Le Quotidien du 3 août 2023

Le Quotidien

Domaine public

[Questions à...] L’intégration d’un bien au domaine public comme mode d’extinction d’un bail rural - Questions à Christophe Roux, Professeur de droit public, Université Jean Moulin – Lyon 3

Réf. : CE, 5°-6° ch. réunies, 7 juin 2023, n° 447797, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A80159YI

Lecture: 11 min

N6180BZW

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Le 26 Juillet 2023

Mots clés : domaine public • bail rural • inaliénabilité • sécurité juridique • contravention de grande voirie

Dans un arrêt rendu le 7 juin 2023, la Haute juridiction administrative a dit pour droit que lorsque la personne publique procède à l'intégration dans le domaine public de biens immobiliers occupés et mis en valeur par un exploitant déjà présent sur les lieux en vertu d'un bail rural en cours de validité, ce contrat ne peut, une fois ces biens incorporés au domaine public, conserver un caractère de bail rural en tant qu'il comporte des clauses incompatibles avec la domanialité publique. Il peut alors être légalement dénoncé et priver par conséquent l'exploitant du droit et du titre d'occupation procédant de ce bail. Pour savoir si l’application de ce principe n’aura pas pour risque éventuel un déséquilibre des relations entre administration et personnes privées pensant légitimement pouvoir exploiter des parcelles qui leur avaient été concédées de manière régulière, Lexbase Public a interrogé Christophe Roux, Professeur de droit public, Directeur de l’EDPL (EA 666), Université Jean Moulin – Lyon 3*.


 

Lexbase : Quels sont les rapports entre un bail (rural ou autres) et domanialité (privée ou publique) ?

Christophe Roux : Ils sont frappés d’asymétrie. Par principe, sur le domaine privé des collectivités publiques, les baux commerciaux et ruraux (mais aussi, les baux d’habitation ou, encore, « à construction ») peuvent éclore en toute quiétude ; il reste, cependant à évoquer une part irréductible de spécificités (et « d’administrativité ») affectant certains. Ainsi, par exemple, le domaine privé forme l’une des terres d’élection des baux commerciaux dits « dérogatoires », quand ces derniers ne prennent pas la forme d’authentiques conventions précaires (v. respectivement, C. com., art. L. 145-5 N° Lexbase : L5031I3Q et art. L. 145-5-1 N° Lexbase : L4973I3L). De même, faudrait-il réserver le cas des baux emphytéotiques… administratifs, susceptibles de grever un bien du domaine privé (CGCT, art. L. 1311-4, 4°N° Lexbase : L7345HIU ; CGPPP, art. L. 2331-1, 5° N° Lexbase : L2125INZ) : ou ceux « de droit commun », qui viennent revêtir une telle nature en présence notamment d’une clause exorbitante du droit commun [1]. Il serait enfin plus exact d’évoquer l’existence de baux ruraux « administratifs » sur le domaine privé : les concernant, un droit de priorité très spécifique est en effet accordé aux jeunes agriculteurs ou à ceux résidant dans la commune d’implantation ; de même, le « droit » à renouvellement de tels baux est-il profondément paralysé par les dispositions de l’article L. 415-11, alinéa 1er du Code rural N° Lexbase : L7625HIA, de simples considérations d’intérêt général pouvant l’annihiler [2].

Ces particularismes mis de côté, la situation est nettement plus tranchée du côté du domaine public, les baux de droit commun n’y ayant pas droit de cité. Les textes le relayent parfois – et mollement – s’agissant de certains baux commerciaux (C. com, art. L. 145-2-I-3° N° Lexbase : L5029I3N ; CGPPP, art. R. 2124-9 N° Lexbase : L3066IRY ou R. 2124-20 N° Lexbase : L3077IRE). C’est ainsi du côté de la jurisprudence qu’il faut se déporter pour trouver le fondement de cette prohibition, tenant à l’incompatibilité entre le droit à renouvellement propre aux baux de droit commun, d’un côté, et le principe de précarité inhérent à l’inaliénabilité domaniale, de l’autre (auquel on peut adjoindre le caractère personnel de l’autorisation). Au diapason – et quand bien même l’antinomie serait discutable –, la jurisprudence reprend ce fondement tant au sujet des baux ruraux [3] que commerciaux [4]. Il convient toutefois de ne pas en surestimer les conséquences : par exemple, sous réserve de bénéficier d’une clientèle propre et qu’il ait été constitué après la Loi Pinel, un fonds de commerce sera désormais susceptible de germer sur le domaine public, son existence étant indépendante de la présence d’un bail commercial (CGPPP, art. L. 2124-32-1 N° Lexbase : L5016I38).

Lexbase : Qu’advient-il du bail lorsque ce dernier porte sur un bien originellement privé (ou ressortant du domaine privé) qui intègre le domaine public ?

