, 326.

Centre de détention : 74, 77 ,79, 209, 310.

Centre national d’évaluation : 16, 76, 98, 178, 284, 285, 286, 287, 290, 293, 296, 322, 327, 363, 366, 367, 376, 382, 385.

Chambre de l’application des peines : 5, 314, 315, 316.

Collégialité : 149, 311, 314, 315, 321, 322, 327, 328.

Commission de l’application des peines : 87, 88, 188, 193 194, 196, 197, 239, 251, 252, 308, 309, 311, 312.

Commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté : 226, 227, 231, 286, 288, 289, 290, 293, 296, 314, 327, 380, 382, 385.

Commutation de peine : 145, 146, 149.

Contrôle du condamné

  • Extension
  • Matérielle : 369, 370.
  • Temporelle : 127, 371, 373.
  • Mesures de : 29, 32, 33, 54, 62, 63, 104, 205, 234, 282, 336, 359, 368 378, 387, 388, 389.

Conversion de peine : 10, 73, 148, 149, 150, 151.

D

Dangerosité

  • Criminologique : 268, 270.
  • Définition : 265, 266, 267, 268, 269, 270, 271.
  • Évaluation :
  • Modalités
  • Collective : 283, 284, 285, 286, 287, 288, 289, 290.
  • Individuelle : 277, 278, 279, 280, 281, 282.
  • Limites
  • Pratiques : 292, 293, 294, 295, 296.
  • Scientifiques : 297, 298, 299, 300, 301, 302, 303.
  • Pénitentiaire : 266, 267, 268.
  • Présomption : 272, 273, 274, 275.
  • Psychiatrique : 269.

Débat contradictoire : 5, 14, 188, 196, 197, 210, 311, 314, 328.

Détention à domicile sous surveillance électronique (aménagement) :

  • Conditions : 53, 278.
  • Définition : 52.
  • Fin de peine : 61, 62, 63.
  • Régime : 54, 55, 317.

Modalité d’une libération sous contrainte : 188.

  • Période de sûreté : 93.
  • Probatoire : 64, 363, 364, 365.
  • Terrorisme : 193, 248, 365.

Détenus particulièrement signalés : 267, 310.

Droit à la vie : 140, 141, 142.

E

Évaluation de dangerosité : v. dangerosité.

Expertise : 126, 128, 170, 172, 174, 177, 184, 262, 278, 278, 280, 293, 294, 295, 296, 300, 303, 338, 341, 342, 343, 349, 354, 376, 379, 380.

Expert : v. expertise.

F

Fractionnement et suspension de peine : 22, 93, 156, 157, 158, 159, 160, 161, 162, 163, 164, 165, 166, 167, 168, 169, 245, 246, 247, 253, 254.

G

Grâce : 11, 139, 140, 145, 146, 147, 170.

I

Individualisation de la peine : 20, 81, 99.107, 111, 115, 120, 121, 123, 125, 144, 150, 151, 195, 197, 199, 205, 210, 239, 254, 326, 327, 339.

Injonction de soins : 335, 336, 337, 338, 339, 341, 342, 343, 344, 345, 347, 348, 349, 376, 386.

J

Judiciarisation : 5, 311

  • Déjudiciarisation : 87, 188, 195.

Juge de l’application des peines :

  • Affaiblissement : 305.
  • Compétence
    • Matérielle : 316, 317.
    • Territoriale (terrorisme) : 325.
  • Création : 5.

Juridiction nationale de la libération conditionnelle : 5, 311, 312, 314.

Juridiction régionale de la libération conditionnelle : 5, 311, 312, 314, 3146

Juridictionnalisation : 5, 195, 311, 328, 329.

L

Libération conditionnelle

  • Conditions (droit commun) :
  • Matérielles : 26, 27, 28.
  • Temporelles : 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42.
  • Délai d’épreuve : 29, 32, 33, 364, 370, 371, 372, 373, 387.
  • Des personnes âgées : 43, 177, 256, 366.
  • Parentale : 44.
  • Période de sûreté : 93.
  • Régimes spéciaux :
  • Articulation : 364, 365, 366, 367.
  • Longue peine : 178, 272, 275, 286, 289, 293, 364, 369, 370, 371, 373.
  • Terrorisme : 178, 257, 275, 286, 290, 365.
  • Relais d’une suspension médicale de peine : 45, 174, 175, 177, 367.

