Le Quotidien du 9 décembre 2022

Le Quotidien

Assurances

[Brèves] Garantie pertes d’exploitation des restaurateurs et Covid-19 : victoire d’AXA devant la Cour de cassation !

Réf. : Cass. civ. 2, 1er décembre 2022, 4 arrêts, n° 21-15.392 N° Lexbase : A45218WD, n° 21-19.341 N° Lexbase : A45408W3, n° 21-19.342 N° Lexbase : A54888W8, et n° 21-19.343 N° Lexbase : A54858W3, FS-B+R

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 08 Décembre 2022

► Par quatre arrêts rendus le 1er décembre 2022, la Cour de cassation se prononce pour la première fois dans le cadre du contentieux opposant AXA à de nombreux restaurateurs réclamant la prise en charge des « pertes d’exploitation » subies du fait de la fermeture administrative imposée durant la crise sanitaire, dans le cadre de leur contrat d’assurance multirisques professionnelles, au titre de la « garantie perte d’exploitation en cas de fermeture administrative à la suite d’une épidémie » telle que prévue par le contrat ; censurant les arrêts rendus par la cour d’appel d’Aix-en-Provence, la Haute juridiction valide l’applicabilité de la clause d’exclusion de garantie litigieuse opposée par l’assureur.

Faits et procédure. En l’espèce, les affaires opposaient l’assureur AXA à différentes sociétés exploitant un fonds de commerce de restauration, ayant souscrit auprès de cet assureur un contrat d'assurance « multirisque professionnelle », comportant une garantie « perte d'exploitation suite à fermeture administrative » (dans l’affaire n° 21-15.392), et une garantie « protection financière » (dans les affaires n° 21-19.341, n° 21-19.342 et n° 21-19.343).

À la suite de l’arrêté, publié au Journal officiel le 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, édictant notamment l'interdiction pour les restaurants et débits de boissons d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret du 14 avril 2020, les sociétés avaient effectué une déclaration de sinistre auprès de l'assureur afin d'être indemnisées de leurs pertes d'exploitation en application d'une clause du contrat stipulant que : « La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même. 2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication ».

L'assureur avait refusé de garantir les sinistres en faisant valoir que l'extension de garantie ne pouvait pas être mise en œuvre en raison de la clause excluant : « ... les pertes d'exploitation lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ».

Les sociétés avaient effectué d’autres déclarations de sinistre à la suite de nouvelles fermetures administratives.

Elles avaient assigné l'assureur devant un tribunal de commerce à fin de garantie.

Décisions CA Aix-en-Provence. Pour rappel, la cour d’appel d’Aix-en-Provence fut la première des cours d’appel à se prononcer dans le cadre de ce contentieux, jugeant que devait être déclarée inopposable la clause excluant une telle garantie (CA Aix-en-Provence, 20 mai 2021, n° 20/10358 N° Lexbase : A35714S3, n° 20/13305 N° Lexbase : A42144SU et n° 20/08317 N° Lexbase : A43504SW ; v. notre brève, Lexbase Droit privé, n° 856, 4 mars 2021 N° Lexbase : N6635BYE ; v. R. Bigot, A. Cayol, obs. in Chronique de droit des assurances – Avril 2021, Lexbase Droit privé, n° 861, 8 avril 2021 N° Lexbase : N7115BY8).

Cassation. Sur pourvoi formé par l’assureur, la Cour suprême censure les décisions, sur deux points, au visa de l’article L. 113-1 du Code des assurances N° Lexbase : L0060AAH, dont elle rappelle les conditions d’application qui en résultent, à savoir que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de réalisation du risque doivent être formelles et limitées.

  • Sur le caractère « formel » et l’imprécision retenue par la cour d’appel de la clause d'exclusion du fait de l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie »

La Haute juridiction rappelle qu’une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation.

Dans ses arrêts rendus le 20 mai 2021, la cour d’appel avait retenu que si le terme « épidémie », que le contrat ne définissait pas, invoqué comme « cause identique » de fermeture administrative, devait être interprété, il en résultait nécessairement que la clause d'exclusion qui le visait ne pouvait être qualifiée de formelle, au sens des dispositions de l'article L. 113-1, alinéa 1er, du Code des assurances. Elle ajoutait que pour appréhender le mot « épidémie » et la notion de « population », l'assuré aurait dû préalablement consulter divers sites, rapports, articles de presse ou médecins.

À tort, selon la Cour régulatrice qui relève que la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme « épidémie » était sans incidence sur la compréhension, par l'assuré, des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait.

  • Sur le caractère « limité » de la clause d'exclusion

La Cour régulatrice rappelle ensuite qu’une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire.