Christophe Roux : C’est tout l’apport de deux décisions récentes du Conseil d’État [5], lesquelles viennent acter la novation (v. C. civil, art. 1329 N° Lexbase : L0991KZQ) des contrats portant occupation privative en cas de mutation de la nature des dépendances domaniales occupées. La Cour de cassation avait pris les devants, dans l’hypothèse où un bien ressortant du domaine public venait à gagner le domaine privé, l’arrêt retenant que, à compter de cette intégration, le titulaire d’une autorisation précaire (de logement) voit son titre « nové » en bail – privé – d’habitation, avec toutes les garanties afférentes [6]. Le Conseil d’État, en sens inverse (c’est-à-dire lorsqu’un bien ressortant initialement du domaine privé rejoint le domaine public), a repris la même idée : le bail (commercial, rural…) fait, dans cette hypothèse, l’objet d’une double « publicisation ». De sa nature, d’une part, le contrat devenant administratif en vertu de son nouvel objet (l’occupation du domaine public : CGPPP, art. L. 2331-1 N° Lexbase : L2125INZ), ceci générant la compétence du juge administratif pour en connaître en cas de litige. De son régime, d’autre part, le bail originel étant expurgé de toutes ses clauses incompatibles avec la domanialité publique des lieux.

En somme, par cette mise en cohérence, les juridictions judiciaires et administratives sont parvenues à faire coïncider de nouveau le principe selon lequel « la compétence suit le fond ». Là où, alternativement et selon la jurisprudence en vigueur auparavant [7], des poches d’exorbitance pouvaient subsister au sein du titre lorsque le bien quittait le domaine public ; et, inversement, des résidus « privatistes » se maintenir lorsque le bien intégrait le même domaine. Par essence, cette novation vient toutefois entailler un dogme : celui selon lequel la nature d’un contrat doit s’apprécier à la date de sa conclusion [8]. On pourra s’interroger, du reste, sur le champ que cette… novation juridique pourrait demain recouvrir : il n’est nullement certain que la solution s’exporte au-delà du cadre domanial  9] ; il faut par ailleurs prudence garder, même dans ce pré carré, la Cour de cassation s’étant – entre temps – déclarée compétente pour connaître d’un différend relatif à la formation d’un contrat portant sur un bien, la circonstance qu’il ait été, par la suite, intégré au domaine public, étant jugée sans incidence [10].

Lexbase : Comment concilier inaliénabilité du domaine public et sécurité juridique afférente à un tel bail ?

Christophe Roux : C’est tout l’enjeu, auquel la juridiction administrative vient tenter d’apporter une réponse que l’on pourra qualifier « d’équilibrée », lors même qu’il restera loisible de regretter certains aspects ou, du moins, le maintien de certaines hypothèques. Solution équilibrée car, certes, à compter de l’intégration du bien au sein du domaine public, le bail devra être amputé de toutes ses clauses incompatibles avec la domanialité publique. Pour l’essentiel, c’est dire que, du jour au lendemain, un occupant privatif perd donc le bénéfice de son « droit » (ou « prétendu » droit car celui-ci mérite, selon les baux en cause, d’infinies nuances) à renouvellement. Toutefois, comme l’a retenu à deux reprises le Conseil d’État, c’est dire aussi que l’occupant privatif reste titré, du moins jusqu’à expiration du terme prévu par le bail originel : il ne peut, ainsi, et alors même que la dépendance a gagné le domaine public, être considéré comme un occupant sans titre du domaine ce qui lui assure une certaine sécurité juridique. À cet égard, la solution retenue par la haute juridiction administrative est dans la lignée de celle relative aux baux commerciaux conclus ab initio et illégalement sur le domaine public : dans ce cadre, il est déjà jugé – parfois implicitement – que le bail n’est – à raison de son incompatibilité avec la domanialité publique – qu’une autorisation précaire et révocable… mais une autorisation tout de même, son « titulaire » pouvant dès lors engager la responsabilité de l’Administration qui l’a induit en erreur sur la réalité de ses droits [11]. En définitive, le Conseil d’État vient donc appliquer la même solution, qu’il s’agisse de conventions ab initio ou (du fait de leur incorporation ultérieure au domaine public) « devenues » illégales.

La sécurité juridique de l’occupant privatif n’en reste pas moins toute relative. En premier lieu, il verse immédiatement dans la précarité [12]. L’ancien titre pourra, à cet égard, faire l’objet d’une dénonciation immédiate de la part du gestionnaire domanial ; en d’autres termes, il pourra faire l’objet d’une résiliation unilatérale pour motif d’intérêt général, sa (nouvelle) nature administrative autant que son (nouvel) objet domanial (à raison du principe de précarité, toujours) permettant d’y recourir. Dans ce cadre, l’ex-occupant aura toutefois droit à indemnités couvrant le lucrum cessans et le damnus emergens, même si, en matière domaniale, la générosité du juge pour reconnaître ces différents chefs de préjudice est pour le moins tempérée…[13]. En l’absence d’une telle dénonciation, son maintien dans les lieux ne sera pas pérennisé : il durera jusqu’à expiration du titre sans faculté de renouvellement, nul n’y ayant droit sur le domaine public [14], ceci d’autant plus que, en présence d’une activité économique exercée, l’exigence de sélection transparente préalable autant que celle de remise en concurrence périodique s’y opposent (CGPPP, art. L. 2122-1-1 N° Lexbase : L9569LDR et s.).

