Le Quotidien du 21 juillet 2021 : Covid-19

[Brèves] Nouveau « passe sanitaire » : le Conseil d’État valide avec des réserves

Réf. : CE, avis, 19 juillet 2021, n° 403629 (N° Lexbase : A14674ZD)

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par Yann Le Foll et Marie-Lou Hardouin-Ayrinhac

le 21 Juillet 2021

Le Conseil d’État valide avec des réserves le projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire duquel il a été saisi le 14 juillet 2021.

Passe sanitaire. Le Conseil d’État souligne que l’application du « passe sanitaire » à chacune des activités pour lesquelles il est envisagé de l’appliquer doit être justifiée par l’intérêt spécifique de la mesure pour limiter la propagation de l’épidémie. Il considère, en conséquence, que les enjeux sanitaires doivent être mis en balance avec les conséquences de la mesure pour les personnes vaccinées et non vaccinées ainsi que pour les professionnels concernés. 

Il estime ainsi que le fait de subordonner l’accès à des activités de loisirs, à des établissements de restauration ou de débit de boissons et à des foires et salons professionnels à la détention d’un des justificatifs requis est, en dépit du caractère très contraignant de la mesure pour les personnes et les établissements concernés, de nature à assurer une conciliation adéquate des nécessités de lutte contre l’épidémie de covid-19 avec les libertés, et en particulier la liberté d’aller et venir, la liberté d’exercer une activité professionnelle et la liberté d’entreprendre.

Il note, en revanche, s’agissant de l’application de cette mesure aux grands centres commerciaux, que les éléments communiqués par le Gouvernement, notamment les données épidémiologiques et les avis scientifiques, ne font pas apparaître, au regard des mesures sanitaires déjà applicables et en particulier des exigences qui s’attachent au respect des gestes barrières, un intérêt significatif pour le contrôle de l’épidémie alors qu’elle contraint les personnes non vaccinées, en particulier celles qui ne peuvent l’être pour des raisons médicales, à se faire tester très régulièrement pour y accéder. Il en déduit que cette mesure porte une atteinte disproportionnée aux libertés des personnes concernées au regard des enjeux sanitaires poursuivis.

Sanctions. Concernant les sanctions pénales à l’encontre des personnes qui méconnaissent l’obligation légale qui s’impose à elles de contrôler le respect par les intéressés de détenir un tel justificatif, le Conseil d’État valide la nouvelle sanction envisagée d’un an de prison et de 90 000 euros d'amende si les faits sont verbalisés à plus de trois reprises dans un délai de trente jours (la version initiale prévoyant que cette infraction s’appliquait immédiatement, manifestement disproportionnée au regard de la gravité des manquements observés).

Régime des mesures d’isolement et de quarantaine. Le projet de loi élargit considérablement le champ des personnes susceptibles d’être concernées en prévoyant le placement à l’isolement de l’ensemble des personnes affectées.

Le Conseil d’État valide la disposition dont il résulte que la communication à l’intéressé du résultat d'un examen de dépistage virologique ou de tout examen médical probant concluant à une contamination par la covid-19 emporte, de plein droit, une mesure de placement et de maintien en isolement pour une durée de dix jours dans le lieu d’hébergement qu’il a déclaré lors de l’examen.

Il propose d’ajouter au projet de loi la précision selon laquelle le placement en isolement cesse de s’appliquer avant l’expiration du délai de dix jours si un nouveau test réalisé fait apparaître que les intéressés ne sont plus positifs au virus de la covid-19. Il recommande aussi de préciser expressément dans le projet de loi que les contrôles ne peuvent avoir lieu en période nocturne.

Obligation de vaccination de certains professionnels contre la covid-19. Au vu de la situation actuelle de l’épidémie et des effets bénéfiques attendus, le Conseil d’État considère que l’instauration d’une obligation vaccinale est proportionnée à la lutte contre l’épidémie de la covid-19 et ne se heurte, dans son principe, à aucun obstacle d’ordre constitutionnel ou conventionnel. Il suggère toutefois, pour renforcer la clarté et l’intelligibilité du texte, d’introduire une disposition prévoyant expressément que les personnes intervenant ponctuellement, à titre professionnel ou bénévole, au sein des locaux dans lesquelles travaillent les personnes soumises à l’obligation vaccinale ne sont pas soumises à l’obligation vaccinale.

Fonctionnaires licenciés ? Le projet de loi prévoit, en troisième lieu, que le fait pour un salarié ou un agent public de ne plus pouvoir exercer son activité pendant une durée supérieure à deux mois pour n’avoir pas respecté son obligation de vaccination (à partir du 15 septembre 2021), constitue un motif de cessation définitive des fonctions ou de licenciement.

Le Conseil d’État considère que cette disposition aurait dû être soumise pour avis au Conseil commun de la fonction publique et qu’il ne peut dès lors les retenir en ce qu’elles s’appliquent aux agents publics. Comme pour les salariés, ces dispositions appellent en outre des compléments, de façon à assortir des garanties nécessaires la procédure spéciale de licenciement ainsi prévue, de même que la suspension sans rémunération, qui ne se rattachent pas à des procédures existantes en droit de la fonction publique. Elles ne peuvent donc, en l’état, être retenues.

Protection des données personnelles. Le projet du Gouvernement prévoit de modifier l’article 11 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions (N° Lexbase : L8351LW9) pour permettre d’utiliser le traitement de données ayant pour objet d’identifier les personnes contaminées par la covid-19, dont ces dispositions autorisent la création, aux fins de permettre l’édiction des mesures individuelles de placement en quarantaine ou à l’isolement ainsi que le suivi et le contrôle de ces mesures par les services et agents qui en sont chargés.

Le Conseil d'État rappelle les garanties que doit respecter un tel traitement.

En outre, il estime qu’en l’espèce, le suivi et le contrôle administratif du placement à l’isolement peuvent justifier l’accès des services préfectoraux qui en sont chargés, à certaines données figurant dans le fichier « SI-DEP », dont la création a été autorisée par l’article 11 de la loi du 11 mai 2020 précitée. Il estime dès lors que l’ajout de cette nouvelle finalité au système d’information ainsi que la possibilité pour les agents habilités des services préfectoraux d’accéder aux données strictement nécessaires pour leurs missions de suivi et de contrôle ne méconnaît aucune des exigences de la Constitution et du droit de l’Union européenne.

Il relève, en revanche, que l’accès à ces données ne saurait avoir pour objet, comme le prévoit le Gouvernement, l’édiction de décisions individuelles, dans la mesure où, comme il a été dit, le projet de loi vise précisément à dispenser les services préfectoraux d’avoir à édicter de telles décisions en cas de dépistage positif à la covid-19. Par ailleurs, si le projet de loi prévoit également que pourront avoir accès à certaines données du fichier les agents de contrôle mentionnés à l’article L. 3136-1 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L7290L4R), le Conseil d’État estime qu’un tel accès n’est pas nécessaire dans la mesure où les agents des services préfectoraux habilités à consulter le fichier pourront communiquer directement aux agents de contrôle les informations dont ils ont strictement besoin et dont ils sont habilités à prendre connaissance.

Il souligne enfin qu’en application du iv) de l’article 5 du « RGPD » (Règlement n° 2016/679 du 27 avril 2016 N° Lexbase : L0189K8I), les données auxquelles les services préfectoraux ainsi accès ne pourront être conservées que pour la durée strictement nécessaire à l’exercice de leur mission de contrôle.

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