En l’espèce, la cour d’appel, après avoir rappelé les termes de l'extension de garantie et ceux de la clause d'exclusion, avait retenu, d'abord, que l'obligation essentielle de l'assureur était celle d'indemniser son assuré des pertes d'exploitation subies à la suite d'une fermeture administrative en raison d'une épidémie.

Elle énonçait, ensuite, que l'exclusion n’était pas limitée dès lors qu'elle visait tout autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, faisant l'objet d'une fermeture administrative pour une cause identique, sur un territoire particulièrement vaste, puisque dépassant le simple cadre d'un village ou d'une ville, et que l'application pure et simple de cette clause aboutirait à ne pas garantir l'assuré des pertes d'exploitation subies en raison de la fermeture administrative de son restaurant pour épidémie de coronavirus, et à priver de sa substance l'obligation essentielle de garantie.

Ajoutant que l'assureur ne produisait aucune pièce concernant le cas où sa garantie aurait joué en cas d'épidémie, la cour en déduisait que la clause d'exclusion litigieuse ne satisfaisait pas aux conditions de l'article L. 113-1 du Code des assurances

Là encore, le raisonnement est censuré par la Cour de cassation, qui relève que la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance.

Pour aller plus loin : à noter que ces arrêts feront l'objet d'un commentaire approfondi dans la prochaine chronique de droit des Assurances d'Amandine Cayol et Rodolphe Bigot, à paraître dans la revue Lexbase Droit privé, n° 928 du 15 décembre 2022.

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Domaine public

[Brèves] Contrat d'occupation conclu par le Sénat sur son domaine public en vue de l'exploitation de courts de tennis : l’organisation d’une procédure de sélection préalable est obligatoire !

Réf. : CE, 2°-7° ch. réunies, 2 décembre 2022, n° 455033, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A69078WQ

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par Yann Le Foll

Le 08 Décembre 2022

► La conclusion d’un contrat d'occupation conclu par le Sénat sur son domaine public en vue de l'exploitation de courts de tennis doit être précédée de l’organisation d’une procédure de sélection préalable.

Faits. Le Sénat, affectataire du palais du Luxembourg, de l'hôtel du Petit Luxembourg, de leurs jardins et de leurs dépendances historiques, en application de l'article 2 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, a conclu avec la Ligue de Paris de Tennis (LPT) un contrat ayant pour objet d'autoriser celle-ci à occuper temporairement une partie de ces dépendances domaniales afin d'y exploiter six courts de tennis, ainsi que des locaux d'accueil, des vestiaires et des sanitaires.

Position CE. D'une part, aucune des stipulations de la convention ne permet de caractériser l'existence d'une mission de service public que le Sénat aurait entendu déléguer à cet organisme (CE, 2°-7° ch. réunies, 10 juillet 2020, n° 434582, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A17943RU).

D'autre part, si un certain nombre d'obligations pesaient sur le cocontractant, en termes notamment d'horaires et de travaux d'entretien, le Sénat ne s'est réservé aucun droit de contrôle sur la gestion même de l'activité sportive de la LPT. Ce contrat doit donc être regardé comme un contrat d'occupation du domaine public et non comme une concession de service public soumise, de ce fait, à des obligations de publicité et de mise en concurrence.

Cette convention a pour objet, ainsi qu'il ressort de son article 1er, de permettre l'exploitation de courts de tennis, laquelle constitue une activité de services au sens de la Directive 2006/123/CE, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur N° Lexbase : L8989HT4, et non un service d'intérêt général non économique qui ne relèverait pas de son champ d'application en vertu du a) du paragraphe 2 de son article 2.

Par ailleurs, en autorisant l'occupation d'une partie du jardin du Luxembourg, qui appartient au domaine public, le Sénat doit être regardé comme exerçant un rôle de contrôle ou de réglementation, et donc comme constituant une autorité compétente au sens de cette Directive. Le titre d'occupation, qui constitue un acte formel relatif à l'accès à une activité de service ou à son exercice, délivré à la suite d'une démarche auprès d'une autorité compétente, constitue donc une autorisation au sens de la même Directive.

En outre, l'autorisation d'occuper les six courts de tennis doit être regardée comme étant disponible en nombre limité, pour l'application de l'article 12 de la Directive 2006/123/CE, du 12 décembre 2006, dès lors que les biens qui en font l'objet, eu égard à leur localisation, à la faible disponibilité des installations comparables à Paris, en particulier au centre de cette ville, ainsi qu'à leur notoriété, sont faiblement substituables pour un prestataire offrant un service de location de courts de tennis et d'enseignement de ce sport dans la région parisienne.