L’arrêt du 7 juin 2023 apporte encore quelques précisions (…et restrictions) sur l’étendue de la sécurité juridique conférée à l’occupant privatif. Si le Conseil d’État a admis en l’espèce que le titulaire de l’ex-bail rural demeurait occupant – légal – du domaine public, c’est après avoir vérifié que l’activité qu’il prenait en charge (l’élevage de chevaux) était compatible avec la nature et les finalités particulières assignées à la gestion des dépendances en cause (possédées par le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres). C’est signifier donc, en creux, que si la novation du titre doit être opérée par principe, celle-ci devra être écartée lorsque l’activité économique exercée par l’occupant ne répond pas aux règles parfois particulières (on pense à celles sises sur le domaine public maritime ou fluvial) d’utilisation du domaine public ; a minima, si cette activité n’est pas compatible avec l’affectation domaniale. La solution déçoit en revanche sur certains aspects, notamment en n’éclaircissant pas le champ d’extinction des anciennes clauses contractuelles. Tout juste sait-on que toutes celles incompatibles avec la domanialité publique disparaissent, ceci sans liste exhaustive. Mais, en sens inverse, ne serait-il pas logique d’éteindre (ou modifier) les stipulations contractuelles anciennement favorables à la collectivité bailleresse ? L’on pense, en priorité, au cas des redevances domaniales dont, dit-on parfois [15], le montant serait inférieur à celui des loyers versés sur le domaine privé pour des biens comparables, à raison entre autres des droits garantis (renouvellement, libre cessibilité…). La novation ne devrait-elle pas, alors, happer aussi ces stipulations, par trop favorables à la collectivité alors que l’ex-bailleur a perdu les avantages afférents ?

Lexbase : Qu'en est-il de la situation du titulaire du bail rural antérieur au classement ?  Doit-il être sanctionné par une contravention de grande voirie ?

Puisque le titre est nové (et en l’absence de toute dénonciation, rappelons-le), ce dernier continue de former la base légale des relations contractuelles qui ne s’éteignent donc pas, ipso facto, du fait de l’intégration des dépendances au sein du domaine public. Partant, l’ancien titulaire du bail ne peut être considéré comme un occupant sans titre et, de ce chef, se voir infliger une contravention de grande voirie. Néanmoins, la poursuite des relations contractuelles s’opère sans préjudice du respect de la police de la conservation applicable au domaine public concerné. Ainsi, dans l’affaire du 7 juin dernier, c’est valablement qu’une telle contravention a pu être infligée à l’occupant pour méconnaissance des dispositions (législatives) destinées à assurer la protection de l’intégrité du domaine public. En l’espèce, c’est donc à bon droit que l’autorité domaniale a pu dresser une telle contravention (sur le fondement de l’article L. 322-10-4 du Code de l’environnement N° Lexbase : L6078HIX), l’utilisateur privatif ayant procédé à la découpe de roselières.

Pour traiter exhaustivement de la situation de l’ex-titulaire du bail, l’on ajoutera que ce dernier pourra tout de même rechercher l’engagement de la responsabilité de l’Administration à raison du préjudice subi (perte du « droit » à renouvellement notamment) consécutivement à l’intégration de la dépendance au sein du domaine public. Si l’on suit les conclusions de la rapporteure publique dans l’affaire « Commune de Saint-Félicien » [16], seule une responsabilité sans faute pourrait être de mise, celle-ci résultant d’une décision légale (de classement ou d’affectation à l’utilité publique du bien). On pourra juger la voie (bien) trop étroite. D’une part, car, pour prospérer, encore faudra-t-il démontrer l’existence d’un préjudice tout à la fois anormal et spécial. D’autre part, car l’on perçoit bien que, dans certaines hypothèses, l’idée de faute pourrait réapparaître, notamment si la collectivité publique entend savamment « organiser » la domanialité publique des lieux pour mieux se débarrasser – au moins à moyen terme… et à moindre frais – d’un occupant privatif jugé encombrant.

* Propos recueillis par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Public, avec l'aimable communication des conclusions du rapporteur public, Maxime Boutron.


[1] CE, 12 décembre 2003, n° 256561 N° Lexbase : A4148DAU.

[2] Ph. Yolka, Le bail rural administratif, JCP éd. A, 2008, n° 2263.

[3] CE, 15 novembre 1950, Durel, Rec. p. 557 ; CAA Lyon, 18 octobre 2011, n° 11LY00780 N° Lexbase : A025243Q.

[4] CE, 24 novembre 2014, n° 352402 N° Lexbase : A2574M44.

[5] CE, 21 décembre 2022, n° 464505 N° Lexbase : A625483Z ; CE, 7 juin 2023, n° 447797.

