Réf. : Cass. civ. 3, 10 novembre 2021, n° 20-20.294, FS-B (N° Lexbase : A45157BT)
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N9445BYH
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
le 17 Novembre 2021
► La responsabilité décennale du constructeur suppose de démontrer que les travaux caractérisent un ouvrage ou un élément d’équipement ;
► dont la preuve incombe au demandeur maître d’ouvrage ;
► Les travaux de terrassement ne caractérisent pas automatiquement un ouvrage.
L’article 1792 du Code civil (N° Lexbase : L1920ABQ) conditionne la mise en jeu de la responsabilité civile décennale et, par-devers elle, la mobilisation des garanties souscrites dans le cadre de l’assurance RCD, à la présence d’un dommage affectant un ouvrage. Cette notion n’a, toutefois, pas été définie, ce qui a conduit la jurisprudence à adopter, au fil des décisions, une conception extensive par la combinaison de plusieurs critères comme celui de l’importance des travaux (pour exemple, Cass. civ. 3, 28 janvier 2009, n° 07-20.891, FS-P+B N° Lexbase : A9505ECZ), de la fixation au sol (pour exemple, Cass. civ. 3, 28 avril 1993, n° 91-14.215 N° Lexbase : A5660ABA), de travaux de clos ou de couvert ou, encore, celui de travaux de construction.
L’espèce rapportée est une illustration des enjeux de la qualification. Un maître d’ouvrage confie à une entreprise des travaux d’aménagement et de terrassement. Un glissement de terrain se produit, lequel entraîne des dommages, notamment sur le fond voisin. Ce dernier assigne, après expertise, le maître d’ouvrage, le constructeur et son assureur de responsabilité civile décennale, en réparation des dommages.
La cour d’appel de Versailles a, aux termes d’un arrêt rendu le 13 juillet 2020, déclaré l’action irrecevable car prescrite. Les conseillers ont considéré que le maître d’ouvrage ne rapportait pas la preuve que les terrassements pris en litige se seraient intégrés dans un ouvrage de construction permettant, en raison de leur intégration, de les qualifier d’ouvrages au sens de l’article 1792 précité.
Le maître d’ouvrage forme un pourvoi en cassation mais ce dernier est rejeté. La qualification d’ouvrage est une question de fait qui relève de la libre appréciation des juges du fond. La Cour de cassation opère simplement un contrôle de motivation. Après avoir relevé que la cour d’appel avait constaté que les travaux de terrassement et d’aménagement n’incorporaient pas de matériaux dans le sol au moyen de travaux de construction, elle a pu en déduire que les travaux n’étaient pas caractéristiques d’un ouvrage.
Les conseillers d’appel avaient combiné deux des critères utilisés à la qualification d’ouvrage :
Ce qui est fréquent.
La solution n’est pas nouvelle. En ce qui concerne les terrassements et travaux assimilés, la jurisprudence avait déjà pu estimer qu’il était nécessaire de prouver l’incorporation des matériaux dans le sol au moyen de travaux de construction (V. not. Cass. civ. 3, 12 juin 2002, n° 01-01.236 N° Lexbase : A9034AYA) soit, mots pour mots, la même solution.
À titre d’exemples encore, un talus non construit avec des matériaux n’est pas un ouvrage (CA Nîmes, 20 décembre 2001, n° 99/5388) pas davantage que des travaux de terrassement pour la pose d’une canalisation de gaz (CA Nancy, 21 mai 2002, n° 96/01264). Ont, en revanche, été qualifiés d’ouvrages des travaux de terrassement liés à la réalisation d’un autre ouvrage (CA Aix-en-Provence, 18 novembre 1997).
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