Enfin, la spécificité de la LPT, en tant que délégataire de la Fédération française de tennis (FFT), n'implique pas qu'elle constitue le seul attributaire possible de ce titre d'occupation du domaine public et, par suite, que l'organisation d'une procédure de sélection s'avère impossible ou injustifiée.

Décision. Le contrat autorisant l'occupation d'une partie des dépendances domaniales du Sénat pour y exploiter six courts de tennis entrait donc dans les prévisions de l'article 12 de la Directive 2006/123/CE, du 12 décembre 2006, lesquelles sont susceptibles de s'appliquer aux autorisations d'occupation du domaine public (CJUE, 14 juillet 2016, aff. C-458/14 et C-67/15, Promoimpresa Srl N° Lexbase : A2158RX9). 

Ce contrat devait, par suite, faire l'objet d'une procédure de sélection préalable comportant toutes les garanties d'impartialité et de transparence (annulation CAA Paris, 6e ch., 27 mai 2021, n° 20PA02414 N° Lexbase : A11154W9).

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Données personnelles

[Brèves] « Droit à l’oubli » : la CJUE précise les obligations de déréférencement des moteurs de recherche

Réf. : CJUE, 8 mai 2022, aff. C-460/20 N° Lexbase : A88468XW

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par Vincent Téchené

Le 08 Décembre 2022

► L’exploitant d’un moteur de recherche doit procéder à la suppression d’un lien menant vers un contenu comportant des allégations que la personne ayant introduit la demande de déréférencement estime inexactes, peu important que la question de l’exactitude du contenu référencé ait été résolue, au moins à titre provisoire, dans le cadre d’un recours intenté par cette personne contre le fournisseur de contenu ;

En outre, lorsque la demande de déréférencement porte sur des photographies affichées sous la forme de vignettes, il y a lieu de tenir compte de la valeur informative de ces photographies indépendamment du contexte de leur publication sur la page internet d’où elles sont extraites, mais en prenant en considération tout élément textuel qui accompagne directement l’affichage de ces photographies dans les résultats de recherche et qui est susceptible d’apporter un éclairage sur la valeur informative de celles-ci.

Faits et procédure. Deux dirigeants d’un groupe de sociétés d’investissements ont demandé à Google de déréférencer des résultats lors d’une recherche effectuée à partir de leurs noms, reprenant des liens vers certains articles qui présentent de manière critique le modèle d’investissement de ce groupe. Ils font valoir que ces articles contiennent des allégations inexactes.

De plus, ils demandent à Google que des photos d’eux, affichées sous la forme de vignettes (thumbnails), soient supprimées de la liste des résultats d’une recherche d’images effectuée à partir de leurs noms. Cette liste n’affichait que les vignettes en tant que telles, sans reprendre les éléments du contexte de la publication des photos sur la page internet référencée. Autrement dit, le contexte initial de la publication des images n’était ni indiqué ni autrement visible lors de l’affichage des vignettes. Google a refusé de donner suite à ces demandes, en renvoyant au contexte professionnel dans lequel s’inscrivaient ces articles et photos et en arguant qu’elle ignorait si les informations contenues dans les articles sont exactes ou non.

La Cour fédérale de justice allemande, saisie de ce litige, a donc posé des questions préjudicielles à la CJUE portant sur l'interprétation du RGPD (Règlement n° 2016/679, du 27 avril 2016, art. 17 N° Lexbase : L0189K8I et de la Directive « e-privacy » (Directive n° 95/46/CE, du 24 octobre 1995, art. 12 et 14 N° Lexbase : L8240AUQ) lus à la lumière des articles 7, 8, 11 et 16 de la Charte des droits fondamentaux.

Décision. S’agissant, des obligations incombant au demandeur de déréférencement en raison d’un contenu inexact, la Cour souligne qu’il appartient au demandeur d’établir l’inexactitude manifeste des informations ou d’une partie de celles-ci qui n’est pas d’importance mineure. Toutefois, afin d’éviter de faire peser sur lui une charge excessive susceptible de nuire à l’effet utile du droit au déréférencement, il lui incombe uniquement de fournir les éléments de preuve qu’il peut lui être raisonnablement exigé de rechercher. Il n’est dès lors pas tenu, en principe, de produire, dès le stade précontentieux, une décision juridictionnelle obtenue contre l’éditeur du site internet en cause, même sous la forme d’une décision prise en référé.

S’agissant, d’autre part, des obligations et des responsabilités incombant à l’exploitant du moteur de recherche, la Cour considère qu’il ne saurait être tenu d’exercer un rôle actif dans la recherche d’éléments de fait qui ne sont pas étayés par la demande de déréférencement, aux fins d’en déterminer le bien-fondé.