[6] Cass. civ. 3, 6 juillet 2022, n° 21-18.450, FS-B N° Lexbase : A582979R.

[7] T. confl., 4 juillet 2016, n° 4055, Sté JCS Investissement et Sté Sodec Commercialisation et Gestion N° Lexbase : A4262RWR.

[8] T. confl., 11 avril 2016, n° 4043, Fosmax N° Lexbase : A6727RC7.

[9] E. Fâtome, A propos des contrats administratifs « recueillis et poursuivis par des personnes privées, in Mélanges Yves Jégouzo, Dalloz, 2009, p. 455.

[10] Cass. civ. 3, 26 octobre 2022, n° 21-19.053, FS-B N° Lexbase : A00988R3.

[11] CE, 24 novembre 2014, n° 352402 N° Lexbase : A2574M44.

[12] La précarisation des occupations privatives, JCP éd. A 2023, n° 2301.

[13] CE, 31 juillet 2009, n° 316534 N° Lexbase : A1347EK4.

[14] CE, 14 octobre 1991, n° 95857 N° Lexbase : A0521ARQ.

[15] Pour un tel postulat : v. CAA Marseille, 9 avril 2021, n° 18MA03151 N° Lexbase : A19004P3.

[16] K. Ciavaldini, BJCL, 2023-2, p. 100.

newsid:486180

Droit financier

[Brèves] Directive « CSRD » : adoption des normes européennes d’information sur la durabilité

Réf. : Commission européenne, communiqué (en anglais), du 31 juillet 2023

Lecture: 1 min

N6554BZR

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par Perrine Cathalo

Le 03 Août 2023

► Le 31 juillet dernier, la Commission européenne a adopté les normes européennes d’information sur la durabilité (European Sustainability Reporting Standards ou ESRS) qui aideront les entreprises soumises à la Directive « CSRD » à communiquer leurs performances extra-financières.

Adoptées à l’issue d’une consultation sur un projet de Règlement délégué (P. Cathalo, Lexbase Affaires, juin 2023, n° 760 N° Lexbase : N5818BZI), ces douze normes couvrent l’ensemble des questions environnementales, sociales et de gouvernance, y compris le changement climatique, la biodiversité et les droits de l’homme, applicables aux entreprises soumises à la Directive « CSRD » (Directive n° 2022/2464 du 14 décembre 2022 N° Lexbase : L1830MGU, P. Cathalo, Lexbase Affaires, janvier 2023, n° 741 N° Lexbase : N3875BZK).

Elles tiennent également compte des discussions avec l’International Sustainability Standards Board (ISSB) et la Global Reporting Initiaive (GRI) afin d’assurer un très haut degré d’interopérabilité entre les normes de l’Union européenne et les normes internationales et d’éviter aux entreprises d’avoir à procéder à de doubles déclarations.

L’application de ces exigences aura lieu de la manière suivante :

  • dès 2025 pour les entreprises déjà soumises à la Directive « NFRD » (Directive n° 2014/95 du 22 octobre 2014 N° Lexbase : L8668I4S) ;
  • en 2026 pour les grandes entreprises qui ne sont pas actuellement soumises à la Directive « NFRD » (à savoir les entreprises de plus de 250 employés et/ou 40 millions d’euros de chiffre d’affaires, et/ou 20 millions d’euros d’actifs au total) ;
  • en 2027 pour les PME et autres entreprises cotées en bourse, qui peuvent également choisir de ne pas participer jusqu’en 2028.

newsid:486554

Procédures fiscales

[Brèves] Appréciation de la régularité d’une proposition de rectification par l’administration fiscale en cas de changement d’adresse

Réf. : CE, 9°-10° ch. réunies, 12 juillet 2023, n° 465351, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A78241AZ

Lecture: 4 min

N6461BZC

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par Maxime Loriot, Notaire Stagiaire - Doctorant en droit international privé à l’Université Panthéon-Sorbonne

Le 02 Août 2023

► C’est dans un contexte jurisprudentiel relativement fourni que le Conseil d’État était amené à trancher un litige relatif à l’interruption du délai de prescription et à la régularité d’une procédure de rectification au regard de l’article L. 57 du LPF, par un arrêt rendu le 12 juillet 2023.

Par principe, l’article L. 57 du LPF N° Lexbase : L0638IH4 prévoit que l'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation.

La proposition de rectification comporte plusieurs effets :

  • l’interruption de la prescription applicable au droit de reprise de l'administration ;
  • l’ouverture d’un délai de réponse de trente jours à compter de la réception de la proposition de rectification, prorogé sur demande du contribuable de trente jours, qui s'impose en principe tant au contribuable qu'à l'administration (LPF. art. R*57-1),;
  • la délimitation de l'imposition à établir à l'issue de la procédure.