Libération sous contrainte : 188, 189, 190, 195, 196, 197, 198, 199, 200, 208, 253.

Longue peine (définition) : 13, 14, 15, 16, 17.

M

Mesure judiciaire de prévention de la

récidive terroriste et de réinsertion : 226, 227, 288, 382, 384, 386, 388, 389.

Ministre de la Justice (compétence) : 308, 309, 310.

Maison centrale : 65, 77, 209, 233, 267, 310.

Maison d’arrêt : 74, 75, 209.

N

Neutralisation : 7, 81, 97, 98, 118, 153, 213, 373, 374, 375, 386.

Nouvelle procédure d’aménagement de peine : 14, 188, 189, 190, 193, 194, 195, 196, 199, 200, 205, 208.

O

Ordre public (trouble) : 42, 43, 98, 100, 129, 167, 169, 171, 182, 183, 216, 217, 224, 226, 255, 256, 257, 272, 332, 358, 366, 393.

P

Peine de mort : 3, 6, 38, 116, 117, 118, 213.

Période de sûreté

  • Instauration : 93, 94, 95, 96, 97, 98, 99, 100, 101, 102, 103, 104, 105.
  • Caractère automatique : 110, 111, 112, 113, 114.
  • Caractère obligatoire : 107, 108, 109.
  • Dispense d’exécution : 173, 176.
  • Perpétuelle : 115, 116, 117, 118, 119, 120.
  • Relèvement : 121, 122, 123, 124, 125, 126, 127, 128, 129, 130, 134, 135, 136, 137, 138, 139, 257, 317, 319, 321, 328, 373.
  • Terrorisme : 128, 129, 130, 225, 257, 328.

Permission de sortir :

  • Assouplissement : 74, 81, 86, 87, 88, 89, 90.
  • Conditions : 69, 70, 71, 72, 73, 74, 278, 296.
  • Définition : 66.
  • Période de sûreté : 93, 104.
  • Régime : 69, 70, 71, 72, 73, 74.
  • Revalorisation : 83, 84, 85.
  • Terrorisme : 253.

Placement à l’extérieur :

  • Conditions : 53, 278.
  • Définition : 51.
  • Fin de peine : 61, 62, 63.
  • Mise en œuvre : 55, 56, 57, 58, 59.
  • Période de sûreté : 93.
  • Probatoire : 64, 65, 362, 363, 365.
  • Procédures simplifiées : 188.
  • Régime : 54, 317.
  • Terrorisme : 247, 248, 253, 254N 365.

Placement sous surveillance électronique : v. détention à domicile sous surveillance électronique.

Placement sous surveillance électronique mobile : 225, 226, 336, 341, 369, 370, 374, 376, 387.

Procédure simplifiée d’aménagement de peine : 188,189, 190, 193, 194, 195, 196, 198, 199, 205, 208.

Progressif (régime) : v. progressivité.

Progressivité (principe) : 20, 50, 64, 65, 81, 84, 99, 157, 205, 208, 247, 248, 284, 361, 362.

R

Radicalisation : 228, 230, 231, 232, 233, 234.

Réadaptation sociale

  • Efforts : 26, 27, 40, 242, 243.
  • Gages : 27, 123, 128, 373.

Récidive (risque) : 26, 183, 199, 200, 271, 280, 282, 299, 348, 350, 376, 385, 387.

Réclusion criminelle à perpétuité : 6,18, 38, 39, 40, 41, 42, 73, 115, 116, 117, 145, 148, 149, 150, 151, 328, 336, 362, 372.

  • Perpétuité « réelle » : 118, 119, 120, 121, 122, 125, 126, 127, 128, 129, 130, 225, 373.
  • Compressibilité : 134, 135, 136, 137, 138, 139.