Par conséquent, dans le cas où le demandeur de déréférencement présente des éléments de preuve pertinents et suffisants, aptes à étayer sa demande et établissant le caractère manifestement inexact des informations figurant dans le contenu référencé, l’exploitant du moteur de recherche est tenu de faire droit à cette demande. Il en va d’autant plus ainsi lorsqu’il présente une décision de justice le constatant. En revanche, dans le cas où le caractère inexact des informations figurant dans le contenu référencé n’apparaît pas de manière manifeste au vu des éléments de preuve fournis par le demandeur, cet exploitant n’est pas tenu, en l’absence d’une telle décision de justice, de faire droit à celle-ci. Toutefois, en pareil cas, le demandeur doit pouvoir saisir l’autorité de contrôle ou l’autorité judiciaire pour que celles-ci effectuent les vérifications nécessaires et ordonnent à ce responsable d’adopter les mesures qui s’imposent.

En ce qui concerne l’affichage des photos sous la forme de vignettes (thumbnails), la CJUE relève que lorsque l’exploitant d’un moteur de recherche est saisi d’une demande de déréférencement, il doit vérifier si l’affichage de ces photos est nécessaire à l’exercice du droit à la liberté d’information des internautes potentiellement intéressés à avoir accès à ces photos. Dans le cadre de la mise en balance relative aux photos affichées sous forme de vignettes, la Cour conclut qu’il y a lieu de tenir compte de leur valeur informative sans prendre en considération le contexte de leur publication sur la page internet d’où elles sont extraites. Cependant, tout élément textuel qui accompagne directement l’affichage des photos dans les résultats de recherche et qui est susceptible d’apporter un éclairage sur la valeur informative de celles-ci doit être pris en compte.

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Droit pénal des mineurs

[Brèves] Mesures de contrainte à l’égard des mineurs : le Conseil d’État renvoie une QPC

Réf. : CE, 6e-5e ch. réunies, 29 novembre 2022, n° 464528 N° Lexbase : A23198WS

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par Helena Viana

Le 15 Décembre 2022

► Le Conseil d’Etat décide de renvoyer les questions prioritaires de constitutionnalité relatives aux articles 397-2-1 et 55-1 du Code de procédure pénale et aux articles L. 413-16 et L. 413-17 du Code de la justice pénale des mineurs, tous introduits par la loi du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure.

À l’occasion de la requête en excès de pouvoir tendant à l’annulation de la circulaire n° CRIM-2022-11/H2 du 28 mars 2022 N° Lexbase : L2383MCA de présentation des dispositions résultant de la loi n° 2022-52, du 24 janvier 2022, relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure N° Lexbase : L7812MAL, le Syndicat de la magistrature, le Syndicat des avocats de France et l'association Groupe d'information et de soutien des immigrés ont soulevé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).

Les requérants demandaient au Conseil d’ État de renvoyer les questions prioritaires de constitutionnalité concernant les articles suivants :

  • les dispositions de l'article 397-2-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L8065MAX, dans leur rédaction issue de la loi du 24 janvier 2022 précitée : elles prévoient que le mineur comparaissant devant un tribunal peut être placé ou maintenu en détention par le tribunal jusqu’à sa comparution devant un juge spécialisé selon la procédure des articles L. 423-6 N° Lexbase : L2944L8K ou L. 423-9 N° Lexbase : L1726MA8 du Code de la justice pénale des mineurs ;
  • les dispositions du quatrième alinéa de l’article 55-1 du Code de procédure pénale et des articles L. 413-16 N° Lexbase : L8188MAI et L. 413-17 N° Lexbase : L8200MAX du Code de la justice pénale des mineurs, également dans leur rédaction issue de cette loi : les premières dispositions permettent à l’officier de police judiciaire de recourir à la contrainte aux fins de relever des empreintes digitales ou palmaires ou de procéder à une photographie pour permettre l’identification d’une personne majeure entendue pour un crime ou un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement et les secondes ouvrent cette faculté sous des conditions plus restrictives s’agissant des personnes mineures apparaissant manifestement être âgées d’au moins 13 ans.

Après avoir déclaré applicables au litige les deux dispositions contestées et énoncé qu’elles n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution, le Conseil d’État examine leur caractère sérieux.

Concernant l’article 397-2-1 du Code de procédure pénale.

Critique. Les requérants reprochaient à la disposition en premier lieu de permettre le placement en détention provisoire d’un mineur en dehors des cas prévus par le Code de la justice pénale des mineurs et sans distinction du critère de gravité de l’infraction reprochée. En second lieu, ils dénonçaient l’absence d’intervention d’une juridiction spécialisée, pourtant nécessaire lorsqu’il s’agit de mineurs, et le défaut de garanties suffisantes encadrant cette procédure.