La notification est effectuée par voie postale à la dernière adresse que le contribuable a fait connaître au service compétent dans ses déclarations ou communications (CE Contentieux, 19 janvier 1983, n° 33831 N° Lexbase : A8380ALX ; BOI-CF-IOR-10-30, §560, 27 février 2014). En cas de changement de domicile, il appartient au contribuable d’établir quil a réalisé les diligences nécessaires pour informer ladministration de sa nouvelle adresse. Le cas échéant, la proposition de rectification à son ancien domicile sera considérée comme régulière (CE, 3°-8° ch. réunies, 6 février 2019, n° 418122 N° Lexbase : A6206YWR).

Par ailleurs, traditionnellement, la jurisprudence estime que la date dinterruption de la prescription est celle à laquelle le pli contenant la proposition de rectification a été présenté à ladresse du contribuable. il en va de même dans le cas où le pli na pu lui être remis lors de sa présentation et que, avisé de sa mise en instance, il la retiré ultérieurement ou a négligé de le retirer (CE, 3°-8° s.-sect. réunies, 14 octobre 2015, n° 378503, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A3720NTX).

Rappel des faits et procédure

  • À la suite d'un contrôle fiscal sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, l’administration fiscale a mis à la charge d’un contribuable des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des deux années vérifiées.
  • Le contribuable a engagé une action en justice afin d’obtenir la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions auxquelles il était assujetti au titre des années 2014 et 2015 ainsi que des pénalités correspondantes.
  • En première instance, les juges du fond ont fait partiellement droit à sa demande et ont prononcé la décharge des suppléments d’impôt au titre de l’année 2015. Le contribuable a alors interjeté appel de la décision des juges du fond.
  • En appel, la Cour administrative d’appel de Marseille a rendu un arrêt confirmatif de la décision des juges du fond et a annulé également les suppléments d’impôts au titre de l’année 2014 ainsi que des pénalités (CAA Marseille, 2 juin 2022, n° 21MA02291 N° Lexbase : A04647Z9).
  • En conséquence, le ministre de l’Économie, des Finances et de la souveraineté industrielle et numérique a formé un pourvoi en cassation afin d’obtenir l’annulation de la décision des juges d’appel.

 

Question de droit. La notification d’une proposition de rectification par l’administration fiscale à la nouvelle adresse du contribuable suite à un changement d’adresse est-elle de nature à interrompre le droit de reprise, conformément à l’article L. 169 du LPF ?

 

Solution

Les juges rappellent tout d’abord que selon l’article L. 169 du LPF N° Lexbase : L7315LQY, le droit de reprise de l’administration s’exerce, pour l’impôt sur le revenu, jusqu’à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due.

Conformément à l’article L. 57 du LPF, dans lhypothèse où, par un courrier envoyé avant la date de présentation du pli contenant la proposition de rectification à la dernière adresse connue, et reçu par ladministration fiscale après la date denvoi de ce pli, le contribuable informe ladministration fiscale de son changement dadresse, l’administration fiscale est tenue de notifier à la nouvelle adresse communiquée par le contribuable, à moins que celui-ci ait eu connaissance, en temps utiles, de la proposition notifiée à son ancienne adresse.

Toutefois, les juges ajoutent que cette nouvelle notification demeure sans incidence sur la date d’interruption de la prescription qui reste celle de présentation du pli contenant la proposition de rectification à la dernière adresse connue à la date d’envoi de ce plI.

newsid:486461

Responsabilité

[Jurisprudence] Application du revirement de l’Assemblée plénière en droit commun : la réparation intégrale du préjudice respecte la personnalisation de l’indemnisation

Réf. : Cass. civ. 2, 15 juin 2023, n° 21-24.898, F-D N° Lexbase : A516893S

Lecture: 13 min

N6315BZW

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par Caroline Hussar, avocate au barreau de Clermont-Ferrand

Le 26 Juillet 2023

Mots-clés : réparation • dommage • indemnisation • rente AT/MP • déficit fonctionnel permanent • faute inexcusable

Par deux arrêts d’Assemblée plénière rendus le 20 janvier 2023 (Cass. Ass. plèn., 20 janvier 2023, n° 20-23.673 et n° 21-23.947), la Cour de cassation juge désormais que la rente AT/MP, visée aux articles L. 434-1 et L. 434-2 du Code de la Sécurité sociale, ne répare pas le déficit fonctionnel permanent. La présente jurisprudence est une application de ce principe.


 

Dans son arrêt du 15 juin 2023, la Cour de cassation fait application du revirement de l’Assemblée plénière dans ses deux arrêts du 20 janvier 2023 [1], confirmant que la rente accident du travail ne peut s’imputer sur le poste du déficit fonctionnel permanent.

Cette décision était attendue. Elle vient confirmer que la position adoptée en janvier par la Cour de cassation en matière de faute inexcusable de l’employeur doit s’appliquer à tous les domaines de la réparation du dommage corporel, en l’espèce, les accidents de la voie publique, dans le cadre de l’indemnisation allouée sur le fondement de la loi « Badinter » [2]

Elle fait ainsi une interprétation large du principe de la réparation intégrale du préjudice, tout en rappelant qu’il convient d’en rapporter la preuve pour en obtenir réparation, notamment en matière de préjudices économiques.