Réinsertion : 5, 6, 7, 26, 30, 31, 32, 43, 44, 46, 53, 55, 68, 69, 72, 74, 77, 83, 84, 85, 103, 104, 116, 118, 122, 129, 134, 135, 139, 142, 143, 148, 153, 157, 175, 205, 226, 227, 247, 248, 251, 256, 257, 281, 282, 314, 336, 338, 359, 362, 363, 366, 370 ,371, 372, 373, 376, 378, 382, 385, 388, 389,393.

  • Efforts de : 27, 28, 32, 41, 44, 53, 81, 103, 125, 162, 168, 177, 180, 199, 204, 205, 242, 243, 245, 251, 257, 344, 354, 360, 363, 370, 373.

Réduction de peine

  • Crédit de réduction de peine : 40, 41,86, 238, 239, 240, 241, 242, 243, 252, 273, 342.
  • Réduction de peine exceptionnelle : 42, 316, 317, 320.
  • Réduction de peine ordinaire : 40, 239, 242, 251, 376.
  • Réduction de peine supplémentaire : 40, 242, 243, 251, 252, 273, 341.

Relégation : 2, 6, 273, 284.

Renseignement pénitentiaire : 232.

Rétention de sûreté : 285, 288, 294, 379, 380, 381, 382, 384, 386, 387, 388, 389.

S

Semi-liberté

  • Conditions : 53, 278.
  • Définition : 50.
  • Fin de peine : 61,62,63.
  • Période de sûreté : 93.
  • Probatoire : 64, 65, 362, 363, 365.
  • Procédures simplifiées : 188.
  • Régime : 54, 317.
  • Terrorisme : 247, 248, 253, 254, 365.

Service pénitentiaire d’insertion et de probation : 31, 57, 271, 281, 282, 370.

Soins

  • Condition d’aménagement de la peine : 340, 341, 342, 344.
  • Efficacité : 347, 348, 349, 350, 351, 352.
  • Injonction : v. injonction de soins.
  • Milieu carcéral : 356, 357.
  • Modalités : 351, 352.
  • Offre : 354, 355.

Sortie sèche : 62, 188, 203, 204, 205, 293.

Suivi socio-judiciaire : 225, 226, 227, 251, 275, 279, 288, 294, 334, 335, 336, 337, 338, 339, 340, 341, 342, 343, 344, 347, 348, 355, 369, 375, 377, 379, 380, 386.

Surpeuplement carcéral : 52, 157, 206, 207, 208, 209, 356.

Surveillance électronique de fin de peine : 188, 189, 190, 193, 194, 195, 196, 199, 200, 205, 208.

Surveillance de sûreté : 288, 339, 380, 381, 386, 389.

Surveillance judiciaire des personnes dangereuses : 288, 294, 342, 376, 377, 378, 379, 384, 386, 387, 388, 389.

Suspension médicale de peine :

  • Suspension de peine pour motif d’ordre médical (ordinaire) : v. fractionnement et suspension de peine.
  • Suspension médicale de peine (spéciale) : 27, 45, 156, 157, 170, 171, 172, 173, 174, 175, 176, 177, 178, 179, 180, 181, 182, 183, 184, 245, 271, 296, 317, 328, 343, 367.

T

Temps d’épreuve : v. libération conditionnelle (conditions temporelles)

Terrorisme

  • Adaptation
  • Droit pénal formel : 219, 220, 221, 222, 223.
  • Droit pénal matériel : 224, 225, 226, 227.
  • Droit pénitentiaire : 228, 229, 230, 231, 232, 233, 234.
  • Aménagement de peine
  • Complexification : 178, 275, 286, 287, 290, 324, 325, 326, 327, 328, 365.
  • Limitation : 236, 237.238, 239, 240, 241, 242, 243, 244, 245, 246, 247, 248, 249, 250, 251, 252, 253, 255, 256, 257.
  • Mesure de sûreté : v. Mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion

Tribunal de l’application des peines

  • Création : 5, 314, 315.
  • Compétence matérielle : 316, 317, 318, 319, 320, 321, 322, 323, 327, 328, 336, 382.
  • Compétence territoriale : 325, 326

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