Droits fondamentaux invoqués. Ce faisant, la disposition méconnaîtrait :

  • d’une part, la nécessaire protection de l’intérêt supérieur de l’enfant telle qu’elle résulte des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946, et des dispositions de l’article 9 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 N° Lexbase : L1373A9Q ;
  • et d’autre part, le principe fondamental reconnu par les lois de la République de la spécificité de la justice pénale des mineurs.

Concernant l’article 55-1 du Code de procédure pénale et des articles L. 413-16 et L. 413-17 du Code de la justice pénale des mineurs.

Critique. Les requérants critiquaient ces dispositions, en ce qu’elles autorisaient le recours à la contrainte pour alimenter les fichiers automatisés et le TAJ sans que cela ne soit nécessaire à la manifestation de la vérité et sans distinction de la gravité et de la complexité des infractions en cause. De plus, ils reprochaient aux dispositions de ne pas prévoir l’assistance d’u avocat pour les personnes majeures et la simple information de l’avocat pour les personnes mineures. Enfin, ils dénonçaient l’absence de garanties suffisantes entourant les opérations de contrainte à l’encontre des mineurs « manifestement âgés d’au moins treize ans ».

Droits fondamentaux invoqués. Ce faisant, les requérants soutenaient que les dispositions méconnaissent :

  • la présomption d’innocence garantie par l’article 9 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, le principe de dignité de la personne humaine et la liberté individuelle ainsi que le droit au respect de la vie privée garanti par l’article 2 de Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen N° Lexbase : L1366A9H ;
  • le droit à un procès équitable et le droit au respect des droits de la défense découlant de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen N° Lexbase : L1363A9D ;
  • la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Décision du Conseil d’État. Le Conseil d’État déclare que les moyens soulevés par les requérants soulèvent des questions présentant un caractère sérieux et décide de renvoyer les deux questions prioritaires de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

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Procédure prud'homale

[Brèves] Compétence du juge judiciaire en matière de fraude lors d’un transfert du contrat de travail d’un salarié protégé licencié

Réf. : Cass. soc., 23 novembre 2022, n° 21-11.776, FS-B N° Lexbase : A10728UA

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par Lisa Poinsot

Le 08 Décembre 2022

Le salarié protégé, dont le transfert du contrat de travail au profit du cessionnaire a été autorisé par l'inspecteur du travail et qui, à la suite de ce transfert, a été licencié après autorisation de l'autorité administrative, peut invoquer devant le juge judiciaire, eu égard aux circonstances dans lesquelles est intervenu le transfert, l'existence d'une fraude aux dispositions de l'article L. 1224-1 du Code du travail et solliciter sur ce fondement des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans que cette contestation, qui ne concerne pas le bien-fondé de la décision administrative qui a autorisé le transfert, porte atteinte au principe de la séparation des pouvoirs.

Faits et procédure. Plusieurs salariés, étant investis d’un mandat représentatif du personnel, voient, dans un premier temps, leur contrat de travail transféré auprès d’une autre société, après autorisation de l’inspecteur du travail. Dans un second temps, dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société cessionnaire, ces salariés se voient notifier leur licenciement pour motif économique, après autorisation de l’inspecteur du travail.

Ils saisissent donc la juridiction prud’homale de demandes tendant notamment à dire que le transfert de leur contrat de travail a été frauduleusement mis en œuvre et dire que les licenciements sont sans cause réelle et sérieuse.

La cour d’appel (CA Paris, 9 décembre 2020, n° 18/04553 N° Lexbase : A348239T) constate qu’elle est saisie de demandes des salariés tendant à la condamnation de la société cédante au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison d’une faute aux dispositions de l’article L. 1224-1 du Code du travail N° Lexbase : L0840H9Y.

Elle en déduit qu’en présence d’une suspicion de fraude, le juge judiciaire est compétent pour statuer sur la question de l’application de l’article L. 1224-1 du Code du travail quand l’autorité administrative, qui a donné son autorisation au licenciement du salarié par une décision définitive du 12 septembre 2012, a à cette occasion déjà constaté que les conditions d’application de l’article L. 1224-1 du Code du travail sont réunies.

Ainsi, elle se déclare compétente pour apprécier la réalité d’un transfert des moyens propres à l’entité transférée, mais incompétente sur l’existence d’une unité économique autonome.