Le 20 janvier 2023, par deux arrêts d’Assemblée plénière, la Cour de cassation s’est alignée sur la position historique du Conseil d’État [3] en jugeant que la rente AT/MP a pour objet exclusif de réparer les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité. De ce fait, le recours des tiers payeurs ne peut plus, la concernant, s’imputer sur le déficit fonctionnel permanent, suivant la position jusque-là adoptée par la Cour de cassation, critiquée depuis des années par une partie de la doctrine. Lesdites critiques ont d’ailleurs été reprises dans le rapport de Madame Van Ruymbeke, conseillère près la Cour de cassation, établi à l’occasion des deux arrêts d’Assemblée plénière [4]. Elle a ainsi rappelé que le Professeur Porchy-Simon considérait que la position jusqu’alors adoptée par la Cour de cassation paraissait « en partie motivée par le particularisme des faits des espèces dans lesquels la victime avait bénéficié d'une rente accident du travail ou d'une ATI, alors qu'aucune perte de gains ou d'incidence professionnelle n'avait été retenue, il était selon elle tentant d'en déduire, en partant du postulat que ces prestations indemnisent nécessairement un préjudice, qu'elles opéraient, par défaut, la compensation d'un préjudice personnel, mais ce raisonnement qui n'est pas dépourvu d'une certaine logique si l'on admet le caractère mixte de la rente, n'en est pas moins contraire à l'article 31 de la loi Badinter » [5]. La doctrine avait également soulevé l’incohérence liée à l’existence d’un texte prévoyant expressément la réparation des souffrances physiques et morales [6], si l’on devait considérer qu’elles étaient par ailleurs réparées en partie par la rente [7].

Après des années de résistance têtue, la Cour de cassation a donc rejoint la position du Conseil d’État qui avait retenu que « Eu égard à sa finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail, qui lui est assignée par l'article L. 431-1 N° Lexbase : L8044LGZ, et à son mode de calcul, appliquant au salaire de référence de la victime le taux d'incapacité permanente défini par l'article L. 434-2 N° Lexbase : L2713LWE, la rente d'accident du travail doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité. Dès lors, le recours exercé par la caisse au titre d'une rente d'accident du travail ne saurait s'exercer que sur ces deux postes de préjudice. En particulier, une telle rente ne saurait être imputée sur un poste de préjudice personnel. » [8]

Dans ses deux arrêts d’Assemblée plénière, qu’il est plaisant de rappeler ici, dès lors que leur rédaction fait écho à cette lutte de longue haleine de la doctrine et des avocats de victimes, la Cour de cassation a retenu que sa jurisprudence habituelle « est de nature néanmoins, ainsi qu'une partie de la doctrine a pu le relever, à se concilier imparfaitement avec le caractère forfaitaire de la rente au regard du mode de calcul de celle-ci, tenant compte du salaire de référence et reposant sur le taux d'incapacité permanente défini à l'article L. 434-2 du Code de la Sécurité sociale ». S’amendant complètement, elle cite la position du Conseil d’État en la matière [9] et la fait sienne.

Elle affirme, pour résumer : « L'ensemble de ces considérations conduit la Cour à juger désormais que la rente ne répare pas le déficit fonctionnel permanent ».

Cette solution, appliquée au contentieux de l’amiante, et de la faute inexcusable de l’employeur, a fait grand bruit, et ses commentateurs ont très vite envisagé son impact sur la réparation du préjudice corporel au sens large. Bien sûr, il fallait l’appliquer dès à présent dans les contentieux pendants devant tous les tribunaux de France, mais également dans les négociations en cours et protocoles en rédaction.

Il fallait s’en saisir pour renverser une situation défavorable aux victimes. Pour éviter d’ultimes atermoiements des assureurs, le doute devait être balayé par la Haute juridiction, et elle s’est empressée de le faire le 15 juin 2023. Dans un deuxième temps, et de manière certes moins éclatante, mais tout aussi nécessaire, la Cour de cassation réaffirme qu’elle restera fidèle au principe de la réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit pour la victime, et restera exigeante en matière de preuve du préjudice.

 

I. Principe de réparation intégrale sans perte : une solution élargie favorable aux victimes

Le principe de la réparation intégrale du préjudice implique celui du non-cumul d’indemnisations. C’est sur ce socle que se dressaient les défenseurs de la position antérieure de la Cour de cassation. Parmi eux, Christophe Quézel-Ambrunaz [10], dont les propos ont également été repris dans le rapport de Madame Van Ruymbeke, avait pu écrire : « la Cour de cassation - par cette jurisprudence - ne réécrit pas la loi lorsqu’elle admet qu’une prestation répare nécessairement un poste de préjudice personnel, lorsqu’elle excède le préjudice professionnel (ou en l’absence de celui-ci) ; elle ne décide ainsi que par stricte logique, et pour permettre la sauvegarde du principe de la réparation intégrale, par la déduction des prestations de la créance de réparation ». Il avait pourtant émis une réserve en craignant que « la poursuite du mouvement qui semble amorcé par la Cour de cassation vide progressivement de son intérêt pour les victimes le recours poste par poste, tel que voulu par la réforme de 2006 ».

