Le Quotidien du 21 décembre 2020 : Droit médical

[Brèves] Affaire « Vincent Lambert » : confirmation de la relaxe du Docteur S. par la cour d’appel de Reims

Réf. : CA Reims, 13 novembre 2020, n° 20/00132 (N° Lexbase : A06964AZ)

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N5821BYA

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par Laïla Bedja

le 21 Décembre 2020

► Par un jugement prononcé le 13 novembre 2020, la cour d’appel de Reims, dans sa formation collégiale au regard de la complexité de l’affaire, a confirmé le jugement de relaxe du Docteur S., médecin de Vincent Lambert et chef d’unité de patients cérébro-lésés du centre hospitalier de Reims.

Sur l’existence de défaut de soins appropriés, la cour d’appel fait observer que le médecin ne peut être tenu pour responsable de l’état de dépendance du patient puisque lorsqu’il est arrivé comme chef du service, cela faisait déjà neuf ans que le patient se trouvait dans un état végétatif. Il ne peut d’avantage lui être reproché d’avoir par un manque de soins appropriés, aggravé l’état de santé du patient pour pouvoir justifier le recours à la procédure de réflexion et de concertation collégiale prévue par la loi « Léonetti-Claeys » (N° Lexbase : L4191KYU) puisque précédemment à son arrivée à ce poste, trois procédures de ce type avaient déjà été engagées. Par ailleurs, aucun élément de preuve de nature à établir que l’état de santé de Vincent Lambert se serait aggravé ou qu’il aurait perdu en autonomie, n’est apporté. Aussi, il résulte d’une expertise qu’aucune abstention fautive de procurer au patient des soins à même d’améliorer son état de santé ou sa qualité de vie ne peut être reprochée au médecin et qu’au contraire, certaines décisions médicales critiquées n’ont été fondées que sur la prise en compte du confort et de la dignité du patient.

Sur le refus du médecin de respecter les mesures provisoires réclamées par le Comité international des droits des personnes handicapées de l’ONU, la cour écarte l’argument d’une part, par le fait qu’elle n’a pas à apprécier le bien fondé de la décision d’arrêt des soins et, d’autre part, qu’elle n’a pas davantage à apprécier si la demande du CIDPH faite à l’État français de mettre en œuvre des mesures provisoires pour assurer le maintien des soins d’alimentation s’imposait à l’État français.

Rappel des faits. Vincent Lambert a été victime d’un accident de la route en 2008 le laissant avec de lourdes séquelles sur l’évaluation desquelles les parties sont en désaccord mais aboutissant à un état généralement décrit comme pauci-relationnel ou végétatif chronique. Il a été hospitalisé dans une unité de soins du centre hospitalier dénommée unité de patients cérébro-lésés. Le Docteur S. est devenu chef de ce service le 1er février 2017.

Après trois procédures collégiales infructueuses dites de réflexion et de concertation prévues par la loi « Leonetti-Claeys », François L., neveu du patient, a demandé une nouvelle procédure de réflexion collégiale initiée le 22 septembre 2017 sur le fondement de l’article R. 4127-37-2 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L9136LDQ). La demande a abouti après une réunion de concertation collégiale tenue en janvier 2018 à la décision médicale du Docteur S. du 9 avril 2018, d’arrêter les traitements de maintien en vie (nutrition et alimentation artificielle) assorti d’une sédation profonde et continue jusqu’au décès. La procédure avait alors fait l’objet d’une contestation devant la juridiction administrative, le Conseil d’État a confirmé le rejet du tribunal administratif de la requête aux fins de suspension de la décision d’arrêt des soins du 9 avril 2018 (CE référé, 24 avril 2019, n° 428117 N° Lexbase : A7429Y9Z, lire notre brève N° Lexbase : N8771BX7). S’en est suivi le recours des parents du défunt patient devant la CEDH et la saisie du Comité international des droits des personnes handicapées de l’ONU. Si la CEDH a rejeté le recours, le CIDPH, le 3 mai 2019, a demandé à l’État français de prendre toute mesure provisoire pour garantir le maintien de l’alimentation et de l’hydratation de Vincent Lambert dans l’attente de l’examen de la requête.

Les époux L. avaient alors saisi d’une part le tribunal administratif, qui a rejeté la requête, et le tribunal de grande instance de Paris qui, en référé, a rejeté la demande pour voir dire que la demande du CIDPH s’imposait à l’État français. Mais la cour d’appel de Paris, le 20 mai 2019, a infirmé l’ordonnance du tribunal (CA Paris, Pôle 1, 3ème ch., 20 mai 2019, n° 19/08858 N° Lexbase : A9710ZBA) ; arrêt qui a été cassé et annulé par la Cour de cassation le 28 juin 2019 (Ass. plén., 28 juin 2019, n° 19-17.330, P+B+R+I N° Lexbase : A6998ZGB, lire le comm. de V. Depadt, Une vie suspendue au fil de la justice, Lexbase Droit privé, juillet 2019, n° 789 N° Lexbase : N9699BXI).

Finalement, la procédure médicale d’arrêt des soins était reprise le 2 juillet 2019 et aboutissait au décès du patient le 11 juillet 2019.

Les parents du défunt ont, le 20 mai 2019, fait citer directement le médecin devant le tribunal correctionnel de Reims pour y répondre de faits d’abstention volontaire de porter assistance à une personne en péril (C. pén., art. 223-6, al. 2 N° Lexbase : L6224LL4) et demander la réparation de leur préjudice par l’allocation à chacun de la somme de 1 000 000 d’euros. La relaxe du médecin avait alors été prononcée par un jugement du 28 janvier 2020.

L’appel de Mme L.. Le tribunal correctionnel de Paris ayant prononcé la relaxe du médecin, Mme L. a interjeté appel et demandé à la cour de constater que les faits pour lesquels le médecin était poursuivi et pour lesquels il a été relaxé sont néanmoins constitutifs d’une faute civile sur le fondement de l’article 1240 du Code civil (N° Lexbase : L0950KZ9) et en conséquence de condamner ce dernier à lui payer la somme de 1 000 000 d’euros à titre de dommages-intérêts.

Au soutien de leur appel, Mme L. fait valoir :

  • une abstention de porter secours à Vincent Lambert du fait d’une part, d’un défaut de soins caractérisé par une absence de soins de stimulation conformes aux préconisations figurant dans la circulaire n° 2002-288 du 3 mai 2002, applicable aux patients en état consolidé de conscience altérée ;
  • une absence de dialogue entre le Docteur S. et les médecins conseils des parents du patient ;
  • une absence de rééducation à la déglutition ;
  • une absence de fourniture au patient d’un fauteuil adapté permettant de le sortir de la chambre ;
  • une mise à l’isolement du patient ;
  • un refus du Docteur S. de respecter les mesures provisoires réclamées par le Comité international des droits des personnes handicapées de l’ONU ; refus qui ainsi provoqué le décès de Vincent Lambert.

Par ailleurs, pour l’appelante, le péril imminent ne s’entend pas uniquement comme le risque de décès immédiat de la personne mais également comme le risque de dégradation de l’état de santé de la personne.

Confirmation de la relaxe. Énonçant la solution précitée, la cour d’appel confirme le jugement de relaxe du tribunal correctionnel.

Un pourvoi en cassation a été formé par la mère du défunt.

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