Par ailleurs, elle affirme que pour la société cédante, le seul but de la cession sans avenir est d’éluder les règles relatives au licenciement, en sorte que la cession et les transferts des contrats de travail ont été effectués en fraude aux droits des salariés, lesquels sont dès lors bien fondés en leur demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse formée à l’encontre de la société cédante.

Elle en déduit l’existence d’une fraude à l’article L. 1224-1 du Code du travail en l’absence de transfert d’une unité économique autonome.

Par conséquent, elle condamne la société cédante à payer à chacun des salariés une certaine somme à titre de licenciement abusif.

La société cédante forme un pourvoi en cassation en soutenant :

  • le juge judiciaire ne peut, sous le prétexte que serait invoquée devant lui la règle suivant laquelle la fraude corrompt tout, violer le principe constitutionnel de la séparation des ordres administratif et judiciaire, et remettre ainsi en cause l'appréciation définitivement portée par l'autorité administrative des conditions d'application de l'article L. 1224-1 du Code du travail ;
  • l’autorisation de transfert d'un salarié protégé lie le juge judiciaire, non seulement sur la question de l'existence d'une unité économique autonome, mais également sur celle de la réunion des conditions d'application de l'article L.1224-1 du Code du travail.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi en application des articles L. 1224-1 N° Lexbase : L0840H9Y, L. 2414-1 N° Lexbase : L0974LTA et L. 2421-9 N° Lexbase : L0222H94 du Code du travail.

Pour aller plus loin :

  • v. Cass. soc., 8 décembre 2021, n° 20-13.680, F-D N° Lexbase : A79727EY : la juridiction prud’homale est compétente pour apprécier le caractère frauduleux d'une opération de cession, dès lors que la fraude alléguée était le fondement de la demande principale de la salariée tendant à la nullité du transfert de son contrat de travail ;
  • v. aussi : ÉTUDE : Les compétences du conseil de prud’hommes, Les litiges liés à l’exécution du contrat de travail, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E3725ET7 ;
  • sur la question du transfert du contrat de travail : v. ÉTUDE : La modification dans la situation juridique de l’employeur, Le sort des contrats de travail des salariés en cas de transfert partiel d’entreprise, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E8871ESD.

 

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Santé et sécurité au travail

[Brèves] Inaptitude : l’avis non contesté du médecin du travail s’impose à l’employeur, au salarié et au juge

Réf. : Cass. soc., 7 décembre 2022, n° 21-23.662, FS-B N° Lexbase : A85248XY

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N3599BZC

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par Lisa Poinsot

Le 14 Décembre 2022

L'avis émis par le médecin du travail, seul habilité à constater une inaptitude au travail, peut faire l'objet tant de la part de l'employeur que du salarié d'une contestation devant la formation de référé du conseil de prud'hommes qui peut examiner les éléments de toute nature ayant conduit au prononcé de l'avis. En l'absence d'un tel recours, cet avis s'impose aux parties.

Faits et procédure. À l’issue d’un arrêt de travail, un salarié est déclaré « inapte total » à son poste de travail par avis du médecin du travail dans lequel est précisé que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’entreprise.

Ce salarié saisit la juridiction prud’homale pour contesté son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

La cour d’appel (CA Angers, 15 juillet 2021, n° 19/00152 N° Lexbase : A26134ZS) constate que l’avis d’inaptitude rendu par le médecin du travail, le 11 avril 2017, mentionne les voies et les délais de recours. Elle relève que cet avis n’a fait l’objet d’aucune contestation dans le délai de quinze jours.

Les juges du fond en déduisent que la régularité de l’avis, qu’elle concerne les éléments purement médicaux ou l’étude de son poste, ne peut plus être contestée. Cet avis s’impose alors aux parties comme au juge.

Par conséquent, ils déclare l’absence de nullité du licenciement du salarié, ce licenciement étant fondé sur une cause réelle et sérieuse. Ils déboutent le salarié de ses demandes relatives au licenciement.

Le salarié forme alors un pourvoi en cassation en soutenant, notamment, que son inaptitude n'a pas été régulièrement constatée. Il argue que l'avis du médecin du travail ne prend pas en considération l'étude du poste de travail.

Pour rappel. L’employeur et le salarié peuvent chacun contester l’avis d’inaptitude rendu par le médecin du travail, reposant sur des éléments de nature médicale. Cette contestation ne tend pas à faire juger un manquement aux règles de l’art du médecin du travail à l’origine de l’avis, mais à analyser les conséquences sur les conditions de travail du salarié.

Elle a lieu devant le CPH, selon la procédure accélérée au fond, dans les quinze jours suivant leur notification. Le CPH peut alors ordonner une mesure d’instruction par la désignation d’un médecin expert.