En janvier 2023, la Cour de cassation a donc consolidé le droit des victimes à une réparation intégrale en restreignant l’assiette du recours des tiers payeurs. Dans son arrêt du 15 juin 2023, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a confirmé la position adoptée par son Assemblée plénière, et retenu :

« Vu les articles L. 434-1 et L. 434-2, du Code la Sécurité sociale et les articles 29 et 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 :

11. Selon les deux premiers de ces textes, la rente versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle atteinte d'une incapacité permanente égale ou supérieure au taux de 10 % prévu par l'article R. 434-1 du même code N° Lexbase : L7232AD9 est égale au salaire annuel multiplié par le taux d'incapacité qui peut être réduit ou augmenté en fonction de la gravité de celle-ci.

12. Il résulte des deux derniers que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste, sur les seules indemnités qui réparent les préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel.

13. Selon une jurisprudence constante, la rente versée à la victime d'un accident du travail en application des articles L. 434-1 et L. 434-2 du Code de la Sécurité sociale indemnise les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle ».

L’intérêt de cette décision, après le coup de tonnerre qu’ont été les deux arrêts d’Assemblée plénière du 20 janvier 2023, tend à ce qu’elle confirme ce qu’avaient déjà mis en place dès le 21 janvier les praticiens du droit du dommage corporel : ce revirement, consacré dans le domaine de l’indemnisation du contentieux de l’amiante, et de la faute inexcusable de l’employeur, se doit d’être appliqué à tous les domaines du droit de la réparation et du recours des tiers payeurs. Cela s’explique si l’on compare les caractéristiques de la rente AT/MP avec la définition du déficit fonctionnel permanent. 

La rente d'accident du travail, dont le mode de calcul s'appuie exclusivement sur les revenus de la victime, est donc conçue comme un mécanisme indemnitaire forfaitaire et à visée de compensation purement professionnelle.

Concernant le déficit fonctionnel permanent, l’Assemblée plénière n’en consacre pas la définition, mais elle est évoquée dans le rapport de Madame la Conseillère près la Cour de cassation, sur la base de la nomenclature Dintilhac [11], rappelant son caractère extrapatrimonial, laissant dans le domaine patrimonial les aspects économico-professionnels. Elle rappelle la définition de ce poste dans la nomenclature Dintilhac et la résume de la manière suivante « cette notion regroupe, outre les troubles dans les conditions d’existence, l’atteinte aux fonctions physiologiques, la perte de la qualité de vie et les douleurs permanentes – c’est-à-dire post-consolidation ». En droit commun de l’indemnisation donc, le déficit fonctionnel permanent inclut l'ensemble des souffrances physiques et psychiques endurées ainsi que les troubles qui leur sont associés.

Cela ressort de la jurisprudence de la Cour de cassation, qui a consacré cette définition [12], ainsi que ses trois composantes : les atteintes aux fonctions physiologiques, la perte de la qualité de vie et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales [13].

Ainsi, l’étude comparative de la rente AT/MP et du déficit fonctionnel permanent permet de comprendre, et de saluer, la décision de la Cour de cassation. Le déficit fonctionnel permanent ayant exclusivement le caractère d’un poste de préjudice personnel, il ne saurait faire l’objet du recours des tiers payeurs, lequel se limite aux postes professionnels. Cette solution se justifie dans le cadre de l’application du principe de la réparation intégrale du préjudice, sans perte. Mais la Cour de cassation, dans la seconde partie de son arrêt, ne manque pas de rappeler qu’elle entend bien appliquer la deuxième partie de cet axiome, et s’en tenir à une réparation intégrale sans profit pour la victime.

II. Principe de réparation intégrale sans profit : obligation pour la victime de rapporter la preuve de son préjudice

 

Le responsable d’un dommage doit indemniser tout le dommage, et uniquement le dommage, sans qu’il n’en résulte ni appauvrissement ni enrichissement, de la victime. Cette dernière doit être remise, en tant que cela est possible, dans la situation dans laquelle elle se serait trouvée si l’accident n’avait pas eu lieu. La victime n’a pas, en droit français, à minimiser son dommage, le principe de mitigation étant exclu. Mais il lui appartient de former des demandes précises, chiffrées, et dont elle rapporte la preuve.

Ce principe est rappelé par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans le même arrêt du 15 juin 2023, sur le fondement duquel elle rappelle, concernant les demandes formées au titre du remboursement des frais de transport, qu’elles ne peuvent faire l’objet d’une indemnisation forfaitaire, contredisant la position adoptée par le juge du fond. Il fallait, pour calculer l’indemnisation de ce poste de préjudice, faire référence au nombre de séances suivies, ou de kilomètres parcourus, pour procéder au calcul exact des frais exposés.

Le principe de la réparation intégrale [14], et le principe indemnitaire – tout le préjudice, rien que le préjudice – s’inscrivent dans une logique de personnalisation de l’indemnisation [15]. L’indemnisation de chaque poste de préjudice doit être déterminée avec précision, de manière à le compenser dans son intégralité. Le caractère compensatoire est particulièrement vrai pour les préjudices économiques, comme c’est le cas, en l’espèce, pour les frais de déplacement, pour lesquels il est aisé, sur fourniture de preuves, de demander à ce que la victime soit replacée dans la situation où elle eut été si l’accident ne se fut pas produit.

Les demandes indemnitaires doivent être chiffrées de manière précise et détaillée par les victimes qui en réclament l’indemnisation, non de manière forfaitaire, et c’est heureux. En effet, cela s’inscrit dans le respect de la réparation juste des préjudices, appréciée in concreto, car cela permet de poursuivre la lutte contre les barèmes d’indemnisation, les référentiels, les banques de données qui auraient pour fâcheuse conséquence d’introduire le loup dans la bergerie, à savoir la notion « à dommage égal, réparation égale » [16]. La barémisation, selon la définition qui en est faite dans le rapport Lambert-Faivre, dès 2003, est la technique qui « attribue une valeur monétaire, déterminée par un barème, à un étalonnage médical des préjudices » [17]. Déjà, le Professeur Lambert-Faivre alertait sur les dangers d’un tel système : « il nie le pouvoir souverain du juge du fond (ou du régleur) en assujettissant l’indemnité à l’évaluation expertale : il subordonne le juge à l’expert, ce qui est inacceptable dans la tradition juridique française ».

Établir des références, harmoniser la matière sur le territoire, assurer aux victimes la sécurité d’une indemnisation juste, est bien sûr souhaitable. Mais la référence n’est pas le barème. La référence est la jurisprudence. Le droit du dommage corporel est éminemment jurisprudentiel, et c’est une richesse. C’est l’analyse fine de chaque situation par le Juge, et le fait de considérer chaque victime dans son individualité, qui s’inscrit le mieux dans une logique de réparation. L’harmonisation de la jurisprudence sur le territoire national est souhaitable, son uniformisation ne l’est pas.

 

[1] Cass. Ass. Plén., 20 janvier 2023, n° 21-23.947 N° Lexbase : A962588Y et 20-23.673 N° Lexbase : A962688Z.

[2] Loi n° 85-677, du 5 juillet 1985, tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation N° Lexbase : L7887AG9.

[3] CE, 4° et 5° s-s-r., 5 mars 2008, n° 272447, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A3441D7L, JCP S, 2008, 1359, note G. Vachet. CE, 4° et 5° s-s-r., 23 décembre 2015, n° 374628 N° Lexbase : A0087N3M.

[4] Rapport de Mme Van Ruymbeke, Conseillère, Cour de cassation, Arrêt n° 663 du 20 janvier 2023 [en ligne].

[5] JCP G, n° 36, 31 août 2009, p. 195.

[6] CSS, art. L. 452-3 N° Lexbase : L5302ADQ.

[7] G. Vachet, JCP S, n° 21, 21 mai 2013, p. 1221.

[8] CE, avis, 8 mars 2013, n° 361273, Doget N° Lexbase : L3706IW8, D. 2013, 1258, S. Porchy-Simon, 2658, M. Bacache, D. 2014, 51, obs. P. Brun, JCP 2013, 1291, obs. C. Bloch, RCA 2013, repère 6, H. Groutel.

[9] CE, 23 décembre 2015, n° 374628, préc. ; CE, 5e ch., 18 octobre 2017, n° 404065 N° Lexbase : A0292WWQ.

[10] Ch. Quézel-Ambrunaz, Revue Lamy Droit civil, 2009, n° 66.

[11] Groupe de travail dirigé par M. Dintilhac au sein de la Cour de cassation en 2005.

[12] Cass. civ. 2, 16 septembre 2010, n° 09-69.433, F-P+B N° Lexbase : A5933E9M ; Cass. civ. 2, 5 février 2015, n° 14-10.097, F-P+B N° Lexbase : A2429NBL.

[13] Cass. civ. 2, 28 mai 2009, n° 08-16.829, FS-P+B N° Lexbase : A3927EHW.

[14] Cass. civ. 2, 28 octobre 1954, JCP, 1955, II, 8765, note Savatier, D. 1954.

[15] Y. Lambert-Faivre et S. Porchy-Simon, Droit du dommage corporel, 9e édition, Dalloz, 2022.

[16] G. Mor et L. Clerc-Renaud, Réparation du préjudice corporel, 3e édition, Delmas, 2021-2022.

[17] Y. Lambert-Faivre, Rapport sur l’indemnisation du dommage corporel, juin 2003.

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