Passé ce délai, la contestation devant le CPH est irrecevable. Le dépassement du délai constitue une fin de non-recevoir, de sorte que la partie négligente est forclose dans son action.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi sur le fondement de l’article L. 4624-7 du Code du travail N° Lexbase : L1789LRP, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 N° Lexbase : L8436K9C, de l’article R. 4624-45 du même code N° Lexbase : L2346LUG.

Par conséquent, le non-respect de la procédure du constat de l'inaptitude par le médecin du travail ne suffit pas à remettre en cause l'avis d'inaptitude.

La Cour de cassation confirme par ailleurs sa position adoptée dans un avis (Cass, soc., avis n° 15-002, 17 mars 2021, n° 21-70.002, publié N° Lexbase : A94564M8) : la contestation devant le CPH de l’avis d’inaptitude peut porter sur les éléments purement médicaux ou l’étude du poste du salarié. Elle prévoit donc une large interprétation de l’article L. 4624-7 du Code du travail.

Pour aller plus loin :

  • v. Cass. soc., 16 juin 2021, n° 20-10.386, F-D N° Lexbase : A65514WK : une simple erreur d’écriture du médecin du travail concernant le poste occupé par le salarié ne peut suffire à affecter la validité de son avis ;
  • v. aussi : ÉTUDES : La reprise du travail après un accident du travail ou une maladie professionnelle, La contestation  de l’avis du médecin du travail N° Lexbase : E3119ETP et L’inaptitude médicale au poste de travail du salarié à la suite d’une maladie non professionnelle, Les recours contre l’avis d’inaptitude du médecin du travail N° Lexbase : E079603U, in Droit du travail, Lexbase.

 

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Sûretés

[Brèves] Condition d’opposabilité aux tiers du nantissement de compte-titres et bénéfice de subrogation de la caution

Réf. : Cass. com., 30 novembre 2022, n° 20-23.554, F-B N° Lexbase : A45318WQ

Lecture: 7 min

N3554BZN

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par Vincent Téchené

Le 08 Décembre 2022

► Nonobstant toute clause contraire du contrat, le nantissement de compte-titres est valable et opposable aux tiers par le seul effet de la déclaration prévue par l’article L. 211-20, I du Code monétaire et financier, sans qu’aucune notification au teneur du compte-titres nanti ne soit requise ;

Par ailleurs, viole l’article 2314 du Code civil (dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2021-1192, du 15 septembre 2021), l’arrêt d’appel qui ne recherche pas si le créancier, en s’abstenant d’exercer son droit de gage sur le compte-titres à la date de la défaillance de la débitrice principale n’avait pas fait perdre à la caution un droit dont elle aurait pu bénéficier.

Faits et procédure. Une banque a consenti à une société un prêt in fine, destiné à financer partiellement l'acquisition d’actions d’une autre société (la cible). Ce prêt était garanti par le nantissement des titres, objet du prêt, et par la cession de toutes les créances nées ou à naître au titre d'une promesse d'achat consentie par des sociétés tierces, débitrices cédées, dans le cadre d'un pacte d'actionnaires portant sur les actions de la société cible que l’emprunteuse détiendrait. Par ailleurs, une personne s'est rendue caution envers la banque du remboursement du prêt.

La société emprunteuse ayant été condamnée à payer la banque, cette dernière a assigné en paiement la caution, qui a demandé sa décharge sur le fondement de l'article 2314 du Code civil N° Lexbase : L1373HIP, en soutenant que la banque avait laissé perdre ses autres garanties, dont elle aurait pu bénéficier par subrogation.

La cour d’appel d'Aix-en-Provence (CA Aix-en-Provence, 22 octobre 2020, n° 17/13038 N° Lexbase : A53413YH) ayant condamné la caution à payer, elle s’est pourvue en cassation.

Décision. En premier lieu, la Cour de cassation rappelle que, selon l'article L. 211-20, I du Code monétaire et financier N° Lexbase : L5543ICB, le nantissement d'un compte-titres est réalisé, tant entre les parties qu'à l'égard de la personne morale émettrice et des tiers, par une déclaration signée par le titulaire du compte, comportant les énonciations fixées par l'article D. 211-10 de ce code N° Lexbase : L6671LNE.

Elle estime alors qu’il résulte de ces dispositions que, nonobstant toute clause contraire du contrat de nantissement, le nantissement est valable et opposable aux tiers, par le seul effet de cette déclaration, sans qu'aucune notification au teneur du compte-titres nanti ne soit requise.

Dès lors, elle approuve l’arrêt d’appel en ce qu’il a notamment retenu que la délivrance d'une attestation de nantissement, qui constitue une simple faculté offerte au créancier gagiste, ne constitue pas une condition de validité du nantissement.

Par conséquent, en l’espèce, le nantissement était opposable aux tiers, y compris la société cible, émettrice des titres nantis et teneur du compte-titres, dès lors que les titres nantis étaient bien inscrits au compte-titres.

En second lieu, la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa de l’article 2314 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192, du 15 septembre 2021 N° Lexbase : L8997L7D.

Aux termes de ce texte, la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution.

Or, pour condamner la caution, l'arrêt d’appel a retenu que celle-ci a eu nécessairement connaissance des conditions stipulées dans l'acte de prêt, et notamment de l'obligation de maintien de la valeur des actions nanties, laquelle n'a pas été respectée eu égard à la procédure de liquidation judiciaire dont a fait l'objet la société émettrice des titres nantis. Il retient encore que l'engagement de préservation de la valeur des actions à la hauteur du prêt souscrit incombe à l'emprunteur, titulaire de ces actions, qui les offre en garantie du prêt souscrit, et non à la banque. Il n’appartenait donc pas, selon la cour d’appel, à la débitrice principale, titulaire des actions nanties, de veiller à la préservation de leur valeur et de surveiller toutes modifications éventuelles. En outre, il n'est nullement établi que la banque a eu connaissance des difficultés économiques de la société émettrice des titres nantis et de la perte de valeur des actions, dans la mesure où il n'est pas démontré qu'elle était la banque teneuse des comptes de cette société. Ainsi, la cour d’appel en déduit-elle que la caution ne peut se prévaloir du non-respect par la banque d'un éventuel devoir de vigilance de nature à justifier l'application de l'article 2314 du Code civil.

Mais la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel. Elle retient qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si, en s'abstenant d'exercer son droit de gage sur le compte-titres à la date de la défaillance de la débitrice principale, alors que la caution prétendait qu'à cette date, la valeur des actions nanties était très supérieure au montant du capital fixé dans l'acte de prêt, le créancier n'avait pas fait perdre à la caution un droit dont elle aurait pu bénéficier par subrogation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Observations. L’article L. 211-20 du Code monétaire et financier N° Lexbase : L0366L83, modifié par l’ordonnance de réforme de 2021, entrée en application le 1er janvier 2022, prévoit désormais que le nantissement d'un compte-titres est constitué, tant entre les parties qu'à l'égard de la personne morale émettrice et des tiers, par une déclaration signée par le titulaire du compte. Cette déclaration suffit à rendre la sûreté opposable aux tiers, aucune notification n’étant exigée à ce titre.

Avant cette précision bienvenue, la jurisprudence avait déjà retenu que « la constitution en gage d’un compte d’instruments financiers est réalisée, tant entre les parties qu’à l’égard de la personne morale émettrice et des tiers, par la seule déclaration de gage signée par le titulaire du compte » (Cass. com., 20 juin 2018, n° 17-12.559, F-P+B N° Lexbase : A8517XTM).

Quant au bénéfice de subrogation, il est repris par le nouvel article 2314 du Code civil N° Lexbase : L0178L84 (ici, la numérotation demeure inchangée). La formulation du texte est modernisée. Une nouveauté intéressante et importante mérite néanmoins d’être mise en avant : la caution ne peut plus reprocher au créancier son choix du mode de réalisation d’une sûreté (C. civ., art. 2314, al. 3), condamnant ainsi la jurisprudence antérieure (Cass. com., 8 mars 2017, n° 14-29.819, F-D N° Lexbase : A4600T3R).

La solution rendue par l’arrêt du 30 novembre est donc pleinement reconductible sous l’empire des nouveaux textes.

Pour aller plus loin :

  • v. pour les sûretés constituées avant le 1er janvier 2022 : ÉTUDE : Le nantissement de créances (dispositions applicables jusqu'au 31 décembre 2021), La déclaration de nantissement de compte-titres N° Lexbase : E8066XTW et ÉTUDE : L'extinction du cautionnement en raison d'une faute du créancier : le bénéfice de subrogation (dispositions applicables jusqu'au 31 décembre 2021), La perte d'un droit préférentiel N° Lexbase : E7581E9N, in Droit des sûretés, (dir. G. Piette), Lexbase.
  • v. pour les sûretés constituées à compter du 1er janvier 2022, ÉTUDE : Le nantissement, Une déclaration signée par le titulaire du compte N° Lexbase : E9454B4W et ÉTUDE : Le cautionnement, La sanction de la faute du créancier : le bénéfice de subrogation N° Lexbase : E9215B43, in Droit des sûretés, (dir. G. Piette), Lexbase.

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